Qu’il est beau le Rhône par grand vent ! 

Un PAS – Parcours Audio Sensible avec un master FLE (Français Langues Étrangères » et un programme ALISE (Arts Littérature Images Scène Espace).

Nous commençons par une belle cour intérieure de l’Université Lyon 2, Campus des berges du Rhône, où les voix , les rires, le vent dans une haie de lauriers, le claquement d’une affiche à demie décollée, animent joliment un espace réverbérant à souhait. La courette est entourée de passages couverts, arborée en son centre, et ressemble fort à un cloître, acoustique comprise.

Un deuxième spot auriculaire se présente comme une sorte de sas intérieur, lieu fermé, minéral, sombre, d’où partent plusieurs escaliers, avec une porte donnant sur l’extérieur. Des voix résonnent au loin, quelque part dans les étages supérieurs du bâtiment.

Un étudiant traverse l’espace, ouvre la porte vers l’extérieur, ce qui nous fait entendre la rue avoisinante, ses tramways… Transition acoustique dedans/dehors. La porte se referme très très lentement, opérant un fondu sonore du plus bel effet, un étouffement , descrescendo progressif, avant que la scène soit close par un claquement résonnant. Un instant très audio-cinétique que l’on aurait pu composer. Nous concluons notre écoute par quelques bribes de chant diphonique, histoire de révéler un peu plus encore l’acoustique réverbérée, et de  faire sonner ce beau lieu intime.

Nous sortons de l’enceinte de  la fac. Des tramways, des étudiants, des usagers de l’hôpital voisin, la rue est animée. Nous la traversons pour nous diriger vers le Rhône et descendons sur les bas-quais. Le vent souffle fort et le ciel est d’un noir qui présage une pluie imminente.

Une traversée de quelques centaines de mètres, entre deux ponts, routier et SNCF, nous permet de nous plonger l’oreille dans les paysages aquatiques fluviaux. Et aujourd’hui, ils sont particulièrement riches et singuliers !

Peu, voire pas de touristes et autres festoyeurs coutumiers des lieux sont présents à cette époque de l’année, la pluie se faisant menaçante de surcroît.

Néanmoins, de nombreux joggers et joggeuses font leur exercice sportif, les rythmes de leurs courses et de leurs respirations scandent les quais de claquements et halètements.

Des vélos, trottinettes, rollers, planches à roulettes, se partagent, parfois difficilement l »espace, entre eux, et avec les piétons, personne ne respectant vraiment les couloirs sensés leurs être attribués. On entend ainsi nombre de coups de sonnettes énervées, sans compter les klaxons électriques, harangues verbales… Ambiances de cohabitations mobiles parfois pas vraiment sympathiques.

Chose agréable, la circulation, plutôt soutenue sur les quais du haut, ne s’entend quasiment pas, à quelques émergences près, protégés que nous sommes par l’effet fossé qui nous isole du flux sonore sur nos têtes.

Par contre, les quais sur la rive opposée, pourtant très éloignés de nous, le Rhône étant très large à cet endroit, ramène à nos oreilles une rumeur constante, sans doute amplifiée par l’effet miroir de l’eau,  qui plus est très haute ces temps-ci.

Deux ponts servent de points d’ouïe résonnants assez spectaculaires. Nous nous arrêtons dessous. Le premier, routier, nous fait entendre de sourds claquement assortis de grondements, limite infrasonores. Le tramway entre autres, le fait joliment sonner.

Le second, ferroviaire celui-ci, et beaucoup plus ancien (1851), prolonge la gare de Perrache. Au passage d’un train, c’est un surprenant ferraillement très rythmique, qui se déroule sur nos têtes. Surtout s’il s’agit d’un long convoi de marchandises.

Et sur l’eau, de grosses péniches sont amarrées. La première est une salle de spectacle flottante qui, acoustiquement, ne présente rien de vraiment remarquable.

La seconde est un bateau de formation aux secours en mer et en fleuve. Deux assez longues passerelles métalliques permettent l’accès à son bord. Elles reposent sur des boudins plastiques roulants, pour permettre les passerelles d’accompagner les mouvements des eaux du Rhône. Et comme ce jour là, le vent est très fort, les passerelles bougent beaucoup, en émettant une série de « cris », gémissements, tout à fait surprenants. Le son que l’on ne peut manquer sur ces rives ! Grand regret pour moi, ne pas avoir un enregistreur à portée de main. Un autre jour venteux peut-être…

Une imposante péniche chargée de sable passe en ronronnant faisant entendre des remous clapotants, dits de batillage.

Pour finir cette petite description, le Rhône lui-même est agité de vagues bouillonnantes, qui le font chanter sous le vent. Il est vrai que les eaux basses de ces dernières années, surtout par temps calme, font que le fleuve, si majestueux soit-il visuellement, ne se fait quasiment pas entendre, à quelques remous et clapotis près.

Cette longue déambulation sur les rives rhodaniennes, très belle dans toute sa diversité auditive, me conforte à l’idée de faire entendre la voix des eaux, souvent noyée dans le paysage, surtout en milieu urbain. Un flux, celui de la circulation, en masque un autre, aquatique, que l’on référerait sans doute au premier.

Lorsque les beaux jours seront revenus, les rives redeviendront très animées, très festives, avec son alignement d’embarcations restaurants, salles de concert et de danse, ses terrasses et afters de fêtes »sauvages » sur les quais, parfois au grand dam des riverains.

Toujours ce difficile compromis pour les politiques urbaines de maintenir une ville animée, festive, et de ne pas se mettre à dos tous les riverains, parfois il est vrai totalement intolérants.

Cette traversée  auriculaire a été une belle façon d’alimenter mon chantier d’écoute en cours, celui de « Bassins versants, l’oreille fluante »

En tous cas, le Rhône est un bien beau fleuve sonore, surtout par jour de grand vent !

Écoute, écoutes

Les deux derniers week-ends, j’ai participé à l’élaboration et à l’expérimentation de mises en situation d’écoute fort différentes, et au final très intéressantes.


La première à Lyon, lors de la Semaine du son. Le samedi soir, nous avons accueilli des personnes en appartement, jauge limitée, pour écouter des pièces sonores paysagères, en discuter, imaginer quelques projets et prolongements à venir.
Une petite exposition « Photographier l’écoute », autour de clichés pris lors de promenades écoutantes, s’est glissée dans le décor de nos hôtes, et a donné prétexte à l’échange autour des pratiques déambulatoires et postures d’écoute en marche, ou en point d’ouïe.
Le lendemain, nous nous sommes retrouvés sur les quais de Saône pour un point d’ouïe matinal. Puis nous avons cheminé vers l’appartement, où nous attendait une violoncelliste performeuse qui a fait sonner l’espace de belle manière, par des improvisations cello/voix. Des écoutes sur le thème du dedans/dehors, des espaces acoustiques publics/privés, des ouvertures/fermetures, de quai en appartement en passant par les huit étages transitoires d’un escalier… Et toujours des échanges sur les façons d’ouïr le monde, et d’en partager des pratiques en mouvement. Une collaboration ACIRENE, PePaSon, et Desartsonnants.


La semaine suivante, avec un Tiers-Lieu amplepuisien, nous avons donné à entendre des courts témoignages enregistrés, de personnes parlant de leurs sons préférés, ou haïs, des souvenirs et ressentis, des commentaires sur le statut donné à ces sonorités… Intimité, jeux, madeleines proustiennes, de belles écoutes, souvent émouvantes, ont rythmé la soirée.
Le public a lui aussi été invité à commenter, échanger, et pour finir voter pour leur son favori.
Une troupe de théâtre d’improvisation a fait plusieurs interventions ponctuelles, en s’appuyant sur des thématiques issues des séries de sons écoutés (sons du quotidien, imaginaire et création, instrument, cuisine, signaux et annonces…).
L’expérience de différentes mises en écoutes, média, interactions, s’est révélée très riche, et stimulante pour imaginer d’autres processus ludiques et participatifs à venir.

Une prochaine journée du son est d’ores et déjà en cogitation avec l’Atelier-Tiers-Lieu d’Amplepuis, autour du silence, printemps 2024. Outdoor, et certainement façon nocturne en forêt. A suivre…

Ces deux formes de « théâtre sonore », bien que très différentes dans leurs mises en scène et en espace, trouvent chez moi un écho stimulant pour réfléchir à des propositions qui fassent faire un pas de côté à nos oreilles. Des formats légers, souples, adaptables, qui privilégient la relation humaine, via le partage d’expériences auriculaires et les échanges en découlant.

Balades sonores en duo #1 – Tournée PePaSon 22/23

Balades sonores en duo #1 – Tournée PePaSon 22/23 Par Gilles Malatray (aka Desartsonnant) et Arthur Enguehard 

PePaSon (Pédagogie des Paysages Sonores) aime les balades elles aussi sonores. ou en tous cas écoutantes, même si parfois silencieuses dans leurs pratiques. Ses activistes ont donc décidé d’en faire un axe de travail, de rencontre, d’échanges, pour questionner nos rapports à l’écoute paysagère, quelques soient les lieux, et leurs pourquoi, avec qui, où, comment… Le tout est formalisé dans une “tournée” dont voici la première étape !

Ce 11 juin 2022, Gilles Malatray (aka Desartsonnant) et Arthur Enguehard s’associent donc pour proposer en duo une déambulation audio-paysagère composite, croisant contemplation et expression au fil de l’expérience. Partis de la place Carnot (Lyon 2e – Gare Perrache) aux alentour de 10H, le groupe s’est rendu par étape jusqu’à la MJC Confluence avant de partager un repas convivial avec les volontaires. 

Marches-écoutes, pauses créatives, installations sonores et discussions collégiales se sont succédées pour donner naissance à un moment entre immersion sensible et réflexion critique sur le geste d’écoute dans une perspective pédagogique.

Dans cet article nous proposons à nos deux guides de revenir sur leurs pratiques, au prisme de la pédagogie, afin de partager leurs gestes et réflexions. A suivre… 

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Périphériques

Des marches périphériques

Contexte

Il se trouve que, par le plus grand des hasards, deux jours d’affilée, j’ai participé, à différents titres, à des marches nous conduisant, ou longeant de grands périphériques urbains. 

La première de ces marches était même dédiée au périphérique lui-même, objet d’étude, d’arpentage, d’expérimentation collective, de création.

Entre écoutes, regards, et approches kinesthésiques, au pas à pas, se sont dessinés des similitudes, des croisements, des échos, résonances… Ce qui alimentera ici un texte s’appuyant au final sur une série de mots-clés communs aux deux pérégrinations; voire les reliant, faisant contrepoint

Une première action, écrite et guidée par l’artiste et ami genevois Cyril Bron, accueillie par l’institut d’Art contemporain de villeurbanne, nous fera, en deux étapes journalières, suivre le périphérique urbain à hauteur de Villeurbanne. Marches parfois assez physiques, dans des terrains plus ou moins accidentés, voire turbulents.

Je ne ferai que la première étape et la rencontre débriefing, étant retenu le deuxième jour par une autre marche intervention que cette fois-ci, j’encadrerai. Ce qui participera à construire en miroir ces deux approches pédo-périphériques entremêlées.

La deuxième, le lendemain, plus courte, plus urbaine, que j’encadrerai, se fera dans le cadre d’une masterclass avec un groupe d’étudiants en musique électroacoustique du Conservatoire de Pantin. Cette déambulation servira d’échauffement pour l’oreille, avant de présenter mon travail autour des notions de paysages sonores partagés. Comme une suite à la précédente, au départ non pensée comme telle, elle nous fera longer des espaces périphériques de la ville de Pantin, présentant fortuitement d’assez fortes résonances avec celle de la veille.

Les topologies, aménagements, ambiances, rythmes et actions collectives, contribueront sans aucun doute à tisser des liens sensibles, sensoriels, physiques, entre ces deux parcours, géographiquement éloignés, que rien ne semblait au départ vouloir mettre en relation.

Lisières et périphéries

La périphérie, initialement, est une ligne circulaire définissant les contours, les  limites, les lisières d’un périmètre, d’un territoire. Ici d’une ville ou d’une communauté urbaine.

Marcher le périphérique, le suivre, c’est se tenir au bord, aux bords ou aux abords de la ville, parfois, souvent, loin de son centre.

La lisière coud deux espaces, les rassemble, ou tente de le faire, marque la sortie ou l’entrée d’une forêt; imaginons la traversée initiatique, façon roman médiéval, comme de mythiques portes et barrières , des passages

Nous sommes des marcheurs excentrés, à Pantin ou Villeurbanne, loin des rues piétonnes et commerçantes, des espaces et zones d’activités maîtrisées par un aménagement ad hoc.

Nous sommes des marcheurs longeant un territoire plutôt dévolu aux voitures, camions, parfois trains… 

Nous sommes en transit dans des lieux improbables 

Nous sommes en lisière(s), ce qui nous permet parfois de passer au dehors, ou d’être dans des emprises, espaces-tampons dedans/dehors, hors des limites clairement marquées.

Nous sommes dans des espaces interstitiels, des entre-deux, des zones délaissées, presque non-lieux, mais bien existants physiquement.

L’appel des lisières peut être celui qui refuse l’enfermement jusqu’à (outre)passer les frontières de ce qui contrôle, contraint,  la marche dans les murs-limites du politiquement correct

Hésitations entre l’entrer et le sortir, ou bien le zigzaguer en inter-zones, dont celle du dehors dirait Damasio, une façon de quitter ou de résister, symboliquement e/ou physiquement, à un ordre urbanistique bien établi, tout tracé.

Une façon peut-être de braver l’interdit, en marchant dans une succession de pas de côté. 

Aventure et dépaysement

Et c’est là que survient l’aventure.

Celle qui nous emmène vers l’imprévu, ou nous amène de l’imprévu, hors de la normalité protégeant les marcheurs de trottoirs bien balisés.

L’aventure au bout du chemin, et même pendant. 

Soudain, une grille nous empêche de passer.

Franchissement si c’est possible, ou contournement, détour, changement de trajectoire.

Partir à l’aventure, le périphérique comme une marge – marche ponctué d’incertitudes.

Un sentier qui sort de ceux battus, qui nous emmène dans un ailleurs, tout proche, bien que rarement emprunté.

Et puis il y a le dépaysement.

Ce qui nous fait littéralement changer de pays, au sens figuré du terme, qui nous met horde, qui nous met hors de…

Sentier qui nous invite ailleurs, exotisme à portée de pieds. On découvre des espaces ignorés, avec tout l’étonnement de se trouver là; là où les sens sont revigorés par des espaces sauvages, qu’il nous faut dompter pour les traverser, sans vraiment les apprivoiser. Espaces qui résistent au marcheur, au groupe.

On se faufile dans l’infraordinaire, façon Pérec

Et c’est le fait de porter attention à cet infraordinaire, à cette joyeuse trivialité buissonnante, qui justement nous dépayse.Le dépaysement, voyage en France, tel que le dépeint Jean-christophe Bailly, nous l’avons là, dans ces enchevêtrements végétaux, ces arrières-cours d’usines, ces lotissements à peine traversés, contournés, ces ponts qui grondent sur nos têtes, ces murs et barrières de 

sécurité longées…

Il nous faut accepter la ville comme espace non conforme à ce que nous pratiquons habituellement,  jouer de l’encanaillement dans des périurbanités frichardes, formes d’urbex en plein-air.

Inconfort et attention

Toute marche risque de nous placer en situation inconfortable.

Et nous acceptons implicitement, tacitement, ce risque.

Sur la durée, l’inconfort s’invite de façon quasi inévitable à la randonnée, ce qui d’ailleurs nous fait d’autant plus apprécier les moments confortables, réconfortants, qui s’ensuivront.

Longueur, dénivelés, obstacles, terrains parsemé de racines invisibles, jonchés d’objets incongrus, broussailles épineuses, espaces bruyants, pollués, et parfois météos capricieuses, heureusement clémentes dans les marches citées, autant de cailloux dans la chaussure qui font pester le marcheur. 

Le périphérique n’y fait pas exception, tant s’en faut.

Quitter le macadam et les chemins bien aplanis, bien marchant, nous fait sortir de notre zone de confort, pour employer une expression consacrée.

Il faut adapter notre avancée, accepter les aléas d’un terrain, au départ non dédié à la”promenade” d’un groupe, avec des personnes qui le déchiffrent, et non pas défrichent, à l’avenant.

La ville buissonière offre son lot de petits désagréments qui, paradoxalement, rendent le cheminement plus attrayant, moins attendu sans doute.

Quitter le confortable est excitant, voire jouissif.

De plus, dans des passages plus ou moins difficiles, le groupe se soude. Il convoque et active une solidarité qui nous fera tendre la main vers l’autre, l’aider à grimper ou à descendre un passage pentu, écarter les ronces, signaler les obstacles, trous… 

Les marcheurs portent dès lors attention à leurs voisins, s’entraident, partagent leurs inconforts respectifs pour mieux les endurer ensemble.

Bien sûr il faut ici relativiser ces inconforts, volontairement subis, acceptés, en toute sécurité dirais-je, comme faisant partie du jeu. 

Nous sommes ici loin d’inconforts, et le mot est faible, de grandes détresses liées à des marches forcées, migrations, exils, expatriations, fuites…

Ce constat me permet d’ailleurs de faire une transition vers des marginalités excluantes, croisées dans ces déambulations périphériques.

Marginalités, exclusions, violences

Arpenter un périphérique n’est pas vraiment bisounours. 

On rencontre des personnes que le centre ville rejette, ne voudrait pas voir dans certains quartiers, des exclus des systèmes sociaux, des hors les clous.

SDF, réfugiés, migrants, sans papier, trafiquants, prostitution, toute une frange sociale qui, pour différentes raisons, vive, survit, voire travaillent aux marges de la cité.

Des matelas et abris de fortune, solitaires ou en campements bidonvilles, sous des ponts obscurs, humides, bruyants, des réchauds et chaises éventrées, barbecues non festifs, autant de traces et de présences Oh combien précaires et fragiles.

Une mendicité dans une atmosphère archi polluée, des conditions sanitaires effroyables, des territoires de prostitutions et deal se cotoient, le marcheur périurbain se trouve confronté à des réalités sociales et sanitaires extrêmes…

Le périphérique est souvent l’envers d’un décor urbain socialement correct, policé, enfin presque.

Parler de conditions inhospitalières, à villeurbanne, à Pantin, et dans beaucoup de villes du monde, est un faible mot, un doux euphémisme qui cache des conditions de vie pour le moins insalubres, des milieux que gangrènent violences et insécurités.

Lorsque Pérec parle d’espaces inhabitables, on est ici dans ce qui devrait l’être, et qui pourtant sert de refuge de fortune à des “habitants” en grande détresse. Des espaces délaissés, occupés tant bien que mal, et plutôt mal, de débrouille en débrouille, par des personnes elles aussi délaissées, en rupture, en fuite, en exil…

Parcourir un périphérique c’est,  loin des jolis petits oiseaux, des vertes prairies et fleurettes printanières, à l’opposé de clichés édulcorés,  se frotter à ces rencontres, à ces situations hélas quasi incontournables, dans beaucoup de pays, même des plus a priori nantis, qui nous mettent pour le moins mal à l’aise,  en tous cas en ce qui me concerne

Les périphs’ ne sont pas que terrain de jeux prétextes et contextes à des encanaillements ludiques,  ils nous jettent à la gueule ce que les centres villes, et en amont ce que le système politique et social, à bien du mal à accepter, dans sa bien pensance 

Nos expériences traversantes peuvent alors nous paraître puériles, voire indécentes, si ce n’est le fait qu’elles nous frottent à ce que nous ne voulons nous-même pas toujours regarder en face.

Murs, ponts, béton, l’urbanisme périphérique

Le gris béton contraste avec les espaces végétaux en friches verdoyantes.

Il y a là une esthétique paradoxale du sauvage, et le règne de la fonctionnalité bétonnée et goudronnée, espaces qui s’interpénètrent sans vergogne.

Il convient de se déplacer vite, contourner, protéger du regard, du bruit, entrer, sortir, relier, dans toutes les contraintes fonctionnelles des villes lisières traversées…

Et pourtant cette austérité a sa propre esthétique, une froideur aseptisée, qui néanmoins peut attirer l’œil du marcheur, du photographe, austérité rigoureuse, post Corbu, en béton banché…

Il y a des géométries, des lignes dynamiques, des modules, des rythmes, des motifs et des répétitions verticales et horizontales, des volumes récurrents, des couleurs grises béton… Des signatures spatiales.

 Et ce, de pays en pays, de villes en villes, de périphs en périphs. Antananarivo, Tunis, Saint-Pétersbourg, Kaliningrad, Lyon, Paris, Pantin, Charleroi, Lisbonne, Montréal… Partout je les ai rencontrées, longées, marchées parfois, ces omniprésentes ambiances périurbaines, cette architecture minérale, ces paysages fonctionnels, ces boulevards de ceinture et autres rings.

A tel point que l’on peut imaginer un envahissement mondial, sans doute dans un chantier déjà grandement avancé, une métastase tentaculaire, des villes exponentiellement monstrueuses, sillonnées de serpents bétonnés aux mille ramifications;.. Une dystopie de périphéries mangées par les centres, et inversement.

Des fosses aux voitures rugissantes encadrées et canalisées dans des couloirs-guides, parsemés d’entrées et de sorties permettant de quitter ou de rejoindre ces terrains de batailles motorisées. 

Des alternances de cloisonnements aveugles, et des ouvertures ouvrant des fenêtres sur villes, des échappées sur zones industrielles, des murs de protection d’où s’ouvrent des brèches paysagères, respirations pour le regard qui s’échappe. 

Il y a des kilomètres de murs anti-bruit, à l’efficacité plus que douteuse, déroulés en frontières, bonne conscience des aménageurs.

Le périphérique est une forme d’esthétique froidement et urbanistiquement signée, ponts au-dessus, fosses au-dessous, murs, clôtures et barrières sur les côtés; une géométrie du cloisonnement qui parfois ne manque pas de charme, avec des murs surfaces/supports pour grapheurs excentrés.  

Des terrains d’explorations nous font découvrir des envers du décor urbain bien policé… En terrains bien peu lissés.

Des espaces rhizomes et pylônes, où les horizontalités et verticalités font rythmes. 

L’herbe des talus de Jacques Réda, celle qui pousse dans les interstices du béton et du macadam, comme un récit fleurissant, celle qui raconte la ville dans ses extrémités, et surtout ses marges, ses franges, sans concession, mais non dénuées de poésie déroutante.

Être dérouté, c’est bien ici quitter les routes “normales”, fréquentables, pour emprunter, sans pour autant être à l’abri d’un habitacle motorisé, des cheminements où le béton côtoie le végétal, l’animal, et parfois l’humain, pour le meilleur et pour le pire. Des architectures de lignes et de courbes chaotiques, et justement déroutantes, en tous cas pour le piéton qui s’y aventure. 

Bruit de fond, émergences et effets de masque 

Les deux derniers chapitres, dont celui-ci, nous ramèneront vers des paysages plutôt sonores, ceux habituels à Desartsonnants, ceux traversés de l’oreille, aux endroits et moments où les ambiances auriculaires reviennent sur le devant de la scène.

Bien entendu, si je puis dire, les périphéries étant surtout pensées et aménagées pour la voiture (et ses chauffeurs), les rumeurs obsédantes, drones, bruits de fond et autres soniques nappes y sont hyper présents. 

Bien trop au goût de beaucoup.

On se trouve là au cœur de magmas acoustiquement informels, d’où n’émergent que peu d’informations, de repères, de marqueurs spatio-temporels, pour le promeneur noyé de bruits ambiants, atmosphère trop immersive pour le peu.

Espace de saturation audio indéterminé, dépotoir acoustique où sont rejetées à l’extérieur des centres villes toutes les pollutions sonores trop nuisibles, physiquement comme psychologiquement, nous ne sommes pas dans des zones de confort auditif.

L’oreille s’y perd, s’y engloutit, et en souffre bien souvent.

Ceci dit, on ne peut ignorer en amont, ces zones d’inconfort, voire de malaise, en s’aventurant dans de tels terrains. 

Je dirais même que celà fait partie du jeu, et qu’il faut accepter et assumer ces territoires auriculairement turbulents, en toute connaissance de cause, avec même la jouissance d’une performance déstabilisante.

Le moteur à explosion, malgré l’apparition de la progressive motorisation électrique, règne de façon hégémonique, écrasant de son rouleau compresseur la plupart des “petits” sons alentours, en incapacité de lutter avec lui.

Dans les deux promenades prises en exemples ici, j’ai bien noté, et les dires de participants me l’ont confirmé, les gènes, stress, parfois angoisses, vécus par certains marcheurs dans des endroits particulièrement saturés.

Même si par moments, nous retrouvions des espaces plus protégés, presque apaisés, avec la possibilité de se parler sans trop hausser la voix, et de ré-entendre de fines émergences sonores, notamment des oiseaux, bienvenus à ces endroits-là.

De ces zones de marasme acoustique, émergent en effet des sons venant briser le continuum, sirènes, pépiements, voix… Tout est affaire d’échelle, de plan, d’effets acoustiques, mais aussi de focalisation de l’écoute, de l’écoutant, sur tel ou tel objet sonore.

Si, dans ces flux/flots, l’oreille, qui dit-on, n’a pas de paupières, peut être malmenée, dans des zones d’inconfort pour reprendre des constats déjà énoncés, elle n’est pourtant pas que passivement asservie et résignée.

Outre le fait qu’elle puisse modifier, de façon inconsciente, très rapidement, des propriétés  physiques, telles que des tensions ou relâchements des tympans pour amplifier ou amortir la puissance de certaines vibrations, de produire plus de cérumen pour protéger sa mécanique interne, notre cerveau convoque une série de filtres auditifs, neuro-perceptifs, ad hoc. 

On masque, on gomme, on atténue, on transforme, on tend l’oreille vers, on se détourne, selon les circonstances, les situations, les stimuli, et nos états de sensibilité, de fatigue, mais aussi de curiosité du moment

Les lieux saturés de background bruyant se prêtent tout particulièrement à de nombreuses adaptations psycho-sensorielles, comme des boucliers filtrants, ou des entonnoirs amplificateurs.

L’imagination, la feinte du détournement, sont parmi de ces processus protecteurs. 

Dans la traversée villeurbannaise, une marcheuse, habituée aux périples forestiers dans des atmosphères plutôt apaisées, nous raconte la gène, le stress, éprouvés lors du début de la marche, placée dans une situation très inhabituelle pour elle. Puis elle relate comment, dans sa tête, ce grand flux automobile, cette marée sonore intrusive s’est progressivement transformée  en une mer chuintante, de fait beaucoup plus amène.

D’acceptations en rejets, les promeneurs et les promeneuses, qu’ils ou elles soient adeptes des rave party tonitruantes ou des espaces naturels calmes, acceptent souvent un dépaysement recherché, en marche, avec une forme de radicalité performative…

C’est en partant d’espaces souvent discontinus, ponctués de flux et de coupures, que nous allons pouvoir envisager dans la dernière partie de ce texte, les notions de rythmique périphérique.

Rythmes, entre flux, cadences et scansions

Marcher un, ou des périphériques, c’est se faire happer par et dans un flux spatio-temporel. C’est se frotter à celui de la marche, et en même temps suivre celui du périphérique lui-même, matérialisé notamment par la circulation des voitures le sillonnant.

Aller d’un point à un autre, explorer, avancer, convoquent des gestes fluants, traçant dans l’espace une zone/trajet en forme de continuum.

C’est ce qu’écrit la persistance de la marche, l’avancement pas à pas, envers et contre tout.

L’action déambulante rassemble un groupe de marcheurs ré-unis par cette trame, qui pour autant n’est ni linéaire, ni rythmiquement stable. 

Nous sommes loin de la scansion métronomique du pas militaire, cadencé, mesuré à 120 à la noire, le pas redoublé dit-on.

il y a des allures, différentes et changeantes. 

Des vitesses contraintes par des tas de facteurs que le terrain et le groupe imposent. 

Sols accidentés, broussailleux, encombrés, passages délicats, pentes et talus, conditions météos, allures et formes physiques des participants.Il faut  attendre les flâneurs ou les plus lents, s’entraider, contourner… bref, autant de variations de tempi, parfois d’improvisations nécessaires au cheminement et à ses aléas.

Dans ce néanmoins flux, entre les scansions régulières d’un pas sur un trottoir permettant une marche aisée, quasi mérique, et les hésitations non métronomiques d’enjambées entravées d’obstacles, les cadences s’adaptent.

La marche est faite de variations, voire d’improvisations qui lui confèrent un statut “musical”, dans l’écriture et la lecture de durées, de sons et de silences, de progressions et de coupures.

Il y a des breaks, cassures façon jazz qui permettent d’aller parfois ailleurs, ou autrement, Un ou des pas de côté de plus.

Il y a des cadences dans l’écriture musicale “classique”, à la fois harmoniques et rythmiques, qui sont tour à tour suspensives, en pauses, ou conclusives, marquant la fin d’une “action sonore”, dans son écriture comme dans son interprétation. 

Pour filer une métaphore musicale, le paysage marché, comme une histoire en déroulé sonore, rythmique en tous cas, se ponctue, par choix ou contraintes aléatoires, de pauses, ralentissements, accélérations, des formes de points d’orgue (point de vue ou point d’ouïe).

Et ce n’est pas un long fleuve tranquille.

On peut également penser  ici  la déambulation périurbaine sous l’angle du Rhuthmos grec. La considérer en mesure temporelle, à l’éclairage de la rythmologie inspirée entre autres de la Rythmanalyse de Lefebvre

Dans cette posture, nous vivons et expérimentons  le terrain périphérique comme des corps méditatifs, philosophiques et poétiques, mais aussi sociales et politiques, tentant de mieux comprendre, de mieux se plonger dans des espaces urbains, aux marges de ce que l’on arpente habituellement.

Cette dernière approche, audio-rythmologique, pourrait faire l’objet d’un développement beaucoup plus profond et argumenté, qui n’est pas de mise ici, mais qui questionne quotidiennement le promeneur écoutant que je suis.

Conclusion en forme d’entre-deux

Ces marches, aux lisières de la cité, avec les différentes approches et postures qu’elles m’ont inspirées, sont souvent en balancement vers des pôles entre-deux. 

Confort et inconfort, sécurité et aventure, exotisme et trivialité, itinéraires et détours, avancées et blocages, esthétiques et “laideurs”, socialités et exclusions, calme et tintamarre, doux rêve et cruelle réalité…

On pourrait encore allonger encore et encore une liste-énumération rabelaisienne de ces dualités. 

Dualités non pas antinomiques, mais plutôt aux polarités mouvantes, et aux positions d’entre-d’eux fluctuantes.

Les positionnements, les réponses, ne sont pas, tant s’en faut, toujours claires et définitives, A l’image de territoires aux frontières et ambiances incertaines.

Être à la fois dans une sorte de terrain de jeu et dans des espaces où sociabilités, écologie, aménagements, vivabilités, sont souvent chahutées, dans des lectures hétérotopies foucaldiennes, fonctionnelles et symboliques, restent une expérience des plus questionnantes et enrichissantes.

 

Merci à Cyril Bron pour la proposition et l’organisation marchée du périphérique villeurbannais,

à l’équipe de l’institut d’Art contemporain de villeurbanne qui à accueilli cette démarche et organisé des espaces de rencontres et de dialogue entre les différents participants

à Marco Marini et l’équipe du conservatoire de Pantin, aux étudiants musiciens qui ont portée sur le terrain une oreille aussi musicale que sociale.

@ photos Claire Daudin et Cyril Bron

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Points d’ouïe et oasis sonores lyonnais

Place Bellevue – Lyon 4e – Point d’ouïe panoramique remarquable

Je travaille actuellement autour d’espaces que l’on pourrait qualifier « d’oasis sonores », généralement en milieu urbain, mais pas forcément.

 L’oasis sonore c’est, pour moi, un lieu ou une zone calme, acoustiquement intéressant, où l’on peut faire une pause, se délasser, parler sans élever la voix, écouter (de belles choses) sans tendre l’oreille; un espace ni saturé ni paupérisé, bref, où l’on peut bien s’entendre, dans tous les sens, ou l’essence du terme… 

Ayant mon camp de base à Lyon, j’expérimente pour l’instant ce type d’espaces dans cette ville, mais également lors de déplacements, ici ou là. 

Cet article écrit à titre d’exemple, s’appuyant donc géographiquement sur la seule ville de Lyon, non pas qu’elle ait l’apanage de posséder ce genre de lieux, mais qu’il m’y est plus facile de débuter une forme de recensement, à titre d’expérience de terrain. 

Je vous livre donc ici, non pas une méthodologie, elle est en chantier, mais une série de coups de cœur, issus de “coups d’oreilles”, d’expériences sensibles plutôt instinctives. Ces dernières étant néanmoins appuyées sur mes nombreuses balades et errances urbaines, oreilles aux aguets.

Ces exemples, brièvement commentés, et ce de façon très personnelle, ne sont donc pas, tant s’en faut, exhaustifs. Ils peuvent appuyer, ou être irrigués par un travail de terrain servant d’appui à des expériences, des installations d’écoute, projets éducatifs, des écritures audio-paysagèress, des inventaires, inaugurations et autres festivités collectives, aménagements…  

Traboules et cours intérieures

Commençons par un type de lieux emblématiques à Lyon, les traboules, notamment celles des pentes de la Croix-Rousse, quartiers des canuts, et celles des cours intérieures Renaissance, situées dans le Vieux Lyon, rue Saint-Jean et avoisinantes.

Il ne faut pas hésiter à pousser des portes, qui cachent souvent de petites perles acoustiques, et visuelles, de vrais oasis sonores.

Des espaces acoustiquement privilégiés, refermés, à l’abri des zones circulantes pour ce qui est des pentes. Des acoustiques minérales, réverbérantes à souhait. Des séries de passages ouverts/fermés, de couloirs en escaliers, de courettes en passages couverts, avec une énorme variétés d’ambiances, des porosités dedans dehors, intimes extimes en été, fenêtres ouvertes… Mille petites histoires pour l’oreille séduite. 

Essayer de descendre, ou de monter pour les plus courageux.ses, la célèbre Cour des Voraces, et prenez le temps de l’écouter lentement, attentivement, de faire des poses sur les  différentes terrasses, de vous poster dans les escaliers, de naviguer dans les espaces, d’y lire un texte à haute voix… Il m’est arrivé de passer plusieurs heures, avec des groupes, dans ce seul espace, moments magiques !

un conseil toutefois, si vous les parcourez en groupe, veillez à respecter la quiétude des lieux et la tranquillité de leurs résidents, ce qui n’est hélas pas toujours le cas et à malheureusement conduit à la privatisation de certains lieux aujourd’hui devenus inaccessibles.

Voir les guides et listes

Cloîtres et églises

Autres types de lieux que j’adore, les cloîtres et les églises.

Lyon ayant un passé historique où l’église, depuis longtemps déjà, tient une place des plus importantes dans le pouvoir ecclésiastiques, beaucoup de quartiers possèdent des cloîtres, certains intacts d’autres non.

Citons par exemple la cour intérieure du jardin des Beaux-Arts, Palais Saint-Pierre place des terreaux, petit bijou de calme que les lyonnais adorent en été pour grignoter tranquillement, à tel point que les places assises s’y font chères à midi, autour du glougloutement de la fontaine et des oiseaux qui piaillent à qui mieux mieux.D’autres sont superbes, mais hélas, entre le sécuritaire et le sanitaire, de moins en moins accessibles; ceux par exemple des Augustins à l’ancienne Martinière Terreaux, du CNSMD, avec ses jardins en terrasses… Notons, à l’extrémité de la rue de la Vieille,

dans le 1er, le cloître, ou Clos Saint-Benoît, surprenant lieux qu’il faut dénicher au bout d’un parking intérieur dissimulé dans un recoin urbain.

Côté églises, ou cathédrales, basilique, il n’y a que l’embarras du choix. petites et intimes ou monumentales, ce sont des lieux où en dehors de toute considération religieuse, j’aime me ressourcer l’oreilles dans la quiétude de ses épais murs et de toutes ses micros sonorités joliment réverbérées. Quand l’acoustique n’est pas saccagée par une Muzac religieuse nous pourrissant l’écoute de chants grégoriens et autres polyphonies envahissantes.

De la majestueuse cathédrale Saint-Jean à la basilique romane Saint-Martin d’Ainay, en passant par la basilique Saint-Bonaventure, l’église Saint Polycarpe, Fourvière (dont sa crypte) et autres édifices plus modestes, la collection et la diversité  de réverbérations apaisées est à même de satisfaire et de réjouir l’oreille la plus exigeante et gourmande. Des espaces de pauses lors de déambulations dans lesquels, là encore, il faut prendre le temps de l’écoute, de sentir l’âme bien sonnante de ces lieux souvent chargés d’histoire, histoire qui occulte parfois les subtilités des ambiances lumineuses sonores.

Amphithéâtres

Ville gallo-romaine, Lyon possède de beaux spécimens de théâtres antiques, à commencer par celui de Fourvière, dit théâtre antique, le plus connu et majestueux, mais aussi celui, en contrebas de la colline de la Croix-rousse, celui des Trois Gaules. Du haut de ces édifices gradinés, les fameuses acoustiques, en points d’ouïe panoramiques, montrent la maîtrise des constructeurs de l’époque, plaçant ces lieux de représentation sur des pentes déjà théâtres naturels et les aménageant de façon optimale, tant pour la vue que pour l’écoute. A tester immanquablement. 

Cimetières

Autre lieu de calme auquel que l’on ne pense pas souvent à visiter par l’oreille, et pourtant, les cimetières. Les parisiens, ou touristes, penseront immanquablement aux belles ambiance du père Lachaise à Paris, que j’adore traverser en automne, l’âme vagabonde et romantique… À Lyon, c’est celui de la Loyasse, ancien cimetière aux nombreuses tombes monumentales, perché sur les hauteurs de Fourvière, que j’aime traverser comme un vaste îlot de calme apaisant.

Places et placettes

Pour revenir vers le monde des vivants, même si Foucault qualifie les cimetières de lieux hétérotopiques – monde des morts construits et gérés par des vivants, je parlerai ici des places et placettes lyonnaises, plus ou moins vastes et conviviales du reste. j’avoue, niveau qualité d’écoute, très largement préférer les placettes, plus retirées, intimes, et souvent socialement plus vivables et habitées. Les grands espaces que l’on traverse sans forcément les vivre, places monumentales de représentations du pouvoir, Bellecour, les Terreaux, ne sont pas forcément, voire loin de là, des exemples d’aménagements apaisés et conviviaux. Par contre des places aux dimensions plus resserrées, plus intimes, telle la place Sathonay, à deux pas des Terreaux, enclavée hors des grandes voies circulantes, ombragée et bien équipée en bancs publics, avec son sol sablé accueillant jeux d’enfants et pétanqueurs, reste un modèle de lieux vivants, où il fait bon se poser.

De même, plus haut dans les pentes croix-roussiennes, au pied du Gros caillou, la Place Bellevue offre un magnifique panoramique urbain, pour saisir la rumeur de la ville, ses émergences, et toutes les sonorités des passants et passantes devisant sur la pelouse et en contrebas.

J’adore aussi les squares en cœur d’îlots, enfermés de bâtiments formant de grands carrés arborés, avec souvent des bancs, objets/points d’écoute privilégiés pour moi, d’où l’on échappe aux grandes rues alentours pour retrouver une ambiance acoustique très favorable à l’échange, à la rencontre; on en trouve de magnifiques, tant quartiers de la guillotières que dans les gratte-ciel villeurbannais.

Pour les repérer, car les entrées sont souvent, volontairement, discrètes, il suffit d’utiliser une carte urbaine en ligne, qui les dessine très visiblement, et de vérifier sur le terrain lesquelles sont accessibles au public, parfois traversantes d’une rue à l’autre.

Grands parcs et petits squares

En périphérie ou en centre ville, on trouve de grands parcs historiques. Celui de la Tête d’Or à lyon étant, de par sa taille et la qualité, l’esthétique  de ces espaces, un des plus remarquables. et lyonnais et touristes ne s’y trompent pas en allant s’y promener, ou s’étendre régulièrement. de superbes ambiances sonores, spécifiques à chaque partie du site s’y font entendre, et j’y ai guidé nombre de PAS-Parcours Audio sensibles.

Celui du Vallon, montant du haut de Vaise (9e) jusqu’à la colline de la Duchère, permet notamment, grâce à une astucieuse installation acoustique, de plonger l’écoute jusqu’au ruisseau enfoui.

Celui de la Feyssine, longeant le Rhône est également très prisé, de même que l’immense Grand Parc de Miribel Jonage, vaste réservoir d’eau périurbain, propice à de nombreuses explorations, oreilles aux aguets.

Mention spéciale pour un square que j’adore, et dans lequel j’y emmène régulièrement des oreilles promenantes, le jardin dalle Rozier, dans la rue éponyme, sur les pentes de la Croix-Rousse. Il faut franchir un petit portillon discret, ressemblant à l’entrée du parking attenant, gravir quelques marches, traverser un premier jardinet, puis, modèle traboule contemporaine, arriver à un espace clos, entouré de bancs et de végétation, avec un sol en caillebotis très agréable à fouler. Les rumeurs de la ville nous arrivent très filtrées, mêlées aux sons ambiants des cages d’escalier et fenêtres ouvertes voisines, une douce mélodie dans un espace privilégié.

Autre coup de cœur, le Parc Sutter, dont les entrées sont vraiment plus que discrètes pour qui ne les connaît pas. Un vaste parc très arboré, très pentu, sorte d’amphithéâtre de verdure, avec une crèche tout en bas. Du haut, un point d’ouïe absolument remarquable, où tous les sons trouvent leur place dans un espace acoustique ciselé. A consommer sans modération.

Il se trame ainsi des liaisons vertes, où le confort et la qualité d’écoute sont généralement au rendez-vous.

Underground

Passages underground. Les parkings souterrains, pour beaucoup lieux anxiogènes, règne de la voiture, sont a priori à l’opposé des oasis sonores dont il est ici question. et pourtant je les adore de l’oreille, avec leurs réverbérations cahédralesques, surtout au tout dernier niveau, qui souvent n’est que très peu occupé et circulé. Deux ont ma préférence; celui du parking des Célestins, avec l’incroyable œuvre kaléidoscopique de Daniel Buren “Sans dessus dessous” mettant en valeur l’immense spirale du parking; et des sons tournoyants, sans être, du bas, jamais, ou très rarement envahissants. Un point d’ouïe et de vue spectaculaire ! L’autre étant celui de l’Hôtel-de-ville à villeurbanne, toujours immense fosse spiralée où à l’étage inférieur, un long poème “Le regret des oiseaux” de Philippe Favier, se déroule vers le haut.  D’autres espaces souterrains sont très intéressants de par leur dépaysement acoustique et visuel, tels les souterrains du fort de Vaise dans le 9e ou les fameuses arêtes de poisson des pentes de la croix rousse, mais uniquement en mode visite patrimoniale pour les premiers, et urbex sauvage pour les secondes.

Coulées, trames vertes, bleues, noires, blanches

Entre autres grandes coulées ou trames urbaines, le réaménagement des quais du Rhône, puis de ceux de la Saône ont ouvert de nouvelles promenades en bas-quais, souvent isolées des voies sur berges, dans des passages en talus gommant l’essentiel de la rumeur automobile.

Notons que ces trames sont qualifiées de vertes pour des corridors écologiques végétalisés, bleues pour celles suivant les cours d’eau, noires pour les espaces préservés de trop de pollution lumineuse, et blanches en ce qui concerne les espaces non pollués par le bruit. Certains aménagements s’inscrivent donc dans ces grandes trames écologiques favorisant la biodiversité. L’une d’elle permet de traverser une grande partie de Lyon sur l’axe nord-sud (ou inversement), de Gerland au Grand Parc de Miribel Jonage, avec une diversité de paysages, y compris sonores très riche.

D’autres longues coulées cheminantes, souvent suivant d’anciennes voies de chemins de fer, permettent de beaux parcours piétons. Citons la Voie verte de Caluire et Cuire, inscrite dans un sentier de plus de 10 kilomètres reliant la Confluence à l’Ile Barbe, ou celle de Champvert (5e arrondissement vers Tassin la demi-lune). Toutes nous offrent points de vue et points d’ouïe dépaysants, dévoiturés, dans Lyon ou sa proche périphérie. 

Remarques éc(h)ologiques

Concernant les trames ou coulées, corridors écologiques notons celles dites bleues, cours d’eau, vertes, végétales, noires, espaces nocturnes protégés de pollution lumineuse et, petites dernières, blanches, espaces protégés de la pollution sonore.

Notons aussi la directive européenne(2002/49/CE) préconisant des zones calmes dans l’aménagement du territoire, directive non contraignante donc au peu (re)connue ou suivie d’effets.

Notons également la récente recension des îlots de fraîcheur, suite à l’augmentation des niveaux de températures dans les espaces urbains, ces derniers se superposant souvent à des oasis acoustiques, parcs, îlots ombragés et espaces piétonniers en voies douces notamment. Il serait d’ailleurs intéressant de coupler le repérage, la mise en place, voire l’aménagement de ces îlots de façon complémentaire, comme des  espaces de confort acoustique-température, ce qui n’est pas réalisé à ce jour.  

On pourra s’inspirer des fascicules édités par le Grand Lyon la Métropole sur des sentiers de randonnées urbaines et périurbaines, parcs, pour découvrir d’autres sites acoustiques remarquables.

Les exemples cités ici ne représentent qu’une petite partie de potentiels oasis, qui peuvent du reste, d’un moment à l’autre de la journée ou de la nuit, au fil des saisons et des aménagements, voir leurs qualités acoustiques évoluer, en bien ou en mal. Chacun et chacune peuvent donc se faire leurs propres réserves de lieux ressources où l’oreille, et tout le corps, y trouveront leurs compte, voire peuvent  contribuer à faire connaître leurs espaces de prédilection, à enrichir ce début d’inventaire, à proposer des visites écoutantes…

desartsonnants@gmail.com

Cet article est inspiré tout à la fois par l’idée esthétique des paysages sonores, ceux à contempler, découvrir, partager, vivre, préserver, par la militance pour un confort auditif, une qualité de vie préservée  et la résistance contre un envahissement sonore dont chacun porte une part de responsabilité. Sans oublier l’espoir sociétal de vivre en bonne harmonie, en sachant s’entendre du mieux que possible avec notre ville et ses habitants et usagers.

C’est un vœu récurrent, voire omniprésent dans mon travail au quotidien, mais “Vingt fois sur le métier », il nous faut remettre notre ouvrage, et ici mes oreilles !

Sublime écoute des seuils !

@Photo BIME – GRAME 2022

En règle générale, je vous parle ici de paysages sonores, ceux que je vais traquer au cœur de la cité, à ses périphéries, dans des forêts, montagnes, en suivant un cours d’eau… Bref de ce que l’on nomme parfois « musiques des lieux ».

Je ferai aujourd’hui exception à la règle, en vous relatant une extraordinaire expérience d’écoute, dans un auditorium, celui de Lyon, Maurice Ravel, avec de vrais musiciens, et une musique écrite de notes, de rythmes et de timbres. Une fois n’est pas coutume, en tout cas dans les textes de ce blog.

Et quels timbres que ceux de Gérard Grisey, à qui ce concert était consacré !

Et quels musiciens que ceux, quinze ici plus une soprano, de l’Ensemble intercontemporain !

Et quelle œuvre que « Quatre chants pour franchir le seuil » de Gérard Grisey !

Cette musique nous parle de la mort, ce seuil que tout un chacun franchira inexorablement un jour. Une forme de requiem, mais qui n’en est pas un. Plutôt une réflexion philosophique, sereine, métaphysique, une méditation appuyée sur des textes d’époques et de genres différents. https://brahms.ircam.fr/works/work/14136/

La magie nait de l’écoute quasi hypnotique de cette œuvre aussi vertigineuse qu’apaisée, où tout l’art de l’école spectrale, qui joue avec la matière sonore complexe, toujours en mouvement, se déploie dans une combinaison sonore captivante.

Jamais d’effets grandiloquents ne viennent troubler cette méditation musicale, et ce, malgré une virtuosité d’écriture timbrale et rythmique magistrale. Chaque instrumentiste, y compris la soprano, joue dans un registre dénué d’emphase, de monstration virtuose.

Tous les timbres se mêlent, se fondent, se tuilent, avec une qualité de son incroyable, de sublimes pianississimi d’une pureté à la limite de l’audible, des combinaisons sonores où voix, cordes et vents nous font entendre des sonorités à proprement parler inouïes.

En ce dimanche après-midi, le Centre Nationale de Création Musicale GRAME, dans le cadre de son festival BIME (Biennale des Musiques Exploratoires) nous offre un instant de grâce suspendu. Instant porté par une musique en apesanteur, tout à la fois transcendante, incandescente, et malgré tout rassérénante face à la gravité de son sujet, ces seuils de non-retour.

Et pluie voila ! Eaux vives

Ces temps-ci sont souvent ponctués d’averses, parfois toniques.

On peut s’en désoler.

On peut s’en réjouir.

La campagne alentour, et même la ville en son cœur, je ne les ai pas vues si vertes depuis longtemps déjà.

Il me semble que les arbres respirent, que le vivant, oiseaux, hommes et autres échappent, pour l’instant, à des chappes estivales de chaleur étouffantes.

Je respire, même, et sans doute mieux sous la pluie.

J’apprécie de marcher sous/dans, au cœur, de la pluie, d’y plonger corps et bien et oreilles inondables. Se mouiller pour savourer la liberté d’aller là où ça (nous) chante, quitte à sacrifier du confort bien au sec.

Non, la pluie ne rend pas triste, les oiseaux chantent de plus belle, les grands saules s’ébrouent, les enfants sautent dans les flaques, et j’ose en faire de même, et avec grand plaisir.

Le paysage sonore ruisselle de sons toniques.

Walking in the rain, singing in the rain, listening in the rain.

Pendant que j’écris ces mots, une averse est arrivée, orageuse et drue. Je vais courir à sa rencontre.

En écoute – Il y a quelques années, une marche nocturne dans mon quartier sous la pluie.

Point d’ouïe automnal

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Aujourd’hui, en écoutant/ressentant la ville, j’ai perçu une franche bascule automnale.

Le gris profond du ciel est balayé d’un vent capricieux, complice gémissant. Les feuilles se rouillent en grattant et raclant le sol, s’accumulent dans des tapis ramassés en camaïeux ocrés.

Les gouttes de pluie toquent et ploquent sur ces obstacles végétaux, comme des poignées de sable jetées dans une eau étale, micro miroirs urbains.

La nuit tombante se complait de ces ambiances en demi-teintes, voire les débauchent de pénombres chuchotantes.

Les passants se faufilent entre les rafales primesautières et au besoin s’abritent silencieux sous un porche, tout en ombres fugaces.

Les lumières s’étalent en flaques sur un l’asphalte indolent, entourant les feuilles encore frémissantes.

Des sons et lumières restent à l’échelle de l’intime, sans débordements indécents, l’oreille en témoignera.

Il faut aller, il faut sortir, il faut vivre la cité, dans un brèche d’espaces enfermés, ou refermés, mi-clos mi-ouverts.Il faut déguster à l’envi ces ambiances qui ne s’offrent pourtant pas franco.

Il faut aller gratter, fissurer la croute, celle qui nous mène au sensible, vent debout sons debout.

Point d’ouïe, connaitre et s’y re-connaitre

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Plus de 20 ans à habiter dans ce même quartier, malgré d’incessants déplacements, y revenir toujours, s’ y ancrer en quelque sorte, comme dans un port où il fait bon mouiller pour s’y ressourcer.
Forcément, le temps marque un territoire, forcément, le temps fait territoire.
Territoire de vie, d’activité, de loisirs, de rencontres, d’habitudes, d’habitus. Territoire vu sans être vu parfois, ni entendu vraiment.
Par manque d’exotisme et de dépaysement ?
Et pourtant mille détails le construisent au quotidien. Se stratifient en mémoire vive.
Et parmi eux des sonorités à foison.
Je m’entends finalement bien avec ce coin de la place de Paris à Lyon 9e.
J’y connais et reconnais tant de choses repères, balises, marqueurs…
Les cloches voisines.
Les voix de mes voisins.
De certains passants.
Des commerçants.
Des camelots et primeurs des marchés.
Des clients du bar en bas.
Des trains ferraillant sur le pont.
Des marchés qui s’installent, et se plient.
Des surprenants échos sous le pont Schuman.
Un haut-parleur qui crachote depuis des années dans le hall de la station de métro.
La sirène des premiers mercredis du mois à midi, sur le toit du théâtre.
Les cliquetis du volet roulant du bar en face
Et même la Saône silencieuse.

Toujours trouver un terrain d’entente.
Même s’il semble instable.
Surtout s’il semble instable.
Et avec ta ville, ton quartier, comment tu t’entends ?

PAS – Parcours Audio Sensible pour la World listening Day 2020

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Samedi 18 juillet, jour de la World Listening Day, premier parcours d’écoute de puis le mois de février. Public réduit, trois personnes, mais très belles écoutes.
Un immense parc urbain que connaissent bien tous les lyonnais, et touristes, le Parc de la Tête d’or, 117 ha offrant des zones vertes, un lac, un zoo, une très belle roseraie.
Un lieu idéal pour déconfiner l’oreille au grand air tout en gardant de sages distances.
Et pour trouver une vie acoustique entre joyeuse animation et espaces très apaisés.

Séquences
Partir d’une entrée principale très animée et, rapidement, entendre un grand decrescendo en traversant une pelouse. Les sons de la circulation et voix s’estompent, la marche comme un potentiomètre en fade out…
Longer le lac. Voix d’enfants, canards, pédalo, vélos…
Traverser une petite forêt. Retour au calme, crissement des pas sur des branchages et feuilles sèches.
Une petite ile avec un kiosque et un piano au bord du lac. Quelqu’un y joue maladroitement un air du parrain. Instant magique, hommage à Morricone.
L’entrée d’un passage souterrain permettant d’accéder à une autre ile est fermé. Dommage, c’est un couloir très réverbérant. Nous nous contenterons de le faire sonner en criant depuis la grille.
Traversée de la roseraie, plutôt calme. Les fontaines et ruisseaux sont à sec, des sources de fraicheur manquent à l’oreille.
Un train passe au loin, marquant les du parc en le longeant.
Une allée en sous-bois, de joggers rythment les lieux, martelant le sol sablé. Un bus passe à notre droite, en haut d’un talus.
Dans une clairière, une vingtaine personnes dansent sur un air oriental, guidées par une professeur à l’énergie communicative. Belle séquence surprenante.
Retour à la pelouse et à la grand porte, le petite train touristique dit le Lézard, faisant visiter le parc, arrive avec ses sifflets caractéristique. Un flot de voyageurs en, descend, un autre y monte. Le pilote donne ses dernières consignes au micro. Une ambiance qui me rappelle des souvenirs d’enfance…
Nous rompons le silence et trouvons un banc pour deviser autour de nos ressentis, de l’écoute, des sons ambiants, de la crise sanitaire, des rapports sons et images, de l’écologie, de la marche, de nos activités respectives… Comme à l’habitude, une heure de silence collectif favorise et stimule les échanges qui s’en suivent. Ils en seront d’autant plus riches et sympathiques et participent intrinsèquement, au fil du temps et des déambulations, à la construction d’un rituel marchécouté.

Et après quatre mois sans PAS publics, cela fait vraiment un bien fou de retrouver ces moments de sociabilités auriculaires !

En résonance avec le Festival des Humanités

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Point d’ouïe – point de vue, de nos fenêtres, vu et entendu

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@photo – Nicolas Frémiot – http://nicolasfremiot.fr/

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Une vidéo sonore issue d’un projet collectif, contributif, à distance. Chacun de sa fenêtre échange des choses vues, entendues, en période de confinement sanitaire.

Photos de Nicolas Frémiot (Paris) – http://nicolasfremiot.fr

Prise de son de Laurent Jarrige (Paris) – https://laurentjarrige.wordpress.com/

Création sonore de Gilles Malatray (Lyon) – https://desartsonnantsbis.com/

 

Projet Fenêtres d’écoute/Listening windows

https://soundatmyndow.tumblr.com/archive

 

 

 

 

Points d’ouïe percutés de vingt heures

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Dégâts collatéraux

quand une louche

une simple louche

une modeste louche

se fait instrument de percussions

battant sur casseroles

heurtoir sur écumoires

dans l’orchestre de vingt heures

à fenêtres ouvertes

elle se poque au fil des soirs

en perd de ses rondeurs

se bossèle bruyamment

s’aplatit nonchalamment

dans ses martèlements véloces

ses envolées trépidantes

volonté d’une main vigoureuse 

à percuter rituellement

les vingts heures bien sonnantes.

@photos Blandine Rivière @texte Gilles Malatray

Fenêtres d’écoute – Listening windows

Rituels sonores, points d’ouïe confinés, de la répétition et des variations

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Depuis longtemps, j’admire Georges Pérec, homme de la description, de la répétition, de l’épuisement… Un immeuble décortiqué dans ses habitus, ses interrelations, la tentation d’épuiser, dit l’auteur, non pas la totalité mais des fragments de vies… mais aussi d’épuiser un lieu parisien de la terrasse d’un café, ou de se jouer des espaces gigognes, d’une feuille de papier à l’univers entier.
Une démarche oulipienne, quasi phénoménologique, fascinante, qui personnellement, m’inspire beaucoup dans mes approches audio paysagères.
Repérer des bancs dans une ville, les tester, en choisir un comme modèle de référence pour s’y poser régulièrement et écouter, réécouter, encore et encore, arpenter des espaces récurrents, des fontaines, des acoustiques réverbérantes, tenter ainsi se comprendre un peu mieux les lieux, lors de résidences artistiques, comme dans nos propres espace de vie. Des espaces pensés en des laboratoires d’écoute(s), en lieux d’expérimentation du sensible…
Bref, jouer sur des répétitions, des séries, des récurrences, de l’infime particule au paysage étalé.
J’adore également des photographes qui déclinent d’innombrables variations thématiques, autour justement du paysage, mais aussi d’objets, de personnages, d’architectures… Des métiers de Paris d’Eugène Atget aux stations services abandonnées, restaurants chinois, caravanes… d’Éric Tabucchi.

A l’heure où j’écris ces lignes, je suis, comme tant d’autres, coronavirus oblige, confiné depuis deux semaines dans mon appartement lyonnais, période peu propice a priori pour expérimenter les séries dons je vous parlais préalablement. Et pourtant…

Tentant, dans des espaces restreints, à la mobilité très réduite vis à vis de mon nomadisme habituel, de garder une écoute, active, questionnante, et partagée, je lance donc, en début du confinement, un appel à contributions « les sons de ta fenêtre – Sounds at your Window » pour recueillir et partager dans un blog dédié, des sons confinés, de nos fenêtres ouvertes, balcons, terrasses, et au mieux, jardin. Sons, photos, vidéos, textes, tout est possible, se rapportant bien sûr à nos univers acoustiques en temps de crise, à leurs profondes modifications, dues notamment à la désertification des villes et villages. Je ne reviendrai pas ici sur la grande atténuation des sons de voitures, au profit de la ré-émergence des chants d’oiseaux, largement constatés et commentés dans les médias.

Entre temps, inspirés des chanteurs et musiciens aux fenêtres italiens, est apparu le rituel de 20H, mêlant applaudissements et vives de soutiens au personnel médical, et charivari de protestation visant plus particulièrement le monde politique face à sa politique de paupérisation du service public, notamment hospitalier.

Ce rituel crée donc les conditions propices à travailler sur des séries récurrentes. Moi-même, tous les soirs, j’enregistre, d’une même fenêtre, ces 20h applaudissant, donnant de la voix et de la casserole. De même que d’autres contributeurs -trices, dans différentes villes, m’envoient sons et vidéos de ces instants sonores et toniques partagés.

D’autres séries vont se mette en place, par le fait d’envois réguliers de sons et d’images, certains mêmes quotidiens, dans des lieux similaires, donnant une sorte de roman feuilleton des ambiances sonores de Paris, Holding au Danemark, et d’ailleurs.

Mon appétence à appréhender le monde sonore par des gestes réguliers, réitérés, des constantes géolocaliséess ou des thématiques à répétitions, alimentées dans une certaine durée se voit donc récompensée, au-delà du fait d’une quasi totale immobilité. Si tu ne vas pas vers les sons, les sons viendront à toi, dans un entonnoir élargis par les tuyaux et réseaux de l’internet.

Revenons aux sons de 20H, ceux que je nommerai ici des rituels covidiens.
Je reprendrai du reste, le cas de mes propres écoutes, et enregistrements journaliers.
En premier lieu, posons le cadre géographique. Une petite rue, assez resserrée, bordée d’immeubles anciens, quatre étages mais assez hauts, avec de larges trottoirs pour accueillir un marché.
Quartier urbain, populaire, anciennement industriel, à l’extrémité nord de Lyon.
Commerces de proximité, bars et restaurants sont assez nombreux, avec des marchés trois fois par semaine, quoique tout cela soit pour l’instant à l’arrêt.
Une grande place divisée en deux, avec des bancs et de vieux et hauts platanes, et une église de style contemporain, après la seconde guerre mondiale, possédant un clocher avec une chambre des cloches ouverte, et un mini carillon de quatre dames d’airiain qui sonnent joliment bien.
Pour l’instant, comme dans l’ensemble de la cité, tout est en grande partie désert, d’un calme pour le moins inhabituel.
Jusqu’à vingt heures en tous cas.
Quotidiennement, environ trois minutes de joyeux chahut réveillent l’espace.
J’y reconnais, au fil des jour, les mêmes voix, casseroles, paroles, et la volée de cloches qui s’en mêle.
A chaque ouvertures de fenêtres, un air de déjà entendu, et sans doute une signature acoustique spatio-temporel propre à cette rue et à ce rituel.
C’est rassurant de sentir une continuité, le mot est aujourd’hui très employé, construite sur des ambiances sonores récurrentes, faite de marqueurs acoustiques stables, identifiables, car répétés de soir en soir.
Cependant au-delà de cette apparence répétition, une qualité de nuances, de varitions, parfois subtiles, parfois très marquées se font entendre.
Variations dans l’évolution dynamique, l’entrée en jeu des « instruments », le crescendo et decrescendo plus ou moins long et soutenu.
Variations dans l’intensité, la durée, les « solistes » qui s’en détachent, les formes de réponses de fenêtre en fenêtre.
A chaque soir son concert, et ses repères, ses accroches, son ambiance locale, mais aussi ses singularités du jour.

Donc pour moi la possibilité d’assister, de participer, de capter et de partager, une forme de récurrence, ajoutée à celles envoyées par les contributeurs, que Pérec n’aurait sans doute pas renier.
Et sans doute une façon d’habiter, de se créer des repères, dans ces espaces-temps parfois assez anxiogènes, aux repères brouillés, difficiles à vivre dans leur enfermement. Une bouffée d’air et d’airs quotidienne pour beaucoup.

Points d’ouïe, crise sanitaire et ambiances acoustiques dystopiques

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Amateur de science-fiction, j’ai connu bien des dystopies littéraires, où se raréfiait la foule, l’humain, sous des menaces diverses; plus terribles les unes que les autres. Un peu comme maintenant quoi.
Arpenteur urbain, écouteur public, j’ai traversé nombre d’ambiances sonores chaotiques, parfois jusqu’à l’oppression chronique.
Depuis quelques jours, marcheur urbain confiné en appartement, je regarde et tends l’oreille à ma fenêtre. Je vois et j’entends la cité se déserter, se taire, passe progressivement du joyeux chahut au chuchotement.
Je vois les passants esquisser, des pas de cotés, chorégraphies ‘évitement corporel lorsqu’ils se croisent, à vrai dire assez rarement, sur le trottoir..
Bien sûr, j’en vois d’autres passer de longues heures à siroter des bières sur un banc, néanmoins avec gants et masques… A chacun la façon d’interpréter son confinement
Aujourd’hui, enfermé depuis trois jours, je sors faire des courses, autorisation dérogatoire en bonne et due forme en poche.
Quelques centaines de mètres jusqu’au magasin, une promenade de luxe quoi.
Le soleil, outrageusement généreux ces jours-ci, et l’air sur la peau me font un bien fou. Comme si j’avais subi des lustres de privation de ces éléments qui me paraissent si agréables. Un petit plaisir retrouvé qui en devient un grand
On s’aperçoit ici, très vite, surtout pour quelqu’un qui a l’habitude dans son travail de battre le pavé, que l’enfermement pèse rapidement très très lourd.
On repense l’univers carcéral autrement, peut-être. Surtout qu’étant intervenu récemment à la prison des Baumettes de Marseille, je considère maintenant avec un œil et une oreille interpellés, les notions de dedans/dehors, et de libertés fondamentales.
Sinon, une sorte de sidération sensorielle.
À 17 heures, période généralement qui fait grouiller les trottoirs de passants et les rues d’engins motorisés, presque rien ne bouge.
Ou si peu.
Si peu de voitures, et ça c’est un vrai luxe à tous les niveau, acoustique, piétonnier, respiratoire…
Si peu de gens, dans des espaces fantomatiques un brin inquiétants, presque anxiogènes.
Le regard embrasse la longue alignée d’une rue en générale très passante, et ne voit que peu de véhicules ni de piétons.
On peut traverser tranquillement une trois voies urbaine sans courir.
Beaucoup, ceux qui le peuvent en tous cas, la crise n’est pas la même pour tous, ont quitter la ville pour se mettre au vert.
Les autre évitent, ou sont contraints à bouger le moins que possible.
Je n’aurais jamais penser connaitre ça.
Et si peu de sons en conséquence.
Une sorte d’étouffoir acoustique, de chape de plomb, qui fait ‘ailleurs d’autant plus ressortir les sirènes des ambulances, pompiers, policiers… et nous remet à l’oreille un monde sanitaire malmené, des espaces publics devenus suspects, voire dangereux, plus que d’habitude en tous cas.
Une ville métamorphosée, transfigurée, réduite au presque silence.
Certes pas un silence de mort, mais sans doute de peur oui.
On peut jouir maintenant d’une forme de calme sans doute rarement observé, écouté, au cœur des grandes villes en principe si sonifères.
Un calme que je trouve cependant plus paupérisant qu’apaisant, qui aurait effacé toute l’énergie d’une ville, ou les élans dynamiques seraient bridés, si ce n’est brisés, où l’oreille chercherait des repères perdus, gommés, des voix gouailleuses et des cascades de rires par exemple.
Merci les oiseaux d’entretenir une forme de gaité pépiante.
Merci également, sur le coup des vingts heures, au initiatives citoyennes spontanées, cris, vivats, applaudissements, charivaris, mais aussi colère et protestation, de balcon en balcon, à l’instar des concerts italiens.
Par ces manifestations bruyantes, toniques, vivantes, rassemblantes, il y a aussi des conspuations de politiques privilégiant les chiffres et le rendement plutôt que la santé publique.
Après les places, les rond-points, ls balcons et fenêtres.
Même contraints à quitter l’espace public, l’espoir et les colères se font encore entendre.
Rassurant quelque part !

 

Le charivari de 20 heure à ma fenêtre : https://desartsonnants.bandcamp.com/track/lyon-vaise-le-charivari-de-20-heures

Pour en écouter plus de nos fenêtres : https://desartsonnants.bandcamp.com/album/des-sons-ta-fen-tre-sounds-at-your-window

Participer au projet collaboratif : https://desartsonnantsbis.com/2020/03/17/appel-a-contribution-ouvert-point-douie-quentends-tu-de-ta-fenetre/

 

 

Workshop Points d’ouïe lyonnais 2019

FireShot Capture 144 - Points d'ouïe 2019 – Google My Maps - www.google.com

 

Workshop « Points d’ouïe » avec des masters 1 de L’ENSAL – École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon – Épistémologie des ambiances

Au départ, une approche théorique – Qu’est-ce qu’un point d’ouïe ? Quelques définitions ? Des écoutes audio commentées, une approche technique de la prise de son, du montage audionumérique.

Les étudiants forment des groupes, par 4 ou 5, choisissent un lieu « point d’ouïe » dans la métropole lyonnaise, justifient ce choix, documents à l’appui (descriptifs, scénari envisagés, photos, cartes sensibles..)

Ils partent sur le terrain, l’arpentent, l’écoutent, le photographient, l’enregistrent

S’ensuit une série d’écoutes critiques en studio (qualité de la prise de son, adéquation des sons à la problématique, singularité du propos, technique de montage…).

Deux à trois minutes de rendu sont demandées, en format vidéo, s’appuyant sur des images ou graphismes types plans-fixes et une bande-son (montée à partir des prises in situ) en contrepoint, le tout prenant le partie de montrer très subjectivement un lieu. Deux « états des lieux » peuvent être montrés, donnés à entendre, interprétés, l’un actuel, l’autre, prospectif, imaginaire, dans un futur plus ou moins lointain.

Une cartographie interactive, géolocalisée, permet de visionner les vidéos sonores.

 

Carte en ligne : https://www.google.com/maps/d/u/0/viewer?mid=1LfRMbj6UMTfkcZBIIzTvxaQuql_43_Us&hl=fr&ll=45.77227274075625%2C4.866849832502339&z=12

Responsable Cécile Regnault
Enseignants intervenants :
Julie Bernard
Gilles Pathé
Gilles Malatray

PAS – Parcours audio sensible en duo d’écoute avec Isabelle Favre – La croix Rousse de haut en bas

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Une fois n’est pas coutume, partant de la place Croix-Paquet, au pied des pentes de ce quartier emblématique, toujours à Lyon, nous empruntons le Métro à crémaillère pour rejoindre la place de la Croix-Rousse, sur le plateau.

Histoire d’entendre la machine et ses voyageurs, dans une rame très peuplée à cette heure-ci, vers les 9H30 du matin.

Un temps très couvert, limite de la pluie, un peu frisquet, et avec du vent, l’ennemi des micros, dont nous nous protégerons en choisissant parfois les endroits plus protégés.

Et comme à notre habitude dans ces parcours en duo, nous écoutons, regardons, commentons, digressons de concert, à l’improviste, en suivant le chemin proposé par Isabelle Favre, qui se livre à nouveau à cet exercice, après une précédente exploration de Fourvière. Nous enchainons,un parcours sur la « colline qui prie » à un autre sur la « colline qui travaille », selon des expressions typiquement lyonnaises

Au fil des traversées, des récits inventés in situ, des paysage sonores, ce seizième PAS en duo nous livre de nouvelles tranches de ville, avec des petites ou grandes histoires, anecdotes ou micro-événements, ressentis, commentaires. L’ensemble de ces flâneries sonores commence, avec ses plus de trente heures cumulées d’audio-parcours, à dessiner une ville kaléidoscopique, singulière, parfois imaginaire ou plutôt imaginée, d’espaces imposants ou intimes, de descriptions personnelles, qui l’écrivent à micros ouverts.

Dans ce quartier croix-roussien, pétri d’histoires de soyeux, de canuts, de révoltes et de traditions, de tissage sur des métiers Jacquard, d’esprit festif et de gentrification, chaque recoin urbain se prête à la narration d’une ville multiple. On ne peut pas ignorer ce bout de ville, où être un gone des pentes est un peu différent d’être un « simple » Lyonnais

Commerces, passants, aménagements, ambiances, reliefs, événements, points de vue et points d’ouïe, un puzzle s’assemble, au gré des rues et des places, de leur typonymies, des escaliers et des passages couverts, et sous les mots racontant.

 

 

https://www.linkedin.com/in/isabelle-favre-013920103/

PAS – Parcours en duo d’écoute avec Isabelle Favre – Fourvière de Haut en bas

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Comme à leur habitude, les PAS en duo d’écoute poursuivent ces formes libres de marches conversations, écoutes… le tout enregistré sur le vif, sans retouches ou presque.

Le guidant m’invite à le suivre, dans les lieux et moments de ses choix.

Nous déambulons, parlons, enregistrons.

Celui-ci est le quinzième PAS en duo dans Lyon intra-muros, plus un banc d’écoute et un PAS Suisse.

Plus de trente heures de sons qui abordent certes les paysages sonores, mais tout autre sujet, aménagement, projets culturels, politique locales, ressentis in situ, douce rêveries ou ronchonnades bien senties, lectures de textes et poèmes, description du terrain, de son histoire, des choses croisées… Dans l’esprit d’une tentative d’épuisement d’un lieu, façon Pérec, mais en marchant…

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Ici nous descendons, en mouvements pendulaires, la colline de Fourvière à Lyon, en passant par le quartier Saint-Just, les jardins, rues et ruelles, pour achever notre parcours à Saint Jean. Entre basilique et cathédrales, panoramiques et points bas, deux lieux hyper touristiques de la Cité.

Le temps doux et ensoleillé, les belles lumières de l’été déclinant se prêtent à la flânerie.

Nous mettrons donc  environ deux heures pour effectués une distance au finale assez courte, vagabondage et paroles sans contraintes, sans compter de longues conversations en amont et en aval, hors micros, bavards invétérés et curieux que nous sommes.

 

PAS – Parcours Audio Sensible et écologie sonore

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Samedi après-midi, beau soleil, températures printanières, un groupe d’une vingtaine de personnes, un parcours accueilli et organisé par Nomade Land Lyon, et écrit et guidé par Desartsonnants.

Nous avons décidé de marcher et parler autour de la thématique de l’Écologie sonore.

Pour certains, ce terme désigne vaguement quelque chose, la plupart n’en n’ont jamais étendu parlé.
Je m’aperçois que, au fil des actions et rencontres, j’explique un nombre de fois considérable ce que ce vocable signifie, son histoire, ses idées, ses acteurs, ses actions, ses enjeux…
La pensée de Monsieur Raymon Murray Schafer m’a en tous cas permis de creuser le sujet, entre esthétique et social, arts, sciences et politique…
Je ne retracerai pas ici une fois encore ces pratiques et réflexions, et vous conseillerai, si vous en ressentez le besoin, d’aller lire, ou relire, “Le paysage sonore” de Murray Schafer édité aux magnifiques éditions Wild Project de Marseille.
Ou bien encore de vous référer aux liens que je cite en fin d’article.

De la notion de paysage sonore à celle de bioacoustique, de la vision audio-naturaliste à celle d’architecture sonore, l’Acoustical Ecology, terminologie Anglo-saxonne, tisse un réseau d’activistes écoutants dans différentes pratiques, ce qui en fait parfois sa force, et parfois sa faiblesse de chapelles.

Pour revenir à notre parcours Lyonnais, nous avons sillonné une partie du 7e arrondissement, de la Guillotière au parc Blandan, ancienne très grande caserne militaire et aujourd’hui vaste parc assez récemment aménagé tout près du centre ville. Dans un tout autre vert si je peux me permettre.

Notons que le lieu de rendez-vous, la place Gabriel Péri, plus connue à Lyon sous le nom de Place du Pont, épicentre d’un quartier (encore) populaire et riche en mixité sociale, ethnique, est ce jour là le point de départ d’une manifestation pour “L’Algérie libre”. L’ambiance sonore y est chaude, dans le bon sens du terme, très bon enfant et joyeuse; des slogans, musiques, percussions, beaucoup de chants, colorés de vert et de rouge. Du beau son pour se mettre les oreilles en appétit, même si le rassemblement de notre petit groupe est moins facile que prévu de prime abord.

Sur une petite place attenante, que j’adore par son ambiance “coupée du monde”, la Place Pierre-Simon Ballanche, j’expose en quelques phrases se que contient la terminologie d’écologie sonore, en précisant que notre marche serait dés lors silencieuse, ce qui m’est assez coutumier, hormis quelques lectures de textes se rapportant au sujet, sur des arrêts Points d’ouïe.

Et nous partons, de places en ruelles, de cours intérieures en squares, naviguer entre les voix, les automobiles, ne les oublions pas, les jeux d’enfants, les oiseaux qui se réveillent sous les premières chaleurs, une cloche… Tout y est ou presque. Le décor sonore se dresse petit à petit.

Des ambiances en cascades, en couches, assez riantes ce jour, sur un parcours plutôt apaisé même s’il croise immanquablement quelques grandes artères bien circulantes.
Une ville vivante dira en fin de parcours un participant. Le terme est juste, la ville que nous arpentons vit bien à l’oreille.

Chaque lecture sera précédée de quelques minutes silencieuses, pour prendre le pouls acoustique du lieu, puis, la lecture terminée, à nouveaux d’une pause écoute. Les deux points d’ouïe encadrent ainsi le texte, comme pour le mettre en exergue, sans autres commentaires. Une posture parmi tant d’autres, mais qui fonctionne assez bien dans ce format audio-déambulatoire.

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Le terme de notre déambulation, de quasiment deux heures, à marche lente, s’effectue dans Parc Blandan, où alternent promenades, jeux d’enfants. Plus exactement, nous nous posons dans un espace boisé, “aménagé” en friche façon tiers-paysage, comme le définirait Gilles Clément, un de mes jardinier planétaire et penseur favoris.

Dernier spot d’écoute dans cette petite “forêt sauvage”, assis sur une plateforme de bois, ou dans l’herbe… Des voix, des oiseaux, la rumeur de la ville a disparu, un bel endroit, visuellement et acoustiquement parlant.

La parole est alors libérée, et elle sera prolixe.
Beaucoup de questions, un débat (presque) improvisé. Le silence du chemin a accumulé les questionnements, parfois les frustrations, mais stimule l’échange final.
Des questions autour des textes, des auteurs lus.
Des questions autour du son au quotidien, des seuils de tolérance, de l’écoute, du respect mutuel des postures écouteurs/producteurs sonores.
Des échanges autour de l’inter-culturalité sonore, des cités auriculaires et de leurs aménagements acoustiques, ou de la non-pensée bru(i)tale, des zones délaissées, des espaces assagis (trop ?), des zones calmes, du zonage urbain, des conforts acoustiques où la voix étalon reste le critère d’audibilité, du peu de place du sonore (paysager, sensible, qualitatif, culturel) dans les enseignements, en architecture et urbanisme, des rapports sons-musiques, des actions de l’artiste écouteur en résidence, se ses lectures écritures de territoires par l’oreille, de la mise en scène d’écoutes dans l’espace public…

Le public est varié, curieux de la chose sonore, ou écologique, curieux d’appréhender une tranche de ville autrement, artistes, aménageurs, promeneurs patentés voire créateurs de parcours sensibles…

Presque encore deux heures d’échanges suivront la déambulation, pour les plus tenaces, qui s’achèveront à la terrasse d’un café, pause bien méritée. Un format de parcours à la fois sensible et pédagogique, construit entre bulles d’écoute et relationnel, que j’affectionne tout particulièrement.

Au-delà de son histoire, de ses actions et réflexions, l’écologie sonore est, ou doit être une prise de conscience des saturations/disparitions, mais aussi des milles plaisirs à partager de l’oreille, au quotidien. Dans mon parcours artistique, je cultive ces formes d’échanges déambulants, où la parole s’ouvre au fil des pas, même s’ils préservent des zones silencieuses, et s’affinent au fil des situations rencontrées, sans doute plus qu’entre quatre murs.

Cerise sur le gratin, une participante a saisi, de son habile crayon, des moments de lectures et d’écoutes.

 

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https://naisa.ca/radio-art-companion/an-introduction-to-acoustic-ecology/ (EN)
https://www.wfae.net/
https://www.acousticecology.org/
http://syntone.fr/exclusif-lecologie-sonore-est-nee/
https://www.wildproject.org/journal/4-glossaire-ecologie-sonore

Audiobaladologie, PAS – Parcours Audio Sensible, Partition Guide d’écoute 1

PAS – Parcours Audio Sensible
Partition Guide partition d’écoute 1
Quartier de Vaise/industrie

 

Notice : Ce premier guide partition d’écoute s’appuie sur une série de repérages dans un site donné. En l’occurrence mon quartier, terrain favori et privilégié pour mener mes explorations et expérimentations audio-sensibles. Il propose un parcours pédestre d’environ deux kilomètres, en boucle, partant d’une station de métro, et nous y ramenant. Il ne demande aucun équipement spécifique, ni ne propose aucune installation sonore amplifiée, s’effectuant via des situations d’écoutes purement acoustiques. Cet itinéraire s’appuie au mieux que possible, sur une éco-audiobaladologie non énergivore, non intrusive, non invasive, privilégiant l’oreille, nue pour aborder des formes d’installations sonores quasi aléatoires, au final déjà pré-existantes, et éminemment contextuelles et interactives. Les PAS ainsi encartés œuvrent à créer des partitions de marches sensibles où la mise en situation et la posture sont au centre de processus créatif, tant en lecture qu’écriture paysagère. Il s’agit de goûter, de savourer des paysages sonores ambiants, en pour moi d’en faire collection. Ce jeu de partitions marchécoutées s’inscrit dans un long processus d’actions récurrentes, avec tout un contexte de variabilité in situ, impulsé il y a déjà une dizaine d’années maintenant, « Et avec ta ville, comment tu t’entends ? »

En pratique : Prévoyez une heure trente à deux heures pour le parcours intégral. Il est possible de le faire de façon fractionné, ou point par point, bien qu’il soit préférable de l’envisager comme une continuité spatio-temporelle qui gagnera à être appréhendée dans sa totalité. Vous pouvez télécharger et imprimer le plan guide, le consulter sur votre smartphone.  Une application autonome est en cours d’écriture. Votre marche doit être apaisée, sans presser le pas, comme un geste d’arpentage non stressant. Libre à vous de choisir la durée des points d’ouïe immobiles, sachant que deux à trois minutes sont des valeurs propices à apprécier les ambiances à leur juste valeur, à « rentrer dedans ». Selon les moments, les événements sonores, vos humeurs d’écoutants, ces durées pourront être adaptées à chaque situation. A chaque point d’ouïe, il est intéressant de tester plusieurs postures d’écoute – yeux fermés, en tournant le dos à la source sonore, en mettant ses mains en pavillon derrière (ou devant) les oreilles, en tournant lentement sur soi-même, en faisant de lents aller-retours entre deux sources sonores… L’écoute reste ici le geste privilégié, mais n’exclue en rien de se délecter des couleurs d’une nuit tombante, des reflets de l’eau, des odeurs, des textures sous nos pieds, du vent sur le visage… Nous restons des être fondamentalement multi-sensoriels ! Vous pouvez effectuer ces parcours en solitaire, ou à deux ou trois. Au vue de leur caractère intime, où le silence est de mise, il est beaucoup plus difficile de les pratiquer en groupe plus conséquent.

Bonne déambulation, bonne écoute, bon PAS !

 

Calcul d'itinéraires - Course à pied, Vélo, Randonnée, Roller...

Parcours Vaise Industrie (Lyon9) : Rendez-vous sur le parvis de l’église Notre-Dame de l’Annonciation, place de Paris à Lyon 9, de préférence en fin de journée, dans l’idéal entre chiens et loups, nuit tombante.
Regardez et écoutez en direction de la place, ou plutôt des deux places, celle du marché, devant vous, celle de la gare, plus à gauche. Un cœur urbain généralement très fréquenté et animé.

Prenez à gauche, traversez la rue de la Claire, puis celle du 24 mars 1852. Légèrement sur votre gauche, empruntez le passage couvert qui passe sous le bâtiment qui, longez le sur votre droite.
Sur votre gauche, le talus de la voie de chemin de fer. Avancez jusqu’au premier embranchement, par où sortent les bus. Arrêtez vous dans l’avancée du trottoir.
Écoutez ! passage de bus, soufflerie, trains, rythmes de grilles métalliques sur la chaussée au passage des bus, voix. Un espace entre-deux, singulier, plein de sonorités et rythmicités toniques !

Continuez en longeant le trottoir jusqu’au deuxième passage de bus, suivez le trottoir sur votre droite jusqu’à l’arrivée aux portes de la gare routière, sur votre droite également.
Entrez dans le couloir intérieur d’attente des bus.
Accoudez vous sur la rambarde dominant la fosse du métro au niveau inférieur.
Écoutez la surprenante polyphonie du lieu. Voix, trains, métros, pas réverbérés… Un véritable concert multimodale !

Continuez le couloir jusqu’aux commerces (bureau de tabac, boulangerie). Contournez les par la droite pour prendre le couloir et l’emprunter vers la gauche. Peu après la boulangerie, quittez le hall par une porte coulissante à droite, avancez jusqu’au coude de la voie des bus. Traversez via le passage piéton pour vous diriger vers un passage couvert.
A l’entrée de celui-ci, sur l’avancée de trottoir, vous pouvez écouter un nouveau point d’ouïe, surtout animé par le passage fréquent de bus dans un acoustique très réverbérante.

Empruntez le couloir à droite de la fresque murale, ressentez la transition acoustique. Des voix et des pas, tout s’apaise soudain.
Légèrement sur votre gauche, empruntez l’escalier menant au premier niveau des parkings. Entrez dans ceux-ci.
Traversez le parking en largeur, pour venir contre la paroi de grilles métalliques, d’où vous pouvez entendre la gare juste en face. De belles sonorités ferroviaires.
Des voitures qui entrent ou sortent du parking font joliment claquer des joints métalliques au sol.
Longez la paroi sur votre droite. Vous vous retrouvez juste au dessus d’une voie d’arrivée de bus.
Une grosse dynamique visuelle et sonore, juste sous vos pieds.
Au centre du parking, des grondements de basses sur la dalle au dessus de votre tête.
De nuit, l’ambiance est assez saisissante.

Quittez le parking, rejoignez le passage couvert, sortez en direction de la rue de Saint-Cyr – Quai de la gare d’eau. Traversez cette dernière, longez le bâtiment Groupama sur votre droite, puis pénétrez par un chemin descendant dans l’espace extérieur des stades Joseph Boucaud, et des pistes de vitesse “Sport dans la ville”.
Promenez vous le long des stades, dans les tribunes, écoutez l’acoustique très réverbérante des lieux, la rumeur de la ville étant sensiblement étouffée. Les jeux de ballon et parfois les courses de rolliers donnent à l’espace de belles dynamiques acoustiques, joliment spatialisées.

Ressortez par le même chemin, continuez sur votre gauche, en direction du Pont Schuman. Traversez la rue à l’angle du quai du Commerce – Quai Hyppolythe Jaÿr, empruntez le pont Robert Schuman par la large allée côté gauche. Arrêtez vous quelques minutes sur un banc vers le centre du pont, tourné vers la Saône. Écoutez.

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Pont Schuman

 

Reprenez votre chemin vers le quai Joseph Gillet, parvenu à l’extrémité du pont, empruntez l’escalier à votre gauche qui descend vers les bas-quais des rives de Saône. Revenez légèrement sur votre droite, pour vous arrêter sous le pont, au milieu de préférence. Regardez la Saône. Écoutez. Après quelques instants, claquez dans les mains, ou poussez de brefs cris, assez forts. Écoutez les incroyables échos du pont. Jouez à les faire sonner, en tournant le dos à la Saône, testez différents sons, courts, longs, vous êtes au cœur d’une surprenante chambre d’échos !

Reprenez votre chemin sur le cheminement piétonnier des bas-quai, en vous dirigeant vers la passerelle Masaryk, sur votre gauche en regardant la Saône.
Écoutez les clapotis, remous, les grincements des amarres et des gréements des péniches. Les sons des coureurs, promeneurs et parfois festoyeurs animent ces aménagements piétons très empruntés…

Continuez jusqu’à la passerelle Masaryk. Arrêtez vous au-dessous. Écoutez le grincement de ses haubans et les rythmes et percussions sur vos têtes, des piétons et vélos qui l’empruntent.

Remontez par les escaliers sur les quais hauts. Empruntez la passerelle Masaryk en écoutant sonner vos pas, ceux des promeneurs croisés, les sons des bicyclettes, skates, trottinettes et autres engins légers, éventuellement le passage de bateaux, péniches, sur la Saône, en contrebas…

Prenez droit devant vous, la rue Mazarik, jusqu’à revenir place de Paris, en face l’église Notre-Dame de l’Annonciation. Dernière petite halte d’écoute sur le parvis, pour voir ce qui à, ou non changé à l’oreille depuis votre départ.
La boucle sonore est alors bouclée !
Vous pouvez la réempruntez à d’autres moments, plus tôt, plus tard, un jour de marché (Mercredi samedi et dimanche matin, de jour, de nuit…) J’avoue avoir une préférence pour la nuit, juste après la tombée du jour.

 

Parcours online : https://www.calculitineraires.fr/index.php?id=872401#tab-Export

 

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Gare de Vaise nocturne

 

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Passerelle Mazaryk

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Stade Joseph Boucaud – Gare d’eau

Audiobaladologie PAS – Parcours Audio Sensible à Lyon

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Jeudi 14 mars 2019 de 18:30 à 20:30

Dans le cadre de la Journée Nationale de l’Audition, PAS, Parcours Audio Sensible. Parcours d’écoute à tombée de nuit et nocturne autour de la gare de Vaise. Dedans-dehors, dessus-dessous, l’oreille se balade au rythme de nos pas

Pour découvrir des lieux décalés, insolites, à fleur de tympan…

Départ 18H30 Place de Paris Lyon 9, parvis de l’église Notre Dame de l’Annonciation – Métro D terminus Gare de Vaise.

Événement Facebook ICI

Inscriptions (gratuites) ICI

Des rives en rives, Walk Dating nocturne

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©photo Charlène Gruet

Une marche exploratoire du « Parcours métropolitainS »

C’est une très douce fin de journée, à nuit tombante, vers 20H30, le long des quais du Rhône à Lyon.

Trois marcheurs et quatre marcheuses, réunis ce soir là pour tester un parcours pédestre, en nocturne, au fil de l’eau.

Objectif, descendre le Rhône (une petite partie Lyonnaise) cap au sud, le longer par les berges aménagées, et remonter cap au nord, via la Saône, également par les berges aménagées.

Lyon a su, ces dernières années, mettre en valeur ses cours d’eau, et relier, connecter les piétons aux flux aquatiques.

En cette période de rentrée scolaire, la chaleur aidant, le début de notre périple sera très animé.

Les nombreuses péniches bars restaurants amarrées le long du Rhône voient leurs terrasses bondées.

D’autres préfèrent les pelouses pour siroter des bières et autres boissons.

Les conversations vont bon train.

Vélos, et différents objets roulants non motorisés filent et slaloment en tous sens.

Des voix, des voix et encore des voix, à droite, à gauche, devant, derrière, nous sommes immergés dans un flux vocalisant, riant, avec une certaine bonne humeur ambiante.

Tous les membres de notre communauté ambulante et ponctuelle ne se connaissent pas, même si, avant de nous mettre en marche nous avons discuté autour de nos pratiques respectives.

Et les « spécialités » sont variées, trek urbain, performances marchées sur un quartier Lyonnais, travail sur les formes et traces urbaines, Parcours d’écoute, doctorat autour de marches féminines Algériennes, projets de territoire, poésie, arts plastiques…

Notre groupe est vraiment pluri… et la marche nous rassemble.

D’ailleurs, tout au long du parcours, de petits groupes se créeront, se modifieront, s’aggloméreront, se séparerons à nouveaux, se reconstitueront… au fil des conversations.

Le concept du Walk Dating est né dira (et illustrera) l’une d’entre nous.

Le secteurs des péniches de loisirs étant passé, la foule, dense au début de parcours se raréfie progressivement. Nous croisons maintenant de petits groupes, étudiants en goguette, jogguers noctambules, amoureux cherchant les coins d’ombre. L’ambiance se fait plus intime.

Nous longeons l’imposante Piscine du Rhône et ses colossaux pylônes, sensés éclairer l’édifice, mais que personne d »entre nous ne se souvient avoir vu allumés.`Nous filons vers le sud, direction Perrache, pont Galliéni.

Les bas-quais, assez encaissés, nous protègent de l’agitation tonitruante des voies routières, très circulées, abrités dans un petit couloir apaisé au fil de l’eau.

Nous quittons les rives du Rhône pour enjamber le fleuve par le pont Galliéni.

Rupture.

Nous sommes à nouveaux au cœur de la ville trépidante et pétaradante, remontés en surface dirais-je..

Gare de Perrache à notre gauche, que nous longeons via la place Carnot… Des jets d’eaux glougloutent et susurrent à notre passage, et sûrement continueront-iles après.

Un quai aux ramifications complexes, envahi de voitures.

Nous descendons cette fois-ci vers la Saône, via une rampe pavée, enchâssant une étrange petite voie ferrée plus en service.

Nouvelle rupture, un apaisement s’installe.

Une installation artistiquement singulière, ou brute, de bric et de broc, au pied de la rampe d’accès aux quais semble nous faire un malin clin d’œil en signe de bienvenue. Les quais de Saône sont, dans leur début, plus obscurs, plus intimes peut-être, dans ce début de parcours, moins festifs, en tous cas que les précédents.

Ici aussi, nous marchons au en suivant des aménagements de promenades piétonnes, plus resserrées que précédemment, configuration tologique exige, parsemées d’œuvre d’art type Land Art urbain.

De longues passerelles, constructions de bois entrecroisés de l’artiste Tadashi Kawamata font sonner nos pas sur des caillebotis serpentant au dessus de l’eau.

Un pont de pierre nous révèle de beaux échos, et d’intéressantes réverbérations.

Ici et là, des groupe d’étudiants fêtant une rentrée a priori joyeuse. Nous les contournons, les traversons, les saluons, zigzagant dans ces joyeux sittings.

Une interruption dans notre parcours. Des travaux non achevés sur une centaine de mètres, dus à des problèmes de malfaçon, de maîtrise d’œuvre, d’assurance, nous oblige à rebrousser chemin pour quitter temporairement les bas-quais. Depuis quelques années, cette partie est à l’abandon, protégée de hautes grilles, attendant que se résolvent les questions technico-judiciaires pour voir le cheminement pédestre prendre totalement et intégralement forme, sans cette coupure accidentelle.

Les quais sont maintenant de ce côté-ci aussi très peuplés, très arpentés, très occupés par des groupes festifs, même si la densité de l’occupation est moindre que sur le côté Rhône.

La promenade se terminera à la hauteur du quartier des Terreaux, par un petit rafraichissement débriefing bien mérité.

Une belle promenade où lumières et sons jouent en miroir sur les eaux scintillantes.

Une presque boucle qui nous permet de tester une petite traversée urbaine nocturne, où l’espace sensible est riche de surprises.

L’envie de pousser, une fois prochaine, plus au sud, jusqu’à la pointe de la Confluence. Peut-être aussi de rejouer cette promenade en deux épisodes, Nord-Sud par le Rhône, Sud-Nord par la Saône, en l’agrandissant un peu.

Chemin faisant, nous avons construit des traces, chacun chacune à sa façon; Croquis, photos, carte sensible, texte, notre voyage de rive en rive se matérialise ainsi et construit une parcelle de mémoire, et une extrapolation du projet Parcours métropolitainS, Grand Lyon et lisières. Mémoire et outil prospectif. Comment parcourir sa ville, ses alentours, relier des points géographiques, des espaces emblématiques, ou triviaux, comment surprendre encore le marcheur ?

Aujourd’hui, les lisières, thématique qui nous préoccupe, étaient celle de l’eau, fleuve et rivière, structurant fortement le territoire Lyonnais, le centre en tous cas, prétexte à déambulations nocturnes, à expérimentations d’écritures plurielles, sensibles et kinesthésiques.

A suivre.

 

Des traces

Carte sensible ©Alice Neveu 42655872_1034913076680730_5502099512744738816_n

 

 

Album photos ©Chalène Gruet, Croquis ©Claire Daudin : https://flic.kr/s/aHsmo1wJkC

Des PAS – Parcours Audio Sensibles avec Alice Neveu

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Rencontre entre Desartsonnants, promeneur écoutant, et Alice Neveu, artiste marcheuse performeuse plasticienne, travaillant actuellement sur le quartier de la Guillotière à Lyon.

Première déambulation pour faire connaissance, une fin de matinée ensoleillée, juste avant les vacances, et bien entendu à la « Guill’ ».
Nous marchons à l’envi, sans itinéraire, juste pour papoter, faire connaissance, parler de nos marches, relations à la ville, à l’autre, collections de traces, actions, affinités, territoires…
Fin du prologue, rendez-vous est pris pour deux nouvelles balades dés septembre.

Nous sommes en septembre, les marches peuvent reprendre.

Une première que je guiderai, toujours entre le 7e et le 3e arrondissement, donc toujours à la Guillotière, de l’autre côté du pont, échappant à la Presqu’ile..
Ambiance nocturne.
Entre chiens et loups, 8H15 à cette période de l’année.
Une de mes périodes favorites, moment de bascule, d’étouffements, de rééquilibrage parfois.
Une température clémente, voire chaude pour l’heure.
Départ à l’épicentre de la Guillotière, place Gabriel Péri, autrement nommée localement Place du Pont.
Un lieu de rendez-vous d’une population bigarrée, quartier où se croise le Maghreb, l’Afrique noire et l’Asie, en des lieux, zones géographiquement assez bien définis.
Ici les robes de mariées brillantes de perles, les pâtisseries au miel, les kebabs et couscous…
Ici les salons de coiffures avec colorations et tresses Africaines, les bars où on à l’impression d’entendre un grillot conter ses terres brûlantes.
Ici des supermarchés où des montagnes de riz, épices, légumes asiatiques et accessoires de cuisine s’entassent, des restos à Bo buns.
Ici une immense boutique arménienne, très ancienne institution Lyonnaise, où on trouvent (presque) tous les épices thés cafés, fruits confits du monde, caverne d’Ali Baba où les yeux et le nez sont à la fête. Dans tous le quartiers, les senteurs sont de la partie.
Ici des bars restaurants flambants neufs, branchés, d’autres anciens, dans leur jus.
La Guillotière est un territoire toujours en mouvement, en couleurs, en odeurs, et en sons…
Cette nuit tombante, nous arpenterons rues et ruelles, places et parcs, sans itinérau-ire prédéfini…
Alice se chargera de construire une trace à sa façon.

Une deuxième balade, non prévue au programme initial, avec un petit groupe, nous emmènera, toujours en nocturne, des quais du Rhône à ceux de la Saône, dans le cadre d’une expérience de repérage pour le projet Parcours métropolitainS, Grand Lyon et lisières. Mais de celle-là, je reparlerai dans un autre article spécifique.

Troisième PAS, en duo d’écoute.
Un de ceux que j’aime à pratiquer régulièrement.
Une heure, un lieu de RDV, quelqu’un m’invite, me guide, j’enregistre, des échanges en marchant et devisant, à la volée, sans retouche, sans montage, sans coupure…
Ainsi, une collection de balades Lyonnaises, dans différents quartiers, à différentes heures, avec différentes personnes, qui se constitue progressivement. Des envies d’installer tout cela je ne sais encore où, ni comment.
Récits de ville.
Aujourd’hui, 16H30, chaleur assez étouffante pour la saison, sortie des écoles, tout bruisse.
Des moteurs énervés, des voix enjouées, harangueuses, un chassée-croisé entre vendeurs à la sauvette et policiers très nombreux ce jour sur la place Gabriel Péri…
On déambule de places en ruelles, voire ici dans une galerie, celle de Loren Larage, figure emblématique de la culture Lyonnaise, défendeur infatigable de l’art brut, singulier, activiste de quartier, et d’ailleurs, entre ateliers avec des enfants et raconteur intarissable sur son seuil de sa galerie.
Passages couverts, jardins, école lovée dans un recoin, mais à cette heure ci remplie, presque saturée, de voix enfantines.
Un bar (« moderne ») où des chats se prélassent sur les tables, concept.
Le quartier change à vue d’œil et d’oreilles, brassant les signes d’une gentrification en marche et d’une résistance active. Frottements.
Derniers bastions à la fois populaire, canaille, étudiant, culturel, artistique, associatif, patchwork séduisant qui garde encore des ambiances bien spécifiques, agoras de coin de rue, cuisine tous azimuts, et vie nocturne…
Il y a de quoi dire.
Il y a de multiples surprises pour qui veut les saisir au vol.
Et nous tentons de le faire.
Le magnétophone poilu ne passe pas toujours inaperçu.
Regard et oreilles vers le haut, ou à ras le sol, indiscrétion assumée, prêt à dérober le trivial dans son ébullition du moment.
Marche erratique, au gré des événements et envies d’Alice.
La paroles se collent à la marche, errante et donc sans itinéraire, collée au moment et au lieu, comme à la chose advenante.
Un piano, celui d’une école de danse toute proche, laisse filer de guillerettes mélodies par les fenêtres grandes ouvertes à même la rue, tandis qu’une main enragée klaxonne à tout va, pestant contre le camion qui bloque son véhicule.
Scène de guérilla motorisée dont la cité regorge.
Polyphonie urbaine, pour le meilleur et pour le pire.
Choisissons le meilleur, si possible, les sons du vivant bien vivant.
Pour le reste, et il en reste, le magnétophone vous raconte.

 

En écoute

Point d’ouïe, paysage qui cloche

Carillon Vaise

C’est un concert de carillon, église Saint Pierre aux liens de Vaise, Lyon 9e, dimanche 12 août 2018.

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Il fait bon, un public assez nombreux est venu dans le petit jardin du presbytère, endroit isolé de la circulation, juste sous le clocher où chanteront les dames d’airain, 12 au total. Beaucoup d’habitants du quartier Vaisois ne connaissent d’ailleurs pas ce petit carillon caché tout en haut de la chambre des cloches. Il faut dire que, contrairement aux régions Nordiques, aux Flandres, les carillons Lyonnais se font hélas très discrets et sonnent de plus de plus rarement. le grand carillon de l’Hôtel de ville centrale, fort de ses 65 cloches est pourtant un instrument remarquable ! Raréfaction des carillonneurs sur la région, grogne des empêcheurs de sonner en rond, un peu des deux…

Le maître carillonneur Valenciennois Gilles Lerouge* sait parfaitement tirer partie du  petit carillon de Vaise, jonglant avec brio pour garder la mélodie au plus proche de sa source en évitant habilement les notes manquantes. Son jeu est tout en nuances, de Morricone à Bach en passant par des chansons traditionnelles Françaises, sans oublier le « P’tit quinquin », hymne national populaire du Nord.

Les cloches, je le dis souvent, sont de véritables instruments de musique et qui plus est, une des plus belles et anciennes installations sonores en espace public. A ce titre, elles méritent non seulement toute notre attention,mais qu’on les défendent de ceux qui voudraient les faire taire, préférant sans doute laisser plus de place au  bruit des voitures.

Chaque fois que j’entends un carillon, ou même une cloche égrener ses notes d’airain, je tends une oreille réjouie vers ce joyeux remue-ménage aérien, qui vient joliment réveiller le paysage de ses nappes sonores bienveillantes,  n’en déplaise à certains.

 

*Gilles Lerouge est né à Valenciennes le 22 octobre 1959
Co-titulaire du carillon de Saint-Amand-les-Eaux, dans le Nord.Gilles Lerouge commence le carillon dès l’âge de 10 ans à Saint-Amand-les-Eaux. Il obtient, à Valenciennes, le Premier Prix de solfège et piano et entre à l’Ecole Française de Carillon. Il obtient le diplôme de Maître-Carillonneur en 1991. Gilles Lerouge est Directeur de l’Ecole Municipale de Musique et de l’Harmonie municipale de Saint-Amand-les-Eaux (Nord) Musicien professionnel en formation de jazz, il est le grand spécialiste du répertoire de jazz. Sources http://asso.nordnet.fr/arpac/carillon/interpretes.htm

 

ZEP – Zone d’Écoute prioritaire Lyon

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La World Listening Day Lyonnaise

Le mercredi 18 juillet, comme tous les ans à cette même date, au quatre coins du Monde, on célébrait la Journée mondiale de l’écoute, autrement et initialement nommée World Listening Day, impulsée par le réseau World Listening Project

Desartsonnants étant Lyonnais ce jour là choisit d’investir le parc de la tête d’Or, et d’inviter tous ceux qui le souhaiterait à venir marchècouter ce magnifique poumon vert urbain de quelques 120 hectares.

Une poignée de personnes répondirent à l’appel et acceptèrent une marche silencieuse d’une bonne heure.

Ce jour là, pas de Point d’ouïe, pas d’arrêts sur écoute,mais le parti de marcher lentement, sans interruption, en jonglant d’une source sonore à l’autre, dans un grand mixage plein de coupures, de superpositions, de transitions, est somme toute de belles surprises. Surprises parfois calculées par le guide, ou tout au moins revisitées à l’aune de la marche.
Pas de repérage préalable pour cette marche dans ce parc, qui m’est du reste assez familier; une errance guidée par les événements sonores, la recherche de l’ombre parfois, et les humeurs du meneur.

Un première petite boucle de mise en jambes et en oreilles.
Cris d’enfants
jeux de ballons
bribes de conversations volées ci et là
Cygnes barbotant dans le lac
sous-bois bruissonnant du vent dans les feuilles…

Retour à la porte d’entrée pour récupérer une nouvelle promeneuse, nouveau départ pour une grande boucle cette fois-ci.
allée gravillonnée, crissements de pas
joggeurs haletants
une pelouse où les voix s’égaillent dans un vase espace, belle spécialité acoustique
traversée d’une troupe d’oies bavardes (pléonasme), qui nous regardent méfiantes
un autre groupe d’oie se posent, augmentant cette basse-cour dans un déchainements de cacardages impressionnants
traversée d’une roseraie assez calme
passerelle en bois qui résonne sous nos pas
petite chute d’eau rafraîchissante
une famille africaine, dont les enfants sont effrayés par un (petit) chien, pourtant pas méchant. Cris, cris, cris, interjections, rires, pleurs… Nous passons discrètement au milieu de cette scène très animée.
un jardin botanique alpestre assez calme
de tout jeunes canards dans un filet d’eau poussent des petits cris aigus.
une voix ferrée droite, des trains grondent au-dessus de nos tête, cachés par un talus arboré.
nouveau tronçon d’une allée gravillonnée, beaucoup plus de joggeurs dans la chaleur diminuant de cette fin de journée. Chacun y va de son rythme, martèlements piétinements incessants, respirations saccadées, aisance ou souffrance. Le passage-séquence a quelque chose d’envoûtant, telles des variations répétitives à la Steve Reich.
Une allée centrale goudronnée, avec cette-fois-ci des vélos, skates, trottinettes… autres mobilités, autres rythmes, autres sons.
allée longeant le lac, une buvette en cours de fermeture, sons métalliques, charriots
La grande porte à nouveau, fin de ce PAS.

A quelque encablures de la sortie, le guide libère la parole, échanges, d’expériences, de connaissances, ainsi s’achève la World listening Day lyonnaise.

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Coupe de sons, Point d’ouïe

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N’ayant sans vergogne regardé aucun match de football durant cette coupe du monde, j’ai décidé hier, demi-finale oblige, de réparer cela, en ne regardant pas non plus ce dernier match.

Néanmoins, j’ai pris le parti d’écouter, non pas le match lui-même, mais plutôt ce qu’il génère comme ambiance dans l’espace public.

A 20H tapante, je me suis posté sur un banc d’écoute. Je l’ai choisi hors des places ou des rues où se trouvent beaucoup de bars, un brin éloigné du centre, là où l’on est entre des scènes acoustiques de proximité et la rumeur de la ville.

La première heure s’est révélée d’un calme plat assez décevant, pas de variations remarquables des ambiances habituelles, les même voitures, voix, sources sonores disparates. Heureusement, j’avais prévu un bon roman.

Puis, des cris qui s’échappent des fenêtres, des sifflets, une explosion de voix; j’en déduis que la France, ou plutôt son équipe footbalistique, a marqué un but.
Quelques interjections suivront, plus discrètes, puis tout redeviendra « comme avant ».

Le soufflé retombe, encore une période calme, sans remous, sans grandes émergences.

Puis les voix investissent, voire envahissent l’espace public « On est en final » et autres phrases de cet acabit. Le message est explicite, le match bouclé.
Voix, cris, pétards, prélude au 14 juillet à venir, sifflets, tout s’agite autour de moi, impassible écoutant sur son banc assis.

Petit à petit, les voitures sen mêlent, entrent en jeu, toutes cornes braillardes. Un déluge de klaxons, meuglant à qui mieux mieux, et des cris, des chants, des vociférations, comme mariage géant qui durera longtemps, une tonique débauche d’énergie.

Si le scénario avait été autre, je suppose qu’un calme qui aurait tout du désenjouement, si ce n’est de la désolation, marqueur de profondes déceptions, se serait installé, tout drapeaux rentrés, toute fierté retombée, toute gauloiserie éteinte.

J’ai hésité à enregistrer ces séquences, avant de décider de m’offrir cette petite séance à oreille nue, juste pour entendre les remous-variations d’une tranche de mondial, sans les images, ni les commentaires d’aucuns journalistes cocoricausant.

Station ZEP – Zone(s) d’Écoute(s) Prioritaire(s), marche des fiertés et fanfare – Lyon hausse le son

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Tout commence par une longue Station – ZEP – Zone d’Écoute Prioritaire , sur les marches de l’escalier de l’Hôtel de ville centrale, place des Terreaux à Lyon.
Trois heures de pause – écoute sur son, une première Desartsonnante.
Soleil assez vif, voire très vif en début d’après-midi.
La place est joliment festive.
Je branche ponctuellement mes micros sur de brefs événements, au gré de leurs apparitions et incidences.
Des groupes de marcheurs LGBT qui rejoignent joyeusement la Marche des fiertés LGBT, autrement nommée Gay Pride, Place Bellecour.
Nous la croiserons plus tard.
Il y a des voix.
Des cris, joyeux.
Des bribes de conversations.
Des rires.
Des chants.
Un match de football miniature organisé par Greenpeace opposant Diesel à Monde Pur sans voiture.
Et immuable, le fontaine Bartholdi en fond de scène chuintante.
L’écoutant est un peu en retrait.
Un peu en surplomb.
Une oreille qui embrasse une scène sonore parfois assez diffuse, avec des émergences ponctuelles.

 

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À bout d’écoute, enfin je le pense, je bouge.
Et pourtant cette fin de soirée restera encore tonique et sonique, plus que je ne le pensais a priori.
Je croise sur le chemin du retour la Marche des fiertés LGBT, et cette fois-ci, plus en ordre dispersé, mais en ordre de marche. Un défilé que j’entends de loin, et dont la rumeyur grandit rapidement.
Vivace, coloré, tonitruante, dansante, exubérante, joyeuse, revendicative, militante, multi-générationnelle, imposante, je m’approche de cette masse sonore et bariolée…
Liberté(s) de son corps, de ses pratiques sexuelles, sociales, mais aussi droits de l’homme, écologie, migrations, des revendications bouillonnantes d’actualité, voire même brûlantes sous ce soleil, en résonance, sur fond de disco mobile endiablée.
Des costumes et des corps bougeant, plus ou moins dénudés, courant, dansant, virevoltant, et un son Dance floor sur macadam d’enfer.
Je tente d’enregistrer, sature bien souvent mes micros. Tant pis, l’ambiance est communicative, j’ai envie d’en capter un brin de cette liesse collective énergisante.
Je remonte le défilé à contre-sens, jusqu’à son dernier convoi dansant.
Juste derrière, les balayeuses municipales qui nettoient à grandes eaux la rue, l’affaire est rondement menée.
Remontée de la rue Mercière et de ses restaurants, une ambiance moins dynamique, mais néanmoins joyeuse.
Le soleil met du baume au cœur, et aux corps.
Des voix, beaucoup.
Un cliquetis de mon sac, je n’ai pas pris la précaution pourtant élémentaire de chausser le casque pour éviter ces bruits parasites. Pas très pro.
Tant pis, un défaut qui restera tel quel, tic, tic, tic…

 

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Arrivé près de la place des Jacobins, je m’apprête à ranger magnétophone et micros.
Mais Lyon en ce jour hyper-sonique en décide autrement.
Une fanfare étudiante, festive, joue des mélodies populaires, près de la fontaine.
C’est ce que l’on appelle un « pétage », dans le jargon fanfaronnant.
Musique dans la rue, sur une place, avec un étui à instruments ouvert pour recueillir les dons du public, et une « petite » fête qui s’ensuivra si les auditeurs ont été généreux…
Autre musique que précédemment, acoustique cette fois-ci.
Un jeu parfois aux instruments un brin faux (musicalement parlant), mais qu’importe, c’est l’énergie festive qui prime là encore.
Déguisements, danses, et autres sympathiques clowneries bien rythmées.
Un public amusé et bon enfant.

Et toujours le soleil de la fête.

Presque saturé de sonorités festives, je quitte la fanfare sur ces derniers éclats de cuivres percutants.

Et tente de condenser cette grosse demi-journée en un montage audio, raccourcis de ces Station d’écoute et autres points d’ouïe aujourd’hui très enjoués.

 

Et les sons

 

 

Parcours métropolitainS Grand-Lyon et lisières; être dans la boucle

Trace 1 – Récit de Gilles Malatray

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Un mercredi après-midi, 14 heures, Sept personnes, toutes intéressés par le fait de marcher les lisières de la ville, se retrouvent à la station de bus Interpol à Lyon. Nous sommes tout près du Parc de la Tête d’Or et de la Cité Internationale, vers les périphériques Nord de Lyon.

Atmosphère lourde, orageuse, ciel plombé, saturé de gris/noir, ce qui n’arrête pas, pour l’instant, les pèlerins promeneurs ponctuels autant que périurbains.

Quatre zones bien différenciées jalonneront le parcours.

Quatre zones en boucle.
Comment faire la boucle ?
Comment boucler la boucle ?
Comment être dans la boucle ?
Des questions de tracés, de parcours, d’enchainements, de transitions, de passages par, vers, d’un espace à l’autre, d’occupations, de zonages fonctionnels, parfois de ruptures, de cassures, des petites frontières, plus ou moins visibles…
Des esthétiques et des ambiances spécifiques ou communes, distinctes ou entremêlées, question de perception…

Lorsque j’ai proposé ce circuit, je connaissais personnellement bien chaque tronçon, pour m’y être déjà longuement promené. J’avais néanmoins l’envie de tenter de (re)coller les espaces bout à bout, d’éprouver la boucle pédestre qui réunirait, ou tenteraient de réunir, ces territoires à forte personnalité, ayant chacun des singularités paysagères bien affirmées. Une boucle qui pourrait également être une partie, une micro variante d’un tout, un segment d’une autre boucle à beaucoup plus grande échelle, celle que pourrait tracer le circuit de Parcours MétropolitainS dans son intégralité.

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Au tout début, la Cité Internationale de Lyon, traversée d’une rue semi couverte, site architectural monumental d’Enzo Piano, avec logements de luxes, casino, restaurants, bureaux d’entreprises hi-tech, Musée d’art contemporain, complexe cinématographique, espace de congrès, salle de spectacle… Une ville « moderne » quasi ex nihilo, reconstituée façon mixage fonctionnel (pas trop social).
A droite, les rives du Rhône, à gauche le parc de la Tête d’or. Un cadre assez privilégié pour cette bande urbanisée de façon somme toute assez cohérente, visuellement parlant.
Une acoustique de ville intérieure.
Des allées et venues, plutôt feutrées, assez loin de l’agitation d’une centralité urbaine.

 

Direction le proche parc péri-urbain de la Feyssine. Traversons la barrière très circulante du périphérique.
Une escapade un brin sauvage est proposée en variante, supplément, par Patrick. Traverser les 4 voies d’un immense rond-point (en courant pour ne pas servir de cibles aux furieuses automobiles), marcher sur les extérieurs d’une fosse centrale jusqu’à trouver un sentier qui descend au cœur de la fosse. Nous sommes dans une enclave ronde, enterrée, à la nature buissonnante et sauvageonne, des sous-sols cachés, entrailles d’un rond-point, une sorte de dent creuse boisée, d’étrange cirque sauvage, en contre-bas des flots circulaires et circulants.
Retour sur les berges du Rhône. Vers un paysage bucoliquement péri-urbain. À gauche, Le Rhône majestueux, puis un périphérique, à droite, un autre périphérique. Au centre une longue bande paysagère, avec d’anciennes stations de pompage hydraulique, de très grands et vénérables arbres, et des castors, invisibles à cette heure là.
Des chants d’oiseaux se mêlent à ceux de moteurs périphériquants. De temps à autre, le bruissement de l’eau, en s’approchant des rives, parfois impraticables, encombrées de végétations foisonnantes, de blocs de pierres, longées de sentiers discontinus, cheminements en pointillés.
D’ailleurs des sentiers multiples jalonnent le parc. Sur l’axe central, une ligne droite en caillebotis, ou un chemin principal, terrain de jeu des promeneurs, avec ou sans chiens, joggeurs, cyclistes…
Plus près des rives, un entrelacement de sentes plus capricieuses, au gré des promeneurs « aventuriers ». Des balmes, creux, pelouses, un amphithéâtre de verdure, des espaces quasi sauvages ou nettement aménagés, l’équilibre est judicieux, et le public de déambulateurs semble s’y trouver bien.

 

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Le Campus universitaire de la Doua, Lyon 1
3e étape, après le franchissement d’un périphérique, nous abordons le retour via un gigantesque campus universitaire. Une centaine d’hectares, plus de 30 000 personnes, des équipements scientifiques, culturels, que nous traverserons en zigzaguant. C’est une ville au confins de la ville. Le campus est en travaux via une gigantesque restructuration, mise aux normes, démolitions/reconstructions, réaménagements des espaces verts, modernisations diverses et variées… Ces espaces, entre des architectures modulaires bétonnées, des passages, des espaces verts en chantiers ou plus anciens, est une sorte de kaléidoscope à l’urbanisation recentrée ces dernières années sur la percée du tramway. De grands pôles universitaires, notamment Lyon 1 Claude Bernard, L’INSA, et d’autres pôles d’ingénieries scientifiques, où physique, mathématique, biologie, informatique s’interconnectent dans cet univers singulier. Le campus, à l’origine très renfermé et cloisonné, s’est ouvert par l’arrivée du tramway qui nous fait maintenant le traverser aisément, sans franchissements. Le parcours piétonnier peut être extrêmement varié, empruntant les grands axes ou chemins de traverses, passages entres des bâtiments, contournements de travaux, traversées herbeuses et boisées… Souvent nous croisons une fête étudiante, ici ou là, expression de la vitalité des lieux, et surtout de leurs occupants…
Les ambiances sont changeantes, aujourd’hui de plus en plus humides, voire pluvieuses, ce qui influera sensiblement sur la fin présumée de notre boucle.

 

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Pour ce qui est de boucler la boucle, notamment en traversant le parc de la Tête d’Or, la pluie, qui se fait de plus en plus insistante nous décide d’abréger notre itinéraire initial. Nous pouvons dés lors l’imaginer dans son achèvement, traverser mentalement les allées du parc, longer le lac central, les grandes serres, la roseraie, croiser des joggeurs haletants, une cohorte de canards cancanant, écouter le bruit de la pluie sous de grands arbres, admirer les lumières changeantes de la fin de journée, et regagner ainsi, virtuellement, notre point de départ. La boucle serait ainsi bouclée.

Tranches de villes, ou de zones frontières périurbaines, en attendant les prochaines.
Espaces et parcours à re-construire, entre autre en fabriquant de la trace, et du récit.

 

Trace 2 – Récit de Catherine Serre

La balade commence.
Lieu de rendez-vous un arrêt de bus devant les barrières du Parc de la Tête d’Or. Le petit groupe qui se retrouve là devrait faire une boucle marchante, la pluie en décidera autrement, et séparera les uns des autres au cœur du Campus de la Doua.
Nous rentrerons sous la pluie menaçante par le chemin inverse de l’aller, un tout seul vaquera deux heures avant son prochain rendez-vous, les derniers prendront le tram.
Mais cela se passera dans trois heures, pour l’instant nous commençons la traversée de la rue intérieure de la Cité Internationale.
Aussitôt un effet de palimpseste que je connais bien se déclenche : lorsque je marche dans un lieu connu, chemin, rue, campagne ou ville, me reviennent les occasions précédentes d’y marcher. Dans la rue intérieure de la dite Cité Internationale c’est l’ancien Palais des Congrès un jour de Foire de Lyon, au long des couloirs, à travers des coursives et des kilomètres de passages pour une traversée d’un pavillon à l’autre.
Se mêle à cette journée adolescente le chantier de démolition de ce même palais des Congrès dix ans plus tard, et ses montagnes de gravats de béton armé.
A la fin de ces années c’est la très attendue ouverture du Musée d’Art Contemporain dans le seul pavillon conservé, et la nouvelle biennale qui fait suite à Octobre des Arts.
Ce sont des impressions colorées et kinesthésiques, celles du corps qui marche en plusieurs temps, ce sont des émotions qui superposent les espaces actuels et les souvenirs que j’en ai. Des images de l’ancien, du très ancien ou du récent, de l’individuel ou du collectif qui hantent mes lieux et me transportent dans de paradoxales sensations temporelles.
Aujourd’hui notre groupe s’étire et se regroupe au fil de la rue-ville qui n’en finit de rentrer dans un présent presque fictionnel, puis longe la rive gauche du fleuve et son périphérique et enfin traverse le campus universitaire contre l’orage.
Ce sera un lot nouveau pour mes archives intérieures en construction constante… Une expérience entièrement nouvelle commence par nos voix en éclats lors de la traversée du rond-point pour atteindre la clairière cachée dans un fond. On y verra un homme qui dort, son dos nu à peine visible à travers les feuillages, son visage est tourné vers le mur de soutènement du bosquet. Nous sommes pleins de questions dans ce petit havre, dans ce creux protégé du passage de dizaines de milliers de voitures juste au-dessus. Nous réussirons à nous en arracher sans en avoir compris le mystère, laissant le dormeur à sa sieste.
Des vélos, des chiens, leurs maîtres et maîtresses, quelques coureurs à pieds, personne ne semble-là par pur désir comme l’est notre troupe. Alors à l’entrée du Parc de la Feyssine, pour le plaisir enfantin, nous grimpons sur une borne de captage et nous nous offrons la vue panoramique d’une ouverture entre les arbres aux proportions idylliques. Devant cet équilibre, ensemble, en riant, en se faisant un peu peur, pour rien, nous escaladons cette butée de béton presque rocher, couverte d’herbe et de traces anciennes.
Ensuite nous marcherons au plus près de l’eau, les pieds dans le sable, le long d’étroits passages, avec des restes d’inondation dans les branches, ces petits fouillis d’herbes sèches effilochées un peu grises coincés dans les feuilles nouvelles. Un bord d’eau surveillé mais rendu au naturel, au presque sauvage. Un arbre centenaire ferme la traversée du parc de la Feyssine et nous voilà dans le campus de la Doua, l’orage arrive et nos préoccupations changent.
Parcours métropolitainS nous a impliqué dans une boucle exploratoire un peu modifiée par la pluie, nous avons avancé et serpenté dans ce coin de Lyon que j’ai connu ancien et vu se transformer, si je lui cherche un nom comme d’un pays rêvé à explorer ce sera aujourd’hui, Nom de pays : Le nom.

Point d’ouïe – Station d’écoute collective n°1

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Station d’écoute collective n°1
ZEP – Zone d’Écoute Prioritaire

Action locale, In situ
Écoute statique, sur une durée assez longue, au cœur de la cité Lyonnaise. Former un groupe d’écoutants pour entrer en empathie avec la ville, s’immerger dans ses ambiances sonores, se laisser porter par les sons/musiques… Une expérience performative, sensorielle, relationnelle, perceptuelle.

Action délocalisée, ex situ
Vous pouvez pratiquer la même action ici ou là, ou ailleurs, si possible à la même date et dans les mêmes créneaux horaires, pour être en symbiose acoustique. Dans ce cas, toute trace photographique, sonore, écrite… Sera la bienvenue pour former et renforcer une communauté d’écoutants mettant ses oreilles en commun. voire créer des événements liés…

Croisements d’infos; faisons connaitre et partageons nos actions Station d’écoute et autres ZEP- Zones d’Écoute prioritaires !

contact : Desartsonnants@gmail.com

Lien  – Événement Facebook

 

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Gare aux oreilles, un point d’ouïe, un banc d’écoute, une liste

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Des pas et des pas
beaucoup de pas
discrets ou claquants
assurés ou hésitants
rapides ou flâneurs…
Des voix et des voix
beaucoup de voix
féminines et masculines
Jeunes ou matures
dans différentes langues
différentes accentuations
des voix annonceuses aussi
microphoniques et amplifiées
des trains au loin
à gauche, au-dessus du talus entr’aperçus
grondant et ferraillant par intermittence
klaxonnant vivement
ponctuation virulente déchirant l’espace ferroviaire
et nocturne de surcroit
des métros chuintant en dessous
s’arrêtant puis repartant cycliques
des bips de composteurs véloces
stridences aigus sur bruit de fond magmatiques
des portes coulissantes
feutrées feulantes et sans claquement
et d’autres portes sésames
soumises aux cliquetis des tickets approuvés
parfois une sonnerie rageuse
bad compostage ou hors délai
puis un balai effleurant les dalles
en traquant l’immondice
un charriot cliquetant
des bruits de papiers froissés
de bouteilles jetées
decrescendo avec la nuit tombante
un apaisement gradué s’installe
des bus qui s’arrêtent tout près derrière la vitre
des portes qui s’ouvrent alors
des flux de pas et de voix en déferlantes
puis un relâchement détente résiliant
un calme envahissant qui revient
les espaces qui ’apaisent discrètement
les voix au loin encore
se perdant dans un enchevêtrement de réverbérations
un bébé braillard s’égosille
un curieux effet d’écho
au fond d’un long couloir vitré et obstinément dallé
deux enfants passent en trombe
de l’énergie dans les voix
de l’énergie dans les corps
des boules de vitalité
bousculant la presque somnolence des lieux
avant que de lui rendre
la sirène d’une escouade policière
parcourant furieusement les quais
une valise à roulette fait chanter le jointoiement des dalles
scansion entêtante qui marque son trajet indécis
crescendo decrescendo chaotiques
et vis et versa entremêlés
jusqu’à l’extinction lointaine irrémédiable
un tintement de clés des gardiens médiateurs
le vacarme oh combien envahissant
d’un rideau de fer qui coulisse en grondant
en fermeture d’un commerce fatigué
une gare toute aux oreilles en somme
sa multiplicité
ses acoustiques
ses activités
ses passagers
ses objets
fixes ou ambulants
ses ambiances changeantes
ses paysages forgés par l’écoute postée autant qu’obstinée
des scènes remodelées par les mots du récit adjacent.

 

 

PAS – Parcours Audio Sensible – Ile Barbe à Lyon

PAS1© Photos Titre à venir, David Bartholoméo – Auscultation

 

Résidence anthropocènique Titre à venir

Où il s’agit de se retrouver pour réfléchir à des productions artistiques, sociales, autour de l’anthropocène, et plus particulièrement durant cette marche, de l’écologie sonore.
Un PAS – Parcours Audio Sensible d’une heure trente environ, qui nous immerge dans les sons urbains.
Un dimanche où le soleil luit généreusement, où la température est douce, les couleurs hivernales, superbes dans leurs nuances assez tranchées.
Un petit groupe de cinq à six personnes, pour l’occasion écoutantes.
Une marche lente, ponctuée d’arrêts Points d’ouïe, comme à l’accoutumée.
Premier arrêt, assis sur des bancs d’un espace très animé. Un quai très circulant, commerces, voix, voitures, limite saturation, mais au final un espace humainement tonique.

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Traversée d’un pont suspendu pour rejoindre une ile, elle aussi éminemment urbaine.
Traversée lente de l’ile par une série de chemins de traverse zigzaguant d’une rive à l’autre.
La rivière Saône est en crue, bouillonnement aquatique à droite, à gauche, tout autour !
Une multitude de personnes la regarde, dans sa furie du moment, l’écoute, ?
Sous un pont, une acoustique étrange, des grondement et cliquetis par dessus.
Traversée d’une pelouse bruissante, puis de jeux d’enfants, d’autres espaces en parcelles toniques.

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Sous une haie-tunnel de bambous, intimité, des matières auscultées, le long d’un mur, décalage audio poétique vers les sons d’habitude inaudibles.
Tout au fond de l’ile, impasse sur l’eau, les quais ronronnants au loin, de vieilles murailles encaissées, toujours et encore des voix récurrentes traversant nos champs d’écoute en différents plans plus ou moins rapprochés.
Retour par le même chemin, à rebrousse poil en quelque sorte, un film rembobiné.
Nous re-déroulons la trame sonore et visuelle à l’envers, donc forcément très différente.
Un ami artiste relève, depuis le début du PAS, les vibrations environnantes, du bout de son crayon sono-sismographique. Traces sensibles, audio vibro pédestres cartographiques autant que kinesthésiques, crayonnages en mouvement. (Voir en pied de texte).
Puis une ruelle, amorçant une deuxième tranche de notre parcours.
Bascule.

PAS2© Photos Titre à venir, David Bartholoméo – Auscultation

 

Le calme se fait soudain, comme un apaisement bienvenu.
Une aération soufflerie néanmoins bruyante ronronne, arrêt sur son, l’étrange beauté du trivial industriel.
Une montée entre deux murs resserrés, le calme se densifie encore.
Une bouche dégoût s’égoutte à l’oreille, au détour du chemin, tel un ruisseau, tandis que s’égosille une oiseau caché dans les frondaisons d’un arbre. Halte urbano-bucolique et heureux mixage auriculaire qu’il nous faut saisir en l’état. Il a abondamment plu les jours précédents, les traces sonores en témoignent, tout en ruissellements diffus.
Le parvis d’une église, et une placette, presque silencieuse, un espace sensoriel privilégié.
Le contraste est ici affirmé avec l’ile trépidante au bas, la décompression acoustique s’installe.
Nous pénétrons un jardin caché, le Jardin secret c’est son propre nom, nous approchons là une forme d’intime quiétude urbaine.
Un oasis acoustique, tout juste une rumeur lointaine, quelques douces émergence motorisées, ponctuelles.

PAS3© Photos Titre à venir, David Bartholoméo – Longue ouïe

 

Des mini haut-parleurs installés dans l’instant viennent, très localement, très éphémèrement, animer-perturber l’espace. Voix, oiseaux, oiseaux, voix…
Suivi d’un moment de calme, toujours oh combien appréciable.
Des objets longues-ouïe pour écouter les pas amplifiées sur une allée gravillonnée, les plantes auscultées, nouveau zoom focal vers les micros sonorités ambiantes.
Retour, progressif vers le point de départ.
La parole se libère alors, prenant tout son temps.
Il s’agit de ne rien brusquer, la nuit tombe doucement.

 

PAS4© Photos Titre à venir, David Bartholoméo – Le chant d’une ventilation

 

Traces vibro pédestres

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©  Titre à venir, David Bartholoméo – Traces vibratoires

 

 

Paysages et ambiances de villes 2015

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Je relaie ici une page écrite par mon ami et collègue sound designer Frédéric Fradet.

Enseignement dispensé à l’École Nationale Supérieur d’Architecture de Lyon, ENSAL
Enseignants : Gilles Malatray, Jean-Yves Quay, Anna Wojtowicz, Sandra Fiori, Olivier Collier, Cécile Regnault, Frédéric Fradet

Cours magistraux, terrain et séances de projet d’analyse urbaine, réalisation de cartes postales sonores, dispensés à une centaine d’étudiants.

Les séances de montage sonore ont eu lieu dans les studios son de l’école, très bel outil pédagogique mis à disposition pour les étudiants.

Studio

©Frédéric Fradet

 

https://fredfradet.com/2015-paysages-et-ambiances-de-villes/

Point d’ouïe, une harpe éolienne lyonnaise

« En priant Dieu qu’il fit du vent… »*

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Le principe de la harpe éolienne est (presque)  vieux comme le monde. Des cordes ou des boyaux tendus sur une caisse de résonance qui chantent sous le vent. C’est tout simple, et c’est magique ! Des luthiers de tous temps, y compris contemporains (voir les liens en pied d’article) ont imaginé des objets surprenants, captivants (capti’vents), tant par leurs esthétiques que par leurs sonorités.
Ces instruments libertaires, en pleine nature ou dans une ville, échappent en grande partie à notre contrôle, n’obéissant qu’à leur Dieu Éole, ce qui les rend encore plus fascinants. Musique des lieux qui ne se fait entendre que lorsque la brise ou la bise s’en mêlent.
Parfois, de façon inattendues, ce sont les haubans d’un pont, un échafaudage métallique ou d’autres structures érigées ici et là qui se mettent en vibration sous les caresses d’Éole.
A Lyon, métro Grange Blanche, c’est la sculpture cybernétique de Nicolas Schöffer. qui se transforme à certains moments en instrument éolien géant. A l’origine, le cybernétisme de la tour traduit une interaction, via les mouvements des voyageurs et des rames de métro, qui anime visuellement la sculpture via des néons colorés dont les teintes et les rythmes d’allumages fluctuent selon l’activité humaine et mécanique. Mais ce que j’aime tout particulièrement, ce sont ses longues plaintes, sortes de sirènes urbaines cherchant un Ulysse à envoûter les jours de grand vent. L’effet est-il pensé à l’origine, ou simple heureux hasard né sous le caprice des vents ? Peu importe, ces ambiances sont bel et bien magiques. Il ne me reste plus, pour vous le prouver, qu’à réaliser un enregistrement le moment opportun, et forcément imprévisible, sauf peut-être à consulter régulièrement la météo locale pour avoir un magnétophone en ce lieu et  à cet instant venté.
Par curiosité
* Citation empruntée à Georges Brassens « L’eau de la claire fontaine »

Un PAS – Parcours audio Sensible – Gare de Perrache à Lyon

C’est une forme déambulatoire hybride entre le repérage et une version beta-test, avec quelques consignes à l’appui.
– Le non repérage préalable, une errance improvisée selon les événements et envies de chacun
– L’immobilité sur des points d’ouïe (périodique)
– Le fait de faire en sorte que chacun puisse prendre la main (l’oreille) et devenir à son tour guide.
Consignes qui ne seront du reste pas toutes suivies et appliquées durant le parcours – d’où la version d’essai de cette forme de soundwalk.
Nous sommes un petit groupe de quatre personnes, soit huit oreilles calibrées dans une stéréo élargie. Gilles, promeneur écoutant et hôte, Jérémy, paysagiste, Carole, musicienne intervenant avec de très jeunes enfants et Marianne, opératrice culturelle composent notre équipage de marcheurs écoutants.
Nous sommes dans un territoire lyonnais, à caractère nettement ferroviaire. Une gare dons nous explorerons les devants, derrières, intérieurs, extérieurs, dessus, dessous, transversalités et impasses…
Nous croiserons de nombreuses séquences sonores, et plus encore, singulières, joliment singulières dirais-je même.
Un accordéoniste, au pied de la gare, de ses escalators,que nous mixeront avec les chuintements des fontaines et les voix des passants.
Le refuge d’une voûte plastifiée d’un escalier roulant aujourd’hui immobile.
Une porte coulissante anthropomorphiquement gémissante.
Un « pianiste de gare », serinant péniblement la « Lettre à Elise », non sans la massacrer un brin de ses doigts maladroits.
Un escalier surplombant des quais où piaffent d’impatience et halètent des trains ronronnants.
Un autre quai tout en longueur, sente ferroviaire menant à une sorte de gare jardin presque bucolique, bordée d’oiseaux, espace rompant avec la frénésie des lieux.
Un train qui s’ébranle, d’autres qui traversent l’espace, ballet mécanique et plateforme grondante, nous sommes au centre d’une scène acoustique que n’auraient pas renié les futuristes d’antan.
D’autres jardins terrasses surplombant la ville et, fermés à cette heure-ci !
Un nœud ferroviaire où les rythmes ferraillant scandent ce territoire mécanisé, cette zone de partance et de transit, invitation au voyage. J’adore les gares pour cela, et pour mille autres raisons, dont les sons ne sont sans doute pas de moindres choses.
Un parking, où nous jouons une petite improvisation performance, dans un sas fermé de lourdes portes battantes et grinçantes à souhait. Rythmes, grincements, acoustique réverbérante, polyphonie sauvage, nous embarquons furtivement dans notre petit jeu, façon concert post Pierre Henry, des passants amusés, ou intrigués.
Une autre marmotte pour moi, tester les portes et portillons qui pourront devenir de véritables instruments musicaux, ou tout au moins sonores, en explorer des modes de jeux en solo, ou en mode orchestre de chambre comme ici.
Enfin, retour à notre place initiale, non sans avoir emprunter un long tunnel routier assourdissant, comme un final paroxysmique, en apothéose bruyant. La place nous ramène à un espace qui nous semble dès lors très apaisé, par le jeu des contrastes.
Voici donc, comme de coutume, ce petit carnet de notes, où nos oreilles conjointes, les prises de sons de Carole et photos de Marianne assument leur entière subjectivité !

 

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Concertation/écoute ©Marianne Homiridis

 

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Lustre de gare ©Marianne Homiridis

 

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Passage couvert ©Marianne Homiridis

 

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Trottoir Art nouveau ©Marianne Homiridis

 

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Ambiance acoustique en panoramique

 

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Portes chantantes ©Marianne Homiridis

 

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Passages ©Marianne Homiridis

 

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Couloirs d’antan ©Marianne Homiridis

 

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Point d’ouïe et Point de vue – ©Carole de Haut

En écoute

Situation d’écoute, musée sonifère à ciel ouvert – opus1

Préambule
Je commence aujourd’hui, officiellement à construire mon propre musée des situations sonores.
Je précise ainsi que :
– Chaque situation est singulière, unique, impossible à reproduire, éphémère, et sans doute invisible
– Chaque visiteur se construit sa situation et l’expose à ses propres oreilles
– Cette situation peut être partagée, effectuée de concert, même si elle restera personnelle à chaque auditeur
– Un auditeur est à la fois bâtisseur de situations et réceptacle, avec l’interaction intrinsèque que ces gestes peuvent produire
– Il n’y a pas de règles strictes pour cadrer une action , ni dans les choix spatio-temporels, ni dans les postures adoptées, objets rapportés, sollicitations extérieures… Tout lieu et tout instant, toute circonstance peuvent être considérée comme une scène propice à la construction de ce musée sonifère.
– Les scénographie des espaces sonores varient fortement selon les espaces, les moments de la journée, ou nuit, les saisons, les transformations urbaines, les occupants et leurs occupations, tout en restant reliées par le geste d’écoute-même.
– Le projet est librement ouvert à tous les écoutants potentiels, où qu’il se trouvent
– Il est bon de garder la trace de ces situations, non pas pour les ériger en modèles absolus, mais pour éventuellement que d’autres puissent s’en inspirer, s’en emparer pour en bâtir de nouvelles, en construire des prolongements, des variations…

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Situation d’écoute Opus1 – Où je fais mon marché de sons
Le 3 juin 2017
Un marché, vers 10H du matin, place de Paris, quartier Vaise, Lyon 9e arrondissement, un banc sur le marché-même.
Soleil et chaleur.
Le commerce bat son plein, chalandise vocalisée, des voix, des voix, des voix… Même les voitures semblent avoir mis la sourdine !
Scène politique, campagne législative oblige, quelques militants, tracts en main, ici mélanchonistes, là macronistes, tentent de se rassurer avec leurs sympathisants, ou d’appâter les autres, encore des voix, pré électorales celles-ci, ou à venir, dans le silence des urnes.
Le marché et une scène sonore qui met les productions vocales au tout premier plan, couleurs, accents, intonations, haranguent… On y raconte ses potins, marchande, se hèle, rit ou énonce doctement…
L’espace est large, les sons s’y déploient, s’y ébattent, s’y répondent, s’ignorent, se mêlent, s’emmêlent, sans même le savoir, dans une polychromie acoustique – cherchez le détail dans une masse grouillante car organiquement bien vivante.
Cherchez les plans, à côté de vous, à l’autre bout, sans ligne d’horizon bouchée, tant par la gare barrière que la masse sonore impassible.
Un continuum qui résiste en toile de fond, percé d’émergences, elles encore humainement vocales, essentiellement, si ce n’est parfois l’énervement d’un klaxon furibard. Eclat coloré.
Midi, les cloches prennent le dessus de la scène, écrasant tout sur leur passage en volée, mais un joli vacarme qui fait presque danser l’espace.
Puis se taisent, comme regrettant d’avoir trop parler, ou trop fort, sans prévenir. J’en arrive à les regretter, alors que d’autres soulagés reprennent le fil de leurs discours.
Ainsi les voix reviennent en surface, et les voitures en arrière-plan, presque une quiétude après le bel orage cuivrée.
13 heures, l’estompage est amorcé, decrescendo incontournable, des étals claquent, des portières aussi, les voix se raréfient, les voitures reprennent de l’espace, la scène évolue vers d’autres équilibres, eux aussi instables, à saisir dans l’instant.
3 heures d’immersion, comme face à une toile trop grande pour être appréhendée d’un seul coup d’oreille, comme une sorte de fresque à la Géricault, qui nous aurait noyé de prime abord, puis de laquelle on s’extirpe pour plonger vers le détail, histoire de ne pas se laisser engloutir sans résistance.
Diriger l’écoute à droite, à gauche, zoomer sur nos voisins, aller chercher le lointain, si possible, tout en ayant l’air de ne rien faire, sans bouger d’un iota. Ruse d’écouteur anonyme, qui vous pille sans vergogne vos bribes sonores, sans que vous vous en doutiez le moins du monde.
Faire son marché de son sans bourse délier, un bébé  crie de faim ou de colère, deux commerçants chargent de lourdes caisses en les faisant claquer sur les hayons métalliques des camions, les arroseurs du service de nettoyage friturent l’espace par de longs chuintements asphaltés…
Pour cette première scène de ma sono-muséographie naissante, j’aurais pu choisir un espace moins rempli, faisant place à des vides et des creux, des respirations plus apaisées. Mais sans doute le marché s’imposait aujourd’hui comme un début logique, une évidence à portée d’oreilles, un terrain connu aussi, une source qui ne laissera que peu de repos à l’oreille, mais à la fois la sauvera de l’effet page blanche.
Sans doute aurais- je pu également appuyer l’écriture de cette situation par une prise se son.
Mais sans doute était-il plus sage que seules les oreilles soient principalement sollicitées, pour ne pas que les vu-mètres de l’enregistreur ne se montrent trop présents.
Sans doute les trois heures n’ont pas été dans une écoute contemplation sans faille, sans relâche, sans égarements rêveurs, comme toute visite de musée, à l’heure où les sens saturent de matière prolifique engrangées.
Mais voila, c’est au cœur de ce Point d’ouïe lyonnais que s’inaugure, sans autres invités que moi-même, mon musée sonifère, avec la néanmoins précieuse collaboration des lieux et des gens ignorant combien ils m’ont été très agréablement utiles.

Paysages – espaces sonores, une prolifération mise en récit

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L’écouteur, et qui plus est le promeneur écoutant que je suis est un vaste réceptacle sonore. Il reçoit en lui, parfois à son corps défendant, via l’oreille et tout un système de capteurs sensitifs osseux, aqueux, neuronaux, des milliers et des milliers de sons.
Par exemple, je suis ici, à ce moment, sur un banc, urbain (moi et le banc), écouteur assis au centre du paysage
moteurs cliquetants
voix à droites, étouffées
voix à gauche, criardes
train devant, en hauteur, sur sa voie talutée, ferraillante, coulée mécanique
bus à l’arrêt, soufflant et haletant
poussettes et planches à roulettes conjointes
voix riantes, derrière moi
claquements des perches de trams sur les lignes électriques…
Il y va d’une formidable accumulation a priori sans fin, exponentielle déferlante.
Fort heureusement, des portes, des masquages, des gommages, des évictions, un panel de filtres psycho-acoustiques, régulent le flux, rangeant au passage dans des casiers le déjà entendu, le déjà nomenclaturé, le (re)connu, et engrangeant et domptant l’inouïe.
Mais à certains moments, le rangement ne suffit plus. Il me faut aller plus loin pour ne pas me noyer  dans une méandreuse galerie sonore, labyrinthique à souhait, pour la requestionner à l’envi.
Peut-être, même certainement user du mot, de la phrase, de l’énonciation, chercher l’incarnation. La parole, comme verbe incarné, ou incarnant, tel un prédicat prenant possession des sons jusqu’à leur adjoindre une vie dans une histoire retricotée.
Le récit s’avance alors.
La parole se déploie, métaphorisant de multiples écoutes où des traces sonores, des particules mémorielles partiellement enfouies, sont réactivées dans des moments d’audition contés.
La ville à cet instant et dans ce lieu, vue et entendue comme un agencement métastasé et proliférant de grincements, de vocalises, de bruissements, souffles, tintamarres, ferraillements, tintements et mille autres sonifiances.
Les sons s’agencent par un récit qui les décrypte, les convoquant dans une forme de matérialité, les reconfigure à la lettre près, à la phrase près, à la métaphore près, néanmoins approximativement.
Le tissage de mots tire les sons vers une vie organique, les extrayant d’une éponge captant sans égards ni filtrages, la moindre vibration acoustique, ou presque, harmonique ou dysharmonique.
C’est l’instant de la matière extirpée d’un magma informel, reconstruite par un récit multiple et ouvert.
Ce sont des flux de vibrations du dehors – la ville, l’espace ambiant, et du dedans – une forme de construction, d’abstraction intellectuelle, sans compter d’innombrables  allers-retours et chevauchements entre ces pôles.
Des cheminements incertains, qui se déclinent au fil d’une mémoire, d’une trajectoire validant les zones d’incertitude, quitte à les prendre pour des réalités, tout en sachant bien qu’elles ne le sont pas, ne le seront jamais.
Nous voila à l’endroit où la matière sonore impalpable se cristallise  comme une cité Phénix renaissant de ses propres ondes.
Nous voici dans l’usinage d’un paysage sonore puisant dans une forme d’immatérialité hésitante, elle-même croissant sur un terreau de sono-géographies fuyantes autant qu’éphémères.
Le récit aura sans doute charge de faire un tant soit peu perdurer ce ou ces paysages complexes.
C’est donc d’ici, assis sur un banc par exemple, stylo en main, à  l’ancienne, que peut se rebâtir un espace sonore parmi tant d’autres, reliant oreille, parcelle de ville, images, stimuli, pensée, à un territoire vibratoire bien vivant.
C’est donc également à cet endroit-ci que les sons matières engendrerons par le récit leurs représentations, toutefois propres à chacun.
C’est sur ce banc de bois, ici en espace stratégique, symbolique, que des trajectoires ponctués d’ingurgitations, d’emmagasinements, de régurgitations, feront que l’écoutant que je suis ne sera sans doute jamais assez repu pour capituler devant une pourtant surabondance chronique.
J’en arrive à penser parfois qu’une forme de  récit, par définition fictionnel, est plus bénéfique que la tentative d’embrasser une insaisissable réalité, bien trop complexe dans sa perpétuelle mouvance. Tout au moins dans un récit qui soit, qui reste nourricier, gorgé d’aménités échappant à une matière trop plombée d’expansions systémiques.
Toujours à l’endroit de ce banc d’écoute, parcelle de ville comme de Monde, point d’ouïe, sweet-spot, mille et une sonorités ne renoncent jamais à me raconter un paysage sonore singulier, un récit auriculaire urbain, écrit et réécrit à ma façon, comme un territoire audio habitus, quitte parfois à rechercher la jouissance dans l’excès magmatique de la chose sonore.

Point d’ouïe campanaire à Lyon

 

Place des Terreaux, y’a quelque chose qui cloche(s) !

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Lors d’une balade repérage à Lyon, un carillonneur joue sur le fabuleux, et trop méconnu carillon de l’Hôtel de Ville. Une douce pluie de notes cristallines, virtuoses, bataillent contre les flux routiers.
A l’instar des grandes villes du Nord, 65 cloches de 6 à 4 800 kg font du carillon de l’Hôtel de Ville de Lyon l’un des plus grands d’Europe, et l’instrument a été joué par des musiciens internationaux. On ne l’entend hélas que trop rarement.

Fort heureusement, ce jour là, j’ai un magnétophone à la main.

http://aporee.org/maps/work/?loc=35836

https://www.mixcloud.com/desartssonnants/place-des-terreaux-ya-quelque-chose-qui-cloche/

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POINT D’OUÏE GARES TRACES

TRACES Z’AUDIBLES

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Assis, chaise urbaine ou
une gare
un banc
ou marchant
selon
la ville gare trace l’oreille
comme
l’oreille trace la ville gare
bips
bips
bips signe
pas
voix
trains
encore voix
encore train
train train
et pourtant non
question d’apaisement bruyant
et d’absence de silence
sonic Station list
la rumeur
diffuse
alentours
ou
le détail
juste à côté
juste devant juste derrière juste présent
souffles
des souffles
ses souffles
à quasi perte d’entendement
ventilation anthropomorphique comme in/expirante
gare toujours encore peut-être sûrement passages
hybridation de mon ici et de mes ailleurs
on ne sait où d’ailleurs
voix et autres voies
chants – gutturalités – tonalités
crissements à même les dalles
et autres contaminations et autres…
traces et fondus de métal sifflant
des collections ambiantementales
éclaboussées parmi d’autres
postures immobiles
propices à
ou
remises en marche
tout aussi propices à
halte stop pause arrêt sur dans pour
un cri des cris j’ai cris
…………………..
observatoire noyé
discret comme présent
assis dans les flux-mêmes
je suis-je siège écoutant
j’ai ouï je vois, cadrages enfilade de couloirs en perspectives
Je sens pressens ressens
espace gare à nous à vous à eux
terrain dit sonnant
je dis-je ludique
en écoute postée
je mes gares m’entendez-vous ?

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Et les sons

 

PAS – Parcours Audio Sensible Nocturne à Lyon Vaise

Le paysage sonore dans lequel nous vivons, un exemple parmi tant d’autres

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Église de l’annonciation  -Lyon Vaise, point de départ du PAS, à la tombée du jour – ©Patrick Mathon

Le contexte: un projet européen Erasmus+ « Le paysage sonore dans lequel nous vivons », qui est organisé par le GMVL (Groupe de Musiques Vivantes de Lyon), en impliquant quatre autres partenaires Italiens, Sardes, Portugais et grecs.
Le but de la promenade : effectuer un repérage collectif sur le quartier de Vaise, par une promenade écoute en trois points focus.
Nous sommes huit personnes, parmi lesquels des artistes sonores, étudiants travaillant autour de la soundwalk, membres du Conseil de quartier, protagonistes du projet « Sentiers métropolitainS » autour de Lyon…
Il s’agit dune écoute à oreilles nues, sans enregistrement ni autre dispositif d’écoute. La captation  viendra ultérieurement,  très prochainement.
Tous les focus d’écoute s’effectuent d’une seule traite, entre 15 et 20 minutes, et en silence. Nous commentons après, durant les liaisons (pédestres) entre chaque focus, et en fin de parcours.
Il est 18H30, la nuit est tombée, il fait très beau et assez doux pour la saison.

Petit débriefing au départ, qu’est-ce que met en jeu le projet autour des paysages sonores européens ?  Pourquoi une écoute sous forme de balade sonore ? Son articulation dans le repérage, dans le projet ?…

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En route, Gare de Vaise – ©Patrick Mathon

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En route, Gare de Vaise – ©Patrick Mathon

Premier focus auriculaire, gare aux oreilles !
La traversée de la gare de Vaise, vaste nœud de circulation multimodale (piétons, métro, bus, trains, vélos, voitures…).
Traversée horizontale, sur toute sa longueur, en zigzagant (sobrement) de droite à gauche, dedans, dehors.
Traversée verticale, sous-sol métro, niveau rue garde des bus, étages des parkings…
Gare de rythmes.
On y trouve pêle-mêle :
Drones de ventilations faisant écho, ou couches mixées aux graves des trains ronronnant sur le talus.
Claquements de grilles, joints métalliques lors des passages de bus ou voitures, effet percussif puissant ! Cliquettements des escalateurs, à chacun les siens, contrepoints complexes, Crachotements très sympathiques d’un haut-parleur déficient, depuis quelques mois déjà.
Chuintements de métros invisibles en contrebas, mouvements acousmatiques. Flux droite gauche et inverse.
Chuintements rythmiques des portes coulissantes en fonction des flux des passagers. Mixages ponctuels intérieurs/extérieurs, porosité des espaces et de leurs ambiances, effets de coupures, apparitions/disparitions…
Signaux sonores, attention à la fermeture des portes, compostages de billets.. Des bips aux émergences aigües, pointillistes ponctuant les espaces-temps.
Transitions acoustiques en fondus ou en coupures, dedans-dehors, des espaces resserrés, ouverts, plus ou moins réverbérants, mais en général toujours réverbérants, volumes des espaces et matériaux obligent.
Mixages intimes, des escaliers, des voix, des pas, d’incessantes montées et descentes des ascenseurs très très proches nous, la vue, les mouvements, les sons dessus dessous… Étranges sensations de tiers-lieux sonores d’entre-deux acoustiques.
Écoute panoramique, les parkings offrent des points d’ouïe sur quasiment 360°, ouverts sur l’extérieur, très différents selon son poste d’écoute ou ses mouvements traversants (mixages en marchant). L’extrémité du parking est remarquable, entre les bus sous nos pieds, les train à portée de vue et d’oreille, et les voitures qui font claquer puissamment les joints métalliques du sol. Belle scène acoustique à saisir et à déguster sans modération…

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Gare aux oreilles – ©Patrick Mathon

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Gare aux oreilles – ©Patrick Mathon

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Guidage au sol pour Promeneurs écoutants en parkings – ©Patrick Mathon

Deuxième focus auriculaire, un complexe sportif  en extérieur nuit
A quelques pas de la gare, le complexe sportif Boucaud, ex Gare d’eau.
Une plongée dans une vaste fosse extérieure, en contrebas des voies de circulation, position topologique qui amortit considérablement la rumeur de la ville, jusqu’à la faire presque oublier, si ce ne sont les émergences de klaxons ou motos à grosse cylindrée.
Une vaste ensemble de stades pour footballeurs, handballeurs, basketteurs, une grande piste en anneau de vitesse, et des bâtiments vestiaires, salles de gym…
Première impressions et images (visuelles et sonores) fortes, un long ruban de patineurs, dans une grande glisse, par groupe, avec une belle virtuosité quasi chorégraphique, rythme toute la piste.
Par deux, cinq, dix, les patineurs se suivent de très près, se talonnent, dans un impeccable synchronisme corporel, et à une vitesse impressionnante.
Des flux entrecoupés de quelques joggeurs.
A l’oreille, c’est tout aussi intéressant !
Chaque groupe passe près de nous avec une sorte de traine chuintée-sifflée, où se perçoivent les rythmes de mouvements extrêmement précis. Difficile à décrire, il faut l’entendre.
Des voix réverbérées, consignes, comptages de tours, dialoguent en glissant, éparpillées tout au tour de l’anneau, toujours en mouvement elles aussi, dans une glissade circulaire véloce. Bel espace sonore, dynamique et poétique, dans les lumières de la nuit tombée.
Je note le jour et l’heure, espérant que ce rendez-vous est régulier pour revenir armé de micros cette fois-ci.
Nous sommes ensuite sur une pelouse synthétique, entourés de l’anneaux des surfeurs et d’un stade où s’entrainent des footballeurs, et en dessus, une salle de Gym tonic.
Encore de beaux mixages en se déplaçant au gré des sons, ou postés, entre voix, glissements de patins, chocs de ballons… Polyphonie sportive spacialisée.
Ce complexe sportif est un espace d’écoute privilégié où, selon les jours et les heures, rien n’est jamais pareil, une propriété du paysage sonore me direz-vous, mais particulièrement sensible en cet endroit. J’espère pouvoir retranscrire et transmettre la magie des lieux par micros interposés.

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A toute vitesse – ©Patrick Mathon

Troisième focus auriculaire, le pont Schuman ou la chambre d’échos
Une fois la Saône traversée, à quelques encablures ad pedibus, sous le pont Schuman, dernier né des  enjambeurs de rivière (ici la Saône) lyonnais, un dernier focus sonore qui se jouera cette fois-ci sur un seul et unique effet, l’écho.
éc(h)logiquement votre dirait-je en parlant de paysages sonores.
Certes, je le connais déjà, un vrai faux repérage donc, et l’ai déjà testé à envi, mais ne résiste jamais à partager cette friandise acoustique comme un petit bouquet final pour les oreilles.
Nous l’avons découvert par hasard, avec un ami voisin et aussi écoutant, lors d’une promenade auriculaire.
C’est un effet qui me rappelle certaines combes jurassiennes, échos multiples, assez cours, réverbérés, colorés, bluffants.
C’est tout à fait surprenant dans ce genre de lieux. Pourtant, tel un enfant qui aime entendre sa voix chamboulée par les tunnels, les ponts, je joue souvent à traquer les effets acoustiques de ce genre. Celui-ci est proprement spectaculaire. A se demander si il n’est pas voulu et recherché. Ce qui m’étonnerait fort, mais qui sait…
Un premier coup de trompe pour révéler la caractéristique sonore aux oreilles de tous.
Puis nous jouons, à tour de rôle, ensemble, style improvisation libre…
Nous constatons que les sons aigus, même à très faibles volumes, excitent facilement l’acoustique, l’écho nous répondant sans forcer la voix, même en chuchotant.
Pour les médiums et gravent, ils faut déployer plus d’énergie.
Retour par les quais de Saône aux magnifiques lumières, car malgré tout, le paysage n’est pas que sonore, tant s’en faut !

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Sous l’pont de vaise, échos, échos i….

Post focus auriculaire, finissage  en forme de causerie
Pour se remettre de ses émotions, s’assoir devant une boisson, en terrasse place de Paris, et discuter à bâtons rompus.
Les faits saillants, les surprises, les sons en vrac, les images aussi, l’expérience du groupe ou de chacun, coutumière pour certains, un brin desartsonnante pour d’autres.
Les projets et réseaux croisés de chacun, autour du son, des installations, promenades, parcours sensibles…
En bref, tout ce qui prolonge est termine convivialement un PAS, la relation entretenant la bonne et belle écoute, et inversement.
Prochaine étape, fixer tout cela, et certainement d’autres choses aléatoires, micros en mains, et oreilles aux aguets !

 

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Points d’ouïe et PAS – Parcours Audio Sensible, exercice d’écoute/écriture en plateforme multimodale

Exercices d’écoute en marche, gare aux oreilles !

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Les frimas sont là, avec une belle humidité stagnant sur la ville.
Pour autant, pas question pour moi de renoncer à mes points d’ouïe et autres PAS – Parcours Audio Sensibles. Ce sont devenus des exercices journaliers, comme faire mes gammes, garder l’oreille vive, entrainée, tester chaque jour de nouveaux espaces, de nouvelles postures…
Les frimas et la pluie rendant parfois l’exercice assez inconfortable, je choisis d’élire temporairement domicile dans un vaste lieu, à deux pas de chez moi, à savoir une gare ou, pour être plus précis, une plateforme multimodale – où se croisent trains, bus, métro, voitures, vélos, piétons. C’est une sorte de grande zone d’aiguillage, sur quatre niveaux, redistribuant les piétons usagers vers différents transports et sorties sur le quartier. Un lieu couvert, qui me permet à la fois de déambuler et de me poster sur des bancs d’écoute, d’explorer, de tester.
Exploration niveau -2 , quai des métros
Exploration niveau  -1, desserte parkings
Exploration niveau 0, hall d’accès, escaliers et ascenseurs de distribution
Exploration niveau  I, couloirs et quai des bus
Exploration niveau 2, quai SNCF
En bref, d’immenses zones à parcourir, ouïr, décrire, écrire. J’ai déjà exploré moult fois ce lieu, seul ou accompagné, et ce soir, je décide d’investir le niveau 1, donnant accès aux bus. C’est un très grand U, couloirs carrelés, baies vitrées, portes coulissantes, fosse donnant sur le métro en contrebas, nombreux bancs métalliques, sans compter les usagers…
Il est 19 heures, nous sommes un vendredi 11 novembre, donc jour férié, ce qui, au niveau de la circulation, réduit le flux habituel à ces heures-là, mais en conserve néanmoins une riche activité, diffuse sur tout le plateau scène d’écoute.
Certaines heures sont plus propices, très tôt le matin, ou tard le soir, de même que certains jours, les dimanches soir notamment, ou jours fériés.
Cette plateforme me donne un terrain de chasse remarquable, avec de longues coursives, des perspectives visuelles et sonores en enfilades, trouées de portes coulissantes qui ponctuent l’espace de chuintements pneumatiques, et des sons pénétrant de l’extérieur.
Les nombreux bancs, dos à dos, me permettent des visées sur de nombreux cadrages, plus ou moins ouverts, abrités, ou non, ilots-affuts dans ce grand bateau de veille sensible.
Des voix et des voies, rires, chuchotements, nombreuses langues d’Afrique ou de l’Est, enfants, ados, adultes, l’homme est au centre de la scène. Il passe par flux, sa présence parfois s’amenuise, puis réapparait de plus belle. Mouvements dans l’espace, les voix comme objets posées ou traits sonores traversant. Les pas, talons hauts, chaussures crissantes, ou silencieuses, un autre marqueur sono-spatial sur les vastes carrelages.
Des voix juste derrière moi, sur un bans accolé dos à dos, à quelques centimètres – une intimité où je suis le confident malgré lui, épémère, d’une personne toute proche à cette instant. Je ne me sens pas forcément audio-voyeur, mais plutôt  un peu plus vivant, dans le sens vivant dans une harmonie fragile et éphémère avec l’autre, avec mes proches de l’instant.
Annonces, un train, un métro qui ne prend pas de voyageur, une personne attendue à l’accueil, les consignes vigipirates « tout bagage abandonné… »
Des signaux sonores, bips des portes d’entrée, des portes des métro en contrebas, parfois tels des chants cristallins proches des crapauds des pierres en été.
Des acoustiques changeantes au détour d’un couloir, plus ou moins réverbérantes, ou sèches.
Grondements, sifflements, chuintements, freins dans des aigus acérés. Les métros en bas, les trains en haut, sur un butte tallutée, comme une hiérarchie verticale, ou deux mondes, celui de l’underground, et celui de la lumière s’étagent à l’oreille.
D’ailleurs, concernant les lumières, elles sont comme les sons, diverses, crues, feutrées, points lumineux, clignotantes, réfléchies en tâches, en halos diffus, irrisantes sur les chaussées mouillées qui se reflètent dans les vitres de la gare…
Je m’absorbe dans ces flux sensoriels, tentant parfois de les démêler, et parfois me laissant subjuguer, en errance dans leurs mouvances, leurs variations, marchant consciemment dans des traces situationnistes, psycho-géographiques.
Tantôt assis, tantôt déambulant, je teste différentes postures, au niveau du corps, de l’état d’esprit, de l’écriture in situ, crayon et papier en main.
Les gares sont des voyages immobiles, ou empreintes d’un mobilité bien circonscrite physiquement, alors qu’elles ouvrent d’immenses champs symboliques, imaginaires, des voyages infinis, ouverture pour moi sur une magnifique hétérotopie, des lieux divers, d’autres lieux, des lieux autres, qu’a si bien formulé Michel Foucault.

Il va d’ailleurs falloir un jour, que je me penche sur ce que sont, ou ne sont pas, les hétérotopies d’un paysage sonore.

http://foucault.info/doc/documents/heterotopia/foucault-heterotopia-en-html.

PAS – Parcours Audio Sensibles, résidence artistique, collectages/écritures/offrandes…

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@photo – Florian Clerc

Au cours d’une résidence artistique avec Isabelle Clermont, artiste interdisciplinaire québecoise, Gilles Malatray (Desartsonnants) et Abi/Abo, après un mois de pérégrinations écritures dedans/dehors, les balades, axe privilégié de ce travail, ont entre autres fourni une riche matière, entre écrits, images, sons, et réflexions sur la ville, l’autre, la marche, la rencontre, le partage, l’absence et la présence…
A ce propos, sans compter les repérages, 17 marches, certaines assez longues, ont été effectuées, en petits groupes ou avec du public. Ce sont donc Cinq PAS à Lyon (avec Patrick Mathon), dix à Nantes ( pour le Festival [sonor]), deux à Besançon (avec Radio campus Besançon et le FRAC de Franche Comté), qui ont entrainé dans leurs sillages plus de 150 personnes, publics écoutants, étudiants, amis, curieux…

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@photo – Florian Clerc

Mais aussi, ces promenades ont été le champ de nombreux collectages, des glanages multiples, au fil des PAS, Nous avons ainsi glané, en même temps d’ailleurs que semé :
Des paysages,
des ambiances,
des instants,
des rencontres,
des sourires,
des images,
des paroles,
des relations parfois complexes,
des photos,
des sons,
des mots et des phrases,
des arômes (sauge, romarin)
d’autres traces diverses, fugaces, parfois intangibles…
Ces collectages ont favorisé la construction de territoires, notamment sonores, entre réel et imaginaire, des fictions ou frictions urbaines, tissées sur trois villes, au bord du Rhône et de la Saône, de la Loire, et du Doubs. Se sont inscrites en filigranes des narrations in situ, lors de balades qui étaient à la fois le théâtre des collectages et des lectures-écritures d’espaces scénographiés, sonographiés  et partagés.
Des formes de cadres d’écoute se sont installées, improvisations performatives, gestes d’écoute, connivences à deux guides promeneurs écoutants, jouant à partager des espaces sonores, entre mots et couleurs, objets et postures…
En toute fin de séjour, lors d’une soirée sortie de résidence, toutes ces bribes de couleurs de formes et de sons, ces images, ces mémoires tricotées (de fils de laine) ont participé à alimenter une nouvelle histoire, transposée à l’intérieur celle-là.

Et cette nouvelle histoire, comme aime à le dire Isabelle, est une offrande, une offrande collective qui plus est.

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@photo – Patrick Mathon

Mais tout cela n’est qu’un début, car déjà, d’autres projets sont en marche !

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PAS – PARCOURS AUDIO SENSIBLE N°10

PAS – PARCOURS AUDIO SENSIBLE EN DUO D’ÉCOUTE N°10
Raphaël Cordray

Copyright (2015 ) Daniel F Valot

Copyright (2015 ) Daniel F Valot

Vaise, 7H30-9H30 – Place de Paris – Quais de Saône

Nous partons d’un marché.
Il s’installe, il réveille le quartier, il se réveille…
Quais de Saône, ventés, hantise du preneur de sons, justifiée…
Nous devisons, commentons, testons, marchons…
Sous un pont, un pont assez imposant et très récent, le pont Schuman. Nous déplorons son acoustique assez fade, sans réverbération vis à vis des anciens ponts de pierre, lorsque, presque par hasard, nous excitons des échos d’une incroyable qualité – dignes des plus beaux sites acoustiques jurassien. LA découverte acoustique de cette promenade, à deux pas de chez moi. A coup sûr, j’y reviendrai, l’écouter, l’enregistrer, le donner en exemples à d’autres paires d’oreilles.
Précision : la prise de sons avec ses incroyables échos est garantie sans trucage aucun, y compris le chien qui vient donner de l’aboiement à mes cotés.
Polyphonie.
Zones calmes, zones trépidantes, zones tampons… La ville dans toute sa diversité, en quelques pas, en quelques mètres.
Passages.
Des transitions, des fondues, des coupures, nos oreilles s’acclimatent, s’adaptent vont chercher le détail, prennent du recul sur les flux, cherchent à rester en contact.
Les sons d’ici nous renvoient à de sons d’ailleurs, à d‘autres ambiances, par analogie, au fil de nos écoutes, de nos pensées…
Paysages.
On arrive même à s’émerveiller d’un flux de voitures entendues à hauteur d’oreilles, sous un pont, ou à jouer avec des gaines métalliques…
Rythmes
Descentes de tuiles tonitruantes dans une goulottes de chantier, en plastique.
Les voix s’approchent ou s’éloignent des micros, rien n’est retouché, si ce n’est un léger gommage du vent.
Tout cela nous renvoie au statut-même de l’écoutant, du preneur de sons, de sa, ou de ses positions vis à vis des « autres », des regardeurs…
Passage dans un parc urbain,  oasis sonore, oiseaux, calme, sons ciselés, voix, portail chantant… Tout y est pour nous ravir l’oreille. Bon, il y a bien une souffleuse de feuilles…
Des échanges autour d’artistes sonores qui jouent aussi avec l’espace, les sons, l’environnement…
Anecdotes.
Retour sur le marché, des voix cette fois-ci, nombreuses. Le marché s’est réveillé, en rythme de croisière.
Une revendication impromptue, saisie à la volée.
Passage culinaire…
Grillades, sons et odeurs…
Gros plans multisensoriels.
Une belle joute verbale, en clôture…
J’écris ce texte au regard, ou plutôt à l’écoute de notre balade, sur le vif, en contrepoint.

ÉCOUTEZ LE PAS ICI

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Le site de Raphaël Corday – Microphone – Porter la parole – https://vimeo.com/user9864324

 

 

 

PAYSAGES ET AMBIANCES DES VILLES, APPROCHE SENSIBLE ET ARCHITECTURALE

PAYSAGES ET AMBIANCES (SONORES) DES VILLES

Module d’enseignement destiné à des étudiants de master de l’ENSAL (École Supérieure d’Architecture de Lyon)

ECOLE D ARCHITECTURE A VX EN VELIN

Il s’agit par cette approche toute à la fois analytique et sensible, de donner aux étudiants des outils de lecture et d’écriture croisés pour appréhender la ville au travers différents média, outils, axes de recherches.
Plusieurs TD et cours magistraux viennent apporter des ressources et méthodes, répartis sur une durée de deux à trois mois.

En préalable, des interventions théoriques seront menées, introduction au paysage, outils de cartographie sensible, écouter et enregistrer la ville pour en restituer une carte postale sonore et enfin, une approche/observation en marchant du quartier de la Guillotière à Lyon7.
La plupart de ces approches s’effectue en binôme, avec un architecte/urbaniste/cartographe, et un « spécialiste » de la chose sonore.

En ce qui concerne mes interventions, l’approche historique du paysage sonore, notamment via Murray Schafer et l’écologie sonore est présentée, illustrée de nombreuses écoutes de field recording, ainsi que différentes recherches contemporaines et approches artistique liées à la création sonore environnementale.

Une cession en TD autour du montage audionumérique via le logiciel Reaper est organisée.

La sortie sur le terrain sera une première expérimentation pratique pour voir-écouter-commenter un quartier urbain, encadrée et  argumentée par un binôme aménageur/écoutant. Une carte sensible sera à cette occasion demandée aux étudiants, qui devront, au travers la représentation d’un parcours, garder trace de leurs ressentis, d’une approche personnelle pouvant mêler différents média et modes de représentation où les ambiances visuelles et sonores (entre autres) seront notifiées.

Par la suite, de petits groupe d’étudiants se verront attribuer un espace donné, rue, place, cours intérieures. Ils devront en fournir une analyse urbaine reprenant l’essentiel de ce qui a été abordé en TD et lors de la promenade.
Recueillir des données historiques, sociologiques, aller sur le terrain, plusieurs fois, à différents moments, pour l’écouter, le regarder vivre… Noter, photographier, dessiner, cartographier, enregistrer, constituer une réserves de récits et de matières, de paroles et d’écrits…

En ce qui concerne la carte postale sonore proprement dite, il s’agit de représenter, en 3 à 4 minutes, un espace urbain, en lien avec le lieu analysé. Le fait de n’utiliser que le son pour cet exercice interroge certains étudiants quelque peu desarçonnés par l’approche, le fait d’envisager le seul son comme une constituante urbaine (autrement qu’en terme de nuisance et d’isolation normées) n’étant pas franchement habituel chez des aménageurs.
Il convient bien ici d’envisager l’approche auriculaire comme un prolongement, naturellement intégré dans l’analyse urbaine globale, et non pas comme une sorte d’annexe anecdotique et déconnectée.

Au-delà d’une recherche esthétique, la construction de la carte postale sonore devra donc intégrer une problématique liée au terrain, à ses usages, à ses populations, événements, aménagements.

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Le fait de travailler sur une large rue, ou sur des petites îlots intérieurs, sur une place ou des rives de fleuve conditionnera donc grandement un axe d’approche, tout en soulevant une problématique singulière.
L’analyse urbaine, sons y compris, ne pourra se contenter d’une simple description où seraient amassés ou juxtaposés différents renseignements, textes, photos, sons…
Il va falloir en cerner une approche questionnante, problématisante, un axe d’attaque qui tirera et tricotera des fils selon une logique donnant au rendu un réel intérêt prospectif. C’est en tout cas ce que tente de convoquer cette UE, qui se déroule maintenant depuis plusieurs années.

Pour le son par exemple, il s’agira, en écoutant/regardant, avant-même d’avoir tendu le moindre micro, par quelle biais, quelle approche se construira notre carte postale. Et bien évidemment, le questionnement choisi conditionnera les sources sonores collectées, et la manière formelle et esthétique qui sera structurera le rendu final.
Pa exemple, choisir de parler de mixité ou de gentrification, de s’appuyer sur des travaux de requalification, ou réhabilitation, sur les commerces ou la structuration d’une rue via un tramway, sur le réaménagement piétonnier des rives d’un fleuve, les fêtes, les marchés ou les sports urbains, sur l’acoustique des ilots et des cours intérieures… ou bien d’autres approches, impliquera des choix de de matériaux et de montage spécifiques.
Enregistrera t-on en point fixe, en marchant, sur quels trajets, ou  via un montage de différents spots combinés ou non… Quelles ambiances panoramiques ou zooms sur des micro événements, quelles place(s) à la voix,  à quels moments du jour ou de la nuit, quel parti pris montrer pour avoir une approche singulière tout en restant en adéquation avec le discours général… ?
Bien souvent, l’arpentage systématique du terrain, souvent hélas réduit par négligence, ou périodes de charrettes, est en mesure de donner des réponses pertinentes, ou en tous cas des questionnements, et de fournir matière à (re)composer.
Formellement, cette carte postale sonore sera contrainte par le choix des matériaux des ambiances…
Comment trier les sons, effectuer un dérushage pertinent pour ne garder que « la substantifique moelle » sonore ?
Comment introduire la séquence, la faire évoluer par une construction assumée qui pourra comparer des lieux, des ambiances, proposer des transitions en fondues, des cassures, des phénomène d’amplification, ou d’apaisement, des tensions, des points forts, des  effets de surprises, une fin « logique »… ?  
Comment marquer des transitions, l’affirmation et l’évolution d’un discours, même en trois minutes de sons, en gardant l’attention et la curiosité de l’auditeur en éveil ?
Bref, comme les partis pris graphiques, ceux liés au sons devront rendre compte d’une approche personnelle, d’une analyse de terrain plausible, même si l’imaginaire, le rêve, le décalage, les distorsions ou amplifications subjectives ont tout à fait le « droit à la parole », voire sont les bienvenues pour échapper à une froide description.

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Globalement, ces approches sensibles donnent lieu à d’assez intéressants rendus, même si parfois disparates dans les investissements et la qualité des réflexions et mises en forme.

Une présentation publique est organisée en fin de parcours, dans la grande rue centrale de l’école, où documents visuels, photographiques, cartes, maquettes, écrits et sons, sont mis en scène par lieux, comme une sorte de patchwork combinant différentes approches sensibles et analyses du quartier de la Guillotière.

Quelques projets singuliers et pertinents émergent. La ville, voire plus, vue/entendue en coupe du haut en bas, jusqu’à l’intérieur de la matière – la cité au rythme d’objets glanés, mis en espace, en scène et en rythmes – une vraie fausse approche via un guide touristique décalé, d’une ville en façades décors et de ses arrières « sauvages » – un travail de parcours très fouillé, méthodique, sur 12 places triangulaires et leurs rapports au quartier…

On s’aperçoit, en suivant les démarches des étudiants, leurs tâtonnements, errements, fausses routes, impasses, idées lumineuses… que la problématisation des projets, souvent tardive et parfois très floue, ou fluctuante, vient grandement freiner l’avancée, voire la pertinence des travaux.
On met parfois la charrue avant les bœufs, en allant prendre sur le terrain sons et photos, puis en s’apercevant que ces derniers ne servent pas le propos, le récit, la problématique, qui se sont progressivement mis en place, et qu’il faut retourner in situ pour agrandir, compléter ou revoir complètement sa bibliothèque multimédia, ses collectages de matières sensibles.

Néanmoins il s’agit d’un enseignement pour moi très riche, qui m’apporte beaucoup dans la perceptions d’espaces sensibles, et pas seulement sonores, leurs usages, leurs fonctionnements, ou dysfonctionnements, leurs appropriations (ou non), leurs difficultés, ou leurs aménités, les approches croisées d’aménageurs, urbanistes cartographes, architectes…

Mon regret : ce module, datant maintenant de 5 à 6 ans je crois, qui avait progressivement évolué, s’était structuré dans sa méthodologie, ses outils, ses ressources, ses exigences, ne sera pas reconduit l’an prochain, victime d’une refonte générale du projet éducatif de l’école.

amaranthe

RITUEL DU BANC D’ÉCOUTE

STATUTS, PASSAGES ET RITUELS

Bancs roquette

Comment un simple jeu, celui des bancs d’écoute, s’instaure t-il progressivement comme une habitude, un geste récurrent, une sorte d’exercice, d’entrainement, de gammes pour l’oreille, pour finalement se ritualiser en une fête cérémonie structurante de l’écoute, du paysage en point d’ouïe, et de l’écoutant.

 

PAYSAGE SONORE EN AVEUGLE

ÉCOUTEZ UN PEU POUR VOIR

VISITE SONORE DE LA VILLA SAINT-RAPHAEL À LYON PAR TROIS PENSIONNAIRES AVEUGLES

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Par un bel après-midi de mars très ensoleillé, repérage dans une institution, lieu de résidence pour aveugles et polyhandicapés sur les hauteurs de Lyon, en compagnie de collègues plasticiennes et vidéastes – un projet de parcours sonore. Nous sommes guidés par trois pensionnaires aveugles, qui nous font visiter et nous expliquent, avec beaucoup de gentillesse et d’humour, leurs lieux de vie. On comprend alors très vite qu’un grand hall très réverbérant, où l’écoute est brouillée, peux devenir un véritable parcours du combattant, très anxiogène pour certains, lorsqu’il s’agit de le traverser. On comprend aussi l’importance d’un carillon des années 60 (le même que chez mes parents) qui fait entendre nettement son tic-tac et sonne Westminster et Big Ben, sons-repères quasi affectifs. On regrette beaucoup les glougloutis d’une fontaine aujourd’hui muette, car hors d’état de marche, dans un patio, qui animait très joliment l’espace.
On comprend encore comment un mobilier mal adapté, des chaises en l’occurrence, qui dés qu’on les déplace font un potin d’enfer sur un sol carrelé, crée une gène terrible pour se repérer dans l’espace, sans parler d’un objet abandonné au milieu d’un couloir… Partout, c’est la voix qui étalonne l’écoute au lieu, et fait signe de reconnaissance. « Bonjour tout l’monde, ça va ? – A c’est toi Cécily, oui très bien ! – Bonne journée à tous ! – Oui à toi aussi François ! » Dedans, dehors, les interpellations vocales lient auriculairement la communauté.
Pour beaucoup, l’espace extérieur, un très beau parc escarpé, se présente comme un terrain lointain, inconnu, voire périlleux, dans lequel on n’ose s’aventurer. On ne dépasse guère la terrasse au bout du couloir. Dés que les messages se brouillent, où deviennent plus éparses, plus distants, les repères s’effacent, et la peur de se déplacer figent les occupants dans des espaces contraints, parfois limités aux quatre murs de leurs chambres.

En écoute

POINT D’OUÏE IMPROMPTU

L’INSTANT ÉCOUTE

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Je vais prendre le le métro, quartier Grange blanche à Lyon, 18H30 environ, beaucoup de passages piétons.
Un merle attire mon attention.
Il chante, joliment, non sans un vraie virtuosité, comme un merle qu’il est. Il se tient à ma droite, perché sur la plus haute branche d’un arbre au sommet dégarni, en oiseau bien visible, ostentatoire chanteur.
Il s’impose, de son champ aigu et véloce, tout en trilles véloces, par dessus, très en dessus, du flot sonore bourdonnant de la circulation urbaine.
Annonce printanière dans cet hiver encore frisquet.
Cependant, personne ne le remarque.
Je m’arrête, campé au milieu du trottoir, l’écoutant, le regardant, fasciné par ses superbes mélopées.
Je le regarde-écoute, posé sur le trottoir, œil et oreilles vissés, braqués vers l’oiseau séducteur.
Trois personnes passent, me regardent écouter, sans vraiment savoir que j’écoute, mais sans doute le pressentant. Elles braquent également leurs regards/oreilles sur l’arbre, sur le merle, zoom collectif, s’arrêtent, écoutent aussi, le même oiseau.
Yeux et oreilles convergents, presque par hasard, mais pas tout à fait.
Quelques minutes après, l’oiseau s’envole, fin de la séquence sonore, terminé le récital offert.
Une personne me dit qu’il leurs semble que ce merle, ou un collègue sosie avicole, chante souvent ici, mais qu’elles ne l’ont jamais vraiment ni remarqué, ni écouté.
Chose désormais faite, en séquence improvisée, aléatoirement partagée.
Tranche de ville, tranche de ouïe in situ, sérendipienne, le lieu et le moment captés sur le vif.
Son installé, sans le savoir, et surtout partagé, à l’improviste.
C’est sans doute cette posture qui compte pour beaucoup.

PAS – PARCOURS AUDIO SENSIBLE À LYON

PAS – Parcours Audio Sensible en duo d’écoute, avec Péroline Barbet

PLACE MONCEY

Mercredi 13 janvier, Place Bahadourian, Lyon 7e, 10H du matin, temps un brin frisquet, mais très ensoleillé. Lumière hivernale superbe.

Départ. Nous somme devant le magasin Bahadourian, lieu emblématique de Lyon, une caverne d’Ali Baba, foisonnante d’épices, de fruits séchés, de boissons, de produits des quatre coins du monde, univers haut en couleurs et en odeurs, et en sons… Un endroit incontournable de ce quartier de la Guillotière, lui aussi incontournable…
Petit tour de place, encore très calme, pour notre plaisir.
Des voix d’enfants attirent nos pas, nous nous dirigeons vers une école toute proche. Des enfants d’une école maternelle jouent. Une véritable fourmilière. Des véhicules à deux à trois et à quatre roues, sillonnent la cour dans une frénésie toute juvénile. Nous espionnons, micro en main, de l’autre coté d’une barrière de béton, lorsqu’une surveillante nos aperçoit et nous donne l’ordre de déguerpir illico presto, d’un ton très agressif, qui ne supporte aucune contestation ni argumentation de notre part. La hantise sécuritaire semble bien installée dans l’espace public.
Nous optempérons donc. Nos pas nous conduiront au travers la ville, en direction de l’hyper-centre de la presqu’ile. Passages successifs de ponts, de grandes rues, de ruelles, plus ou moins agités, bruyants…
Des travaux, toujours, stigmates de la ville en perpétuelle reconstruction. Ceux devant lesquels nous nous trouvons sont assez gigantesques, reconversion de l’ancien hôpital de l’Hôtel-Dieu en un centre hype, tourisme de luxe largement affiché… A chaque passage devant ce lieu, je regrette la magie des anciens espaces, surtout de nuit, dans un dédale de couloirs, passages voûtés, cours intérieures, aux mille sonorités et lumières feutrées… Nostalgie.
En chemin, une autre école. Autre récréation fébrile, autre ambiance, une cour très resserrée sur une rue elle aussi très resserrée, sorte de cage très sonore, pas très accueillante, et pourtant, les enfants s’en donnent à cœur joie et à plein poumon dans leurs jeux. Decrescendo, fin de récré, tout redevient calme, la rue s’apaise, voire s’assoupit, car les cris d’enfants sont plutôt agréablement toniques.
Midi approche. Des restaurants, des sons, odeurs, cartes des menus qui font rêver nos papilles… Lyon, et ses promeneurs, toujours gourmands…
Niveau moins 7 du parking des Célestins. Un passage devenu quasiment habituel dans les déambulations urbaines. Pénombre, résonances, réverbérations, basses grondantes des moteurs amplifiés dans le bas de leur spectre acoustique, crissements de pneus, cliquetis de la sculpture-installation de Buren, lumière réverbérée par le kaléidoscope géant de cet artiste… Nous avons là un univers singulier. Il faut le voire et l’écouter en live pour en saisir cette sorte d’étrange magie qui s’en dégage.
Retour vers la Guillotière, quartier Saxe Gambetta. Le charme de l’endroit, espace de brassage en pleine rénovation, certainement pour le meilleur et pour le pire. Gentrification oblige. Une place triangulaire étrange, ni sauvage ni vraiment aménagée, faux rond point autour duquel tournent des véhicules assez agressifs. Un lieu somme toute inhospitalier, et pourtant dont l’étrangeté nous questionne. Des franges de villes, des implantations florales urbaines, des graphes, des groupes qui devisent, profitant du soleil, des espaces à marcher, à écouter, à voir, comme une collection d’ambiances propre à une ville qui se livre, sans pour autant se dévoiler vraiment. Il faut gratter, ausculter, prendre le temps, arpenter, persévérer, user… Mais à chaque nouveaux PAS, j’ai l’impression de sentir, de ressentir la ville, de m’y ancrer un peu plus profondément, tout en gardant intact l’envie de parcourir d’autres métropoles, villages, d’autres forêts, d’autres paysages… Envie d’y trouver tout à la fois le commun et le singulier, ce qui peut en même temps m’étonner, m’ébahir, et me rassurer.

En écoute ICI

POINTS D’OUÏE – OPEN LAB CAFÉ DE LYON/BRON MERMOZ

POINTS D’OUÏE – OPEN LAB CAFÉ DE LYON/BRON MERMOZ

Venez écouter votre quartier !

Samedi 30 janvier 2013 : 15:30 – 18:00
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Dans le cadre de la thématique « Matières, sons et lumières » de janvier/février à l’Open Lab Café, Gilles nous invite pour une balade sonore urbaine.

Une promenade sonore est un parcours effectué à pied, après repérage, en privilégiant l’écoute, en focalisant toute son attention sur les sons ambiants, les ambiances acoustiques des lieux visités.
Elle est est généralement rattachée à différentes approches sensibles du paysage environnant.
Une plutôt écologique, mettant en avant les caractéristiques des sites sonores parcourus, avec leurs beautés, leur fragilité, et parfois leurs dégradations dues à différentes pollutions sonores, liées notamment au développement urbain.
Une autre participant plus à une approche esthétique, inhabituelle, privilégiant le sensoriel et générant de l’émotion en nous immergeant dans la «musique des lieux».
La balade sonore est un moment de partage pour tout un chacun, guidée par un promeneur écoutant, et réservant ici et là quelques surprises. Une autre façon, décalée, poétique, de (re)découvrir la ville, son quartier.
Un moment, atelier d’échange, d’écriture, suit la promenade in situ, permettant de mettre en commun les expériences sensibles, vécues de concert lors de notre PAS – Parcours Audio Sensible.

Gilles Malatray – Desartsonnants
Artiste, formateur, promeneur écoutant

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Site Open Lab Café

POINTS D’OUÏE PAS – PARCOURS AUDIO SENSIBLE EN DUO D’ÉCOUTE OPUS 7

Confluence d’ écoute(s) avec Quentin Thirionet

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Comme à l’accoutumée, un PAS en duo d’écoute, offre à un promeneur volontaire, la liberté de choisir un lieu, un parcours, un moment, pour deviser en toute liberté, à micros ouverts, sur une approche instinctive, in situ, sensible, autour des paysages traversés.

On y entend, on y voit, on y ressent, on y croise, on a envie de dire, ou non, d’extrapoler, de décrire d’imaginer, de questionner… Format très libre !

Une tranche de ville, ou un site naturel, un instantané brut de montage, sans artifices d’embellissements, assumant ses dérives, longueurs, déséquilibres, bavardages, indécisions ou partis pris.

Quentin, compositeur, vidéaste, metteur en son pour le théâtre, bidouilleur de « machines sonores » et dotée d’une oreille hardie, s’est plié à l’exercice.

10H du matin, place Carnot, beau soleil, température fraîche mais sans plus. Des lumières de fin d’automne qui incitent à la promenade.

Le marché de Noël se réveille, les baraques ouvrent, on installe tranquillement bibelots et nourritures.

Un flux de passagers travailleurs descend de la gare, et traversent l’espace, l’air très affairés.

Des valises à roulettes cliquetantes, ici ou là, signature quasi emblématique d’un espace multimodale.

Des tramways « vers de terre » suivent leurs sillons ferrés, tranquillement, presque débonnaires.

Une gare et ses environs est une véritable collection de sons, d’ambiances, un catalogue offert à l’écoute et au regard.

Traversée de la gare underground, des passages souterrains sombres, humides, réverbérants, parfois presque à l’excès, des pas et des voix croisés, toujours le tram courant d’une halte à l’autre. Ce dernier nous suivra d’ailleurs jusqu’au bout, dans sa ligne trajectoire vers le tout nouveau quartier Confluence.

Sortie à l’air libre, de l’autre côté de l’échangeur multimodale, architecture monstre, coupant brusquement, sans concession, deux territoires urbains.

Places des archives, espace clair, ouvert, offert à la déambulation, ou à la pause casse-croûte ou aux discussions des étudiants de la Faculté catholique, récemment installée.

L’arrivée de cette foule d’étudiants à chambouler le quartier, lui donnant une nouvelle vie agitée de rires et de cris.

Nous  pénétrons dans l’université, micros en main.

Architecture claire, monumentale, lumineuse,de vitres et de pierres.

Un vigile nous interpèle. Nous expliquons brièvement notre projet du moment, sur le paysage urbain. Ce qui semble lui convenir, il n’en sera hélas pas toujours ainsi dans la suite de la balade.

l’intérieur de cette université flambant neuve à conservés en son sein, des murs de l’ancienne prison, joliment intégrés dans l’ensemble architectural. On se demande si, à l’intérieur, subsistent des traces gravées sur les parois, messages, barres de comptage de jours, de mois, d’années…  Sans doute que non. En tout cas, l’acoustique est fort plaisante.

Nous remontons une large avenue, espace de transition entre la gare et le quartier hi-tech des Confluences. Rythmes de tramways, toujours, portes, voix, flux, séquences, glissements urbains…

Pour échapper au flots motorisés, nous empruntons des chemins de traverse, zigzagant en direction du Rhône. Tout s’apaise subitement. Des espace en requalification, chantiers, zone en construction, semblant indécises entre le passé et le devenir.

Une magnifique séquence sonore, un train au loin, circule lentement, sur un pont métallique en sortie de gare, sons de freins aux notes pures, deux sons comme accordés à la quarte, mélodies, rythmes, musique des lieux… Puis, au détour d’un bâtiment, une gosse tondeuse autotractée déboule sans prévenir, grognements, elles disparait vite, le calme revient, résillience acoustique, des pas et des voix qui viennent rééquilibrer les espaces de proximité avec le back gord au lointain.

Nous avançons vers le nouveau quartier. Formes architecturales surprenantes, parfois un brin audacieuses, parures ajourées, multicolores, ostentatoires… Une sorte d’exercice de style architectural qui tient de la démonstration, du catalogue, le tout un brin tape-à-l’œil.

Un calme surprenant.

Peu de mouvement, peu d’activité, presque trop calme pour être urbain, ou donner l’impression rassurante d’un quartier bien vivant.

Nous débouchons sur la « darse », avancée d’eau entre deux rangées de bâtiments, canal  intérieur en forme de petit port, façon méditerranée, qui vient s’échouer en cul-de-sac, face à l’Hôtel de Région. Trois bateaux de plaisance et quelques mouettes s’y sont invitées, pour parfaire le décor.

Soudain, un important groupe de personnes déboule d’on ne sait où, du bout du quai. nous fendons ce flot humain et bavard, le traversons, à contre-sens… Quelques brassards, porte-voix… Une manifestation ? Les bribes de paroles captées dans le flux ne nous en apprendrons pas plus.

Direction le centre commercial Confluence.

Espace haut, large, vitré, et singulièrement désert en cette proximité des fêtes de Noël.

Encore un indice de la difficulté de ce quartier à trouver un rythme de croisière qui l’assimile à un site urbain véritablement actif, accaparé par ses résidents, ses visiteurs…

Musac traditionnelle. Un Renne géant, immense marionnette pantin Père Noël, à la voix grave et tonitruante, apostrophe les visiteurs, leur proposant de venir jouer à une tombola commerciale. Drôle, décalé, kitch à souhait.

A deux pas, une grande fontaine, érigée en murs d’eau ruisselante, glougloute et clapote, au son d’oiseaux exotiques. On a cru bon de rajouter des sons aquatiques amplifiés à la scénographie. Là encore, un bien étrange design sonore, lui aussi très kitch, surtout lorsque la voix du grand renne vient s’en mêler. Tout près, un immense show room d’ordinateurs ornés de pommes. Un brouhaha tamisé, une cohorte de vendeurs de rouge vêtus, des conversations très geeks, un des seuls espaces vraiment vivants de ce complexe commercial.

Et c’est là que les choses se gâtent.

Un vigile vient nous voir en nous disant qu’il est interdit d’enregistrer dans ce lieu. Je lui explique que nous n’enregistrons que des ambiances sonores, ce qui et du reste parfaitement vrai. Il téléphone son PC et finit par acquiescer et s’éloigne.

Nous continuons donc notre écoute, captation. Peu après, il revient à la charge, nous expliquant que la loi nous interdit d’enregistrer sans autorisation dans ce lieu. Deuxième tentative de négociation, Une loi ? Ah bon ! Laquelle ? Nous voila donc partis pour nous expliquer auprès du responsable du PC sécurité. Nouvelles questions, des lois encore, en fait purement inventées pour appliquer des strictes consignes de sécurité post 13 novembre. Nous abdiquons finalement, et sortons, encadrés des vigiles, du centre commercial. De toute façon, nous avons mis en boite ce qui nous paraissait intéressant. La liberté de l’espace public se restreint bel et bien pour le preneur de son, voire pour tous ses usagers. Un brin inquiétant et agaçant, cet usage répressif de l’état d’urgence, ce musèlement dés que quelque chose sort un tant soit peu de l’ordinaire ! Vive les grandes masses dociles et silencieuses, et surtout pas de vagues !

De retour à l’air libre, nous remettons le magnétophone en marche et poursuivons vers la partie du quartier qui est encore en démolition reconstruction. D’anciennes halles et quais subsistent, vestiges d’un immense marché gare, aujourd’hui presque totalement rasé. Des engins de chantier partout, ambiance mécanique et slaloms entre les barrières de chantiers et les tas de gravats. Certains, bâchés de noir, vibrent joliment dans le paysage, comme une imposante installation land art involontaire

Rues désertes, longeant des espaces dents creuses, tiers lieux lépreux, en cours de démolition, des décharges sauvages, des terrains vagues où se posent parfois les cirques de passage. Espaces également accaparés par la prostitution, petit à petit repoussée de plus en plus loin vers l’extérieur de la cité, avec toutes les zones de violences cachées et de non droit que cette politique de nettoyage des centres peut générer.

Arrivés quasiment à l’extrémité de la Confluence, face au monstre métallique, nuage improbable du musée au titre éponyme, nous remontons en longeant la voie du tramway, sorte de ligne rouge mouvante et sonore de notre périple.

Un jardin urbain, avec un petit lac, quelques glougloutais, et beaucoup d’oiseaux. Soudain, une longue sonnerie de sirène, test du premier mercredi du mois ,transperce l’espace de ses hululements stridents. Puis à nouveau, tout se calme, et tout semble encore plus calme en comparaison avec le déferlement sonore qui vient de s’éteindre.

Petit à petit, retour dans des espaces plus habités, qui se densifient progressivement à l’approche de la gare. L’église Sainte Blandine est ouverte, nous y pénétrons. Les églises sont toujours d’agréables oasis de calme, nimbées de réverbérations donnant aux presque silences des lieux, des écoutes  limpides, qui se mêlent aux projections colorées des vitraux, marbrant le sol de lumières chatoyantes.

Pour traverser la gare, toujours par le dessous, nous empruntons cette fois-ci un très long tunnel tout en courbes, où se côtoient piétons, vélos, autos et motos, planches à roulettes, dans un joyeux mais à la longue stressant capharnaüm acoustique. Les ambiances sonores sont largement amplifiées par des voûtes bétonnées. Un groupe de jeunes adolescents exercent leurs expressions vocales dans de bruyantes joutes orales, cris et chants. Ajouter à cela quelques motos bien timbrées dans les fréquences graves, l’ambiance est à la fois quelque part jouissive, et à la limite du supportable.

De nouveau à l’air libre, retour sur la place Carnot, après un périple de deux heures trente environ, comme toujours riches en événements et échanges. En attendant les prochains PAS…

 

En écoute

https://vimeo.com/user13635839https://ephemeride.bandcamp.com/

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POINTS D’OUÏE – L’ÉCOLOGIE SONORE EN MARCHE

L’ÉCOLOGIE PAR LES OREILLES !

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SAMEDI 16 JANVIER
14h
Avec Desartsonnants, alias Gilles Malatray, artiste créateur sonore, promeneur écoutant.

Une petite histoire du paysage sonore. Des lectures, des pas, des écoutes, des expériences.
Le paysage urbain considéré comme une installation sonore à 360° ! Une façon de se rafraîchir l’écoute en s’immergeant dans des espaces de la vie quotidienne. La ville à fleur d’oreille.
Cette promenade urbaine propose de comprendre et d’expérimenter l’écologie sonore en marche, depuis sa création avec Murray Schafer.

« L’écologie sonore, est l’étude de la relation entre les organismes vivants et leur environnement sonore. C’est un concept formulé à l’origine par le canadien Raymond Murray Schafer dans son livre de 1977  Le Paysage sonore.  Il s’agit essentiellement d’apprendre à écouter les « paysages sonores » pour  en comprendre les fonctionnements et dysfonctionnements, mais aussi pour jouir , dans une approche sensible, artistique, créative et descriptive, de la « Musique des lieux ».


 

Tarifs: 10 et 8 euros
Inscriptionici
Le lieu de rendez-vous vous sera communiqué deux jours avant la date de la promenade.

 

Sources : http://www.nomade-land.com/

POINT D’OUÏE – PARCOURS AUDIO SENSIBLE À LYON

PAS – PARCOURS AUDIO SENSIBLE AGERA

Balade sonore en presqu’ile lyonnaise, le 22 octobre 2015

Je vous relate ici une déambulation écoute, un PAS – Parcours Audio Sensible, jalonné de Points d’ouïe, avec une vingtaine d’étudiants de Grandes Ecoles, via l’AGERA (Sciences po Grenoble, ENTPE, ESAM et Ecole d’architecture de Lyon…), et Nomade Land. Ils sont allemands, chinois, croates, espagnols, anglais… et sont là pour découvrir Lyon autrement. Certains ont choisi l’histoire, le patrimoine, la gastronomie, le street art… Ce groupe là a chois! de d’écouter Lyon, en tous cas une partie de sa presqu’ile, centre urbain névralgique.

Le temps est très beau, les lumières d’automne magnifiques. Nous sommes partis pour environ deux heures trente de marche, entre la place Bellecour et celle des Terreaux, via moult chemins de traverses.

Ecouter, regarder, découvrir l’hyper centre de la cité lyonnaise, de façon un brin décalé, constitue donc le programme de cet après-midi.

J’ai décidé de montrer, et autant que possible de faire entendre, à la fois les aménagements et architectures emblématiques, rue de la République, espace piéton haussmanien incontournable, les grandes fontaines, le passage de l’Argue, galerie marchande couverte fin XIXè, le Palais Saint-Pierre, musée des Beaux-arts, l’Hôtel de ville, le musée de l’imprimerie et sa cour intérieure renaissance, l’église des Cordeliers… Le Lyon historique et patrimonial en quelque sorte. Mais j’ai aussi la perspective d’explorer des endroits décalés, insolites. La traversée d’un super marché par le rayon parfumerie (odeurs en sus), le hall d’entrée d’un cinéma, un manège pour enfant, un parking souterrain, des travaux… Un Lyon moins habituel, surtout si l’attention se porte (aussi) sur les sons.

Je joue sur la surprise, la diversité, parfois le jeu, la posture, l’étrangeté des situations, et surtout, les coupures et changements assez rapides qui nous permettent d’appréhender un centre ville, entre intérieurs/extérieurs, grands espaces et lieux resserrés, nobles, monumentaux, historiques ou triviaux, sombres ou lumineux, bruyants ou calmes…

Quelques moments forts.

Un panneau routier qui vibre très longtemps lorsqu’on le frôle, semblant animé d’un quasi mouvement perpétuel, rythmique, sonore, dans une sorte d’impasse visuellement très intéressante de par ses perspectives diverses.

Une belle engueulade des plus sonores sur un chantier.

Le silence et la magnifique acoustique de l’église des Cordeliers.

Le calme et la sérénité architecturale de la cour intérieure du musée de l’imprimerie. Anecdote : ayant installé dans ce lieu quelques sons alentours, ces derniers venant gentiment troubler l’espace acoustique, une première responsable de l’établissement vient me demander ce que nous faisons là. Après avoir tenter de lui expliquer le but de notre promenade, elle me dit que la prochaine fois, il serait bien de demander une autorisation officielle pour ce genre d’intervention. Pour la petite histoire, elle m’a déjà fait la même requête un an auparavant, lors d’une promenade similaire avec l’AGERA. Peut-être me résoudrais-je un jour à faire les choses dans les clous… Une deuxième vient me questionner, trouve la démarche très intéressante et, curieuse, reste un peu avec nous pour écouter son propre lieu de travail. Nul n’est prophète en son pays, oreille comprise.

Autres surprises, une véritable collections de sons aquatiques, les fontaines, petites ou monumentales, se posant comme une série de jalons sonores ruisselantes au travers la ville. Avec l’une d’entre elle, toute petite et toute mignonne, encastrée dans un angle de rue, nous jouons avec des objets d’écoutes divers à ausculter ses glougloutis, mais aussi les espaces environnants.

Puis, c’est l’imposant hall d’accueil, ancien réfectoire des moines, du Palais Saint-pierre, musée des Beaux Arts, et sa superbe acoustique, révélée au fil des pas et des voix des visiteurs. Une halte acoustique et visuelle absolument incontournable, avant que de découvrir son superbe jardin, oasis de fraîcheur et de calme très apprécié des lyonnais comme des touristes.

Nous longeons une école maternelle donc le préau et la cours donnent sur une rue très étroites, très minérales, ceinte de hauts et anciens bâtiments. Les voix des enfants en récréation prennent une joyeuse et tonitruante place !

Bouquet final, le niveau moins 7 du parking des Célestins. Des sons cathédrales, une semi obscurité,l’espace ébranlé de voitures qui tournent longuement au-dessus de nos têtes, dans une rampe hélicoïdale, pour rejoindre l’air libre, et l’imposante sculpture en miroir de Buren qui vient fragmenter les lieux par un magique kaléidoscope. Une alliance de sons et de lumières, d’acoustiques et d’architecture qui clôt joliment notre parcours.

C’est la fin d’une balade assez silencieuse, entre nous en tous cas, très peu de paroles échangées, mais une belle communion sensorielle, un groupe soudé via l’écoute. Objectif atteint !

PS : Un très grand merci à Marylou Petot, qui m’a accompagné lors de ce parcours, pour ses prises de sons et photos !

Diaporama ici

En écoute ici

POINTS D’OUÏE – OPEN LAB À LYON BRON

PAS – Parcours Audio Sensibles

Open Lab – Mermoz Pinel, Lyon-Bron « Chants du quartier »

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Un nouveau parcours Audio Sensible en deux temps, quartier de Mermoz Pinel, dans le cadre du projet Lyon Bron , Mermoz Open Lab. Mermoz Pinel est un quartier en périphérie de Lyon et de Bron, où un habitat assez disparate, entre maisons individuelles, et grandes unités d’habitation, s’entremêlent. Comme point centrail, un grand centre commercial avec galerie marchande donnant sur le vaste parvis d’une station de métro, ainsi qu’un joli parc urbain très boisé;  le décor d’une banlieue somme toute assez caractéristique des franges périurbaines est dressé. Ajoutez à cela un maillage d’importants axes routiers, périphériques, venant découper assez brutalement certaines zones, et un programme de réhabilitation en cours, avec l’extension du super marché et la démolition -reconstruction d’unités d’habitations toutes proches. La quartier offre ainsi une grande diversité, des friches, des zones pavillonnaires, des commerces, des espaces en travaux, des axes très circulés, ou très calmes, jardins d’enfants… bref, tous les ingrédients pour construire un parcours d’écoute intéressant.

Première phase, un repérage, très pluvieux ce matin là. On arpente le quartier à la recherche d’ambiances, de sources sonores originales, ou non, de points d’écoute qui accrochent à la fois l’œil et l’oreille.

Si la pluie peut être un handicap pour une écoute confortable, elle peut aussi nous offrir de très belles séquences auditives. D’emblée, derrière le bâtiment d’où nous partons, un délaissé, arrière-cour, passage entre deux bâtiments commerciaux, propose un premier terrain d’écoute où les glougloutis des caniveaux dialoguent avec les clapotis de gouttes, le tout joliment réverbérés par les murs assez serrés. Bref, notre oreille transforme ce lieu assez anodin, en scène auriculaire mettant en valeur la pluie dans tous ses états. Une excellent façon de se mettre l’oreille en condition.

Un peu plus loin, nous nous engageons dans une ruelle non goudronnée, bordée de petites maisons particulières, et finissant en cul-de-sac. Cette ruelle, sorte de tiers-lieu mi sauvage mi aménagé, ilot de calme enserré entre une zone commerciale et d’importants travaux de démolition, nous amène sur un de ces petits lieux magiques, plate-forme surplombant des travaux et nous offrant un vaste panorama visuel et sonore que nous restons longtemps à écouter/regarder. Dans cette même ruelle, un très gros cône de chantier nous permet de tester un objet loupe acoustique improvisé, on en joue.

En contre-bas, un jardin d’enfants avec un toboggan métallique, lequel est encore prétexte et support pour écouter diverses micro percussions, celles de la pluie en l’occurrence, en collant l’oreille au montant du jeu. rafraîchissant pour l’oreille et assez magique !

Puis, nous nous trouvons face une immense machine dont le bras articulé grignote, rogne, défonce un bâtiment déjà bien éventré, dans d’impressionnants sons de chocs, de gravas qui s’écoulent, de crissements de grincements de heurts sourds et de claquements secs… Un vrai catalogue, inventaire sonore de chantier urbain qui nous retient captivés de longues minutes.

Sur le parvis d’une église contemporaine, 3 cloches en campaniles, à hauteur d’homme, à hauteur de regard également, nous cadrent un paysage assez silencieux, laissant imaginer les tintements qui l’agiteront lors de la sonnerie des dames d’airain.

Une sente dominant une voix expresse, et nous amène à l’entrée d’un grand parc boisé, où les sons de la ville s’estomperont à mesure que nous pénétrerons en son cœur, sans toutefois effacer totalement la rumeur urbaine environnante.

Nous enchainons par la descente dans l’entrée d’un métro, un couloir très large, réverbérant à souhait, où nous installons temporairement, via de petits haut-parleurs autonomes, des sonorités de villes en différents points de l’espace. Nous créons une polyphonie tout à la fois discrète et surprenante où l’ambiance du métro est gentiment perturbée par d’étranges sonorités exogènes.

Le trajet se poursuit par la traversée d’un super marché. Musique d’ambiance, chaleur et lumières, voix et pas faisant bruyamment claquer la plaque métallique de sortie d’un escalier roulant, le changement extérieur/intérieur est assez radical !

Et pour finir en beauté, le parking en toit terrasse du super marché, imosante dalle dominant le quartier, la friche, les travaux d’extension d‘un parking où une grue vient déposer, à quelques mètres au-dessous de nous, des trémis de béton dans de beaux bruits de matière visqueuse s’étalant dans les coffrages. Ici encore, une vue et une écoute surprenante, panoramique, où la spacialisation des sons permet de se rendre compte de la diversité sonore et des subtils mouvements des sources, dans un territoire en pleine mutation. Pour un repérage, ce fut une première riche expérience d’immersion dans les chants du quartiers.

Deuxième étape, la promenade, en nocturne, emmenant des promeneurs écoutants invités à écouter leur quartier.

Celle-ci a été écrite, travaillée par Vincent Rotsap et Josselin Anne, tous deux jeunes résidants du quartier, et passionnés de sons, trouvant là un beau terrain d’expérimentation. La balade alternera des séquences écoutées à oreilles nues, des commentaires des échanges, et d’autres écoutes au casque. En effet, le repérage ayant été effectué en semaine, les travaux en pleine activité, nous somme maintenant un week-end, le soir. Donc un changement assez sensible des ambiances. il n’y a plus de pluie, beaucoup moins de promeneurs, et plus non plus de travaux !

De ces absences, carences sonores, sont en fait nées de belles idées. En effet, Vincent, notre guide du jour, ou plutôt du soir, nous a proposé des ambiances auriculaires concoctées et composées dans et pour les lieux. Ainsi, des lieux assez calmes ce soir là retrouvaient une activité, des circulation automobiles, des voix d’enfants, des pas, des travaux, qui n’existaient que dans nos oreilles. Le paysage regardé était agité de « sons fantômes » créant de subtils décalages entre la vue et l’ouïe, avec une indéniable poésie générée par ces décalages sensoriels, ces détournements paysagers, ces trompe-l’oreille… Ainsi, plusieurs lieux revisités, alternant oreilles nues et écoutes au casque, révélaient le chant, ou plutôt les chants du quartiers, intitulé de cette exploration urbaine, jusqu’au final sur le toit du supermarché, acmée incontournable de cette belle sortie nocturne.

Mais ce quartier multiple nous a tous juste entrouvert les portes de son territoire sonore… Il reste tellement de chants à y découvrir, à y puiser, à expérimenter, à partager, à écrire, à mettre en scène…

Ecoutez l’exploration urbaine « Chants du quartier »

Portfolio

Repérage

Promenade

POINTS D’OUÏE – TRAVAILLER LES PAYSAGES SONORES

Travailler les paysages sonores ?

J’ai voulu travailler un paysage sonore de corons, mais on m’a dit que le son avait mauvaise mine !

J’ai voulu travailler un paysage sonore du journalisme, mais on m’a dit que le son avait mauvaise presse!

J’ai voulu travailler un paysage sonore de vignobles, mais on m’a dit de ne pas travailler en vin !

J’ai voulu travailler un paysage sonore du corps, mais on m’a dit que le son faisait tabou (la rasa ?)!

J’ai voulu travailler un paysage sonore de la guerre, mais on m’a dit que le son par trop désarmait !

J’ai voulu travailler un paysage sonore de l’église, mais on m’a dit que le son était de mauvaise foi !

J’ai voulu travailler un paysage sonore de la justice, mais on m’a dit que le son n’avait jamais connu de lois ! Idem pour le paysage sonore de la justice !

J’ai voulu travailler un paysage sonore de la cuisine, mais on m’a dit que le son avait trop mauvais goût !

J’ai voulu travailler un paysage sonore de l’écologie, mais on m’a dit que le son n’avait pas l’oreille verte !

J’ai voulu travailler un paysage sonore, mais on m’a dit que…

Alors, devant ces résistances, je me suis dit que le son avait vraiment quelque chose à dire, et qu’il fallait bien, à un moment ou à un autre, lui donner enfin la parole.

POINT D’OUÏE LYONNAIS, FAÇON PÉREC

TENTATIVE D’ÉPUISEMENT D’UN POINT D’OUÏE LYONNAIS , FAÇON PÉREC

Hier, mardi 18 août, aux alentours de 21H, assis sur les marche du Théâtre Nouvelle Génération, rue de Bourgogne à Lyon, 9e arrondissement.
Une légère pluie vient tout juste de cesser, l’air est agréable, presque frais. La nuit est maintenant tombée.

Lorsque le magnétophone connait ses limites, les mots s’y substituent…

Devant moi, une intersection avec des feux tricolores, des voitures de tous genres passent, s’arrêtent, passent, s’arrêtent, passent, s’arrêtent… Voitures, camions, motos, à chacun sa façon de vrombir…
Un bar ouvert, le patron rentre tables et chaises en causant fort avec des clients à l’intérieur.
Une jeune femme passe tout près, d’un pas pressé. Ses tongues claquent sur l’asphalte mouillé.
Une voiture anime la rue des puissants cliquetis de la grosse remorque métallique qu’elle tracte. On l’entend venir bien avant de la voir et partir bien après l’avoir perdu de vue. Hors champ.
Un vélo traverse le scène, en silence.
Un bus en colère klaxonne rageusement après une voiture qui lui a joliment grillé la priorité.
Un train de marchandise, sur la droite, hors-champ, n’en finit pas de secouer le paysage de ses rythmes saccadés, réverbérés par les constructions adjacentes et les deux ponts de pierres qu’il enjambe.
Le clocher de l’église de l’Annonciation, que l’on voit émerger des toits, égrène ses neuf coups, avec de surprenants échos qui feraient croire que deux clochers se répondent très rapidement.
Un groupe de promeneurs déambulent en parlant de vive voix d’un spectacle apparemment très apprécié.
Des gens fouillent les poubelles d’une supérette, on entend les froissements des sacs en plastique et les fermetures des couvercles.
Une moto, monocylindre, (Harley peut-être?) démarre du feu avec un tintamarre à la fois beau et à la limite de ce que le paysage urbain, et ses habitants, puissent supporter.
Un père de famille portant sur ses épaules une fillette, lui fredonne une chansonnette que l’enfant a l’air de fort apprécier.
Deux personnes regardent à leur fenêtre, en silence.
Un autre train, plus discret et plus court celui-ci.
Le bar ferme ses portes dans un bref mais énergique roulis métallique.
La supérette ferme également ses portes sans particulièrement se signaler à l’oreille, seule l’extinction de ses lumières atteste de sa fermeture. Le quartier, petit à petit, presque en catimini, se blottit un peu plus profondément dans la nuit.
Un jeune homme africain arrive en chantant, me demande du feu avec une voix joviale. Come je lui répond que je n’en ai pas, du fait que j’ai cessé de fumer, il me répond dans un grand rire que j’ai bien de la chance, et s’en va en m’adressant un sympathique signe de la main.
Les voitures se raréfient progressivement, jusqu’à laisser de temps à autre, de vraies plages de silence, durant quelques secondes en tout cas… Surprenant et apaisant.
Un jeune homme chevauchant un Vélov (bicyclette urbaine en libre location) tente de venir arrimer sa monture à la station se trouvant à quelques mètres de moi. Comme il n’y a pas d’espaces libres, il repart en grommelant.
Nouveaux tintements des dames d’airain dans leur tour de pierre, qui semblent rassurer le quartier. Dormez tranquilles braves gens, nous veillons sur vous…
Des adolescents, garçons et filles, arrivent en parlant haut et fort, en chantant et en faisant tintinnabuler leur réserve de bouteilles qu’ils portent dans de grands sacs. Le calme reprend peu à peu le dessus lorsqu’ils s’éloignent. La rentrée étudiante s’approche.
La fenêtre d’où observait le couple s’est refermée, sans bruit.
Un autre train se fait entendre, toujours invisible, de voyageurs celui-ci.
L’heure avançant, les événements deviennent moins denses, le quartier s’apaise, je décide alors de rentrer.

Ainsi va la ville, ou tout au moins une tranche de ville, lorsqu’on lui prête l’oreille

POINTS D’OUÏE ET PAS DE DEUX – PARCOURS AUDIO SENSIBLES EN DUO

PAS – Parcours Audio Sensible en duo d’écoute

PAS – avec Céline Grisoni – départ de la gare Saint-Paul

Un lieu donné, espace urbain, site naturel, architectural…
Desartsonnants, invite un résident, à partager une promenade de concert.
Un rendez-vous est pris.
L’invité choisit le lieu de départ, la durée, le parcours, le moment…
Un dialogue s’établit autour des choses vues et entendues, des ressentis, des impressions, images mentales, spontanées…
Ce parcours est enregistré dans son intégralité, comme une mémoire, trace sonore, carte audio .
La matière sonore captée in situ pourra être, par la suite, retravaillée; éventuellement associée à des photos, écrits, et ensuite installée ici ou là, en prolongement du parcours, enrichi d’expériences de terrain en duo…
Une œuvre participative, à plusieurs voix, déambulatoire, contextualisée, se construira ainsi, au gré des rencontres et des promenades.

Vous êtes intéressés pour proposer un nouveau PAS en duo d’écoute ? desartsonnants@gmail.com

PAS en duo avec Patrick Mathon – Lyon pentes de la Croix Rousse

Des traces de PAS en duo d’écoute

Maxime Jardry – https://www.mixcloud.com/desartssonnants/pas-parcours-audio-sensible-duo-d%C3%A9coute-avec-maxime-jardry/

Patrick Mathon – https://www.mixcloud.com/desartssonnants/pas-parcours-audio-sensible-duo-d%C3%A9coute-avec-patrick-mathon/

Yannis Kosmas – https://www.mixcloud.com/desartssonnants/pas-parcours-audio-sensible-duo-d%C3%A9coute-avec-yannis-cosmas/

Marjolaine Pont – https://www.mixcloud.com/desartssonnants/pas-parcours-audio-sensible-duo-d%C3%A9coute-opus-4-avec-marjolaine-pont/

Céline Grisoni – https://www.mixcloud.com/desartssonnants/pas-parcours-audio-sensible-duo-f%C3%A9coute-avec-c%C3%A9line-grisoni/

Geneviève Girod – https://www.mixcloud.com/desartssonnants/pas-parcours-audio-sensible-duo-d%C3%A9coute-avec-genevive-girod/

Quentin Thirionnet – PAS (Parcours Audio Sensible) Duo d’écoute à Confluence avec Quentin Thirionet by Desarts Sonnants | Mixcloud.html

Péroline Barbet – https://www.mixcloud.com/desartssonnants/pas-parcours-audio-sensible-avec-p%C3%A9roline/