L’INSTANT ÉCOUTE
Je vais prendre le le métro, quartier Grange blanche à Lyon, 18H30 environ, beaucoup de passages piétons.
Un merle attire mon attention.
Il chante, joliment, non sans un vraie virtuosité, comme un merle qu’il est. Il se tient à ma droite, perché sur la plus haute branche d’un arbre au sommet dégarni, en oiseau bien visible, ostentatoire chanteur.
Il s’impose, de son champ aigu et véloce, tout en trilles véloces, par dessus, très en dessus, du flot sonore bourdonnant de la circulation urbaine.
Annonce printanière dans cet hiver encore frisquet.
Cependant, personne ne le remarque.
Je m’arrête, campé au milieu du trottoir, l’écoutant, le regardant, fasciné par ses superbes mélopées.
Je le regarde-écoute, posé sur le trottoir, œil et oreilles vissés, braqués vers l’oiseau séducteur.
Trois personnes passent, me regardent écouter, sans vraiment savoir que j’écoute, mais sans doute le pressentant. Elles braquent également leurs regards/oreilles sur l’arbre, sur le merle, zoom collectif, s’arrêtent, écoutent aussi, le même oiseau.
Yeux et oreilles convergents, presque par hasard, mais pas tout à fait.
Quelques minutes après, l’oiseau s’envole, fin de la séquence sonore, terminé le récital offert.
Une personne me dit qu’il leurs semble que ce merle, ou un collègue sosie avicole, chante souvent ici, mais qu’elles ne l’ont jamais vraiment ni remarqué, ni écouté.
Chose désormais faite, en séquence improvisée, aléatoirement partagée.
Tranche de ville, tranche de ouïe in situ, sérendipienne, le lieu et le moment captés sur le vif.
Son installé, sans le savoir, et surtout partagé, à l’improviste.
C’est sans doute cette posture qui compte pour beaucoup.