Un banc dans une gare routière de Lyon, quartier de Vaise, 9e arrondissement.
Environ 18H30.
Une petite heure de pause sur un banc habituel, dont environ 12 minutes d’enregistrement.
Prise de son brute, field recording sans aucunes retouches.
Voix, moteurs, bips, langues, enfant rechignant à apprendre sa leçon en attendant le bus, valises à roulette, portes… La vie qui passe devant mes micros…
Dans ces temps bien empêchés, j’accroche des pans d’écoute ici et là, comme des repères qui scandent un travail en manque de terrain, en manque de mouvement.
La récurrence des séries apporte du grain à moudre pour offrir un espace sonore, et plus globalement sensible, qui le sortirait d’un territoire aujourd’hui à mon goût trop circonscrit.
J’imagine donc des stratégies d’itérations, des points d’ouïe récurrents, catalyseurs d’actions in situ.
Parmi eux
Des réverbérations des ponts, églises, parkings souterrains
Des cloches alentours
Des marchés
Des pas et les réponses acoustiques des sols arpentés
Des voix d’enfants, ou d’autres-
Des cliquetis d’escaliers roulants
Des signaux d’alerte et autres bips
Des valises à roulettes
Des itinéraires journaliers, répétés au mètre près
Des parcs publics et leurs bancs
Des rives de fleuves ou de rivières… J’en imagine tant et plus, en regardant et écoutant autour de moi, comme un collectionneur qui hésiterait à choisir, à se focaliser sur une série d’objets (d’écoute) spécifiques.
Et puis je choisis un lieu, ici un couloir de gare routière voisine, un banc en particulier, s’il est libre, vers 18 heures J’appuie sur le REC de mon enregistreur et vérifie les niveaux d’entrée. Je capture environ quatre minutes de flux, de passages, au gré des arrivées et départs, voix, talons, moteurs, roulettes, avec en toile de fond une boulangerie.
Je verrai où cela me mènera, vers quelle construction audio-paysagère, vers quelle tentative d’épuisement, vers quel improbable récit…
Le champ d’action rétréci de cette époque sous contraintes me pousse à imaginer des stratégies de proximité, où la répétition de gestes est stimulante pour garder en chantier la fabrique de paysages sonores, avec leurs questionnements intrinsèques.
C’est une gare j’adore les gares réverbérantes des pas des voix des flux des lumières une vraie installation sonore et visuelle que je m’installe sans rien installer si ce n’est l’écoute un banc d’écoute je vous laisse entendre à votre guise.
Une impressionnante collection de sonorités humaines mécaniques, médiatiques
Des flux, et reflux, en veut-tu en voilà
Des acoustiques dedans/dehors, ni vraiment dedans ni vraiment dehors, des entre-deux, ambiances neutres, sèches ou réverbérantes
Des annonces, sonals1, haut-parleurs plus ou moins efficaces, parfois brouillons, façon Jacques Tati, annonces et dés-annonces, messages et contre-messages, et ces temps-ci, consignes pour les mesures de précautions sanitaires anti pandémiques moult fois répétées
Une de mes gare expérientielle à l‘oreille, Vaise, 9e arrondissement lyonnais, terminus de la ligne de métro D, extrémité nord de la ville, petit laboratoire d’écoute appliquée
Un nœud intermodal (métros, trains, bus,voitures, deux-roues, piétons), générant un trafic soutenu, et des afflux en pics ponctuellement répétés
Une position stratégique, un point d’ouïe remarquable bien déterminé
Entre-deux dedans/dehors
Couloir couvert arrêt de bus
Au pied d’un talus juste sous la gare de Vaise SNCF, les trains passent au-dessus de l’écoutant
Vers 18 heures, heure flux assez bouillonnante
Un banc d’écoute
Des bus devant, derrière, un banc entre deux voies de bus, comme sur une ilot central
Des métros en-dessous
Des voyageurs en transition, parfois en conversation
Un grand mixe de moteurs, ponctuels, très spatialisés, des trains en échos aux bus, et inversement, derrière, devant, dessus, de gauche à droite et vice-versa, une belle rythmicité qui reste cependant très lisible à l’oreille
Des signaux sonores émergents, bips des trains, fermetures et ouvertures des portes, annonces de départ
Des passages ferraillants, trainée sonore véloce, déferlante acoustique, rapidement à son paroxysme, et aussi rapidement décrue, puis disparue de notre champ auditif
Des grilles d’aération sur les chaussées des couloirs de bus qui claquent joliment
D’autres aérations, suspendues sous une voûte
Des portes automatiques qui ouvrent et referment des espaces ainsi resserrés ou agrandis, presque à géométries auriculaires variables
Une sorte de symphonie qui nous transporte en commun, juste assis sur un banc stratégiquement choisi.
1Mot valise Son-Signal pour franciser le terme de Jingle. Employé notamment pour les indicatifs sonores des gares, aéroports…
PAS – Parcours Audio Sensible Partition Guide partition d’écoute 1 Quartier de Vaise/industrie
Notice : Ce premier guide partition d’écoute s’appuie sur une série de repérages dans un site donné. En l’occurrence mon quartier, terrain favori et privilégié pour mener mes explorations et expérimentations audio-sensibles. Il propose un parcours pédestre d’environ deux kilomètres, en boucle, partant d’une station de métro, et nous y ramenant. Il ne demande aucun équipement spécifique, ni ne propose aucune installation sonore amplifiée, s’effectuant via des situations d’écoutes purement acoustiques. Cet itinéraire s’appuie au mieux que possible, sur une éco-audiobaladologie non énergivore, non intrusive, non invasive, privilégiant l’oreille, nue pour aborder des formes d’installations sonores quasi aléatoires, au final déjà pré-existantes, et éminemment contextuelles et interactives. Les PAS ainsi encartés œuvrent à créer des partitions de marches sensibles où la mise en situation et la posture sont au centre de processus créatif, tant en lecture qu’écriture paysagère. Il s’agit de goûter, de savourer des paysages sonores ambiants, en pour moi d’en faire collection. Ce jeu de partitions marchécoutées s’inscrit dans un long processus d’actions récurrentes, avec tout un contexte de variabilité in situ, impulsé il y a déjà une dizaine d’années maintenant, « Et avec ta ville, comment tu t’entends ? »
En pratique : Prévoyez une heure trente à deux heures pour le parcours intégral. Il est possible de le faire de façon fractionné, ou point par point, bien qu’il soit préférable de l’envisager comme une continuité spatio-temporelle qui gagnera à être appréhendée dans sa totalité. Vous pouvez télécharger et imprimer le plan guide, le consulter sur votre smartphone. Une application autonome est en cours d’écriture. Votre marche doit être apaisée, sans presser le pas, comme un geste d’arpentage non stressant. Libre à vous de choisir la durée des points d’ouïe immobiles, sachant que deux à trois minutes sont des valeurs propices à apprécier les ambiances à leur juste valeur, à « rentrer dedans ». Selon les moments, les événements sonores, vos humeurs d’écoutants, ces durées pourront être adaptées à chaque situation. A chaque point d’ouïe, il est intéressant de tester plusieurs postures d’écoute – yeux fermés, en tournant le dos à la source sonore, en mettant ses mains en pavillon derrière (ou devant) les oreilles, en tournant lentement sur soi-même, en faisant de lents aller-retours entre deux sources sonores… L’écoute reste ici le geste privilégié, mais n’exclue en rien de se délecter des couleurs d’une nuit tombante, des reflets de l’eau, des odeurs, des textures sous nos pieds, du vent sur le visage… Nous restons des être fondamentalement multi-sensoriels ! Vous pouvez effectuer ces parcours en solitaire, ou à deux ou trois. Au vue de leur caractère intime, où le silence est de mise, il est beaucoup plus difficile de les pratiquer en groupe plus conséquent.
Bonne déambulation, bonne écoute, bon PAS !
Parcours Vaise Industrie (Lyon9) : Rendez-vous sur le parvis de l’église Notre-Dame de l’Annonciation, place de Paris à Lyon 9, de préférence en fin de journée, dans l’idéal entre chiens et loups, nuit tombante. Regardez et écoutez en direction de la place, ou plutôt des deux places, celle du marché, devant vous, celle de la gare, plus à gauche. Un cœur urbain généralement très fréquenté et animé.
Prenez à gauche, traversez la rue de la Claire, puis celle du 24 mars 1852. Légèrement sur votre gauche, empruntez le passage couvert qui passe sous le bâtiment qui, longez le sur votre droite. Sur votre gauche, le talus de la voie de chemin de fer. Avancez jusqu’au premier embranchement, par où sortent les bus. Arrêtez vous dans l’avancée du trottoir. Écoutez ! passage de bus, soufflerie, trains, rythmes de grilles métalliques sur la chaussée au passage des bus, voix. Un espace entre-deux, singulier, plein de sonorités et rythmicités toniques !
Continuez en longeant le trottoir jusqu’au deuxième passage de bus, suivez le trottoir sur votre droite jusqu’à l’arrivée aux portes de la gare routière, sur votre droite également. Entrez dans le couloir intérieur d’attente des bus. Accoudez vous sur la rambarde dominant la fosse du métro au niveau inférieur. Écoutez la surprenante polyphonie du lieu. Voix, trains, métros, pas réverbérés… Un véritable concert multimodale !
Continuez le couloir jusqu’aux commerces (bureau de tabac, boulangerie). Contournez les par la droite pour prendre le couloir et l’emprunter vers la gauche. Peu après la boulangerie, quittez le hall par une porte coulissante à droite, avancez jusqu’au coude de la voie des bus. Traversez via le passage piéton pour vous diriger vers un passage couvert. A l’entrée de celui-ci, sur l’avancée de trottoir, vous pouvez écouter un nouveau point d’ouïe, surtout animé par le passage fréquent de bus dans un acoustique très réverbérante.
Empruntez le couloir à droite de la fresque murale, ressentez la transition acoustique. Des voix et des pas, tout s’apaise soudain. Légèrement sur votre gauche, empruntez l’escalier menant au premier niveau des parkings. Entrez dans ceux-ci. Traversez le parking en largeur, pour venir contre la paroi de grilles métalliques, d’où vous pouvez entendre la gare juste en face. De belles sonorités ferroviaires. Des voitures qui entrent ou sortent du parking font joliment claquer des joints métalliques au sol. Longez la paroi sur votre droite. Vous vous retrouvez juste au dessus d’une voie d’arrivée de bus. Une grosse dynamique visuelle et sonore, juste sous vos pieds. Au centre du parking, des grondements de basses sur la dalle au dessus de votre tête. De nuit, l’ambiance est assez saisissante.
Quittez le parking, rejoignez le passage couvert, sortez en direction de la rue de Saint-Cyr – Quai de la gare d’eau. Traversez cette dernière, longez le bâtiment Groupama sur votre droite, puis pénétrez par un chemin descendant dans l’espace extérieur des stades Joseph Boucaud, et des pistes de vitesse “Sport dans la ville”. Promenez vous le long des stades, dans les tribunes, écoutez l’acoustique très réverbérante des lieux, la rumeur de la ville étant sensiblement étouffée. Les jeux de ballon et parfois les courses de rolliers donnent à l’espace de belles dynamiques acoustiques, joliment spatialisées.
Ressortez par le même chemin, continuez sur votre gauche, en direction du Pont Schuman. Traversez la rue à l’angle du quai du Commerce – Quai Hyppolythe Jaÿr, empruntez le pont Robert Schuman par la large allée côté gauche. Arrêtez vous quelques minutes sur un banc vers le centre du pont, tourné vers la Saône. Écoutez.
Pont Schuman
Reprenez votre chemin vers le quai Joseph Gillet, parvenu à l’extrémité du pont, empruntez l’escalier à votre gauche qui descend vers les bas-quais des rives de Saône. Revenez légèrement sur votre droite, pour vous arrêter sous le pont, au milieu de préférence. Regardez la Saône. Écoutez. Après quelques instants, claquez dans les mains, ou poussez de brefs cris, assez forts. Écoutez les incroyables échos du pont. Jouez à les faire sonner, en tournant le dos à la Saône, testez différents sons, courts, longs, vous êtes au cœur d’une surprenante chambre d’échos !
Reprenez votre chemin sur le cheminement piétonnier des bas-quai, en vous dirigeant vers la passerelle Masaryk, sur votre gauche en regardant la Saône. Écoutez les clapotis, remous, les grincements des amarres et des gréements des péniches. Les sons des coureurs, promeneurs et parfois festoyeurs animent ces aménagements piétons très empruntés…
Continuez jusqu’à la passerelle Masaryk. Arrêtez vous au-dessous. Écoutez le grincement de ses haubans et les rythmes et percussions sur vos têtes, des piétons et vélos qui l’empruntent.
Remontez par les escaliers sur les quais hauts. Empruntez la passerelle Masaryk en écoutant sonner vos pas, ceux des promeneurs croisés, les sons des bicyclettes, skates, trottinettes et autres engins légers, éventuellement le passage de bateaux, péniches, sur la Saône, en contrebas…
Prenez droit devant vous, la rue Mazarik, jusqu’à revenir place de Paris, en face l’église Notre-Dame de l’Annonciation. Dernière petite halte d’écoute sur le parvis, pour voir ce qui à, ou non changé à l’oreille depuis votre départ. La boucle sonore est alors bouclée ! Vous pouvez la réempruntez à d’autres moments, plus tôt, plus tard, un jour de marché (Mercredi samedi et dimanche matin, de jour, de nuit…) J’avoue avoir une préférence pour la nuit, juste après la tombée du jour.
Dans le cadre de la Journée Nationale de l’Audition, PAS, Parcours Audio Sensible. Parcours d’écoute à tombée de nuit et nocturne autour de la gare de Vaise. Dedans-dehors, dessus-dessous, l’oreille se balade au rythme de nos pas…
Pour découvrir des lieux décalés, insolites, à fleur de tympan…
Départ 18H30 Place de Paris Lyon 9, parvis de l’église Notre Dame de l’Annonciation – Métro D terminus Gare de Vaise.
Des pas et des pas beaucoup de pas discrets ou claquants assurés ou hésitants rapides ou flâneurs… Des voix et des voix beaucoup de voix féminines et masculines Jeunes ou matures dans différentes langues différentes accentuations des voix annonceuses aussi microphoniques et amplifiées des trains au loin à gauche, au-dessus du talus entr’aperçus grondant et ferraillant par intermittence klaxonnant vivement ponctuation virulente déchirant l’espace ferroviaire et nocturne de surcroit des métros chuintant en dessous s’arrêtant puis repartant cycliques des bips de composteurs véloces stridences aigus sur bruit de fond magmatiques des portes coulissantes feutrées feulantes et sans claquement et d’autres portes sésames soumises aux cliquetis des tickets approuvés parfois une sonnerie rageuse bad compostage ou hors délai puis un balai effleurant les dalles en traquant l’immondice un charriot cliquetant des bruits de papiers froissés de bouteilles jetées decrescendo avec la nuit tombante un apaisement gradué s’installe des bus qui s’arrêtent tout près derrière la vitre des portes qui s’ouvrent alors des flux de pas et de voix en déferlantes puis un relâchement détente résiliant un calme envahissant qui revient les espaces qui ’apaisent discrètement les voix au loin encore se perdant dans un enchevêtrement de réverbérations un bébé braillard s’égosille un curieux effet d’écho au fond d’un long couloir vitré et obstinément dallé deux enfants passent en trombe de l’énergie dans les voix de l’énergie dans les corps des boules de vitalité bousculant la presque somnolence des lieux avant que de lui rendre la sirène d’une escouade policière parcourant furieusement les quais une valise à roulette fait chanter le jointoiement des dalles scansion entêtante qui marque son trajet indécis crescendo decrescendo chaotiques et vis et versa entremêlés jusqu’à l’extinction lointaine irrémédiable un tintement de clés des gardiens médiateurs le vacarme oh combien envahissant d’un rideau de fer qui coulisse en grondant en fermeture d’un commerce fatigué une gare toute aux oreilles en somme sa multiplicité ses acoustiques ses activités ses passagers ses objets fixes ou ambulants ses ambiances changeantes ses paysages forgés par l’écoute postée autant qu’obstinée des scènes remodelées par les mots du récit adjacent.
C’est une forme déambulatoire hybride entre le repérage et une version beta-test, avec quelques consignes à l’appui. – Le non repérage préalable, une errance improvisée selon les événements et envies de chacun – L’immobilité sur des points d’ouïe (périodique) – Le fait de faire en sorte que chacun puisse prendre la main (l’oreille) et devenir à son tour guide. Consignes qui ne seront du reste pas toutes suivies et appliquées durant le parcours – d’où la version d’essai de cette forme de soundwalk. Nous sommes un petit groupe de quatre personnes, soit huit oreilles calibrées dans une stéréo élargie. Gilles, promeneur écoutant et hôte, Jérémy, paysagiste, Carole, musicienne intervenant avec de très jeunes enfants et Marianne, opératrice culturelle composent notre équipage de marcheurs écoutants. Nous sommes dans un territoire lyonnais, à caractère nettement ferroviaire. Une gare dons nous explorerons les devants, derrières, intérieurs, extérieurs, dessus, dessous, transversalités et impasses… Nous croiserons de nombreuses séquences sonores, et plus encore, singulières, joliment singulières dirais-je même. Un accordéoniste, au pied de la gare, de ses escalators,que nous mixeront avec les chuintements des fontaines et les voix des passants. Le refuge d’une voûte plastifiée d’un escalier roulant aujourd’hui immobile. Une porte coulissante anthropomorphiquement gémissante. Un « pianiste de gare », serinant péniblement la « Lettre à Elise », non sans la massacrer un brin de ses doigts maladroits. Un escalier surplombant des quais où piaffent d’impatience et halètent des trains ronronnants. Un autre quai tout en longueur, sente ferroviaire menant à une sorte de gare jardin presque bucolique, bordée d’oiseaux, espace rompant avec la frénésie des lieux. Un train qui s’ébranle, d’autres qui traversent l’espace, ballet mécanique et plateforme grondante, nous sommes au centre d’une scène acoustique que n’auraient pas renié les futuristes d’antan. D’autres jardins terrasses surplombant la ville et, fermés à cette heure-ci ! Un nœud ferroviaire où les rythmes ferraillant scandent ce territoire mécanisé, cette zone de partance et de transit, invitation au voyage. J’adore les gares pour cela, et pour mille autres raisons, dont les sons ne sont sans doute pas de moindres choses. Un parking, où nous jouons une petite improvisation performance, dans un sas fermé de lourdes portes battantes et grinçantes à souhait. Rythmes, grincements, acoustique réverbérante, polyphonie sauvage, nous embarquons furtivement dans notre petit jeu, façon concert post Pierre Henry, des passants amusés, ou intrigués. Une autre marmotte pour moi, tester les portes et portillons qui pourront devenir de véritables instruments musicaux, ou tout au moins sonores, en explorer des modes de jeux en solo, ou en mode orchestre de chambre comme ici. Enfin, retour à notre place initiale, non sans avoir emprunter un long tunnel routier assourdissant, comme un final paroxysmique, en apothéose bruyant. La place nous ramène à un espace qui nous semble dès lors très apaisé, par le jeu des contrastes. Voici donc, comme de coutume, ce petit carnet de notes, où nos oreilles conjointes, les prises de sons de Carole et photos de Marianne assument leur entière subjectivité !
Assis, chaise urbaine ou une gare un banc ou marchant selon la ville gare trace l’oreille comme l’oreille trace la ville gare bips bips bips signe pas voix trains encore voix encore train train train et pourtant non question d’apaisement bruyant et d’absence de silence sonic Station list la rumeur diffuse alentours ou le détail juste à côté juste devant juste derrière juste présent souffles des souffles ses souffles à quasi perte d’entendement ventilation anthropomorphique comme in/expirante gare toujours encore peut-être sûrement passages hybridation de mon ici et de mes ailleurs on ne sait où d’ailleurs voix et autres voies chants – gutturalités – tonalités crissements à même les dalles et autres contaminations et autres… traces et fondus de métal sifflant des collections ambiantementales éclabousséesparmi d’autres postures immobiles propices à ou remises en marche tout aussi propices à halte stop pause arrêt sur dans pour un cri des cris j’ai cris ………………….. observatoire noyé discretcommeprésent assis dans les flux-mêmes je suis-je siège écoutant j’ai ouï je vois, cadrages enfilade de couloirs en perspectives Je sens pressens ressens espace gare à nous à vous à eux terrain dit sonnant je dis-je ludique en écoute postée je mes garesm’entendez-vous ?
Les frimas sont là, avec une belle humidité stagnant sur la ville. Pour autant, pas question pour moi de renoncer à mes points d’ouïe et autres PAS – Parcours Audio Sensibles. Ce sont devenus des exercices journaliers, comme faire mes gammes, garder l’oreille vive, entrainée, tester chaque jour de nouveaux espaces, de nouvelles postures… Les frimas et la pluie rendant parfois l’exercice assez inconfortable, je choisis d’élire temporairement domicile dans un vaste lieu, à deux pas de chez moi, à savoir une gare ou, pour être plus précis, une plateforme multimodale – où se croisent trains, bus, métro, voitures, vélos, piétons. C’est une sorte de grande zone d’aiguillage, sur quatre niveaux, redistribuant les piétons usagers vers différents transports et sorties sur le quartier. Un lieu couvert, qui me permet à la fois de déambuler et de me poster sur des bancs d’écoute, d’explorer, de tester. Exploration niveau -2 , quai des métros Exploration niveau -1, desserte parkings Exploration niveau 0, hall d’accès, escaliers et ascenseurs de distribution Exploration niveau I, couloirs et quai des bus Exploration niveau 2, quai SNCF En bref, d’immenses zones à parcourir, ouïr, décrire, écrire. J’ai déjà exploré moult fois ce lieu, seul ou accompagné, et ce soir, je décide d’investir le niveau 1, donnant accès aux bus. C’est un très grand U, couloirs carrelés, baies vitrées, portes coulissantes, fosse donnant sur le métro en contrebas, nombreux bancs métalliques, sans compter les usagers… Il est 19 heures, nous sommes un vendredi 11 novembre, donc jour férié, ce qui, au niveau de la circulation, réduit le flux habituel à ces heures-là, mais en conserve néanmoins une riche activité, diffuse sur tout le plateau scène d’écoute. Certaines heures sont plus propices, très tôt le matin, ou tard le soir, de même que certains jours, les dimanches soir notamment, ou jours fériés. Cette plateforme me donne un terrain de chasse remarquable, avec de longues coursives, des perspectives visuelles et sonores en enfilades, trouées de portes coulissantes qui ponctuent l’espace de chuintements pneumatiques, et des sons pénétrant de l’extérieur. Les nombreux bancs, dos à dos, me permettent des visées sur de nombreux cadrages, plus ou moins ouverts, abrités, ou non, ilots-affuts dans ce grand bateau de veille sensible. Des voix et des voies, rires, chuchotements, nombreuses langues d’Afrique ou de l’Est, enfants, ados, adultes, l’homme est au centre de la scène. Il passe par flux, sa présence parfois s’amenuise, puis réapparait de plus belle. Mouvements dans l’espace, les voix comme objets posées ou traits sonores traversant. Les pas, talons hauts, chaussures crissantes, ou silencieuses, un autre marqueur sono-spatial sur les vastes carrelages. Des voix juste derrière moi, sur un bans accolé dos à dos, à quelques centimètres – une intimité où je suis le confident malgré lui, épémère, d’une personne toute proche à cette instant. Je ne me sens pas forcément audio-voyeur, mais plutôt un peu plus vivant, dans le sens vivant dans une harmonie fragile et éphémère avec l’autre, avec mes proches de l’instant. Annonces, un train, un métro qui ne prend pas de voyageur, une personne attendue à l’accueil, les consignes vigipirates « tout bagage abandonné… » Des signaux sonores, bips des portes d’entrée, des portes des métro en contrebas, parfois tels des chants cristallins proches des crapauds des pierres en été. Des acoustiques changeantes au détour d’un couloir, plus ou moins réverbérantes, ou sèches. Grondements, sifflements, chuintements, freins dans des aigus acérés. Les métros en bas, les trains en haut, sur un butte tallutée, comme une hiérarchie verticale, ou deux mondes, celui de l’underground, et celui de la lumière s’étagent à l’oreille. D’ailleurs, concernant les lumières, elles sont comme les sons, diverses, crues, feutrées, points lumineux, clignotantes, réfléchies en tâches, en halos diffus, irrisantes sur les chaussées mouillées qui se reflètent dans les vitres de la gare… Je m’absorbe dans ces flux sensoriels, tentant parfois de les démêler, et parfois me laissant subjuguer, en errance dans leurs mouvances, leurs variations, marchant consciemment dans des traces situationnistes, psycho-géographiques. Tantôt assis, tantôt déambulant, je teste différentes postures, au niveau du corps, de l’état d’esprit, de l’écriture in situ, crayon et papier en main. Les gares sont des voyages immobiles, ou empreintes d’un mobilité bien circonscrite physiquement, alors qu’elles ouvrent d’immenses champs symboliques, imaginaires, des voyages infinis, ouverture pour moi sur une magnifique hétérotopie, des lieux divers, d’autres lieux, des lieux autres, qu’a si bien formulé Michel Foucault.
Il va d’ailleurs falloir un jour, que je me penche sur ce que sont, ou ne sont pas, les hétérotopies d’un paysage sonore.