Échos logiques

L’écoute activiste, le geste sonore, le chant et le cri de la Terre

Commencer par écouter
Commencer par s’écouter
Dans l’idéal, on est faits pour s’entendre !

Écouter le vivant, quel qu’il soit, où qu’il soit
Écouter les sols, les eaux, le vent, la vie
Écouter tout ce qui bruisse, y compris l’imperceptible.

Écouter pour réunir l’artiste et le chercheur
L’aménageur et le décideur
L’habitant et le visiteur.

Écouter ce qui se dégrade, se tarit, se dessèche, se paupérise
Écouter ce qui se raréfie, ce qui disparait
Écouter ce qui sature et envahit…

Écouter tout simplement
Vers une économie de moyens
Un geste sobre autant que créatif.

Écouter pour ne pas détruire
Écouter pour apprendre, pour construire
Écouter pour ralentir.

Écouter pour imaginer
Pour rêver
Pour anticiper.

Écouter pour rencontrer
Chercher l’altérité
Cultiver l’aménité.

Écouter pour porter attention
Prendre soin
Respecter
Protéger
Militer pour des espaces de bonnes et belles ententes.

Écouter pour mieux entendre
Écouter pour mieux s’entendre
Pour appréhender les chamboulements en cours
Pour imaginer de nouvelles cohabitations.

Écouter pour mettre nos forces vives en commun
Mettre en œuvre des moyens de résistance
Rechercher les leviers d’un bien-être partagé, un monde à portée d’oreilles
Concevoir et fabriquer des mondes audibles, soutenables et habitables.

Écouter le Monde
Le chant de la Terre
Le cri de la Terre.

« Manifeste pour une écoute activiste » Août 2023

Allevard à portée d’oreilles

Affiche de La Galerie – Musée d’Allevard les Bains

Marche et paysage(s)

C’est la thématique qu’a choisi, pour sa réouverture dans un nouveau lieu flambant neuf, la Galerie Musée d’Allevard. Ce musée situé au pied du massif de Belledonne, retrace de fort belle façon l’histoire d’Allevard, avec son passé minier, la métallurgie, son histoire thermale depuis la fin du XIXe siècle, mais aussi le tourisme montagnard, où la pratique du ski et de la randonnée sont incontournables.

C’est donc autour de la marche, de la randonnée, sportive ou contemplative, que le paysage, ou plutôt les paysages montagnards, sont ici abordés.

Notamment en ce qui me concerne, le paysage sonore. Allevard, niché au pied de Belledonne, dans la vallée du Breda, est animé par un paysage aquatique qui se fait joliment entendre. Outre les thermes et leur Histoire, la rivière torrentueuse qui dévale des sommets, et arrose la cité, est omniprésente pour le promeneur, sorte de signature sonore incontournable. Le paysage sera donc fortement modelé par la présence de ce cours d’eau dynamique.

Histoire d’eaux, Bassins versants, et oreilles fluantes

Arrivé dans cette cité où l’eau a une importance capitale, tant dans l’histoire minière que thermale, et aujourd’hui en ce qui me concerne dans les sonorités-mêmes qui irriguent la petite ville, je ne pouvais me manquer de rattacher ma venue, mes arpentages, mes écoutes, mes enregistrements, au projet des bassins versants, que je mène actuellement.*

J’ai trouvé ici, de riches ressources, sans avoir le temps matériel de remonter aux sources, pour alimenter mes expériences sensibles, et réflexions en cours, cours d’eau bien entendu.

Au creux de cette vallée, passant et repassant de ponts en passerelles, deux sentiers en gorges et de ruelles en places publiques, où sonnent des fontaines rythmiques, magnétophone en main et oreilles aux aguets, je rentrerai enrichi d’un nouveau bagage sensoriel, sons, textes, photos, et souvenirs à l’appui. Toute cette matière qu’il me faudra organiser, notamment via une carte postale sonore a composer.

*https://drive.google.com/file/d/1ZlAf1VGBiboj9zLioX8-4T8DsZrKMVb6/view?usp=sharing

Le Breda comme fil bleu

Je ne ferai pas ici le descriptif fouillé du torrent de la Breda, mais donnerai simplement quelques indications autour de ses bassins versants.

« De 32,1 kilomètres de longueur, le Bréda coule de la chaîne de Belledonne vers l’Isère. Il prend sa source à l’est des Pointes du Mouchillon (2 347 m) dans le massif d’Allevard, sur la commune de la Ferrière, à l’altitude 1 990 mètres4. À l’altitude de 1 200 m, il génère la cascade du Pissou et descend la vallée du Haut Bréda jusqu’à Allevard, où il est rejoint par le torrent du Veyton. De la vallée d’Allevard, il débouche à l’extrémité méridionale du val Gelon mais ne l’emprunte pas, contournant par le nord la montagne de Brame-Farine à travers des gorges avant de se jeter dans l’Isère au niveau de Pontcharra4, à 255 mètres d’altitude, dans la vallée du Grésivaudan. La rivière Isère se jettera à son tour dans le Rhône à au nord de Valence, coulant ainsi  jusqu’en Méditerranée. » Source Wikipédia.

Le torrent du Breda et donc dès les premiers repérages un très fort point d’ancrage territorial, tant par le rôle qu’il a joué dans le développement industriel et économique de la région, que par sa présence auditive, esthétique, et la façon dont il a modelé le paysage, dans de belles gorges où il fait bon marcher. Depuis l’entrée jusqu’à la sortie de la ville, nous longeons le cours d’eau, structurant nos déplacements, animant de ses eaux bouillonnantes un paysage en mouvement, rafraîchissant l’oreille, lors de journées particulièrement caniculaires.

Points d’ouïe en repérage

Lors de mon arrivée dans un lieu, il me faut un temps d’imprégnation, partagé entre des marches exploratoires, et des points d’ouïe fixes, affûts sonores, bancs d’écoute, où je pourrai prendre le pouls acoustique des lieux. J’essayerai de le faire à différentes heures, pour écouter comment la vie auriculaire va évoluer, ses temps forts, ses moments d’apaisement, ses flux et reflux structurant l’écoute située, diurne et nocturne.

Mes marche me mèneront de l’intérieur vers l’extérieur, et vis et versa, passant rapidement de l’urbanité d’une petite ville à des espaces tout de suite plus « sauvages », paysage montagnard oblige.

Sur la place centrale, je choisirai un banc, plutôt ombragé à cette époque, me permettant d’avoir une oreille à l’affût des moindres sons de la ville. En toile de fond, une petite fontaine, dont le débit et la hauteur des jets,  à même le sol, varie selon une rythmicité programmée.

En face une église dont la cloche égraine ses repères temporels.

J’assisterai d’ici, à des moments forts de la journée, midi ou les terrasses nombreuses des restaurants se remplissent, de même qu’en fin de journée, jusqu’au moment où la ville s’endormira, la dernière terrasse fermée, et la fontaine désormais muette.

J’en profiterai pour capter quelques sons, préfiguration de la carte postale sonore à venir.

Un PAS – Parcours Audio Sensible

À l’invitation du musée, un petit groupe de promeneuses écoutantes s’est rassemblé, dés 9h du matin, à l’annonce de la canicule annoncée, sous le lieu d’écoute symbolique qu’est le kiosque à musique du parc thermal.

Après quelques paroles d’accueil, quelques explications sur la motivation et intentions du parcours, l’importance de faire silence pour laisser la place aux sons, les séquences qui seront ménagées au fil de notre promenade, nous partons à la découverte auriculaire d’Allevard, sur un cheminement d’écoute préalablement repéré.

L’ancrage local

Nous avons déjà noté l’importance du tissu patrimonial, historique, industriel, qui a marqué le développement de la ville, et le marque encore aujourd’hui, notamment par l’activité thermale. La toute récente rénovation et installation du musée flambant neuf au cœur du parc des thermes, celui-même qui accueille Notre promenade sonore en atteste.

À l’époque où la métallurgie et c’est un secteur florissant le long de la vallée du Breda, on peut imaginer des ambiances sonores complètement différentes de celles d’aujourd’hui, dont bien des sources ont disparues, se sont transformées, avec l’arrêt de l’exploitation minière et des industries attenantes notamment.

De même au niveau thermalisme, la grande époque du tourisme pour venir «prendre les eaux », si elle a connu des heures florissantes début du siècle, est aujourd’hui beaucoup plus limitée à des fonctions de soins.

Les grandes soirées, concerts dansants sous le kiosque, on fait place à une programmation culturelle moins mondaine, qui aimait montrer et faire entendre le faste d’une population aisée.

Beaucoup d’hôtels immenses et majestueux ont aujourd’hui fermé leurs portes. Ce qui a certainement dû rendre la petite ville d’Allevard beaucoup plus «tranquille » qu’elle ne l’a été, acoustiquement parlant. Néanmoins, dans la saison estivale pour les curistes, et hivernale pour les skieurs, le territoire est encore très visité, l’activité en terrasse des restaurants le montre bien, et le fait entendre.

Un parcours ludique

Découvrir le monde des sons via une promenade sonore, un parcours d’écoute, ne va pas forcément de soi, si l’on n’est pas accoutumé à la chose. Il faut donc que ces écoutes procurent le plaisir d’une découverte qui nous réserve des surprises, des jeux, des espaces et des moments ludiques. Nous en reparlerons d’ailleurs dans les échanges suivant la balade.

Une première séquence sous forme de jeux, tout près du centre ville, consiste à orienter mentalement notre écoute dans différentes directions, devant derrière, au loin ou tout près, à sélectionner des sources vers lesquelles nous ferons des zooms auditifs, montrant ainsi les capacités que nous avons à «trier » et mettre en avant certaines sonorités, de préférence les plus agréables.

Puis nous sortons de la ville, en direction du sentier du bout du monde, toute une poétique langagière montrant l’importance d’une géographie sensible, et sans doute de croyances, de mythes, et de légendes, au fil de l’histoire des lieux, et du cours d’eau du Breda.

Ce sentier, dont une grande partie est aujourd’hui inaccessible suite à l’éboulement de passerelles, longe une belle gorge où le torrent du Breda se fait entendre de façon assez spectaculaire et pour le moins prégnante. Deux petits ponts nous permettent de nous poster au-dessus de son cours, et de jouer avec la directivité de nos oreilles, en positionnant les mains en réflecteurs acoustiques, et en les orientant de façons différentes pour viser et filtrer différents espaces d’écoute aquatiques.

Dans un départ de sentier, qui nous isole un petit peu du torrent bavard en contrebas, quatre mini haut-parleurs sont installés autour des promeneurs. Ceux-ci diffusent, en contrepoint au chant des eaux, des ambiances de vrais /aux oiseaux, bestiaire imaginaire recomposé, qui vient décaler une ambiance sonore assez exotique pour l’endroit.

Au tout début du sentier, un vestige de viaduc longe le cours d’eau, allant progressivement en descendant jusqu’au niveau du chemin. Ses grandes arches de pierre font naître une rythmique remarquable, masquant parfois le son du torrent, et d’autres fois formant des fenêtres d’écoute plutôt réverbérantes. Chacune avec une spécificité sonore, comme des cadres acoustiques qu’on aurait construit pour entendre différents tableaux sonores.

Nous arrivons à un point du chemin, où la paroi rocheuse à notre droite reflète, réverbère, tel un miroir acoustique, les sons du torrent en contrebas, à notre gauche. Les sons semblent sortir et ruisseler d’une falaise, comme dans un paysage sonore à l’envers. L’effet est remarquable, et nous ne manquons pas de l’écouter, à l’aller comme au retour, dans une stéréophonie inversée. Les paysages sonores sont en fait peuplés de ce genre d’espaces de monstrations quasi muséales, comme si elles avaient été pensées et construites par et avec les oreilles d’un paysagiste sonore écoutant. Néanmoins, par manque d’attention où d’une forme de culture sonore développant l’écoute, ces petits joyaux acoustiques passent très souvent totalement inaperçus.

A l’entrée de la ville, sur le pas d’une porte, nous volons quelques mots au passage. Un papa commente son cadeau à un enfant ravi, une sucette géante ».

L’enchainement se fera involontairement par l’exploration d’une minuscule venelle pentue, en impasse, justement nommée « rue Bombec » cela ne s’invente pas, où nous attend un surprenant point d’ouïe.

Dans cet espace resserré, retranché de la ville toute proche, mille sonorités se dessinent dans l’espace, cloche, personne qui traverse notre champ d’écoute, et moult petits bruits qui s’échappent des fenêtres ouvertes. Effet dedans/dehors, intimité/espace public, tout en finesse et douceur. Tous les sons semblent à leur juste place, présents , localisables, à l’échelle du lieu, non envahissants. Un petit coin de paradis pour les oreilles que l’on trouve dans des architectures spécifiques, des villes « anciennes », des espaces montagnards resserrés dans des contreforts abrupts, des espaces quasi enclos qui protègent des frimas hivernaux comme des chaleurs estivales….

Nous empruntons une autre ruelle en haut de la place centrale, avec des travaux qui empêchent temporairement les voitures de l’emprunter.

Lieu idéal pour installer quatre mini haut-parleurs qui diffuseront des histoires forestières enfantines, récemment confectionnées dans le libournais. Décalage et frottement géographique et environnemental, une forêt bordelaise expatriée au milieu de travaux urbains dans le Grésivaudan. De nombreux passants jettent une oreille curieuse, titillée, contournent l’espace, s’excusent parfois discrètement de le « déranger » , alors que c’est plutôt nous qui le faisons. On sent que certaines personnes ont envie d’en entendre et savoir plus, sans vraiment oser s’arrêter pour ce faire.

Nous redescendons vers la place centrale, assez animée en cette fin de journée. La chaleur augmente en même temps qu’un brouhaha de voix, l’espace étant piétonnier, en cette journée des plus caniculaire. Une fontaine semble néanmoins rafraichir un brin, tant l’espace acoustique que physique, d’ailleurs très (trop?) minéral en ces temps de très fortes chaleurs. Cette fontaine « à résurgences » est programmée pour faire varier dans le temps la hauteur, et donc l’intensité de ses différents jets qui surgissent à même le sol, parfois glougloutis très bas, parfois s élevant sans prévenir, pour la plus grande joie des enfants, et parfois des adultes. Ces variations de hauteurs donnent à la fontaine une dynamique qui vient casser, visuellement comme auditivement, le flux continu que présente beaucoup de fontaines à « bruits blancs ».

Nous procéderons ici à de nouveaux jeux d’auscultations aquatiques, à l’aide de « longue-ouïes », stéthoscopes bricolés pour se transformer en objets d’écoute plongeant dans les remous de la fontaine. Façon de se rafraichir l’oreille en cette atmosphère estivale en surchauffe (environ 40° à l’ombre) où il faut être courageux.ses pour effectuer une marche écoutante. Une nouvelle fois, ces comportements déroutants d’écoutants dans l’espace public questionnent les passants, qui nous regardent d’un air étonné, parfois moqueur, ou curieux . Un couple ose s’arrêter, nous questionner. Je leurs tends les objets d’écoute dont ils se saisissent, après une petite hésitation, pour aller à leur tour plonger l’oreille au creux des flots. J’observe leurs regards amusés. Ils s’échangent les objets et nous disent que « c’est drôle comme on n’entend pas pareil, plus fort… » . Ce qui est justement le but du jeu, faire entendre autrement pour rendre l’oreille un peu plus curieuse, sans trop se mouiller ici…

Nous traversons une petite rue piétonne où les voix et sons des commerces attenants rythment joliment l’espace.

La chaleur augmentant rapidement, nous reprenons le chemin du musée pour continuer l’atelier par des échanges dans un espace plus frais.

Échanges

Petite rétrospective commentée de nos déambulation auriculaire.

Globalement, l’aspect ludique du parcours est apprécié.

Des temps forts sont relevés (le Bréda contre les rochers, la petite rue Bombec, le décalage des installations, ou des manipulations…).

On remarque évidemment l’omniprésence de l’eau, entre histoire thermale et industrielle, torrent traversant la ville, fontaine centrale, difficile de lui échapper ici.

On cherche à savoir quel lieu serrait choisi, si un point d’ouïe « idéal » devait être inauguré. Les avis oscillent entre le Bréda et ses échos et la petite rue Bombec, qui au final, paraît faire l’unanimité.

Nous parlons de la fabrication de cartes postales sonores in situ, façon de garder en mémoire, voire de partager l’expérience a posteriori. Les micros, le fait de voir les sons via un logiciel de montage et de traitement audionumérique, de les agencer pour (re)composer une histoire à notre façon, de synthétiser une longue marche en quelques minutes d’écoute… le côté cuisine du paysagisme sonore est abordé.

Nous écoutons quelques courts paysages sonores dedans/dehors, en expliquant le contexte, notamment lors d’un travail dans et à l’extérieur d’un centre pénitentiaire voisin, avec des détenus. Ambiances spécifiques et paroles du dedans, médiation vers l’extérieur, faire entrer et sortir des sons d’un environnement carcéral, des promenades et installation « à l’air libre »… les charges affectives comme les données informatives du monde sonore sont ici facilement perceptibles et partageables.

Les échanges porteront également sur les qualités sonores, comme sur les nuisances parfois engendrées et subies. Le son versus le bruit, les saturations urbaines – ce qui n’est pas vraiment le cas à Allevard – la santé publique et le mal-vivre dans des milieux bruyants, les espaces acoustiques à re-considérer, parfois protéger dans l’aménagement du territoire… autant de sujets liés à l’écologie sonore post Murray Schafer, qui questionnent nos façons de vivre et de s’entendre, du mieux que possible, dans le monde des sons qui nous entourent.

12 heures, fin de l’atelier après 3 heures de riches expériences d’écoutes et de fructueux échanges.

Du son

Une petite carte postale sonore d’Allevard et de ses environs, au long du torrent du Bréda (pris en repérage et montés après l’atelier).

Des images

Quelques illustrations visuelles au fil du cheminement (prises en repérage)

Lien Album photos

Remerciements à : La Galerie Musée d’Allevard et à son personnel pour son invitation et sympathique accueil, aux Amis du Musée d’Allevard, à la Municipalité d’Allevard et à la Communauté de communes du Grésivaudan, aux écoutantes de l’atelier pour leur active participation, toutes oreilles ouvertes, à Anne, du Barbouillon, pour la qualité et la sympathie de son accueil.

APNÉES « Paysages composés 2023 »

Un weekend entier pour investiguer les points de rencontre entre écologie sonore et musiques de recherche, entre expérimentations sonores et expériences d’écoute paysagère.

APNÉES vous invite au croisement de disciplines très diverses, allant de l’écoacoustique aux arts sonores, de l’urbanisme aux technologies du son, pour vous faire enfin découvrir les multiples manifestations et implications des paysages sonores.

Conférences, ateliers, installations sonores, promenades sonores, projections, concerts, performances, comme autant de voies possibles pour aborder, comprendre, imaginer, transformer, préserver les milieux sonores dans lesquels nous sommes immergé·e·s au quotidien.

Des portes d’accès multiples pour activer une expérience d’écoute attentive qui soit également porteuse d’une réflexion écologique, afin de dévoiler les spécificités et les fragilités d’espaces en transition à l’ère de l’Anthropocène.

En partenariat avec : Maison des Associations de Grenoble | Muséum d’histoire naturelle de Grenoble | équipe CRESSON (centre de recherche sur l’espace sonore & l’environnement urbain) du laboratoire AAU (Ambiances, Architectures, Urbanités) de l’École Nationale d’Architecture de Grenoble (ENSAG) | Université Grenoble-Alpes (UGA) | laboratoire ACROE (UGA/Grenoble-INP) de Grenoble | Collectif PePaSon (Pédagogie des Paysages Sonores) | Association Plège/Le Ciel | Radio Campus Grenoble 90.8 | Music Plus Grenoble | réseau inDREAM (international network for the Diffusion of Recorded Electronic & Acousmatic Multichannel music) |

PAYSAGES | COMPOSÉS bénéficie du soutien de la Ville de Grenoble.

Lien du site APNÉES pour en savoir plus

Contes sans paroles, les oreilles déployées

Silence…
Quelques gestes suffiront.
Très peu.
Et puis nous embarquerons…
Emboiterons l’écoute
D’un guide silencieux
et pour l’occasion muet.

Le conte débutera alors
Sans paroles aucunes
Si ce n’est celles du vent, des ruisseaux, des oiseaux et autres animaux, des gens qui passent, des machines, et de tout ce qui bruit.
Il y en aura mille choses à ouïr.

Et puis nous rentrerons,
Les oreilles repues.
Nous romprons le silence
Et parlerons de vive voix, des paysages sonores,
Si vous le voulez bien…

PS : Ce PAS – Parcours Audio Sensible signé, marche écoutante, est accessible en plusieurs langues (toutes) sans traduction ni traducteur.

Cartographie sylvestre, sève de l’écoute

Me concernant, la magie des cartes géographiques, leur pouvoir de séduction dirais-je, leur potentiel à stimuler l’imaginaire, à convoquer le récit, tient à un pouvoir évocateur parfois mystérieux. Les masses colorées, les formes qui s’y dessinent, les reliefs qui s’y devinent ou s’y lisent, les cheminements qu’un marcheur écoutant peut imaginer… y sont sans doute pour quelque chose.


J’ai été, il y a quelques mois, fasciné par une carte représentant les cours d’eau français, leurs bassins versants plus exactement. Le graphisme très coloré montre un caractère veineux, dynamique, méandreux, quasi artériel, qui a nourri, réactivé et rafraichit une série de projets autour des flux aquatiques et de leurs paysages sonores intrinsèques.


J’ai ces jours-ci été attiré par une autre carte. Celle du boisement du territoire français, avec ses dégradés de verts plus ou moins soutenus.
Cette carte a immédiatement interrogé des actions que je mène ou ai menées dans le Bordelais, la Franche-Comté, et le terroir du Haut-Beaujolais, mon lieu de résidence aujourd’hui. Ce dernier, dans un relief de moyenne montagne, compte plus de 60% de terrains boisés, sapins et épicéas omniprésents. Ce qui influe forcément une économie, des professions et des modes de vie très liés à cette sylviculture quasi immersive. Ce qui conditionne également une façon de bouger, de regarder, de manger, de mettre un imaginaire en marche, nourri entre-autre de contes forestiers. Un environnement boisé qui me stimule pour enclencher des postures d’écoutes baignées d’ambiances sylvestres, et surtout moteurs d’écritures sonores éminemment contextuelles.

Collections et séries, chercher la récurrence

En fin d’un festival de fanfares très tonique de par ces ambiances sonores et musicales, je rentre dans l’église du village, comme je le fait régulièrement ici et là, pour immerger dans ces larges acoustiques réverbérantes, qui sont souvent pour moi sources d’apaisement.


Je me dis alors que ces visites régulières, quasi rituelles, que je savoure toujours, constituent au fil du temps une forme de collection d’acoustiques, d’ambiances, enregistrées, ou seulement gardée en mémoire, parmi d’autres récurrences au long court.


Les effets sonores réverbérants des églises, cathédrales, basiliques, chapelles, avec les sons intérieurs mêlés aux porosités de l’extérieur, filtrés par l’effet caverne des bâtiments, constituent pour moi une série cohérente, une sorte de riches corpus liés aux édifices religieux. J’y retrouve à la fois les constantes acoustiques de ces architectures, et en même découvre leurs signatures auriculaires singulières, uniques.


Néanmoins, cette série d’architectures sonores ne constitue qu’un maillon de nombreux points d’ancrages auditifs que je construis petit à petit, où l’on trouve des lieux, objets et ambiances très différents, parmi lesquels je citerai en vrac et de façon non exhaustive:
Les ruisseaux, rivières, torrents fontaines et autres points d’eau, avec leurs ruissellements, grondements, et autres glougloutis.
Les sirènes hululant les premiers mercredis du mois à midi.
Les volées et tintements de cloches carrillonnantes et bourdonnantes.
Les gares et aéroports, leurs messages sonals et sonorités spécifiques, liées au transport, au transit de milliers de voyageurs.
Les sites à échos, qu’ils soient en espaces naturels ou urbains.
Les marchés, les voix, harangues, leurs sons d’installations matinales…
Les passages couverts, traboules et autres venelles et impasses, où tout semble s’estomper, oasis apaisés coupés de la frénésie urbaine.
Les levers du jour, heures bleues et les fantastiques réveil des oiseaux dont je ne se lasse pas.
L’ensonnaillement des troupeaux montagnards où les clarines t(e)intent joyeusement le paysage.
Les sons d’ateliers avec un immense panel de moteurs et outils raclant, percutants sciant, perçant…
Les paysages forestiers, portuaires, industriels, agricoles, chacun avec leurs propres climats.


Tous ces espaces/temps offrant à l’oreille un champ d’action et de plaisir quasi infini, pour qui leur prête attention.
On découvre ainsi tant d’autres situations sollicitant notre écoute au fil des voyages et déambulations.


Certaines séquences sont fixées, mises en mémoire via l’enregistreur numérique, répertoriées et indexées. D’autres contribueront simplement à fabriquer une mémoire sonore interne, personnelle, parfois intime, celle de l’écoutant.
Toute cette matière participera à l’écriture, la composition de paysages traces, de paysages plus ou moins fictionnels, espaces incertains, entre réalité quotidienne et imaginaire.
Pour beaucoup, ces paysages dits sonores, auriculaires, n’auront guère d’existence tant ils seront inécoutés, hormis ceux qui se feront trop envahissants, trop bruyants, dans le flux de la vie à portée d’oreilles.
D’autres découvriront avec gourmandise la richesse de ces milieux acoustiques.
Certains en feront, et c’est mon cas, des parcours et sentiers d’écoute, sortes de concerts immersifs à ciel ouvert.
Les musiciens, compositeurs, créateurs sonores, iront jusqu’à en faire des sources de compositions, objets d’installations, flux radiophoniques.
Les militants en tireront des causes à faire entendre et défendre, dans la fragilité des paysages et habitats…


Pour moi, le fait de travailler sur des récurrences écoutables, des séries, thématiques, redondances, nourrit nombre d’expériences transdisciplinaires, de militances, de partages de récits sensibles.
Plus la chose écoutée se répète, plus on la recherche dans ses rythmicités, ses maillages séquentiels, sa diversité, ses variations subtiles, plus la possibilité de construire des paysages inouïs, de les arpenter pour les mettre en écoute sont riches et passionnantes.

Écoutes en mots

Une petite compilation de quelques textes récents, sonnants et dits sonnants.

Dire c’est agir
Au même titre que l’action in situ, le PAS – Parcours audio sensibles, et autres marches écoutantes, le mot, le texte, l’écrit, sont des vrais outils pour agir factuellement, concrètement. Qu’ils soient narrations mémorielles, traces, fictions poétiques, réflexions, formes hybrides, comme des pensées en mouvement, le fait de dire est une façon d’agir, pour moi très pertinente et efficiente.
Dire, c’est contribuer à faire exister, à faire exister un peu plus, à propager, partager, militer, et au final écouter.

Lignes d’échos
Deux lignes d’échos sont perceptibles de mon banc de pierre, où je suis installé à nuit tombante..
Des échos parallèles, générés par le train qui longe la ville en hauteur, arrivant de ma gauche, dans un axe Lyon Roanne, dont les sons cliquettent et percutent sur les collines à ma droite.
Le train lui-même reste invisible, la voie ferrée étant masquée par une ligne de bâtiments, ce qui nous propose une intéressante écoute acousmatique
Des échos perpendiculaires, essentiellement des voix, qui viennent de derrière, et rebondissent sur différents murs en face de moi.
Un faisceau de directions croisées.
Les effets acoustiques de ces échos, à la fois parallèles et perpendiculaires, se superposent à l’endroit-même de mon point d’ouïe, tout en restant tous deux parfaitement lisibles, intelligibles et localisables dans leurs mouvements spatiaux.
Une belle situation d’écoute, pour lire des trajectoires sonores surprenantes dans la ville, impulsées sans autre artifice que la topologie des lieux et l’organisation des bâtiments, dans l’espace d’une place dominée de collines avoisinantes.
Ma situation et posture d’écoute me font comprendre ici, sans outil technologique, si ce n’est une oreille extrêmement efficace, comment s’agence un espace auriculaire intrinsèquement riche, et plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord.

Installations de silences et d’écoutes
Le point d’ouïe trouvé, commençons par installer le silence, en tous cas celui de l’écoutant, le notre.
L’écoute pourra alors s’installer à son tour.
Nous jouirons dès lors des seuls sons des lieux et des ambiances du moment, comme d’une symphonie de paysages auriculaires.
Le projet parait simple, voire simpliste, mais il demande pour chaque lieu et moment une mise en situation contextuelle, souvent fragile, pour que la magie d’une écoute partagée opère.

Rythmes et récurrences
Mon rythme actuel depuis plusieurs mois. Je pars une bonne semaine, voire plus, jamais au même endroit, jamais avec les mêmes personnes, jamais pour les mêmes raisons. Je reviens pour deux ou trois jours, pose mes valises, les vide, fait une lessive, re-remplit mes valises, repars…
Rencontres et projets d’écoutes nourrissent de bien beaux moments nomades.