« A l’écoute du vivant » La manufacture des idées

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« A l’écoute du vivant », dialogue avec Jérôme Sueur et Stéphane Marin, La manufacture des idées, le 27 août 2023, modération au débotté Desartsonnants.

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Inauguration d’un Point d’ouïe au Prieuré de Vausse

Le Prieuré de Vausse en écoute

Le 18 juillet 2016 à 18H30, lors de la Word Listening Day – Partenariat CRANE Lab Vausse AnimationsLe festival Ex-voO -Desartsonnants

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@Crédit photo  Yuko Katori

J-1, repérage
Après un petit périple dans la magnifique campagne de l’Auxois, que j’apprécie de plus en plus au fil de mes venues, nous arrivons, en bordure de forêt, aux portes du Prieuré, entouré, protégé même, me semble t-il, par une nature joliment accueillante.
Nous effectuons, guidé par l’un des propriétaires du lieu, un repérage des différents espaces du Prieuré. La cours de la ferme, l’ancienne église, aujourd’hui salle d’exposition et de concert, la magnifique bibliothèque, hélas fermée au public, le cloître, et lui attenant le surprenant «Jardin des sensibles », pour finir par l’ancien et imposant four de la faïencerie locale, avant que de revenir vers le cloître.
Il se dégage de ses différents espaces un sentiment  de calme, de quiétude, d’apaisement qui, dans des époques un brin agitées, nous offrent un havre de paix oh combien appréciable, mais j’y reviendrai en vous contant notre belle écoute du lendemain.
Le point d’ouïe est assez vite choisi, je vous le détaillerai également le moment venu.

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@Crédit photo Yuko Katori

Jour J – Un PAS et l’inauguration

18H30, le public est présent, assez nombreux en ce lundi estival, certaines personnes ayant même décidé de participer aux deux inaugurations de la journée, à Montbard, et ici, sur la commune de Chatel-Gérard.
Comme à l’accoutumé, une courte présentation de la World Listening Day, de l’écologie sonore qu’elle défend en donnant à entendre ce jour de multiples paysages, et enfin de ce que signifie et représente pour moi le fait d’inaugurer un point d’ouïe.
Nous commencerons notre Parcours à l’extérieur de l’enceinte du Prieuré, face à un vaste champ, fermé à l’horizon, d’une barrière de collines boisées. J’ai pour habitude de préssentir les espaces acoustiques à échos, et de les tester en les faisant sonner de ma trompe, pour vérifier mon pressentiment. Ce que je fais donc ici. Et, à ma grande déception, rien ne se passe a priori. Mais voila que quelques micro secondes plus tard, dans le lointain, assez loin à vrai dire, trois échos me répondent. De beaux échos ! Je réitère donc plusieurs fois l’excitation des échos, avec succès. Le paysage au loin, complice, nous répond. Une belle entame pour explorer de l’oreille le Prieuré dans lequel nous pouvons rentrer maintenant.
L’oreille resserre son écoute dans la cour du Prieuré ou des enfants jouent, ponctuant l’espace de leurs frais rires et cris.
Nous passons dans le prieuré même, avec un arrêt à l’entrée, sous les voûtes du déambulatoire entourant le jardin central du cloître.
Une nuée d’hirondelles nous y accueillent en tissant de volubiles traits sonores qui irisent l’espace dans une dynamique qui nous ravit l’oreille.
Une sculpture de métal sonne joliment dans la réverbération des lieux, lorsqu’on l’excite de baguettes caoutchoutées.
Le centre du jardin ré-ouvre notre écoute, notamment vers une nouvelles nuée d’hirondelles et de moineaux piaillant en se partageant l’espace.
J’installe temporairement une installation sonore mobile se jouant des lieux en lui greffant momentanément des sons tout à fait exogènes, qui leurs confèrent une étrange ambiance peuplée de cris d’animaux, auxquels répondent en contrepoint les feulements de la sculpture centrale caressée.
Nous passons dans le « jardins des sensibles ».
A chaque passage d’un lieu vers un autre, les ambiances changent sensiblement, avec des espaces aux plans sonores plus ou moins resserrés, aux ambiances nettement différenciées, néanmoins tout en restant dans une harmonie homogène, baignée d’une sérénité propre à ce genre de lieu. Les pierres et les végétaux semblent entretenir ici une belle connivence pour protéger la quiétude ambiante, sonore y compris.
Le passage, assez long dans le jardin, sera un moment fort, instant de grâce, où la synergie du groupe d’écoutants soudera une écoute collective pour le moins intense. Des moments d’une rare intensité émotionnelle, un partage sensoriel en acmé, comme l’instant le plus fort d’un orchestre transporté par la musique même qu’il interprète. Ici, la musique est celle des lieux, et les musiciens des abeilles, le vent dans les arbres, des voix d’enfants au lointain, et moult bruissonnements ambiants.
Chaque écoutant se poste là où il veut, s’immobilise, s’assoit, s’allonge, immergé dans une ambiance acoustique vivifiante. Plusieurs nids d’abeilles font frémir un coin de mur d’une onde doucement vrombissante. Chaque point du jardin résonne d’une vie propre, mais qui tisse un tableau sonore joliment unifié. Nous auscultons les arbres et les plantes du bout de longue-ouïes.
Difficile de s’extirper de cette ambiance pour revenir au cloître, lieu élu au final pour l’inauguration du nouveau Point d’ouïe.
Dernière phase d’écoute, celle-ci pour inaugurer officiellement le point d’ouïe, et les oiseaux sont plus que jamais de la partie dans ce silence incroyablement habité.
Il me semble, et je le dirai pour clôturer la cérémonie d’écoute, que nous retrouvons collectivement une partie du silence monacal que les pierres auraient conservé, presque magnifié au fil des siècles, pour s’offrir encore aujourd’hui à qui sait aller les dénicher du bout de l’oreille.
Ce nouveau Point d’ouïe, qui sera également signalisé in situ et géolocalisé via internet, sur une cartographie spécifique.
Cette journée de la World Listening Day fut très riche de sons et d’actions d’écoute partagés, dans deux sites magnifiques, avec le parc du Château Buffon à Montbard, et tellement différents acoustiquement.
La beauté visuelle des sites résonne directement avec leur beauté sonore, même si cette dernière est beaucoup moins perçue au quotidien que la première. Ces journées sont notamment là pour révéler ces sites auriculaire remarquables.

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@photo Yuko Katori – CRANE Lab

Prieuré de Vausse

Vausse Animations

Cartographie des points d’ouïe inaugurés

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INAUGURATION D’UN POINT D’OUÏE À MONTBARD

MONTBARD, DOUBLE POINT D’OUÏE ET LIGNE D’ÉCOUTE

Parc du château Buffon de Montbard, le lundi 18 juillet à 16H, pour la World Listening Day

28435036656_5bf8bbb260_n1Crédit photo @Yuko Katori

Jour J-1, 17 juillet vers 12H, repérage
Nous avons envisagé cette inauguration sur le site du Parc du château Buffon, car sa position dominante sur la vallée, ses différentes terrasses, chemins, falaises et escaliers donnent l’occasion d’effectuer un PAS-Parcours Audio Sensible préalable, riche en diversités acoustiques. C’est une façon de se mettre l’oreille en appétit avant la cérémonie d’inauguration elle-même.
Je découvre à cette occasion, merci à l’ami Jean Voguet qui m’accompagne dans l’écoute et me guide pour cette préparation, un chemin-escalier escarpé et sinueux, qui longe une enceintes extérieure du parc Buffon, et fera une belle entame de promenade écoute.
Lors du repérage, nous arrivons au sommet du sentier-escalier à midi tout juste, au pied de l’église du château, dont la cloche nous gratifie à point nommé d’une belle volée, pour l’angélus de la mi-journée. Un arrêt s’impose pour profiter de cet appel d’airain, juste sur nos têtes, car je sais pertinemment que nous ne l’entendrons pas demain. Cette longue volée n’en finit pas de s’éteindre, espaçant progressivement ses coups, nous faisant croire que c’est le dernier, avant que de repartir sur son inertie du mouvement balancier. C’est un beau decrescendo, un ralentissement capricieux, qui nous fait entendre, dans les derniers silences de plus en plus longs, l’étrange bourdonnement, un brin « faux », ou en tout cas inharmonique, comme diraient les acousticiens, de la cloche battante.
Ces derniers battements éteints, un chant nous parvient, ponctué de paroles dans une résonance très accentuée. Il s’agit de la sortie de la messe dominicale, qui s’échappent des fenêtrons de l’église et par la porte principale ouverte. L’orgue s’’y joint, véloce et magistral, remarquablement bien joué du reste… Un enchainement d’une belle séquence sonore que nous n’aurons pas non plus demain, pour le parcours officiel. Tel est la vie  toujours changeante d’un paysage sonore, au jour le jour. Demain sera tout autre à l’oreille !
Arrivé sur la terrasse haute du parc, nous pensons à deux points d’ouïe possibles, que nous avons préalablement déjà écoutés, lors de la préparation et de l’installation plastique et sonore Canopée.
Un choix cornélien qui nous fait prendre une décision pour trouver un nouveau modèle de points d’ouïe, inédit et donc inouïe. Il sera cette fois-ci double, relié par  une ligne d’ouïe, une ligne d’écoute, permettant le passage auriculaire, en marchant d’un point à l’autre. Explication au chapitre suivant.

28467646675_528889590a_kCrédit photo @Yuko Katori

Jour J – 18 juillet à 16 – PAS et inauguration
Rendez vous dans la cours du Musée Buffon, en présence de Madame le Maire, le Directeur culturel du musée, et un groupe d’oreilles curieuses, intriguées par l’étrange idée d’inaugurer un Point d’ouïe.
Temps chaud, très chaud, voire caniculaire.
Un petit moment d’explication autour de la World Listening Day, des principes d’écologie sonore que défend cette journée, de la notion de PAS* ou de son histoire aux regards des soundwalks Canadiens et Nord-Américains.
Nous nous ébranlons, dans cette marche d’écoute collective, que je guide une fois de plus, avec ce sentiment de bien-être, de joie même, lié à ces moments de partage où l’on sent une énergie, celle de l’écoute partagée, qui émane de notre petite communauté du moment. Je répète souvent cela, mais c’est tellement énergisant dans un monde parfois timoré, où la communication se fait très (trop) souvent à coup de mails, de chats et de SMS. J’arrête là cette digression sociale pour reprendre le fil de la marche, et de l’écoute.
Nous gravissons progressivement de très anciens escaliers, entre deux murs épais, longeant le parc du château. Une toute petite partie de la ville se montre, cernée, cadrée, encadrée dirais-je, par une fenêtre visuelle et auditive, tranche verticale de ville qui dessine derrière nous. Nous nous retournons, lui faisons face de temps à autre, au fil des paliers, pour la regarder/écouter. A un moment, bel impromptu, presque à croire qu’il était programmé, une mobylette passe, gaz à fond, dans cette partie escarpée. Elle s’affiche brièvement dans l’encadrement en contre-bas. On l’entend arriver, sans la voir, dans un premier temps, dans un crescendo bourdonnant. Puis elle franchit très vite notre espace-fenêtre, le son subitement perçu très fort, disparait assez vite, laissant se réinstaller une calme et ténue rumeur urbaine. J’adore ces instants où l’on découpe l’écoute en fenêtres spatio-temporelles, très fréquentes dans l’espace urbain, effets garantis, et qui sont visiblement fort appréciés des promeneurs.
Un peu plus haut, dans le même chemin, je décide de décaler l’écoute en installant, via de mini haut-parleurs autonomes, huit sources sonores forestières et aquatiques, micros bulles sonores spatialisées, qui se répondent et s’installent de façon presque incongrue dans ce lieu minéral. Instant d’écoute acousmatique, après lequel nous laisserons à nouveau se réinstaller les sons « naturels » de l’espace.
En haut de l’escalier, plusieurs virages à angles droits viennent nous couper de la ville, nous sommes enserrés par les murs et les sons urbains étouffés par ces derniers, seule la gente avicole permet une sorte de continuité, notamment avec un beau chant d’oiseau. C’est un merle virtuose, fier et impétueux, qui semble nous suivre, et nous guider vers le haut.
Débouché sur la terrasse supérieure, qui domine Montbard sur deux versants Est et Ouest. Nous écoutons tout d’abord le centre du parc, où des sonorités assez indéfinies émergent des deux vallées, avant que de longer la muraille Ouest, donnant une vue sur le versant plus rural de la ville. Au bas, de grands arbres qui bruissonnent sous les caresses du vent. En contre-bas, des usines, des aciéries, muettes à cette période estivale, mais qui, aux dires des promeneurs, rythment la vie de la ville par leurs sons des « tubes » manipulés, barres métalliques fabriquées ici, et signature acoustique locale incontournable. On peut d’ailleurs jouer aux sons-fantômes, à les entendre dans sa tête, surtout que nombre d’entre nous les connaissent pour les avoir déjà entendus, et peut-être même écoutés, qui sait.
Quelques oiseaux rythment notre marche, mais la chaleur étant assez prégnante, beaucoup moins que ce que nous avons connus précédemment, lors de l’installation de Canopée, où choucas, corbeaux et passereaux se partageaient les arbres avec forces cris, surtout choucas et corbeaux ! Ici, ce sont plutôt des chants isolés, ciselés, discrets par rapport à certaines périodes d’écoute dans ce même parc.
Arrivés contre la tour située à l’extrémité de la terrasse supérieure, nous profitons du surplomb pour écouter, en contre-bas, l’installation sonore et avicole d’un certain Desartsonnants, vue et entendue du haut, effet canopée oblige. Des sons d’oiseaux, un brin remaniés il est vrai, émergent ici et là, se mêlant aux « vrais» oiseaux, semant parfois le doute sur le qui est qui, qui est rapporté et qui est indigène, qui est un véritable syrinx emplumé et qui se cache derrière un micro-haut parleur suspendu sous la frondaison sylvestre.
Puis nous revenons vers le centre du parc, pour préciser notre choix sur le, ou plutôt les points d’ouïe. en effet, cette terrasse haute du parc domine deux versants très différents de la vallée, côté Ouest et côté Est, avec des couleurs sonores, ambiances, sources, effets acoustiques somme toute très différents. Côté  Ouest, une rumeur tranquille, des arbres bruissonnants, la rocade au loin… Côté Est, la ville très proche  à nos pieds, des voitures, des voix, des sons plus émergents, plus diversifiés et plus denses sans doute, selon les heures et les saisons.
Cruel dilemme, choix cornélien, quel point d’ouïe élire pour l’inauguration ?
Réponse adaptée à ce cas de figure particulier : les deux – un à l’ouest, l’autre à l’Est, quasiment en vis à vis. Nous décidons de tracer entre les deux, pour les réunir, une ligne d’ouïe immatérielle, empruntant un chemin qui mène l’écoutant d’un site auriculaire à l’autre. Il nous faut le parcourir lentement, pour apprécier, dans un long fondu-enchainé, la transition d’une ambiance à l’autre, la transformation progressive du paysage sonore d’un versant à l’autre. Bel exercice d’écoute entre ces deux espaces panoramique, et un lieu rêvé en fait.
Point Est, nous inaugurons officiellement le Point d’ouïe. Madame le Maire, dans son discours inaugural, nous parle avec beaucoup d’à propos et de finesse, d’écoute, de paysages, de vie sociale, de territoire à  entendre, de signatures sonores locales…
Nous inaugurons officiellement ce lieu d’écoute par quelques minutes, non pas de silence, mais d’écoute justement.
Quelques jeux acoustiques, des longue-ouïes pour porter une oreille sur la vallée, et le fait de faire entendre comment, en reculant de quelques pas du mur d’enceinte vers l’intérieur du parc, les sons de la ville s’estompent très rapidement pour laisser place à ceux du parc, et vice versa en avançant vers le mur.
Nous parlons avec la municipalité de la matérialisation, de la localisation et de la pérennisations des points d’écoute, par de petits panels – consignes, qui expliquent in situ, en quelques mots la finalité de ce « portée d’oreilles ». Reste à voir les formes possibles, le parc étant sur un site classé aux Monuments Historiques et donc protégé. Si l’écoute y est totalement libre, l’affichage d’informations pérennes reste soumis à la validation des architectes des bâtiments de France.
Nous finissons par une dernière visite écoute de l’installation Canopée, en empruntant un bel « escalier noir « , à l’acoustique très intime, avant de déboucher sur la terrasse inférieure, vers de toutes autres ambiances visuelles et sonores, au pied d’une falaise sur laquelle se dresse le château Buffon.
Nous nous disons une dernière fois que ce très beau parc constitue un terrain et un écrin d’écoute vraiment privilégié et presque incontournable.
Nous y reviendrons d’ailleurs pour d’autres PAS lors des Journées du Patrimoine, en septembre 2016.
Grâce aux partenariats avec la ville de Montbard, CRANE-Lab, le musée Buffon, Desartsonnants, le festival Ex-voO, Montbard est devenu cette année un lieu d’écoute remarquable et je l’espère remarqué.
Départ pour le deuxième site point d’ouïe à inaugurer dans cette journée, le Prieuré de Vausse, à Châtel-Gérard toujours dans cette belle région de l’auxois. A suivre donc !

Cartographie : ICI

* Parcours Audio Sensibles – @Desartsonnants

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