Écoute voir ! Le Locle, Point d’ouïe, Point de vue

En résidence avec Jeanne Schmid, à Luxor Factory, Le Locle cité Neuchâteloise dont l’urbanisme horloger est classé au patrimoine Mondial de l’Unesco, nous posons une écoute et un regard croisé sur le site investi, arpenté au pas à pas.

Le Locle, Point d’ouïe, Point de vue

Aborder une ville par les sens, cherchant son essence, dans tous les sens, c’est l’arpenter pour tenter d’en lire des lignes fortes, directrices, saillantes ou sous-jacentes.

Après un temps de tâtonnements, errances, déambulations, hésitations, hypothèses, nous appréhendons Le Locle via trois axes qui nous semblent pertinents, si ce n’est évidents.

Il s’agit pour nous de retranscrire des parcelles de vie, de respirations, d’évolution d’une ville en mouvement perpétuel, d’en capturer des instants, fragments, paysages, au travers le filtre de nos pratiques artistiques. La ville et ses activités, ses habitants, ses industries, vivantes ou disparues, ses pratiques collectives, est le vivier de notre investigation, de notre récit en construction.

Comme dans tout récit, les traces du passé, du présent, et certainement d’un imaginaire assumé, d’une fiction audio-visuelle, tissent une petite histoire du Locle, à notre façon.

Le flux, le temps, l’impermence sont les trois lignes fortes que nous posons d’emblée comme fils conducteurs.

La ville flux est une ville sans cesse traversée de flux, aquatiques ou autres.

– Une rivière souterraine, une trentaine de fontaines, des moulins enterrés, la pluie parfois… L’eau est une quasi constante, structurante ici

– Les flux humains qui traversent la ville, flux de pas et de voix.

– Flux de voitures, dont les chuintements se mêlent parfois à ceux de l’eau.

La ville temps s’impose au Locle, un point fort de l’horlogerie, de la micromécanique de précision, du décolletage, avec sa quarantaine de fabriques. La mesure du temps qui passe, du présent et du passé est sans cesse rappellé au promeneur, via notamment l’urbanisme horloger (site classé au Patrimoine Mondial de l’Unesco).

En regard de notre première approche, le temps est également un flux, de celui qui marque l’histoire d’un lieu, entre passé présent et vision d’avenir.

La ville impermanence, c’est la ville qui bouge, qui connaît une succession d’incendies, démolissions, qui se fissure par endroits, subit des affaissement, écroulements. Les transformations sont permanentes, déconstructions et reconstructions. La ville est chantier, son impermanence la fait résistante aux flux comme au temps qui passe, et lui assure une résilience vitale.

 

Autour du flux, Fontaines Locloises, notre première production à quatre mains, quatre yeux et quatre oreilles. 

Vidéo Jeanne Schmid, son Gilles Malatray

Point d’ouïe, Charabotte, au fil de l’eau

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A droite, en contre-bas,
le défilé d’une petite rivière
montagneuse et tortueuse,
enserrée au creux d’une profonde combe,
murs minéraux et boisés quasi a-pic.
accidentée de micros chutes cascadantes
contrainte de blocs de pierre
obstacles perturbateurs
suivie discrètement de sentiers capricieux
apparaissant et disparaissant à l’oreille
au gré d’un détour soudain
parsemée de gourds bains sauvages
cernée d’une foisonnante végétation
Éole tricotant des tissus venteux à fleur de sentes
crissement de graviers roulant sous nos semelles
peu d’humain, ni d’animalité
une cascade repoussant toujours plus loin la faille falaise
qui la déversera enfin
au bout du chemin
ou presque au bout
assis sur des rochers bienveillants
maquettes d’ archipels pétrifiés
que les sinuosités de la rivières viennent caresser
et mille nuances d’aqua bruits sonnances.

Charabotte – Massif du Haut Buggy – Lundi 20 août 2018
Parcours Sensible – Workshop Titre à Venir

Point d’ouïe Titre à venir, Prémices en banc d’écoute

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Premier jour sur place pour les trois ou quatre premiers arrivants au workshop Titre à venir#5.
Nous procédons à l’installation de nos toiles de tente dans un site magnifique, un coteau à flanc de forêt dominant une combe peu encaissée et assez étroite, loin de toute habitation, espace de calme s’il en fut, acoustiquement, autant que visuellement; un oasis en espace naturel, montagnard, au sein des les haut-plateaux du massif du Bugey, entre forêts, combes, reculées et falaises un peu plus bas; une douce rupture avec l’urbanité Lyonnaise nous avons quittée ce début d’après-midi.
C’est dans cet espace de camping joliment sauvage que nous installons notre campement pour la dizaine de jours qui vont suivre.
A nuit tombante, ce beau moment si joliment nommé entre chiens et loups, nous marchons du Centre d’Art Contemporain de Lacoux, là où nous travaillons, vers notre campement, un peu plus haut, à près de deux kilomètres, effectués en devisant, sans nous presser.
Nous arrivons avec la nuit.
Un banc, que j’ai installé devant la combe dans l’après-midi nous accueille, sereinement.
Une halte pour notre trio, après cette petite marche de fin de journée.
D’un commun accord, sans rien nous dire, nous nous installons sur ce banc; nous nous installons également progressivement dans le silence; ou est-ce le silence qui s’installe en nous ?
Instant magique.
La lumière tombante, les ombres paysagères et les sons, même les plus ténus, prennent alors une place imposante, nous incluant dans ce décor, comme des guetteurs, à l’affut du moindre signe-bruissement, mais aussi rêveurs noctambules, s’enfonçant dans une quiète rêverie.
Cette posture de banc d’écoute, que j’affectionne tout particulièrement, mais qui reste assez rare dans une action commune, non préméditée, renforce un geste sensible, et surtout collectif.
Nous partageons, en silence, des ressentis, une forme de douce extase sensorielle sans doute, tels des randonneurs habitués à marcher ensemble de longues heures, au même rythme, sans mot dire, mais dans une forme de communion intime et quasi secrète pour le non initié, pour celui qui en est extérieur.
Nous ne savons pas combien de temps va durer cette scène, n’osant pas rompre ce silence qui laisse place à tous les micros bruits ambiants, chien au loin, rapace nocturne, feuilles qui chutent presque imperceptiblement du grand tilleul voisin, sans oublier deux voitures et quelques avions, comme pour nous rappeler notre appartenance à la civilisation contemporaine. Rien d’agressif toute fois, même les moteurs semblent un brin ouatés pour ne pas trop perturber, déranger, un paysage nocturne toute en rondeurs apaisantes.
Après avoir vérifié, c’est un peu plus d’une heure que nous avons passée sur ce banc, où la perte de repères temporels a gommé toute notion du temps écoulé, et construit un paysage qui aurait pu être ici comme à des milliers de kilomètres.
Et si la fraîcheur montagnarde, allant de paire avec l’épaississement de l’obscurité, n’avait pas mis fin à cette séquence impromptue, qui sait jusqu’où nous aurions poussée une forme de performance perceptuelle, aiguisée par le jeu de l’épuisement.
Je poursuivrai une heure encore, en solitaire, cette station d’écoute, jusqu’à ce que la fatigue me gagne, et me fasse sombrer dans un sommeil encore bercé de cette envoûtante ambiance.
Une très belle entrée en matière pour un workshop où le sensible est au centre de beaucoup de nos pratiques, dans un cadre qui devrait nous réserver encore beaucoup d’agréables surprises. A nous de les laisser venir et d’en tirer une matière que, malgré tous les plans que nous avons pu tirés en amont, reste encore sujette au micro événement non programmé, aux phénomènes inattendus, diraient certains philosophes de la perception.
A suivre…

Coupe de sons, Point d’ouïe

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N’ayant sans vergogne regardé aucun match de football durant cette coupe du monde, j’ai décidé hier, demi-finale oblige, de réparer cela, en ne regardant pas non plus ce dernier match.

Néanmoins, j’ai pris le parti d’écouter, non pas le match lui-même, mais plutôt ce qu’il génère comme ambiance dans l’espace public.

A 20H tapante, je me suis posté sur un banc d’écoute. Je l’ai choisi hors des places ou des rues où se trouvent beaucoup de bars, un brin éloigné du centre, là où l’on est entre des scènes acoustiques de proximité et la rumeur de la ville.

La première heure s’est révélée d’un calme plat assez décevant, pas de variations remarquables des ambiances habituelles, les même voitures, voix, sources sonores disparates. Heureusement, j’avais prévu un bon roman.

Puis, des cris qui s’échappent des fenêtres, des sifflets, une explosion de voix; j’en déduis que la France, ou plutôt son équipe footbalistique, a marqué un but.
Quelques interjections suivront, plus discrètes, puis tout redeviendra « comme avant ».

Le soufflé retombe, encore une période calme, sans remous, sans grandes émergences.

Puis les voix investissent, voire envahissent l’espace public « On est en final » et autres phrases de cet acabit. Le message est explicite, le match bouclé.
Voix, cris, pétards, prélude au 14 juillet à venir, sifflets, tout s’agite autour de moi, impassible écoutant sur son banc assis.

Petit à petit, les voitures sen mêlent, entrent en jeu, toutes cornes braillardes. Un déluge de klaxons, meuglant à qui mieux mieux, et des cris, des chants, des vociférations, comme mariage géant qui durera longtemps, une tonique débauche d’énergie.

Si le scénario avait été autre, je suppose qu’un calme qui aurait tout du désenjouement, si ce n’est de la désolation, marqueur de profondes déceptions, se serait installé, tout drapeaux rentrés, toute fierté retombée, toute gauloiserie éteinte.

J’ai hésité à enregistrer ces séquences, avant de décider de m’offrir cette petite séance à oreille nue, juste pour entendre les remous-variations d’une tranche de mondial, sans les images, ni les commentaires d’aucuns journalistes cocoricausant.

Station ZEP – Zone(s) d’Écoute(s) Prioritaire(s), marche des fiertés et fanfare – Lyon hausse le son

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Tout commence par une longue Station – ZEP – Zone d’Écoute Prioritaire , sur les marches de l’escalier de l’Hôtel de ville centrale, place des Terreaux à Lyon.
Trois heures de pause – écoute sur son, une première Desartsonnante.
Soleil assez vif, voire très vif en début d’après-midi.
La place est joliment festive.
Je branche ponctuellement mes micros sur de brefs événements, au gré de leurs apparitions et incidences.
Des groupes de marcheurs LGBT qui rejoignent joyeusement la Marche des fiertés LGBT, autrement nommée Gay Pride, Place Bellecour.
Nous la croiserons plus tard.
Il y a des voix.
Des cris, joyeux.
Des bribes de conversations.
Des rires.
Des chants.
Un match de football miniature organisé par Greenpeace opposant Diesel à Monde Pur sans voiture.
Et immuable, le fontaine Bartholdi en fond de scène chuintante.
L’écoutant est un peu en retrait.
Un peu en surplomb.
Une oreille qui embrasse une scène sonore parfois assez diffuse, avec des émergences ponctuelles.

 

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À bout d’écoute, enfin je le pense, je bouge.
Et pourtant cette fin de soirée restera encore tonique et sonique, plus que je ne le pensais a priori.
Je croise sur le chemin du retour la Marche des fiertés LGBT, et cette fois-ci, plus en ordre dispersé, mais en ordre de marche. Un défilé que j’entends de loin, et dont la rumeyur grandit rapidement.
Vivace, coloré, tonitruante, dansante, exubérante, joyeuse, revendicative, militante, multi-générationnelle, imposante, je m’approche de cette masse sonore et bariolée…
Liberté(s) de son corps, de ses pratiques sexuelles, sociales, mais aussi droits de l’homme, écologie, migrations, des revendications bouillonnantes d’actualité, voire même brûlantes sous ce soleil, en résonance, sur fond de disco mobile endiablée.
Des costumes et des corps bougeant, plus ou moins dénudés, courant, dansant, virevoltant, et un son Dance floor sur macadam d’enfer.
Je tente d’enregistrer, sature bien souvent mes micros. Tant pis, l’ambiance est communicative, j’ai envie d’en capter un brin de cette liesse collective énergisante.
Je remonte le défilé à contre-sens, jusqu’à son dernier convoi dansant.
Juste derrière, les balayeuses municipales qui nettoient à grandes eaux la rue, l’affaire est rondement menée.
Remontée de la rue Mercière et de ses restaurants, une ambiance moins dynamique, mais néanmoins joyeuse.
Le soleil met du baume au cœur, et aux corps.
Des voix, beaucoup.
Un cliquetis de mon sac, je n’ai pas pris la précaution pourtant élémentaire de chausser le casque pour éviter ces bruits parasites. Pas très pro.
Tant pis, un défaut qui restera tel quel, tic, tic, tic…

 

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Arrivé près de la place des Jacobins, je m’apprête à ranger magnétophone et micros.
Mais Lyon en ce jour hyper-sonique en décide autrement.
Une fanfare étudiante, festive, joue des mélodies populaires, près de la fontaine.
C’est ce que l’on appelle un « pétage », dans le jargon fanfaronnant.
Musique dans la rue, sur une place, avec un étui à instruments ouvert pour recueillir les dons du public, et une « petite » fête qui s’ensuivra si les auditeurs ont été généreux…
Autre musique que précédemment, acoustique cette fois-ci.
Un jeu parfois aux instruments un brin faux (musicalement parlant), mais qu’importe, c’est l’énergie festive qui prime là encore.
Déguisements, danses, et autres sympathiques clowneries bien rythmées.
Un public amusé et bon enfant.

Et toujours le soleil de la fête.

Presque saturé de sonorités festives, je quitte la fanfare sur ces derniers éclats de cuivres percutants.

Et tente de condenser cette grosse demi-journée en un montage audio, raccourcis de ces Station d’écoute et autres points d’ouïe aujourd’hui très enjoués.

 

Et les sons

 

 

Point d’ouïe – Station d’écoute collective n°1

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Station d’écoute collective n°1
ZEP – Zone d’Écoute Prioritaire

Action locale, In situ
Écoute statique, sur une durée assez longue, au cœur de la cité Lyonnaise. Former un groupe d’écoutants pour entrer en empathie avec la ville, s’immerger dans ses ambiances sonores, se laisser porter par les sons/musiques… Une expérience performative, sensorielle, relationnelle, perceptuelle.

Action délocalisée, ex situ
Vous pouvez pratiquer la même action ici ou là, ou ailleurs, si possible à la même date et dans les mêmes créneaux horaires, pour être en symbiose acoustique. Dans ce cas, toute trace photographique, sonore, écrite… Sera la bienvenue pour former et renforcer une communauté d’écoutants mettant ses oreilles en commun. voire créer des événements liés…

Croisements d’infos; faisons connaitre et partageons nos actions Station d’écoute et autres ZEP- Zones d’Écoute prioritaires !

contact : Desartsonnants@gmail.com

Lien  – Événement Facebook

 

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Points d’ouïe, du sentier au chantier d’écoute

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Les PAS – Parcours Audio Sensibles, jalonnés de haltes Points d’ouïe, mettent en avant des formes d’approches a priori paradoxales.
Au départ, tout est déjà là, installé, existant, préexistant, en mouvement, l’audible, le visuel, la matière, les multiples vibrations… Il n’y aurait donc plus qu’a puiser, tous sens activés, dans cette abondante ressource généreusement offerte à tout un chacun.
Pourtant, les PAS n’offrent pas une scène décorum auriculaire figée, « prête à l’écoute », mais engagent plutôt un chantier d’écoute permanent, à inventer et à construire et reconstruire au jour le jour, pas à pas.
Chacun doit fabriquer sa propre écoute, son propre paysage, qui ne sont pas d’emblée offerts comme une manne accessible et acquise sans effort.

Néanmoins, une des grandes richesses de ce perpétuel chantier est qu’il peut être activé dans tous les lieux possibles et imaginables, à n’importe quel moment, par des milliers de piétons (écoutants) planétaires, pour reprendre le formule de Thierry Davila*.

Plus que des réseaux, ou des objets numériques connectés, c’est l’oreille et par delà l’écoutant tout entier, corps vibrant, résonateur sensible, qui sont ici connectés en direct au monde. Et lorsque l’on prend conscience de cela, le chantier d’écoute n’en devient que plus intensément riche.

* http://www.amisdumagasin.com/2017/10/31/marcher-creer-deplacements-flaneries-derives-dans-lart-de-la-fin-du-xxe-paris/

Gare aux oreilles, un point d’ouïe, un banc d’écoute, une liste

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Des pas et des pas
beaucoup de pas
discrets ou claquants
assurés ou hésitants
rapides ou flâneurs…
Des voix et des voix
beaucoup de voix
féminines et masculines
Jeunes ou matures
dans différentes langues
différentes accentuations
des voix annonceuses aussi
microphoniques et amplifiées
des trains au loin
à gauche, au-dessus du talus entr’aperçus
grondant et ferraillant par intermittence
klaxonnant vivement
ponctuation virulente déchirant l’espace ferroviaire
et nocturne de surcroit
des métros chuintant en dessous
s’arrêtant puis repartant cycliques
des bips de composteurs véloces
stridences aigus sur bruit de fond magmatiques
des portes coulissantes
feutrées feulantes et sans claquement
et d’autres portes sésames
soumises aux cliquetis des tickets approuvés
parfois une sonnerie rageuse
bad compostage ou hors délai
puis un balai effleurant les dalles
en traquant l’immondice
un charriot cliquetant
des bruits de papiers froissés
de bouteilles jetées
decrescendo avec la nuit tombante
un apaisement gradué s’installe
des bus qui s’arrêtent tout près derrière la vitre
des portes qui s’ouvrent alors
des flux de pas et de voix en déferlantes
puis un relâchement détente résiliant
un calme envahissant qui revient
les espaces qui ’apaisent discrètement
les voix au loin encore
se perdant dans un enchevêtrement de réverbérations
un bébé braillard s’égosille
un curieux effet d’écho
au fond d’un long couloir vitré et obstinément dallé
deux enfants passent en trombe
de l’énergie dans les voix
de l’énergie dans les corps
des boules de vitalité
bousculant la presque somnolence des lieux
avant que de lui rendre
la sirène d’une escouade policière
parcourant furieusement les quais
une valise à roulette fait chanter le jointoiement des dalles
scansion entêtante qui marque son trajet indécis
crescendo decrescendo chaotiques
et vis et versa entremêlés
jusqu’à l’extinction lointaine irrémédiable
un tintement de clés des gardiens médiateurs
le vacarme oh combien envahissant
d’un rideau de fer qui coulisse en grondant
en fermeture d’un commerce fatigué
une gare toute aux oreilles en somme
sa multiplicité
ses acoustiques
ses activités
ses passagers
ses objets
fixes ou ambulants
ses ambiances changeantes
ses paysages forgés par l’écoute postée autant qu’obstinée
des scènes remodelées par les mots du récit adjacent.

 

 

Points d’ouïe, expérience acoustique

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PAS – Parcours Audio Sensible. C’est ici que l’on s’arrête, Point d’ouïe obligé, dans un couloir étroit, lumières à chaque extrémité, obscurité ambiante, immobiles, adossés, oreilles frémissantes. Un cadre sonore resserré devant, un autre derrière, des lointains proches, ou l’inverse. L’écoutant est au centre, dans une ligne-couloir circonscrite et très délimitée, expérience acoustique traversante, mêlant nos propres sons intimes à ceux d’une ville perçue en focales opposées. L’expérience est auditive autant que visuelle, humaine autant qu’architecturale, simple, autant que surprenante, frisant sinon fricotant avec l’in-ouïe.

Saillans 2017 – Festival « Et pendant ce temps les avions »

http://bza-asso.org/index.php/archives/-festival-2017/

Point d’ouïe, FluxOdiOcartO

PAS – Parcours Audio Sensible et cartographie sonore

FluxOdiOcartO est une action/installation audio-paysagère qui mixe en temps réel des ambiances sonores locales, pour nous les faire voir et entendre autrement. Nous fabriquons ainsi une scène acoustique et une cartographique singulière, à la fois bâties sur des points d’ouïe emblématiques, captés in situ, identifiables, et sur un brassage sonore permanent réalisé par une sorte d’audio-morphose numérique. Cette exploration auditive nous fera percevoir un paysage auriculaire en perpétuel mouvement, naviguant entre un terrain (re)connu et d’autres inouïs, mais toujours alimentés par le terreau sonore local, les ambiances du cru. C’est une façon ludique et prospective de (re)découvrir des territoires auriculaires environnants, de la concrétude du paysage arpenté jusqu’au qu’à son interprétation via le dispositif de monstration.
Entre apparition et disparition, cette installation, par de multiples morphings et polyphonies tissées en contrepoints, pose non seulement la question de l’identité sonore des lieux, de ses esthétiques, mais aussi de l’équilibre fragile, voire du déséquilibre acoustique, liés à une saturation ou à une paupérisation sonore tout aussi sclérosante. Ces dysfonctionnements chroniques se réfèrent et font écho aux concepts de l’écologie sonore, développés depuis les année 70 par le compositeur et chercheur Canadien Raymond Murray Schafer.
Et avec ta ville, ton quartier, tes lieux de vie, d’activité, comment tu t’entends ? la question est posée !
Entre musique(s) des lieux et questions environnementales, sont convoquées des approches esthétiques, tout autant que des problématiques liées au confort ou inconfort d’écoute, jusqu’au niveau de l’insupportable, de l’intolérable. En contrepartie, sont aussi abordées les questions des aménités paysagères, du plaisir d’entendre, de s’entendre, voire de bien s’entendre, réflexions primordiales entre toutes ici.
Ce travail, dans ses différentes phases d’élaboration ou dans sa globalité, peut faire l’objet d’ateliers partagés, outdoor/indoor, avec et pour différents publics.
Il peut également être complété par l’inauguration officielle d’un point d’ouïe. https://desartsonnantsbis.com/2016/05/23/inaugurez-votre-point-douie/

 

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Phasage

Phase 1 : Se promener dans une ville, un quartier, un espace rural, naturel, un site spécifique,…Écouter, repérer des points d’ouïe emblématiques, des ambiances caractéristiques (cloches, fontaines, acoustiques réverbérantes, échos, marchés, commerces…).

Phase 2 (en règle générale concomitante à la phase 1): Enregistrer des séquences sonores caractéristiques pour esquisser un paysage auriculaire des lieux investis, élaborer la construction d’une cartophonie in progress, d’un cheminement intra muros, un PAS – Parcours Audio Sensible.

Phase 3 : Positionner les sons et ambiances, les géolocaliser comme des Points d’ouïe sur une carte numérique, audio-géographique dédiée, aux paysages sonores, en prenant soin de les taguer et renseigner très précisément.

Phase 4 : Mettre en place un player multipiste, application qui mixera de façon aléatoire deux à 4 points sonores des lieux investis, avec la possibilité de les travailler/jouer en live lors d’une audition/performance, à la suite d’un PAS collectif, in situ.

Phase 5 : Mettre en scène la projection de la carte sonore qui se modifiera en même temps que les sons seront mixés, aléatoirement, en faisant voir les points écoutés et des liaisons mouvantes entre les différentes sources mixées (fond de carte et multi-player Open Source Aporee).

 

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Dispositif
Un espace d’installation plutôt obscur et acoustiquement isolé.
Un ordinateur relié à internet.
Un vidéo-projecteur.
Une surface de projection (assez grande).
une système se diffusion sonore de bonne qualité (2 ou 4 HP).
Une ville, un quartier, un site naturel et leurs ambiances à cueillir à fleur de tympans et de micros, des résidents, acteurs potentiels.

Timing
2 à 4 jours de repérage/écriture, voire une résidence artistique de quelques semaines à quelques mois, enregistrements in situ, dérushage et mixage des sons, création sonore contextuelle…
1 journée d’installation, pouvant être finalisée par un concert mixage audio-paysager en live, un ou plusieurs PAS – Parcours Audio Sensible publics…
L’installation pourra se poursuivre ensuite de façon autonome.

Intervenant(s)
Une personne, artiste sonore, promeneur écoutant, avec éventuellement d’autres acteurs associés, des participants à des ateliers dans les lieux d’accueil (Centres culturels, écoles, écoles de musiques, structures d’éducation populaire, conservatoires de musique, Beaux arts…).

Ce projet recherche des lieux de résidences, d’accueil, et équipes susceptibles   de ramifier et mailler des territoires/paysages sonores dans une synergie d’écoute partagée. Qu’on ce le dise !

 

Desartsonnants,
L’art du paysage sonore
Gilles Malatray-Desartsonnants
34, rue Roger Salangro 69007 LYON
28, rue Lamartine 69003 LYON
Skype : desartsonnants
Portable :07 80 06 14 65
desartsonnants@gmail.com

 

PAS Parcours Audio Sensible, des bosquets de Goutelas aux berges du Lignon

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C’est dans le cadre de rencontres autour de la thématique « Paysages en mouvement, lignes de fuite, lignes de vie » au Centre culturel du château de Goutelas, que Desartsonnants promène ses oreilles, ainsi que celles d’autres écoutants, dans la belle région du Forez. Entre plaine et monts, tout près de Saint-Étienne, le Forez, et plus spécifiquement le lieu où nous étions, a vu naître, sous la plume d’Honoré d’Urfé, le très célèbre roman fleuve l’Astrée. Cette fresque littéraire de presque 5400 pages, roman pastoral où bergers et bergères nouent et dénouent des aventures galantes, où il est question de politique guerrière et d’œuvres d’art, et où la nature très présente, a guidé nos PAS sur les sentiers de l’Astrée. L’œuvre est quasiment irracontable, aussi méandreuse que le Lignon et ses rives capricieuses.
L’Astrée débute ainsi «  « Auprès de l’ancienne ville de Lyon, du côté du soleil couchant, il y a un pays nommé Forez, qui en sa petitesse contient ce qu’il y a de plus rare au reste des Gaules… Plusieurs ruisseaux en divers lieux vont baignant la plaine de leurs claires ondes, mais l’un des plus beaux est Lignon, qui vagabond en son cours, aussi bien que douteux en sa source, va serpentant par cette plaine depuis les hautes montagnes de Cervières et de Chalmazel jusqu’à Feurs où Loire le recevant, et lui faisant perdre son nom propre, l’emporte pour tribut à l’Océan. », plantant d’emblée le décor bucolique qui accueillera néanmoins moult perfidies et intrigues. Ses chemins balisés nous emmèneront jusque dans l’un des territoires d’Arcadie, pas moins ! Pour finir de planter le décor, Céladon, le nom du berger héros de l’Astrée signifie « Chant du ruisseau » en Grec, et le Lignon, ruisseau astréen par excellence, sonne superbement bien, mais je vous en reparle très vite.
Pour revenir aux propos du colloque évoqué ci-avant, plusieurs thématiques ont été soulevées, défendues, décortiquées et discutées, par une phalange érudite de juristes, architectes et paysagistes, historiens, politiciens et autres chercheurs en sciences dures ou sociales.
J’avais donc, dans ce cadre, proposé de sortir hors-les-murs pour parcourir, ressentir, lire à haute oreille, deux tranches de territoires sur lesquels nous nous trouvions. Le premier, en nocturne, étant les proche des abords du Château de Goutelas, dans son parc boisé, ses sentiers sylvestres. Le second était une portion des chemins d’Astrée, là où, entre, autre se noya Céladon, l’amoureux dépité, qui fut du reste sauvé des eaux par des nymphes, permettant à l’œuvre de rebondir encore. Le parcours s’effectue en bordure du Lignon, boucle autour du château Renaissance de La Bâtie d’Urfé, de jour cette fois-ci.

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Un premier repérage hivernal, dans de beaux paysages enneigés m’avait d’emblée permis de découvrir ces beaux sites et d’en mesurer tout le potentiel sensible, et il est énorme.
Juste avant le début des rencontres, un autre repérage s’imposa, pour se remettre les parcours en jambes, les ambiances en oreilles, et trancher entre différentes variantes de parcours. Après ma première visite hivernale, le changement de décor est cette fois assez radical, en ces premiers jours d’automne. Les couleurs et lumières sont très différentes, hésitant entre le vert perdurant et l’ocre naissant, néanmoins toujours aussi belles, changeantes. Les sonorités elles, sont plus actives, notamment avec les oiseaux qui profitent d’une agréable douceur post estivale. Le château de Goutelas est beaucoup plus animé que lors de mon premier passage, entre promeneurs et participants aux rencontres. Néanmoins j’avais beaucoup apprécié l’atmosphère hivernale, un brin ouatée, dans ses apaisantes lumières neigeuses et ses vivifiantes fraîcheurs.

J’effectue donc deux repérages en solitaire dans les bois du parc, de jour et de nuit, et un autre près du Lignon, accompagné d’une personne très engagée dans la vie du centre culturel de Goutelas, très activement militante dirais-je même. Nous sommes accompagnés par sa pétulante petite chienne, qui jouit tout autant que nous des beautés de ces paysages foréziens, voire qui semble elle-même nous guider sur les chemins du Lignon qu’elle connait visiblement par cœur.

Première sortie publique en nocturne. La fraîcheur automnale se fait nettement sentir. Après une petite histoire du paysage sonore, du paléolithique à nos jours, pas moins, en mentionnant quelques jalons de musiciens « environnementalistes », de mouvements écologiques auriculaires, de nouvelles pratiques croisées entre esthétiques et aménagement du territoire, tourisme culturel et patrimoine sonore, nous nous enfonçons dans la nuit.
Une chouette hulotte nous salue de ses cris, vigile discrète nous surveillant de l’épaisseur des frondaisons. Ses appels marquent la nuit de repères spatio-temporels qui nous invitent à la pérégrination. L’obscurité se fait vite presque totale, la lune ne se levant que très tardivement à cette époque. Nos sens n’en sont que plus en alerte. Le son de nos pas, parfois hésitants, foulant feuilles mortes et branchages, rythme notre avancée de mille craquements et froissements amplifiés par la nuit.
A l’embranchement de chemins élargissant le paysage vers des collines devinées, au loin, je sonnerai de la trompe pour exciter les échos du Forez, perturbation temporaire qui fera taire, momentanément, les oiseaux nocturnes.
Quelques lumières du Chambon-sur-Lignon pénètrent timidement la forêt, et quelques sons urbains, lointains et très étouffés. Soudain, alors que je jouais à égrener de subtils tintements d’une boule chinoise, la cloche anime le paysage, par une sorte de magie de l’instant, de l’imprévu, d’un contrepoint-réponse arrivant à point nommé. Onze coups dans une atmosphère nocturne, qui se répéteront quelques minutes plus tard. Plus loin, sur un élargissement de la sente, se sera la voix d’Écho, désespérée de l’ignorance Narcissique, qui se mourra d’amour jusqu’à se fondre dans la forêt, réduite à une seule voix fragile et solitaire, condamnée à répéter toujours les derrniers sons qu’elle entend. Une micro installation sonore éphémère qui je trouve, sonne très poétiquement dans les arcanes de la nuit.
Au retour, nous ausculterons des matières et végétaux pour terminer ce parcours en toute intimité, avec la chose sonore.

Deuxième PAS vers 10 heures du matin, alors qu’un soleil timide, mais qui se montrera de plus en plus généreux, tente de percer les nuages insistants.
Nous somme devant l’emblématique château de la Bâtie d’Urée, qui sera en quelque sorte le pivot de notre marche, point de départ et d’arrivée d’une boucle, pastorale à souhait. Le Lignon, et un de ses biefs alimentant le château, seront notre fil conducteur, de bosquets en prairies, de rives enchâssées en plages de galets.
L’atmosphère de cette déambulation, matinale, sera donc très différente de celle de la veille au soir, autres ouvertures – fermetures paysagères, autres lumières, odeurs, sons, ressentis… J’effectue une présentation, préambule, mise en oreille, toujours autour des thématiques du paysage-environnement sonore, axes qui guideront encore nos pas.
Le fil rouge sonore sera bien cette fois-ci une, ou plutôt des ambiances aquatiques, déroulant sous nos oreilles rafraichies tout un vocabulaire émaillé de glouglouttis, clapotements, chuintements, et autres bruissonnements du Lignon.
Cette rivière capricieuse, nous mène dans de multiples détours, chemins facétieux, de rives en bosquets, nous faisant suivre parfois des bras morts, dont certains seront revivifiés au fil des saisons et des pluies. Tantôt nous entendons le Lignon tout proche, tantôt, au fil d’un détour, nous le perdons d’ouïe, en même temps que de vue, puis il se rapproche à nouveau, en fondue sonore progressive, ou très vite, sans prévenir.
A chaque rencontres, le Lignon se révèlera si différent ! La richesse de ce parcours tient sans doute beaucoup à ces thèmes et variations au fil des ondes.
Un pont enjambant la rivière se fait instrument de percussion. En effet, en le martelant, tapotant, grattant, l’oreille collée à ses rambardes métalliques, nous déclenchons une série de sons étranges, fugaces, rapides, aux couleurs d’un synthétiseur surprenant. Une improvisation collective nait spontanément de cette étrangeté acoustique. Un grand merci aux deux jeunes architectes, dont leur belle cabane en renouée du japon voisine avec ce pont, de m’avoir signalé cette particularité auriculaire !
Plus loin encore, nous trouvons le « Tombeau du poète », site astréen, une stèle et un monticule de terre recouvert de lierre, entourés d’arbres, et de bancs. Nous nous y asseyons et, magie du moment, les images et les sons mêlés peignent une scène romantique à souhait. Des corbeaux coassent en volant d’arbre en arbre, des coups de fusils d’une battue de chasseurs animent le paysage au lointain, face à ce tombeau que nombre de peintres auraient pu coucher sur la toile, nous somme plongés en plein cœur d’un Freischütz Forézien, d’un promenade romantique, introspective, que Goethe lui-même n’aurait pas dénié vivre.
Bifurquant pour revenir ver le château de départ, nous longeons le bief qui nous apparait tout à coup fort silencieux, laissant la place aux oiseaux que le soleil, réchauffant progressivement les lieux, poussent à chanter un brin plus vélocement. La dernière prairie nous fait passer de la pénombre des bosquets à la lumière vive d’espaces ouverts, où l’écoute même se déploie vers des horizons plus lointains. Horizons marqués d’ailleurs ce jour là de trainées sonores vrombissantes, un rallye automobile nous apprend t-on. Pour autant, ces rumeurs motorisées, dans leur éloignement, en contrepoint aux coups de feu des chasseurs, n’envahissent pas la scène acoustique. Elles lui conférent même en toile de fond, écoutées avec un certain recul, une posture « musicale », plutôt intéressante, esthétiquement parlant. Au cours du parcours, il y aura bien entendu eu une micro installation sonore éphémère, et une auscultation des objets environnants, sortes de marques de fabrique des PAS Desartsonnants.
Ainsi s’achève in situ, de belles et riches journées du colloque « Paysage, lignes de fuite, lignes de vie »

Point d’ouïe – Face à la mer

Point d’ouïe – Face à la mer

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C’est une illustration, presque une modélisation de mes Points d’ouïe, où le regard comme l’écoute recherchent une forme d’exaltation sensorielle, en même temps qu’une profonde sérénité…

C’est aussi un geste récurrent chez moi, que de placer une, ou des chaises, à un endroit acoustiquement stratégique, et d’y capter avidement le bruit du monde, ou d’une parcelle de monde. Une radio ouverte sur des ondes toujours en mouvement. Une installation sonore indomptée, à ciel ouvert, et à 360°. Ou bien encore de dénicher des bancs publics pour les transformer en bancs d’écoute, tout à la fois lieux d’échanges et affûts sonores…

Les images, parfois, suggèrent les sons, comme un beau paysage peut les attirer dans une scène d’écoute qui nous met, dans ces micros événements spatio-temporels, dans une profonde connivence avec le monde, si ce n’est une exaltante harmonie fusionnelle…

L’attention à la marche

Inauguration d’un Point d’Ouïe et PAS à La Romieu – Made of Walking 2017

L’attention à la marche

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Made of Walking 2017 s’est tenue dans la petite cité de La Romieu – littéralement une toponymie qui nous enseigne du fait que les pèlerins vont (allaient) à Rome en passant par ou en partant de ce village. C’est ici où se sont rassemblés fin août, une quarantaine de marcheurs, dessinateurs, penseurs, écoutants, venus de différents pays. Des ateliers en marche et réflexions se sont déroulés une semaine durant, de jour, de nuit, poétiques, philosophiques, méditatifs, militants, déambulants.
http://www.themilena.com/pdf-files-projects-the-milena-principle/s-programme-FR-MOW-La-Romieu-final.pdf
Le village de La Romieu est aujourd’hui une étape de pèlerinage importante, non plus vers Rome, mais pour Saint-Jacques de Compostelle. Son patrimoine bâti, un ensemble collégial classé au patrimoine mondial de l’Unesco, un lavoir gothique, la beauté de ses paysages alentours, font que le village constitue un lieu de rencontre symbolique pour tester, pratiquer et célébrer moult formes de déambulations pédestres.

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Comme à mon habitude, et d’autant plus que le séjour se déroule sur une semaine, je m’installe progressivement dans une forme d’immersion. Il s’agit pour moi d’errer de ci de là, tôt le matin, dans la journée, à nuit tombée. Je marche bien sûr, mais aussi prends la mesure de la vie sonore des lieux en m’asseyant sur les différents bancs qui ponctuent La Romieu, de pierre (mon préféré), de bois ou de métal. Mes oreilles sont toujours titillées par l’excitation de découvrir un lieu inconnu, que j’écoute, mais regarde aussi avec une certaine gourmandise sensorielle. J’adore les rencontres, les échanges, avec mes logeurs, les habitants, les commerçants – où trouver ceci et cela, entre autres des spécialités locales, à manger comme à boire. Les spécificités culinaires et viticoles, les produits du cru, j’y ai découvert le melon de Lectoure, de succulents fromages de chèvre locaux, véritables régals, sont un autre patrimoine qui possède pour moi de vraies valeurs repères pour comprendre et bien se sentir dans un territoire.

Mais il faut également entrer dans l’histoire, petite ou grande, ancienne ou en cours, pages couvertes de récits au quotidien, que la marche révèle au fil des pas. Et l’histoire de La Romieu est riche, son architecture en témoigne, mais aussi cette belle légende des chats d’Angeline, et la présence en chair et en os de Rimbô, le célèbre félin, chat fétiche et très âgé du village, à qui une équipe d’artistes a même dédié un parcours géolocalisé.
La Romieu se tisse à mes oreilles des sons du jour comme de la nuit, la cloche de la Collégiale égrenant ses tintements, son Angelus, les terrasses des restaurants qui s’ouvrent et se ferment, avec les clients qui discutent sous les arcades séculaires autant que joliment réverbérantes, un lavoir qui glougloute dans un écrin de verdure bruissonnant, des pas, des rires, un village qui s’anime et s’endort au fil des heures, l’acoustique de ses ruelles très serrées peuplées de pigeons qui s’envolent effarouchés, des nids de jeunes hirondelles pépiantes, lovées sous les toits… C’est ainsi que se dessine, par bribes, l’histoire sonore du lieu, la mienne en tous cas, mais aussi celle que je tenterai de partager avec le plaisir sans cesse renouvelé d’ausculter en groupe l’audio biotope du village, et sa poésie auriculaire intrinsèque.

L’un de mes objectifs, outre de procéder à des PAS – Parcours Audio Sensible, un nocturne et l’autre diurne, est aussi de repérer, de choisir un Point d’ouïe remarquable, afin de l’inaugurer officiellement.
Le premier PAS fut nocturne. Nous sommes entrés dans une douce histoire sonore, au moment où s’endort le village, où des voix et des sons de télé sourdent des fenêtres, où Écho s’installe pour quelques instants dans une intime ruelle, par le biais d’une micro installation sonore éphémère, où l’on ausculte le sons de nos pas sur les graviers (hommage à Pauline Oliveros) via des « longues-ouïes ». Nous auscultons aussi les chants secrets de la végétation, des arbustes, des pierres… Nous plongeons un instant dans la nuit peuplée d’une multitudes de chants d’insectes et autres discrets nocturnes. Le bas du village nous livre un incroyable moment de silence, instant si rare aujourd’hui. Nous finissons notre parcours sur la terrasse désertée d’un bar, pour communier dans l’écoute une dernière fois, ensemble, dans le calme du village…
Le second parcours fut diurne, et donc sensiblement différent. Nous entrons dans les résonance du cloître de la Collégiale, écoutons ici aussi le son de nos pas dans le déambulatoire, auscultons les végétaux du jardin et la pierre de l’édifice. Nous déplorons la « musique de fond » qui écrase et annihile la pourtant belle acoustique de l’église. Dans la somptueuse chapelle peinte, nous jouons avec l’acoustique, par un chant diphonique, et surprise, une réponse chantée nous parvient du haut des escaliers de la tour, où un homme, accompagné de son fils, joue lui aussi avec les résonances des lieux. Une belle et inopinée réponse vocale que nous conserverons dans un recoin de l’oreille.
Chacun de ces deux PAS, si différents fussent-ils, nous entrainent, nous embarquent dans une trame sonore spécifique à La Romieu.

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Arrive alors le jour de l’inauguration officielle du Point d’ouïe. Ce dernier à été finalement très vite choisi. Il s’agit du magnifique lavoir gothique, en contre-bas du village. Ce site s’est très vite imposé à moi, enceinte aquatique, verdoyante, oasis de calme peuplé, selon les heures, des chants d’oiseaux, d’insectes, des glouglouttements de l’eau, du vent dans les arbres environnants, très prégnant ce jour-ci. D’ailleurs, d’autres artistes avaient choisi ce lieu pour installer leur voix dans une très longue et performative lecture publique de Peter Jaeger, ou pour jouer en contrepoints avec le plic-ploc ambiants et de nouvelles gouttelettes installées par Inge van den Kroonenberg. D’autres encore y reproduiront des gestes séculaires du pliage des draps.
Ce nouveau Point d’ouïe est inauguré en présence de Monsieur le Maire de La Romieu, de l’élue à la culture, d’un élu du Conseil Régional, des représentants de l’association culturelle le bouc qui zouke, d’habitants et des marcheurs de Made of Walking.
Nous y soulignerons que, au-delà du côté symbolique, voire anecdotique, de cette inauguration, c’est une forme de militance pour la belle écoute, la protection de tels lieux, y compris acoustiquement, le plaisir de ré-écouter nos espaces de vie. A cette militance écologique, cette prise de position ancrée dans une écologie sonore telle que l’a pensée Raymond Murray Schafer, viendra s’ajouter de façon plus impromptue, celle d’une militance pour la cause féminine, mélangeant ainsi quelque peu les torchons et les serviettes, ce qui est presque « normal » dans un lavoir. Ainsi se croisent inopinément deux revendications, l’une liée à l’écoute, l’autre à la cause des femmes, dans l’espace symbolique du lavoir, lieu de travail, lieu de rencontres, lieu d’échanges, et ici de revendications.
Comme à l’accoutumée, nous nous rendrons en marche silencieuse vers ce nouveau Point d’ouïe et, après les discours officiels, observerons quelques minutes de silence/écoute collective, non pas commémoratives, mais bien pour acter de l’inauguration de ce nouveau lieu d’écoute à ajouter à la liste de ceux déjà existants.
La mairie, en partenariat avec l’association culturelle locale le bouc qui zouke, matérialisera d’ailleurs le Point d’ouïe d’un panneau in situ.

La carte postale sonore  réalisée durant le séjour est un montage audio de différentes ambiances de nuit et de jour, lors de repérages effectués en solitaire, du centre bourg au lavoir. C’est une vision (audition) très personnelle de La Romieu by Desartsonnants, entre zooms, ambiances, jeux de portails et gouttes d’eau, et bien sûr l’appel quelques chats nocturnes venus saluer mes micros.

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Documents, liens

Vidéo inauguration par ArtFactories : https://vimeo.com/233304865?activityReferer=1

Carte postale sonore, écoutez ici : https://www.mixcloud.com/desartssonnants/lattention-à-la-marche-la-romieu-made-of-walking-2017/

Le Point d’ouïe du lavoir de La Romieu est géolocalisé et répertorié ici – https://www.google.com/maps/d/u/0/edit?mid=1pnyLlyY12C6HeaqKgJhOmLMFM-w&hl=fr&ll=43.983500128879484%2C0.49816358284022044&z=19

 

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Partition de PAS – Parcours Audio Sensible, partition n°6 – « immobilité, statues de l’écoute »

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Public
Solitaire, à 2, en  groupe

Temporalité et durée
De jour, de nuit, durée variable, de quelques minutes à quelques heures

Lieu
Ici ou là, en ville ou en milieu naturel, ailleurs…

Actions


- Choisissez un itinéraire, repéré, ou non; sinon préférez lui une pure errance…
– Mettez vous en marche
– Lorsque vous en sentez le besoin, lorsqu’il se passe à vos oreilles des choses intéressantes, surprenantes, immobilisez vous
– Gardez, autant que faire se peut,  une immobilité totale, quelques minutes, plus, beaucoup plus… Selon l’humeur et la scène qui se joue, votre résistance physique à l’absence de tout mouvement
– Écoutez en vous sentant au centre, le centre, du paysage sonore. Sentez le bouger autour de vous. Ces temps d’écoute immobiles s’effectueront il va sans dire dans le plus parfait silence.
– Repartez lorsque vous le souhaitez, et réitérer l’action autant de fois que vous le désirez

 

Remarques et variations
Si vous effectuez ces actions en groupe, n’ayez pas peur d’être observés avec une certaine curiosité, voire jouez en pour interroger l’espace public et ses passants intrigués.

Si groupe il y a, ce dernier devra rester assez compact pour conserver l’énergie partagée de l’écoute collective.

Un ou plusieurs décideurs pourront proposer des points d’écoute immobiles. Tout un chacun peut le faire à un moment donné après en avoir signalé son intention au groupe.

 

 

Postures – Installations d’écoute(s) collective(s)

Version forestière

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Se tenir debout, longuement, immobile, au cœur de la forêt, et l’écouter bruisser. Aujourd’hui, ma recherche questionne les façons d’installer une forme d’écoute performative, via différentes postures physiques et mentales, quelque soit le lieu (nature/urbanité…) et de préférence en groupe.

Version panoramique

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Belvédère acoustique… Dominer le sujet ? pas vraiment certain d’y parvenir à ce jour…

La question de la posture, ou des postures, comme une façon d’installer de nouvelles formes d’écoute, donc de nouveaux paysages sonores, pose une problématique qui irrigue et alimente mes travaux, tant dans le faire que dans la réflexion. Comment donner vie à une écoute intense, collective, par quelles postures physiques et mentales ? Comment plonger ses oreilles dans une forêt comme en centre ville, en périphérie comme dans des sites architecturaux, en les transformant en scènes auditives, en installations sonores permanentes ? Et par delà, se pose la question de comment partager ces constructions sonores à un groupe, via des gestes performatifs, oscillant entre marche et immobilité ?

Version urbaine

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La notion de groupe partageant une même (in)action, in-action, notamment celle de l’écoute est bien au cœur du questionnement. Comment mettre en place des espaces d’écoute par des formes de rituels, de cérémonies, la création des micro communautés éphémères d’écoutants ? Comment la trace du geste accompli  pourrait, à contrecoup, influencer (durablement) des sensibilités plus actives ?  Autant de terrains restant très largement à explorer… Jeux de l’ouïe, le chantier est vaste et d’autant plus passionnant.

« Donc, si vous voulez, mon art serait de vivre ; chaque seconde, chaque respiration est une œuvre qui n’est inscrite nulle part, qui n’est ni visuelle ni cérébrale. C’est une sorte d’euphorie constante. »
Marcel Duchamp

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Paysages – espaces sonores, une prolifération mise en récit

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L’écouteur, et qui plus est le promeneur écoutant que je suis est un vaste réceptacle sonore. Il reçoit en lui, parfois à son corps défendant, via l’oreille et tout un système de capteurs sensitifs osseux, aqueux, neuronaux, des milliers et des milliers de sons.
Par exemple, je suis ici, à ce moment, sur un banc, urbain (moi et le banc), écouteur assis au centre du paysage
moteurs cliquetants
voix à droites, étouffées
voix à gauche, criardes
train devant, en hauteur, sur sa voie talutée, ferraillante, coulée mécanique
bus à l’arrêt, soufflant et haletant
poussettes et planches à roulettes conjointes
voix riantes, derrière moi
claquements des perches de trams sur les lignes électriques…
Il y va d’une formidable accumulation a priori sans fin, exponentielle déferlante.
Fort heureusement, des portes, des masquages, des gommages, des évictions, un panel de filtres psycho-acoustiques, régulent le flux, rangeant au passage dans des casiers le déjà entendu, le déjà nomenclaturé, le (re)connu, et engrangeant et domptant l’inouïe.
Mais à certains moments, le rangement ne suffit plus. Il me faut aller plus loin pour ne pas me noyer  dans une méandreuse galerie sonore, labyrinthique à souhait, pour la requestionner à l’envi.
Peut-être, même certainement user du mot, de la phrase, de l’énonciation, chercher l’incarnation. La parole, comme verbe incarné, ou incarnant, tel un prédicat prenant possession des sons jusqu’à leur adjoindre une vie dans une histoire retricotée.
Le récit s’avance alors.
La parole se déploie, métaphorisant de multiples écoutes où des traces sonores, des particules mémorielles partiellement enfouies, sont réactivées dans des moments d’audition contés.
La ville à cet instant et dans ce lieu, vue et entendue comme un agencement métastasé et proliférant de grincements, de vocalises, de bruissements, souffles, tintamarres, ferraillements, tintements et mille autres sonifiances.
Les sons s’agencent par un récit qui les décrypte, les convoquant dans une forme de matérialité, les reconfigure à la lettre près, à la phrase près, à la métaphore près, néanmoins approximativement.
Le tissage de mots tire les sons vers une vie organique, les extrayant d’une éponge captant sans égards ni filtrages, la moindre vibration acoustique, ou presque, harmonique ou dysharmonique.
C’est l’instant de la matière extirpée d’un magma informel, reconstruite par un récit multiple et ouvert.
Ce sont des flux de vibrations du dehors – la ville, l’espace ambiant, et du dedans – une forme de construction, d’abstraction intellectuelle, sans compter d’innombrables  allers-retours et chevauchements entre ces pôles.
Des cheminements incertains, qui se déclinent au fil d’une mémoire, d’une trajectoire validant les zones d’incertitude, quitte à les prendre pour des réalités, tout en sachant bien qu’elles ne le sont pas, ne le seront jamais.
Nous voila à l’endroit où la matière sonore impalpable se cristallise  comme une cité Phénix renaissant de ses propres ondes.
Nous voici dans l’usinage d’un paysage sonore puisant dans une forme d’immatérialité hésitante, elle-même croissant sur un terreau de sono-géographies fuyantes autant qu’éphémères.
Le récit aura sans doute charge de faire un tant soit peu perdurer ce ou ces paysages complexes.
C’est donc d’ici, assis sur un banc par exemple, stylo en main, à  l’ancienne, que peut se rebâtir un espace sonore parmi tant d’autres, reliant oreille, parcelle de ville, images, stimuli, pensée, à un territoire vibratoire bien vivant.
C’est donc également à cet endroit-ci que les sons matières engendrerons par le récit leurs représentations, toutefois propres à chacun.
C’est sur ce banc de bois, ici en espace stratégique, symbolique, que des trajectoires ponctués d’ingurgitations, d’emmagasinements, de régurgitations, feront que l’écoutant que je suis ne sera sans doute jamais assez repu pour capituler devant une pourtant surabondance chronique.
J’en arrive à penser parfois qu’une forme de  récit, par définition fictionnel, est plus bénéfique que la tentative d’embrasser une insaisissable réalité, bien trop complexe dans sa perpétuelle mouvance. Tout au moins dans un récit qui soit, qui reste nourricier, gorgé d’aménités échappant à une matière trop plombée d’expansions systémiques.
Toujours à l’endroit de ce banc d’écoute, parcelle de ville comme de Monde, point d’ouïe, sweet-spot, mille et une sonorités ne renoncent jamais à me raconter un paysage sonore singulier, un récit auriculaire urbain, écrit et réécrit à ma façon, comme un territoire audio habitus, quitte parfois à rechercher la jouissance dans l’excès magmatique de la chose sonore.

Points d’ouïe Sardes

Chroniques de Cagliari et alentours à l’écoute

 

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Contexte
Stage de prise de sons audio naturaliste*, à Cagliari (Sardaigne), encadré par Bernard Fort du GMVL (Groupe de Musique Vivantes de Lyon), accueilli par les Amici della Musica di Cagliari, dans le cadre du projet européen Erasmus+ « Le paysage sonore dans lequel nous vivons »

Prologue
Arrivés tôt le matin, une journée d’exploration urbaine libre s’offre à nous, pédestre bien entendu. En journée comme de nuit, environ cinq heures d’arpentage du haut en bas de Cagliari, et les pentes n’y manquent pas, histoire de se mettre au diapason de la ville. Ses places et bancs, ses recoins, acoustiques, la langue qui reste pour moi musique des mots, une fête nationale… Mais aussi des couleurs, des odeurs, la mer au pied de la cité. Des espaces resserrés de ruelles en ruelles, des panoramiques offerts sur le sommet d’espaces pentus, une ville qui n’est pas encore investie par les touristes, saison oblige, assez nature, qui me semble de prime abord très accueillante, et qui par la suite se révélera l’être vraiment, le tout sous un soleil un brin frais pour la saison.

Pédagogie, des méthodes, un brin de théorie, voire plus
Dés le début du stage, de nombreuses questions sont abordées, autour des techniques de prise de son, notamment audio naturaliste, du matériel, des méthodes de nettoyage, dérushage, compositions liées au paysage sonore. L’occasion pour ma part de me frotter à des pratiques audio naturalistes, qui ne sont pas forcément dans mes habitudes, ni compétences, et de les comparer avec des expériences plutôt liées aux soundwalks et field recordings anthropophoniques qui me sont plus familières.
Certes la base commune reste l’écoute, néanmoins, le fait de confronter des expériences de praticiens sardes, italiens, portugais, grecs, ne peut qu’enrichir nos propres travaux et réflexions par ces échanges transnationaux.

Captations de terrain
Parce que la théorie à elle seule ne suffit pas à comprendre et savoir faire, il nous faut partir sur le terrain, avec une paire d’oreilles affutées, autant que puise se faire, et son magnétophone numérique, parabole, couples stéréo, et autres dispositifs de prises ce sons.
L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt dit-on parfois, et bien c’est au petit jour, voire avant, à cinq heures du matin que nous nous retrouvons.
Première escapade, une pointe rocheuse du Cap Sant’Elia, qui, après un sentier un brin pentu au départ, nous amène sur un promontoire, site archéologique, dominant joliment la ville. Le jour se lève à notre arrivée. Sur ce site archéologique à la flore typiquement maquis méditerranéen, les oiseaux marins se partagent le territoire (sonore) avec ceux des terres. L’occasion pour sortir de nos sacs les enregistreurs et de capter tout ce qui bouge, ou presque. Nous sommes parfois dans un entre-deux, sur certains versants, où la rumeur de la ville qui s’éveille se mêle aux ressacs de la mer, à tel point de ne plus savoir exactement parfois qui dit quoi, et de fait ce qu’on entend vraiment… Cerise sur le gâteau si je puis dire, alors que j’enregistre ce curieux mélange de fond urbano-marin, se met en marche une soufflerie, au bas d ‘une falaise, incroyablement puissante, au point de gommer quasiment tout autre son du paysage. Entorse à la pratique audio naturaliste et penchants personnels qui reprennent insidieusement le dessus, j’’enregistre consciencieusement cette « aberration sonore » qui vient violemment contrarier le paysage sonore.

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Autre point d’intérêt, pour moi, une cabane dont les planchers en caillebotis de bois sont mis en musique par des centaines de gouttes d’eau; il a plu peu avant notre ascension. Plusieurs prises de sons sous différents angles, pour envisager par la suite la façon de rendre l’ambiance des lieux, ou de tenter de le faire… Et bien sûr les nombreux et incontournables oiseaux locaux, prolixes au lever du jour
Sons dans les besaces, ou plutôt  disques durs et cartes SD, nous redescendons notre butin vers la ville.

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Deuxième escapade, tout aussi matinale, la réserve naturelle de Monte Arcosu, gérée par la World Wildlife Fund, à une vingtaine de kilomètres de Cagliari. Une escale incroyablement dépaysante pour nos oreilles, et notre regard, voire tous nos sens. Emmenés par une guide, nous traversons, en voiture, un paysage de maquis méditerranéen, au sein d’un massif de moyenne montagne, en empruntant un chemin assez chaotique, pour nous retrouver dans un véritable oasis sonore. Arrivés à destination, moteurs éteints nous passerons une journée sans aucune trace motorisée, sans aucune rumeur urbaine, et même, chose incroyable, avec un seul passage d’avion au loin. Ici la douce rumeur et tissées d’oiseaux et de ruisseaux, de vent dans les branchage et du crissement de nos pas. c’est je pense la première fois que je ressens une telle quiétude dans un paysage havre de paix, où les oreilles comme les yeux sont  véritablement à la fête. Je profite personnellement de cette journée pour tester différentes techniques et micros, notamment au fil d’un cours d’eau, où je promène des micros X/Y, MS et un hydrophone, auscultation aquatique et aviaire oblige, ou comment raconter le paysage au gré de l’onde. Le retour à la civilisation de Cagliari nous montre combien ce genre de lieu est rare et de ce fait à protéger impérativement, y compris (et surtout) en terme d’écologie sonore.

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Dernière escapade d’écoute de notre séjour, et non des moindres, la procession de Sant’Efisio, le jour du premier mai. C’est une autre cerise sur la gâteau, hors de notre champ d’étude initial, qui nous est offert en supplément si je puis dire. Nous somme ici dans un univers urbain, entourés de sons  propres à l’activité humaines, anthropophoniques diraient certains. nous sommes également dans un cadre lui aussi extraordinaire, une des plus grandes et longues processions du bassin méditerranéen, s’étalant sur plusieurs jours et environ soixante kilomètres. Cet immense cortège dédié à San Efisio part du centre de Cagliari, avec des milliers de participants, hommes et femmes en tenues traditionnelles sardes, bœufs enrubannées et enclochetés tirant d’énormes charrettes de bois enguirlandés, chevaux et cavaliers en grand apparat où noirs rouges et ors rivalisent en riches étoffes … Et puis au niveau du paysage sonore, un monde riche, coloré, tissé de chants et prières, d’ensembles de musiciens jouant des launeddas, flutes à trois tuyaux typiquement sarde, jouées en respiration circulaire, ce qui donne une nappe sonore quasi  ininterrompue, sans compter les sabots des chevaux et bœufs battant le pavé et leurs guirlandes de milliers de clochettes tintinnabulantes. Ajoutons à cela la foule enjouée les applaudissements, les voix chantantes de la Méditerranée, les cloches de midi saluant à la volée la procession, et pour finir, l’incroyable et puissant concert de cornes de bateaux sur le port saluant le départ du saint hors de la ville. Bref une ambiance, un paysage que mes oreilles goûtent avec grand plaisir. Ce jour là, après un repérage la veille, chacun avait choisi ses micros et emplacements, postés ici ou là, sur une place, un balcon, un carrefour… J’ai quand à moi décidé d’être mobile, itinérant, restant dans ma logique de promeneur écoutant, d’arpenteur de bitume. De la tour du bastion la plus haute de la cité, en passant par des places, avenues, jusqu’au port, suivant un groupe, ou l’écoutant passer devant moi, micros collés aux roues de bois d’un char, ou captant un plus large panorama, je teste différentes postures en tentant de capter l’esprit de cette immense fête religieuse. Et la tâche n’est pas facile devant la richesse et la diversité de la scène acoustique.
Les fins de soirées urbaines, hors contexte du stage, ont été pour moi, d’autres terrains d’exploration, de marches solitaires, d’écoute(s), au fil de petites ou grandes places, des bancs, des squares, des chanteurs de rue, des cris enfants, des terrasses de restaurants, de la vie qui se déroule à l’oreille, des ambiances du Sud où dés les premiers beaux-jours l’espace public est animé, bien vivant.

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Bref, en 7 journées, Cagliari et ses environs m’auront donner bien du son à moudre ! Et présage de nombreuses heures restant à réécouter, nettoyer, trier, monter, affiner ces cartes postales sonores, qu’elles soient issues d’espaces naturels ou urbains.
Et puis sans doute l’envie de retourner un jour à Cagliari pour saisir tout ce que je n’ai pas eu le temps de faire, comme dans de nombreux lieux où j’ai posé oreilles et micros, toujours insatisfaits de devoir partir si vite…

Des sons à venir…

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*Audionaturalisme

L’audionaturalisme est l’étude et la connaissance de la nature par le biais des sons qu’elle produit. Le terme « naturalisme » est généralement employé de nos jours dans une acception qui l’entraîne hors de la science officielle. Peut-être parce que cette dernière, trop cloisonnée, a rejeté le terme de « sciences naturelles » qui évoque trop la tradition pluridisciplinaire héritée des Lumières, de l’Encyclopédie et des grandes expéditions. On peut dire que les naturalistes sont aujourd’hui plus des connaisseurs de la nature – des pratiquants des sciences naturelles, en somme – que des personnes ayant un statut de chercheur. Dès lors, l’audionaturaliste serait un amateur éclairé (ou un professionnel qui n’est ni biologiste, ni acousticien : ce peut être un musicien, un preneur de son, un animateur…) qui se consacre à l’étude des sons de la nature. En marge du milieu scientifique universitaire, les audionaturalistes poursuivent des activités de description et de connaissance de la nature. Ils se focalisent en particulier sur la connaissance du monde animal à travers la production et l’écoute d’enregistrements sonores

Point d’ouïe et rêve(s) de sons

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Je me suis souvent demandé pourquoi les villes, ou des parcelles de villes, des événements urbains, petits ou grands, exerçaient sur moi une telle fascination auditive.

Les immenses marchés de Tananarive, la fontaine souterraine dite des lépreux à Dole, le carillon de Bruges, l’incroyable procession de San Efiso à Cagliari, les fontaines d’Aix-en-Provence, une transhumance à Aubrac, la grosse cloche de la cathédrale de Lausanne répercutée sur les collines voisines… autant de sites/événements, parmi tant d’autres, qui ont marqué durablement l’écoutant que je suis. De petites pépites auriculaires, de véritables friandises sonores.

Ces images fortes, ancrées dans le compartiment archives sonores de ma mémoire, sont pour moi de puissants raccourcis sensibles, totalement subjectifs, de petites ou grandes villes arpentées, parfois dans certaines circonstances murement préméditées, d’autres fois dans des rencontres surprises effectuées par le plus grand des hasards.

Suite à cette collections de sons, j’imagine aujourd’hui ce que j’aimerais entendre, ce que je rêverai de « voir pour de vrai », les ou la ville où il me plairait de promener mes oreilles.

Dans mon imaginaire, sans doute allègrement fabulateur, mais aussi d’après des lectures et des retours de résidents et visiteurs, c’est Rio de Janeiro qui remporte au final mon adhésion, et où je rêverais de faire escale. Ville mythique, où la mer, les plages, la forêt urbaine, la musique, la fête… semblent pour moi une sorte d’Eldorado pour le promeneur écoutant, même si, je m’en doute bien bien, de nombreuses autres facettes moins carte postale devraient inévitablement influencer la façon de tendre mes oreilles et micros. Il n’en reste pas moins ce puissant attrait d’un Rio aux couleurs sonores excitant fortement mon imagination. Un rêve d’écoutant en recherche de dépaysement pour rafraîchir son écoute gourmande, sinon insatiable.

Alors si des Cariocas, ou autres, savent comment faire ?

Point d’ouïe campanaire à Cagliari

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Desartsonnants ne le répètera jamais assez, il adore lorsqu’il y a quelque chose qui cloche dans le paysage. Ici à Cagliari, du centre ville au bastion supérieur, il joue à fabriquer, après écoute, un petit raccourci spatio-temporel… Ceci dans le cadre du projet Erasmus+ « Le paysage sonore dans lequel nous vivons » – avec GMVL Musiques Vivantes de Lyon

En fait, l’un des marqueur spatio-temporel qualitatif et installé dans l’espace public, préféré de Desartsonnants est certainement celui proposé par ces belles dames d’airain hautes perchées, au voix tellement différentes du Nord au sud, de ville en ville, de clochers en beffrois.

Je les cherche, les écoute avec délectation, les capte, en collectionne les envolées et sonneries carillonnantes.

J’aime entendre comment elles inter-agissent sur l’espace public, lui donnant une texture, des dimensions, des plans, d’échos en réverbérations, des profondeurs rapprochées ou éloignées au gré des vents tourbillonnants, de nos postes d’écoute, du lieu où elles nous surprennent.

PAS – Parcours Audio Sensible et inauguration d’un Point d’ouïe à Saillans

Saillans Sons

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Invité dans le cadre du festival « Et pendant ce temps les avions » pour une série de PAS – Parcours Audio Sensibles et l’inauguration d’un nouveau Point d’ouïe, je découvre le magnifique village de Saillans, blotti au pied des contreforts du Diois et tout contre les rives de la Drôme et du Rieussec.
La toponymie du village met d’emblée en avant la saillance, ce qui saillit, les montagnes environnantes, l’eau qui sourd ici et là, qui sourd pourtant sonore, rubans rivières et intimes fontaines, la musiques des rues, y compris celle des musiciens invités pour le week-end de Pacques, et qui font sonner le marché dominical…
Ici, même le système politique construit dans un modèle original de démocratie participative fait saillante, voire résistance, hors du schéma classique.
Les saillances y sont d’ailleurs plutôt douces sous le soleil printanier.
Dès mon arrivée, j’arpente rues et rives. Premier repérage. Prendre la température acoustique des lieux. S’imprégner des ondes locales, apaisantes à mon goût.
Un axe, une rue, deux ponts, deux rivières, une géométrie simple, impossible de s’y perdre, même pour moi, inguérissable désorienté.
Et pourtant, paradoxalement, Dédale semble avoir joué par ici à entrelacer d’étroites ruelles, passages couverts, placettes, sentes intimes, resserrés, naviguant de part et d’autre de la grande rue, qui nous font serpenter entre de belles bâtisses de pierre. Et l’oreille se réjouit ainsi. Rue principale, des voix, des terrasses de bars, quelques voitures, puis on oblique, on s’enfonce dans une minuscule ruelle, une fois à droite, une fois à gauche, et tout change. Un incroyable calme s’installe. des tendres réverbérations, un étouffement, un apaisement soudain de la ville. Un presque silence que viennent animer des sons s’échappant discrètement des fenêtres. Un petit régal à fleur de pierre, à l’ombre de l’agitation, qui reste néanmoins une quiète agitation. De coupures en coupures déambulons, les changements d’ambiances se succèdent surprenants, et malgré tout sans heurts, sereinement.

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Un fil conducteur se trace, déjà évoqué, la présence de l’eau qui rythme le village. Au bas, la Drôme (la course) et le Rieussec (Ruisseau sec), qui glougloutent et chuintent, aujourd’hui encore en eau, bientôt peut-être, en avançant vers l’été, asséchés ou transformés en modestes rus serpentant entre les galets. On imagine néanmoins, en regardant les rives de la Drôme, que son actuel état tranquille peut, à certaine saisons, se faire vue furieuse dont on se représente assez bien le puissant grondement. Deux fontaines complètent en symétrie le paysage aquatique, et perlent l’espace de leurs gouttes cristallines. Ce sont non pas de grandes fontaines imposantes, mais plutôt de petits oasis rafraîchissants, comme le Sud sait  si bien en installer pour ponctuer joliment l’espace. Espace acoustique également, même si on ne les devine guère que lorsque nous croisons leurs chemins. Et pourtant, elles sont de vrais marqueurs auditifs, incontournables points d’ouïe jalonnant le parcours. Nous ne manqueront d’ailleurs pas de venir en ausculter (eau sculptée) une à chaque PAS, nous asseyant autour de sa margelle, puis plongeant longues-ouïes et stéthoscopes dans son bassin, improvisant une aqua-scène de bulles glougloutantes. Instant ludique pour petits et grands, car chaque PAS constitua d’ailleurs un groupe de tous âges, où chacun observa d’ailleurs, quasi religieusement, une « règle du silence en écoute », ce qui donna à ces expériences partagées une incroyable force, puisant dans la synergie émanant du groupe-même. L’un des grands attraits des écoutes partagées, je ne me le répèterai jamais assez.
Donc nous effectuons à chaque PAS une déambulation traboulante, mes accointances lyonnaises ressortent ainsi, avec ici quelques fugaces sons installés (justement un métro lyonnais), transport sonore décalé dans ce village, ici des tintinabullis faisant doucement sonner ruelles et voûtes – ici une halte dans le beau silence de l’église, ici une pause assis au bord de l’eau qui dévale gentiment la vallée, ici encore une oreille collée à un pont, ou bien sous les peupliers trembles chantant dans le vent… des jeux de postures, de micros surprises, aller chercher l’écho de la montagne ou l’infime son des petites choses qui crissent sous nos PAS.
A l’issue de chaque PAS, je questionne les participants sur leur Point d’ouïe idéal, leur Sweet-Spot diraient nos amis anglo-saxons, celui qu’ils aimeraient inaugurer comme espace d’écoute privilégié. Étant dans une municipalité à démocratie participative où la voix de chaque électeur compte, je ne pouvait pas faire moins que d’adopter une démarche (des marches) participative(s). Les avis divergent, même si des lieux reviennent souvent, rives, fontaine, ruelles… Petits et grands s’expriment sur ce qu’ils ont entendus, ce qu’ils élirait comme Pont d’ouïe marquant, j’aime, j’aime moins, j’adore…
Il me faudra trancher, et à l’aune des réponse, et de mon ressentis, je choisis d’installé mon Point d’ouïe sous le pont du Rieussec. Juste ce qu’il faut de sons et de calmes, de vie et de quiétude, un bel équilibre verdoyant, mais néanmoins directement connecté à la pierre, à la vie villageoise.
Une des promenade s’achèvera donc par l’inauguration officielle du point d’ouïe, petit discours d’un des élus présents, trois minutes de silence écoute pour marquer l’événement, avant que de faire en sorte que ce nouveau Point d’ouïe ne rejoigne la cartes de ces prédécesseurs désormais géolocalisées.
Le dimanche, une partie des musiciens improvisateurs du festival investissent le marché, les rues et places, dialoguent d’instrument à instrument, facétieux, volubiles ou discrets, jouant avec les acoustiques, ruissellement de notes et de sons qui tissent une musique sur la musique même des lieux, contrepoint
C’est ainsi, dans la très bonne ambiance de ce festival où se sont croisé publics, organisateurs, bénévoles, musiciens, visiteurs auditeurs, marcheurs écoutants d’un jour, amis venus me faire un coucou clin d’oreille… que j’augmente ma collection de six PAS fraîchement parcourus et d’un nouveau Point d’ouïe inauguré. Merci à tous les acteurs de ces belles rencontres !

Musiques des lieux et des instruments

https://www.mixcloud.com/desartssonnants/saillant-sons/

Carte des Points d’ouïe Inaugurés

https://www.google.com/maps/d/edit?mid=1pnyLlyY12C6HeaqKgJhOmLMFM-w&ll=44.6970819543434%2C5.195798078771531&z=19

Site du festival « Et pendant ce temps les avions »

http://bza-asso.org/index.php/etpendantcetempslesavions1/

Point d’ouïe , partition de Parcours Audio Sensible n°1

Partition de PAS – Parcours Audio Sensible n°1
« Banc d’écoute »

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Lieu :  A votre choix
Temporalité :  A votre choix
Participant (s): Solitaire, en duo, à trois ou quatre
Milieu : Urbain ou rural
Spécificité : Un ou des banc(s) public(s)

Actions :
– Choisissez un point de départ dans votre ville, village, quartier, ailleurs…
– Mettez vous en marche jusqu’à ce que vous trouviez un banc public.
– Asseyez vous y.
– Écoutez la ville, au minimum trois minutes, plus si affinité, jusqu’à ce que vous le souhaitiez.
– Quittez le banc.
– Gardez l’expérience dans un coin de votre mémoire.

Variante 1
– Invitez un passant, même et surtout inconnu à partager votre banc d ‘écoute
– Parlez de l’expérience partagée avec lui rétrospectivement.

Variante 2
– Effectuez un circuit de bancs d’écoute en réitérant sur plusieurs assises l’expérience, en journée, de nuit…

Variante 3
– Demandez à Desartsonnants de vous accompagner dans cette partition « Banc d’écoute »

Variante 4
– Relatez par écrit, en quelque mots, votre expérience à Desartsonnants (lieu, heure, durée, choses entendues, ressentis…)

Point d’ouïe campanaire à Lyon

 

Place des Terreaux, y’a quelque chose qui cloche(s) !

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Lors d’une balade repérage à Lyon, un carillonneur joue sur le fabuleux, et trop méconnu carillon de l’Hôtel de Ville. Une douce pluie de notes cristallines, virtuoses, bataillent contre les flux routiers.
A l’instar des grandes villes du Nord, 65 cloches de 6 à 4 800 kg font du carillon de l’Hôtel de Ville de Lyon l’un des plus grands d’Europe, et l’instrument a été joué par des musiciens internationaux. On ne l’entend hélas que trop rarement.

Fort heureusement, ce jour là, j’ai un magnétophone à la main.

http://aporee.org/maps/work/?loc=35836

https://www.mixcloud.com/desartssonnants/place-des-terreaux-ya-quelque-chose-qui-cloche/

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PAS – Parcours Audio sensible, à la recherche de l’ordinaire extraordinaire

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Il y a quelques jours, nous avons emmené, avec Nomade Land, au cours de plusieurs PAS de jeunes étudiants en première année de BTS.
Les professeurs me dirent en préambule que ces promenades s’inscrivent dans un projet qui s’amorce autour de « l’extraordinaire ».
Vaste sujet s’il en est.
Donc je me demande logiquement en quoi mes PAS sont extraordinaires, ou si je dois pour l’occasion les rendre moins ordinaires, donc un peu plus extra-ordinaires.
Mais aussi qu’est-ce que, pour moi, promeneur écoutant, l’extraordinaire ?
Simple réponse, voire simpliste réponse, c’est sans doute ce qui sort de l’ordinaire.
Bien et alors, la marche est un acte somme toute ordinaire.
Écouter est un geste également ordinaire, sauf pour, comme aurait dit Brassens.
Par contre, écouter en marchant, ou marcher en écoutant, devient quelque chose de moins… habituel, donc d’un peu plus extra-ordinaire.
Si l’on ajoute le fait de faire cela en groupe.
Et qui plus est en silence.
Et sur une durée qui peut être parfois bien plus importante que les 3 minutes formatées au standard des radio/télés/chansons, alors là…
Nous tenons peut-être un tout petit début d’extraordinaire, restant néanmoins à portée d’oreilles, au coin de la rue.
Cela reste , dirais-je, un extraordinaire assez ordinaire.
Alors il me faut creuser un peu plus.
Par exemple, aller écouter dans des lieux improbables.
Au pied d’un tunnel routier vouté, en pierre, assez ancien, très pentu, écoutants tapis dans un recoin sombre, en principe interdit au public piétonnier, pour pimenter l’affaire.
Au fond d’un jardin urbain bien caché, assez peu visité, surtout en ce jour glacial, avec la bise qui nous cingle les oreilles.
Dans une cour étroite, reculée, planquée derrière des portes de bois apparemment closes…
L’attention est alors mobilisée ici par l’insolite des situations.
Allons plus loin, si vous demandez à chacun de tourner le dos à la rue, dans le tunnel par exemple, les sons nous submergent, parfois violemment, par surprise.
Si vous faites la même chose avec des lunettes aux verres floutés, ou dos à dos, ou assis sur des sièges pliants… Si vous recherchez des situations étranges, paradoxales, un peu « barrées » comme m’ont dit certains jeunes étudiants…
L’ordinaire se fait plus… moins ordinaire sans doute. Et cela sans pour autant chercher à l’expliquer, à le montrer, le démontrer, à convaincre les auditeurs, et même à se forcer à employer ce qualificatif (extraordinaire), à le placer à tout prix dans une belle phrase, pédagogiquement correcte.
De plus, il nous faut faire confiance aux caprices des sons. Et en l’occurrence, ils savent nous jouer bien des tours.
Je reviens à mon tunnel, une voiture aborde la longue et raide pente pavée – une ancienne voie de funiculaire au pied de la Croix-Rousse, les lyonnais la reconnaitront certainement- le tout à vive allure. Grondement subit, puis une longue trace de basse profonde qui s’éloigne dans une réverbération des plus spectaculaire. je vous assure, c’est vraiment l’effet ressenti.
Mieux encore, une moto monocylindre, type Harley Davidson, vous entendez ce que je veux dire, qui aborde le tunnel plein gaz, dans une puissante vague, une déferlante sonore incroyable. C’est fort, très fort, dans tous les sens du terme, mais c’est beau, c’est puissant, c’est extraordinaire, n’ayons pas peur ici des mots, ou du mot.
Plus loin, dans la cour intérieure précédemment citée, une impasse discrète, un trompettiste, jazzy, répète, déroule des phrases cuivrées, virtuoses, véloces. Un trompettiste qui a audiblement du métier, qui swingue d’enfer, et que l’on ne voit pas, acousmate jouant à l’intérieur d’un un atelier d’artiste vitré.
Plus loin encore, une placette en rond, avec des banderoles aux petits fanions de plastique colorés, façon fête foraine, ou kermesse, qui tissent des lignes striant l’espace au niveau des premiers étages, mais surtout, beaucoup de vent pour les agiter. Et ça bruisse et ça claque, et sa froisse incroyablement au dessus de nos têtes.
Tout ce que je vous dis là s’est véritablement passé dans les deux premières balades, rien n’est inventé, ni même un tant soit peu exagéré, rien que du vécu, à oreilles nues.
Sinon de petites mises en scène, quelques propositions décalées, des objets d’écoute, des micro installations éphémères dans les pots de fleurs d’une traboule… Et avec un peu de chance, qu’il faut savoir saisir néanmoins, on touche ici, sans grands moyens, à l’ extraordinaire. Certes pas celui du grand spectacle, quoique, mais un extraordinaire qui nous fait dire que jamais auparavant, on n’avait vécu cela. Et il bien normal que l’écoute d’un lieu soit comme la rivière, vue et entendue au prisme de la sagesse orientale, dans lit de laquelle il n’y coulera jamais deux fois les mêmes ondes.
Fort heureusement pour moi d’ailleurs, car sinon j’aurais abandonner depuis longtemps mes PAS, alors que je m’émerveille toujours de ce modeste et captivant extraordinaire, sans doute construit d’un nombre infini de situations sonores.
Ouf, j’ai l’impression d’avoir réussi ma mission. Le faire entendre, ce fameux extraordinaire, sans rien forcer, ou si peu.

Cliquez sur l’image pour visualiser l’album

PAS étudiants - Nomade Land

Point d’ouïe bien sonnant

Temps fort

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Après deux jours d’intenses rencontres internationales autour du paysage sonore, je rentre chez moi, en empruntant le chemin d’un parc boisé et escarpé d’un parc urbain.
Les allées sont tapies de feuilles multicolores.
Nous sommes un samedi soir doux et humide, vers 18 heures, il fait nuit.
Le carillon d’une église invisible, au bas de la colline, égraine une magnifique et enjouée volée d’airain. Échos, réverbérations, le bronze carillonnant à tout va magnifie l’espace urbain.
Que demander de plus ?
Une superbe et bien sonnante conclusion.

AUDIO SALINA

Lorsque la Saline Royale d’Arc-et-Senans s’éveille

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En marge d’une rencontre et de la poursuite d’un projet autour de l’installation sonore « Les échos de la saline »
7H30, le jour achève paresseusement de se lever, dans une belle lumière diaphane, oscillant entre bleu et blanc, jouant avec les façades de la saline qui s’ébroue de lumières.
Cette douce et fraîche ambiance célèbre à sa façon le premier jour d’automne.
Je suis assis sur un banc, sous de vénérables marronniers rougissants, respirant et aspirant la chaleur et les sons encore fragiles de ce majestueux enclos.
L’herbe est encore toute blanchie de rosée, se séchant au jour naissant.
De grandes envolées bavardes, dévalant d’un toit pendu, traversent à grands cris effarouchés la pelouse centrale pour se poser sur le toit opposé.
C’est un incessant ballet de choucas gueulards, décollant dans des bruissements d’ailes frottées, comme des tissus feutrés et sonores, fait entendre des appels de masses qui résonnent dans la quasi absence de bruits matinaux.
Des passereaux, eux aussi réveillés, se font entendre ici et là, à l’orée des jardins, beaucoup plus discrètement.
Deux sèches détonations claquent et résonnent dans la forêt voisine, des chasseurs déjà à pied d’œuvre.
Des premières portes et volets qui s’entrouvrent, claquent, grincent, et des voix encore timides et parsemées, comme engourdies, le site sort progressivement de sa quiète torpeur.
Les voix et les pas crissants se font petit à petit de plus en plus nombreux, égaillant et animant le site, alors que la lumière s’affirme sur les façades de pierres formant un hémicycle rigoureux.
Un camion s’infiltre entre les bâtiments, secouant sans ménagement les restes de tranquillité ambiante.
Suivi d’un tracteur ratissant dans de bruyants allers-et-retours les allées sablées, un brin (trop) imposant pour moi, après le progressif crescendo sonore dans lequel je viens de m’immerger.
Il est temps je pense, de couper les micros et de mettre l’écoute en veille.
Néanmoins, cette Saline dans laquelle je suis régulièrement revenu ces temps-ci, ne m’a pas tout livré de ses sons, tant s’en faut. Elle m’invite de la sorte à revenir. Elle me convie à guetter de nouveau, au lever du jour, ou à nuit tombée, ses secrets auriculaires, ses paysages sonores intimes qui parfois s’ébrouent de murs en murs, d’échos en échos, d’arbres en arbres… Audio Salina.

PS : J’ai effectué à ce moment là un enregistrement audio qui, au final, était si peu représentatif, si décevant, qu’après l’avoir écouté, je l’ai effacé dans la foulée pour ne garder que l’écrit.

Texte écrit suite à un banc d’écoute le jeudi 22 septembre à 07H30, à la Saline Royale d’Arc-et-Senans (25)

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PAS – PARCOURS AUDIO SENSIBLE À NANTES

Balades des arts so Nantes

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Desartsonnants est de retour à Nantes, dans cette belle cité où la Loire commence à songer à se perdre dans l’océan, pour quelques nouveaux PAS – Parcours Audio Sensibles, dans le fief des Petits Lu.
Il est pour l’occasion invité par l’association Apo33 dans le cadre du festival Electropixel #6, l’édition de cette année étant basée sur le détournement urbain, ou le Poverhack, dont la balade sonore serait un volet en mode doux.
Repérage un brin humide, météo capricieuse et changeant à l’envi, mais rien d’étonnant dans ces parages océaniques.
J’y retrouve très vite des repères quasi immuables, à l’échelle du temps de la cité en tout cas, et à celle de l’Ile de Nantes plus particulièrement, où je me promène aujourd’hui, et où j’ai déjà, dans précédentes visites créé et animé d’autres parcours auriculaires
Il faut dire que, depuis quelques déjà nombreuses années, cet ancien quartier de docks portuaires a connu, et connait encore, un gigantesque chantier de requalification urbaine, où grands bâtiments publics, écoles supérieures, pôles de compétences divers, lieux culturels et touristiques se côtoient de façon assez intelligente dirais-je. Ce vaste délaissé industriel, et auparavant port aux tristes souvenirs d’une colonisation esclavagiste, se voit offrir un lifting de grande ampleur. Quelques lieux emblématiques y ont trouvé place, telles les Machines de Nantes, où sont conçus des géants, hommes, animaux, machines robots imposantes, fabriqués notamment pour la célèbre épopée du Royal de Luxe, un des fleurons Nantais, voire Français des arts de la rue. Cette activité n’est pas du reste sans colorer un espace public de barrissements, de tintamarres ferraillant d’objets mécaniques et de la joyeuse rumeur du nombreux public qui y afflue. A l’autre bout de l’Ile, le départ d’un autre grand projet culturel et artistique, l’aménagement de l’estuaire reliant Nantes à Saint-Nazaire par l’installation de sculptures monumentales, sorte de land-art périurbain impressionnant, plus calme acoustiquement que les machines mais non moins surprenant.
Entre les deux, un espace de promenades riche et diversifié, composés de paysages urbains contrastés, où la Loire vient assurément jouer un rôle des plus important, un fil rouge, ou plutôt bleu/vert, entourant l’ile de ses bras  frontières, et qui font de cette partie de la ville un « lieu à part » dans la cité.
Au départ, en se faufilant dans la hall agitée les Machines de l’ile, beaucoup de voix, notamment celles d’enfants émerveillés, qui nous suivront, ou que l’on suivra jusqu’au bord de la Loire.
Nous frôlons des gens, des manèges, volant ci et là des bribes de sons et de rires, dans un jeu de mixage par l’oreille en marche.
Une série de passerelles métalliques nous guident le long du fleuve, points de vue et points d’ouïe intéressants, où nos pas font résonner des structures vibrantes sous nos pieds, et où le regard est porté sur l’autre rive, vers un grand axe routier très urbaniquement (trop) agité. Fort heureusement, de ce côté, hormis le pont routier, nous ne percevons que la rumeur, assez atténuée, en contrepoint de nos pas.
Un jeu,  l’oreille collée à une très longue rambarde de passerelle métallique nous fait entendre le chant du métal caressé, doucement percuté… Étrange spectacle pour les passants non avertis, que de voir un groupe, l’oreille collée à une barrière, en souriant ou fermant les yeux, passage assez surréaliste mais que j’adore tout particulièrement dans cette communion d’écoute(s) et d’écoutants.
Lors d’une deuxième balade, les quais de la Loire sont partiellement occupés par une vaste et tonique « sieste goûter sonore » très électro, qui nous martèle et nous assène de sourds et puissants rythmes de basses.  A chaque jour sa promenade ! Les rythmes de basses, même très atténués lorsque nous nous éloignons du site, seront en fait, une sorte de rumeur continuum, presque un étalon sonore nous faisant prendre en compte les champs, profondeurs et distances du paysage sonore, des échelles quasiment cartographiques à l’oreille, du territoire parcouru. Nous faisons le tour de cette fête en plein-air, jouant à s’arrêter là ou l’écho trouble l’audition en répercutant des rythmes sur de vastes façades qui perturbent les localisations, trompent nos oreilles, puis, modifions le circuit préalablement repéré car l’accès aux passerelles métalliques est ce jour interdit, occupées par des régies techniques.
Nous pénétrons au cœur de l’ile. Apaisement soudain. Une ruelle offre un surprenant concert d’un tout autre genre que le précédent, tout en grondements, gémissements, cliquètements, souffles rauques de ventilations, toujours différentes, du reste, et parfois muettes, selon les moments. Une  forme  d’installation sonore sauvage, involontaire et capricieuse, aléatoire, mais pour moi assez réussie, surtout si l’oreille se risque à la considérer avec une curiosité musicale, et c’est bien l’un des enjeux de ces PAS.
Lors d’une promenade, un homme ponce une chaise en bois dans une ruelle. Je trouve la fréquence, et presque le grain du timbre, le rythme, de son outil, grâce à une baguette frottante bricolée, et à la complicité d’un portail métallique résonnant. Un jeu en imitations réponses est alors amorcé. L’homme s’en rend compte et me sourit, surpris de ce dialogue à l’improviste, en s’amusant avec les élément sonores du moment. Je fais de même lors d’un passage d’avion à basse altitude, et il en passe beaucoup sur la ville. Les promeneurs s’en amusent mais cette fois-ci, le pilote dans les airs ne peut pas rentrer dans le jeu, ou bien fort  involontairement… hasard et sérendipité très appréciés lors de ces PAS.
Un mail piéton, planté d’arbres en bac, retour à une sorte de sérénité urbaine, avec peu de monde durant ces vacances, les touristes ne s’aventurent guère en dehors des sentiers touristiques bien balisés, et où ils trouveront des choses plus spectaculaires et sans doute rassurantes.
Dans ce mail, une cour intérieure est animée d’une curieuse fontaine aux sonorités surprenantes, autre repère stable depuis ma dernière visite déambulatoire, il y a maintenant 3 ans. Ici, le jeu consiste à ausculter les glouglouttis de l’eau à l’aide de différentes longue-ouïes, stéthoscopes, dans une approche résolument ludique. J’ai du mal à arracher les écouteurs de cette fontaine et pourtant, l’heure tourne, et j’ai quelques contraintes horaires à respecter, liées à la programmation du festival.
Un parking, classique lieu d’écoute décalée, nous offre un terrain de jeu magnifique, de par ses passerelles métalliques cloisonnant chaque étage. Des voitures ronronnent, grondent, des claquements de portières joliment réverbérées, des rythmes métalliques de grilles sur lesquelles passent les autos, des couloirs sas, à l’acoustique soudainement très sèche, suivies de réouvertures dans de véritables cathédrales de bétons, animent la déambulation dans ce lieu surprenant à l’oreille. Clou du spectacle, une pause sous une passerelle ajourée sur laquelle passent les voitures avec forces sons, quelques centimètres au dessus de nos têtes, créant dans un premier temps une surprise un brin apeurée, puis le plaisir de cette étrange situation acoustiquenet visuelle. Autre lieu emblématique de ce même parking, le dernier niveau inférieur, plus sombre, encore plus réverbérant, où s’éparpillent de sourdes et presque inquiétantes sonorités… Cet espace est prétexte à une installation éphémère à l’aide d’une dizaine de micros haut-parleurs autonomes, placés de façon à entourer les promeneurs, en profitant de l’acoustique pour les immerger dans d’exogènes sonorités aquatiques et forestières, franchement décalées dans cet univers minéral, et d’ordinaire plutôt dédié aux voitures. Ce même dispositif aura été, lors d’une précédente promenade, disposé dans la cour minérale d’un immeuble, lui-même animée d’une belle  et discrète installation sonore en extérieur. Les sonorités sont dissimulé dans de beaux bardages métalliques, et  conçues par le célèbre artiste sonore Rolf Julius. Après avoir frottée nos oreilles à cette belle œuvre, l’irrévérencieux Desartsonnants ose superposer ses propres sons à ceux de Julius, clin d’oreille néanmoins très respectueux et admiratif pour le du travail  de ce maître.
Avant de quitter les antres du parking, je joue à faire entendre les longues réverbérations à l’aide d’une trompe vuvuzela. Le site me répond bien, en prolongeant avec une réelle complicité mes sons de klaxons souterrains. Il  s’agit simplement de savoir parler eau lieux, et de bien s’entendre avec les espaces traversés.
Au détour d’une rue, nous descendons et nous blottissons dans une large cavité menant à l’entrée d’un parking sous un immeuble. Du fond de cette fenêtre bétonnée, s’élargissant vers l’extérieur, nous regardons et écoutons comme au fond d’ure oreille, dans un cadre visuel et auditif dirigeant nos sens vers le fond de la rue-scène sonore, comme une sorte d’amplificateur haut-parleur dans lequel nous serions réfugiés pour mieux ressentir l’environnement – mise en scène d’écoute via les aléas et ressources terrain et de l’architecture.
Retour progressif à l’agitation humaine et mécanique de la hall des Machines de Nantes, la boucle es bouclée, de pieds et d’oreilles fermes, apparemment pour le grand plaisir des auditeurs d’un jour, qui spontanément questionnent et commentent la balade. Nous aurons, une fois de plus, effectué un parcours totalement  silencieux, pas un mot échangé, des propositions corporelles, des gestes invitant, des regards guidant, le tout nourri de mille sons environnants. Pour clôturer l’expérience, des retours sur des ressentis spontanés, des envies d’écouter plus, autrement, ou mieux, le renvoi dans une sorte d’investissement ludique, qui n’est pas pour certains, sans rappeler une enfance curieuse, qui sait s’émouvoir, s’émerveiller, s’embarquer dans d’autres mondes en jouant de et avec des « presque riens »*.

 

*Hommage au compositeur « paysagiste » Luc Ferrarihttps://www.youtube.com/watch?v=aKq-LRYv1Q4

 

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INSTALLER DE L’ECOUTE

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@Crédit Photo Yuko Katori

Je m’installe devant, dans un paysage, je l’écoute, je le regarde, je l’arpente, et il me dit ce que je peux y faire, et ne pas y faire. C’est lui qui s’installe alors devant, autour de moi. C’est lui qui guide, voire dicte mes gestes, mes actions, mes projets.
Il se pose, à un moment donné, suite à une forme d’apprivoisement mutuel, en contraintes déchiffrées, en évidences décelées. Il me saute aux yeux, et aux oreilles. Il s’offre comme je m’offre à lui, dans une respectueuse synergie.
Il me faut pour cela une certaine lenteur, une prise de temps à ménager, un non stress me protégeant d’agir dans l’urgence, dans le superficiel, tout ce qui met à mal la connivence.
Alors s’installe l’écoute.
Alors s’installe l’écoutant.
Alors peut s’installer le partage.
Cette connivence artiste paysage établie, pour moi aussi via le canal auditif, je pourrai dés lors, en toute honnêteté, inviter à écouter ensemble.
Certaines fois, les connections sensibles s’opèrent rapidement, logiquement, avec aisance et facilité.
D’autres fois, le territoire résiste, moins spectaculaire peut-être, ou plus réservé, plus taiseux, plus secret.
Il faut alors user de patience, varier les angles d’écoute, gratter les interstices, coller l’oreille à la matière-même pour chercher le presque indicible, afin de bien m’entendre avec les lieux.
Il me faut également chercher les manières de partager intimement ce qui ne s’offre pas spontanément à l’oreille. Le paysage alors se mérite, il nous demande des efforts pour en jouir enfin.
L’écoute se déploie alors, s’installe comme une oeuvre collective, relationnelle, fusionnelle, émotionnelle, à 360°.

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@crédit photo Maxime Jardry

INAUGURATION D’UN POINT D’OUÏE À MONTBARD

MONTBARD, DOUBLE POINT D’OUÏE ET LIGNE D’ÉCOUTE

Parc du château Buffon de Montbard, le lundi 18 juillet à 16H, pour la World Listening Day

28435036656_5bf8bbb260_n1Crédit photo @Yuko Katori

Jour J-1, 17 juillet vers 12H, repérage
Nous avons envisagé cette inauguration sur le site du Parc du château Buffon, car sa position dominante sur la vallée, ses différentes terrasses, chemins, falaises et escaliers donnent l’occasion d’effectuer un PAS-Parcours Audio Sensible préalable, riche en diversités acoustiques. C’est une façon de se mettre l’oreille en appétit avant la cérémonie d’inauguration elle-même.
Je découvre à cette occasion, merci à l’ami Jean Voguet qui m’accompagne dans l’écoute et me guide pour cette préparation, un chemin-escalier escarpé et sinueux, qui longe une enceintes extérieure du parc Buffon, et fera une belle entame de promenade écoute.
Lors du repérage, nous arrivons au sommet du sentier-escalier à midi tout juste, au pied de l’église du château, dont la cloche nous gratifie à point nommé d’une belle volée, pour l’angélus de la mi-journée. Un arrêt s’impose pour profiter de cet appel d’airain, juste sur nos têtes, car je sais pertinemment que nous ne l’entendrons pas demain. Cette longue volée n’en finit pas de s’éteindre, espaçant progressivement ses coups, nous faisant croire que c’est le dernier, avant que de repartir sur son inertie du mouvement balancier. C’est un beau decrescendo, un ralentissement capricieux, qui nous fait entendre, dans les derniers silences de plus en plus longs, l’étrange bourdonnement, un brin « faux », ou en tout cas inharmonique, comme diraient les acousticiens, de la cloche battante.
Ces derniers battements éteints, un chant nous parvient, ponctué de paroles dans une résonance très accentuée. Il s’agit de la sortie de la messe dominicale, qui s’échappent des fenêtrons de l’église et par la porte principale ouverte. L’orgue s’’y joint, véloce et magistral, remarquablement bien joué du reste… Un enchainement d’une belle séquence sonore que nous n’aurons pas non plus demain, pour le parcours officiel. Tel est la vie  toujours changeante d’un paysage sonore, au jour le jour. Demain sera tout autre à l’oreille !
Arrivé sur la terrasse haute du parc, nous pensons à deux points d’ouïe possibles, que nous avons préalablement déjà écoutés, lors de la préparation et de l’installation plastique et sonore Canopée.
Un choix cornélien qui nous fait prendre une décision pour trouver un nouveau modèle de points d’ouïe, inédit et donc inouïe. Il sera cette fois-ci double, relié par  une ligne d’ouïe, une ligne d’écoute, permettant le passage auriculaire, en marchant d’un point à l’autre. Explication au chapitre suivant.

28467646675_528889590a_kCrédit photo @Yuko Katori

Jour J – 18 juillet à 16 – PAS et inauguration
Rendez vous dans la cours du Musée Buffon, en présence de Madame le Maire, le Directeur culturel du musée, et un groupe d’oreilles curieuses, intriguées par l’étrange idée d’inaugurer un Point d’ouïe.
Temps chaud, très chaud, voire caniculaire.
Un petit moment d’explication autour de la World Listening Day, des principes d’écologie sonore que défend cette journée, de la notion de PAS* ou de son histoire aux regards des soundwalks Canadiens et Nord-Américains.
Nous nous ébranlons, dans cette marche d’écoute collective, que je guide une fois de plus, avec ce sentiment de bien-être, de joie même, lié à ces moments de partage où l’on sent une énergie, celle de l’écoute partagée, qui émane de notre petite communauté du moment. Je répète souvent cela, mais c’est tellement énergisant dans un monde parfois timoré, où la communication se fait très (trop) souvent à coup de mails, de chats et de SMS. J’arrête là cette digression sociale pour reprendre le fil de la marche, et de l’écoute.
Nous gravissons progressivement de très anciens escaliers, entre deux murs épais, longeant le parc du château. Une toute petite partie de la ville se montre, cernée, cadrée, encadrée dirais-je, par une fenêtre visuelle et auditive, tranche verticale de ville qui dessine derrière nous. Nous nous retournons, lui faisons face de temps à autre, au fil des paliers, pour la regarder/écouter. A un moment, bel impromptu, presque à croire qu’il était programmé, une mobylette passe, gaz à fond, dans cette partie escarpée. Elle s’affiche brièvement dans l’encadrement en contre-bas. On l’entend arriver, sans la voir, dans un premier temps, dans un crescendo bourdonnant. Puis elle franchit très vite notre espace-fenêtre, le son subitement perçu très fort, disparait assez vite, laissant se réinstaller une calme et ténue rumeur urbaine. J’adore ces instants où l’on découpe l’écoute en fenêtres spatio-temporelles, très fréquentes dans l’espace urbain, effets garantis, et qui sont visiblement fort appréciés des promeneurs.
Un peu plus haut, dans le même chemin, je décide de décaler l’écoute en installant, via de mini haut-parleurs autonomes, huit sources sonores forestières et aquatiques, micros bulles sonores spatialisées, qui se répondent et s’installent de façon presque incongrue dans ce lieu minéral. Instant d’écoute acousmatique, après lequel nous laisserons à nouveau se réinstaller les sons « naturels » de l’espace.
En haut de l’escalier, plusieurs virages à angles droits viennent nous couper de la ville, nous sommes enserrés par les murs et les sons urbains étouffés par ces derniers, seule la gente avicole permet une sorte de continuité, notamment avec un beau chant d’oiseau. C’est un merle virtuose, fier et impétueux, qui semble nous suivre, et nous guider vers le haut.
Débouché sur la terrasse supérieure, qui domine Montbard sur deux versants Est et Ouest. Nous écoutons tout d’abord le centre du parc, où des sonorités assez indéfinies émergent des deux vallées, avant que de longer la muraille Ouest, donnant une vue sur le versant plus rural de la ville. Au bas, de grands arbres qui bruissonnent sous les caresses du vent. En contre-bas, des usines, des aciéries, muettes à cette période estivale, mais qui, aux dires des promeneurs, rythment la vie de la ville par leurs sons des « tubes » manipulés, barres métalliques fabriquées ici, et signature acoustique locale incontournable. On peut d’ailleurs jouer aux sons-fantômes, à les entendre dans sa tête, surtout que nombre d’entre nous les connaissent pour les avoir déjà entendus, et peut-être même écoutés, qui sait.
Quelques oiseaux rythment notre marche, mais la chaleur étant assez prégnante, beaucoup moins que ce que nous avons connus précédemment, lors de l’installation de Canopée, où choucas, corbeaux et passereaux se partageaient les arbres avec forces cris, surtout choucas et corbeaux ! Ici, ce sont plutôt des chants isolés, ciselés, discrets par rapport à certaines périodes d’écoute dans ce même parc.
Arrivés contre la tour située à l’extrémité de la terrasse supérieure, nous profitons du surplomb pour écouter, en contre-bas, l’installation sonore et avicole d’un certain Desartsonnants, vue et entendue du haut, effet canopée oblige. Des sons d’oiseaux, un brin remaniés il est vrai, émergent ici et là, se mêlant aux « vrais» oiseaux, semant parfois le doute sur le qui est qui, qui est rapporté et qui est indigène, qui est un véritable syrinx emplumé et qui se cache derrière un micro-haut parleur suspendu sous la frondaison sylvestre.
Puis nous revenons vers le centre du parc, pour préciser notre choix sur le, ou plutôt les points d’ouïe. en effet, cette terrasse haute du parc domine deux versants très différents de la vallée, côté Ouest et côté Est, avec des couleurs sonores, ambiances, sources, effets acoustiques somme toute très différents. Côté  Ouest, une rumeur tranquille, des arbres bruissonnants, la rocade au loin… Côté Est, la ville très proche  à nos pieds, des voitures, des voix, des sons plus émergents, plus diversifiés et plus denses sans doute, selon les heures et les saisons.
Cruel dilemme, choix cornélien, quel point d’ouïe élire pour l’inauguration ?
Réponse adaptée à ce cas de figure particulier : les deux – un à l’ouest, l’autre à l’Est, quasiment en vis à vis. Nous décidons de tracer entre les deux, pour les réunir, une ligne d’ouïe immatérielle, empruntant un chemin qui mène l’écoutant d’un site auriculaire à l’autre. Il nous faut le parcourir lentement, pour apprécier, dans un long fondu-enchainé, la transition d’une ambiance à l’autre, la transformation progressive du paysage sonore d’un versant à l’autre. Bel exercice d’écoute entre ces deux espaces panoramique, et un lieu rêvé en fait.
Point Est, nous inaugurons officiellement le Point d’ouïe. Madame le Maire, dans son discours inaugural, nous parle avec beaucoup d’à propos et de finesse, d’écoute, de paysages, de vie sociale, de territoire à  entendre, de signatures sonores locales…
Nous inaugurons officiellement ce lieu d’écoute par quelques minutes, non pas de silence, mais d’écoute justement.
Quelques jeux acoustiques, des longue-ouïes pour porter une oreille sur la vallée, et le fait de faire entendre comment, en reculant de quelques pas du mur d’enceinte vers l’intérieur du parc, les sons de la ville s’estompent très rapidement pour laisser place à ceux du parc, et vice versa en avançant vers le mur.
Nous parlons avec la municipalité de la matérialisation, de la localisation et de la pérennisations des points d’écoute, par de petits panels – consignes, qui expliquent in situ, en quelques mots la finalité de ce « portée d’oreilles ». Reste à voir les formes possibles, le parc étant sur un site classé aux Monuments Historiques et donc protégé. Si l’écoute y est totalement libre, l’affichage d’informations pérennes reste soumis à la validation des architectes des bâtiments de France.
Nous finissons par une dernière visite écoute de l’installation Canopée, en empruntant un bel « escalier noir « , à l’acoustique très intime, avant de déboucher sur la terrasse inférieure, vers de toutes autres ambiances visuelles et sonores, au pied d’une falaise sur laquelle se dresse le château Buffon.
Nous nous disons une dernière fois que ce très beau parc constitue un terrain et un écrin d’écoute vraiment privilégié et presque incontournable.
Nous y reviendrons d’ailleurs pour d’autres PAS lors des Journées du Patrimoine, en septembre 2016.
Grâce aux partenariats avec la ville de Montbard, CRANE-Lab, le musée Buffon, Desartsonnants, le festival Ex-voO, Montbard est devenu cette année un lieu d’écoute remarquable et je l’espère remarqué.
Départ pour le deuxième site point d’ouïe à inaugurer dans cette journée, le Prieuré de Vausse, à Châtel-Gérard toujours dans cette belle région de l’auxois. A suivre donc !

Cartographie : ICI

* Parcours Audio Sensibles – @Desartsonnants

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POINTS DE VUE, POINTS D’OUÏE ET ORIENTATION

PAYSAGES ORIENTÉS – BELVÉDÈRES – BELLES-ÉCOUTES

 

41_mfarcypaysagesorientesweb018@Mathieu Farcy – Paysages orientés

La notion de l’orientation, de tables d’orientation, de panoramas, de belvédères – littéralement belle vue – me questionne régulièrement par rapport à l’écoute.

Un point de vue remarquable est-il (toujours) en adéquation, en résonance avec un point d’ouïe, qui serait lui aussi remarquable ?

Peut-on orienter l’écoute ? Et si oui comment ?

Quelle est la part de manipulation sensorielle qui pourrait insidieusement inscrire le regard (et/ou l’écoute), dans une catégorisation restreinte du beau, ou d’un beau commun totalement préfabriqué ?

Et ce questionnement m’amène juste à la délicate question d’une certaine quête identitaire, que se pose également l’artiste photographe Mathieu Farcy, dans le travail autour du « Paysage orienté ».

Ce sont quelques questions, dont certaines récurrentes dans mon travail, qui jalonnent et construisent une réflexion, ici alimentée et en tous cas fortement réactivée par la découverte de ce magnifique travail photographique de Mathieu Farcy.

http://www.mathieu-farcy.fr/portfolio/-belvederes/

 

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POINT D’OUÏE SUR LE SILENCE

OBSERVER LE SILENCE (ET CE QUI LE COMPOSE)

 

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En lisant le très beau livre d’Alain Corbin*, consacré au silence, que l’intéressante polysémie de l’expression « observer le silence » me frappait soudain. Ayant pour habitude de ne pas trop dissocier, lors de mes PAS -Parcours Audio Sensibles,  la vue de l’ouïe, je trouvais là une entrée symboliquement  très intéressante pour me re-pencher sur le couple Yeux/oreilles.

En fait, lorsque l’on observe le silence, on fait silence ! Nous créons dés lors, un nouvel espace de silence, le matérialisons en quelque sorte, en le rendant presque tangible. Il est évident que ce silence, fabriqué de toutes pièces, ne peut pas s’imposer à tout l’espace environnant. Tout au plus,  faire silence implique, pour un groupe d’hommes, de se taire, d’éviter de « faire trop de bruit » à un moment et dans un espace donné. C’est un phénomène circonscrit, une action locale. Cérémonie avec minute de silence commémorative, lieu d’enseignement, de culte, de spectacle, on fait silence pour différentes raisons, alors qu’autour de nous la vie suit son cours, avec les voitures, les oiseaux, les avions, l’orage, qui n’ont cure de nos injonctions…
Dans cette fabrication d’une sorte d’attention sociétale, parfois rituelle, pouvant relever du cérémonial, nous pouvons donc observer le silence, même de façon très brève, je reviens ici à la célèbre minute de silence.
Or, par glissement sémantique, lorsque nous observons minutieusement le silence, comme un naturaliste observe de près une fleur, nous commençons à discerner de quoi il est constitué.
Dès lors, observer le silence revient à admettre qu’un silence, si profond et pur soit-il, est toujours peuplé, voire paradoxalement constitué de sons, même infimes . Je peux citer ici ’expérience de la chambre anéchoïde (ou chambre sourde) où John Cage vérifiait la véracité d’un silence illusoire, voire d’un « non silence* ». Ce qui lui faisait finalement dire, dans son livre justement intitulé Silence « « Le silence n’existe pas, il se passe toujours quelque chose qui produit un son. »**

Le silence n’est donc pas, physiquement, une absence totale de bruits, mais plutôt un espace où ceux-ci auraient tendance à s’amenuiser, à laisser place à une poche de calme, plus ou moins riche, plus ou moins calme, générant une certaine quiétude, mais parfois, comme un silence de mort, une véritable inquiétude, voire une peur de ce silence par trop…silencieux.
Observer le silence, c’est donc, ou en l’occurrence cela pourrait être, pris au pied de la lettre, une posture qui nous met en retrait de la scène acoustique, nous dé-immerge, pour que notre oreille puisse prendre du recul vis à vis de notre environnement sonore, et que nous ayons les moyens de le  comprendre, de le qualifier , de l’analyser sans doute plus objectivement.
Observer le silence nous ramène à la posture d’un sociologue, pour qui l’observation de terrain est une façon de construire de la « connaissance ordinaire »,  qui donnerait lieu ici un étude sociale du paysage sonore, même réduit à sa portion congrue sous le prisme du silence.
Entre observer pour construire, construire paradoxalement du « moins », et observer pour comprendre, pour savoir, l’écoutant que je suis peux ainsi naviguer entre la pratique partagée d’un geste presque silencieux, apaisant, et l’envie de comprendre un peu mieux comment fonctionnent nos relations avec l’environnement sonore, en tant qu’écouteurs producteurs.
Observer le silence c’est être acteur, avec la volonté de défendre des scènes acoustiques qualitatives, en tentant de faire la part des choses entre esthétisme, vie sociale, et une forme réfléchie d’écosophie du sonore.
Il y a peu, Max Horde me disait au fil d’une conversation »… toi, le musicien du silence… » formule qui m’a je dois dire amusé autant que touché, tant ce beau raccourcis correspond à mes aspirations présentes.

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*http://www.albin-michel.fr/ouvrages/histoire-du-silence-9782226323781

** « … La personne qui est entrée dans une chambre anéchoïde, pièce technologiquement rendue aussi silencieuse que possible, a pu y entendre deux sons, un aigu, un grave – l’aigu, le système nerveux de l’auditeur en activité, le grave la circulation de son sang. Ce sont là, manifestement, des sons à entendre et, à jamais, des oreilles pour entendre. »  J. Cage, entretien avec Jean-Yves Bosseur autour de 4’33 » Ed Minerve

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CARNET DE NOTES AURICULAIRES MÉDITÉRANNÉENNES

CARNET DE NOTES AURICULAIRES, PIÉTONNIÈRES, AUTANT QUE MÉDITERRANÉENNES

Loupian
C’est un petit village pittoresque, blotti dans la garrigue, tout près de l’étang de Thau.
C’est une halte régulière, depuis quelques années, pour y retrouver des amis, les créateurs et programmateurs l’espace 0rJJ25, cette année à l’occasion des 10 ans du lieu, et d’autre artistes.
Dans ce village, Desartsonnants, pour y avoir promené les oreilles à différentes reprises, retrouve à l’écoute des points de repères, passages voûtés, placettes ceinturées d’épais murs, grande rue, place centrale  et terrasses de cafés, bancs adossés aux murailles médiévales, magnifique acoustique de la chapelle Saint-Hippolyte… des lieux testés lors de précédents PAS – Parcours Audio Sensibles.
Cette année, ambiance festive, une série de performances et de concerts, d’expositions, viennent animer le centre du village pour l’anniversaire de l’0rJJ25.
Desartsonnants, invité à la fête, décide d’intervenir de façon légère, mobile, à l’improviste, autour de trois postures d’écoute en duo, enchaînées, ou non, à la carte.
Première phase, nous nous asseyons côte à côte, sur des chaise posées ici ou ailleurs. Je propose à mon co-écoutant de chausser une paire de lunettes au travers desquelles on ne voit absolument rien. Posture d’écoute en aveugle. Immersion auriculaire durant quelques minutes, on s’imprègne des ambiances environnantes, on habitue l’oreille à être quasiment seule maître à bord.
Puis doucement, je commence à approcher des oreilles de mon co-écoutant de douces sonorités exogènes, pour un massages sonores spatialisant autour de l’écoutant des sons issus de matières récupérées ici ou là – papiers, bois, boite à musique, billes, pailles de fer,  petits objets divers qui viennent bruisser tout près des oreilles, sans les toucher pour autant, s’approchant, s’éloignant, tournant autour…  C’est une sorte de musique acousmatique, sans dispositif amplifié, sans haut-parleurs, un espace intime au creux de l’oreille, laquelle est mise en appétit pour un PAS – Parcours Audio Sensible en duo, et toujours en aveugle.
Troisième phase optionnelle, néanmoins très demandée, nous partons, main dans la main, effectuer le PAS, une boucle au travers les ruelles et les placette du vieux Loupian. Les sonorités de la fête s’estompent lentement, decrescendo, qui ramènent à l’oreille des sons discrets, ventilation au loin, oiseaux, bruits d’intérieur s’échappant des fenêtres ouvertes en cette belle fin de soirée. Le village se livre, l’écoutant guidé perd ses repères visuels, en retrouve d’autre, l’ouïe bien sûr, la sensation du sol, des micro reliefs sous les pieds, les courants d’air fluctuant au gré des espaces, les sensations d’ombres et de lumière, de chaleur et de fraîcheur… C’est un parcours sensoriel bâti sur la confiance de celui qui guide, sur l’intime, les relations entre des écoutes communes, les lieux parcourus, les sons du moment…
Final crescendo, retour progressif vers la place centrale où les sons de la fête reprennent progressivement le devant de la scène.
On retrouve l’usage de ses yeux, on commente les émotions, l’expérience vécue le temps de ces trois postures d’écoute enchaînées.
Presque 4 heures de parcours enchainés. Une riche et dense expérience à creuser dans d’autres lieux, d’autres ambiances, avec d’autres écoutants, complices d’un instant.

Sète
Deuxième halte sudiste, sous le soleil exactement, dans la ville de Sète.
Ici aussi, des sonorités qui me sont petit à petit devenues familières, au fil de mes passages.
Le port, gréements, mouettes, remous, clapotis, bateaux, vent, un passage commerçant couvert, des halles bourdonnantes, avec de sublimes odeurs et couleurs, des invectives aux accents méditerranéens, et d’autres accents, ou langues, car ce sont, en ce début juillet, les  premières transhumances touristiques…
Les quais sont acoustiquement saturés par une circulation très, très, trop, dense.
Ce week-end, c’est la fête des marins. Défilés de fanfares aux clairons et trompettes un brin désaccordés, ambiances festives, quasi militaires, celles que Brassens, un des héros des lieux, raillait et vilipendait en son temps.
Puis, je monte vers le Quartier du Haut.
Alors, le paysage sonore s’éclaircit, se décante, s’apaise, se désépaissit. Le détail auriculaire reprend droit de cité.
Tout au bout de la corniche, une magnifique vue panoramique, les rumeurs de la ville, mouettes et goélands criards, toujours présents, presque carte postale sonore…
Le cimetière marin, Paul Valéry, des histoires fortement ancrées, si j’ose dire, dans le paysage sètois.
Au bas, la Criée, un nom qui veut bien dire ce qu’il veut dire, une sorte de rituel marchand, assez ésotérique pour le non initié, qu’il faut avoir vu et entendu au moins une fois dans sa vie.
Fin de journée, dans un atelier d’artistes, la Laiterie. Installation in vivo, non prévue initialement à cet endroit, d’une pièce sonore écrite il y a peu, pour et dans une forêt francomtoise. Transposition, délocalisation, un frottement d’univers, des décalages, images anachroniques. Une forêt atypique, au cœur des pentes Sètoise, le son nous joue détours.

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Marseille
Massalia, 10e arrondissement, dans le Jardin du Mas Joyeux
Retour sur un lieu jardin, joliment niché sur les hauteurs du Xe Arrondissements, créé et animé par les amis des Rudologistes associés Sophie Barbeaux, paysagiste et Colin Bailleul, designer. Cet espace est une sorte d’oasis paisible, coupé de la « grande ville » toute proche, où Desartsonnants avait, avec des enfants du centre d’accueil attenant, installé il y a quelques mois un, voire deux Point d’Ouïe  inaugurés et signalisés.
Donc retour à ce point d’écoute, dans ce jardin caché au pied de la garrigue,avec des  discussions autour du son, du paysage, des jardins, de la cuisine, et de moult autres projets ou douces utopies.
Découverte du village des Goudes de nuit, calanque lunaire, étrange bout du monde, fin de ville surprenante, où l’on a envie de partir arpenter ces sites majestueux, où le blanc des rochers illumine un  paysage qui appelle le promeneur écoutant. A suivre…

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Marseille, l’urbanité toute crue, à pied
L’art de faire de l’anti tourisme urbain en marchant !
Choisir un jour à la météo assez chaude, voire très chaude.
Partir à l’heure zénithale.
Parcourir une assez grande distance, des dénivelés, des grands carrefours – par exemple du haut du quartier Saint-Loup jusqu’à Saint-Charles, via Castellanne, à Marseille bien entendu.
Suivre les avenues et rues les plus circulantes, bruyantes et autres « antes ».
Et s’apercevoir au final que tout cela n’est pas dénué d’intérêt, voire génère un certain plaisir, si si, celui entre autre de se frotter à la vraie ville, sur la durée, sur la distance, et ne pas être qu’un passant qui toiserait la cité de haut, ou de loin…

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Autre balade piétonnière à Marseille
Départ le vieux port, sous les fameux grands miroirs, trace de Marseille 2013 Capitale culturelle européenne. Rendez-vous avec un ami du MIM de Marseille, jean-Pierre Moreau, pour faire une promenade causerie urbaine à l’improviste. Durant cette déambulation, nous avons parlé, à bâtons rompus, Unité Sémiotiques Temporelles, écoute, parcours sonores, philosophie,  société, économie, formation, pédagogie, arts, acousmatique, politique, projets personnels, récit, narration, composition… Nous sommes montés jusqu’au pied de Notre Dame de la Garde, la Bonne Mère, et il y faisait très très chaud, avant que de redescendre tranquillement vers la mer. Depuis le vieux port jusqu’aux hauteurs, les sons de Marseille se sont progressivement apaisés, amenuisé, au fil de la montée, de petites rues en escaliers, avant qu’ils ne redeviennent plus denses  au terme de notre boucle urbaine.

Causerie en duo, écoute, balade, une façon qui m’est finalement devenue habituelle et très agréable, pour faire connaissance simultanément avec les gens, et les lieux…

L’autre pratique que je développe avec une certaine constance depuis quelques années, est celle de la chronique, qui vient parfois en appui, en contrepoint à mon vieil ami le magnétophone, mais souvent se suffit à elle-même. La chronique, entre description, ressenti, réflexion, coup de cœur voir coup de gueule, et une arme de description massive. Et bien au-delà de la pure description, le mot transcrit, engendre, crée du paysage, notamment sonore, mais plus largement sensible.

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Retour sur Lyon
C’est là que, paradoxalement, j’ai entendu le plus de cigales… Les temps changent.

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TERRITOIRES SONORES ET TOURISME ÉC(H)OLOGIQUE

POUR UN TOURISME ÉC(H)OLOGIQUE

19665498850_42df664693_k@Crédit photo Yuko Katori

Il me semble aujourd’hui important de développer un tourisme local, respectueux des lieux et des gens, construit sur de vraies relations humaines, et découvrant ou redécouvrant des patrimoines auriculaires parfois fragilisés par une société misant trop souvent sur un « commerce bulldozer »…

En cela, je croit que la notion de territoires sonores partagés peut participer à élaborer de nouvelles formes de tourisme, prônant une véritable éthique écologique, s’appuyant sur une écoute équitable, non énergivore, et la volonté de garder la relation humaine au centre-même du paysage, via une oreille ouverte sur le monde.

Les savoir-faire des maîtres saintiers, des campanistes, des ensonnailleurs de troupeaux, les belles acoustiques des sites naturels, des églises, les musiciens, chanteurs qui savent faire sonner les lieux, ainsi que ceux qui font chanter la pierre, le bois, les échos et réverbérations liés aux topologies, l’écoute des torrents et ruisseaux, du vent, les audionaturalistes qui nous embarquent dans de fabuleux voyages, les preneurs de sons qui jouent du paysage, les compositeurs paysagers, les plasticiens qui nous aménagent de surprenantes écoutes installées, les danseurs qui traquent la belle posture d’écoute, les conteurs, crieurs publics et slameurs qui donnent de la voix dans les espaces publics, les artistes marcheurs, les aménageurs du sensible, les chercheurs de silence, ou de calme… Autant de pratiques à développer, de réseaux, de domaines, d’explorations acoustiques, profondément voire intrinsèquement liés aux territoires, qui restent à explorer, voire à fabriquer.

Il est aujourd’hui possible d’entreprendre la lecture et l’écriture d’un ou de vastes paysages sonores en mouvement, de le revisiter et de les envisager de moult façons. Ces paysages ne demandent d’ailleurs qu’à se faire entendre, dans leurs belles harmonies comme dans leurs dérangeantes dissonances…

Pour qui sait justement entendre, ou donner à entendre, ces paysages-objets sonnants, à priori singuliers, ou surprenants, ils sont en fait à portée d’oreilles de tout un chacun. Leurs rencontres exigent néanmoins  le fait de savoir les débusquer, les révéler, parfois les protéger, ou tenter de les améliorer, et qui plus est en faire choses communes.

C’est pour cela qu’au fil du temps,  je suis devenu promeneur écoutant, paysagiste sonore, écouteur public, partageur de sons, traceur guide de PAS – Parcours Audio Sensibles, initiateur d’une forme de tourisme que je pense et veux éc(h)ologique…

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POINTS D’OUÏE – ZEN : ZONES D’ÉCOUTE NATURELLES

ZEN – Zones d’Écoute Naturelles

Si les Points d’ouïe n’existent pas sans l’écoutant, encore faut-il lui installer des conditions d’écoute…

Et si possible, de belles et surprenantes situations, pour mettre des oreilles en émoi, en vibration, en sympathie, avec le Monde.

C’est à la fois très simple et cela requiert une disponibilité  qui pourrait mettre en branle une écoute attentive, partagée, sur un Monde que nous n’écoutons hélas plus beaucoup, plus suffisamment.

Il s’agit de dépasser la fureur et le bruit, de (re)trouver une forme d’accordage entre nous, dame nature, la ville, et nos voisins avec qui nous partageons le même sol terrestre.

Il s’agit de reposer l’oreille sur des territoires partagés, ou à partager, de découvrir, guetter, voire construire de beaux silences habités, de chercher une forme d’apaisement militant, où l’écoute  rassemble les hommes de bonne volonté.

Toutes les chaises, encore vides, ci-après, nous invite à cela.

Si jamais vous souhaitez vivre des expériences ZEN (Zones d’Écoute Naturelles), PAS – parcours Audio Sensibles, parlez en à Desartsonnants, qui reste tout ouïe.

desartsonnants@gmail.com

ZEN – Zones d’Écoutes Naturelles – Des assises et autres Points d’ouïe « installés »

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GIVORS BANC

Gilles Malatray Desartsonnants

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CHAISES ÉCOUTE

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Rituels d’écoute(s)

RITUELS D’ÉCOUTES OU ÉCOUTES RITUELLES

Gilles Malatray Desartsonnants

Un rituel est un ensemble de rites destinés, à l’origine, à des célébrations religieuses. Depuis, ces rites se sont beaucoup élargis vers des mises en scène donnant une certaine importance à des faits et gestes, non forcément religieux. Louis XIV par exemple mettait en scène son pouvoir, par la mise en  place des rituels autour de sa propre vie, non seulement des fêtes et grandes chasses, mais aussi levers, couchers et repas du roi, avec musique et cérémonies ad hoc. Il orchestrait en fêtes, la vision de son propre pouvoir, sa vie de monarque. Aujourd’hui encore, du stade à la vie politique en passant par l’école, des rituels s’installent, mettant en scène des gestes et actions communes, consolidant des communautés, des pensées collectives, pour le meilleur et pour le pire, mais sans doute faisant aussi office de garde-fous sociaux, parfois rassurants dans leurs répétitions. Ils s’inscrivent notamment dans des formes de cérémonies et autres protocoles, qui mettent en exergue des  « choses sociales » présentant de prime abord des intérêts collectifs au sein de la société, ou tout au moins d’une partie de cette dernière.
Sans vouloir entrer dans des cadres trop cérémonieux ni, bien au contraire, enfermer l’écoute dans une rigueur ritualisée et mortifère, je me pose néanmoins la question du rituel dans ma démarche de promeneur écoutant.

Le rituel de la marche d’écoute, les PAS – Parcours Audio Sensibles solitaires, en duo ou en groupe
Se mettre en marche, après avoir, par quelques mots choisis, installé une ambiance, conforté une communauté d’écoutants, fédéré un groupe dans une sorte de projet commun, collectif, suggéré un état d’esprit, et au final discrètement distillé quelques conseils consignes…
Nous sommes bien dans le rituel, que le maître de cérémonie, le guide promeneur écoutant, acteur, acteur de terrain, dans toute la polysémie du terme, maitrise, ou est sensé maitriser.
Le cadre est posé, et on agira à l’intérieur. On agira avec certains codes, par exemple  le silence, les rythmes de la marche, la confiance dans le « maitre de cérémonie », l’idée d’adhérer, ou  on, à une communauté éphémère, et de poursuivre, le temps de la marche, un objectif commun. Sans pour autant enfermer la marche dans un carcan trop rigide, bien au contraire, nous conservons et privilégions les possibilités d’agir, voire d’improviser selon les événements sonores, les aléas du parcours, en restant fort heureusement très ouverts, le rituel contribue je pense à donner une certaine importance, quasi cérémonieuse, aux gestes d’écoute, à le rendre en fait plus crédible, ou en tous cas assimilable. Le rituel nous fait passer d’une forme de jeu, à une chose presque sacrée, tout en restant dans un esprit ludique. J’assume tout à fait les paradoxes.

Le rituel des Points d’ouïe
En contre-point, si j’ose dire, de la balade sonore, ou du PAS, les Points d’ouïes sont des pauses, arrêts sur son, ponctuant une marche, et venant focaliser l’écoute sur un élément/lieux/gestes singuliers, rencontrés sur les territoires explorés. Ce sont de nouvelles mises en scène acoustiques, ritualisées elles aussi, se posant comme de petits points de rupture dans la marche, des ponctuations. Ces points d’ouïe convoquent inéluctablement des postures physiques e/out intellectuelles, des scénophonies, des parti-pris, des approches spécifiques, que le principe de ritualisation se chargera d’instituer comme des passages obligés, incontournables, pour qui veut saisir une partie de la substantifique moelle du paysage sonore. Enfin j’espère qu’il pourrait en être ainsi.

Le rituel des Bancs d’écoute
Autres pauses dans les PAS, un rituel assis cette fois-ci. Il s’agit d’utiliser de simples bancs publics, mobiliers urbains des plus courant s’il en fût, comme des postes d’écoute, des affûts, des jalons marquant un balisage urbain, comme repères et haltes auditives. Le rituel est aussi, et peut-être surtout ici, dans la posture. S’assoir, solitaire, à deux, écouter, laisser venir à nous les sons, le banc comme centre d’écoute, comme objet d’immersion. Le rituel s’inscrit également dans une certaine durée. Il ne faut pas seulement effleurer de l’oreille le paysage, il faut prendre le temps, le laisser se construire autour de nous, prendre corps, audio corpus. Il convient pour autant de ne pas refuser, ou fuir la rencontre, sous prétexte d’écoute. Se poser régulièrement sur un banc, voire même très ponctuellement crée souvent des liens inattendus, humains, des conversations, parfois anodines, parfois intimes, parfois surprenantes, voire dérangeantes, la vie quoi !  Dans ces rites d’écoute, s’inscrivent aussi des voix, des paroles, des contacts, enjoués ou en grande détresse. Je me vois confrontés à des solitudes que je sens terriblement pesantes, des paysages sonores internes, de véritables naufrages, qu’il est souvent impossible de reporter tant ils sont intimes, personnels, mais auxquels je prête une oreille et une parole que je tente de faite la plus humaine que possible, sans autre prétention. Paysages esthétiques certes, mais paysages sociaux, des échos parfois très sombres, de violents désespoirs,que le rituel du banc d’écoute me ramène à fleur d’oreille.

Le rituel des Inaugurations de Points d’ouïe
Ici, nous avons affaire à un rituel des plus ritualisé, cérémonial, dans le juste sens du terme. Au terme d’un PAS, nous avons repéré et choisi un endroit précis, voire une orientation, un axe d’écoute, que nous élirons, pour la qualité de ses sources, de son acoustique, comme point d’ouïe remarquable. Le statut conféré à ces nouveaux Points d’ouïe passera par une inauguration tout ce qu’il y a de plus officielle, avec le discours d’un maire ou d’un élu, quelques minutes de silence, silence en écoute, un geste symbolique coupant le ruban auriculaire, une signalétique ou objet signalant, et l’inscription de ce point d’ouïe commenté sur une cartographie spécifique géolocalisée. C’est donc le rituel le plus voyant, et écoutant, officiel, cérémonialisé, de la démarche désartsonnante. Un prétexte à prendre langue, et oreille, avec des habitants, visiteurs, et surtout élus, sur la beauté fragile des paysages sonores ambiants, et les questions d’écologie acoustique inhérentes.

La terminologie de l’écoutant comme une façon d’assoir des rituels
PAS*, Points d’ouïe, Bancs d’écoute, Inaugurations de points d’ouïe, Écoute à oreilles nues, Sonographies, Calligraphies sonores… le ou les  rituels d’écoute sont balisés textuellement par toute une terminologie, tissée de mots-valises et de néologismes, complétant le champs, et le chant, de l’auriculaire. Souvent faussement savants, plutôt ludiques dans l’esprit, mais néanmoins pensés pour faire naître des images, images de marque y compris parfois, des sensations qui « donnent envie », ces termes sont très liés au contexte, à l’action, à l’esprit des écoutes et des lieux, et somme toute à l’esprit Desartsonnants. Cette lexicologie, qui se veut inscrite dans un corpus bien sonnant, corpus d’actions, de sons, d’images et de textes, vient participer à une part de la mise en place du rituel, comme, inversement, le rituel contribuera à assoir et à développer des termes adéquats, des images sono-paysagères ad hoc. Le rituel s’appuie sur des actions, comme sur des discours, qu’ils soient officiels, ou discourant autour d’une pensée plus personnelle,qui essaierait de maîtriser l’apparente et complexe simplicité du geste d’écoute, à la fois esthétique, social, environnemental…

* PAS – Parcours Audio Sensibles

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PAS – Parcours Audio Sensibles, des narrations paysagères

La balade sonore comme une expérience de narrations audio-paysagères multiples

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Calligraphie sonore – Desartsonnants/ Nathalie Bou – @photo Nathalie Bou

Chemin faisant, l’écoute se met en marche, au pas à pas. Les lieux et toute leur vie, intrinsèquement sonore, se donnent alors à entendre, à qui prête l’oreille. Le, ou plutôt les récits auriculaires se construisent alors, au fil des pas, des déambulations, des points d’ouïe, comme une combinaison quasi infinies de narrations à fleur d’oreille.

 

Des mots

 

Activités humaines, voix, gestes et choses entendues


Voix perçues, parfois empruntées, voire volées, un brin voyeuriste-écouteur, des bribes de conversations, ou de monologues… le rythme des pas déambulant, talons claquant et  gestes sonores, des reflets d’activités journalières captées comme des histoires du quotidien, du trivial ou du plus exceptionnel, le tout néanmoins transfiguré par l’attention auditive qui leur est portée…

 

Faune
 

Oiseaux pépiant, jacassant, hululant, caquetant, criards ou virtuoses, syrynx aguerris de la vocalise chantante… Gibiers détalant, chats hurlant dans les nuits printanières, concerts de grenouilles coassantes en bord d’étang, brames de cerfs intempestifs autant qu’amoureux, frémissements d’insectes vibrants… De villes en espaces naturels, des éc(h)osystèmes se déroulent à nos oreilles, parfois elles-même étonnées d’une telle présence auriculairement  animale.

 

Media 
- Sonorisations

Intrusions insidieuses, intempestives, voire muzakement polluantes, bribes de musiques échappées d’une fenêtre ouverte, sirènes et autres hululements urbains, Hip-hop affirmé sous les colonnes d’un opéra, déambulations festives, revendicatives, rythmées et soutenues par de puissants sound-systems, harangues et scansions haute-parlantes et mégaphoniques… Les média s’installent ponctuellement, avec plus ou moins de présence, d’impertinence, de violence dans l’espace public. Ceux-ci envahissent intrusivement parfois l’espace privé, ou bien inversement…
 Le récit, médiatiquement urbain, s’amplifie électro-acoustiquement, se diffuse, se répand par un enchevêtrement de paroles rhyzomatiques renforcées, de musiques, de canaux, de membranes, de dispositifs électroniques…

 

Ambiances

Un début et une fin – des transitions – une trame, tissages, de passages en ruptures, de fondus en coupures – Une écriture in situ, in progress, in auditu…
 Du départ à l’arrivée, le parcours est balisé, testé, validé, nonobstant les aléas, imprévus, accidents, et autres opportunités. Il propose une progression faite d’enchaînements et de ruptures, de fondus et de cassures, de points forts et de modestes trivialités… Il s’appuie sur des ambiances emblématiques, mais aussi sur des petits riens, un panel des choses à raccommoder in situ, des objets poétisés dans et via le décalage de l’écoute collective, une histoire auriculaire à partager en commun… Des ambiances quoi !

Objets et autres choses animées


Une perceuse qui met en résonance et fait vibrer, met en résonance, toute une façade de bâtiment, une fontaine qui chuinte, glougloute, s’écoule en une nappe de bruit blanc, une signalétique de feux tricolores pour aveugles qui « bip-bip » ou parle d’une voix synthétique, un engin de chantier qui gronde sourdement… Tous ces objets, machines, mécanismes, viennent animer, secouer, révéler, et participer à construire la trame d’un paysage sonore sans cesse renouvelé – Entre monstruosités acoustiques et musiques urbaines.

 

Acoustiques, Topologies, topophonies

Des espaces qui se racontent. 
Des ruptures, des transitions progressives, des effets acoustiques générés par les lieux-même, leurs topologies, les volumes, les formes, les matériaux de construction… Une histoire architecturale, environnementale, où les sons se jouent de l’espace, et vice et versa.
Topophonies, géophonies, hétérosonies, multiphonies, l’écoute des milieux sonores se met en place au cœur des lieux soniques, construits et déconstruits de l’oreille…
 Un, voire une multitude d’espaces sonores à découvrir, en quelque sorte !

Champs, hors-champs
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Des situations où la vue est directement liée à la chose entendue, où la relation cause à effet est évidente. Presque trop ! D’autres où la source sonore est cachée, camouflée, masquée, occultée, non vue, hors-champ… Polyphonie, polysonie contrapuntiques… Des situations où l’on n’est pas vraiment sûr d’identifier l’origine du son, où le jeu consisterait plutôt à naviguer entre certitude, incertitude et imaginaire, entre existant et construction purement mentale, onirique, paysagère, selon ses dispositions du moment…

 

Multisensorialité – synesthésies


Parce qu’un sens ne fonctionne jamais seul, parce que l’activation, la mise en avant de l’un en dynamise, en galvanise d’autres, parce que la vue guide, stimule parfois l’écoute, et vice et versa…

Des ambiances sonores colorées, des couleurs vibrantes comme des sons, des odeurs de viandes rôties mêlées, associées aux grésillements d’une rôtissoire embaumant le trottoir, les senteurs de foin et de fleurs d’une prairie au soleil couchant d’une chaude journée estivale, ponctuée du pointillisme d’une nuée d’insectes stridulants… Les parcours d’écoute sont multiples et infiniment variés. Ils nous racontent, avec force sonorités, formes, lumières et couleurs, odeurs, parfums et fines fragances, des ambiances où les sens se trouvent au cœur d’une immersion paysagère amène, ou dérangeante. Ils tissent une expérience sensible, poétique d’un espace sonore volontairement privilégié, voire exacerbé, pétri de sensations et de ressentis, de contemplations comme de fuites.

 

Écrits, mots

Mes mots, couchés sur le papier ou dits à haute voix, qui aiment parfois énoncer ce que le magnétophone peine à faire, ou est purement incapable de relater, face à une posture/scène/situation d’écoute, surprenante, inouïe ou anodine.

Révéler le sensible sous-jacent, le décalage provoqué et/ou ressenti, la perception parfois, souvent très loin d’être objective, ou encore simplement, partager l’émotion, le plaisir d’avoir construit un bout de chemin/paysage d’écoute à plusieurs…

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PAYSAGES SONORES EN RÉCITS ANECDOTIQUES

RÉCITS – TRACES

 

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Les détails, les anecdotes, les courts récits, ce qui peut paraître anodin, trivial, sans importance, constituent, sans doute ce qui, à la lumière de l’expérience, de la trace/mémoire, feront qu’un paysage sonore prendra véritablement corps.

LYON – PRINTEMPS

Des oiseaux, nombreux, prolixes, réveillés par les prémices d’un printemps proche, la douceur installée, pépient aux quatre coins d’un espace urbain bariolé de sons. La ville se redéploie à l’oreille dans moult ponctuations avicoles, spots rythmiques, toniques et enjoués. L’espace se révèle, autrement, plus joliment capricieux que jamais. La ville s’en trouve, tout comme l’oreille, ragaillardie, subtilement enrichie, réchauffée par l’approche d’un printemps qui s’annonce à l’écoute.

AMPLEPUIS – FIN D’AUTOMNE
Matin gris, doux et calme. les chuintements des feuilles mortes ont cessé sur
la terrasse, épuisés d’un vent cessant, comme une pluie sèche et tarie au sol,
flux automnal qui se serait évaporé…
Le village s’ébruite lentement, cloches encore endormies.
La maisonnée s’étire dans le vrombissement d’objets réchauffants, le fond
sonore est calme…

LYON – ÉCOUTE ET GOUTTES
Lyon, quartier Perrache, vers 23 heures, en rentrant d’un concert, une pluie
très dense, violente, soudaine… Un pont – tunnel de chemin de fer, assez long
car juste avant la gare de Perrache, donc un abri idéal. Des gouttes d’eau, à
l’entrée, et au milieu, offrant tout une gamme percussive de clapotis
réverbérés à souhait.. Un magnifique concert acousmatique naturel. La ville de
nuit, sous la pluie, sous un pont à l’acoustique ad hoc, un moment somme
toute rare, privilégié, à savourer sur place !

LYON A L’IMPROVISTE
Aujourd’hui, trois heures de déambulations urbaines et lyonnaises
consécutives. Une errance auraient dit les situationnistes. Beaucoup de
dénivelés, de petites rues, passages, escaliers, places… Beaucoup de sons, de
couleurs, de rumeurs, de surprises (un clocher carillonnant la Marseillaise, un
défilé militaire puis une manifestation sociale dans la foulée), de formes, de
perspectives, de points de vue, de points d’ouïe, d’ambiances… Une bonne
fatigue et l’impression d’avoir assimilé un peu plus l’esprit de ma ville, et par
extension, de bien d’autres cités ou lieux. Le sentiment également que plus
j’arpente et ausculte des paysages au quotidien, plus ils m’échappent en se
ramifiant dans d’infinies déploiements et subtilités. Cette impossibilité, ou
improbabilité, d’en embrasser l’essentiel, d’en faire le tour, même a minima,
est d’ailleurs plutôt réjouissante tant elle me laisse d’attrayantes perspectives.

MONS – POINTS D’OUÏE
Différentes ambiances acoustiques à Mons, aujourd’hui vers 14 heures. Le bas
de la ville est un gigantesque chantier, un grand lifting pour Mons Capitale
culturelle 2015, avec tous les sons qui vont avec. Pelles mécaniques, camions
et marteaux piqueurs s’en donnent à coeur joie, alors que le piéton en
chaussures de ville effectue un vrai parcours du combattant entre sable et
pavés.
Sur le haut de la ville, la grande place inondée de soleil s’agite joyeusement.
Les terrasses font recette, les conversations vont bon train, un saxophoniste
vient jouer, assez bien du reste, des airs rétros, en se posant à quelques
mètres de moi. Et toujours le grand jet d’eau en fond. Je profite de la scène
assis sur un plot de béton, au centre de toute cette frivole effervescence. Le
grand jet quand à lui, a d’ailleurs perdu de sa rythmicité. Il reste bloqué sur un
jet haut et continu qui écrase un peu trop le paysage, visuellement et
auriculairement, alors qu’auparavant, il effectuait tout un cycle, variant
l’intervention des jets, leurs hauteurs, dans différentes temporalités
rafraîchissantes, si j’ose dire…
J’emprunte ensuite la grande rue où là, c’est la Muzac qui anesthésie en partie
l’écoute, malgré la diversité et la richesse des voix et des ambiances
résonantes rencontrées. Pour échapper à cette invasion de très mauvais goût,
je m’engouffre au coeur d’une galerie marchande, dans un passage couvert,
lieu animé de belles réverbérations, où les conversations et autres modestes
sonorités prennent juste ce qu’il faut de présence et de couleurs. Hélas, il faut
ressortir de ce petit oasis acoustique pour retrouver l’agression d’une radio
commerciale, infligée sans discernement ni mesure à l’oreille de tout un
chacun… Dommage qu’une des rues principales de la ville, qui pourrait se
révéler très belle à l’oreille, se voit ainsi acoustiquement dévalorisée, voire
même franchement dégradée !

LYON – ENTRE DEUX PORTES
J’adore les portes coulissantes automatiques. Celles que l’on trouve dans les
sas d’entrées des bâtiments publics, des grandes surfaces, dans des halls et
salles d’attente des gares par exemple. J’aime me tenir à proximité de ces
objets rythmiques, de ces zones tampons, qui parfois forment un sas
intéressant par ses doubles cloisons mobiles. Ce ne sont pas tant les propres
sonorités des portes qui retiennent le plus mon attention, même si elles sont
parfois très originales et intéressantes, ce sont plutôt les effets rythmiques et
dynamiques d’ouverture fermetures, de coupures, d’atténuations, de jeux
intérieur/extérieur qui sont pour moi remarquables. Le passage aléatoire de
personnes entrant ou sortant modifie constamment l’ambiance sonore des
lieux, élargissant ou refermant le paysage à l’oreille, mettant en avant les sons
de l’intérieur, ou ceux de l’extérieur, créant une chambre de subtiles mixages
en fondus enchainés plus ou moins rapides… Deux espaces publics se frottent,
s’interpénètrent au gré des va-et-vient des portes. L’oreille est parfois confinée
dans un intérieur spécifique, parfois aspirée vers un extérieur qui lui donne de
nouvelles perspectives, de nouveaux champs (chants) d’écoute, un espace
sonore en mouvement. Dans un PAS-Parcours Audio Sensibles, il y a des points
d’ouïe très riches, presque incontournables, entre fontaines, espaces
résonnants, événements festifs et des entre deux portes…

VILLEURBANNE – ÉCOUTE PANORAMIQUE – TOITS TERRASSES
Villeurbanne, sur le toit Terrasse de la colossale mairie venant barrer
l’emblématique quartier des Gratte-Ciel, dans une architecture post
stalinienne. Temps ensoleillé, et belle lumière hivernale. D’incroyables
perspectives visuelles quasi aériennes, le centre ville à nos pieds. Une douce
rumeur de laquelle se détache de multiples sons de voix, musiques du marché
de Noël, voitures (non envahissantes). Un exemple archétype d’équilibre
son/image, de la proximité au lointain, d’un surplombant où les sons montent
sereinement vers nous.

VILLEURBANNE – ECOUTE UNDERGROUD – PARKINGS SOUTERRAINS
Villeurbanne encore. Niveau – 7 d’un parking souterrain. Aucune
voiture à cet étage ce jour là. Grondement des ventilations. Incroyables
résonances de chaque sources sonores s’enroulant autour d’une immense
rampe hélicoïdale bétonnée. Une pénombre minérale qui renforce cette
ambiance véritablement underground.

ORLÉANS – FLUX AQUATIQUES – LA LOIRE EN FURIE
Orléans un jour pluvieux et très Fraîchement humide. La Loire en crue
sauvage gronde ! Des bancs la surplombant nous offrent un point de vue-point
d’écoute où le forts courant des eaux plaque sur les quais un continuum sonore
impressionnant. La lumière comme l’eau est grise et vibrante. Rarement je
n’aurais entendu grogner si fort un fleuve sous un ciel d’un gris sourd et
menaçant. Paysage d’un pays de Loire souvent assez serein mais ici tourmenté
entre nuages pluies et eaux tumultueuses.

MADAGASCAR – VILLE MARCHÉ
Madagascar, Tananarive, quartier d’Anakelele, plein centre ville, fin d’après-midi,
une belle et chaude journée d’hiver (tropical). Un immense escalier
descendant d’une colline, et remontant sur une autre en vis à vis. Dans
l’escalier, une foule de marchands, de promeneurs, de passants. Au bas, un
gigantesque et tentaculaire marché à ciel ouvert et dans des allées couvertes,
le tout bruyamment coloré et teinté d’une myriade d’odeurs enivrantes.

 

LA PLASTICITÉ SONORE DE LA VILLE À L’ÉPREUVE DE LA MARCHE

PAS À PAS,  L’ÉCOUTE COMPOSÉE

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PLASTICITÉ
La ville possède intrinsèquement une plasticité sonore
des reliefs
des dynamiques
des creux
des excès
des fondus
des amortissements
des disparitions
des couleurs
des atténuations
des premiers
seconds
arrière-plans

Symbiose – Le son façonne la ville comme la ville façonne le son

 

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RYTHMICITÉ
La marche comme une répétition hypnotique du paysage urbain
un état de conscience entre stimulation et rêverie.
Le corps arpente
prend la mesure
oreille aiguisée
mais aussi la vue
l’odorat,
le toucher
la marche comme une stimulation trans-sensorielle
le pas qui marque le tempo
transitions en tranches de villes
le détail qui s’épaissit
le détail qui construit un sens
pas sens unique
plutôt plusieurs
entremêlés
à choisir
à s’y perdre
directions indécises
Faisceau
rai de lumière
chuintement végétal
odeur d’humus
la marche en tous les sens
urbanique rythmicité
de micro scènes en micro scènes
jusqu’au paysage
peut-être.

 

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PROMENEUR COMPOSITEUR
Faire son chemin
chemin faisant
écrire
en marchant
faire de la ville un clavier
un instrument à vent
des cordes tendues
une percussion composite
une série de caprices
à l’improviste
droit devant
un pas de côté
une oreille en coin
zigzaguant
sautillant
flânant
explorant
errant
selon un itinéraire
en chemin de traverse
suivre les traces du son
les construire
les assembler
le cours d’un fleuve
parcs traversés
marchés vivants
des impromptus
des fils d’écoute
interactions corps sons
interactions sons corps
aller vers
laisser venir
rajouter si besoin
la ville s’entend
ville danse
ville marche – ville musique
silence parfois
ou presque
ruptures et glissements
performance en mode doux
souterrain résonance
succession d’ambiances
traversées à dessein
ou traversées par hasard
rencontres
des hommes
des sons
une ville
des villes
encore
en corps
des villes
plastiques

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POINTS D’OUÏE PAS – PARCOURS AUDIO SENSIBLE EN DUO D’ÉCOUTE OPUS 7

Confluence d’ écoute(s) avec Quentin Thirionet

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Comme à l’accoutumée, un PAS en duo d’écoute, offre à un promeneur volontaire, la liberté de choisir un lieu, un parcours, un moment, pour deviser en toute liberté, à micros ouverts, sur une approche instinctive, in situ, sensible, autour des paysages traversés.

On y entend, on y voit, on y ressent, on y croise, on a envie de dire, ou non, d’extrapoler, de décrire d’imaginer, de questionner… Format très libre !

Une tranche de ville, ou un site naturel, un instantané brut de montage, sans artifices d’embellissements, assumant ses dérives, longueurs, déséquilibres, bavardages, indécisions ou partis pris.

Quentin, compositeur, vidéaste, metteur en son pour le théâtre, bidouilleur de « machines sonores » et dotée d’une oreille hardie, s’est plié à l’exercice.

10H du matin, place Carnot, beau soleil, température fraîche mais sans plus. Des lumières de fin d’automne qui incitent à la promenade.

Le marché de Noël se réveille, les baraques ouvrent, on installe tranquillement bibelots et nourritures.

Un flux de passagers travailleurs descend de la gare, et traversent l’espace, l’air très affairés.

Des valises à roulettes cliquetantes, ici ou là, signature quasi emblématique d’un espace multimodale.

Des tramways « vers de terre » suivent leurs sillons ferrés, tranquillement, presque débonnaires.

Une gare et ses environs est une véritable collection de sons, d’ambiances, un catalogue offert à l’écoute et au regard.

Traversée de la gare underground, des passages souterrains sombres, humides, réverbérants, parfois presque à l’excès, des pas et des voix croisés, toujours le tram courant d’une halte à l’autre. Ce dernier nous suivra d’ailleurs jusqu’au bout, dans sa ligne trajectoire vers le tout nouveau quartier Confluence.

Sortie à l’air libre, de l’autre côté de l’échangeur multimodale, architecture monstre, coupant brusquement, sans concession, deux territoires urbains.

Places des archives, espace clair, ouvert, offert à la déambulation, ou à la pause casse-croûte ou aux discussions des étudiants de la Faculté catholique, récemment installée.

L’arrivée de cette foule d’étudiants à chambouler le quartier, lui donnant une nouvelle vie agitée de rires et de cris.

Nous  pénétrons dans l’université, micros en main.

Architecture claire, monumentale, lumineuse,de vitres et de pierres.

Un vigile nous interpèle. Nous expliquons brièvement notre projet du moment, sur le paysage urbain. Ce qui semble lui convenir, il n’en sera hélas pas toujours ainsi dans la suite de la balade.

l’intérieur de cette université flambant neuve à conservés en son sein, des murs de l’ancienne prison, joliment intégrés dans l’ensemble architectural. On se demande si, à l’intérieur, subsistent des traces gravées sur les parois, messages, barres de comptage de jours, de mois, d’années…  Sans doute que non. En tout cas, l’acoustique est fort plaisante.

Nous remontons une large avenue, espace de transition entre la gare et le quartier hi-tech des Confluences. Rythmes de tramways, toujours, portes, voix, flux, séquences, glissements urbains…

Pour échapper au flots motorisés, nous empruntons des chemins de traverse, zigzagant en direction du Rhône. Tout s’apaise subitement. Des espace en requalification, chantiers, zone en construction, semblant indécises entre le passé et le devenir.

Une magnifique séquence sonore, un train au loin, circule lentement, sur un pont métallique en sortie de gare, sons de freins aux notes pures, deux sons comme accordés à la quarte, mélodies, rythmes, musique des lieux… Puis, au détour d’un bâtiment, une gosse tondeuse autotractée déboule sans prévenir, grognements, elles disparait vite, le calme revient, résillience acoustique, des pas et des voix qui viennent rééquilibrer les espaces de proximité avec le back gord au lointain.

Nous avançons vers le nouveau quartier. Formes architecturales surprenantes, parfois un brin audacieuses, parures ajourées, multicolores, ostentatoires… Une sorte d’exercice de style architectural qui tient de la démonstration, du catalogue, le tout un brin tape-à-l’œil.

Un calme surprenant.

Peu de mouvement, peu d’activité, presque trop calme pour être urbain, ou donner l’impression rassurante d’un quartier bien vivant.

Nous débouchons sur la « darse », avancée d’eau entre deux rangées de bâtiments, canal  intérieur en forme de petit port, façon méditerranée, qui vient s’échouer en cul-de-sac, face à l’Hôtel de Région. Trois bateaux de plaisance et quelques mouettes s’y sont invitées, pour parfaire le décor.

Soudain, un important groupe de personnes déboule d’on ne sait où, du bout du quai. nous fendons ce flot humain et bavard, le traversons, à contre-sens… Quelques brassards, porte-voix… Une manifestation ? Les bribes de paroles captées dans le flux ne nous en apprendrons pas plus.

Direction le centre commercial Confluence.

Espace haut, large, vitré, et singulièrement désert en cette proximité des fêtes de Noël.

Encore un indice de la difficulté de ce quartier à trouver un rythme de croisière qui l’assimile à un site urbain véritablement actif, accaparé par ses résidents, ses visiteurs…

Musac traditionnelle. Un Renne géant, immense marionnette pantin Père Noël, à la voix grave et tonitruante, apostrophe les visiteurs, leur proposant de venir jouer à une tombola commerciale. Drôle, décalé, kitch à souhait.

A deux pas, une grande fontaine, érigée en murs d’eau ruisselante, glougloute et clapote, au son d’oiseaux exotiques. On a cru bon de rajouter des sons aquatiques amplifiés à la scénographie. Là encore, un bien étrange design sonore, lui aussi très kitch, surtout lorsque la voix du grand renne vient s’en mêler. Tout près, un immense show room d’ordinateurs ornés de pommes. Un brouhaha tamisé, une cohorte de vendeurs de rouge vêtus, des conversations très geeks, un des seuls espaces vraiment vivants de ce complexe commercial.

Et c’est là que les choses se gâtent.

Un vigile vient nous voir en nous disant qu’il est interdit d’enregistrer dans ce lieu. Je lui explique que nous n’enregistrons que des ambiances sonores, ce qui et du reste parfaitement vrai. Il téléphone son PC et finit par acquiescer et s’éloigne.

Nous continuons donc notre écoute, captation. Peu après, il revient à la charge, nous expliquant que la loi nous interdit d’enregistrer sans autorisation dans ce lieu. Deuxième tentative de négociation, Une loi ? Ah bon ! Laquelle ? Nous voila donc partis pour nous expliquer auprès du responsable du PC sécurité. Nouvelles questions, des lois encore, en fait purement inventées pour appliquer des strictes consignes de sécurité post 13 novembre. Nous abdiquons finalement, et sortons, encadrés des vigiles, du centre commercial. De toute façon, nous avons mis en boite ce qui nous paraissait intéressant. La liberté de l’espace public se restreint bel et bien pour le preneur de son, voire pour tous ses usagers. Un brin inquiétant et agaçant, cet usage répressif de l’état d’urgence, ce musèlement dés que quelque chose sort un tant soit peu de l’ordinaire ! Vive les grandes masses dociles et silencieuses, et surtout pas de vagues !

De retour à l’air libre, nous remettons le magnétophone en marche et poursuivons vers la partie du quartier qui est encore en démolition reconstruction. D’anciennes halles et quais subsistent, vestiges d’un immense marché gare, aujourd’hui presque totalement rasé. Des engins de chantier partout, ambiance mécanique et slaloms entre les barrières de chantiers et les tas de gravats. Certains, bâchés de noir, vibrent joliment dans le paysage, comme une imposante installation land art involontaire

Rues désertes, longeant des espaces dents creuses, tiers lieux lépreux, en cours de démolition, des décharges sauvages, des terrains vagues où se posent parfois les cirques de passage. Espaces également accaparés par la prostitution, petit à petit repoussée de plus en plus loin vers l’extérieur de la cité, avec toutes les zones de violences cachées et de non droit que cette politique de nettoyage des centres peut générer.

Arrivés quasiment à l’extrémité de la Confluence, face au monstre métallique, nuage improbable du musée au titre éponyme, nous remontons en longeant la voie du tramway, sorte de ligne rouge mouvante et sonore de notre périple.

Un jardin urbain, avec un petit lac, quelques glougloutais, et beaucoup d’oiseaux. Soudain, une longue sonnerie de sirène, test du premier mercredi du mois ,transperce l’espace de ses hululements stridents. Puis à nouveau, tout se calme, et tout semble encore plus calme en comparaison avec le déferlement sonore qui vient de s’éteindre.

Petit à petit, retour dans des espaces plus habités, qui se densifient progressivement à l’approche de la gare. L’église Sainte Blandine est ouverte, nous y pénétrons. Les églises sont toujours d’agréables oasis de calme, nimbées de réverbérations donnant aux presque silences des lieux, des écoutes  limpides, qui se mêlent aux projections colorées des vitraux, marbrant le sol de lumières chatoyantes.

Pour traverser la gare, toujours par le dessous, nous empruntons cette fois-ci un très long tunnel tout en courbes, où se côtoient piétons, vélos, autos et motos, planches à roulettes, dans un joyeux mais à la longue stressant capharnaüm acoustique. Les ambiances sonores sont largement amplifiées par des voûtes bétonnées. Un groupe de jeunes adolescents exercent leurs expressions vocales dans de bruyantes joutes orales, cris et chants. Ajouter à cela quelques motos bien timbrées dans les fréquences graves, l’ambiance est à la fois quelque part jouissive, et à la limite du supportable.

De nouveau à l’air libre, retour sur la place Carnot, après un périple de deux heures trente environ, comme toujours riches en événements et échanges. En attendant les prochains PAS…

 

En écoute

https://vimeo.com/user13635839https://ephemeride.bandcamp.com/

https://vimeo.com/user13635839https://ephemeride.bandcamp.com/

POINTS D’OUÏE, SÉQUENCE URBAINE

Séquence de ville rythmique

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Nuit tombée,

dans une rue assez calme,

bordée d’une voie ferrée,

en hauteur…

Passage d’un train,

assez court,

plaintes aiguës de freins,

sur deux tons,

à la quarte,

cliquettements,

martèlements saccadés,

rythmes caractéristiques,

éloignement rapide,

extinction,

un instant de calme,

trois jeunes femmes me croisent,

bottes à talons hauts,

beaux claquements,

ainsi d’autres rythmes,

sur l’asphalte cette fois-ci,

nouvel instant de calme,

quatre voitures passent,

assez lentement,

chuintements sur le sol mouillé,

encore un instant de calme,

puis,

une personne,

avec une valise à roulettes,

petit grondement,

saccadé par la marche,

un klaxon au loin,

comme une ponctuation…

Si je voulais composer, un paysage sonore,

à partir de rythmes urbains,

celui-ci serait parfait !

Rien à retoucher !

Juste,

le saisir sur le vif !

POINT D’OUÏE – RÉSONANCE LYONNAISE

Entrez dans la résonnance – Tunnel de l’ile du souvenir

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Une improvisation libre, inspirée par le passage dans le tunnel de l’Ile du souvenir, Parc de la Tête d’or à Lyon. Tels des enfants, toujours attirés par la résonance des passsages couverts, Gilles Malatray et Natalie Bou, en repérage ce jour là sur des ambiances aquatiques, jouent à faire sonner. Tout commence inopinément par quelques gouttes d’eau…

J’ai toujours beaucoup aimé cet effet acoustique qu’est la réverbération. Elle nous donne d’emblée l’échelle du lieu, elle nous immerge dans un bain vibratoire parfois jouissif, elle développe mille couleurs sonores, chatoyante, de l’intime à l’ostentatoire.

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Je recherche des aventures acoustiques, en  écoutant avec bonheur sous les piles de larges ponts urbains, aux derniers niveaux inférieurs de parkings souterrains, dans des églises, cathédrales, basiliques, sans musique de fond, dans des rues couvertes…

Lieux sombres, sonorités à fleurs d’oreille…

Entrez dans la résonance d’une ville, de lieux en lieux, comme un parcours sonores jalonné de petites perles sonores qui bruissent. Nos pas, les voix, la moindre petite goutte d’eau, autant d’objets d’écoute anodins qui, plongés dans un bain réverbérant, donnent à l’espace une poésie parfois apaisante, parfois un brin angoissante, mais toujours pour moi excitante.

 

 

ÉCOUTEZ – ENTREZ DANS LA RÉSONANCE – PASSAGE SOUTERAIN DE L’ILE DU SOUVENIR – PÂRC DE LA TÊTE D’OR À LYON

 

 

 

 

POINTS D’OUÏE – LE CEGEP DE VICTORIAVILLE EN ÉCOUTE

Point d’ouïe – Balades sonores estudiantines québécoises

CEGEP* de Victoriaville – Section arts et lettres

Je tente de retracer ici la encontre avec une vingtaine d’étudiants, et d’un professeur à l’enthousiasme aussi bouillonnant que communicatif.

Nous n’avons pas un grand temps d’intervention, il s’agit de montrer et de faire vivre une expérience liée à la notion de paysages sonores à un public qui n’est pas forcément versé dans le champ des arts sonores, mais qui au final se montrera vraiment très réceptif, voire enjoué. Des oreilles conquises, pour mon grand bonheur.

Après quelques brèves explications sur les origines des soundwalks, ou balade sonore,  et quelques mises en condition pour vite s’imprégner des ambiances, nous partons, par une radieuse et fraîche matinée automnale, à la découverte de paysages sonores ambiants du CEGEP.

Premier arrêt, l’immense hall d’entrée, encore à l’intérieur du bâtiment. Hall boisé, vitré, d’imposante taille, tout ce qu’il faut pour faire  entendre de magnifiques réverbérations. Des voix, des pas crissants, des portes qui s’ouvrent et se ferment sur des espaces intérieurs, sur la cour extérieure, une spacialisation digne du meilleur dispositif de diffusion électroacoustique multicannale, voire très largement supérieure. Dès ce premier point d’ouïe, les oreilles sont en alerte, ouvertes à la rencontre sonore, à l’imprévu acoustique, aux petites comme aux grandes modulations du paysage. La première approche s’avère très souvent décisive pour souder une communauté temporaire d’écoutants, il faut judicieusement préparer, mettre en scène ce moment, pour embarquer déréchef le groupe dans un voyage d’écoute qui les prendra dès le premier instant, et les maintiendra, sous l’emprise des sons jusqu’au moment où l’on décidera de repasser en « mode  normal ».

Cet effet cathédrale du hall ayant parfaitement joué son rôle de catalyseur d’écoute, nous pouvons alors sortir frotter nos oreilles aux espaces extérieurs.

La porte, par un effet de sas, élargit d’un coup d’un seul le champ auditif vers des horizons plus lointains. Nous ressentons physiquement une pression acoustique plus détendue, un changement très net dans les perceptions de plans sonores différemment étagés.

Deuxième halte, juste quelques mètres plus loin, après le franchissement de ce seuil transitionnel. L’audition se porte vers des sons ténus mais bien identifiés et localisés dans l’espace, porte grinçant à droite, oiseaux à gauche, voix et rires devant, au loin, voitures en fond… L’espace acoustique se met progressivement en place, avec ses repères, ses sonorités intrinsèques, ses mouvements, l’échos des bâtiments qui obturent ou réfléchissent…

Nous passons ensuite derrière un bâtiment, encore une rupture rapide et surprenante. Des sons brusquement disparaissent, sont étouffés, noyés, d’autres apparaissent, se superposent. Entre autre, un ronflement de ventilation qui émerge du sol par une large bouche grillagée, ouverte sur le flanc d’un mur. Nous nous regroupons tout autour. Étrange scène d’écoute, un brin surréaliste, lieu improbable, posture inhabituelle, sons des plus surprenants, triviaux, voire laids, surtout à choisir comme ressource de « concert ». Or c’est justement l’incongruité de ce moment qui fait naître une véritable magie.

Autour  de cette action volontairement décalée, va pouvoir se construire une nouvelle scène, de nouveaux gestes, une modification sensible du paysage. Subrepticement, j’installe autour de ce point d’ouïe pour le moins trivial, des sources sonores discrètes, avec des micros HP autonomes. Des voix, des gouttes d’eau, des grincements, des tintements anachroniques, se spécialisent dans la pelouse, les arbres, les rebords de fenêtres environnantes. L’écoute se déporte, se décale, se dirige vers, physiquement ou non. On est entré dans un nouveau territoire sonore « renaturé », la surprise est là, le geste réactivé, l’oreille ré-alertée… Nous restons dans cette nouvelle posture un moment suffisamment long pour nous imprégner de l’étrangeté de l’ambiance, jusqu’à en oublier , ou en accepter cette bizarrerie comme un état quasi naturel.

L’ambiance bien installée, je propose d’autres formes d’écoutes  à l’aides d’objets exploratoires, auscultatoires, longue-ouïes, casques filtrants, stéthoscopes… Sans un mot. Juste des gestes, postures proposése, suggérées. Puis des objets abandonnés à d’autres mains, à d’autres oreilles, à discrétion.

Une autre phase s’amorce. D’autres mondes sonores se profilent, d’autres gestes, postures, situations…. On ausculte le mur, les feuilles et le tronc d’un érable, on dirige les cônes acoustiques vers  telles ou telle source, on écoute, on s’écoute, on rit, on s’étonne, on s’isole pour expérimenter, ou on se rassemble, le groupe se retrouve dans cette expérience ludique, spontanée, collective. Le temps passe, et il est difficile d’extirper les étudiants de cette petite aventure sonique.

Rentré à l’intérieur, des sons plein les oreilles, je montre aux étudiants quelques exemples d’interventions, qu’elles soient plastiques, physiques, acoustiques, liés à l’environnement, au sens très large d ferme.

La rencontre fut riche, entre professeur, « étudiants, et paysages, même si ces derniers ne dépassèrent pas, géographiquement,  le cadre habituel et quelque peu « banal »de l’établissement. Une façon de ré-enchanter des espaces parfois tellement usés sensoriellement par leur trop grande fréquentation…

* CEGEP

POINTS D’OUIE ET DE VUE – MIRIBEL JONAGE

POINTS D’OUÏE (ET DE VUE) À MIRIBEL JONAGE

zone d’écritures sensibles

@ Nathalie Bou

Un petit voyage en bus, de Lyon jusqu’aux lacs du Grand Parc de Miribel Jonage, avec l’envie de porter en duo, avec Nathalie Bou, artiste plasticienne et scénographe, l’œil, l’oreille, la main, le corps, vers des paysages ambiants.

Désir de spontanéité territoriale, de gestes qui ne chamboulent rien radicalement, mais secouent un peu la torpeur des lieux.

En préambule déambule.

Petite marche.

Trouver l’espace adéquat, avec des lumières, des sons, des ouvertures visuelles, sans trop de foule.

Constante, l’eau, omniprésente, étale, vivante, qui s’impose comme une matière incontournable, qui éclaire l’espace de mille reflets changeants… Nous n’y échapperons pas, néanmoins, nous sommes venus en connaissance de cause.

Trouvaille en forme de rencontre paysagère.

Au détour d’un sentier sinueux.

Une plage de galets, des arbres, de beaux points de vue, et d’ouïe…

Adopté, nous posons les bagages.

Rumeur d’une ville invisible, des voix réverbérées, de clapotis, des chiens au loin…

Les lumières tremblotantes du soleil sur le miroir d’eau étale.

Deux personnes sur leurs chaises de plage, nous observent curieusement.

Première approche, ne rien faire, en apparence. Se laisser immerger, submerger, envahir.

Garder les yeux et les oreilles aux aguets, marcher, sentir les galets et les racines sous ses pieds.

Faire des gestes simples, lancer des cailloux dans l’eau, désir enfantin, apaisant ressourçant.

Les lancer longtemps, petits, gros, un par un, par poignées, fortement, mollement, au ras de l’eau, en l’air. Ténacité ou agacements, qu’importe.

Ecouter.

Regarder.

Eclaboussements.

Ronds aux mouvances concentriques.

Reflets de soleil secoué dans le miroir de l’eau clapotante…

Enregistrer, au cas ou…

Pendant se temps là, Nathalie étale du bleu, du rouge sang, beaucoup de rouge aujourdhui, majoritaire, sur des racines, des pierres, des herbes, qui n’en demandaient certes pas tant.

Mais dociles, les végétaux, la surface de l’eau se laissent colorer, acceptent des teintes parfois inquiétantes.

@Nathalie Bou

La volonté transparait de s’élever contre des massacres d’animaux, actualité violente, sanglante, cétacés massacrés noyés en masse dans leur sang, l’eau sauvagement rougie, rouge Goya, jusqu’au au bord de cette plage quiète.tranquille.

Troubler le paysage de ses propres écœurements.

Déborder l’actualité, catharsis sans doute.

L’humeur se déteint en couleurs.

Pus sereinement, je dicte quelques mots à mon magnétophone, ressentis phrasés.

J’ajuste un vrai faux paysage dans des rythmes de paroles qui surgissent, sauvages, brouillonnes et espérées tout à la fois.

Encore une trace d’écriture qui prendra peut-être place, ou non, dans une réécriture prochaine, après un temps de maturation, non encore estimé dans sa temporalité.

J’installe une série de petits haut-parleurs dans un grand cercle, sur la plage même, à fleur de galets.

Points sonores à la fois ténus et marqueurs affirmés.

De petits sons importés, délocalisés, anachroniques, anecdotiques, frictions entre l’existant et la fiction doucement imposée.

Écriture par couches.

Le couple nous jette des coups d’œil curieux, mais ni franchement inquiets, ni trop dérangés. Ils écoutent, observent de loin, sans interférer, étonnés et amusés, sans plus.

Les sonorités tournent dans l’espace, voix chuchotantes, cris d’enfants, grincements de portails, gouttes et ruissellements en contrepoints aquatiques, face à une grande étendue d’eau plutôt sereine, et bien réelle celle là.

L’espace acoustique se trouve  momentanément, en léger déséquilibre, dans une discrète instabilité, sans pour autant qu’il soit malmené, ni violenté, tout juste questionné par ces ajouts soniques, pointillistes et capricieux.

@Nathalie Bou

Au final, épuration progressive, on ne gardera qu’une source sonore, nichée dans le creux d’une petite souche, juste un tremblement, un tressaillement localisé, petite balise sonifère.

Brautigam est alors convié.

Nathalie avait envie de lire cet auteur, que j’adore aussi.

Autres contrepoints, au bleus et rouges, aux micros sons distillés, au paysage, des textes courts, incisifs, entre humour, dérision et noirceur,

Encore une trace. Enregistrée.

Et, comme les autres, matière à, ou à ne pas, peut-être, je ne sais comment, trop tôt pour, on verra bien…

Le paysage m’échappe encore, toujours,  en même temps qu’il s’inscrit, en même temps que nous le fabriquons à notre façon, que nous le traçons, incertains, de sons et d’images et de gestes.

Des traces de végétaux encrées, toujours du rouge, parfois du bleu, autres contrepoints aquatiques, nervures imprimées sur des feuilles blanches, fragiles et résistantes.

Les heures ont passé, vite.

Ranger.

Laisser les lieux dans leur état initial.

Leurs laisser le temps d’une résilience tranquille.

Le couple part. Comme je sens qu’ils auraient envie de nous dire un mot, je m’excuse donc de la gène qu’on a pu leur causer, notamment via notre installation sonore impromptue.

Il n’en a rien été nous disent-ils, au contraire, c’était plutôt agréable.

Un petit public qui est resté, sans faire de bruit, curieux de nos agissements.

Nous partons aussi.

Traces dans la mémoire de nos mains, de nos têtes, quelques sons, des idées, en chantier.

Écritures à suivre, ici ou ailleurs, dans un soucis de partage.

Les paysages pour exister doivent s’écrire sans cesse.

@Nathalie Bou

EN ÉCOUTE ICI

ALBUM PHOTOS ICI

POINTS D’OUÏE ET POINTS DE VUE CROISÉS

L’œil écoute et l’écoute regard

ListenToYourEyes

Un point d’ouïe seul

jamais ne se suffira

je recherche à l’envi

une synchronie de l’œil

et de l’ouïe brassés

rencontres transmédiales

d’un lieu et d’un moment

d’idées et de personnes

où les sens conversent

où les sens convergent

où les sens divergent

où l’essence persiste

j’espère émoustiller

dans des duos sensibles

un espace partiel

ou bien intersticel

paysages partagés

dialogues concertants

aussi déconcertants

contrepoints tricotant

du voir et de l’entendre

représentations croisées

du sonore multiple

contaminé de lumière

d’images rémanentes

et de formes mêlées

symphonies syntones

d’accords en vibrations

en couleurs et en sons

représentations fragiles

de singuliers ressentis

arpentage à la marge

de territoires piétonniers

synesthésies convoquées

expériences du réel

mâtinées d’écritures

qui s’aventurent hardies

sur des terres d’échanges

erratiques complicités

ou itinéraires concertés

duos d’écoutes rétiniennes

duos de visions sonifiées

duos d’écoutants regardants

duos de regardants écoutants

il me faudrait sans compter

combattre l’hégémonie

d’un absolu sens unique

d’une pensée sens unique

d’une écriture sens unique

ne pas m’enfermer marri

dans de tristes tours dorées

chercher en périples humains

en des marches urbaniques

le regard de l’autre

comme force d’écrire

comme force de vivre.

POINTS D’OUÏE ET CARTOGRAPHIE SONORE

POINTS D’OUÏE – DES SONS À LA CARTE

Les cartographies sonores, parfois associées à des cartographie dites sensibles, mentales, sont aujourd’hui rentrées dans des pratiques courantes.  Ellles visent à apporter une couche de définition territoriale (supplémentaire) ou un supplément d’informations, notamment géographiques, géomantiques, le tout visant à construire et à définir un, ou une série de territoires sonores singuliers.

Différentes des cartes de bruits urbains, procédures aujourd’hui imposées par des directives européennes à bon nombre d’agglomérations (http://www.bruit.fr/boite-a-outils-des-acteurs-du-bruit/cartes-de-bruit-et-ppbe/), sont actuellement dressées.

Je laisserai ici de côté ces cartes, certes utiles, mais pour moi un brin trop normatives, pour aborder celles traitant plutôt des notions de paysages sonores, dans leurs approches esthétiques, sensibles, même si une préoccupation écologique n’est pas évacuée pour autant, tant s’en faut.

Sans vouloir faire ici un inventaire de l’existant, cat il y aurait matière trop  abondante à traiter, je donnerai néanmoins quelques exemples de cartographies, avant d’aborder le sujet par un angle plus spécifiquement et personnellement« Points d’ouïe ».

Nous trouvons ainsi différents modèles de cartes, servant souvent à différentes préoccupations, de la banque de données en passant par des projets plus artistiques , esthétiques, et nombre de variantes difficiles à enfermer dans une catégorie précise.

Les technologies numériques, notamment avec les géotags, la géolocalisation, jusqu’aux SIG  (Systèmes d’information géographiques) contemporains, ont assez rapidement ouvert des champs d’exploration et de diffusion touchant, via le réseau internet,un large public, professionnel ou non.

Voici donc, pour illustrer le sujet, quelques exemples, sans soucis de hiérarchisation, ni d’analyse, et encore moins de prétendre à une quelconque exhaustivité.

Aporee, une mine de sons participative, le monde en écoute

http://aporee.org/maps/

Stanza, The Sound Cities, entre traces et esthétiques

http://www.soundcities.com/

Écouter Paris, c’est capitale, à l’oreille

http://www.ecouterparis.net/

Locustream Soundmap, des micros (websoundcam) ouverts sur le monde

http://locusonus.org/soundmap/051/

Cartographie sonore de Montréal, territoire en écoute

http://www.montrealsoundmap.com/?lang=fr

Il existe bien sûr quantité d’autres projets, formes, présentations… Je n’en donne ici qu’un bref aperçu non représentatif de ce vaste champ.

Le projet Points d’ouïe est donc très intéressé par ces développements cartographiques. Si l’action de terrain constitue la base, l’essence-même de la démarche, celle de se frotter les oreilles in situ, de vivre une expérience physique, partagée, sensible, la carte n’en offre pas moins d’intéressantes perspectives à explorer.

La trace

Il est évident que lorsqu’on travaille sur des matières intangibles, le son par exemple, ou vers des productions immatérielles et éphémères, tels le parcours, la balade, on se pose la question de la trace.

Faut-il forcément donner une matérialité à l’immatériel, le rendre plus tangible, explicable peut-être ? L’instant vécu suffit-il à faire œuvre ?

Faut-il toucher plus de personnes, y compris celles qui n’ont pas participer à la déambulation ?

Faut-il conserver une mémoire de la chose passée, achevée, pour raviver, voire entretenir des souvenirs inhérents à des instants de plaisirs, ou de déplaisir ?

Faut-il développer par la trace, le rendu, pensés comme des objets de communication, des ressources/actions, qui donneront envie de se frotter physiquement au paysage sonore ?

Ou bien cette trace, multiple, constitue t-elle, bon gré mal gré, un condensé cherchant à répondre, même partiellement,  à ces divers questionnements ?

Pour  ma part, je pencherais volontiers pour cette dernière hypothèse, nonobstant le fait qu’elle elle n’est pas en soi pleinement satisfaisante, comme toute réponse à un faisceau de questions , d’ailleurs. constamment renouvelé

L’autonomie du promeneur écoutant

La carte à elle seule, qu’elle soit format papier, guide, ou application mobile, via son portable, sa tablette, permet de proposer un parcours sans la présence d’un guide physique. On peut ainsi partir seul, ou en groupe, sur les traces de ce qui a déjà été préalablement repéré, testé, et en quelque sorte balisé, même par des marqueurs numériques embarqués. Cette autonomie selon moi, ou en tout cas dans le cas du projet Points d’ouïe, ne reflète qu’une partie de la proposition, et me semble ne pas pouvoir communiquer la synergie, ainsi que le décalage qui font que le parcours « événement » reste un temps fort difficilement proposable en autonomie, sans une certaine atrophie de l’action.

Une nouvelle couche de lecture, production singulière

Au-delà de la trace mémorielle, du guide, une cartographie peut également constituer une couche  originale d’information, mais aussi une extension, sous la forme d’une représentation esthétique, sensible, artistique, venant se superposer au geste accompli in situ. Il peut s’agir dans ce cas d’une carte offrant la possibilité d’agglomérer différentes formes de représentations, comprenant des photographies, du texte, des images, et sse posant ainsi comme une ré-interprétation du parcours, en contrepoint de la promenade « classique », plus physique. L’objet carte sera donc singulier, sans pour autant trahir ou déformer le parcours initial, avec de multiples déclinaisons envisageables, jouant sur l’hybridation, le mixmédia et l’œuvre modulable à l’envi.

POINTS D’OUÏE – MONS 2015

MONS LE SON !

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Revenir chaque année dans la même ville, en y marchant de jour comme de nuit, de haut en bas, de droite à gauche, en y cherchant sans cesse la petite ruelle discrète, en laissant trainer oreilles et micros, c’est un peu plus creuser un sillon de l’écoute au fil du temps.

Prenons par exemple la ville de Mons, je tente toujours d’en prendre le pouls bruissonnant, d’en faire saillir à l’oreille les plaisirs, comme les choses agaçantes, décevantes, voire franchement désagréables. Une galerie marchande couverte qui résonne joliment, avec comme signal la porte d’une librairie qui tinte agréablement depuis des années, des bancs, postes d’écoute au cœur d’ilots retranchés, dans des parcs discretement lovés dans la cité, ou sur des des hauteurs d’où l’on embrasse un panorama sonore intéressant, un beffroi qui ne sonne malheureusement plus que le dimanche, la grande rue, toujours polluée de sa muzac commerciale, le jet d’eau de la grande place qui a perdu, avec sa programmation, qui faisait varier la fréquence, l’alterrnance et la hauteur des jets d’eau, beaucoup de son intérêt, le rythme des ouvertures et fermetures des commerces, avec raclements de chaises et de tables sur les pavés rythmant la vie quotidienne aux beaux jours…

Une ville se dessine aussi par ses mille sonorités, de celles qui font que l’on s’entend plus ou moins bien avec elle. Une chose cependant est sûre, plus j’acoquine mon oreille avec cette ville, plus je m’y reconnais, dans ses travers et plaisirs, en faisant mien moult détails, repères, infimes choses sonores qui me donne peu à peu l’impression de m’approprier un peu plus l’espace, d’y trouver de belles affinités.

Texte écrit dans le cadre du festival d’arts sonores City Sonic et de Mons 2015

POINT D’OUÏE LYONNAIS, FAÇON PÉREC

TENTATIVE D’ÉPUISEMENT D’UN POINT D’OUÏE LYONNAIS , FAÇON PÉREC

Hier, mardi 18 août, aux alentours de 21H, assis sur les marche du Théâtre Nouvelle Génération, rue de Bourgogne à Lyon, 9e arrondissement.
Une légère pluie vient tout juste de cesser, l’air est agréable, presque frais. La nuit est maintenant tombée.

Lorsque le magnétophone connait ses limites, les mots s’y substituent…

Devant moi, une intersection avec des feux tricolores, des voitures de tous genres passent, s’arrêtent, passent, s’arrêtent, passent, s’arrêtent… Voitures, camions, motos, à chacun sa façon de vrombir…
Un bar ouvert, le patron rentre tables et chaises en causant fort avec des clients à l’intérieur.
Une jeune femme passe tout près, d’un pas pressé. Ses tongues claquent sur l’asphalte mouillé.
Une voiture anime la rue des puissants cliquetis de la grosse remorque métallique qu’elle tracte. On l’entend venir bien avant de la voir et partir bien après l’avoir perdu de vue. Hors champ.
Un vélo traverse le scène, en silence.
Un bus en colère klaxonne rageusement après une voiture qui lui a joliment grillé la priorité.
Un train de marchandise, sur la droite, hors-champ, n’en finit pas de secouer le paysage de ses rythmes saccadés, réverbérés par les constructions adjacentes et les deux ponts de pierres qu’il enjambe.
Le clocher de l’église de l’Annonciation, que l’on voit émerger des toits, égrène ses neuf coups, avec de surprenants échos qui feraient croire que deux clochers se répondent très rapidement.
Un groupe de promeneurs déambulent en parlant de vive voix d’un spectacle apparemment très apprécié.
Des gens fouillent les poubelles d’une supérette, on entend les froissements des sacs en plastique et les fermetures des couvercles.
Une moto, monocylindre, (Harley peut-être?) démarre du feu avec un tintamarre à la fois beau et à la limite de ce que le paysage urbain, et ses habitants, puissent supporter.
Un père de famille portant sur ses épaules une fillette, lui fredonne une chansonnette que l’enfant a l’air de fort apprécier.
Deux personnes regardent à leur fenêtre, en silence.
Un autre train, plus discret et plus court celui-ci.
Le bar ferme ses portes dans un bref mais énergique roulis métallique.
La supérette ferme également ses portes sans particulièrement se signaler à l’oreille, seule l’extinction de ses lumières atteste de sa fermeture. Le quartier, petit à petit, presque en catimini, se blottit un peu plus profondément dans la nuit.
Un jeune homme africain arrive en chantant, me demande du feu avec une voix joviale. Come je lui répond que je n’en ai pas, du fait que j’ai cessé de fumer, il me répond dans un grand rire que j’ai bien de la chance, et s’en va en m’adressant un sympathique signe de la main.
Les voitures se raréfient progressivement, jusqu’à laisser de temps à autre, de vraies plages de silence, durant quelques secondes en tout cas… Surprenant et apaisant.
Un jeune homme chevauchant un Vélov (bicyclette urbaine en libre location) tente de venir arrimer sa monture à la station se trouvant à quelques mètres de moi. Comme il n’y a pas d’espaces libres, il repart en grommelant.
Nouveaux tintements des dames d’airain dans leur tour de pierre, qui semblent rassurer le quartier. Dormez tranquilles braves gens, nous veillons sur vous…
Des adolescents, garçons et filles, arrivent en parlant haut et fort, en chantant et en faisant tintinnabuler leur réserve de bouteilles qu’ils portent dans de grands sacs. Le calme reprend peu à peu le dessus lorsqu’ils s’éloignent. La rentrée étudiante s’approche.
La fenêtre d’où observait le couple s’est refermée, sans bruit.
Un autre train se fait entendre, toujours invisible, de voyageurs celui-ci.
L’heure avançant, les événements deviennent moins denses, le quartier s’apaise, je décide alors de rentrer.

Ainsi va la ville, ou tout au moins une tranche de ville, lorsqu’on lui prête l’oreille

POINTS D’OUÏE, L’INVITATION À L’ÉCOUTE

AU FINAL, SE CONFRONTER AU TERRAIN

Œuvrer à un catalogage de sites auriculaires remarquables, à un état des lieu des paysages sonores, à un répertoire de points d’ouïe me parait au final une vaste utopie, et en tout cas une volonté somme toute assez prétentieuse.

Pourtant, raconter par des mots, des sons, des images, un territoire sonore, l’enregistrer quelque part en l’écrivant sur quelques pages d’un livre, ou sur un des innombrables recoins de la toile n’est pas un geste vain, tant s’en faut.

Cette trace, inscrite et partagée, prend alors tout son sens lorsqu’elle incite le lecteur à aller se frotter au terrain, lorsqu’elle lui donne envie de s’émoustiller les sens en les confrontant à un chemin sauvage, un arbre, un ruisseau, une rue, une ville…

C’est là la véritable force de la trace répertoire, non pas de dresser un tableau représentatif de paysages sonores, mais de faire rêver de potentiels promeneurs écoutants, de les inviter à un voyage d’écoute, physique, de leurs montrer les beautés intrinsèques en même temps que la fragilité de certains lieux, et la nécessité d’en préserver leurs richesses.

Le projet Points d’ouïe convie à une expérience esthétique in situ, qui n’a d’autre volonté que de changer votre regard/écoute de sites choisis, en vous invitant à vous y frotter physiquement. Pas moins que cela !

POINTS D’OUÏE – EXPOSITION DE SONS VIVANTS

TOUS LES SONS SONT DES SONS,

ET INVERSEMENT !

Exposition sonore temporaire,

virtuelle,

éphémère,

à l’air libre,

et à 360°…

 

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Une galerie sonore

Une galerie virtuelle, mais néanmoins bien réelle, à même la rue, via un parcours d’œuvres sonores bruissonnantes, à ouïr in situ, et pas ailleurs.

Un commissaire, guide, médiateur, qui emmène un groupe pour la visite d’une exposition originale, constituée des sons vivants, et donc en partie imprévisibles, qui sont en fait les propres sonorités de la ville, données à entendre comme de véritables compositions sonores….

Une collection d’œuvres sonores inédites, inouïes, intangibles, immatérielles, éphémères, aléatoires, originales, mais bien en sons !

Peut-être le préambule d’un (grand) projet à venir le «Musée des sons vivants et des sites auriculaires remarquables», projet visant en partie à dénoncer une trop forte muséification paysagère en même temps que patrimoniale, sclérosante, en revendiquant l’instantanéité sensorielle comme processus artistique dynamique.

Vernissages, inaugurations de cadres d’écoute, de points d’ouïe, urbains, ou non…

Lieu de l’exposition ou des vernissages, inaugurations, ici ou là, dans le centre ville, la banlieue, la campagne, la nature, dans un site architectural, industriel, un jardin, une forêt, un lac…

Durée de l’exposition, le temps de la visite, très longtemps après, voire plus, si affinités.

Installation, accrochage de l’exposition : un repérage préalable, c’est tout ! Aucune assurance des œuvres sonores ni installations fixes ne sont requises.

Scénographie : Lumières, architectures et sons naturellement et intrinsèquement in situ, cadres et d’écoute et sons mobiles, aucune régie technique nécessaire

Vernissage, inauguration de points d’ouïe : en présence des autorités locales compétentes, concernées, et du public (en l’occurrence tout public)

Exemples de sons vivants exposés dans leur contexte typologique, historico social et esthétique…

– Archéologie et patrimoine, les cloches (sonorités historiques et lutherie urbaine)…

– Design sonore et industrie, la voiture, l’engin de chantier, l’ustensile électrique, la ventilation…

– Média, animation commerciale, radio, sonorisation urbaine, musicien de rue…

– Société, les voix, les pas, les gens qui passent, beaucoup de gens…

– Environnement, l’eau, le vent, les arbres, les oiseaux…

– Acoustiques, réverbérations, échos et autres effets sonores…

Quelques titres

Rumeurs urbaines – Muzac festives – Flux mécaniques – Pointillisme avicole – Voix-ci, voix là ! – Bonnes ondes – Ecoute en chantier…

PS : Les œuvres sonores présentées seront généreusement offertes au public en fin de visite, si elles existent encore ! Leur valeur marchande se mesure en TPE (Taux de Plaisir à l’Écoute), valeur mondiale, partageable et échangeable dans le monde entier, sans aucun frais ni formalité. Pas de spéculation auriculaire !

Chargé de projet, commissaire, médiateur et guide : Gilles Malatray/Desartsonnants

Organisation : Coproduction Desartsonnants, structures et partenariats locaux.

* En hommage à John Cage

QUESTIONS DE POINTS D’OUÏE

Points d’ouïe  ?

Sam Merrill Trail to Echo Mounta

Comment aborder un site, sensoriellement, en saisir ses grandes lignes, comme ses subtilités, en décrire/écrire le(s) paysage(s), y compris avec les oreilles, partager des découvertes in et out situ, les connaissances et émotions liées à ces expériences ?
Comment dépasser l’événement, le superficiel, l’annecdotique, le tape à l’œil (et à l’oreille)?
Comment enclencher une démarche durable, des échanges multiples, des réseaux actifs, la mise en place de ressources partagées à long terme… ?
Comment élargir le geste artistique, esthétique, vers une éthique à défendre via notament l’écologie sonore, voire l’écologie tout court ?
Comment la marche, le parcours, peuvent-ils être à la fois outils d’exploration et des productions artistiques ancrés dans un territoire donné ?
Comment l’occupation du terrain, via une résidence, une auscultation active, sur une certaine durée, peut permettre de creuser les sillons d’écoute qui feront sonner les espaces, sans surtout rien en bouleverser, juste en mettant en valeur les beautés intrinsèques d’un bel existant ?
Comment jouer sur un partage d’amours pour les paysages, les sites, les territoires explorés ? L’amour n’est pas un état suranné ni galvaudé, il faut revenir à aimer véritablement des choses a priori simples, partagables et fragiles. Le paysage (sonore) en est une.
Comment faire que cette démarche, sans doute ambitieuse, se construise dans un terreau fertile, se ramifie tout en s’enrichissant de moult lieux et rencontres, ici ou là, voire plus loin, ou ailleurs ?

POINTS D’OUÏE – LA MINOTERIE DU SEUIL DE NAROUZE (Aude – France)

Minoterie de Naurouze

Le bruissement des lieux et La clé des Dormants

Parcours d’écoute entre eaux, vents et pierres
Le bruissement des lieux

Minoterie du Seuil de Narouze (Aude)
sur l’invitation d’Alain Joule et de Pascale Goday 
dans le cadre du Méta-Opéra « La clé des Dormants »

A mon arrivée, de très belles surprises, trois éléments se partageaient la vedette pour donner au lieu une incroyable force physique, esthétique, et dynamique.
Le premier à m’accueillir fut le vent. Un grand vent d’Autan, coutumier de cette région, omniprésent et tempêtueux ce jour là. Ce vent gronde, balaie les feuillages à qui il donne voix, du sourd gémissement aux bruissements des peupliers trembles les bien nommés. Il s’engouffre dans les fous les espaces de la minoterie, par le moindre interstice, la moindre tuile mal ajustée, et donne à chaque pièce, à chaque couloir, une couleur sonore différente. C’est un vent maestro, virtuose, même si dit-on, à forte dose, il rend fou par l’intensité de sa présence et sa pugnacité à secouer le paysage. Durant notre balade, il fut néanmoins un allié de poids qui, loin d’écraser l’écoute, lui donna mille reliefs au gré de ses bourrasques, accalmies, et des sites traversés, plus ou moins protégés ou exposés, naturels ou bâtis.
Le second élément rencontré, incontournable lui aussi sur ce site fut l’eau. La minoterie du Seuil de Narouze a naturellement construit son moulin sur un cours d’eau, et est de plus située sur une ligne de partage des eaux, à quelques centaine de mètres du canal du Midi et d’un lac artificiel, bassin de rétention construit sous le règne de Louix IV. L’eau est donc elle aussi une constituante des plus importante du site. Elle est d’ailleurs ici exploitée de façon très complexe pour la régulation et l’irrigation des plaines agricoles du Lauragais. De nappes tranquilles et silencieuses en des rigoles ou bassins encaissés, d’ou elle surgit par des boyaux rétrécis, avec un grondement imposant des puissantes basses, l’élément aquatique propose une riche palette de sonorités. Ces nombreuses manifestations la rendent acoustiquement présente quasiment partout sur le site, à différents degrés, pour le bonheur du promeneur écoutant. Un espace tout à fait magique est la salle des turbines, sous la minoterie. On y accède par un escalier escarpé qui nous amène au cœur d’une immense salle où se dressent d’énormes machineries, turbines, tuyaux… décor de science-fiction à la Jules Verne noyé dans un tonnerre aquatique véritablement assourdissant. A la fois un émerveillement mais aussi, paradoxalement, un enfer pour les tympans pour qui s’y attarderaient trop longtemps.
Un des gestes les plus intéressants de ce parcours fut le grand nombre possibles de mixages eau/vent, en jouant sur des approches ou des éloignement progressifs des sources aquatiques, fondus enchaînés auriculaires, laissant plus ou moins de place aux éléments dans leurs équilibres, ou déséquilibres, dans leurs maîtrises ou hésitations aléatoires.
Et enfin le troisième élément à m’accueillir dans ses murs fut la pierre. L’imposante masse de la Minoterie désaffectée, de ses différents corps de bâtiments sur deux étages, traversés de cours d’eau aménagés, avec le moulin, les silos, les habitations, la sale de lavage, les espaces de séchage… Déambuler dans un tel lieu, au volume impressionnant, offre un choix de points de vue et de points d’ouïe qu’il faudrait prendre beaucoup du temps pour en explorer toutes les finesses. Néanmoins, après une écoute rapide, ces espaces sonnent chacun de façon différente, avec plus ou moins de porosité avec l’extérieur. Des escaliers en bois craquent joliment, une salle avec un bassin de lavage présente une acoustique tout à fait remarquable, endroit idéal pour installer temporairement des sons décalés via des craquèlements de céramiques mêlés à des chants d’oiseaux malgaches et à l’échauffement vocale de l’artiste Pascale Goday captée quelques heures plus tôt in situ… Une grande cage-Volière dans le hall d’entrée se comporte, explorée au stéthoscope, comme une incroyable harpe métallique, avec des résonances et des harmoniques que l’on excite de la main, et qui chantent différemment selon les caresses, tapotements ou pincements de ses cloisons en fil de fer. Dehors, on explore le grondement d’une chute d’eau du trop plein « la rigole » alimentant anciennement le moulin. Sans parler de tout ce qui a échappé à mon oreille tant le lieu et vaste et riche…
J’avais au départ imaginé, au vue des photos du site, un parcours essentiellement intérieur, architectural en quelque sorte. Mais c’était compter sans la beauté et la richesse de l’écrin extérieur que je ne pouvait plus, arrivé sur place, ignorer. Le parcours joua donc sur des rapports extérieurs – intérieurs, ce qui nous amena à ressentir sensiblement les espaces les volumes, et leurs ambiances spécifiques, et tous les « sas auditifs transitoires » qui les relient.
La question liée aux rapports de l’écoute in situ et à la prise en compte de l’écologie sonore, à noter que nous étions à la date de la « Word Listening day 2014 », amena à un sympathique débat avec les promeneurs écoutants du jour, dont la propriétaire, qui fut ravie de redécouvrir le site et son propre bâtiment à l’aune de ses oreilles.
Ce parcours fut suivi d’un autre parcours Méta-Opéra « La clé des Dormants », écrit parAlain Joule et interprété en duo avec Pascale Goday. Œuvre protéiforme, alternant jeu instrumental, chant, déambulation, actions, peintures, installations plastiques, projections vidéos et sonores… Cette Clé des Dormant place la communication entre les hommes comme sa problématique centrale. En 10 tableaux écrits dans les murs de la Minoterie, s’y référant, les citant, les magnifiant, le duo d’artistes donne 14 fois la représentation de ce spectacle, chaque fois différent, peaufiné, élargi par notamment la magie des lieux et le travail in situ. Moments magiques, synesthésiques, profondément humains…

Gilles Malatray le bruissement des lieux  -Vidéo d’Alain Joule

Merci Alain et Pascale pour ces très belles rencontres.

http://fightersoftenderness.blogspot.fr/

POINTS D’OUÏE – LE SENTIER DES LAUZES

POINTS D’OUÏE

LE SENTIER DES LAUZES

1ère journée, la résistance acoustique des Lauzes

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L’immense plaisir de me poster au cœur d’un Oto Data d’Akio Suzuki, pour moi un très grand maître de l’écoute !

Il est un sentier de randonnée, niché au creux des Monts d’Ardèche que je rêvais depuis longtemps de parcourir, tout au moins d’en découvrir de visu, à bout de pieds, quelques parties. Ce sentier, le Sentier des Lauzes pour le nommer, est un itinéraire de randonnée aménagé, ponctué d’œuvres de différents artistes, dont Akio Suzuki, Gilles Clément, Christian Lapie, Domingo Citsernos…

Invité par Raymond Delepierre, nous partîmes donc, sur deux jours, oreilles et regard à l’affut, en exploration de cette incroyablement belle région, où les points de vue offrent de majestueux débouchés sur des vallées encaissées, des collines escarpés à la végétation méridionale, des sentiers qui nous emmènent de surprises en surprises. Ici la pierre grise, la lauze est reine. Elle est travaillée, assemblée avec un art consommé, pour donner corps à de somptueuses maisons lovées à flanc d’escarpements rocheux, sur le lit de rivières temporairement asséchées, ou sur des promontoires aux vues imprenables. La lauze se décline en d’innombrables murets et pavages qui se fondent dans le paysage pétri de matières minérales où de très vieux volcans se décèlent encore. Il est d’ailleurs très difficile de décrire, pour qui n’y est jamais venu, cette région dessinée autour de la sinueuse rivière de la Drobie

Pour ce qui est de la première journée, si la vue offrait sans retenue moult paysages tous plus enchanteurs les uns que les autres, les sonorités du pays, sans être pauvres, présentaient une certaine résistance à l’oreille. En fait, le paysage sonore n’était pas, a priori, en adéquation avec le paysage visuel. Il était beaucoup plus retenu, discret, intime, presque caché pour une oreille non avertie. Bien sûr, quantité de sources sonores étaient bien présentes, cigales ponctuant l’espace de rythmes presque réguliers et pourtant capricieux, oiseaux, bruissement du vent dans les grands feuillus, voix réverbérées qui montaient de gorges encaissées… L’auricularité du lieu n’était pas, loin de là, indigente. Pour autant, dans une idée de partage d’écoute, je pensais que la mise en place d’un parcours ou d’une promenade sonore, dans la partie où nous étions, était difficile à faire nettement ressentir à un promeneur non initié, non habitué à une écoute profonde, active. D’où mon expression de résistance des lieux qui ne s’offraient pas spontanément à qui les parcouraient, sans une attention très soutenue, une ouverture d’esprit, un état de réception sensorielle presque exacerbé. Sinon, le paysage visuel noierait l’espace sonore de son imposante majesté, ce qui n’était peut-être somme toute pas si grave que cela, tous les éléments d’un paysage ne pouvant pas se montrer ou s’entendre dans un parfait équilibre.

Cette première journée m’a également permis de découvrir de près les sculptures de Christian Lapie (Silence des Lauzes), d’Akio Suzuki, un grand maître de l’écoute (Oto Date) de Domingo Cisneros (Paroles de Lauzes) et de Gilles élément (Belvédère des lichens). Que du bonheur !

2e journée, l’ouverture tympanique des Lauzes

La deuxième journée nous amène dans un splendide village, Dompnac, niché au creux d’une vallée encaissée, à la confluence de trois rivières descendant des collines abruptes, contre lesquelles la petite bourgade et adossée.

Ici, à la différence avec la première partie du sentier que nous avons exploré la veille, tout semble soudainement, à l’oreille en tous cas, s’éclairer, devenir limpide, lisible, presque palpable.

Un coq nous fait découvrir de son fier chant de magnifiques et longues réverbérations portées et entretenues par les collines voisines. Bien que très asséchés dans cette période de grande sécheresse, les ruisseaux animent néanmoins le site à hauteur de deux ponts d’où l’on peut jouer à mixer progressivement les rives droites et gauches par des fondus déterminés via de lents allers-retours entre les deux parapets de pierre. La quasi absence de circulation automobile permet de jouer ainsi sans risques.

Deux belles cloches en campanile de lauzes coiffent l’église attendant de réveiller la vallée de leurs tintements d’airain.

Malgré la chaleur étouffante, des voix s’échappent des maisons où l’on se tient sagement à l’ombre.

Un théâtre de verdure aménagé laisse penser que le site a été prévu pour des représentations de plein-air.

Un banc surplombant la vallée fait office de point d’écoute des plus agréable.

Le site sonne délicatement, très équilibré, véritable entonnoir acoustique qui fait que nous avons l’impression de nous trouver au cœur d’une immense oreille de pierre, construite par le village-même et les collines et vallées environnantes.

Certaines époques, au printemps par exemple, après une période pluvieuse, un orage, doivent voir le site s’animer de bouillonnements et de grondements aquatiques beaucoup plus toniques qu’en cet été caniculaire et desséchant.

Tout ceci n’est pas sans donner des idées désarçonnantes. On envisagerait ici un beau PAS (Parcours Audio Sensible). Tout d’abord un séjour pour ausculter le village de fond en comble, en prélever des sons, les agencer pour une composition sonore qui pourrait être diffusée dans le théâtre de verdure, pour clore par exemple une balade écoute publique. Le site serait également un terrain propice à l’élaboration d’un petit parcours où une signalétique nous inviterait à tester des postures d’écoute, et pour asseoir le parcours, on inaugurerait un point d’ouïe à cartographier et à répertorier dans la liste des petites et grandes merveilles auriculaires naturelles. Il est des lieux qui font rêver l’oreille en même temps que les yeux…

3e journée, ouverture panoramique du belvédère de Beaumont

Nous sommes ici hors du sentier des Lauzes, tout en haut de notre camp de base, dans le très beau village de Beaumont, perché comme son nom l’indique sur une colline dominant un imposant panorama de pierres et de verdure entremêlées.

Un agréable sentier de sous-bois nous amène à la table panoramique de la Croix de la Tourasse d’où nous embrassons du regard quasiment 360°, à un arbre près qui nous cache une petite portion du paysage.

Question – l’oreille jouit-elle du même grandiose effet panoramique que la vue?

Réponse, à priori non, le paysage sonore n’est pas tant s’en faut aussi majestueux et attirant que celui qui s’offre au regard;

Pourtant, en y prêtant attention, le panoramique sonore est bel et bien présent, et qui plus est très riche. Il nous faut pour cela faire l’effort de porter l’oreille au loin, de projeter l’écoute vers les fonds de vallées, les villages, les routes, ne pas se contenter du proche espace acoustique, plus facile à cueillir. Alors on découvre une fine spacialisation sonore où des outils électriques, des sautes de vent chahutant les feuillages, quelques rares voitures, des cigales pointillistes, des chiens au loin, construisent un espace d’écoute qui se plaque délicatement sur le panoramique visuel. Comme pour le premier tronçon du sentier, cette scène acoustique ne se livre qu’avec un peu de patience, d’immobilité, d’attention. Lorsqu’on la découvre, nous prenons ainsi possession d’un immense cercle sonore, que nous écoutons en surplomb, dans une attitude proche de celle convoquée par la « Plateforme des lichens » de Gilles Clément. Le regard et l’oreille dominent, tout en allant pêcher au loin des accroches paysagères reconstituant un vaste théâtre auditif panoramique. Si le paysage visuel est imposant, le sonore lui se fait plus discret, mais reste néanmoins bien présent dans un grand arc de cercle nous positionnant à un focus d’écoutant au centre des sons exactement.

Un grand merci à Raymond Delepierre et Catherine pour m’avoir si gentiment  invité à découvrir tous ces superbes paysages sonores et visuels.

Album photos cliquez ici

http://www.surlesentierdeslauzes.fr/

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POINTS SENSIBLES, DE L’OUÏE ET D’AUTRES SENS

POINTS SENSIBLES, DE L’OUÏE ET D’AUTRES SENS

Hier, avec Nathalie Bou, on expérimente un lieu.
Comment le lire ?
Comment l’écrire, le réécrire ?
Comment le partager ?
Du bout des yeux – le regarder, le dessiner, le photographier, se l’imprimer tout au fond de la rétine…
Du bout des doigts – le toucher, le caresser, l’effleurer, en déceler les matières, les rugusités, les douceurs, le conserver au creux de la main…
Du bout des oreilles – L’écouter, l’ausculter, l’entendre, le ranger dans un recoin du colimasson…
Du bout des pieds, le marcher, l’arpenter, le tracer d’orteils en talons…
Et puis, lui surajouter des couches sensibles, des nappes de couleurs, des flagrances sonores, de minuscules reliefs, ou creux, un signe, une intime calligraphie…
Installer un espace, un parcours, une zone décelable bien que pas forcément déterminée, et encore moins figée, travaux en cours, toujours…
Respecter son fragile équilibre, se contenter d’en souligner délicatement des saillances, les absences, des points de vues, ou d’ouïe, dérouter les sens au gré du vent, de l’arbre, de l’eau, du galet…
Partager, ne pas garder pour soi mais fabriquer une multitude de petits trésors, hors coffre, in situ, offerts à tous vents…
Écrire, tenter de retenir, voire de faire naitre, au fil des mots, ce qui pourrait rester trop intangible, éphémère, paysages partagés…

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