DedanS/DehorS – Paysages sonores en mouvement(s)

             

DedanS/DehorS, cet axe, ce mouvement induit par son propre énoncé, n’était pas, pour moi,  pensé initialement comme un projet spécifique, une problématique en soi, conduisant vers une ligne d’actions à destination de ce que l’on nomme des publics empêchés, ou captifs.

C’est au fil d’expériences, d’interventions auxquelles j’ai été convié, ou que j’ai initiées, (Maison des Aveugles à Lyon, prison des des Baumettes à Marseille, ESAT Lyon, Hôpital Psychiatrique du Vinatier  à Bron, Centrale pénitentiaire d’Aiton…), qu’a émergé progressivement, et peut-être même  s’est imposée l’idée de faire circuler des sons Dedans/Dehors.

De là est venue cette volonté faire bouger des sonorités, des paysages, des ambiances, entre les murs, entre les personnes, à l’extérieur et à l’intérieur d’espaces a priori Oh combien cloisonnés.

De là est né le désir de faire naviguer des ambiances auriculaires, via des passages aller-retour, des fenêtres ouvertes, des passe-murailles symboliques. Et ce au travers la construction de paysages sonores, substrats incontournables de mon travail, ceux-là même qui contribuent à ouvrir des espaces relativement, voire très fermés.

En tout premier lieu, le dedans peut être celui du soi-même, de l’intime, une pensée personnelle, qui pourront trouver résonance, écho vers l’extérieur, en étant partagés vers différents dehors, dont celui l’autre, comme une altérité bienveillante.

Et puis ce sont aussi ces échanges, transferts, superpositions d’ambiances, d’acoustiques, de récits sonores, de lieux à lieux, transports d’écoutants à écoutants.

C’est donc au travers des paysages sonores, à la fois préexistants, mais aussi (re)construits de toutes pièces, de concert, comme des espaces/médias de représentation, que les univers sonores sont pensés pour élargir les lieux de vie en y circulant en interne – externe.

De par leur approche esthétique, ils se révèlent intéressants voire beaux à écouter comme une musique des lieux, qui plus est fréquemment décontextualisée, donc dépaysante, hors-les-murs.us

Par une approche écologique, ils sont intrinsèquement fragiles, fugaces, éphémères et, marqueurs sensibles, nous révèlent des espaces saturés comme des espaces en voie de paupérisation, de désertification, sans compter tous les entre-deux fluctuants.

Quant à l’approche sociétale, elle nous permet d’envisager, via la recherche de belles écoutes, des façons de mieux vivre ensemble, de mieux entendre et de mieux s’entendre, si ce n’est de construire avec les sons. De construire de façon ouverte et décloisonnante, cela va de soi !

Ces approches convoquent des façons de faire, d’écouter, de déambuler, de se poster, de capter, d’enregistrer, d’assembler, de (re)composer des récits sonores, via notamment les outils et techniques du multimédia…

Le ou les récits construits, se pose alors la question de la restitution, de la diffusion, du partage, du comment faire entrer et sortir, aller vers un public le plus large que possible, dedans, dehors…

La radiophonie, les installations, dans et/ou hors-les-murs, les écoutes collectives, sont autant de mise en situation, de mise en écoute, portant et valorisant les projets d’écriture sonore autant indoor qu’outdoor.

Des croisements avec différentes pratiques, non comme des faire-valoir de la création sonore, mais comme des moyens d’enrichir les propositions de contrepoints féconds, où sons, images fixes ou animées, corps en mouvement, créations plastiques, textes… contribuent à écrire les histoires inouïes.

Les partenariats avec des festivals, lieux culturels, espaces publics, lieux de recherche, structures d’aménagement du territoire, sont des éléments clé dans la volonté de travailler des espaces auriculaires et sociaux les plus ouverts que possible…

Les espaces et structures où faire se croiser des résonances Dedans/Dehors sont au final assez nombreux : Hôpitaux, établissements psychiatriques, prisons, centres d’hébergement pour personnes handicapées, ESAT, EHPAD, établissements médicaux divers, mais aussi centres d’arts et galeries, entreprises et commerces…

Beaucoup de lieux, plus ou moins circonscrits dans des espaces géographiques, des bâtiments, des secteurs d’activité, ont intrinsèquement un dedans et un dehors. Mais ils  aussi des couloirs, des sas et espaces intermédiaires, qui ne demandent qu’à communiquer, développer des porosités et circulations vivifiantes, en réponse aux dangers des enfermements et isolements sclérosants.

Le paysage sonore, parmi d’autres univers sensibles, favorise, autant que faire se peut, une circulation auriculaire passe-muraille, voire passe-frontière, dans les murs et hors-les-murs, prônant des espaces sociaux ouverts et respectueux.

Pour une oreille curieuse ouverte, décloisonnée, une écoute en mouvement

DedanS

            DehorS

Aiton en apporte le son, Dedans/Dehors

Dedans/dehors, chronique, parcours, festival et création sonore.

Il s’agit d’un projet construit autour du paysage sonore « Dedans/dehors », avec des détenus de la Centrale pénitentiaire d’Aiton (74), l’équipe du SPIP et Scènes Obliques – Festival de l’arpenteur aux Adrets (38).

Nous nous rencontrons une première fois, avec une vingtaine de personnes internées inscrites, et le service SPIP, pour présenter le projet à Aiton. Qu’est-ce qu’un paysage sonore ? Comment et pourquoi l’écouter, voire le créer ? Quels sont les sons récurrents, emblématiques de l’univers carcéral ? Leurs fonctions d’alerte, d’information, de communication… ? Quels sons nous parviennent du « dehors » ? Ce que l’on aimerait (plus) entendre, ceux qui nous gênent… ? Qu’aimerait-on raconter dans le style d’une création sonore radiophonique ?

Nous écoutons des exemples, les interrogeons, commentons… Le débat est alerte, l’envie de faire est de la partie, le projet est bien lancé semble t-il…

Au final, huit détenus participeront à 5 journées d’ateliers dans les murs.

Certains d’entre eux se verront accordée une permission encadrée lors du festival de l’Arpenteur, pour à la fois concevoir in situ un parcours sonores, présenter leur création, et participer à diverses tâches de bénévolat, mais aussi assister à des spectacles. L’enjeu n’est pas mince.

Durant cinq jours, nous allons créer notre petite histoire sonore. Que raconter, avec quels sons ? Comment les enregistrer, les réécouter, les sélectionner, les monter et mixer ? Le contenu, la forme et l’esthétique s’écriront collectivement.

La proposition sera, après échanges et concertations, de raconter, par une forme courte, quelques minutes type pastille radiophonique, l’intérieur d’une prison, sans pathos ni édulcorisation, pour la donner à entendre à l’extérieur, hors-le-murs dira t-on justement ici. Entre réalité et imaginaire…

Force est de reconnaitre que la matière sonore ne manque pas en milieu carcéral, voire est parfois envahissante, si ce n’est impressionnante pour qui met les pieds, et les oreilles, dans une prison pour la première fois.

Clés, verrous, portes qui claquent, voix, cris et appels, bips et messages d’API (Appareil de Protection Individuelle) informant des mouvements et blocages, omniprésence des télévisions, bips des portiques, salle de sport, cour de promenades, avec ses fréquentes frictions… le tout dans un univers archi bétonné et réverbérant à souhait, voire bien plus qu’il ne le faudrait.

La matière sonore est donc abondante. Reste à la capter, à l’enregistrer, en regard de toutes les contraintes sécuritaires, les blocages fréquents, et autres aléas, ne serait que concernant le matériel autorisé à entrer dans les murs. Avec un peu de souplesse et de fair-play, on s’adapte assez vite à toutes ces contraintes, emmenant les détenus enregistrer par petits groupes alors que d’autres travaillent au montage sonore en atelier. Pour cela, l’appui des équipes du SPIP (Service Pénitentiaire en Insertion Probatoire) et du coordinateur culturel est essentiel.

Bon en mal en, nous avons réussi à collecter pratiquement tous les sons envisagés, c’est à dire un large panel.

L’envie d’inclure des petits textes lus, des voix, les voix des co-auteurs, se fait rapidement sentir. Deux ateliers d’écriture se mettent en place spontanément, où chacun écrit une ou plusieurs courtes phrases. Pour les enregistrer, on procède de manière oulipienne. Chacun tire au sort un numéro correspondant à une phrase et la lit, à sa façon, après avoir fait quelques essais de micro.

L’écriture sonore est très discutée, chacun étant force de proposition, et aucun ne s’en priva ! Une belle énergie, une dynamique qui vous laissaient, moi en tous cas, un peu KO en fin de journée, mais l’immense plaisir de faire à fond, ensemble, restant un beau levier créatif.

Bien sûr, au fil des proposition, il fallut faire des choix, garder entre nous certaines paroles et histoires intimes, sans censurer pour autant, mais en protégeant des valeurs humaines, individuelles et collectives, question d’éthique. L’intimité aidant, certaines paroles et histoires entendues, souvent avec un réalisme sans concession, marqueront sans doute longtemps encore ma mémoire, dans cette aventure collective. C’est évidemment, pour l’artiste intervenant, quelque chose à laquelle il faut s’attendre, voire se préparer, pour construire un récit, sans trop y laisser des plumes, dans un cadre d’enfermement pas toujours de tout repos. Néanmoins, à la prochaine sollicitation de ce genre, j’y réponds affirmativement, et j’y courre, sans hésiter une seule seconde.

Cette petite digression personnelle refermée, revenons à notre histoire « Dedans/Dehors ».

En cinq jours, l’histoire se boucla, 3’40 environ, légèrement moins que le fameux silence de John Cage. Presque une semaine pour mettre en forme une toute petite durée audible, cela peut paraître énorme, on est bien loin des podcasts industriels à la chaine ! Et pourtant, entre les contraintes internes, et surtout le grand débat collectif, toujours de mise, l’écriture avance au rythmes des idées, Oh combien foisonnantes. La parole circule librement entre nous, cela fait partie du projet. Il restera d’ailleurs, un peu plus tard, à peaufiner le montage et mixage hors-les-murs.

Un verdict se fait attendre quand à la permission. Tous ont bien sûr très envie de sortir des murs, ne serait-ce que pour une seule journée. Après discussion avec le Juge d’Application des Peines, à laquelle je ne participa pas, si ce n’est pour transmettre indirectement, via l’équipe SPIP, ma grande satisfaction devant l’engagement et la « bonne conduite » de tous, le nombre de personnes et conditions de sorties furent connues.

Trois détenus passeraient trois jours entier sur le festival. Trois une seule journée, et deux ne seraient hélas pas des nôtres.

Le « Grand jour » arrive, enfin, tant attendu. !

Dés que les trois premiers détenus arrivent, nous nous rendons sur le site, superbe écrin montagnard, pour repérer un parcours auriculaire, et en imaginer sa mise en scène, et en écoute, et comment installer notre conte via une série de minis enceintes disposées de façon éphémère sur le cheminement. Le choix de parcours se révèle simple. Une sente descendant en sous-bois jusqu’à un ruisseau, puis se bouclant pour remonter vers le départ du parcours est jugée idéale, dans la variété de ses sons et paysages visuels, la marchabilité et les possibilités d’expérimenter des postures d’écoute avec un public d’une vingtaine de personnes, sur trois balades.

Ce même premier soir, nous sommes invités, à présenter notre création devant le public d’un sympathique cabaret de plein-air. Il faut pour cela un autre atelier d’écriture afin de savoir comment présenter, en quelques mots, notre histoire sonore au public. Pas si simple qu’il n’y parait, toujours en collectif. L’après-midi est en partie consacrée à des tâches bénévoles avec l’équipe du festival, dans la joie et la bonne humeur, et aussi à s’entrainer à lire ce fameux texte, en l’ayant dans l’idéal appris par cœur. Chose qui est jugée un poil risquée, le papier lu restant plus rassurant pour ce baptême public; et ce malgré les avatars d’une lumière de projecteurs à contre-jour et le trac de nos compères devant le public. Modestement, je pense pouvoir dire que l’histoire de ces gaillards, visiblement très intimidés, a ému le public, entre sa drôlerie et néanmoins ces paroles d’enfermement dans leur sensibilité palpable à fleur de peau.

Le lendemain, les trois compères suivent, dans une randonnées bien pentue, le formidable orchestre de la Tournée des refuges, un collectif de musiciens.ennes à géométrie variable, lesquels.elles vont, à pied, portant leurs propres instruments, dont une contrebasse à cordes, de refuge en refuge. Ils donneront chaque soir, à chaque étape, hors lieux conventionnels, des concerts d’une qualité musicale époustouflante. Un ensemble aussi virtuose que sympathique, et qui plus est sportif d’assez haute volée, ou randonnée ! Bref, durant cette journée entre rando et musique, nos compères d’Aiton trouveront mille choses à faire, et surtout à discuter de plein-air, hors-les-murs, avec les co-marcheurs, l’insertion/réinsertion faisant pleinement partie des objectifs de ces rencontres festivalières. Et ils joueront le jeu avec un immense plaisir qui se lit sur leurs visages épanouis.

Au troisième jour, trois autres détenus arrivent. Nous serons donc six, en cette dernière journée avec eux, pour encadrer deux parcours d’écoute, un le matin avec un centre de loisir, et l’autre l’après-midi avec un grand public. Je ferai hélas seul la troisième, mes acolytes devant rentrer à la Centrale en fin de journée.

Marche lente, écoute, jeux avec des objets longues-ouïe confèrent à la première partie du parcours une approche sonore bucolique, voire écologique, ludique, de mise chez Desartsonnants. Même si au début, les détenus peinent à comprendre pourquoi marcher si lentement, s’arrêter sans « faire de bruit », installer une écoute qui leur semble manquer de sons (rapportés) et de mouvements. Bientôt, ils rentreront dans la lenteur, qui au sortir d’une prison n’est pas si évidente à vivre. La deuxième partie du parcours opère une bascule d’ambiance assez radicale. Les sons de notre histoire sont installés sur un petit cheminement, amenant le Dedans carcéral dans le Dehors montagnard de, façon décalée et pour certains.aines un brin desartsonnante. Les détenus expliquent le travail, la démarche, et répondent volontiers aux questions du public. La première balade étant avec de jeunes enfants, ils (les détenus) n’osent pas trop dire d’où ils viennent, parlant d’un chez eux évasif. Je leur demande alors où est donc ce chez eux, et ils répondent clairement »la prison », ce qui visiblement ne dérange absolument pas le jeune public qui leur pose des questions pertinentes et sans barrière aucune sur les sons entendus.

La promenade suivante, tout public, sera du même ordre, et avec la même belle implication des compères d’Aiton, même si, malheureusement, je dû faire le derniers parcours sans eux.

Forte émotion lors de leur départ qui me serre encore la gorge lorsque que je l’évoque. En leur souhaitant un retour à la liberté sans top d’embûches.

Dedans/Dehors, en écoute

Avec la participation, les sons et les voix de : Sylvain, Isham, Mohamed, Feysal, Cédric, Anthony, Damien, Cyril, Kamel (coordinateur culturel SPIP) et Gilles (rédacteur et bidouilleur sonore), et la précieuse aide de toute l’équipe SPIP, Dedans ET Dehors.

Ainsi que la formidable équipe de l’Arpenteur, son professionnalisme et la qualité de son accueil plein de bienveillance, sans compter les gens du village, des alentours, mes très sympatiques hébergeurs, les enfants, institutrices de l’école des Adrets, ceux et animateurs du Centre de loisir, et toutes les belles rencontres ou retrouvailles lors de mon séjour…

Notes : Cet article fait suite à un précédent posté sur ce même blog Point d’ouïe, festival de l’arpenteur Dedans/Dehors, en développant, de façon plus détaillée et explicite, l’ensemble de cette action culturelle dans et hors-les murs.

Historiettes et oreillettes

Marchécouter

Tout commence par la marche

Celle pour écouter

Ou bien

Tout commence par l’écoute

Celle pour marcher aussi

Enfin, on ne sait plus trop laquelle motive l’autre

C’est un début d’histoire

écrite en creux dans des sillons vibratoires

L’écoute collée aux pas, au sol, aux arbres

de frondaisons en racines

de ramures en nervures

L’écoute collée au bitume, à l’asphalte, au béton

l’écoute collée à la ville assourdissante

ou à la ville murmurante

C’est un début d’histoire sonnofage

qui se nourrit de la chose entendue

une chose qui se prête, voire se donne, à entendre

bon gré mal gré

tout en se camouflant dans mille autres auricularités

façon de perdre, sans avertissement, la puce dans l’oreille abusée

désabusée

la puce dans l’oreille amusée

qui sait

Quand le vent se fait mer

Quand la mer se fait vent

quand le troupeau noircit l’asphalte

en meutes de moteurs

vers le ventre trop urbain sonifié

Quand le silence n’en peut plus de gémir

et les voies de muer

vers des tessitures tendues

comme un arc vibrant de rumeurs incertaines

Osmoses évanescentes.

S’assoir

Ne plus traquer les proies fuyantes

celles qui font le tympan hésitant

laisser venir

pavillon orienté comme une outre évasée

une éponge impavide

une sonde curieuse

qui ne résisterait plus

ni aux bruits ni aux silences

se laisser envahir d’une nuée sonore aux trajectoires folles

C’est ainsi que l’histoire s’entend

c’est ainsi que l’histoire s’écrit

c’est ainsi que l’histoire se dit

Peut-être

Se lever

Se relever

Repartir

Repartir pour échapper à

Repartir pour s’échapper de

si possible

Pour suivre le courant d’une écoute incertaine

battant pavillon coloré de fronts d’ondes

Reprendre l’histoire là où les courants soniques s’affrontent

en tourbillons hétérogènes

Porter les écoutes comme des confluences hybrides

où le conflit n’est pas exclus

se fier à d’autres oreilles affutées

ou émoussées

polyphoniser

harmoniser

contrepointer

faire surgir des mélodies des villes et des champs contre-chants

Nouvelle pause

Tenter encore de retenir un murmure

un rire, un glissement, un choc

l’infime bruissement d’un je ne sais quoi

à la limite du seuil frontière de l’audible

Le retenir dans une boite mémoire hérissée de membranes

Le retenir en espérant encore

en espérant toujours enrichir l’histoire

quitte à la terminer

quitte à ne jamais savoir comment elle finit

l’étoffer de digressions tympanesques

d’ambiances brodées de toutes pièces

pièges à sons doux

dans lesquels on tombe de pleine oreille.

Fermer les yeux

Fermer les yeux

en faisant semblant de croire que l’oreille fera le reste

reprenant à sa façon l’histoire à portée de cochlée.

La biensonnance comme un rêve d’accord parfait

ou presque

de dissonances en consonances.

Fermer les yeux

non pas pour ignorer le monde

mais pour mieux l’avaler de l’oreille

pavillons hissés aux vents soniques.

Éprouver

Les vibrations de pied en cap, corps résonant sans repos aux plissements des bruits.

Traverser

Les seuils de l’audible, et ceux des territoires.

Les franchir d’un pas sonnant ou feutré

jusqu’à ce que le parcours vibrillonne nos corps réceptacles

que chacune de nos cellules soit un objet vibrant

suspendu dans les nimbes d’une intime proprioception à l’auricularité criante

Historier

L’histoire est aussi bruits de couloirs colportés

rumeurs amplifiées d’un monde médiatiquement impudique.

L’histoire est oralisée, et graphiée

sons de la Terre fragile et finissante

dérivant vers un silence déshumanisé

Resteront d’autres histoires qui sans doute en tireront leçon

L’histoire est ponctuée de sirènes entêtantes

alertes déniées ou envoûtements annihilant la moindre résistance

dérives plaintives et doucereuses.

Alors marcher

Alors écouter

Alors raconter, encore et encore

des histoires pleines de bruits

qui résisteraient orgueilleusement au temps et à ses mille chausse-trappes

qui émuleraient des hybridations tonitruantes

autant que chuchotantes

qui croiseraient grandes et petites histoires

trempées dans les sons vifs

qui écriraient et mettraient en mouvement des mythes inouïs

où chaque oreille se reconnaitrait comme écouteuse

dans un immense archipel/univers

bruissonnant à perte d’ouïe.

Oreille rêveuse et histoire sonifiée.

Point d’ouïe, festival de l’arpenteur Dedans/Dehors

Tout juste de retour du Festival de l’Arpenteur, et encore des montagnes plein la tête.

Des montagnes de sons, de beaux moments, de rencontres, d’expériences, d’échanges, de fêtes partagées, de découvertes, de surprises, de rires et de sourires complices, émotions comprises…

Des moments où la marche malmène les genoux, mais ravit les oreilles.

Le bonheur d’avoir vécu d’intenses moments, avec l’incroyable énergie de mes complices détenus, insasiables faiseurs de son de la centrale pénitentière d’Aiton, dedans, puis dehors.

Aitonnement garanti…

Leurs sourires et leur énergie communicative, extériorisée si je puis dire, leur envie de croquer la vie du dehors à fond, à pleines oreilles, et d’aller vers l’autre avec des jaillissements débordant de générosité.

Leur élan pour se sentir et être comme les autres, ni plus ni moins.

La construction d’un PAS collectif en marche, où leurs paroles racontent les murs, dedans, de façon à amoindrir, au contact d’autrui, dehors, leur chape d’isolement.

La rencontre pleine de fraicheur avec des enfants, au travers l’écoute partagée.

Et la boule qui serre la gorge, les yeux qui s’embuent, au moment de se quitter. Leurs paroles encore, mercis sans fard, qui vous retournent comme une crêpe.

L’espoir qu’ils trouveront des chemins apaisés.

La rencontre émouvante de femmes artistes ayant fui l’Afghanistan. Leur résistance pour rester debout, créer, envers et contre tout.

Un échange à deux voix, stimulant, croisant, via l’ornithologie, les parcours sonores, les sons captés, puis composés, des paysages sonores multiples… Et un public curieux.

Entre coups de fraîcheur à nuit tombée, et coups de soleil au mitan du jour.

Entre dedans et dehors.

Entre et au centre de plein de choses, qui résonnent et font déjà traces, de celles que l’ont devine profondes et tenaces.

La fin du séjour est là, avec l’estompement des larges espaces lumineux, des reliefs invitants.

La redescente qui clôt une aventure humaine aussi pentue que revigorante.

Vient alors l’envie de repartir bien vite vers d’autres rencontres sonomadiques, envie d’arpenteur lobe trotters.