Recherche d’apaisements nocturnes

J’aime les bords de nuit, les lisières du jour, les entre chiens et loups, les interstices glissants, fondus enchaînés de lumière et de son, moments de bascule apaisés.

L’heure où la nuit ralentit les rythmes urbains, les instants où les présences vivantes, comme celles mécaniques, s’estompent, alors que celle du ruisseau, du rossignol nocturne, émergent d’une quiétude habitée.

C’est ici que la nuance prend tout son sens, que l’échelle dynamique s’affine, du bruissement végétal, aux hululements stridents de la sirène.

De nouvelles tessitures audibles se font entendre, perceptibles, à nouveau.

C’est au creux de ses espaces apaisés que les chuchotements peuvent exister, que l’intime confidence se susurre.

Les nuits tombées font émerger des oasis auriculaires reposants, où se purge l’oreille de trop-pleins audio-urbaniques.

Des moments où l’écoute se relâche, comme le marcheur fourbu, parvenu au refuge, oublie ses courbatures tenaces, après l’ascension d’une sente abrupte.

Arpenter la ville, la forêt, dans ces tombées nocturnes, s’asseoir sur un banc accueillant, procurent mille menus plaisirs où l’oreille se repaît, sans souffrir des excès, savourant une ambiance subtilement goûteuse.

L’écoute s’installe alors dans des espaces qui perdent une bonne partie de leur agressivité acoustique.

Des espaces qu’il faut certes dénicher, dans des mégalopoles saturées de lumière et de bruit, territoires agités qui ne savent plus guère ménager des estompements furtifs.

Les instants de bascule jour/nuit nous offrent des ralentissements vitaux, où nos sens retrouvent un équilibre bienfaisant.

Dans des territoires où s’affrontent une multitude de bruits invasifs, agressifs, une cité où la surenchère sonore fabrique des paysages à la limite de l’écoutable, le noctambule cherche l’aménité d’un espace-temps non écrasé par un flux tonitruant autant qu’hégémonique.

L’écoutant inassouvi quand je suis, aspire et ces points de bascule diurne/nocturne procurant des sensations relaxantes, des coupures vivifiantes, comme lorsque les grands vents tempétueux se taisent, laissant enfin le paysage respirer, libéré de la violence fracassante de bourrasques dévastatrices.

Entre le silence mortifère et la grande bataille sonique, il convient de chercher des équilibres sensoriels spatio-temporels, entre autres ceux que les espaces nocturnes et les entre-deux du couchant peuvent nous proposer.

PAS – Parcours Audio Sensibles, quelques  approches en chantier, au fil du temps 

Croquis du dessinateur voyageur Troubs, lors d’un PAS – Parcours audio sensible à Libourne, invité par le festival « Littérature en jardins« 

A chaque PAS, j’essaie de garder un fil rouge, des postures reliantes comme processus fédérateur, processus qui s’est révélé jusqu’à présent assez efficace.

Un geste en mouvement, en déambulation.

L’oreille aux aguets.

La lenteur immersive.

Le silence partagé comme un invitation collective aux sons et à l’écoute.

Des échanges et partages de ressentis, le geste de rompre le silence  post PAS…

Néanmoins, le fait de trouver à chaque PAS une spécificité, une approche contextuelle, située, qui passe par le choix du parcours, de ses mises en condition et en écoute, en fonction des spécificités locales et des événements émergents, de certains axes déployés ( infra-ordinaire, complexité, affects, territoire, écosophie…) renouvelle sans cesse et singularise le geste d’écoute.

Ainsi, nous construisons progressivement une collection de PAS qui relie des territoires géographiques parfois fort différents, fort éloignés, mais au final maillés par une géographie écoutante quasi universelle.

D’autre part, en poursuivant sur les gestes d’écoutes actives, via les fameux PAS,  j’ai dégagé quelques pistes qui tentent, à défaut de les définir de façon trop circonscrite, de les qualifier, dans une approche pouvant mixer différentes mises en situation auriculaire.

Ainsi je pointerai, de façon non exhaustive et non hiérarchisée, susceptible de créer des approches croisées :

L’écoute noctambule

L’écoute festive

l’écoute paysagère

l’écoute « racontante », récitante

l’écoute sociale, ou sociétale, voire politique

l’écoute contextualisée, forestière, urbaine, aquatique, architecturale…

L’écoute écosophique, éthique…

Et tant d’autres, pouvant naître parfois au moment du repérage et des rencontres préalables, comme de tous les aléas susceptibles d’engendrer des zones d’improvisations fécondes, d’incertitudes assumées.

Mais que fait donc l’oreille ?

Mais que fait donc l’oreille, si ce n’est trainer les rues et errer le long des berges.
Elle s’encanaille et se saoule de sons, parfois jusqu’à plus soif.
Elle s’enivre à bon compte, de grandes rasades chantées, hurlées, ou chuchotées.
Elle tend l’oreille, offerte comme une coupe pétillante de breuvages toniques, autant que soniques.
Parfois, elle se laisse aller dans le creux de vallées bourdonnantes, de forêts frissonnantes.
D’autres fois, elle noie sa solitude dans le souvenir des villes aux rumeurs nostalgiques, qu’elle a quitté un jour.
Il lui arrive de ne plus supporter les violences qui explosent le monde, massacrant impunément des milliers de vies, sacrifiées à l’autel d’une folie destructrice.
Elle peut aussi s’émerveiller d’une musique échappée par la fenêtre ouverte un soir d’été, comme des sons d’un cloche carillonnant nuit tombante, ou du frôlement soyeux, quasi imperceptible des pipistrelles aux chasses noctambules.
L’oreille jauge l’espace comme une architecture sonique, insaisissable, qui ne cesse de modifier ses formes et ses volumes.
Elle se repaît de réverbérations et d’échos bondissant de murs en parois, de falaises en collines.
Elle rêve à des paysages sonores qui la maintiennent à l’écoute, sans être trop sonnée par des tsunamis cacophoniques, d’assourdissants vacarmes.
Elle suit des chemins bruissonniers, s’abandonnant aux ambiances fugaces, aux immersions fragiles.
L’oreille esseulée cherche parfois la compagnie d’autres promeneurs écoutants, partageant des récits à fleur de tympans, des histoires racontant le monde, ou l’inventant avec la liberté des conteurs brodeurs prolixes.
Elle nous entraine dans l’intimité frémissante de ses colimaçons ciliés, où viennent se lover les infinies écoutes, à perte d’oreille.
Son sens aux aguets, à l’affût de la moindre vibration, nous relie, pour le meilleur et pour le pire, à un monde qui peut nous réjouir autant que nous anéantir.
On dit qu’elle n’a pas de paupière, mais fort heureusement que si, à sa façon. Elle nous cache des choses, en amortit d’autres, et en efface jusque dans nos mémoires douloureuses.
Souvent néanmoins, l’oreille reste à l’écoute, porte attention, fait attention, prend soin d’entendre la vie ambiante, dans toute la complexité de ses rumeurs imbriquées, de ses dits et non-dits, de ses amours et trahisons.
Au creux de l’oreille, l’amitié peut se fortifier de secrets partagés, loin des vindictes hurlées, des bombes assassines, qui pourtant ne cessent d’éclabousser rageusement la vie de leurs vacarmes meurtriers.
Si l’oreille prend plaisir au clapotis du ruisseau, aux trilles du rossignol, elle n’échappe pas pour autant, au bruit et à la fureur du monde.
Trouver un fragile équilibre entre une forme d’harmonie vers un monde entendable, et l’insoutenable cacophonie qui le secoue sans cesse, est un exercice Oh combien difficile, mais vital.

Penser et agir pour une écosophie de l’écoute

Une des problématiques qui me questionne régulièrement, c’est le fait de confronter l’écoute, le paysage sonore, surtout dans ses versants écosophiques, à la création audio en règle générale.


Comment l’expérience d’écoute, dans le vaste champs des « arts sonores » soulève t-elle la question écologique, à laquelle je préfère d’ailleurs l’approche écosophique, médiatisant des actions de terrain, voire favorisant, dans une approche indisciplinaire, la recherche de perspectives et de projets alternatifs respectueux et éthiques ?


Et dans un autre sens, comment l’approche paysagère sensible, auriculaire, émule -t-elle une démarche créative, esthétique, soucieuse de préserver et de défendre des territoires sensibles Oh combien fragiles ?


Au final, par quel biais, quelles hybridations,(mé) tissages, la création sonore et les recherches bâties autour d’approches écosophiques, s’auto-alimentent-elles, via des interactions les plus efficientes et fécondes que possible ?


C’est un chantier complexe, qui peine à rassembler des acteurs ayant chacun des intérêts parfois divergents, des pratiques a priori fort différentes, mais qui je pense vaut le coup d’être mis en branle, même à des échelles locales modestes.
C’est sans doute pour moi par cette recherche de terrain, que l’approche d’une écosophie de l’écoute, plutôt qu’une écologie sonore essentiellement environnementaliste, prend tout sons sens, y compris dans ses propres incertitudes.

Je reviendrai prochainement sur l’analyse de quelques approches pratiques, in situ, contextualisées (jeux d’écoutes partagées, marches écoutantes, équipes d’aménageurs pluridisciplinaires, observatoires de territoires sonores, médiation dans différents terrains/événements artistiques et socio-culturels, projets éducatifs et artistiques…) qui conforteraient et activeraient cette approche audio-écosophique.

Tempi et rythmes de paysages sonores en points d’ouïe 

« Tout est rythme. Comprendre la beauté, c’est parvenir à faire coïncider son rythme propre avec celui de la nature. Chaque chose, chaque être a une indication particulière. Il porte en lui son chant. Il faut être en accord avec lui jusqu’à se confondre ». JMG Le Clezio

Lorsque l’on décide d’installer une écoute en point d’ouïe, c’est à dire comme on placerait une caméra sur une scène paysagère en plan fixe, on va aborder l’écoute non pas en imposant notre rythme, notre cadence, notre allure, vitesse de déambulation, mais en laissant aux lieux le soin de nous révéler leurs propres rythmicités.

Notre corps n’aura de prises sur le paysage en écoute que celles, statiques, de nos oreilles tendues.

Nous ne composerons pas en marchant, en mixant des fragments audio-paysagers pour les assembler dans une histoire en mouvement, impulsée et écrite par nos élans corporels, mais laisseront s’agencer les sons au gré de leur apparitions/disparitions, de leurs propres mouvements, dans l’espace/temps scruté.

Des passants, des coups de vents, des voitures, chants d’oiseaux… feront que la scène sonore s’offrira à 360°, comme un improbable scénario construit sur une trame où les aléas acoustiques, les reliences et interactions auriculaires ne demanderont plus qu’à être entendues en l’état. Ou presque.

Le choix du lieu, du moment, de la-posture physique, et même du degré d’attention portée, influenceront incontestablement notre perception, et donc la façon d’entendre les sources qui se dérouleront à nos oreilles, leurs degrés de présence, d’intensité, la précision de leurs contours acoustiques…

Des rythmes se feront alors entendre, donnant aux lieux des caractères dynamiques singulières, dans leurs répétitions, superpositions, densités, enchainements…

Une place passante, en centre ville, à midi, un jour de printemps ensoleillé, ne fera pas entendre ni les mêmes sources sonores, ni les mêmes rythmes qu’une forêts en hiver, ou une plage maritime un jour de tempête.

Se poster comme une sentinelle écoutante, laissant venir à elle les sonorités environnementales, sans chercher à en modifier le cours, est une façon de sentir le, ou les rythmes des choses qui se présentent à nos oreilles guetteuses.

Rythmes ponctuels, une sortie de cour d’école, une manifestation de rue, une sirène d’alarme, ou rythmes flux, des voitures, un vent fort, rythmes alternés, des groupes successifs de passants qui déambulent en discutant, autant de cellules rythmiques fragmentaires, qui donneront dans leur ensemble, une signature dynamique au lieu. Concert de villes ou de forêts, de déserts ou de d’océans…

Rythmes apaisés, trépidants, effrénés, atmosphères calmes, festives, autant de formes de tempi qui animeront l’espace, en même temps que la perception auditive d’un point d’ouïe donné à entendre à un certain moment.

Ces rythmes participeront eux-mêmes à la construction, à la caractérisation de paysages sonores, de même qu’à leurs ressentis, de la douceur à des formes de violences physiques, que nous pourrons éprouver, voire qui nous éprouveront dans l’exercice de l’écoute.

Là où l’expérience d’écoute rythmique devient plus intéressante, c’est lorsque nous multiplions les points d’ouïe, en les écoutant à différentes heures du jour et de la nuit, à différentes saisons…

Des scènes sonores caractéristiques à la fois récurrentes et singulières se dessinent.

Des topologies rythmiques, intrinsèques à certains lieux, un port de pêche, un chantier d’extraction minière, une rue piétonne commerçante, une médina africaine, font entendre des rythmicités qui les qualifient, et nous les font reconnaître, une fois que nous avons pris le temps de les entendre dans leur spécificités.

Certes des accidents, des imprévus, peuvent venir faire des breaks, cassures et césures acoustiques, accidents imprévisibles, advenant régulièrement pour chahuter des rythmes « du quotidien », les faire sortir de leurs habitus auditifs, ou perçus en tous cas comme tels. Une grève générale, une tempête, un conflit, autant d’ »accidents » qui perturbent parfois violemment les rythmes, ceux-là même qui pourtant nous semblaient presque immuables, inscrits dans la durée.  Ces cassures secouent notre confort d’écoute, qui doit alors trouver de nouveaux repères, et d’autre fois quitter une scène d’écoute devenue trop « agitée », ou in-sécurisée.

Parfois, par des formes de résilience, les rythmes « naturels » des lieux, perçus comme des repères plus sécurisants, reprennent, plus ou moins rapidement, à l’identique ou avec de nouvelles variantes, des formes audio-paysagères stables, ou moins incertaines.

L’habitude de tendre l’oreille dans de multiples lieux donne à cette dernière une acuité à se reconnaître dans des ambiances rythmiques déjà plus ou moins éprouvées, tout en gardant la possibilité d’être surprisse, étonnée, ravie ou dérangée, si ce n’est malmenée. Dans des typologies de géographies acoustiques repérables, qui offriraient des sortes de modèles rythmiques quasi universaux, l’écoute de points d’ouïe peut toujours nous désarçonner, ou apporter son lot de dépaysements, tels la première fois que l’on se pose dans une grande ville africaine, ou dans une forêt équatoriale. Il nous faut apprendre à apprivoiser de nouveaux rythmes, de nouvelles couleurs sonores, parfois au prix d’expériences plus ou moins confortables.

Les tempi de scènes d’écoute sont sans cesse fluctuants, au fil des jours et des nuits, offrant une infinité de variations, notamment rythmiques, à l’écoutant qui fait l’effort de prêter aux lieux une oreille attentive, et quelque part aux aguets.

Le monde devient un vaste chantier rythmique à l’écoute, et cette dernière se construit sur des rythmes complexes, pour fabriquer des sortes d’architectures sonores où on peut se trouver des repères vivables et entendables, rythmiquement soutenables.

La notion de point d’ouïe, d’observatoire sonore, ou d’« écoutoir » ponctuel, ou dans une durée plus pérenne, parfois itinérant, nomades, est donc, dans une approche rythmique, un processus d’écoute  parmi d’autres. Certes, il opère via modalités variables, et milles variations possibles qui permettent de poser des expériences d’écoute significatives.

Entendre, et par-delà, tenter de comprendre les tempi du monde, y compris sur des micros scènes auriculaires, quitte à ralentir pour mieux le faire, à prendre le temps de s’arrêter suffisamment sur un point d’ouïe, permet des lectures et écritures acoustiques qui nous font nous sentir impliqués dans l’immense polyrythmie, parfois déconcertante, du monde à portée d’écoute.

 En annexe, ébauche de corpus sémantique en chantier « tempi et écoute(s) »

accentuation

accident

accélération

allongement

allure

alternance

aléa

arrêt

arythmie

balancement

bascule

battement

battue

bercement

binaire

biorythme

break

bribe

brièveté

cadence

calme

cassure

choc

chronicité

chronologie

chute

Concomitance

continuité

contretemps

coup

couplage

course

cri

célérité

danse

densité

disparition

durée

dynamique

débit

déflagration

échelle

écho

éclat

emballement

endormissement

entrechoc

espace (temporel)

étirement

eurythmie

explosion

extinction

faux rythme

flux

fondu

fragment

frappé

frein

frénésie

groupe

immobilisme

interaction

intervalle (de temps)

irrégularité

isorythmie

itération

lenteur

longueur,

marche

marée

mesure

miroir

mixage

mouvement

métrique

métronomie

nombre

oscillation

pause

perception

percussion

permanence

phénomène

polyrythmie

ponctualité

ponctuation

pouls

proportion

prosodie

pulsation

pulsion

période

quotidien

ralentissement

raréfaction

rebondissement

reflux

relâchement

remous

respiration

ressentis

rupture

rythme

récitatif

régularité

régularité

répartition

saison

scansion

souffle

succession

superposition

swing

synchronisme

syncope

tambourinage

tapotement

tempo

temporalité

trille

tremblement

troubles (rythmiques)

variation

vibration

vitesse

Paysages/sons et Sons/paysages

Le paysage est aussi sonore, en tout cas fondamentalement multisensoriel. iI s’écoute autant qu’il se regarde, se touche, se sent, se ressent…
Le sonore est aussi paysage, au sens large du terme, comme territoire sensible, espace de représentation, d’aménagements, de sociabilité…
Il s’entend et se construit (aussi) par et pour les oreilles, individuellement et collectivement.
Le sonore est une résultante physique, acoustique, perceptible, de différentes façons à à différentes échelles, selon les « écoutants ». Ces perceptions acoustiques sont relatives, souvent conséquentielles au vivant, mais également au non vivant.
Le paysage sonore polymorphe peut être porteur de mémoires, de patrimoines, matériels et immatériels…
On peut donc l’appréhender sous différents axes, de façon transdisciplinaire, si ce est indisciplinaire.
L’expérience du paysage se fait par le corps confronté aux ambiances sonores, corps sensible, plurisensoriel, voire corps sentient.
Sans écoute, le paysage sonore n’existe pas, en tout cas pas en terme de paysage.

Radio Ritournelles « Fictions de la forêt » Cartes postales sonores

Fictions de la forêt – Huit cartes postales sonores, forêt de la Double (Libournais)

Cliquez pour écouter

Carte postale sonore N°1

Carte postale sonore N°2

Carte postale sonore N°3

Carte postale sonore N°4

Carte postale sonore N°5

Carte postale sonore N°6

Carte postale sonore N°7

Carte postale sonore N°8

Cartes postales sonores installées dans les arbres. Montage réalisé par Gilles Malatray.
Restitution d’un projet d’éducation artistique et culturelle proposé aux enfants des écoles et centres de loisirs du Libournais qui ont pu mener une traversée sonore, artistique et littéraire du monde sylvestre.
Après l’écoute et l’enregistrement des bruits de la forêt de la Double avec Gilles Malatray -paysagiste sonore-, les enfants ont traduit leurs expériences et leurs sensations en poésie, accompagnés par les auteurs Laurent Contamin et Eduardo Berti.

Projet produit par Permanences de la littérature dans le cadre du dispositif de La Cali, L’Art de grandir.

  • Année de production 2022/2023
  • Restitution le 22 juin 2023, médiathèque BOMA, Saint-Denis-de-Pile (Gironde)

Parcours de bancs d’écoute(s)

Ouvrez le banc !

Performances assises d’écoutes bancales

Construire et tracer un cheminement bancal

S’assoir quelques minutes sur chaque point d’ouïe bancal

Écouter le monde bruisser bancal autour de nous.

Fermez le banc !

Organisons des assises de l’écoute bancale !

S’assoir par ici

S’assoir par là

Voix d’eaux, le Breda à Allevard

Création sonore à partir d’enregistrements audio à Allevard.

Suivre le cours du Bréda, torrent montagnard traversant Allevard, effectuer un PAS – Parcours Audio Sensible, atelier d’écoute en marche.


Desartsonnants est invité par le musée d’Allevard, autour de la thématique de la marche et de la montagne.

En écoute

Écoute au casque, ou avec de bonnes enceintes conseillée.

Chantier en cours « Bassins Versants, l’oreille fluante« , autour des territoires liquides et de la présence acoustique de l’eau dans le paysage.

Territoire sonore au goutte à goutte

Desartsonnants décline, de variations en variations, ses écoutes et écritures de territoires liquides.

Goutte à goutte

Espaces eau-dit-eau

Dessus – dessous hydrophoniques

Émergence – immersion – résurgence

Mots et sons humides

Tensions-détentes, aller-retours marées

Flux et scansions, fonds et émergences

Paysages ondoyants

Fragilités aquatiques

matière aqua-sonifère

Care sous perfusion

Égouttements auriculaires

Écoute à gouttes

A écouter de préférence au casque ou avec de bonnes enceintes

Avec l’aimable participation des eaux de port en pluies de Cagliari, Sardaigne – Projet Erasmus « Le paysage sonore dans lequel nous vivons »

Dans le cadre du chantier d’écoute et d’écriture des territoires liquides

« Bassins Versants, l’oreille fluante« 

L’oreille en marche et la marche écoutante

Pour moi, marcher, c’est un peu comme écouter.
Et inversement, écouter, c’est un peu comme marcher.
Mettre les oreilles et les pieds en branle, en phase, chacun et chacune reliés, de haut en bas, de bas en haut.
Connectés par des gestes concomitants autant que résonants.
Là où l’oreille se tend, se dirigent les pas.
Là où les pas s’aventurent, se tendent les oreilles.
Parfois, la marche devançant l’écoute, parfois l’écoute guidant la déambulation.
Deux complices qui, sans forcément se concerter, mais néanmoins de concert, vont explorer les reliefs des sols bien tangibles, et ceux du monde sonore éthéré.
Lesquels des pieds et des oreilles prendront l’initiative ?
Sans doute les deux, parfois en alternance, parfois copains copines, parfois en discordance.
Les trames sonores se suivent, au pas à pas, comme des coulées attirant nos écoutilles toutes ouïe.
L’oreille en colimaçon, comme des chemins de ronde spiralés, s’enroulant et se déroulant.
Ces gestes et postures, à l’affut de sensations à fleur de pieds et de tympans, sont garant d’explorations toniques et multiples.
On cherche la surprise au détour du chemin bruissonnant, ou du belvédère surplombant en point d’ouïe, la ville basse.
On ose se perdre, autant par les foulées vagabondes, que par les oreilles libertaires.
On s’indiscipline au gré des marches écoutantes, comme via des écoutes déambulantes.
De la plante du pied foulant le gravier crissant, à la membrane vibrante du tympan, qui réceptionne mille infos auriculo-sensorielles, se jouent des immersions ludiques.
Le corps vertical, d’oreille en pied, nous fait ouïr curieusement le monde.
L’écoute marchée embrasse large, en vastes panoramas acoustiques, ou en focales micro-soniques, du bruissement d’une brindille à la tourmente orageuse.
La marche écoutante est un terrain de jeu aussi physique que sensoriel, à corps ouvert, vers tous les sons ambiants.
Et le plaisir de « marchécouter » s’affirme au fil des chantiers et expériences auriculaires.
Entendre, c’est un peu mieux comprendre, et ce chemin faisant, au gré des signaux sonores nous racontant des histoires au creux de l’oreille.
L’interaction de pied en cap nous ouvre des horizons où les récits seront tissées de sons.
Le monde à portée d’oreille, arpenté sans relâche, écouté tout autant, donne du sens à la vie.
Ou peut-être, plus modestement, la rend un peu plus désirable, plus écoutable.
Le bon entendement nous relie à la complexité du monde.

Réflexion autour d’un PAS – Parcours audio sensible Desartsonnants

Ruissellements ondoyants

Création sonore à partir de prises de sons aquatiques in situ

Eaux dessus-dessous,

Flux ruissellants,

Goutte à goutte murmurant

Gardons-les en écoute et veillons sur e(a)ux


Avec la participation des eaux de Sardaigne (Cagliari, Réserve Naturelle di Monte Arcosu), France (Rançonnais, Loire, Saône), Portugal (Sabugueiro), Russie (Kronstadt)…

A écouter de préférence au casque ou sur des enceintes de bonne qualité

Dans le cadre du chantier en cours (d’eau) « Bassins versants, l’oreille fluante« 

Fragments sonores 2

Il s’agit de l’eau
Territoire liquide
Chuintant ou silencieux
Monde fluant
Matière indocile
Nourricière
Flottements
Terres humides
Striées de veinules
Innondantes
Irriguantes
Terres arides
Craquelées
Que l’on entend gémir
Se gercer
L’eau retirée
Écoute à flot
Parfois noyée
Submergée
Berges éboulées
Graviers roulés
Limons fertiles
Bois flottés
Cognés aux rives
Oreille flottante
Plaintes d’ondines
De vouivres colériques
Surgissements aqueux
Appels sirèniques
Plouf narcissique
Aujourd’hui
Le paysage dégouline
Ruisselance des sols
Submersion hors des lits
Qui l’eut crues
Oreilles immergées
Voix d’eau affleurantes.

Bassins Versants, l’oreille fluante

Fragment sonore N°1

Au creux
À l’intime
À l’abri fragile
A mon oreille indocile
Des branchages se frôlent
Automne finissant
Ils crissent à mi-voix
Saluent les froidures
La pluie goutte à gouttante
Prolongements ligneux
Ils ont cessé de croitre
Aux chaleurs manquantes
Mais ils parlent encore
En frôlements furtifs
Qu’il faut tendre l’oreille
Pour croire percevoir
Leurs infra presque rien
Caresses tympaniques
Apre brise ténue
Rameaux défeuillés
Crissements râpeux
Que la bise révèle
Pré-engourdissement
D’un hiver refuge
Où s’assoupit l’oreille
Hibernation sonore
Les branchages taiseux
Faisant croire au silence
Utopie acoustique
Le fragment persiste
Un infime grésil
Au plus creux de l’écout

Inaugurations (officielles) de Points d’ouïe et sites auriculaires remarquables

Et si votre commune, quartier, ville, village… avait son ou ses propres Points d’ouïe inaugurés, ses SITARs (Sites Auriculaires Remarquables) reconnus et valorisés. Et tout cela à l’issue d’une marche écoutante participative (choix du site sonore remarquable) et d’une cérémonie officielle décoiffant les oreilles ! Discours officiels et minutes d’écoute collective à l’appui

Ne laissez pas passer l’occasion de valoriser un patrimoine auriculaire local unique et inouï !

Cartographie et liens des Points d’ouïe inaugurés : https://www.google.com/maps/d/u/0/edit?mid=1pnyLlyY12C6HeaqKgJhOmLMFM-w&hl=fr&ll=45.60603047862419%2C4.040342017709362&z=8

Carnets de notes de Points d’ouïes inaugurés : https://desartsonnantsbis.com/tag/inauguration/

Référencement Art et aménagement des territoires Art – Plan – Le Polau : https://arteplan.org/initiative/points-douie/

Performances (sonores) en mode doux

En France, la performance, dans le travail comme dans le sport, et ailleurs, constitue à être le plus compétitif que possible. Compétition, rentabilité, productibilité, efficacité, une performance nous pousse à être le meilleur que possible, si ce n’est à rechercher la meilleure place, en haut du podium, de l’échelle sociale, train de vie associé…
Dans le secteur artistique, le mot, ou le genre performance, évoque pour beaucoup un acte, souvent corporel, dans des lieux pas forcément dédiés à la création et représentation artistiques, qui tendrait au dépassement (physique), parfois à un body art flirtant avec les extrêmes, les limites…
les perforateurs et performeuses parlent parfois d’art-action, là où le geste, le mouvement, et donc l’action, généralement physique, sont au cœur du processus créatif.
Performer serait donc souvent se dépasser, chercher ses limites (et parfois celles du public).
En anglais, performer – to perform – c’est d’abord et avant tout jouer, interpréter une pièce musicale, théâtrale… même de facture « classique », pas forcément contemporaine.
Ici, le verbe élargit et assouplit le geste, le rend sans doute plus accessible, moins radical, même si des formes de compétition virtuoses sont encore présentes dans le jeu et l’interprétation.
Notre monde ultra libéral recherche sans cesse, vie des performances, la productivité, plaçant cette dernière comme un moteur social et économique au-dessus de tout, hautement performant, avec des rythmes imposés bien (trop) souvent au dépend du bien-être des gens. Cette sacro-sainte performativité/rentabilité/productivité, n’hésite d’ailleurs pas à détruire, en toute connaissance de cause, les écosystèmes dont notre propre existence et survie dépendent.
Pour moi, si j’avais à rechercher des gestes et postures qui se revendiqueraient d’actions performatives, je rechercherais plutôt la lenteur, le silence – la non production sonore – le ralentissement, la sobriété, au risque de passer inaperçu, ou inentendu.
La balade sonore pratiquée dans ces formes de dépouillements, via des dispositifs a minima, la volontaire économie de gestes et de moyens, le fait d’installer l’écoute plutôt que les sons, ne constituent pas pour autant une contre-performance, tant s’en faut.
Il faut parfois trouver des renoncements à ce qui peut nous sembler grisant, la vitesse, la technologie, le spectaculaire, et je dis bien renoncer, se passer de, et non pas appauvrir nos actions, pour que notre performance soit en accord avec nos espoirs, et quelque part nos militances éthiques. Ce n’est pas toujours aussi facile qu’il n’y parait de prime abord.
Dans l’idéal, je tente d’épurer mon projet pour en faire un acte avec une réelle éthique, partageable et efficiente.
Cela m’amène vers une performance sobre, ce qui en soit n’est pas antinomique, mais au contraire peut pousser vers une forme de radicalité, y compris dans des postures d’apaisement, de ralentissement, de non violence.

Voir : Soundwalks with minimal performances

Lames sensibles, une approche auriculaire des bords de mers  et autres plages sonores 

Je me pose sur une plage déserte…

Bordée de sable à perte de vue.

Mer au loin, temps de basse marée.

Les mouettes, toujours elles, ricanent bruyamment en picorant d’invisibles insectes.

Des sternes piaillent aussi à qui mieux mieux.

Retour progressif de la mer, marée montante.

L’eau s’étale en faisant crisser le sable.

Temps calme et légèrement bruissonnant.

Un autre jour, ailleurs, sur une jetée.

Le vent s’en donne à cœur joie, sans jamais s’essouffler.

Les vagues fouettent les murs de pierre, s’y enroulent, retombent, et recommencent, inlassables.

Le fracas ambiant couvre toute tentative de paroles, ou bien il faut hurler.

Le spectacle est impressionnant, fatiguant à l’écoute, un trop puissant bruit blanc nous réduit au silence.Les éléments nous montent nos propres limites

Autre part, autre moment, autre topographie.

Cette fois-ci, une très haute falaise vient empêcher les vagues.

Rageuses, elle l’érodent sans relâche, bouillonnantes et entêtées.

Et le monstre-falaise s’écroule petit à petit, reculant sans cesse devant l’assaut des lames répétées. Bruits d’avalanches pierreuses, la craie s’éboule inexorablement, jusqu’à menacer des bâtiments qui se reculent prudemment.

En temps calme, les petits galets roulés chantent comme des lithophones aquatiques.

La falaise se fait mur amplificateur, gardant les sons au plus proche de l’écoute excitée

Je ne me lasse pas de ces délicats entrechocs cristallins.

Celles et ceux qui ont déjà prêté l’oreille à ces bruissements itératifs sauront de quoi je parle.

Les mots parfois sont patinés de sons résurgents. Il suffit de dire pour donner à entendre. Raconter une ambiance marine, si ténue soit-elle, comme un récit au fil de l’eau.

Retour aux rivages.

De gros bateaux naviguent au loin, images silencieuses.

Une embarcation de pêcheurs rentre à bon port, pétaradante.

Des chaînes qu’on jette, arrimage joyeux, des caisses de poissons jetées à quai, des cliquettements de gréments tangués, la vie se déroule à portée d’oreille, habituelle pour certains, dépaysante pour d’autres, pour moi en tous cas.…

J’arpente les quais pour avoir l’oreille marine, l’immersion est ici intrinsèque.

Je foule les plages où le pied fait chanter les galets.

J’ouvre une fenêtre pour entendre la rumeur entêtante d’une mer venteuse.

L’oreille m’entraine au large. L’imaginaire joue le jeu des esprits marins convoqués.

Les vagues toujours, s’enroulent et se déroulent, plus ou moins furieuses sous les rafales.

Parfois même, la mer murmure.Lames sensibles…

Texte écrit dans le cadre du projet « Bassins versants, l’oreille fluante« 

Partition de PAS – Parcours Audio Sensible N° 28 « Au hasard des PAS »

Lieux : Ville ou campagne, tous les lieux s’y prêtent

Publics : En solo, duo, groupe. Tout public.

Temporalités et durées : De jour ou de nuit, durées indéterminées, précisées en amont ou non.

Actions : Préparer des petits papiers numérotés de 1 à… Par exemple en se calant sur le nombre de Partitions de PAS qui sont récapitulées dans la page Partitions de PAS. Ou en ayant sélectionné préalablement certaines partitions.
Un participant, ou un groupe de deux ou trois lisent, à voix haute de préférence, les consignes relatives à cela partition.En quelques minutes, ils animent et donnent à jouer, à leur façon, une séquence proposée par la partition de PAS, dans un temps donné, choisi par avance.
Le PAS joué en groupe, on retire un autre numéro avec d’autres joueurs et un nouvelle interprétation se joue collectivement.

Remarques : Pour cette approche à la John Cage, Oulipo voire Fluxus, il convient d’avoir un objet connecté à un réseau internet, pour avoir accès rapidement aux descriptions de PAS. Ou à défaut d’avoir préparé une liste énonçant succinctement les consignes des PAS choisis.
On peut, il est même conseillé, d’interpréter les partitions avec des variations personnelles, tout en gardant « l’esprit du texte »
Une autre variante pouvant être que différents groupes ou personnes s’emparent successivement de la même partition, de façon à avoir plusieurs versions, interprétations, qui donneront lieu par la suite à des échanges autour des ressentis de chacun.unes.

Traces : Comme pour toutes les partitions, on peut garder des traces, par exemple via de courtes vidéos.

Partition de PAS – Parcours Audio Sensible N° 27 « Arpentage et glanage »

Lieux : Ville ou campagne, tous les lieux s’y prêtent

Publics : En solo, duo, groupe. Tout public.

Temporalités et durées : De jour ou de nuit, durées indéterminées, prédéfinies ou non.

Actions : Arpenter un lieu choisi, ou en errance. Glaner des objets ou choses immatérielles, de type et de nombres préalablement définis ou non, qui attirent et retiennent notre attention.
Exemples : une branche, un galet, des feuilles mortes, une mousse, un objet abandonné… Mais aussi une image, mémorisée et/ou photographiée, un son, mémorisé et ou photographié… Faire des associations sons/objets, faire sonner les objets, manipuler (frapper, écraser, piétiner, frotter…)

Remarques et prolongements : Au terme de l’arpentage, nos petites collectes pourront faire l’objet de commentaires, manipulations communes, créations d’histoires/concerts in situ… et toute autres formes envisagées en amont ou improvisées dans l’instant. Chaque participant.e pouvant être force de proposition quand à ces mises en communs.

Partition de PAS – Parcours Audio Sensibles N° 26 « Corps et graphies écoutantes »

Parcours Campus de la Doua « Campus Corpus » dans le cadre de Chaos Danse, Toy Toy Le Zing (Villeurbanne) avec Natacha Paquignon chorégraphe danseuse, Patrick Mathon promeneur raconteur, Desartsonnants promeneur écoutant

Choisir une grande place urbaine, aux espaces dégagés, un champ, stade ou d’autres endroits sans reliefs ni grands obstacles, pour avoir une vue dégagée.
Avec un groupe de vingt à trente personnes, voire plus, se répartir sur toute la périphérie de l’espace choisi.
A un signal donné, se diriger, très lentement, vers le centre de l’espace, en écoutant attentivement tout ce qui se passe durant le déplacement.
Regarder les mouvements de l’ensemble, du groupe, gestes et déplacements, ne pas hésiter à emprunter des chemins capricieux, des circonvolutions, zigzags et autres détours.
Se rejoindre, lentement, se rencontrer, se sourire, chuchoter un mot, une phrase, à l’adresse d’une personne croisée…
S’écouter, se regarder, prendre conscience de l’espace, des ses ambiances sonores, de nos corps, de ceux des autres, de notre occupation de l’espace, des lumières, des sons ambiants…
Improviser des déplacements, des marches lentes, des circulations, en allant à la rencontre de l’autre, toujours à l’écoute.
Prendre le temps de « marchécouter » très lentement les lieux, ensemble, de concert.
A un moment donner, sur une geste, un son, s’immobiliser.
Regarder les écoutants autour de soi, les passants, la vie ambiante.
Se regrouper, parler de nos expériences, tracer graphiquement nos parcours, faire carte, collectivement.

Inventer d’autres modes de jeu sur ce principe.

Croquis de marche écoutante, doc PePason, résidence « Installer l’écoute » Avec France Le Gall, chorégraphe – Sous les pommiers ba – Tourzel Ronzière (63)

Arts de l’écoute, arts écosophiques ?

Les rapports de l’art et de l’environnement, vers l’écologie, voire l’écosophie, écosophie sonore* entre autres, ne sont pas toujours très nets, c’est le moins qu’on puisse dire. Nombre d’articles écrits à ce sujet restent sur des approches assez théoriques, conceptuels, et ne nous permettent pas vraiment de comprendre les intrications, si intrications il y a, entre une création artistique et une pensée/action écologique, si ce n’est écosophique.

L’œuvre qui prend naissance dans un milieu particulier, s’en inspire, le magnifie, le protège, nous alerte sur ses fragilités, nous invite à le regarder, l’écouter autrement, à en admirer ses beautés, ses côtés obscurs, disgracieux, ou à y porter tout simplement attention… En soi un vaste programme.

De la création in situ à la représentation esthétique, symbolique, hors-lieu, en passant par des gestes performatifs, danses, marches, body-art, art action… Les champs créatifs susceptibles de tisser des liens entre des territoires urbains, liquides, montagnards, maritimes, et une écosophie de terrain… sont nombreux et parfois bien difficiles à cerner, à approcher.

Des modes de création conceptuels, qui sont légions, parleront aux férus d’art « contemporain », et laisseront sur la touche un public nombreux, non averti, ou a minima « éduqué ».

Certaines niches culturelles vont explorer, voire exploiter à satiété, des approches écolo-monstratives dans l’air du temps, fût-il de plus en plus pollué, voire vicié.

Le greenwashing est bel et bien l’apanage de nombreuses firmes et institutions, tentant de faire oublier leurs abominables méfaits et écocides en série. Certains « artistes » y adhèrent en parfaite connaissance de cause. A chacun son éthique, et son sens du profit à tout prix.

La patte de l’artiste devrait pourtant aider à élargir nos points de vue, d’ouïe, nos façons de comprendre des lieux, du vivant, des éléments, en sortant des sentiers battus. Mais aujourd’hui, les sentiers sont tellement battus et rebattus, les média nombreux et prolixes, pas toujours très objectifs, que l’écart n’est pas toujours facile. Et qui plus est, tout cela sans perdre le visiteur dans les tarabiscotages d’un verbiage ampoulé, ou la quasi nudité d’espaces de monstration aux concepts plus austères qu’un ouvrage de philologie en grec ancien.

Le message (sonore) écologique doit rester déchiffrable, ce qui est loin d’être toujours le cas. Que l’on parle environnement, éthique, politique, économie, biologie, l’artiste, dans le meilleur des cas en complicité avec un chercheur, un aménageur, un économiste, a un rôle de passeur. Il lui faut être celui ou celle qui trouvera les mots, les sons, les formes, les gestes, les parcours, les plus à même de satisfaire la curiosité des visiteurs auditeurs. Et là encore, la tâche est plus ardue qu’il n’y parait de prime abord.

Il lui faudra être celui ou celle qui parfois fait rêver, opère un pas de côté, parfois met en garde ou pointe le doigt ou l’oreille là où ça frictionne, là où on peut construire de nouveaux récits pro-éthiques.

A l’heure où l’éco-anxiété gagne du terrain, ni le catastrophisme spectaculaire, ni le défaitisme morbide, pas plus que l’utopie triomphante, ne constituent des approches idéales ou même satisfaisantes. Il ne s’agit pas de prêcher une écologie moralisante et accablante, accusatrice et donneuse de leçons, ou pire, de nier la réalité des faits.

L’artiste qui se mesure au moulins des grands lobbys, en Don Quichotte désespéré, doit commencer à trouver sa place, ses chemins, outils, si modestes fussent-ils, pour défricher des chemins de traverse, quitte à accepter certains renoncements, ralentissements, ou se défaire d’illusions glorieuses, remettre en question ses propres pratiques.

Sans viser un grandiose art universel salvateur, les petites gestes mis bout à bout, effet colibri, sont importants, dans l’ensemble des champs artistiques. Il faudrait d’ailleurs avancer « à travers champs », en hybridant, décloisonnant, indisciplinant autant que puisse se faire nos compétences.

En matière de petits gestes, par exemple, travailler sur une cuisine où chacun peut inventer sa façon de manger sainement, sans engraisser les géants de l’agro-alimentaire qui empoisonnent sans vergogne, est une possibilité parmi tant d’autres. Une écosophie nourricière pragmatique et partageable, de proximité. La transmission orale et gestuelle de savoir-faire, les ateliers de terrain, sont ici les leviers d’une écosophie participative et partagée.

De même, les artistes designers rudologistes*** qui explorent des façons de créer, de construire, où le recyclage, le réemploi et le déchet sont roi.

Se promener en forêt, au bord d’un lac, au centre d’une mégalopole, dans des sentiers montagneux, tout en étant attentif aux ambiances sonores, aux mille récits auriculaires d’un lieu, est une autre façon de nous raccorder, ou de nous maintenir en accord avec le monde. Même si là encore, tout n’est pas rose, ni vert du reste, au royaume des sens.

L’art d’une écoute écologique, et qui plus est écosophique n’est pas un simple effet de langage, un vague discours ou une vision conceptuellement abstraite. Il est engagement physique, intellectuel et factuel, concrétisé en actions pragmatiques sur le terrain. Hélas, dans une société libérale où la représentation et le profit priment régulièrement sur l’action éthique, nous en sommes encore bien loin.

Envisager des formes d’actions engagées pour un mieux-vivre, dans une époque turbulente et violente, entre arts sonores et arts environnementaux, écologie et création sonore (y compris silencieuse), me pousse à réfléchir et expérimenter une écologie/écosophie de l’écoute. Cette dernière étant pour moi un embrayeur d’actions des plus pragmatiques et efficientes que possible. Écouter pour sensibiliser, informer, renseigner, apprendre, partager, agir de concert… même modestement, à l’échelle d’un quartier, d’un village, d’une forêt, avec les moyens et les énergies du bord.

Dans le monde du sonore, du paysage à portée d ‘oreille, des ambiances auriculaires abordées par le prisme d’une écosophie sonore, dans la façon d’entendre, d’écouter, d’agir, beaucoup de choses, de postures, de militance, de gestes restent à inventer.

*https://fr.wikipedia.org/wiki/Écosophie
**Les sonorités du monde, de l’écologie à l’écosophie – Roberto Barbanti

*** Les déchets, métamorphoses et arts de déchoir – Hélène Houdayer

Quelques autres sources et ressources

Forêt de micros pour champs de boue – Jean Philippe Renoult

Field recording et arts sonores, tendrez les micro, un geste artistique

Field recording, un art écolo ?

Décor sonore – Écologie sonore

Des pratiques d’artistes et de chercheuses en écologie sonore

Écologie sonore de Murray Schafer – Émission Radio France Inter