Radio Ritournelles « Fictions de la forêt » Cartes postales sonores

Fictions de la forêt – Huit cartes postales sonores, forêt de la Double (Libournais)

Cliquez pour écouter

Carte postale sonore N°1

Carte postale sonore N°2

Carte postale sonore N°3

Carte postale sonore N°4

Carte postale sonore N°5

Carte postale sonore N°6

Carte postale sonore N°7

Carte postale sonore N°8

Cartes postales sonores installées dans les arbres. Montage réalisé par Gilles Malatray.
Restitution d’un projet d’éducation artistique et culturelle proposé aux enfants des écoles et centres de loisirs du Libournais qui ont pu mener une traversée sonore, artistique et littéraire du monde sylvestre.
Après l’écoute et l’enregistrement des bruits de la forêt de la Double avec Gilles Malatray -paysagiste sonore-, les enfants ont traduit leurs expériences et leurs sensations en poésie, accompagnés par les auteurs Laurent Contamin et Eduardo Berti.

Projet produit par Permanences de la littérature dans le cadre du dispositif de La Cali, L’Art de grandir.

  • Année de production 2022/2023
  • Restitution le 22 juin 2023, médiathèque BOMA, Saint-Denis-de-Pile (Gironde)

Allevard à portée d’oreilles

Affiche de La Galerie – Musée d’Allevard les Bains

Marche et paysage(s)

C’est la thématique qu’a choisi, pour sa réouverture dans un nouveau lieu flambant neuf, la Galerie Musée d’Allevard. Ce musée situé au pied du massif de Belledonne, retrace de fort belle façon l’histoire d’Allevard, avec son passé minier, la métallurgie, son histoire thermale depuis la fin du XIXe siècle, mais aussi le tourisme montagnard, où la pratique du ski et de la randonnée sont incontournables.

C’est donc autour de la marche, de la randonnée, sportive ou contemplative, que le paysage, ou plutôt les paysages montagnards, sont ici abordés.

Notamment en ce qui me concerne, le paysage sonore. Allevard, niché au pied de Belledonne, dans la vallée du Breda, est animé par un paysage aquatique qui se fait joliment entendre. Outre les thermes et leur Histoire, la rivière torrentueuse qui dévale des sommets, et arrose la cité, est omniprésente pour le promeneur, sorte de signature sonore incontournable. Le paysage sera donc fortement modelé par la présence de ce cours d’eau dynamique.

Histoire d’eaux, Bassins versants, et oreilles fluantes

Arrivé dans cette cité où l’eau a une importance capitale, tant dans l’histoire minière que thermale, et aujourd’hui en ce qui me concerne dans les sonorités-mêmes qui irriguent la petite ville, je ne pouvais me manquer de rattacher ma venue, mes arpentages, mes écoutes, mes enregistrements, au projet des bassins versants, que je mène actuellement.*

J’ai trouvé ici, de riches ressources, sans avoir le temps matériel de remonter aux sources, pour alimenter mes expériences sensibles, et réflexions en cours, cours d’eau bien entendu.

Au creux de cette vallée, passant et repassant de ponts en passerelles, deux sentiers en gorges et de ruelles en places publiques, où sonnent des fontaines rythmiques, magnétophone en main et oreilles aux aguets, je rentrerai enrichi d’un nouveau bagage sensoriel, sons, textes, photos, et souvenirs à l’appui. Toute cette matière qu’il me faudra organiser, notamment via une carte postale sonore a composer.

*https://drive.google.com/file/d/1ZlAf1VGBiboj9zLioX8-4T8DsZrKMVb6/view?usp=sharing

Le Breda comme fil bleu

Je ne ferai pas ici le descriptif fouillé du torrent de la Breda, mais donnerai simplement quelques indications autour de ses bassins versants.

« De 32,1 kilomètres de longueur, le Bréda coule de la chaîne de Belledonne vers l’Isère. Il prend sa source à l’est des Pointes du Mouchillon (2 347 m) dans le massif d’Allevard, sur la commune de la Ferrière, à l’altitude 1 990 mètres4. À l’altitude de 1 200 m, il génère la cascade du Pissou et descend la vallée du Haut Bréda jusqu’à Allevard, où il est rejoint par le torrent du Veyton. De la vallée d’Allevard, il débouche à l’extrémité méridionale du val Gelon mais ne l’emprunte pas, contournant par le nord la montagne de Brame-Farine à travers des gorges avant de se jeter dans l’Isère au niveau de Pontcharra4, à 255 mètres d’altitude, dans la vallée du Grésivaudan. La rivière Isère se jettera à son tour dans le Rhône à au nord de Valence, coulant ainsi  jusqu’en Méditerranée. » Source Wikipédia.

Le torrent du Breda et donc dès les premiers repérages un très fort point d’ancrage territorial, tant par le rôle qu’il a joué dans le développement industriel et économique de la région, que par sa présence auditive, esthétique, et la façon dont il a modelé le paysage, dans de belles gorges où il fait bon marcher. Depuis l’entrée jusqu’à la sortie de la ville, nous longeons le cours d’eau, structurant nos déplacements, animant de ses eaux bouillonnantes un paysage en mouvement, rafraîchissant l’oreille, lors de journées particulièrement caniculaires.

Points d’ouïe en repérage

Lors de mon arrivée dans un lieu, il me faut un temps d’imprégnation, partagé entre des marches exploratoires, et des points d’ouïe fixes, affûts sonores, bancs d’écoute, où je pourrai prendre le pouls acoustique des lieux. J’essayerai de le faire à différentes heures, pour écouter comment la vie auriculaire va évoluer, ses temps forts, ses moments d’apaisement, ses flux et reflux structurant l’écoute située, diurne et nocturne.

Mes marche me mèneront de l’intérieur vers l’extérieur, et vis et versa, passant rapidement de l’urbanité d’une petite ville à des espaces tout de suite plus « sauvages », paysage montagnard oblige.

Sur la place centrale, je choisirai un banc, plutôt ombragé à cette époque, me permettant d’avoir une oreille à l’affût des moindres sons de la ville. En toile de fond, une petite fontaine, dont le débit et la hauteur des jets,  à même le sol, varie selon une rythmicité programmée.

En face une église dont la cloche égraine ses repères temporels.

J’assisterai d’ici, à des moments forts de la journée, midi ou les terrasses nombreuses des restaurants se remplissent, de même qu’en fin de journée, jusqu’au moment où la ville s’endormira, la dernière terrasse fermée, et la fontaine désormais muette.

J’en profiterai pour capter quelques sons, préfiguration de la carte postale sonore à venir.

Un PAS – Parcours Audio Sensible

À l’invitation du musée, un petit groupe de promeneuses écoutantes s’est rassemblé, dés 9h du matin, à l’annonce de la canicule annoncée, sous le lieu d’écoute symbolique qu’est le kiosque à musique du parc thermal.

Après quelques paroles d’accueil, quelques explications sur la motivation et intentions du parcours, l’importance de faire silence pour laisser la place aux sons, les séquences qui seront ménagées au fil de notre promenade, nous partons à la découverte auriculaire d’Allevard, sur un cheminement d’écoute préalablement repéré.

L’ancrage local

Nous avons déjà noté l’importance du tissu patrimonial, historique, industriel, qui a marqué le développement de la ville, et le marque encore aujourd’hui, notamment par l’activité thermale. La toute récente rénovation et installation du musée flambant neuf au cœur du parc des thermes, celui-même qui accueille Notre promenade sonore en atteste.

À l’époque où la métallurgie et c’est un secteur florissant le long de la vallée du Breda, on peut imaginer des ambiances sonores complètement différentes de celles d’aujourd’hui, dont bien des sources ont disparues, se sont transformées, avec l’arrêt de l’exploitation minière et des industries attenantes notamment.

De même au niveau thermalisme, la grande époque du tourisme pour venir «prendre les eaux », si elle a connu des heures florissantes début du siècle, est aujourd’hui beaucoup plus limitée à des fonctions de soins.

Les grandes soirées, concerts dansants sous le kiosque, on fait place à une programmation culturelle moins mondaine, qui aimait montrer et faire entendre le faste d’une population aisée.

Beaucoup d’hôtels immenses et majestueux ont aujourd’hui fermé leurs portes. Ce qui a certainement dû rendre la petite ville d’Allevard beaucoup plus «tranquille » qu’elle ne l’a été, acoustiquement parlant. Néanmoins, dans la saison estivale pour les curistes, et hivernale pour les skieurs, le territoire est encore très visité, l’activité en terrasse des restaurants le montre bien, et le fait entendre.

Un parcours ludique

Découvrir le monde des sons via une promenade sonore, un parcours d’écoute, ne va pas forcément de soi, si l’on n’est pas accoutumé à la chose. Il faut donc que ces écoutes procurent le plaisir d’une découverte qui nous réserve des surprises, des jeux, des espaces et des moments ludiques. Nous en reparlerons d’ailleurs dans les échanges suivant la balade.

Une première séquence sous forme de jeux, tout près du centre ville, consiste à orienter mentalement notre écoute dans différentes directions, devant derrière, au loin ou tout près, à sélectionner des sources vers lesquelles nous ferons des zooms auditifs, montrant ainsi les capacités que nous avons à «trier » et mettre en avant certaines sonorités, de préférence les plus agréables.

Puis nous sortons de la ville, en direction du sentier du bout du monde, toute une poétique langagière montrant l’importance d’une géographie sensible, et sans doute de croyances, de mythes, et de légendes, au fil de l’histoire des lieux, et du cours d’eau du Breda.

Ce sentier, dont une grande partie est aujourd’hui inaccessible suite à l’éboulement de passerelles, longe une belle gorge où le torrent du Breda se fait entendre de façon assez spectaculaire et pour le moins prégnante. Deux petits ponts nous permettent de nous poster au-dessus de son cours, et de jouer avec la directivité de nos oreilles, en positionnant les mains en réflecteurs acoustiques, et en les orientant de façons différentes pour viser et filtrer différents espaces d’écoute aquatiques.

Dans un départ de sentier, qui nous isole un petit peu du torrent bavard en contrebas, quatre mini haut-parleurs sont installés autour des promeneurs. Ceux-ci diffusent, en contrepoint au chant des eaux, des ambiances de vrais /aux oiseaux, bestiaire imaginaire recomposé, qui vient décaler une ambiance sonore assez exotique pour l’endroit.

Au tout début du sentier, un vestige de viaduc longe le cours d’eau, allant progressivement en descendant jusqu’au niveau du chemin. Ses grandes arches de pierre font naître une rythmique remarquable, masquant parfois le son du torrent, et d’autres fois formant des fenêtres d’écoute plutôt réverbérantes. Chacune avec une spécificité sonore, comme des cadres acoustiques qu’on aurait construit pour entendre différents tableaux sonores.

Nous arrivons à un point du chemin, où la paroi rocheuse à notre droite reflète, réverbère, tel un miroir acoustique, les sons du torrent en contrebas, à notre gauche. Les sons semblent sortir et ruisseler d’une falaise, comme dans un paysage sonore à l’envers. L’effet est remarquable, et nous ne manquons pas de l’écouter, à l’aller comme au retour, dans une stéréophonie inversée. Les paysages sonores sont en fait peuplés de ce genre d’espaces de monstrations quasi muséales, comme si elles avaient été pensées et construites par et avec les oreilles d’un paysagiste sonore écoutant. Néanmoins, par manque d’attention où d’une forme de culture sonore développant l’écoute, ces petits joyaux acoustiques passent très souvent totalement inaperçus.

A l’entrée de la ville, sur le pas d’une porte, nous volons quelques mots au passage. Un papa commente son cadeau à un enfant ravi, une sucette géante ».

L’enchainement se fera involontairement par l’exploration d’une minuscule venelle pentue, en impasse, justement nommée « rue Bombec » cela ne s’invente pas, où nous attend un surprenant point d’ouïe.

Dans cet espace resserré, retranché de la ville toute proche, mille sonorités se dessinent dans l’espace, cloche, personne qui traverse notre champ d’écoute, et moult petits bruits qui s’échappent des fenêtres ouvertes. Effet dedans/dehors, intimité/espace public, tout en finesse et douceur. Tous les sons semblent à leur juste place, présents , localisables, à l’échelle du lieu, non envahissants. Un petit coin de paradis pour les oreilles que l’on trouve dans des architectures spécifiques, des villes « anciennes », des espaces montagnards resserrés dans des contreforts abrupts, des espaces quasi enclos qui protègent des frimas hivernaux comme des chaleurs estivales….

Nous empruntons une autre ruelle en haut de la place centrale, avec des travaux qui empêchent temporairement les voitures de l’emprunter.

Lieu idéal pour installer quatre mini haut-parleurs qui diffuseront des histoires forestières enfantines, récemment confectionnées dans le libournais. Décalage et frottement géographique et environnemental, une forêt bordelaise expatriée au milieu de travaux urbains dans le Grésivaudan. De nombreux passants jettent une oreille curieuse, titillée, contournent l’espace, s’excusent parfois discrètement de le « déranger » , alors que c’est plutôt nous qui le faisons. On sent que certaines personnes ont envie d’en entendre et savoir plus, sans vraiment oser s’arrêter pour ce faire.

Nous redescendons vers la place centrale, assez animée en cette fin de journée. La chaleur augmente en même temps qu’un brouhaha de voix, l’espace étant piétonnier, en cette journée des plus caniculaire. Une fontaine semble néanmoins rafraichir un brin, tant l’espace acoustique que physique, d’ailleurs très (trop?) minéral en ces temps de très fortes chaleurs. Cette fontaine « à résurgences » est programmée pour faire varier dans le temps la hauteur, et donc l’intensité de ses différents jets qui surgissent à même le sol, parfois glougloutis très bas, parfois s élevant sans prévenir, pour la plus grande joie des enfants, et parfois des adultes. Ces variations de hauteurs donnent à la fontaine une dynamique qui vient casser, visuellement comme auditivement, le flux continu que présente beaucoup de fontaines à « bruits blancs ».

Nous procéderons ici à de nouveaux jeux d’auscultations aquatiques, à l’aide de « longue-ouïes », stéthoscopes bricolés pour se transformer en objets d’écoute plongeant dans les remous de la fontaine. Façon de se rafraichir l’oreille en cette atmosphère estivale en surchauffe (environ 40° à l’ombre) où il faut être courageux.ses pour effectuer une marche écoutante. Une nouvelle fois, ces comportements déroutants d’écoutants dans l’espace public questionnent les passants, qui nous regardent d’un air étonné, parfois moqueur, ou curieux . Un couple ose s’arrêter, nous questionner. Je leurs tends les objets d’écoute dont ils se saisissent, après une petite hésitation, pour aller à leur tour plonger l’oreille au creux des flots. J’observe leurs regards amusés. Ils s’échangent les objets et nous disent que « c’est drôle comme on n’entend pas pareil, plus fort… » . Ce qui est justement le but du jeu, faire entendre autrement pour rendre l’oreille un peu plus curieuse, sans trop se mouiller ici…

Nous traversons une petite rue piétonne où les voix et sons des commerces attenants rythment joliment l’espace.

La chaleur augmentant rapidement, nous reprenons le chemin du musée pour continuer l’atelier par des échanges dans un espace plus frais.

Échanges

Petite rétrospective commentée de nos déambulation auriculaire.

Globalement, l’aspect ludique du parcours est apprécié.

Des temps forts sont relevés (le Bréda contre les rochers, la petite rue Bombec, le décalage des installations, ou des manipulations…).

On remarque évidemment l’omniprésence de l’eau, entre histoire thermale et industrielle, torrent traversant la ville, fontaine centrale, difficile de lui échapper ici.

On cherche à savoir quel lieu serrait choisi, si un point d’ouïe « idéal » devait être inauguré. Les avis oscillent entre le Bréda et ses échos et la petite rue Bombec, qui au final, paraît faire l’unanimité.

Nous parlons de la fabrication de cartes postales sonores in situ, façon de garder en mémoire, voire de partager l’expérience a posteriori. Les micros, le fait de voir les sons via un logiciel de montage et de traitement audionumérique, de les agencer pour (re)composer une histoire à notre façon, de synthétiser une longue marche en quelques minutes d’écoute… le côté cuisine du paysagisme sonore est abordé.

Nous écoutons quelques courts paysages sonores dedans/dehors, en expliquant le contexte, notamment lors d’un travail dans et à l’extérieur d’un centre pénitentiaire voisin, avec des détenus. Ambiances spécifiques et paroles du dedans, médiation vers l’extérieur, faire entrer et sortir des sons d’un environnement carcéral, des promenades et installation « à l’air libre »… les charges affectives comme les données informatives du monde sonore sont ici facilement perceptibles et partageables.

Les échanges porteront également sur les qualités sonores, comme sur les nuisances parfois engendrées et subies. Le son versus le bruit, les saturations urbaines – ce qui n’est pas vraiment le cas à Allevard – la santé publique et le mal-vivre dans des milieux bruyants, les espaces acoustiques à re-considérer, parfois protéger dans l’aménagement du territoire… autant de sujets liés à l’écologie sonore post Murray Schafer, qui questionnent nos façons de vivre et de s’entendre, du mieux que possible, dans le monde des sons qui nous entourent.

12 heures, fin de l’atelier après 3 heures de riches expériences d’écoutes et de fructueux échanges.

Du son

Une petite carte postale sonore d’Allevard et de ses environs, au long du torrent du Bréda (pris en repérage et montés après l’atelier).

Des images

Quelques illustrations visuelles au fil du cheminement (prises en repérage)

Lien Album photos

Remerciements à : La Galerie Musée d’Allevard et à son personnel pour son invitation et sympathique accueil, aux Amis du Musée d’Allevard, à la Municipalité d’Allevard et à la Communauté de communes du Grésivaudan, aux écoutantes de l’atelier pour leur active participation, toutes oreilles ouvertes, à Anne, du Barbouillon, pour la qualité et la sympathie de son accueil.

Zone Libre, points d’ouïe et histoires-traces bastiaises

According the World, Murray Schafer

Lorsque je reviens d’un séjour Desartsonnants, forcément sonore, j’ai dans la tête, en mémoire, mille souvenirs de rencontres, de beaux moments d’écoute, en concerts, performances, installations, ambiances urbaines… des choses que j’aime conserver, triturer, partager… Faire chanter les lieux…

Ce qui est le cas aujourd’hui, de retour de mon récent séjour au festival Zone Libre à Bastia.

Retrouvailles corses (de paysages comme de gens), découvertes, échanges, écoutes et promenades auriculaires, prises de sons, une semaine riche à tous points de vue (et d’ouïe).

J’ai donc envie, comme de coutume, de partager tout cela, via les sons glanés sur place, d’écrire une petite pièce, carte postale sonore personnelle, qui tentera de convoquer des sonorités, ambiances, capturées et mixées à ma façon. Une fiction qui rassemble ce qui ne va pas de soi, et pourtant me parait fidèle à ma petite histoire.

Ceci n’est pas une réalité acoustique, tant s’en faut, ceci est un paysage, sonore qui plus est !

Une musique bastiaise au fil des rues, pour qui sait l’entendre.

Avec la participation, et j’espère ne pas en oublier, de : Thibaut Drouillon, Hélène Blondel, un pianiste invisible et anonyme devant Una volta, une fontaine, des bateaux pétaradants et des passerelles grinçantes, des publics, la cloche de Saint-Marie, des passants, leur voix et leurs talons, les ouvriers de la place du musée et leurs incroyables poulies chantantes, Marc Veyrat et des élèves bastiais, Philippe Franck, Tommy Lawson, Roberto Paci dalo, La mer, Jean-Daniel Bécache, la ville de Bastia toute bruissonnante…

En écoute – According Bastia

Paysages et ambiances de villes 2015

dsc0278

Je relaie ici une page écrite par mon ami et collègue sound designer Frédéric Fradet.

Enseignement dispensé à l’École Nationale Supérieur d’Architecture de Lyon, ENSAL
Enseignants : Gilles Malatray, Jean-Yves Quay, Anna Wojtowicz, Sandra Fiori, Olivier Collier, Cécile Regnault, Frédéric Fradet

Cours magistraux, terrain et séances de projet d’analyse urbaine, réalisation de cartes postales sonores, dispensés à une centaine d’étudiants.

Les séances de montage sonore ont eu lieu dans les studios son de l’école, très bel outil pédagogique mis à disposition pour les étudiants.

Studio

©Frédéric Fradet

 

https://fredfradet.com/2015-paysages-et-ambiances-de-villes/

PAYSAGES ET AMBIANCES DES VILLES, APPROCHE SENSIBLE ET ARCHITECTURALE

PAYSAGES ET AMBIANCES (SONORES) DES VILLES

Module d’enseignement destiné à des étudiants de master de l’ENSAL (École Supérieure d’Architecture de Lyon)

ECOLE D ARCHITECTURE A VX EN VELIN

Il s’agit par cette approche toute à la fois analytique et sensible, de donner aux étudiants des outils de lecture et d’écriture croisés pour appréhender la ville au travers différents média, outils, axes de recherches.
Plusieurs TD et cours magistraux viennent apporter des ressources et méthodes, répartis sur une durée de deux à trois mois.

En préalable, des interventions théoriques seront menées, introduction au paysage, outils de cartographie sensible, écouter et enregistrer la ville pour en restituer une carte postale sonore et enfin, une approche/observation en marchant du quartier de la Guillotière à Lyon7.
La plupart de ces approches s’effectue en binôme, avec un architecte/urbaniste/cartographe, et un « spécialiste » de la chose sonore.

En ce qui concerne mes interventions, l’approche historique du paysage sonore, notamment via Murray Schafer et l’écologie sonore est présentée, illustrée de nombreuses écoutes de field recording, ainsi que différentes recherches contemporaines et approches artistique liées à la création sonore environnementale.

Une cession en TD autour du montage audionumérique via le logiciel Reaper est organisée.

La sortie sur le terrain sera une première expérimentation pratique pour voir-écouter-commenter un quartier urbain, encadrée et  argumentée par un binôme aménageur/écoutant. Une carte sensible sera à cette occasion demandée aux étudiants, qui devront, au travers la représentation d’un parcours, garder trace de leurs ressentis, d’une approche personnelle pouvant mêler différents média et modes de représentation où les ambiances visuelles et sonores (entre autres) seront notifiées.

Par la suite, de petits groupe d’étudiants se verront attribuer un espace donné, rue, place, cours intérieures. Ils devront en fournir une analyse urbaine reprenant l’essentiel de ce qui a été abordé en TD et lors de la promenade.
Recueillir des données historiques, sociologiques, aller sur le terrain, plusieurs fois, à différents moments, pour l’écouter, le regarder vivre… Noter, photographier, dessiner, cartographier, enregistrer, constituer une réserves de récits et de matières, de paroles et d’écrits…

En ce qui concerne la carte postale sonore proprement dite, il s’agit de représenter, en 3 à 4 minutes, un espace urbain, en lien avec le lieu analysé. Le fait de n’utiliser que le son pour cet exercice interroge certains étudiants quelque peu desarçonnés par l’approche, le fait d’envisager le seul son comme une constituante urbaine (autrement qu’en terme de nuisance et d’isolation normées) n’étant pas franchement habituel chez des aménageurs.
Il convient bien ici d’envisager l’approche auriculaire comme un prolongement, naturellement intégré dans l’analyse urbaine globale, et non pas comme une sorte d’annexe anecdotique et déconnectée.

Au-delà d’une recherche esthétique, la construction de la carte postale sonore devra donc intégrer une problématique liée au terrain, à ses usages, à ses populations, événements, aménagements.

monde-guillotiere

Le fait de travailler sur une large rue, ou sur des petites îlots intérieurs, sur une place ou des rives de fleuve conditionnera donc grandement un axe d’approche, tout en soulevant une problématique singulière.
L’analyse urbaine, sons y compris, ne pourra se contenter d’une simple description où seraient amassés ou juxtaposés différents renseignements, textes, photos, sons…
Il va falloir en cerner une approche questionnante, problématisante, un axe d’attaque qui tirera et tricotera des fils selon une logique donnant au rendu un réel intérêt prospectif. C’est en tout cas ce que tente de convoquer cette UE, qui se déroule maintenant depuis plusieurs années.

Pour le son par exemple, il s’agira, en écoutant/regardant, avant-même d’avoir tendu le moindre micro, par quelle biais, quelle approche se construira notre carte postale. Et bien évidemment, le questionnement choisi conditionnera les sources sonores collectées, et la manière formelle et esthétique qui sera structurera le rendu final.
Pa exemple, choisir de parler de mixité ou de gentrification, de s’appuyer sur des travaux de requalification, ou réhabilitation, sur les commerces ou la structuration d’une rue via un tramway, sur le réaménagement piétonnier des rives d’un fleuve, les fêtes, les marchés ou les sports urbains, sur l’acoustique des ilots et des cours intérieures… ou bien d’autres approches, impliquera des choix de de matériaux et de montage spécifiques.
Enregistrera t-on en point fixe, en marchant, sur quels trajets, ou  via un montage de différents spots combinés ou non… Quelles ambiances panoramiques ou zooms sur des micro événements, quelles place(s) à la voix,  à quels moments du jour ou de la nuit, quel parti pris montrer pour avoir une approche singulière tout en restant en adéquation avec le discours général… ?
Bien souvent, l’arpentage systématique du terrain, souvent hélas réduit par négligence, ou périodes de charrettes, est en mesure de donner des réponses pertinentes, ou en tous cas des questionnements, et de fournir matière à (re)composer.
Formellement, cette carte postale sonore sera contrainte par le choix des matériaux des ambiances…
Comment trier les sons, effectuer un dérushage pertinent pour ne garder que « la substantifique moelle » sonore ?
Comment introduire la séquence, la faire évoluer par une construction assumée qui pourra comparer des lieux, des ambiances, proposer des transitions en fondues, des cassures, des phénomène d’amplification, ou d’apaisement, des tensions, des points forts, des  effets de surprises, une fin « logique »… ?  
Comment marquer des transitions, l’affirmation et l’évolution d’un discours, même en trois minutes de sons, en gardant l’attention et la curiosité de l’auditeur en éveil ?
Bref, comme les partis pris graphiques, ceux liés au sons devront rendre compte d’une approche personnelle, d’une analyse de terrain plausible, même si l’imaginaire, le rêve, le décalage, les distorsions ou amplifications subjectives ont tout à fait le « droit à la parole », voire sont les bienvenues pour échapper à une froide description.

carte-population-guilliotiere

Globalement, ces approches sensibles donnent lieu à d’assez intéressants rendus, même si parfois disparates dans les investissements et la qualité des réflexions et mises en forme.

Une présentation publique est organisée en fin de parcours, dans la grande rue centrale de l’école, où documents visuels, photographiques, cartes, maquettes, écrits et sons, sont mis en scène par lieux, comme une sorte de patchwork combinant différentes approches sensibles et analyses du quartier de la Guillotière.

Quelques projets singuliers et pertinents émergent. La ville, voire plus, vue/entendue en coupe du haut en bas, jusqu’à l’intérieur de la matière – la cité au rythme d’objets glanés, mis en espace, en scène et en rythmes – une vraie fausse approche via un guide touristique décalé, d’une ville en façades décors et de ses arrières « sauvages » – un travail de parcours très fouillé, méthodique, sur 12 places triangulaires et leurs rapports au quartier…

On s’aperçoit, en suivant les démarches des étudiants, leurs tâtonnements, errements, fausses routes, impasses, idées lumineuses… que la problématisation des projets, souvent tardive et parfois très floue, ou fluctuante, vient grandement freiner l’avancée, voire la pertinence des travaux.
On met parfois la charrue avant les bœufs, en allant prendre sur le terrain sons et photos, puis en s’apercevant que ces derniers ne servent pas le propos, le récit, la problématique, qui se sont progressivement mis en place, et qu’il faut retourner in situ pour agrandir, compléter ou revoir complètement sa bibliothèque multimédia, ses collectages de matières sensibles.

Néanmoins il s’agit d’un enseignement pour moi très riche, qui m’apporte beaucoup dans la perceptions d’espaces sensibles, et pas seulement sonores, leurs usages, leurs fonctionnements, ou dysfonctionnements, leurs appropriations (ou non), leurs difficultés, ou leurs aménités, les approches croisées d’aménageurs, urbanistes cartographes, architectes…

Mon regret : ce module, datant maintenant de 5 à 6 ans je crois, qui avait progressivement évolué, s’était structuré dans sa méthodologie, ses outils, ses ressources, ses exigences, ne sera pas reconduit l’an prochain, victime d’une refonte générale du projet éducatif de l’école.

amaranthe