Arpenter, écouter, aux rythmes de la lenteur

PAS – Parcours Audio Sensible nocturne – Loupian (34) Centre culturel O34rjj

Parce que l’écoute demande de la disponibilité, et que la disponibilité demande du temps.

Le temps de l’arpentage en l’occurrence, celui qui nous mesure à l’espace, physique et acoustique, matériel et sensoriel, topologique et symbolique, celui qui nous incite à y trouver notre place, sans rien précipiter. 

Il nous faut nous glisser discrètement à notre place d’écoutant, celui qui désire se plonger dans les ambiances sonores, sans les brusquer, tout doucement, sans faire de bruit, ou très peu.

Nous nous sentirons notre place en prenant le temps de nous glisser entre, et dans les sons, de les laisser nous entourer, avec plus ou moins de douceur, et parfois de brusquerie, il faut en avoir conscience.

La lenteur est aussi dans la façon de marcher, donc d’arpenter, sans presser le pas, voire en le ralentissant de plus en plus, jusqu’à s’immobiliser (situation de point d’ouïe).

Les sons quant à eux, ne s’arrêteront pas pour autant, ils continueront leur ronde environnante, vivante et incessante.

Parfois cependant, il sembleront ralentir, comme dans le murmure d’un ruisseau courant, sans heurt, ni ressac, ni crescendo. Un flux reposant.

Dans une écoute attentive, le rythme est intrinsèquement empreint de lenteur, et si il ne l’est pas, il faudra la rechercher, la fabriquer même, en ralentissant franchement, contre vents et marées.

La nuit par exemple, est un moment propice à plus de lenteur, à des rythmes apaisés, enveloppés d’ obscurité, de demi-teintes, lumineuses et sonores. L’écoutant peut ainsi partir à la recherche d’espaces nocturnes, ceux peu habités, peu fréquentés, aux heures creuses, qui compenseront ses journées trépidantes.

Il peut aussi se frotter à des forêts profondes, là où marcher tranquillement, loin des routes aux flux énervés.

Dans l’idéal il peut également aspirer à une cité épurée de ses innombrables déchets sonores, de ses pollutions qui mettent l’oreille et le corps entier à mal.

La lenteur est, avec le silence, un amplificateur d’écoute, accueillie comme une respiration bienfaisante.

Exemple vécu, lors d’un PAS – Parcours Audio Sensible nocturne, dans un trajet de la place de la Croix-Rousse jusqu’à la place de l’Opéra, via les pentes et les traboules lyonnaises.

Distance : environ 1 km, zigzags compris.

Durée : deux bonnes heures.

Conditions : silence du groupe

Vitesse de déambulation : à peine 0,5 km/h, arrêts compris.

Taux de satisfaction des promeneurs écoutants : 100 %

La vitesse est sans doute, un vecteur d’inhabitabilité chronique, dans un monde qui file à grands pas vers l’insoutenable, en produisant un chaos lui-même de plus en plus inécoutable.

Il faut casser les rythmes trop effrénés, trop agressifs, pour réécouter, et au-delà, vivre et survivre au tumulte menaçant.

Il nous faut encore et toujours ralentir pour mieux entendre, nous entendre, pour tenter de mieux comprendre, pour que les paroles circulent sereinement, pour qu’on puisse en saisir la teneur, pour réduire les maltraitances de décisions et d’actions violentes et arbitraires.

La lenteur est un facteur qui conforte une pensée et une action collective pacifiée, ici celle de l’écoute, comme un acte écologique a priori anodin, néanmoins nécessaire au quotidien, en l’occurrence vers une écologie auriculaire et sociétale.

Le monde, y compris sonore, pour qu’il soit vivable, doit être pensé via une recherche d’apaisements, de ralentissements, d’économies de gestes et de réflexions, hors des réseaux épidermiques, frénétiques, générant des actions irréfléchies, à l’emporte-pièce. La recherche de paysages sonores vivables ne peut faire l’économie d’une éthique écoutante, fondamentalement relationnelle. Le plaisir de faire ensemble, de résister collectivement à un emballement sclérosant nos relations sociales, n’en sera que plus fort.

Pour conclure, les PAS – Parcours Audio Sensibles, offrent des arpentages de territoires, au fil d’expérimentations sensorielles, où la lenteur et de mise, jusque dans une certaine radicalité performative, néanmoins tout en douceur.

L’absence de tout dispositif technique, scénique, la simplicité du geste, son inscription dans un espace-temps non précipité, à la recherche de zones apaisées, militent pour une approche sensible, non invasive, non stressante, respectueuse des lieux arpentés comme des acteurs arpenteurs.

Publication : Exploring the ecologies of music and sound

Desartsonnants

Ce livre explore les écologies de la musique et du son, inspiré par Félix Guattari, pour qui les destructions environnementales provoquées par le capitalisme vont de pair avec les dégradations des modes de vie et de sentir, et pour qui la position écosophique, combinant les divers registres écologiques, offre une perspective d’émancipation. Sont ainsi auscultées les relations au vivant, au mental et au social au regard de l’histoire de la musique comme des artivismes actuels, tout particulièrement dans les domaines de l’écologie acoustique, de la musique contemporaine et des arts sonores, à partir de figures artistiques telles que Hildegard Westerkamp, Agostino Di Scipio, Jean-Luc Hervé, Francisco López, Chris Watson ou Iannis Xenakis ainsi que de bien d’autres artistes actuels. Plusieurs débats théoriques et analytiques sont menés : sur la théorie des milieux sonores et les biopolitiques du son ; sur les compositions à base de paysages sonores…

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Soundscape Symposium – SOUNDSTAINABILITY

Desartsonnants

LUGANO | October 47 | 2023

Sound is much more of an immersive and relational phenomena than we are accustomed to believing and usually admitting. There is no doubt that environmental sound represents a highly specific mode to learn about the world and its quality is a vital condition for human beings and for other animal species.

Sound surrounds us and we create it. Animals use sound, producing it and obtaining information from it: moving through spaces, feeding, reproducing, defending themselves, playing. Humans extend this use to culture and its symbolic forms, within which sound plays a fundamental role. Sound is, indeed, part of our environmental systems and the listening and production of sounds register, reveal, and modify the processes within these systems.
It is therefore important to pay attention to the present and future state of the sound world, to understand its equilibrium and ask if and…

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Une carte de PAS – Parcours audio Sensibles – Maillage territorial

En complément de l’article précédant, autour des PAS – Parcours Audio Sensibles Desartsonnants, voici le lien d’une carte de PAS géolocalisées, ici ou là, ailleurs et plus loin…

Fabrique de Paysages sonores et territoires auriculaires en chantier.

Cliquez sur la carte pour accéder à la version interactive

Listening After Nature

Field Recording, Ecology, Critical Practice

Description

Listening After Nature examines the constructions and erasures that haunt field recording practice and discourse. Analyzing archival and contemporary soundworks through a combination of post-colonial, ecological and sound studies scholarship, Mark Peter Wright recodes the Field; troubles conceptions of Nature; expands site-specificity; and unearths hidden technocultures. What exists beyond the signal? How is agency performed and negotiated between humans and nonhumans? What exactly is a field recording and what are its pedagogical potentials?

These questions are operated by a methodology of listening that incorporates the spaces of audition, as well as Wright’s own practice-based reflections. In doing so, Listening After Nature posits a range of novel interventions. One example is the “Noisy-Nonself,” a conceptual figuration with which to comprehend the presence of reticent recordists. “Contact Zones and Elsewhere Fields” offers another unique contribution by reimaging the relationship between the field and studio. In the final chapter, Wright explores the microphone by tracing its critical and creative connections to natural resource extraction and contemporary practice.

Listening After Nature auditions water and waste, infrastructures and animals, technologies and recordists, data and stars. It grapples with the thresholds of sensory perception and anchors itself to the question: what am I not hearing? In doing so, it challenges Western universalisms that code the field whilst offering vibrant practice-based possibilities.

Table of Contents

Acknowledgments
Introduction
1. Recoding the Field
2. Constructing Nature
3. Stretching Site
4. Following the Flow
Conclusion: Pressing Record & Pressing Play-On Suspicious Listening & Affirmative Ethics
Bibliography
Index

Author biography

Mark Peter Wright is an artist, researcher, and member of CRiSAP (Creative Research into Sound Arts Practice), University of the Arts, London. His practice intersects sound arts, ecology, and experimental pedagogy across exhibition, performance, and publishing.

http://markpeterwright.net/

Marcher, danser, écouter, faire sonner, Lire/écrire et composer des paysages sonores in situ

J’imagine, dans un festival, ou ailleurs, la co-écriture/lecture d’un paysage sonore déambulant, avec un ou plusieurs musiciens, lecteurs, performeurs, danseurs..

Installer l’écoute pour ré-entendre les lieux dans leur jus, les faire sonner, respectueusement, les dire et/ou jouer, révéler leurs acoustiques, des plus intimes aux plus spectaculaires, voire spectraculaires…

Je cherche les partenaires, lieux, opportunités, complicités…

Un PAS – Parcours Audio Sensible manceaux

PAS – Parcours Audio Sensibles manceaux
Les 24 heures du son

Premiers pas et repérages

Diurne
Arrivé relativement tôt au Mans, le premier trajet sera, pour prendre le pouls de la ville, de la gare jusqu’à l’école d’art du TALM, qui m’invite à venir travailler avec des étudiants en design sonore autour de la notion de parcours sonores.
Une fois encore, j’ai une image très imprécise de la ville, voire totalement fausse. Je m’imaginais en effet une cité relativement plate, sans grand relief, or il n’en est rien. Il y a bien une ville basse, arrosée par la Sarthe, et une ville haute, jusqu’à la cathédrale et les fortifications, via le quartier historique de Plantagenêt.
La première traversée, suivant les voies du tram, traversant le centre ville, est assez « classique », un axe très circulant, bordé de commerces divers, ponctué de places publiques de différentes tailles.
Halte à l’école d’art, où je dépose avec plaisir ma grosse valise.
Départ pour le repérage d’un autre tronçon urbain, vers la ville haute, empruntant les dédales de la vieille cité médiévale.
Trajets sinueux, arrêts sur points d’ouïe potentiels, plongeons dans quelques acoustiques réverbérantes, endroits protégés… En ce début d’automne, dans des espaces plutôt resserres, les ambiances sont assez calmes, hormis la redescende, au pied des fortifications, via un marché très sympathique et animé.
Le parcours offre un panel d’écoutes très intéressant, dénivelés et pavés à l’appui.

Nocturne
Autour de la grande place centrale dite de La République.
Le fond de l’air est doux, très agréable.
Un banc d’écoute m’offre un point d’ouïe très agréable.
Beaucoup de promeneurs, flâneurs et autres passants rentrant du travail faisant les courses du soir.
Beaucoup de jeunes étudiants s’égayant joyeusement dans l’espace public.
Un espace acoustique là encore agréable à visiter de l’oreille.

Une première journée de repérage en solo, bien remplie, d’ailleurs assez physique au regard de la topologie urbaine mandéenne.

Rencontres avec les étudiants

Je présente à un groupe assez nombreux dans un premier temps, mon travail illustré d’expériences de terrain, ainsi que quelques autres activistes du paysage sonore de différentes générations, et de leurs recherches, créations et travaux respectifs. L’objectif restant de travailler autour du ou des parcours d’écoute, comme objet de création. Suite à cela, nous engageons de premiers échanges où les notions de paysage, écologie, aménagement et créations sonores sont abordées.
Dans un deuxième temps, des échanges ont lieu avec un groupe ARC (Atelier Recherche et Création) beaucoup plus restreint, avec lequel nous travaillerons sur la construction et la mise en pratique de parcours sonores.
Nous focaliseront les propositions autour de la ville (Le Mans) auscultée, parcourue, mise en écoute, au regard d’expériences desartsonnantes et autres praticiens, artistes marcheurs écoutants.

PAS – Parcours Audio Sensibles collectif

A la suite de ces échanges, et au regard de mon repérage de la veille, j’embarquerai le groupe ARC dans une assez longue et lente déambulation écoutante, dans une périphérie autour de l’école, jalonnée de plusieurs points d’ouïe, et autres d’expériences autour de postures et d’objets, dont certains improvisés au fil du parcours.
Comme de coutume, silence et lenteur seront convoqués pour nous immerger, essentiellement à oreilles nues, dans ce PAS au cœur de paysages sonores manceaux.

Immersion en cité du Plantagenêt

Juste derrière et au-dessus de l’école, le quartier historique du Mans, médiéval et Renaissance, s’accroche à une butte pavée et pentue, jusqu’à l’imposante cathédrale. Cité dans la cité, ceinte d’anciennes fortifications gallo-romaines, ce micro territoire constituera un excellent terrain d’écoute pour débuter notre promenade écoutante.
Espace acoustique piéton privilégié, de ruelles en placettes minérales resserrées, ponctuée de commerces, c’est une belle façon de rentrer dans l’écoute.
On y installe tout à la fois le silence et l’écoute, dans un espace apaisé, croisant parfois quelques passants devisant, souvent signalé par la percussion de leurs pas avant-même qu’ils n’entrent dans notre champ de vision.
Point d’ouïe, scène d’écoute ténue et subtile, à une croisée de ruelles. Les fenêtres ouvertes de la cuisine d’un restaurant nous font entendre de discrets tintements de verres et de couverts, petit concert de percussions, intime et délicat. Tendre l’oreille vers le presque rien, l’infra-ordinaire qui font la beauté des lieux.
Un son de sonnailles, incongru en ce lieu, se fait entendre. Il s’agit d’un présentoir métallique, où sont suspendues de multiples casseroles en acier, qui tintent en s’entrechoquant lorsque cet étrange présentoir est sorti de l’échoppe. Nous ne manquerons pas d’en percuter quelques unes au passage.

Il y a de l’orage dans la pierre

Je choisis une ruelle très étroite, en retrait de la rue principale, pour y installer quelques sonorités exogènes de mon cru. Quatre mini enceintes portables, autonomes, sont disposées en mode couloir, profitant des murs resserrés et de la minéralité des espaces, pavés compris, de façon à faire circuler des sons d’orages revisités. Ces derniers sont empruntés à une autre installation sonore lyonnaise. Une ambiance orageuse, mâtinée d’éclairs électroniques, sous un ciel d’un bleu azuréen. Magritte n’aurait pas dénié ce paradoxe sensoriel.
Une couche sonore en frottement.
L’installation progressive, qui vient réécrire une architecture acoustique remaniée, aux limites incertaines, suivie d’une désinstallation elle aussi progressive; glissement vers un retour à la normale résilient, où un certain silence reprend ses droits.
Anecdote, une passante et son chien, qui s’avèrent habiter dans une maison de la ruelle sonifiée, restent à l’entrée de la ruelle, visiblement inquiets et pas très rassurés de ce rassemblement silencieux et de ces sons pour le moins déroutants. L’un de nous leurs explique cette expérience étudiante. Nos riverains finiront finalement par rentrer chez eux, en se glissant timidement entre entre les grondements et écoutants. La perturbation de l’espace public par la modification de ses paysages normalement attendus, fait aussi partie du jeu.

Tranchée et percée d’écoute, zoom et fenêtre panoramique

Nous arrivons sur le haut de la ville. Un pont, très haut, enjambe une route en contrebas. La vue domine une sorte de grande percée fortement encaissée à nos pied, coup de sabre brutal dans le paysage.
Un flux irrégulier de voitures passent sur la chaussée que nous dominant, et quelques piétons dont les voix nous parviennent, réverbérée par des parois de pierre. Une situation d’écoute panoramique assez originale en son genre, où l’oreille est guidée pas une ligne radicalement creusée par l’aménagement urbain. Une rumeur montant du bas, néanmoins assez canalisée par une fracture urbaine nettement marquée.
Et il se trouve que deux cônes de chantier sont posés là, sur la petite esplanade point d’ouïe idéale. Ils y étaient déjà là la veille, lors de mon repérage, et j’avais alors espéré qu’ils y restent jusqu’aujourd’hui, pour notre parcours collectif. Vœu exaucé !
Nous jouerons donc, et le verbe jouer prend ici tout sons sens, par les gestes ludiques qu’induisent ces cônes « longue ouïe » – écouter , amplifier, colorer, viser, parler, crier, chuchoter, stéréophoniser, mettre en scène…
Les étudiants, et encadrants prennent un plaisir manifeste à détourner de leur fonction initiale de balise de travaux, à se mettre en scène comme des écoutants et joueurs d’espaces, bien marqué dans cette position géographique de surplomb urbain. Ce n’est certes pas la première fois que nous rencontrons et testons, lors de promenades écoutantes, ces cônes de chantier comme objets d’écoute et porte-voix, mais non seulement le plaisir du jeu est toujours renouvelé, qui plus est dans un panorama auriculaire singulier comme ce surplomb d’une brèche urbaine.

Immersion résonante, les effets cathédrale

Arrivée à la cathédrale, imposante, dominant la ville avec le château voisin, nous ne pouvions passez près de l’édifice sans explorer son acoustique, type réverbération cathédrale, emblématique.
J’y avais déjà fait une longue halte la veille, lors du repérage, et effectué un enregistrement audio venant compléter ma collection en chantier d’espaces résonants.
Une immersion s’impose; Prendre le temps de savourer cette acoustique où le moindre son est magnifié. Des voix chuchotées, des pas, des portes, et les sons de l’extérieur joliment filtrés. Tout une ambiance que seul ce type de bâtiments, par son gigantisme minéral, sait créer. C’est un espace d’écoute privilégié, pour accoutumer l’oreille aux micro sonorités, découvrir les mille et un secrets de la réverbération, entendre les sons se déplacer dans l’espace, nous environner.
Assis vers le centre, nous sommes au sweet-spot d’une superbe immersion.
Debout, nous multiplions les points d’ouïe, les espaces transitoires entre grandes travées et chapelles latérale. Un petit territoire où je pourrais passer des heures à l’explorer, tester, parfois faire sonner, de la voix… Le chant dyphonique s’y prête à merveille, je le teste. Les longues notes vocalisées aussi, une chanteuse du groupe s’y essaie.
Deux espaces, non sonores et pourtant Oh combien évocateurs sont remarquables. Dans une chapelle, un fantastique plafond peint aux anges musiciens. On peut imaginer les entendre jouer, paysage sonore archéophonique.
Sur une aile, d’imposantes orgues romantiques, muettes lors de notre passage, mais on imagine aisément la puissance sonore que ce majestueux instrument peut développer dans un tel lieu.

Auscultations ferraillantes

Juste à l’extérieur de la cathédrale, à coté de son parvis, un espace pavé est délimité par des lourdes chaines métalliques tendues entre des potelets. Un terrain de jeu tout trouvé pour ausculter la matière. Objets d’écoute, stéthoscopes, on tapote, agite, secoue… Ça vibre, résonne, ferraille, cliquette, frotte, claque… Des sons amplifiés et colorés par des objets « longue-ouïe » bricolés pour tendre l’oreille vers les micros sons. Des jeux de loupes et de zooms, de focale et d’improvisations du bout des doigts.

Bancs d’écoute et espace acousmatique

Nous quittons le quartier historique. Au pied de la cathédrale, un petit jardin assez intime se niche au flanc des murailles fortifiées.
Des bancs nous invitent à une écoute posée, posture que j’affectionne tout particulièrement. Point d’ouïe en bancs d’écoute, ne pas marcher vers les sons, mais les laisser venir à nous, les laisser nous environner.
Nous entendons des travaux de l’autre côté des murs, au-dessus, sans en voir les sources. Une écoute acoustique en bonne et due forme, qui laisse place à l’imagination.
Les végétaux se prêtent à leur tour à une auscultation, ainsi qu’une sculpture métallique, les graviers du sol…
De très imposants platanes frissonnent sous le vent, dans un chuintement végétal, bruit blanc de feuilles qui commencent à se racornir en cet automne encore très doux.
Une belle écoute où l’on prend le temps de poser l’oreille, même si elle commence à être repue de toutes des scènes auditives enchainées.

Fontaine, je boirai de ton son

Dernier arrêt vers une petite fontaine contemporaine, tout près de l’école, qui n’était pas forcément prévu, mais que les étudiants avaient visiblement envie de faire.
Autre bruit blanc, celui de l’eau qui vient masquer peu à peu le flux routier que nous avons rejoint progressivement. Outre le fait de nettoyer la sculpture centrale d’une canette de bière pas vraiment à sa place, nous auscultons une nouvelle matière sonore, aquatique cette fois-ci, avec ses glougloutements rafraichissants.

L’itinéraire initial, en tout cas celui pensé lors du repérage, avait prévu un passage par la grande place centrale pour clore ce PAS.
Le temps filant, et l’oreille commençant à fatiguer, l’attention se dissiper après deux heures de pérégrination écoutante, nous rentrerons directement à l’école pour un débriefing final.

Discussion, projets de parcours à venir

Les derniers échanges se feront autour de l’expérience vécue précédemment.
Ressentis, curiosité, autres lieux intéressants à visiter de l’oreille, autres façons d’envisager ce genre de parcours, quelques ressources suplémentaires pour fouiller le terrain du soundwalking.
Dans un deuxième temps, il sera question de la suite, une prochaine journée à venir sur cette même thématique.
Cette fois-ci, ce sont les étudiants eux-même qui auront la charge d’écrire le parcours, d’en imaginer les mises en situations, les postures, objets ou dispositifs… Bref, de devenir concepteurs et guides de nouveauxs parcours d’écoute manceaux.
Nous testerons donc prochainement, in situ, leurs propres premières écritures audio-déambulantes.
Le projet final étant de proposer, dans le cadre de la prochaine édition du festival Le Mans sonore, début 2024, un ou plusieurs parcours d’écoute emmenant cette fois-ci du public à la découverte de paysages sonores locaux. Et ceux toujours suite au travail des étudiants en design sonore. Belles perspectives !

Sons de cathédrale

Prise de son immersive brute

Vidéo-parcours

Diaporama

https://photos.app.goo.gl/gB9jzZPP298Q5UmEA

@Crédit photo TALM Rodolphe Alexis

Stage, Enregistrer le paysage – Marc Namblard

Marc Namblard 17 21 avril 2023 Châtillon sur Saône Chants et percussions d’oiseaux, choeurs d’amphibiens, appels et échos de mammifères, stridulations et cymbalisations d’insectes, rumeurs de cours d’eau et de vent, grondements d’orages ou de glaces, bruissements de plantes… tels sont les nombreux sujets d’écoute et d’enregistrement des audio-naturalistes, qu’ils soient amateurs ou professionnels, à […]

Stage, Enregistrer le paysage — DESARTSONNANTS – SONOS//FAIRE

PARTITIONS EN MARCHE ET MARCHES – TERRITOIRES PARTITIONNÉES

On pourrait se demander, en exergue à cette réflexion, quels sont les rapports, entre sons, territoires et kinesthésie, entre soundwalk, balade sonore, et autres PAS — Parcours Audio Sensibles. Quels liens unissent ces différentes pratiques et comment, in fine, se rapprochent-elles d’une partition sonore, voire musicale ? 

On pourrait se demander, en exergue à cette réflexion, quels sont les rapports, entre sons, territoires et kinesthésie, entre soundwalk, balade sonore, et autres PAS – Parcours Audio Sensibles.

Quels liens unissent ces différentes pratiques et comment, in fine, se rapprochent-elles d’une partition sonore, voire musicale ? Enfin, la question serait de comprendre comment certaines pratiques enseignent et transmettent à des promeneurs-écoutants, ré-interprètes potentiels, tout à la fois des actions, via un système de consignes, inscrivant les signes d’une forte corporalité dans les territoires arpentés.

Sons, territoires, entre écologie et esthétisme

Pour ce qui est des rapports sons/territoires, un paysage sonore se dessine via l’écoute, en fonction des sources auriculaires, de leurs localisations, mouvements, des échelles sonores dynamiques, spectres timbraux, de leur densité… La topologie, les reliefs, la végétation, la nature des sols, les aménagements, contraindront également tant la propagation des sources, des effets sonores associés, que des postures d’écoute soumises aux contingences territoriales. Entre échos et réverbérations, points d’ouïe panoramiques et espaces enserrés, l’écoutant sera confronté à une multitude d’espaces acoustiques, d’autant plus qu’il pratiquera des écoutes en déambulation. Les soundwalks joueront sur la mise en scène, l’écriture d’une succession d’ambiances, tel un mixage sonore paysager en mouvement, propre au promeneur auditeur.

Nous pouvons, pour creuser le sujet, nous rapporter aux travaux du musicien nord-canadien Raymond Murray Schafer, notamment à son ouvrage emblématique The Soundscape, The Tuning of the World. Cette notion d’accordage du monde, sous-titre de l’ouvrage, pose d’emblée le postulat d’une écoute musicale, esthétique, voire d’un geste d’écoute mêlant une conscience écologique, à la recherche esthétique d’aménités paysagères.

La conscience écologique nous fait alors comprendre la fragilité de nos paysages sonores, ballottés entre la saturation chaotique des milieux urbains et la paupérisation des espaces naturels où la biodiversité souffre de multiples disparitions, que l’oreille saisit et analyse du reste mieux que le regard.
 

Le fait d’arpenter le terrain, toutes oreilles ouvertes, prend quant à lui sa source dans la pratique des soundwalks, que l’artiste new-yorkais Max Neuhaus a érigés en œuvres d’art, actions performatives, collectives, relationnelles autant que perceptuelles. Nous avons ici affaire à la construction d’une « œuvre de concert » en marchant et écoutant, dans les pas de John Cage – qu’admirait beaucoup Max Neuhaus. L’artiste avait d’ailleurs commencé à partitionner ses soundwalks comme des marches reproductibles. Nous y reviendrons ultérieurement.
 

De l’écriture à la relecture, de l’interprétation à l’improvisation, comment jouer et rejouer en mouvement la « musique des lieux » ?

À travers ces questions, les notions de jeu in situ, de traces et de consignes, tendent à montrer des formes d’écritures audio-kinesthésiques in situ ou ex-situ, singulières, partitions marchées pour promeneurs écoutants interprètes, voire ré-interprètes.

Écrire et lire, voire re-lire le paysage sonore comme une partition musicale

Penser et parcourir des cadres espaces-temps peut être une dé-marche proche de la psychogéographie debordienne. Comment revisiter des villes, quartiers, espaces péri-urbains, en décalant les modes d’appréhension, les temporalités, les grilles de lecture, en défaisant les codes fonctionnels (et politiques) urbains ? L’écoute nous offre ici, associée à la marche, une approche singulière, qu’elle soit individuelle ou collective. Privilégier un sens, dans des parcours sensibles, nous met à la fois dans un déséquilibre pouvant être ressenti comme très déstabilisant, en même temps que cette posture peut nous apporter de nouvelles jouissances quasiment inouïes. Le sentiment de, modestement, refaire la ville à sa façon, à l’oreille.

C’est également, dans une vision post-Debord, une partition politique, tracée notamment sur une conscience écologique, sans doute un brin anthropocènique, voire sur celle de participer, avec des aménageurs par exemple, à un partitionnage de la ville, dans ses travaux et aménagements incessants.

La notion de partition, « Action de partager ce qui forme un tout ou un ensemble ; résultat de cette action, partie d’un ensemble organisé… Division (d’un territoire, d’un pays) en plusieurs États indépendants… »1apparaît alors logiquement, comme un tracé à l’échelle du terrain, et une proposition d’écoute mouvante, tel un magnétophone à la fois traceur et liseur.

Ville à re-composer

Dans l’espace urbain notamment, il nous est permis de jouer. Jouer, dans un sens musical, des rythmes et dynamiques acoustiques, de construire des superpositions, de mettre en place des transitions, des effets dynamiques, des fondues d’ambiances, des coupures, des mouvements/arrêts — points d’ouïe… Bref, nous devenons une sorte de chef d’orchestre imprimant in situ une expérience kinesthésique sensible, dans l’écriture d’un parcours aux limites du rejoué (post repérage) et de l’improvisé, selon les événements-stimuli que nous rencontrerons.

La rue, la place, l’escalier tracent des lignes qui, vues de dessus, font apparaître les formes d’un parcours jalonné au gré des sons, et qu’il est possible de rejouer à l’envi, en se jouant des aléas du moment.

Nous sommes sur des lignes-mouvements, façon Kandinsky, partition graphique, esthétique, physique, dynamique, sonore et kinesthésique. Le corps traceur et mémoire(s) est en jeu d’éc(h)o-interprétation des milieux, dans des marches sensibles et symbiotiques, où le promeneur se fond dans le paysage qu’il écrit en « marchécoutant ». L’écoutant devient lui-même paysage sonore, comme une sorte de réceptacle synecdotique.

Les traces et rendus comme partitions à re-parcourir

Repérage, plan-guides, signalétiques, cartes sensibles, textes descriptifs, autant d’objets-partitions qui permettent de fixer des parcours — avec leurs marges de manœuvre, d’incertitude, leurs chemins de traverse et les libertés que l’on peut prendre. Physiquement, guidées ou non, les traces nous tissent un jeu de pistes sonores pour jouer, rejouer, ou déjouer, différents espaces à l’oreille.

La notion de déjouer est ici assez intéressante. Mot à mot, qui déjoue ne joue pas, ne joue plus, ou joue autrement. On trouve ici la possibilité de contrarier, de mettre à jour une histoire jouée d’avance. Une forme d’improvisation où les tracés se perdent face à une intuition stimulante.

La musique (des lieux) à la carte n’est jamais totalement acquise, ni parfaitement maîtrisée. Mais l’est-elle plus dans des processus d’écritures de musiques dites contemporaines ? Rien n’est moins sûr selon les œuvres.

Continuant sur des rapprochements textuels, sémantiques, le mot déchiffré, par hiatus interposé, ou coquille, peut glisser rapidement vers défriché. On déchiffre une partition, y compris sonore, en même temps qu’on la défriche, qu’on l’apprivoise en éclaircissant ses zones touffues, en traçant un itinéraire de lecture plus clair. De la page carte au territoire partition, je m’avancerais à dire qu’il n’y a qu’un pas. Plus ou moins grand selon les cas.

La carte-partition nous fait effectuer des allers-retours entre le terrain arpenté et la page pouvant être écrite, déchiffrée, interprétée comme une partition/action.

L’écriture captation traces

Le field recording (enregistrement in situ/de terrain, ou sonographie) sera également une forme de trace organisée, parfois composée, pour re-vivre ex-situ un parcours sonore, en sons fixés, selon la définition de Michel Chion.

Cette pratique, liée parfois à des secteurs spécifiques dont l’audionaturalisme, lui-même intrinsèquement lié à l’écologie sonore et à la bioacoustique, est un exemple très pratiqué aujourd’hui, sous de nombreuses formes et esthétiques.

Les plus « purs » enregistrements bruts, non ou peu retouchés, traces du « réel », dans les limites acceptables du terme, sont une sorte de constat, état des lieux, à l’instant T et dans un espace donné. 

Le field recording peut ainsi être une mémoire, une fixation de parcours d’écoute, ce dernier étant de fait un geste qui ne laisse pas d’œuvre matérielle, tangible et a minima pérenne.

Néanmoins, à défaut de re-présentation fidèle, cette trace, capture sonore, pourra faire œuvre également. Plus ou moins retravaillé (montage, mixage, effets sonores), le field recording prendra ses distances avec le terrain pour devenir à son tour création sonore, prenant le pas, si j’ose dire, sur le geste original.

Pour moi, il s’agit souvent de deux œuvres différentes, certes assez fortement liées par l’écoute, le lieu, mais néanmoins autonomes d’une certaine façon.

La première est l’action performative de la marche d’écoute in situ, en générale collective.

La seconde est le résultat d’une captation donnée comme création sonore, pouvant être scénographiée par des dispositifs d’écoute, installations audio-plastiques, applications géolocalisées…

À noter d’ailleurs que dans le cas d’applications géolocalisées, l’auditeur marcheur équipé d’un smartphone, retrouvera généralement le principe d’une petite icône marcheuse parcourant une carte GMS, le guidant vers des points d’ouïe. La carte application se fait là interactive, comme une forme de partition serious game à lire en cheminant.
 

La vidéo fournira également un média particulièrement intéressant pour rendre compte des actions, paysages, ambiances, parcours, avec une approche « naturelle », sans sources ni colorant sonore ajouté, respectant les sons environnementaux, silences compris.

Quelques vidéos de PAS – Parcours Audio Sensible Desartsonnants

Les partitions — consignes de soundwalks

À l’instar de Max Neuhaus (les Listen), ou de happenings façon Fluxux, voire des partitions graphiques des chorégraphies de Cunningham, des partitions-consignes proposent de jouer ou rejouer des marches d’écoute.

Il existe d’ores et déjà un répertoire, en cours de recensement (Neuhaus, Westerkamp, Corringham, Plastic Acid Orchestra, Cluett, Patterson, Kogusi…).

Gilles Malatray, aka Desartsonnants, construit petit à petit, un répertoire personnel de partitions PAS – Parcours Audio Sensibles, à jouer en solitaire ou en groupe, guidé ou en autonomie.

Liens partitions de PAS

Aujourd’hui les technologies mobiles, embarquées, les réalités virtuelles et autres serious games nous font imaginer de nouveaux dispositifs ludiques, pouvant étendre sensiblement les modes opératoires de la partition papier, vers de nouvelles interactions marcheur/écouteur-territoire.
 

Les relations du marcheur écouteur aux territoires arpentés ont sans doute encore de nombreuses pistes de cartographies hybrides, d’écritures kinesthésiques à développer, entre expériences sensibles et dispositifs embarqués, explorations in situ et traces re-composées.

Article paru dans « L’autre Musique Partition »

Points d’ouïe et mises en situations improbables

Le plus difficile est de sortir des sentiers battus, fussent-ils auriculaires, de tordre des approches audio-paysagères pétries d’habitudes, d’infléchir des situations et actions pédagogiques qui s’usent au fil des répétitions et déclinaisons, d’aller là où la logique descriptive ne se suffit plus. Il ne s’agit pas de tout remettre en question, encore moins de faire table rase, mais juste de tenter un pas de côté, un coup d’oreille décalée.

Je teste ces temps-ci des approches convoquant ce que je nomme des hypothèses de situations (d’écoute) improbables.

Ces dernières sont issues d’inspirations plutôt littéraires, voire philosophiques, grand merci aux dadaïstes et autres oulipiens qui n’en finissent jamais de me surprendre et d’apporter de l’eau au moulin.

Voici, en vrac et sans commentaire, quelques unes de ces hypothèses, pensées présentement en milieu urbain, mais transposables dans d’autres contextes.

  • Imaginons que, plus nous écouterons la ville, plus cette dernière nous écoutera.
  • Imaginons que, plus nous allons nous repérer, écrire et cartographier nos cheminements d’écoute, plus nous allons nous égarer, égarer nos sens, principalement celui du bien entendre.
  • Imaginons que toute logique, tout programme d’écoute, sera contre-productif, que seul l’aléa, l’irréfléchi, le non pensé, l’improviste, puissent nous aider à construire de l’oreille des paysages viables.
  • Imaginons qu’il nous faille plonger dans le trivial, le « minumental », l’infra-ordinaire, pour concevoir une globalité sonore digne de ce nom.
  • Imaginons que, pour chaque son choisi comme intéressant à l’écoute, il nous faille lui opposer un autre qui serait plus ou moins son contraire, la face inversée d’un miroir acoustique, son binôme inséparable qui le ferait exister.
  • Imaginons que les situations auriculaires traversées, vécues, expérimentées, ne se traduisent que par des faits, actions et écritures non sonores, silencieuses, usant d’autres média, voire que le silence y suffise.
  • Imaginons que, pour révéler un paysage sonore, le faire vivre, il faille le contaminer in situ par une série d’événements improbables, inattendus.
  • Imaginons moult autres situations et hypothèses improbables…

Ajoutons enfin une dernière contrainte, celle que les postulats énoncés doivent s’inscrire dans un parcours non virtuel, expérientiel, vécu à l’échelle de la ville, et du corps, contextualisables et partageables.

 Times Square, Installation sonore de Max Neuhaus à New York, by Ulrich Loock 

L’œuvre sonore de Max Neuhaus a été installée pour la première fois à Times Square en 1977. Elle a cessé de fonctionner en 1992. En 2002, la Dia Art Foundation a remise en état cette œuvre d’art et l’a incluse dans sa collection. Ulrich Loock analyse le travail et décrit comment l’artiste fait le distinguo entre la matière sonore et sa dimension temporelle. Sans que l’installation soit véritablement présent ni visuellement ni matériellement, Neuhaus crée ce qu’il appelle une expérience, une mise en situation individuelle et authentique du lieu.

Le scandale qui a abouti au retrait de « Tilted Arc » de Richard Serra de la place Fédérale à New-York diffère d’un certain nombre d’autres incidents comparables sur essentiellement deux points.

Rarement des moyens apparemment démocratiques n’avaient été été appliqués aussi rapidement pour un acte de ce que Benjamin Buchloh a qualifié de «vandalisme d’État», afin de littéralement détruire une œuvre d’art publique. Cet acte de vandalisme a été dirigé contre une sculpture qui pourtant incarne, comme peu d’autres, la contradiction entre la revendication d’autonomie dans l’art moderne et son intégration dans l’espace public. La sculpture de Serra est une œuvre abstraite, dont la forme et l’emplacement répondent à des données spatiales et architectoniques de la place fédérale et créent des situations singulières dans la perception de l’espace. En opposition intransigeante à la domination de l’espace public par le spectacle de l’architecture et des médias, Serra revendique avec son travail la possibilité d’une expérience esthétique directement lié de l’espace, qu’il considère comme la prérogative d’un art qui ne ferait appel à aucune justification en dehors de lui-même.

Comme Le note clairement Neuhaus: «Après la création de la pièce, l’espace sera appréhendé avant tout en fonction de la sculpture ». Il exprime quelque chose d’implacable et d’exclusif par sa revendication esthétique quand il dit que, en créant « Tilted Arc », « j’ai trouvé un moyen de disloquer ou de modifier la fonction décorative de la place et d’intégrer activement les gens dans le contexte de l’œuvre ». Le potentiel expérimental convoqué par cette dislocation est la condition préalable à la possibilité d’une mise en situation spatiale unique. L’expérience vécue, par la présence de la sculpture en acier découpant la place, est une chose à laquelle les utilisateurs de l’espace urbain ne peuvent échapper. Pour ceux qui ne veulent pas ou ne peuvent pas se conformer à l’injonction spatiale de la sculpture, cela devient vite un obstacle monumental. Ainsi, la proposition artistique de résistance par la suppression de libertés individuelles est contrebalancée par l’accaparation de la place via le geste esthétique et individualiste de Richard Serra. Surmonter cette contradiction n’est pas son objectif.

Tout comme la volonté contradictoire de s’opposer à l’expérience d’une aliénation de l’espace public sous la forme d’un obstacle inévitable ne peut difficilement être invoquée pour justifier la destruction de l’œuvre de Richard Serra, il en va de même pour un caractère essentiel du travail de Max Neuhaus, d’éviter les attaques teintées de populisme. L’aversion pour l’art contemporain dans les espaces publics. Cependant,le travail de Neuhaus peut être considéré comme un moyen de résoudre certaines des contradictions révélées par « Tilted Arc ». En ce qui concerne la complexité de la perception, sa différence entre l’expérience totale de l’espace urbain, la taille même de l’œuvre et l’importance géographique de son site, l’œuvre sonore de Neuhaus à Times Square peut se distinguer à l’instar la sculpture de Serra. C’est pourtant une œuvre dont la matière est uniquement sonore. C’est un travail sans matérialisation visible ou tangible. Il est construit de telle sorte qu’il incombe à chaque passant d’y prêter attention ou non. Ceux qui choisissent de ne pas le faire ne sont pas dérangés par le travail.

 Changement de paradigme 

Max Neuhaus a commencé sa carrière artistique fin des années 50 en tant que percussionniste, avant de composer ses propres œuvres, ancrées dans des pratiques contemporaines visant à défaire la séparation trop enfermante du compositeur et de l’interprète. Il s’est ensuite intéressé à des concepts contemporains, qui élargissaient la pratique musicale pour inclure, par une sorte de renversement, ce qui avait été auparavant rejeté, afin de parvenir à une définition plus large de la musique: la « musique des sons/bruits ». Ceci nous rappelle le mouvement bruitiste des futuristes italiens, mais aussi la convocation du silence, dans 4’33 ‘par exemple, de John Cage. Ainsi, si les approches musicales étaient au départ centrales pour Max Neuhaus, des œuvres telles que Times Square et d’autres antérieures et postérieures, marquent une sorte de rupture radicale avec la pensée musicale »classique ». Neuhaus décrit ce changement de paradigme en formulant une notion fondamentale pour l’art sonore – «celle de supprimer le son du temps pour le placer dans l’espace». Ce changement de paradigme rend évident le fait de considérer la sculpture comme point de référence dans son travail, car la sculpture est le support d’une pratique artistique qui crée ou modifient les conditions de la perception spécifiques à un lieu. Cependant, seules les formes les plus avancées de la sculpture de la fin des années 1960, évoquées par Rosalind Krauss dans son essai «La sculpture dans l’espace élargi», pourraient être considérées ici comme une référence.

Rosalind Krauss écrit: «Dans l’époque postmoderne, la pratique n’est plus seulement définie et cadrée par un médium donné – la sculpture par exemple -, mais plutôt par rapport à de nouvelles logiques sur un ensemble de champs culturels, dans lesquels tout média – photographie, livre,lignes tracés sur des murs, miroirs, ou la sculpture elle-même – peuvent être utilisés. Ainsi, le champ artistique fournit à la fois un ensemble d’outils étendu, mais ouvre à des pratiques pouvant être explorées par nombre d’artistes , via un mode de travail non hyper-contraint par l’utilisation d’un média spécifique. En ce qui concerne l’oeuvre de Max Neuhaus, ces conditions présentent un intérêt dans lequel le geste artistique est lié d’une part au paysage, et d’autre par à l’architecture, deux domaines traditionnellement relativement ignorés de la «sculpture», dans une définition « classique » et non équivoque de ce champ. Dans la suite de cet article, je vais décrire la construction d’un espace sonore parmi les œuvres emblématiques de Max Neuhaus. Cependant, je voudrais d’emblée que nous gardions à l’esprit l’importance du fait qu’il n’a utilisé que du son, sans aucun autre matériau pour cette œuvre in situ. Le son est-il alors un nouveau matériau envisageable comme média sculptural autonome, dans une pratique sculpturale ou plutôt non sculpturale, dans une approche élargie, ou propose t-il une rupture importante, celle d’être face à une œuvre sensuellement perceptible, mais sans être véritablement un objet tangible? Ce n’est sans doute pas une pure coïncidence si les divers matériaux énumérés par Krauss sont tous des matériaux et objets visuels et tangibles, quelque part rassurants.

 Traffic Island 

Le lieu choisi pour ce travail de Max Neuhaus, à Times Square, est une zone a priori délaissée, située vers Broadway,la 7ème avenue et entre les 45ème et 46ème rues; une ilot de circulation déserté, à la limite nord d’une place qui est par ailleurs très utilisée et circulée. En 1977, lors de la première installation de l’œuvre par Neuhaus, celle-ci n’était pas le fait d’une commande. L’artiste avait découvert par lui-même cet étrange espace et, conscient de son potentiel, avait demandé à la New York Transit Authority l’autorisation d’utiliser les conduites de ventilation du métro, situées sous l’îlot routier pour installer le dispositif technique de son œuvre. Afin de financer ce travail, Neuhaus avait fondé sa propre organisation à but non lucratif, Hear, grâce à laquelle il a pu solliciter des fonds de la Fondation Rockefeller, de la « National Endowment for the Arts and private donors ». Son installation sonore initiale a fonctionné sans interruption durant quinze années, jusqu’à ce que Max Neuhaus la mette lui-même hors-service en 1992, pour argumenter plus fortement sa demande qu’un établissement had-oc prenne en charge la maintenance de l’installation à Times Square. Dix ans plus tard, une telle institution a été créée: la Dia Art Foundation. L’œuvre a ainsi été intégrée dans la collection de la Fondation Dia, début 2002. Une nouvelle technologie plus moderne et réactive a été conçue pour générer et diffuser le son. Plus encore, le dispositif électronique initial a été converti en processus numérique et ré-écrit en conséquence. Cela signifie par exemple qu’un son, même le plus éphémère, peut être rejoué à tout moment. Cela permet entre autre de dissiper les craintes concernant la viabilité et la pérennité d’une œuvre d’art électronique. Le 22 mai 2002, Times Square a été réinstallé, et peut désormais – du moins techniquement parlant – fonctionner quasiment indéfiniment.

Nulle part, l’installation Times Square n’est signalée, ou signalisée, ne donnant aucune indication concernant l’œuvre, son auteur, ses sponsors. Quiconque visite ce travail, soit en connait déjà l’existence, soit le découvre inopinément, par les sons étranges provenant du sous-sol, s’échappant d’une grille métallique. Max Neuhaus décrit Times Square ainsi: «L’œuvre est un bloc sonore invisible et non signalisé, situé à l’extrémité nord de l’île. Sa texture sonore, riche en harmoniques, peut suggérer à les sonneries anciennes de grandes cloches, chose improbable contextuellement dans ce lieu. Nombreux sont ceux qui traversent l’espace en prenant conscience d’un son inhabituel provenant de quelques étranges machines souterraines. Pour ceux qui le découvrent et acceptent l’anachronisme des sons, l’île devient un lieu différent, décalé, à part, mais sans pour autant être coupé, isolé des espaces environnants. Ces personnes réceptives, n’ayant aucun moyen de savoir si cela a été pensé et installé délibérément, pensent généralement l’œuvre comme un espace acoustique singulier qu’elles auraient découvert par elles-mêmes. Le son a spatialement des limites assez clairement marquées, qui correspondent à la taille du réseau de diffusion. C’est ce qui explique le ressenti sans équivoque de l’auditeur passant d’une zone où le son ne peut pas être entendu à une zone où il peut être entendu, celle où il se retrouve entouré, immergé dans le flux sonore. En revanche, il est impossible de percevoir le son «vu de l’extérieur», en prenant du recul. Même si ce dernier possède «l’objectivité» d’un objet situé hors de la conscience d’un écoutant et, en tant que tel, est un objet de perception purement sensoriel, il diffère fondamentalement des choses visibles et tangibles qui peuvent être appréhendées à distance, en tant qu’objets discrets mais néanmoins concrets ».

 Perception auditive 

La perception visuelle semble différer de la perception auditive du fait que nous parlons de la «vue», de la perception visuelle, en acceptant qu’elle puisse être modifiée, même si la chose reste la même, comme par exemple dans des variations d’éclairages, de lumières. Mais nous refusons de parler d’un spectacle qui ne serait pas vraiment un spectacle, avec du spectaculaire donc. Voir semble se rapporter à des choses et objets parfaitement identifiables. La vue de choses que l’œil ne serait pas capable de saisir de prime abord, des choses qui iraient au-delà de l’identification visuelle, nécessitant un concept plus abstrait dans l’appréhension et la compréhension des choses, pourraient être considérées comme un cas limite de l’expérience visuelle. Je me réfère ici à une expérience visuelle, proche des théories de la sublimation, et présente, par exemple, dans la peinture expressionniste abstraite, notamment celle de Barnett Newman. Si nous sommes conscients qu’il existe une source pour chaque son, un objet physique d’où il provient et par lequel il est généré, tels une voiture, un violon, un haut-parleur, nous semblons parfaitement disposés d’accepter les sons indépendamment de leurs sources originelles. Dans la perception visuelle, il n’est pas facile de trouver un équivalent à l’affirmation «j’entends un grondement», c’est-à-dire «j’entends un son qui pourrait avoir plusieurs sources différentes, plus ou moins identifiables. Je ne parle pas de l’objet matériel qui génère ce bruit, mais d’une sorte de résonance perceptible que je peux sentir et sur laquelle je veux attirer votre attention.»

Il semble y avoir une très nette différence de temporalité entre ce qui peut être vu et ce qui peut être entendu. Une des qualités essentielles du son semble être sa dé-coloration, une certaine neutralité – un début et une fin, une évolution qui ne semblent pas être directement liés à la présence ou à l’absence de la source matérielle du son. Il existe une relation interne entre le son et le déroulement temporel, le temps qui passe. Cependant, le temps du regard, dans la plupart des cas, est égal à celui pendant laquelle l’élément visible est présent, quelle que soit les variations circonstancielles de lumière par exemple. On pourrait être tenté de relier le décalage entre la temporalité du visible et celle de l’audible au fait que la personne concernée par le visible a le choix de fermer les yeux ou de détourner le regard. Une option similaire serait-elle envisageable pour l’écoute?

La perception d’un son est comparable à la perception d’un courant d’air, d’une sensation de chaleur ou de froid, nécessitant un contact physique. Il se peut que la corporéité du son, son caractère concret, réduise l’importance, ou l’urgence de l’identification de sa source. Il se peut aussi que le privilège accordé à l’œil plutôt qu’à l’oreille, à travers l’histoire et le développement de notre civilisation, ait permis d’éloigner le son de sa source, l’identification acoustique n’étant plus forcément nécessaire à notre survie. Comme pour confirmer cette notion ex négativo, Max Neuhaus lui-même renvoie à un exemple précis, confirmant la nécessité toujours vitale d’identifier un son, sa source? Il constate en effet qu’un accident peut survenir lorsque des personnes prises dans un flot de circulation automobile entendent la sirène d’un véhicule d’urgence, mais sont incapable de le localiser. En 1988-1989, il a travaillé sur un projet de sirène dont le son est conçu pour permettre une meilleure évaluation de la direction et de la distance une localisation plus fine des véhicules d’urgence en mouvement.

 Temps et Espace 

L’espace d’audibilité à Times Square est celui où est installé une zone sonifiée. Grâce au son, cette zone est mise en exergue de son environnement et est requalifiée par sa propre qualité perceptible sur le plan auditif. Neuhaus « construit » un son en relation avec ceux de l’environnement, qui sont déjà présents in situ. En un sens, il est hasardeux de comparer le son de Times Square à la résonance d’énormes cloches anciennes. Le son de l’œuvre est beaucoup plus proche de ceux présents à Times Square, et diffère en même temps de ceux-là, de sorte que, bien que ces situations auditives ne soient pas tout à fait improbables à cet endroit, l’ambiance n’en reste n’en reste pas moins étrange, décalée. Il est donc toujours possible à une oreille curieuse, de discriminer le son issu du travail de Max Neuhaus et la masse des autres sonorités ambiantes – les autres sons se confondent en un magma informe, comparés à ceux de l’œuvre – sans doute subtilement travaillés pour créer un véritable contraste.

Plus précisément, la zone sonorisée est un bloc émergeant des profondeurs, dont l’étendue et la forme ne peuvent être identifiées qu’en marchant, en se déplaçant dans l’espace de l’installation, que l’on soit dans le périmètre ou à l’extérieur de l’œuvre.
Dans le cas de Times Square, le son lui-même n’est pas toujours identique, mais possède des qualités différentes selon les zones qu’ils occupe. Ces différences sont dues à des combinaisons de fréquences particulières, qui pourraient être assimilées à différentes couleurs sonores. La modélisation interne de la zone, sa topographie, topophonie pourrait-on dire, ne peut être perçue distinctement que par un auditeur en mouvement, un marcheur écoutant. La topographie elle-même restant une approche statique. La différenciation sonore est perceptible, bien que ne subissant pourtant aucun développement dans le temps, ni aucune scansion, extension, ralentissement ou accélération temporelles, que ce soit sous la forme d’une séquence présentant des sons différents, ou d’intervalles organisés de sons et de silences. Contrairement à toute expérience sonore « traditionnelle », le son tel qu’il est travaillé et installé par Max Neuhaus est continu et inchangé dans sa durée. Seule la diversité des sons disséminés dans l’espace permet de percevoir les contours de l’installation.

Lorsqu’il n’y a pas vraiment de séquences temporelles écrites, la dimension spatiale du devient prioritaire – c’est l’espace qui décrit la portée sonore. Max Neuhaus compose le son de telle manière que la question de «quand?» Ou de «combien de temps?» soit remplacée par celle du «où?». L’endroit où le son est à sa juste place. Si nous définissons l’espace comme la condition principale régissant la possibilité de juxtaposer une variété sonore intéressante, nous définissons le lieu comme une entité spatiale, qui voit le jour grâce aux relations interférant des volumes acoustiques les uns aux autres. Max Neuhaus perçoit les sons comme des corps autonomes, formant un lieu de par leurs inter-relations. Le lieu où le son est audible est déterminé en opposition à l’endroit où il ne doit pas être entendu. L’œuvre a ainsi toute sa place dans la mesure où elle diffère constamment d’un lieu existant à un autre. Ce qui fait dire à Denys Zacharopoulos: « Le lieu que nous percevons dans le travail de Neuhaus est presque toujours un lieu dans un lieu, un lieu autre, que l’expérience singulière et la perception stimulée proposent comme un espace étant là et nulle part ailleurs ». Parce que le son global de l’installation est proche des autres bruits ambiants, en termes de volume et de couleur tonale, et ne se distingue pas directement de l’ambiance générale, il nécessite, pour être perçu, une attention particulière et une activation extra-ordinaire de l’ouïe: s’il y a une différence entre perception visuelle et perception auditive, ceci est particulièrement remarquable dans une installation comme Times Square, qui pourtant pourrait être plus susceptible que d’autres lieux de confirmer la suprématie visuelle sur l’écoute.

 La somme de tous les bruits ? 

Si l’œuvre sonore ne peut pas vraiment être perçue clairement « de l’extérieur », il est vrai que, conjointement, et distinctement de l’installation, la masse sonore de Times Square restera audible. Le travail du son dans son environnement fait qu’il reste perceptible au premier plan comme à l’arrière-plan. Cependant, lorsque l’attention est focalisée sur l’œuvre, les autres bruits de Times Square semblent se déplacer également, par un phénomène psycho-acoustique, aspirés vers le centre de la perception. Un changement d’attention, qui peut dépendre des variations du volume des bruits de circulation, peut entraîner des phénomènes de bascules entre arrière-plan et premier-plan: des bruits ambiants peuvent apparaître distinctement ou s’estomper dans l’arrière-plan de l’installation. Des bruits ambiants peuvent être entendus mixés à l’oreille, avec ceux de la composition de Max Neuhaus – ou ne pas mélangés avec elle (il n’en résulte pas forcément une somme de sons), comme ils peuvent également être colorés par l’écriture sonore. Un bon exemple de coloration créé par un travail sonore est l’effet des vitraux d’une cathédrale médiévale: tout dans l’église – personnes présentes, meubles, piliers et murs – peut être vu comme des éléments de décor colorés d’effets lumineux, abstraits jusque dans leur existence humaine-même. Travailler à une coloration sonore ambiantale, doit en principe conduire à une perception plus agréable des espaces, les sons de l’environnement prenant parfois le devant de la scène, ou étant entendus sans en être vraiment conscients – si bien sûr ils ne sont pas perçus comme des bruits hégémoniques et irritants. Les bruits de tous les jours peuvent se détacher, dans une certaine mesure des connotations négatives qui leurs sont normalement associées, en particulier dans l’idée de « pollution sonore ». La coloration des bruits environnants par l’œuvre de Neuhaus a au contraire quelque chose qui se rapprocherait d’un effet purifiant. A la différence de l’exemple des vitraux, dans l’œuvre de Max Neuhaus, la perception de la corrélation des sons entre eux, est en grande partie laissée à une liberté d’écouter en auditeur individuel et singulier. Ceci explique pourquoi Neuhaus décrit son travail en termes de «catalyseurs de modifications d’esprit»

Ecouter, percevoir le travail de Neuhaus demande une approche active, une questionnement sur l’espace, la discrimination, l’exploration, la perception des variations, et non pas une question liée à une seule « humeur contemplative ». Times Square demande, rappelons-le, un auditeur en mouvement. Le son lui-même doit être découvert comme une source exogène, et identifié comme le son d’une œuvre installée. Puis il nécessite une adaptation constante de l’attention. C’est ici que la notion de temps entre en jeu. Le travail étant géographiquement stable, étroitement lié au site, la perception auriculaire requiert une activité liée à des actions d’écoute et de déambulations dans le temps, attirant l’attention sur les séquences temporelles qui qualifient le site. En conséquence, chaque auditeur perçoit quelque chose de différent, à la fois en raison des changements réels de tout ce qui se produit de manière irrévocable dans le temps, intrinsèquement à l’œuvre, mais aussi en raison de la disposition individuelle de chaque auditeur. La perception de l’installation émerge et varie à travers une participation active; ce qui n’est pas toujours une évidence, quelque chose de spontanément offert à chacun.

Avec chacune de ses œuvres sonores, Max Neuhaus plaide en faveur de l’expérience d’une immédiateté esthétique. Son utilisation du son, parfois quasi informel, s’inscrit dans le champ élargi de la sculpture, qui n’est pas pour autant liée à un objet visuel ou tangible. Ainsi, il maintient la propension de l’œuvre sonore à nous faire accéder de plain-pied à une expérience authentique de l’espace – sans toutefois imposer à quiconque la rencontre de son œuvre: c’est à chacun, à tout moment, de d’accepter ou non la confrontation, la visite, la reconnaissance de l’objet sonore installé. Le sens, l’importance du présentiel, qui est intimement lié à l’expérience d’une création sonore, est aussi celui d’une présence constamment fluctuante. C’est ce qui implique singulièrement un matériau à la fois aussi physique et aussi insaisissable que le son dans des espaces publics.

Ulrich Loock (Switzerland) was director of the Kunsthalle Bern and Kunstmuseum Luzern in Switzer­land. Since 2003 he has been the Deputy Director of Museu Serralves in Porto, Portugal, where he has curated exhibitions of work by Raoul de Keyser, Robert Grosvenor, Moshe Kupferman, Thomas Schütte, Herbert Brandl, Adrian Schiess, Helmut Dorner and others. His most recent publication was Thomas Schütte (Cologne: Friedrich Christian Flick Collection and DuMont Verlag, 2004).
Text November 1, 2005 –  

Traduction Desartsonnants – Avril 2019  

Sublime écoute des seuils !

@Photo BIME – GRAME 2022

En règle générale, je vous parle ici de paysages sonores, ceux que je vais traquer au cœur de la cité, à ses périphéries, dans des forêts, montagnes, en suivant un cours d’eau… Bref de ce que l’on nomme parfois « musiques des lieux ».

Je ferai aujourd’hui exception à la règle, en vous relatant une extraordinaire expérience d’écoute, dans un auditorium, celui de Lyon, Maurice Ravel, avec de vrais musiciens, et une musique écrite de notes, de rythmes et de timbres. Une fois n’est pas coutume, en tout cas dans les textes de ce blog.

Et quels timbres que ceux de Gérard Grisey, à qui ce concert était consacré !

Et quels musiciens que ceux, quinze ici plus une soprano, de l’Ensemble intercontemporain !

Et quelle œuvre que « Quatre chants pour franchir le seuil » de Gérard Grisey !

Cette musique nous parle de la mort, ce seuil que tout un chacun franchira inexorablement un jour. Une forme de requiem, mais qui n’en est pas un. Plutôt une réflexion philosophique, sereine, métaphysique, une méditation appuyée sur des textes d’époques et de genres différents. https://brahms.ircam.fr/works/work/14136/

La magie nait de l’écoute quasi hypnotique de cette œuvre aussi vertigineuse qu’apaisée, où tout l’art de l’école spectrale, qui joue avec la matière sonore complexe, toujours en mouvement, se déploie dans une combinaison sonore captivante.

Jamais d’effets grandiloquents ne viennent troubler cette méditation musicale, et ce, malgré une virtuosité d’écriture timbrale et rythmique magistrale. Chaque instrumentiste, y compris la soprano, joue dans un registre dénué d’emphase, de monstration virtuose.

Tous les timbres se mêlent, se fondent, se tuilent, avec une qualité de son incroyable, de sublimes pianississimi d’une pureté à la limite de l’audible, des combinaisons sonores où voix, cordes et vents nous font entendre des sonorités à proprement parler inouïes.

En ce dimanche après-midi, le Centre Nationale de Création Musicale GRAME, dans le cadre de son festival BIME (Biennale des Musiques Exploratoires) nous offre un instant de grâce suspendu. Instant porté par une musique en apesanteur, tout à la fois transcendante, incandescente, et malgré tout rassérénante face à la gravité de son sujet, ces seuils de non-retour.

Bonne année de ma fenêtre

Passage en 2021, sous couvre-feu sanitaire.

Mon repas de la Saint-Sylvestre s’étant terminé à 21H00 tapantes, suivi d’un Fellini, vers lequel je reviens régulièrement, j’ai re-tendu ce soir mes micros aux fenêtres. Ça ne m’était plus arrivé depuis le premier confinement. J’ai tenté de capter la montée jourdelanesque jusqu’à minuit sonnant, même un peu avant, voire un peu après, sur fond de pluie. Presque sans aucune voitures, ambiance inhabituelle en ces circonstances où ordinairement, les klaxons font partie de la liesse. Les pétards étaient bien là, eux. Étrange ambiance festive, où les fenêtres se sont ouvertes, bonne année, d’un bout à l’autre de la rue, sur fond de pluie. Promis, je vous ferai entendre, sur fond de pluie.

En fait, voici les sons que j’ai maintenant fixés, et quelques mots les contextualisant.

Fellini sur mon ordi annonce peut-être la fête, mais une bien étrange fête, aux accents de Cabiria, entre joie et désespoir, noirceur et espérance, magnifique film que je viens de re-revoir. Avec l’ambiance installée par les sublimes musiques de Nino Rota. Mais revenons à notre fête à nous, la Saint Sylvestre, à Lyon, à ma fenêtre, ce soir, entre le 31 décembre 2020 et le 1er Janvier 2021.

À l’arrière de chez moi, dans un cœur d’ilot, des voix, chants, des musiques, bribes fêtes lointaines, mais néanmoins fêtes, dons les traces audibles s’échappent des fenêtres.

L’heure approche, je passe à l’avant, côté rue. La pluie se fait maintenant nettement entendre, drue sur l’asphalte. Minuit, passage-changement, une année s’en va, chaotique, une autre lui succède, incertaine elle aussi. Peu à peu, des fenêtres s’ouvrent, des voix, des vœux, à distance, mais personne dehors. Des pétarades, au loin, scandent la fête, font sonner les reliefs, les collines entourant le quartier par des échos réverbérés qui balisent l’espace de notre scène d’écoute. Puis, tout va progressivement s’apaiser. Un SDF poussant un chariot bringuebalant et capricieux passe, monologuant avec lui-même, seule présence physique à être outdoor. Il souligne un peu plus l’étrangeté de cette fête distanciée. Pas de rassemblements publics, chaque groupe communique par fenêtre interposée.

Cette scène à ma fenêtre, sous couvre-feu, vient compléter logiquement les rituels de 20h00 du premier confinement, faisant suite à cette trace auriculaire de crise sanitaire qui n’en finit pas de finir.

https://archive.org/details/fav-desartsonnants

Et il pleut toujours.

Une année s’égoutte, ce soir, à ma fenêtre, et un iota de celle-ci s’écoute, et s’en va à vau-l’eau.

2021 balbutiant en écoute

A marche forcée, à marche réduite

Dimanche J+3 – Coronasérie Saison 2 – Bis repetita (ou presque)

On va
ou bien on a
rentré ou sorti les terrasses
sorti et rentré le chien, ou inversement
heureusement j’en ai pas
joggé en solitaire, pas moi
téléchargé les dérogations
rempli les dérogations
marché un kilomètre
marché une heure
en même temps
comparé nos enfermements avec des ami.es hors territoire
reporté les projets en cours
reporté les projets à venir
reporté les projets en projet
allongé les nuits
privilégié pyjamas et pantoufles
fait provision de livres
pétitionné pour nos libraires
pétitionné pour nos colères
écouté Anne van Reeth
bricolé quelques sons
bricolé quelques textes
bricolé quelques idées
lavé ou jeté des masques
vérifié le gel hydromachin
lavé les mains à les rendre transparentes
téléphoné à des proches
téléphoné à des parents
évité les sur-stocks de la psycho-manque
rangé le bureau (chantier en cours depuis mars dernier)
aéré la chambre
aéré d’autres pièces
changé des ampoules
ou pensé à le faire
peaufiné le ménage, enfin
confirmé des reports
acté des annulations
parlé de ce qui pourrait en découlé, ou non
tenté de chercher à positiver
tenté de chercher à relativiser
questionné le bien-fondé
questionné les logiques
questionné les questions
questionné les espaces possibles de résistance
questionné les espaces sensés de résistance
évité les pourcentages, statistiques et autres chiffres angoissants
posté quelques blagues facebookiennes
pensé à des cours en distanciel
retrouvé Zoom en focale récurrente
retrouvé notre ordi comme principal bureau et lieu de réunion
regardé par la fenêtre
écouté par la fenêtre
écouté ce qui ne bouge plus
écouté ce qui bouge moins
écouté ce qui n’a pas bougé
pris grand plaisir à faire le marché cette fois-ci autorisé
assoupli notre emploi du temps, quoique…
restreint drastiquement les errances
réduit tout autant les bancs d’écoute
cuisiné sans se presser
cuisiné du local
retrouvé les pas pesants du voisin du dessous
maudit le trop bleu du ciel
maudit le trop doux du soleil
tiré des plans sur la Covid…

Point d’ouïe, une gestuelle auriculaire de l’intime

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Inauguration d’un point d’ouïe – Prieuré de Vausse – CRANE Lab –  Festival Ex VoO – @photo Yuko Katori

L’oreille (tout) contre

Il existe d’innombrables façons d’écouter, de tendre l’oreille, des plus intimes, celles qui nous intéressent ici, jusqu’aux plus ostentatoires.
Parmi ces façons, nous trouvons une posture physique que j’adore, coller l’oreille à, coller l’oreille contre, que j’ai d’ailleurs déjà mise en scène, dans une partition de PAS – Parcours Audio Sensible N°5.

Je colle mon oreille
Au cœur ou au corps d’un ou ou d’une amie
Aux feuilles d’arbres frissonnantes dans le vent
Au sol vibrant de pas
Contre une porte, de l’extérieur vers l’intérieur, ou inversement
Contre le tronc de l’arbre enlacé
A la rambarde d’un pont frémissant
Sur la peau de tambour caressée
Sur le chéneau qui s’égoutte après la pluie
Contre une gaine de ventilation vibrante
Contre un pylône électrique vrombissant
Contre « un fil qui chante »
Contre une bâche qui claque au vent
Contre les piliers d’un échafaudage grinçant
Contre une tôle légèrement secouée, grattée, une sculpture résonante
Au portillon métallique qui grince…
Contre des centaines de matières/objets vibrants croisés par hasard, ou non…

Ici, la vibration est reine, de matière à matière, pas de transports aériens, distanciés, du touche-touche, de matière à Tympan.
C’est une façon de réduire la distance, d’entendre l’infiniment petit, le presque inaudible, de faire corps avec le sonore, d’établir une relation fusionnelle, par un contact physique, charnel on ne peut plus proche.
C’est une posture parfois étrange, décalée, un peu fofolle, regardée du coin de l’œil par les passants dubitatifs et moqueurs dans l’espace public.
C’est un geste de l’intime, de l’auscultation au plus proche des choses et des sons.

Appel 2020 | Fenêtres d’écoute (Field recording –

Desartsonnants

Fenêtres d’écoute/Listening windows 2ème phase #NoLA2020

Déconfinez l’écoute

Dans le cadre de l’action NoLA – No Lockdown Art 2020, lancé par Transcultures et les Pépinières européennes de Création, les 2 partenaires ont été très heureux de s’associer au projet Fenêtres d’écoute, initié au début du confinement par leur complice Gilles Malatray (animateur/fondateur de Desartsonnants) qui a invité à développer des formes de “Points d’ouïe” adaptés aux circonstances contraignantes. Inspiré par les performances chantées et musicales des fenêtres et balcons italiens, mixés à ses propres points d’ouïe et autres bancs d’écoute, Desartsonnants a lancé un appel collaboratif et participatif.

Après cette première phase pendant laquelle ont été collectées des captations sonores de différentes villes, pays, voire continents, témoignages d’écoutes enfermés, confinées… réunis par Gilles Malatray et consultables par tout un chacun sur une plateforme dédiée, l’artiste lance la 2ème phase créative et participative du projet.

Par le biais d’un appel…

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Point d’ouïe à distance

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Quand un virulent virus

met nos vies à distance

met nos écoutes à distance

de rues en fenêtres

et de fenêtres en rues

l’oreille en pavillon sanitaire

l’oreille en pavillon solitaire

celle de la quarantaine

qui entend bien les distanciations

les barrières auriculaires

se parler mais de  loin

s’écouter mais de loin

sans intime proximité

la voix ne sonne plus au creux de l’oreille

le chuchotement devient un geste trop proche

peut-être trop complice

comme un symbole d’infraction sociale

qui mettrait nos paroles hors de portée

dans une une résistance non tracée

d’un Big Brother qui vous écoute.

 

https://soundatmyndow.tumblr.com/

 

 

Fenêtres d’écoute – Listening Windows

L’appel à contributions autour des sons à la fenêtre change de nom, et devient « Fenêtres d’écoute – Linstening windows », en meme temps qu’elle s’associe avec les partenaires européens Transcultures – Media Arts Center et les Pépinières européennes de Création
D’autres développements et prolongements autour de créations sonores associés sont en cours – A suivre

https://drive.google.com/file/d/1vVxQjJjjZ1rfBtUe7TPORBFRliegfcNz/view?usp=sharing

Compil’à sons

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Chronique d’un promeneur écoutant, déambulations et points d’ouïe #4

Tout frais posté chez Academia, une compilations de carnets de notes, expériences, petites phrases et autres réflexions en vrac.

PAS – Parcours Audio Sensibles, écoutes, espaces publics, création sonore outdoor, in situ, écologie et autres espaces sonnants ou dissonants…

Chronique d’un promeneur écoutant, déambulations et points d’ouïe #4

Points d’ouïe – Cartographie auriculaire de Lyon Vaise

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Lyon Vaise, extrémité nord de la métropole lyonnaise, 9e arrondissement, quartier gare de Vaise/Gare d’eau/Industrie et quais de Saône.

Mon quartier, où je réside depuis une vingtaine d’année.

Un quartier que je connais bien, voire très bien, où je flâne, fait mes courses, marche vers des rendez-vous, teste mes points d’ouïe, bancs d’écoute, PAS en solitaire, en duo, en groupe, note, enregistre…

Un quartier laboratoire d’écoute et de machécoute.

Cartographie en chantier  :  radio aporee ::: maps – 23 Quai du Commerce, 69009 Lyon, France

 

City Sonic 2019,Louvain dessus/dessous

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Grosse journée sonore à City Sonic #16 Winter Sessions l Opening Louvain-La-Neuve. Après de belles rencontres avec de jeunes artistes, et une exploration de la ville surface, agréable à l’œil et à l’oreille, une plongée dans les sous-sols plus underground. Voitures souterraines grondantes, parkings archi réverbérants et à la muzzak improbable, quais en sous-sols jonchés de détritus et de fientes de pigeons, nombreuses ventilations tonitruantes… J’ai adoré ces ambiances à la trivialité peu rassurante ! L’énorme décalage entre le calme d’une ville conviviale et de ses entrailles peu, voire pas du tout avenantes. Au final, une manne pour un PAS – Parcours Audio Sensible bien décalé, qui montre deux facettes Oh combien dissonantes d’une même ville. Jouer avec ces paradoxes.

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Soundwalk, promenade sonore, balade sonore… pour poétiser, ou poïetiser l’espace

Desartsonnants

SOUNDWALK, PROMENADE SONORE, BALADE SONORE POUR POÉTISEZ, OU POÏÉTISER L'ESPACE

Écouter en marchant, ou marcher en écoutant, sont deux actions qui se posent comme des gestes complémentaires et finalement indissociables dans le fait, gestes acoustico-déambulatoires que des artistes anglo-saxons nomment la soundwalk.

La marche ayant la propension à stimuler l’expérience sensorielle, si l’on axe sa déambulation autour d’un sens en particulier, l’écoute par exemple, ce dernier verra sa sensibilité ainsi décuplée.

Les espaces traversés prennent alors à l’oreille une importance qu’ils n’ont pas dans une déambulation au quotidien, acquérant, par le biais d’un décalage esthétique, voire artistique, une indéniable dimension poétique.

Au delà du constat d’une certaine jouissance sensorielle, la promenade est pensée, agencée et proposée comme une fabrication de parcours, la mise en place d’itinéraires, des propositions favorisant une immersion sensorielle via par exemple une parole conditionnante, des postures intellectuelles et physiques suggérées, sans parler de toutes les variations possibles, installées, performées… Tous ces processus participent à une construction…

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Des géographies sonores, Sabugueiro opus 5

Rentré à Lyon de résidence Portugaise, je poursuis là , le travail d’écriture autour du paysage sonore, commencé in situ, à Sabugueiro, Serra de Estrela.

Je fais maintenant le point sur différentes zones géographiques spécifiques du village, qui, au cours de mes promenades ou points d’ouïe statiques m’ont permis de mieux comprendre une topologie sonore locale, celle qui m’a guidé, tant pour trouver des lieux d’enregistrement que pour repérer un PAS – Parcours audio sensible publique, le jour de la World Listening Day. Mais également celle qui m’aidera pour le montage audionumérique en chantier, à construire le paysage environnant autour des sons.

J’ai au final relevé quatre zones, périmètres ou parcours d’écoute assez différenciés, tout en restant dans le village de Sabuguerio, ou dans une proximité qui arpente des cheminements piétonniers à partir du centre du village.

Zone 1

Rue des commerces

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La première zone est naturellement la rue principale, celle qui traverse le village de bas en haut, ou inversement, selon d’où on arrive. Rue assez pentue, bordée de part et d’autre de commerces touristiques, vendant des produits locaux, des hôtels, bars, restaurants.

Grande rue

Des voitures, mais pas trop invasives

Des voix dans les commerces et bars

Des chiens, des chenils

Une fontaine/lavoir, encore en activité, et de multiples sources le bord de la route.

Zone 2

Le vallon de la rivière Fervença

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En contre-bas, tout au pied du village, une petite rivière, Fervença, enchâssée dans un vallon de verdure.

Une aire de pique-nique

Une aire de baignade aménagée

Des sentiers qui relient la rivière au villages

Des jardins accrochés à la colline entre le village et la rivière.

Rivière

Des sons d’eau courante , des oiseaux, baigneurs, promeneurs, des jardiniers sur le chemin du haut, des chiens dans le lointain, et un poulailler…

Possibilité d’une jolie boucle pédestre, entre jardins et sources, rivière en contrebas.

Zone 3

Le cœur du vieux village historique

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A l’écart de la rue principale, un village de pierres granitiques aux rues étroites, pentues et tortueuses.

Des fontaines et lavoirs, une église.

Une belle place ombragée et des bancs, point d’ouïe idéal et aussitôt exploité en tant que tel.

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Des voix de l’eau ruisselante, des chiens, encore, mais aussi des chats, une cloche, quelques voitures et motos, motoculteurs, un troupeau de chèvres ensonnaillées, des enfants, toute une vie de village tranquille.

Zone 4

Les montages alentours

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Dés que l’on quitte le village, on monte vers un ligne de crêtes, souvent assez abruptes, cernant le village de sommets décharnés et rocailleux, tout en offrant de magnifiques points de vue.

Montagnes

Oiseaux, cigales sur le peu d’arbres ayant échappé aux incendies des dernières années, souvent des rafales de vents bruissonnant dans les taillis, le rythme de pierres roulant sur les chaussures, parfois quelques sonnailles de chèvres souvent invisibles. Sons d’altitude estivale.

Quatre zones qui tentent donc de tracer une géographie globale, en même temps que zoomée prenant comme centre/cible l’écoute, avec des marqueurs sonores spatio-temporels, des spécificités, des ressentis tout à fait subjectifs, des récits parmi tant d’autres, des formes d‘écritures croisées, en chantier.

S’immerger dans une vie sonore, dans ce village de montagne, ou dans d’autres lieux, en prenant le temps de les arpenter, d’en mesurer leurs rythmes d’en saisir le centre et les alentours, tout en restant dans un mode de déplacement pédestre, demeure toujours une expérience, solitaire collective captivante, d’où l’on ne ressort pas indemne, mais fortement marqué par de nouvelles expériences sensorielles, sociales, esthétiques…

Métropoles, villes, villages, espaces naturels, peu importe la taille de ces derniers, à partir du moment où l’oreille nous connecte au lieu, à humain, au(x) monde(s) environnan(s), les géographies sonores deviennent captivantes .

En écoute

Sound walking et field recording, un art vert, un brin d’humanité?

Desartsonnants

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Longtemps, la notion d’art environnemental est restée associée aux pratiques du Land Art, né dans les année 60, avec entre autres comme chefs de fil des artistes tels Richard Long et Robert Smithson.
Arts de la construction in situ, Earthworks (Terrassements), traces de marches, constructions in situ, usage de matériaux naturels, recherche de grands espaces, le Land Art privilégie une relation forte aux milieux investis, à l’environnement qui l’accueille et le nourrit.

Depuis quelques années, les relations artistes environnement ont pris une autre tournure, avec d’autres modes de revendications, parfois plus politiques, ou autrement politiques, la COP21 aidant, où la coloration verte de nuages d’incinérateurs ou du Grand Canal de Venise, attire l’attention sur des urgences climatiques de plus en plus brûlantes.

Du symbolisme poétique des grands espaces, des rituels post Amérindiens, des éco-artistes de ces dernières mettent le doigt sur des dérives écologiques, réinvestissent la ville mégalopole, les grands…

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Chemins d’écoute – La pratique du soundwalk (promenade sonore) en écrits

Desartsonnants

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Comme vous l’avez sans doute constaté, Desartsonnants aime l’écoute en marche, au sens littéral du terme. Il la pratique régulièrement, l’explore, en cherche des déclinaisons, des modes de contextualisation. Il expérimente différentes formes de déambulations auriculaires avec d’autres artistes plasticiens, écrivains, conteurs, danseurs…, des aménageurs, des chercheurs, des écoutants de tous crins. Il use de ces chemins d’écoute sans cesse réécrits au fil des pas, pour réfléchir à nos propres postures d’écoute au quotidien, mais aussi à celles, plus extraordinaires, qui nous offrent un décalage sensoriel propre à jouir de perceptions environnementales élargies. Il questionne nos relations avec l’espace, le son, nos co-habitants/co-écoutants, la construction de paysages voire de territoires sonores partagés.

Au-delà de la (dé)marche d’écouteur public, via des approches esthétiques qui ne perdent jamais de vue une forme de militance pour la belle écoute liée à l’écologie sonore, celle que nous a fait découvrir Murray Schaeffer, une réflexion…

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PAS – Parcours en duo d’écoute n°14 avec Isabelle Gessen

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Lundi 22 avril 2019, jour de Pâques, départ du 14e PAS en duo Lyonnais, de la gare Saint-Paul vers les hauteurs de Fourvière.

La visite est cette fois-ci emmenée par Isabelle Gessen.

Des escaliers, des écoles, couvents reconvertis, des parcs, un parcours en Acro-branches, des points de vue panoramiques, un cimetière, hélas fermé à cette heure, et des points d’ouïe aussi, sur le parvis d’une basilique, à l’intérieur et dans la crypte de celle-ci, d’autres parcs, une fin dans les ruines gallo-romaines, pour finir une redescente hors-micros.

Près de trois heures de marches, dont plus de deux enregistrées non-stop, sans retouches aucunes. Des dialogues, des lectures, certaines inédites, circonstanciées, beaucoup de dénivelés, et des espaces somme toute assez apaisés. Une nouvelle tranche de ville Lyonnaise à portée d’oreille s’offre à nous.

Au-delà des choses écoutées, c’est notre petite fabrique de paysages sonores qui est toujours au cœur du processus. C’est la façon dont nous le vivons, racontons, faisons vivre par notre récit croisé, in situ, en grande partie imprévisible, selon ce qui se passe, les sensibilités de chacuns -unes…

Je ne m’en lasse pas.

 

En écoute

 

 

Les sons de l’EmoSonne

PAS – Parcours Audio Sensible, des marches, des silences, des sons, des parcours, des paroles

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Suite à un PAS récemment effectué, sur la thématique de l’écologie sonore, que finalement très peu connaissent, je réfléchissais, une fois de plus, aux tenants et aux aboutissants de cette pratique, pour moi incontournable qu’est le Parcours Audio Sensible.

Un PAS est tout d’abord un espace-temps, un instant marché, où mille particules sonores, infimes bruissements, fragments d’un puzzle acoustique morcelés, épars, avec lesquels nous reconstituons un flux-paysage cohérent, un tout écoutablement logique et logiquement écoutable.
Le parcours tisse des lignes géographiques sonores, où se répondent places et jardins, cours et impasses, rires d’enfants et harangueurs des marchés. Une géographie sonore se dessine. Les espaces et les sons, au départ fragmentés, éparpillés en événements disséminés, disparates, sont recollés, recousus à l’aune de l’écoute et des traversées sensibles, kinesthésiques. Ces parcours écrivent un chemin qui prend sens au cœur d’un paysage sans cesse renaissant à l’écoute.
Le promeneur écoutant devient alors à même de se re-trouver dans des écoutes peuplées d’indices auriculaires, qui lui donnent petit à petit des clefs, confortant ses quêtes et recherches. Clés de lectures, ou d’écriture, parmi celles qui nous proposent de reconsidérer le paysage sonore comme un objet d’étude, ou comme une source de plaisirs. Entre autre, plaisir de se reconnaître dans un parcours non pas entièrement balisé, ce qui serait assez mortifère, mais au moins jalonné, tout en gardant la possibilité de se perdre encore à certains moments, pour mieux se retrouver ensuite.

Un PAS, c’est encore une série de gestes qui font que le silence est instauré, installé et entretenu au sein du groupe de promeneurs. Ce silence accepté, y compris sur une assez longue durée, celle de la déambulation, contribue fortement à rendre le monde audible, ou tout au moins un peu plus audible, et ce de façon plus efficace que mille savants discours. C’est dans ce silence qu’est perçue plus finement la complexité de notre environnement sonore, et que nous pouvons devenir un peu plus acteur, ne serait-ce qu’en posant une oreille curieuse sur ce qui nous entoure.

C’est également le moment où, lorsque le silence, intrinsèquement peuplé de sons, est rompu, que la parole collective peut à nouveau se libérer. Après un long silence, pas toujours facile à maintenir, les voix collectives ont à nouveau le pouvoir d’échappées belles, d’exprimer des ressentis, des frustrations, de narrer des gestes ayant donné naissances à de beaux moments, comme à des espaces-temps parfois discordants, dans une expérience d’écoute à la fois commune, et néanmoins individuelle et singulière, que la marche silencieuse a cependant souvent unifiée.

Le paysage sonore qu’on assassine !

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Beaucoup assassinent le terme de Paysage sonore (et parfois les pratiques liées), sous différents prétextes.

Ces prises de positions souvent abruptes génèrent, entre « spécialistes », de longs débats tendus, où d’ailleurs on s’aperçoit que les partis-pris inflexibles écornent paradoxalement beaucoup l’écoute de l’autre, du groupe, voire de soi-même. Paysage sonore et éthique sociale ne résonnent pas toujours hélas en harmonie…

Au final, sous l’avalanche de propositions sémantiques, concepts forcément innovants, rien de neuf ni de solide ne se construit. Force est de constater que le paysage sonore, si décrié et complexe fut-il, comme tout paysage du reste, possède aujourd’hui une histoire, des postulats, des pratiques, des recherches, des productions, des acteurs, une continuité temporelle, bref, une existence que l’on ne remet pas en cause si facilement, sous l’envie soudaine de réformer, quitte à flirter avec la pure Tabula rasa.

Le paysage sonore, des premiers travaux de Raymond Murray Schafer à aujourd’hui, ne cesse de se remettre en question, d’écoutes en captations, d’écrits en installations, de parcours en Points d’ouïe, de recherches en actions… et n’est pas, n’en déplaise à certains détracteurs, synomyme de collectages et autres field-recordings qui figeraient un sonore muséal poussiéreux.

Ce n’est pas une impasse, intellectuellement pauvre ou contre productive non plus. C’est en fait tout le contraire, à une époque d’hybridation de pratiques, géographie, aménagement, esthétiques, socialités, mobilités, éthique, écologie à l’appui…

Je pense, au risque de passer pour un indécrottable passéiste réac, qu’il serait dommageable de jeter le bébé avec l’eau du bain, et de raser sans égards un champ de recherche et d’action qui au final, ne fait que commencer et ouvre progressivement nombre de portes à nos oreilles reconnaissantes.

Le ralentissement bénéfique, une décélération sonore créative et salutaire

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Poursuivant ma réflexion autour d’une approche minumentale, je parlerai ici de ralentissements, ou des formes de ralentis créatifs, stimulants.

Il ne faut pas ici, considérer le fait de ralentir comme une décroissance négative, une perte d’activités contre-productive, appauvrissante, un élan dynamique brisé, mais bien au contraire comme un rééquilibrage physique et mental apportant de nouvelles énergies moins stressantes.

Je prendrai, comme à mon habitude, le cas du paysage sonore, ou en tous cas des actions de création, de marche, d’écoute, se posant dans le cadre de projets à résonances environnementales, dans le sens large du terme.

La première chose, a priori élémentaire, mais pas toujours la plus aisée a assimiler ou pratiquer, est de prendre le temps. Prendre le temps de réfléchir avant de faire, prendre de faire, sinon de laisser faire parfois, comme une déprise libératrice.

Prendre le temps de poser son écoute, non pas comme un flash ultra bref, désirant capturer un maximum en un minimum de temps, mais comme une séquence, ou un ensemble de séquences, suffisamment longues pour que nous ressentions l’enveloppe du paysage ambiant. Des séquences suffisamment longues pour que nous prenions conscience non pas de l’environnementalité du paysage, mais de notre appartenance ambiante à ce dernier. Faire partie du paysage, y compris sonore, c’est conscientiser nos responsabilités d’écouteurs bruiteurs, pour ne pas se mettre en marge de ce qui nous environne. Je reprends ici des propos, forts judicieux, de Gilles Clément, qui dénonce les danger du concept d’environnement, de par la possibilité à l’homme de s’en extraire, de se différencier de ce qui l’environne, donc de se déresponsabiliser des méfaits qu’il pourrait, et ne manquera pas de commettre.
Cet aparté refermé, revenons à notre ralentissement.

 

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Outre le fait de prendre le temps, moment quasi contemplatif, d’écouter alentours, nous pouvons dans un même temps ralentir nos mouvements, nos actes, nos gestes. La marche par exemple, qui constitue pour moi un dispositif d’écoute et d’écriture sensible éminemment pertinent, et ses arrêts point d’ouïe associés, se fera à une cadence délibérément lente, sinon très lente. Approche qui pourrait suggérer, toute proportion gardée, une résonance butoïste, d’ailleurs une lente danse et marche, fortement lié à la fois au sol et au cosmos.
Le ralentissement d’une marche n’est d’ailleurs pas si évident que cela, non pas pour le “guide”, mais pour les promeneurs embarqués qui devront faire l’effort de la lenteur, et qui plus est souvent du silence. Ralentissement du geste, raréfaction de la parole, attitude pour beaucoup contre-nature, donc contraignante. Mais l’accès à une perception augmentée, sans autre dispositif que notre propre corps ralenti, mérite bien quelques efforts, surtout dans une société qui ne cesse de nous bousculer, de nous pousser à agir de plus en plus vite, à flux tendu, sans espaces de repos, ni possibilité de laisser décanter les choses amassées.

Nous pouvons également ralentir, diminuer, le nombre de propositions, pour nous attarder sur celles qui nous paraissent les plus riches à long terme. Là encore le rythme trépidant, souvent imposé par les opérateurs culturels, les institutions publiques, les collectivités, les budgets, sont, dans le désir de (trop) bien faire bien, plus souvent de l’ordre du saupoudrage que du projet de territoire à long terme.
Ralentir le torrent de projets pour s’appuyer sur des constructions plus longues est une action qui permet de mobiliser des énergies de façon plus concentrées et au finale créatives.
Prendre le temps de faire, de faire murir, sans succomber à la sur-production à la chaine, laisser faire le temps, quitte à laisser s’installer un patine qui frottera le projet à une centaine usure temporelle, en examinant ce qui résiste plus ou moins à cette érosion voulue, et en dégraissant le projet de ses excédents qui noient le cœur de la démarche.

Prendre le temps de laisser faire, sans forcément imposer une intervention humaine. Installer une écoute en jachère, en friche, sauvage, non anthropique. Pour cela, laisser des espaces où non seulement il y aura ralentissement, mais abandon, où les sons pourront être ce qu’ils sont, entre silences et chaos, sorte de zones acoustiques primaires où l’oreille ne ferait, éventuellement, qu’écouter, que constater, et à la limite serait même absente. Ralentir la mainmise, l’oreille mise, jusqu’a l’effacement de l’écoutant. Effacement symbolique, ou physique, rêve d’un retour aux sons premiers, au chaos génératif, au seul bruit de la mer à perte oreilles, des volcans émergents… Imaginons…

Ralentir le flot de paroles, d’explications surabondantes, de thèses pour laisser place à une expérience brute, à du no comment, à l’essence de l’exploration sensorielle; quitte à être un brin perturbé, déboussolé, désorienté, à en perdre, momentanément, le sens de l’écoute, et à se laisser porter par l’émotion purement instinctive, viscérale.

Ralentir l’excroissance sonore urbaine, mégapolitaine serait certainement une action des plus importantes à mener. A condition pour autant, de ne pas systématiquement rejeter vers l’extérieur de la cité les fauteurs de troubles (voitures, vie festive), transformant les périphéries en de véritables poubelles sonores. Et c’est malheureusement la stratégie adoptée dans bien des cas ces dernières décennies.

Parallèlement, ralentir, voire enrayer, l’extinction d’espèces, la disparition des chants d’oiseaux en même temps que de leurs pratiquants, dans les espaces ruraux et naturel devient une urgence absolue, un cas de force majeur. Ce déséquilibre exponentiel nous est clairement montré à l’oreille par la paupérisation sonore grandissante de nombreux écosystèmes, témoignage d’une biodiversité oh combien menacée.

Deux défis qui semblent de plus en plus relever de la mission impossible, à moins que de renverser rapidement et radicalement vapeur, chose actuellement hautement improbable, un simple ralentissement s’avérant souvent tellement problématique à mener pour qu’il constitue une action un tant soit peu efficace.

Parmi toutes ces approches ralentisseuses, il y en a certaines que je mets en action régulièrement, le plus souvent que possible, d’autres que je tente de développer, d’étendre, d’autres encore auxquelles je participe avec mes petites mains et oreilles d’écoutant citoyen, et d’autres enfin que j’aspire à développer au cœur de mes pratiques. L’artiste sono-paysagiste que je suis est depuis longtemps préoccupé, engagé, dans une mouvance liée à l’écologie sonore telle que l’a pensée Murray Schaffer, conscient des difficultés actuelles à ralentir les choses pour que ces efforts ne restent pas de simples utopies, néanmoins motivantes.

D’autre part, marchécouter sans presser le pas, ni le tympan, le ralentir même, est une façon de résister à des violences cumulées, physiques, psychologiques, sociales, économiques, politiques… Et sans doute de les dénoncer, de les désamorcer, en ne répondant pas à la violence par la violence, mais au contraire par une attitude, une écoute, bienveillante, attentionnée, généreusement humaine.

 

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AudioGraphie – @Nathalie Bou et Gilles Malatray -Installation silencieuse – Parc de La Feyssine Lyon

 

 

PAS – Parcours Audio Sensible en duo d’écoute avec Sarah Neuffer

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Un nouveau PAS – Parcours Audio Sensible en duo d’écoute avec Sarah Neufer, étudiante Berlinoise qui travaille autour de l’écoute dans l’espace public. 50 minutes de balade, du haut de la Croix-Rousse à Lyon, au pied du Gros caillou, jusqu’à la place des Terreaux, au bas des « pentes ». Nous écoutons, parlons, marchons, enregistrons, sans aucune retouche.

Cette demi journée, puisque après le PAS, nous parlerons encore 3 ou 4 heures, autour des PAS, mais aussi du travail d’enquête de Sarah, écoute, espace public, société…

Un beau soleil, l’après-midi, de 15 à 20H, sera placé sous le signe de la convivialité. Plusieurs personnes nous aborderons de façon sympathique, enjouée, avec ou hors micro.

Les pentes sont animées, les terrasses de cafés bondées, chacun profitant de cette température estivale pour flâner dans l’entrelacement de ruelles et escaliers pentus.

 

 

Écoutez d’autres PAS – Parcours audio Sensibles en duo d’écoute :https://desartsonnantsbis.com/les-pas-parcours-audio-sensibles-en-duo-decoute/

Point d’ouïe, Charabotte, au fil de l’eau

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A droite, en contre-bas,
le défilé d’une petite rivière
montagneuse et tortueuse,
enserrée au creux d’une profonde combe,
murs minéraux et boisés quasi a-pic.
accidentée de micros chutes cascadantes
contrainte de blocs de pierre
obstacles perturbateurs
suivie discrètement de sentiers capricieux
apparaissant et disparaissant à l’oreille
au gré d’un détour soudain
parsemée de gourds bains sauvages
cernée d’une foisonnante végétation
Éole tricotant des tissus venteux à fleur de sentes
crissement de graviers roulant sous nos semelles
peu d’humain, ni d’animalité
une cascade repoussant toujours plus loin la faille falaise
qui la déversera enfin
au bout du chemin
ou presque au bout
assis sur des rochers bienveillants
maquettes d’ archipels pétrifiés
que les sinuosités de la rivières viennent caresser
et mille nuances d’aqua bruits sonnances.

Charabotte – Massif du Haut Buggy – Lundi 20 août 2018
Parcours Sensible – Workshop Titre à Venir

Station ZEP – Zone(s) d’Écoute(s) Prioritaire(s), marche des fiertés et fanfare – Lyon hausse le son

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Tout commence par une longue Station – ZEP – Zone d’Écoute Prioritaire , sur les marches de l’escalier de l’Hôtel de ville centrale, place des Terreaux à Lyon.
Trois heures de pause – écoute sur son, une première Desartsonnante.
Soleil assez vif, voire très vif en début d’après-midi.
La place est joliment festive.
Je branche ponctuellement mes micros sur de brefs événements, au gré de leurs apparitions et incidences.
Des groupes de marcheurs LGBT qui rejoignent joyeusement la Marche des fiertés LGBT, autrement nommée Gay Pride, Place Bellecour.
Nous la croiserons plus tard.
Il y a des voix.
Des cris, joyeux.
Des bribes de conversations.
Des rires.
Des chants.
Un match de football miniature organisé par Greenpeace opposant Diesel à Monde Pur sans voiture.
Et immuable, le fontaine Bartholdi en fond de scène chuintante.
L’écoutant est un peu en retrait.
Un peu en surplomb.
Une oreille qui embrasse une scène sonore parfois assez diffuse, avec des émergences ponctuelles.

 

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À bout d’écoute, enfin je le pense, je bouge.
Et pourtant cette fin de soirée restera encore tonique et sonique, plus que je ne le pensais a priori.
Je croise sur le chemin du retour la Marche des fiertés LGBT, et cette fois-ci, plus en ordre dispersé, mais en ordre de marche. Un défilé que j’entends de loin, et dont la rumeyur grandit rapidement.
Vivace, coloré, tonitruante, dansante, exubérante, joyeuse, revendicative, militante, multi-générationnelle, imposante, je m’approche de cette masse sonore et bariolée…
Liberté(s) de son corps, de ses pratiques sexuelles, sociales, mais aussi droits de l’homme, écologie, migrations, des revendications bouillonnantes d’actualité, voire même brûlantes sous ce soleil, en résonance, sur fond de disco mobile endiablée.
Des costumes et des corps bougeant, plus ou moins dénudés, courant, dansant, virevoltant, et un son Dance floor sur macadam d’enfer.
Je tente d’enregistrer, sature bien souvent mes micros. Tant pis, l’ambiance est communicative, j’ai envie d’en capter un brin de cette liesse collective énergisante.
Je remonte le défilé à contre-sens, jusqu’à son dernier convoi dansant.
Juste derrière, les balayeuses municipales qui nettoient à grandes eaux la rue, l’affaire est rondement menée.
Remontée de la rue Mercière et de ses restaurants, une ambiance moins dynamique, mais néanmoins joyeuse.
Le soleil met du baume au cœur, et aux corps.
Des voix, beaucoup.
Un cliquetis de mon sac, je n’ai pas pris la précaution pourtant élémentaire de chausser le casque pour éviter ces bruits parasites. Pas très pro.
Tant pis, un défaut qui restera tel quel, tic, tic, tic…

 

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Arrivé près de la place des Jacobins, je m’apprête à ranger magnétophone et micros.
Mais Lyon en ce jour hyper-sonique en décide autrement.
Une fanfare étudiante, festive, joue des mélodies populaires, près de la fontaine.
C’est ce que l’on appelle un « pétage », dans le jargon fanfaronnant.
Musique dans la rue, sur une place, avec un étui à instruments ouvert pour recueillir les dons du public, et une « petite » fête qui s’ensuivra si les auditeurs ont été généreux…
Autre musique que précédemment, acoustique cette fois-ci.
Un jeu parfois aux instruments un brin faux (musicalement parlant), mais qu’importe, c’est l’énergie festive qui prime là encore.
Déguisements, danses, et autres sympathiques clowneries bien rythmées.
Un public amusé et bon enfant.

Et toujours le soleil de la fête.

Presque saturé de sonorités festives, je quitte la fanfare sur ces derniers éclats de cuivres percutants.

Et tente de condenser cette grosse demi-journée en un montage audio, raccourcis de ces Station d’écoute et autres points d’ouïe aujourd’hui très enjoués.

 

Et les sons

 

 

Partition de PAS – Parcours Audio Sensible, partition n°7 – « Dos à dos»

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A 2, en  groupe (en nombre pair de préférence)

Temporalité et durée
De jour, de nuit, durée variable, de quelques minutes à quelques heures

Lieu
Ici ou là, en ville ou en milieu naturel, ailleurs, sur un banc…

Actions

  • Sur un territoire donné, peu importe lequel, on formera des duos d’écoutants
  • Nous marchons, en duo
  • A chaque pause, nous écoutons, en duo, en silence, dos à dos, assis ou debout
  • Ressentons l’espace environnant avec son co-écouteur, au rythmes de nos respirations/vibrations croisées, échangées, ressenties, senties, comme une peau qui vibre au contact d’une autre.
  • Répétons ce geste autant de fois que nous le désirons, dans différents lieux

 

Remarques et variations

  • Nous pouvons changer (ou non) de partenaire co-écouteur durant la partition.
  • Gardons à l’esprit qu’il ne s’agit pas de tourner le dos à l’autre, mais bien au contraire d’ouvrir avec lui une écoute sensible en restant en contact physiquement, mentalement, et sensoriellement.

Parcours métropolitainS Grand-Lyon et lisières; être dans la boucle

Trace 1 – Récit de Gilles Malatray

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Un mercredi après-midi, 14 heures, Sept personnes, toutes intéressés par le fait de marcher les lisières de la ville, se retrouvent à la station de bus Interpol à Lyon. Nous sommes tout près du Parc de la Tête d’Or et de la Cité Internationale, vers les périphériques Nord de Lyon.

Atmosphère lourde, orageuse, ciel plombé, saturé de gris/noir, ce qui n’arrête pas, pour l’instant, les pèlerins promeneurs ponctuels autant que périurbains.

Quatre zones bien différenciées jalonneront le parcours.

Quatre zones en boucle.
Comment faire la boucle ?
Comment boucler la boucle ?
Comment être dans la boucle ?
Des questions de tracés, de parcours, d’enchainements, de transitions, de passages par, vers, d’un espace à l’autre, d’occupations, de zonages fonctionnels, parfois de ruptures, de cassures, des petites frontières, plus ou moins visibles…
Des esthétiques et des ambiances spécifiques ou communes, distinctes ou entremêlées, question de perception…

Lorsque j’ai proposé ce circuit, je connaissais personnellement bien chaque tronçon, pour m’y être déjà longuement promené. J’avais néanmoins l’envie de tenter de (re)coller les espaces bout à bout, d’éprouver la boucle pédestre qui réunirait, ou tenteraient de réunir, ces territoires à forte personnalité, ayant chacun des singularités paysagères bien affirmées. Une boucle qui pourrait également être une partie, une micro variante d’un tout, un segment d’une autre boucle à beaucoup plus grande échelle, celle que pourrait tracer le circuit de Parcours MétropolitainS dans son intégralité.

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Au tout début, la Cité Internationale de Lyon, traversée d’une rue semi couverte, site architectural monumental d’Enzo Piano, avec logements de luxes, casino, restaurants, bureaux d’entreprises hi-tech, Musée d’art contemporain, complexe cinématographique, espace de congrès, salle de spectacle… Une ville « moderne » quasi ex nihilo, reconstituée façon mixage fonctionnel (pas trop social).
A droite, les rives du Rhône, à gauche le parc de la Tête d’or. Un cadre assez privilégié pour cette bande urbanisée de façon somme toute assez cohérente, visuellement parlant.
Une acoustique de ville intérieure.
Des allées et venues, plutôt feutrées, assez loin de l’agitation d’une centralité urbaine.

 

Direction le proche parc péri-urbain de la Feyssine. Traversons la barrière très circulante du périphérique.
Une escapade un brin sauvage est proposée en variante, supplément, par Patrick. Traverser les 4 voies d’un immense rond-point (en courant pour ne pas servir de cibles aux furieuses automobiles), marcher sur les extérieurs d’une fosse centrale jusqu’à trouver un sentier qui descend au cœur de la fosse. Nous sommes dans une enclave ronde, enterrée, à la nature buissonnante et sauvageonne, des sous-sols cachés, entrailles d’un rond-point, une sorte de dent creuse boisée, d’étrange cirque sauvage, en contre-bas des flots circulaires et circulants.
Retour sur les berges du Rhône. Vers un paysage bucoliquement péri-urbain. À gauche, Le Rhône majestueux, puis un périphérique, à droite, un autre périphérique. Au centre une longue bande paysagère, avec d’anciennes stations de pompage hydraulique, de très grands et vénérables arbres, et des castors, invisibles à cette heure là.
Des chants d’oiseaux se mêlent à ceux de moteurs périphériquants. De temps à autre, le bruissement de l’eau, en s’approchant des rives, parfois impraticables, encombrées de végétations foisonnantes, de blocs de pierres, longées de sentiers discontinus, cheminements en pointillés.
D’ailleurs des sentiers multiples jalonnent le parc. Sur l’axe central, une ligne droite en caillebotis, ou un chemin principal, terrain de jeu des promeneurs, avec ou sans chiens, joggeurs, cyclistes…
Plus près des rives, un entrelacement de sentes plus capricieuses, au gré des promeneurs « aventuriers ». Des balmes, creux, pelouses, un amphithéâtre de verdure, des espaces quasi sauvages ou nettement aménagés, l’équilibre est judicieux, et le public de déambulateurs semble s’y trouver bien.

 

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Le Campus universitaire de la Doua, Lyon 1
3e étape, après le franchissement d’un périphérique, nous abordons le retour via un gigantesque campus universitaire. Une centaine d’hectares, plus de 30 000 personnes, des équipements scientifiques, culturels, que nous traverserons en zigzaguant. C’est une ville au confins de la ville. Le campus est en travaux via une gigantesque restructuration, mise aux normes, démolitions/reconstructions, réaménagements des espaces verts, modernisations diverses et variées… Ces espaces, entre des architectures modulaires bétonnées, des passages, des espaces verts en chantiers ou plus anciens, est une sorte de kaléidoscope à l’urbanisation recentrée ces dernières années sur la percée du tramway. De grands pôles universitaires, notamment Lyon 1 Claude Bernard, L’INSA, et d’autres pôles d’ingénieries scientifiques, où physique, mathématique, biologie, informatique s’interconnectent dans cet univers singulier. Le campus, à l’origine très renfermé et cloisonné, s’est ouvert par l’arrivée du tramway qui nous fait maintenant le traverser aisément, sans franchissements. Le parcours piétonnier peut être extrêmement varié, empruntant les grands axes ou chemins de traverses, passages entres des bâtiments, contournements de travaux, traversées herbeuses et boisées… Souvent nous croisons une fête étudiante, ici ou là, expression de la vitalité des lieux, et surtout de leurs occupants…
Les ambiances sont changeantes, aujourd’hui de plus en plus humides, voire pluvieuses, ce qui influera sensiblement sur la fin présumée de notre boucle.

 

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Pour ce qui est de boucler la boucle, notamment en traversant le parc de la Tête d’Or, la pluie, qui se fait de plus en plus insistante nous décide d’abréger notre itinéraire initial. Nous pouvons dés lors l’imaginer dans son achèvement, traverser mentalement les allées du parc, longer le lac central, les grandes serres, la roseraie, croiser des joggeurs haletants, une cohorte de canards cancanant, écouter le bruit de la pluie sous de grands arbres, admirer les lumières changeantes de la fin de journée, et regagner ainsi, virtuellement, notre point de départ. La boucle serait ainsi bouclée.

Tranches de villes, ou de zones frontières périurbaines, en attendant les prochaines.
Espaces et parcours à re-construire, entre autre en fabriquant de la trace, et du récit.

 

Trace 2 – Récit de Catherine Serre

La balade commence.
Lieu de rendez-vous un arrêt de bus devant les barrières du Parc de la Tête d’Or. Le petit groupe qui se retrouve là devrait faire une boucle marchante, la pluie en décidera autrement, et séparera les uns des autres au cœur du Campus de la Doua.
Nous rentrerons sous la pluie menaçante par le chemin inverse de l’aller, un tout seul vaquera deux heures avant son prochain rendez-vous, les derniers prendront le tram.
Mais cela se passera dans trois heures, pour l’instant nous commençons la traversée de la rue intérieure de la Cité Internationale.
Aussitôt un effet de palimpseste que je connais bien se déclenche : lorsque je marche dans un lieu connu, chemin, rue, campagne ou ville, me reviennent les occasions précédentes d’y marcher. Dans la rue intérieure de la dite Cité Internationale c’est l’ancien Palais des Congrès un jour de Foire de Lyon, au long des couloirs, à travers des coursives et des kilomètres de passages pour une traversée d’un pavillon à l’autre.
Se mêle à cette journée adolescente le chantier de démolition de ce même palais des Congrès dix ans plus tard, et ses montagnes de gravats de béton armé.
A la fin de ces années c’est la très attendue ouverture du Musée d’Art Contemporain dans le seul pavillon conservé, et la nouvelle biennale qui fait suite à Octobre des Arts.
Ce sont des impressions colorées et kinesthésiques, celles du corps qui marche en plusieurs temps, ce sont des émotions qui superposent les espaces actuels et les souvenirs que j’en ai. Des images de l’ancien, du très ancien ou du récent, de l’individuel ou du collectif qui hantent mes lieux et me transportent dans de paradoxales sensations temporelles.
Aujourd’hui notre groupe s’étire et se regroupe au fil de la rue-ville qui n’en finit de rentrer dans un présent presque fictionnel, puis longe la rive gauche du fleuve et son périphérique et enfin traverse le campus universitaire contre l’orage.
Ce sera un lot nouveau pour mes archives intérieures en construction constante… Une expérience entièrement nouvelle commence par nos voix en éclats lors de la traversée du rond-point pour atteindre la clairière cachée dans un fond. On y verra un homme qui dort, son dos nu à peine visible à travers les feuillages, son visage est tourné vers le mur de soutènement du bosquet. Nous sommes pleins de questions dans ce petit havre, dans ce creux protégé du passage de dizaines de milliers de voitures juste au-dessus. Nous réussirons à nous en arracher sans en avoir compris le mystère, laissant le dormeur à sa sieste.
Des vélos, des chiens, leurs maîtres et maîtresses, quelques coureurs à pieds, personne ne semble-là par pur désir comme l’est notre troupe. Alors à l’entrée du Parc de la Feyssine, pour le plaisir enfantin, nous grimpons sur une borne de captage et nous nous offrons la vue panoramique d’une ouverture entre les arbres aux proportions idylliques. Devant cet équilibre, ensemble, en riant, en se faisant un peu peur, pour rien, nous escaladons cette butée de béton presque rocher, couverte d’herbe et de traces anciennes.
Ensuite nous marcherons au plus près de l’eau, les pieds dans le sable, le long d’étroits passages, avec des restes d’inondation dans les branches, ces petits fouillis d’herbes sèches effilochées un peu grises coincés dans les feuilles nouvelles. Un bord d’eau surveillé mais rendu au naturel, au presque sauvage. Un arbre centenaire ferme la traversée du parc de la Feyssine et nous voilà dans le campus de la Doua, l’orage arrive et nos préoccupations changent.
Parcours métropolitainS nous a impliqué dans une boucle exploratoire un peu modifiée par la pluie, nous avons avancé et serpenté dans ce coin de Lyon que j’ai connu ancien et vu se transformer, si je lui cherche un nom comme d’un pays rêvé à explorer ce sera aujourd’hui, Nom de pays : Le nom.

Carnet de voyage, de point d’ouïe en point d’ouïe

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Mon carnet de voyage, toujours en chantier, est fait de sons et de silences, d’ombres et de lumières, de couleurs et de matières, d’odeurs et de goûts, de visages et de paysages, d’architectures et de natures, de haltes et de mouvements, de trajectoires et d’errances, et surtout, d’une infinité de réminiscences furtives…

L’imprécision chronique d’un réel parcellaire, où le corps et l’esprit semblent pourtant trouver ce qui pourrait faire sens, enracine moult paysages sensibles, complexes, aussi présents que volatiles, dans une mémoire vibrante.

Se nouent ainsi à l’envi, des espace-temps déliés ou entremêlés à l’aune des périples cheminants.

Strate par strate, se compile un mille-feuilles à jamais inaccompli, un sédiment mémoriel où la pensée s’aventure parfois, sans doute pour se rassurer d’être encore bien là, et d’aller de l’avant.

PAS – Parcours Audio Sensible, écritures, extractions et prélèvements à Pérouges

29683995_10216749695161167_8558987113347535933_nExplorations, extractions, parcours sensibles et territoriales

L’action se situe dans le cadre d’un projet art-science, Titre A Venir, autour de l’anthropocène. Un collectif d’artistes, de chercheurs et de citoyens engagés s’est réuni pour une série de résidences/actions, portées par le tiers-lieu la Myne . Sont ainsi développées différentes expériences, réflexions, rencontres, parcours sensibles, documentations, méta-langages, bidouillages de systèmes éco-logiques, modes de communication, expérimentations, revendications politiques, au sens large… et plein d’autres effervescences qui se brassent sans complexe. Ces rencontres activistes donnent lieu à des expositions en chantier, ateliers communs, invitant artistes, chercheurs et publics à modestement re-visiter notre monde, l’environnement, ses fragilités, voire grands périls, sans toutefois sombrer dans un pessimisme mortifère. Il s’agit de poser des questions, sensibiliser, chercher à faire, à mieux faire, à ajouter sa petite goutte de sociabilité, d’humanité, sans vouloir tout résoudre, mais sans totalement subir aveuglément. Dysfonctionnements climatiques, migrations, économie/écologie… sont des sujets brûlants sous le regard (et l’oreille) de personnes venues de différents horizons, mais curieuses d’en expérimenter les tenants et aboutissants,, et surtout de partager ces questionnements plus que jamais d’actualités. Il n’est pas question ici de moraliser à outrance, de sanctionner, de catégoriser le bien et le mal de façon par trop manichéiste, mais bien d’expérimenter ensemble ce que nous pouvons faire et mettre en commun, entre rêves et réalités, quotidien trivial et utopies, société et individus, pensées et agir…
Pour mieux saisir ce projet complexe, l’idéal est de s’inscrire, de participer, même ponctuellement, dans une de ces actions qui, d’une ville à l’autre, s’installent progressivement dans le monde de ce que l’on nomme parfois des alternatives, des fabriques de commun, des tiers-lieux d’innovation sociale, fablabs et autres espaces ouverts…
Le cadre étant posé, revenons à notre Titre à venir. Il se promène dans quatre lieux durant une année. Le PAA (Pratiques Artistiques Amateurs) dépendant de l’École Nationale Supérieurs des Beaux-Arts de Lyon , Le Centre Culturel l’Attrape-Couleurs de Lyon 9e, le Centre culturels la MAC, Maison des Arts Contemporains de Pérouges  et pour finir, le Centre Culturel de Lacoux .
Nous nous retrouvons ainsi, par petits groupes, autour de certains ateliers collectifs, où chacun croise, à sa façon, ses savoir-faire, affinités, champs de pratiques et connaissances, pour donner formes à de nouvelles créations hybrides.
c’est ce qui nous a permis par exemple, lors de balades sensibles, de mixer écriture textuelle, sonore, échantillonnage de différents matériaux in situ, mesures sonores, de la qualité de l’air, des ondes électrostatiques… Nous mettons en place une forme composée de promenades esthétiques et scientifiques, dans un petit village médiéval et sa campagne environnante.
Lydie, artiste férue d’écriture(s), Cécile, militante contre l’envahissement des ondes de tous genres, David, artiste plasticien performer, manager de Titre à venir, entre autres choses, et Desartsonnants, l’habituel promeneur écoutant, ont donc le temps d’un week-end, parcouru un petit bout de la cité médiévale de Pérouges (01), pour mettre en commun leurs pratiques, et en découvrir de nouvelles en regard de l’autre.

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Nous avons ainsi tenter d’extraire des échantillons de toutes sortes, sur le site investi, pour les insérer à une sorte de matériauthèque, pour certains dans une exposition/atelier in progress, pour d’autres comme catalyseurs d’écritures, installations, et/ou de performances transmédiales.

 

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Première promenade, à deux pas de la résidence, ans le centre historique de Pérouges.
Auscultation des pierres et des mousses de vieilles bâtisses médiévales, relevés graphiques, relevées de la qualité de l’air, enregistrement audio, relevés des taux d’ondes électromagnétiques, écriture (textuelle) in situ, nous déployons une batterie d’outils, pour beaucoup bidouillés pour la circonstance.
L’idée est de jumeler le sensibles, je regarde, j’écoute, je touche… à des relevés in situ, pour les retransposer, les mixer, les interpréter, les incorporer par la suite, dans des actions et créations artistiques.

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Deuxième série de relevé au départ d’un sentier en contrebas du village. Notre centre d’intérêt est cette fois-ci, un fil de fer barbelé ! Nous observons quelques centimètres de matière, que nous calculons à) l’échelle du lieu (longueur total du fil).
ausculté, il chante joliment avec des résonances métalliques, et des sortes d’ »échos musicaux.
Une famille indienne nous observe curieusement, avant que de nous demain ce que nous faisons.
s’ensuit une sympathique conversation où nous expliquons notre démarche arts/sciences, au fil de questions et remarques échangés. Notre médiation voyagera finalement loin…
Troisième lieux d’observation et de prélèvement, un ruisseau dans un vallon s’étendant au bas de la colline de Pérouges. Il porte le joli nom de Longevent, déjà tout un poème que l’on se plait à entendre dans notre imaginaire.
Le site est bucolique, une rivière bien bouillonnante, des arbres, beaucoup de verdure, des ruines d ‘un ancien moulin… Mais aussi des promeneurs, nombreux sous ce premier soleil printanier, des chiens, et même des motos…
Alors que j’effectue différentes prises de sons du Longevent, David teste différents modes de captations graphiques via des frottis sur des mousses, terres, et effet de l’eau recomposant de surprenants paysages tout en mouvements.
Notre équipée cherche des moyens de « faire parler » le paysage dans ses moindres recoins, d’en traquer ses matières sensibles, d’en prélevé des échantillons aussi divers que surprenants, de les remodeler et rassembler pour montrer tout à la fois les beautés et les fragilités environnementales.

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Le lendemain, dimanche, je me lèverai tôt pour être sur le terrain, magnétophone en main, avant le levé du jour. C’est l’heure bleue, le réveil de la nature où un maximum d’oiseaux chantent pour saluer l’aube naissante.
Ce sont toujours des instants d’une incroyable intensité, surtout lorsque l’on se trouve dans un site très rural et boisé. Sachant que la biodiversité se réduit d’année en année comme peau de chagrin, ces instants sont précieux à savourer.
Nous poseront en fin de matinée nos observations en commun, et surtout nombre de questions sur les mises en formes à venir de nos collectages.
L’après-midi, nous irons explorer l’acoustique de l’église. Beaucoup de monde en ce dimanche pascal et ensoleillé, mais surtout, une insupportable Muzac pseudo religieuse, qui écrase toutes les beautés des acoustiques pourtant oh combien intéressantes pour que l’oreille vienne s’y reposer.
Un week-end riche en expérimentations qui vont murir lentement, au fil des promenades, rencontres, terrains à découvrir et installations à venir.

En écoute

 

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Tracé(s) de PAS – Parcours Audio sensible

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Une histoire de tracé(s) et/ou les tracé d’une histoire

Par définition, un tracé serait, dixit les dictionnaires :
La représentation par des lignes d’un dessin, d’un plan : Le tracé d’un boulevard.
Une ligne continue formant le contour naturel d’une côte, d’une voie, etc.
Un jalonnement sur le sol des lignes caractéristiques d’un ouvrage (tracé d’une route, d’une voie de chemin de fer, d’une fortification).

Si le tracé se réfère très vite à la ligne, aux lignes, celle-ci ne sont fort heureusement pas forcément droite. Bien au contraire, leurs sinuosités, parfois leurs discontinuités, à l’instar de l’écoute, traceront un plan de marche tendant à nous éloigner des sentiers battus. Quitte à risquer de perdre la trace. Charge alors à l’oreille de nous remettre sur le « droit » chemin.

Comment alors envisager de tracer, de relever le tracé d’un parcours sonore, pensé pour l’oreille ? Quelles en seraient les contraintes, les modes de représentations, les possibilités de lectures, les formes de récits envisageables pour le suivre de l’oreille ?

Proposer, construire et fixer le tracé un PAS suppose que l’oreille parcourt au préalable l’espace, ou les espaces envisagés comme terrain de déambulation sonore. Le tracé et la carte le recueillant complice de l’oreille en quelque sorte.

Il faudra donc envisager l’écriture d’un itinéraire sonnifère, partant d’un point de départ donné, jusqu’à un autre (d’arrivée), avec la possibilité de multiples variantes. Ce trajet pourrait ou devrait parcourir différents lieux/séquences susceptibles de raconter une, des histoires auriculaires, ou tout au moins de les (faire) vivre dans ses péripéties acoustiques.

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Comme pour un topo guide de randonnée , une sélection de points d’ouïe intéressants, spécifiques, spectaculaires ou non, d’ambiances caractéristiques, d’écoutes surprenantes, pourrait construite et ponctuer un cheminement piéton. Une hodologie s’appuyant sur des milieux sonores choisis pour leurs aménités paysagères par exemples.

Prenons le cas de circuits thématiques. Nous pourrions envisager un fil rouge donnant à notre PAS une cohérence écoutante et assumée, affirmée. Par exemple, un parcours autour de l’eau (fleuves, rivières, fontaines, lacs…), ou de lieux résonants (églises, passages souterrains, parkings, ponts…), des architectures spécifiques (cours intérieures, traboules), un parcours forestier, une exploration de friches ou sites industriels…
Ainsi, notre tracé afficherait une sorte de continuité rassurante, une logique préméditée, une forme de récit accompagnant l’oreille, sans trop ni la contraindre, ni la perdre dans la complexité, la densité de l’environnement sonore, surtout en milieu urbain.

Il s’agirait donc de tracer un territoire d’écoute, dont les délimitations, les lisières seraient forcément mouvantes, du fait des plans sonores toujours en mouvement, des innombrables hors-champs qui font du média son un objet qui ne peut être appréhendé comme un le serait celui du champ visuel.

Tel quartier, ou écosystème, serait abordé par le biais d’une écriture propre à en faire saillir leurs spécificités, aménités, ou même trivialités, révélées voire exacerbées par des gestes dépaysants. Il m’est par exemple arrivé, avec des étudiants d’architecture/urbanisme, d’entendre comment sonnait une vieille cité aux rues et trottoirs pavés, via des valises à roulettes. On pourrait ainsi développer des parcours d’après des expériences partagées avec des aveugles, ou des handicapés moteurs, des habitants d’un quartier, des danseurs cherchant des appuis corporels et sensoriels urbains, des écoles, un tissage industriel…

L’histoire même des espaces parcourus alimenterait des écritures in situ où les récits de territoires joueraient du passé, du présent, des mutations en cours, et pourquoi pas d’un rêve pour demain. Des sites industriels, parfois en ruine, ou reconvertis, voire disparus, ensevelis par de nouvelles couches urbanistiques nourriraient des sortes de fables à écouter en arpentant les lieux.

La notion de tracé, de ses lignes fixées sur papier, via l’informatique, des applications numériques, cartographiées, signalisées, emmenant le promeneur au fil des itinéraires sonores proposés, serait alors matérialisée par un ensemble de marqueurs territoriaux, pour explorer sensiblement les lieux sans perdre leur entendement.

Le PAS peut être physiquement guidé, animé, comme c’est régulièrement le cas, où bien alors associé à ne forme de balisage qui n’est cependant pas évidente à matérialiser sur le terrain, du fait de l’immatérialité et de la mouvance des cheminements sonores. Entre cartographie, parfois subjective, et guidages numériques, applications mobiles, des balises plus souples sont aujourd’hui possibles quitte à en inventer ou à en contextualiser de nouvelles.

Un des points intéressants de la démarche étant de jouer sur une réalité de terrain qui ferait émerger un imaginaire collectif, par lequel tout un chacun se raconterait sa propre histoire, tout en restant soudé au groupe par un geste d’écoute collectif.

La description pragmatique, l’analyse d’ordre phénoménologique, d’autres approches analytiques, seraient toujours confrontées, frottées, avec une expérience éminemment sensorielle, qui tracerait des chemins parfois sinueux, aux contours plus ou moins définis, aux variantes propices à des écarts assumés entre tracés et marche. Chemin de travers obligent. De la représentation itinérante au geste, il n’y a qu’un pas.

Le tracé d’un parcours sonore peut donc être contraint par l’expérience même d’un PAS qui résisterait parfois à l’itinéraire imposé, pour s’encanailler selon les caprices d’un déroulé auriculaire facétieux.

Des cartes sonores pour mieux se perdre en quelque sorte, ou en tous cas ne pas forcément suivre les sentiers battus que préconiserait un tracé, aussi travaillé fut-il dans ses écoutes en sentiers, en ruelles, ou avenues.

L’histoire proposée, suggérée, serait donc un mélange de rigueur et d’audio libertinage vagabond, un tracé somme toute un brin rebelle, que l’œil, l’oreille et les pieds, tenteraient de suivre avec une curiosité entretenue par la part d’incertitude liée au monde auriculaire-même. Les tracé nous entraine dans une forme de réalité augmentée (sensoriellement) qui ne fait pas appel à des dispositifs ou un appareillage technologique pour nous embarquer, nous immerger, dans une histoire à portée de pieds aventureux d’oreilles titillées.

Cette carte à jouer de l’entendre, plus suggestive qu’injonctive, démultiplierait les possibilités de l’écoute, selon les territoires traversés, jouant sur des surprises, des ruptures, le déroulé des dépaysements, qui nous offriraient de vraies friandises sonores.
Et je sais par expérience qu’il suffit de déplacer, de décaler légèrement l’attention à ce qui nous entoure, de solliciter une posture physique plus réceptive, un imaginaire de cueilleur de sons par exemple, un scénario de marche original, des points d’ouïe inhabituels, pour s’ouvrir une belle aventure sensorielle, qui n’est pas par autant par avance toute tracée. En tout cas, dont le tracé ne demande qu’à s’échapper de ses propres lignes, pour y revenir à l’envi.

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PAS – Parcours Audio Sensibles canailles

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Les PAS – Parcours Audio Sensibles, doivent s’aventurer dans des espaces surprenants, déroutants, là où les sons s’encanaillent, ne sont pas gentiment lisses, dans une version trop « entouristiquée ».
Ils doivent explorer des territoires improbables, à des heures où l’utopie peut facilement titiller notre imagination, la nuit par exemple, feutrée et propre à l’éclosion de tous les doux dingues complots sociaux- idéalistes.
Ils nous faut traquer des situations amènes, où la surprise et le dépaysement sont plus douces rêveries qu’oppressantes anxiétés.

2018, paysage sonore arpenté et autres utopies

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Je vais faire en sorte d’avancer d’un bon pas
croisant sur mon chemin des personnes que j’aime
d’autres que je découvrirai, j’ai hâte, dans l’action,
dans le geste et la parole réciproques
partageant avec eux des routes incertaines
des idées à défricher de concert
à tracer de l’oreille toujours insatiable
et de nos corps kinesthésiques
être dans leur pas ou bien modeste guide
l’oreille en sentier, l’oreille en chantier, l’oreille enchantée
des points de vue et des points d’ouïe
des lignes de vie, lignes de fuite, en perspective
des croisées de chemins pour tenter de se perdre
pour égarer la certitude d’un tracé par trop tracé
la sérendipité comme un attrape-rêve d’inattendus,
comme un cueilleur fidèle d’in-entendus
un ou deux pas de côté pour sortir des sentiers battus
un chemin de travers(e) pour contourner les idées rebattues
des écritures multiples, forgées d’aménités paysagères
inspirées de rencontres fertiles d’humanité
des forêts traversées telles d’initiatiques démarches
les frontières et lisières incertaines voire  piétinées et confondues
franchissables sans heurts violentant le droit du sol
les itinéraires qui deviendraient paradoxalement  errances
et vice et versa nous perdant pour mieux nous retrouver
des cartes qui n’en feraient sensiblement qu’à leur tête
des obstacles qui, de gré ou de force, nous confortent le pas
des détours d’horizons qui nous échappent encore,  et toujours
des altérités sédentaires comme d’autres en mouvement, ou bien en alternances
une société parcourue à fleur de pieds librement vagabonds
leur plante qui ne s’enracine que pour mieux repartir
des postures, de pied en cap, à oreille comprise
des récits dignes des plus beaux clochards célestes
et de ceux qui sont restés rivés aux solitudes terrestres
des road-movies qui tracent et filent vers des espaces fuyants
des empreintes éphémères modestement effacées de résilience
des balades entre chiens et loups, où on ne sait plus qui est qui
dans l’obscurité bienveillante d’un entre-deux fertile
des espaces temps ou l’imaginaire s’exalte
des communautés de marcheurs soudés de nomadisme
des cités aux contours flottant entre béton et jardins
de grandes avenues et d’infimes intimes passages
des oasis de calme et des agoras bavardes
des mains comme des oreilles, tendues
des escales dans des ports bien sonnants
où jeter l’encre noire ou bleue, écritoires de nos pérégrinations
des labyrinthes en colimaçons complices et complexes
une boussole effervescente qui parfois perdrait le Nord
des bancs havres de paix, refuges d’urbanité,
accueillant nos plus folles rêveries urbi et orbi
des envies de lenteur comme décroissance prospère
un logis planétaire bien ancré, autant que rhizomatique
des hôtes bienveillants, avec qui refaire généreusement le Monde
un arpentage salvateur pour se mesurer à soi-même, comme à l’autre
une ligne droite qui n’est pas toujours, tant s’en faut, le meilleur des chemins
il nous faudra également combattre des exodes planifiés, à l’échelle de la barbarie
des migrations qui marchent hagardes d’atrocités
sur les routes d’une terre qu’on épuise à grands pas
accepter de ne pas toujours connaître le bon sens de la marche
mais ne pas renoncer à en chercher sans relâche l’essence vitale
avancer toujours pour ne pas tomber dans le piège du hiatus
forger des utopies sans fin vers lesquelles sans doute, on titubera
rien ne sert de courir, il faut marcher à point
rien ne sert de courir, il faut marcher ensemble.

 

 

 

Points d’ouïe, Points de vue et fils d’écoute

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Aujourd’hui, je tente de tirer des fils entre quelques focales telles que l’écoute, la marche, la cartographie, les audio-data (in situ comme dans la galaxie numérique).
Arpenter un territoire, en capter des ressources (sonores), les organiser comme objets d’étude et/ou de création artistique, les jouer, rejouer in situ, les cartographier pour les mixer ici ou là, du local au mondial, hybrider des savoir-faire, en ébaucher d’autres…
De la recherche action, au corps des paysages, comme dans des laboratoires, amphithéâtres et ateliers décentrés, jusque dans les archipels de réseaux numériques, de l’arpentage au cloud, en passant par le papier, la matière, la rencontre humaine, surtout…
Avec l’oreille guide pour ne pas (trop) se perdre.
Un exemple en chantier, qui cherche des lieux de résidence, recherche/action, partenariats, pour tisser et partager sa toile d’écoute : https://drive.google.com/file/d/1yKET80WF_aLEjPaSiTwhrYwWMD1tlsxD/view?usp=sharing

Desartsonnants, transmission/transition éc(h)ologique – Formations, colloques, séminaires, résidences-ateliers – Année 2018 (En chantier)

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– Intervention lors d’une journée de travail « Parcours métropolitainS » Partenariat avec le Grand Parc de Miribel Jonage – porteurs de projet le collectif interdisciplinaire Abi/Abo, Lyon City Treck, Desartsonnants – Rencontres le 15 et promenade exploratoire le 16 décembre 2018 (à préciser)

– Formation workshop « Carte sonore » – écriture de parcours-paysages sonores – École Made In, les Maristes à Lyon – Session en janvier et février 2018

– Colloque « Marches sonores et chorégraphies » Centre National de la Danse à Paris, invité par l’Université Paris 8 Pantin – 12 et 13 janvier 2018

– Table ronde autour de la création sonore environnementale, dans le cadre du projet « Titre à venir », sur des thématiques liées à l’anthropocène. Centre d’art l’Attrape couleurs, Lyon9e – Samedi 20 janvier 2018 (à confirmer)

– Conférence « De la captation audio à la création sonore » École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon-Vaulx-en-Velin, en partenariat avec le LabEx IMU –…

Voir l’article original 179 mots de plus

Paysages et ambiances de villes 2015

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Je relaie ici une page écrite par mon ami et collègue sound designer Frédéric Fradet.

Enseignement dispensé à l’École Nationale Supérieur d’Architecture de Lyon, ENSAL
Enseignants : Gilles Malatray, Jean-Yves Quay, Anna Wojtowicz, Sandra Fiori, Olivier Collier, Cécile Regnault, Frédéric Fradet

Cours magistraux, terrain et séances de projet d’analyse urbaine, réalisation de cartes postales sonores, dispensés à une centaine d’étudiants.

Les séances de montage sonore ont eu lieu dans les studios son de l’école, très bel outil pédagogique mis à disposition pour les étudiants.

Studio

©Frédéric Fradet

 

https://fredfradet.com/2015-paysages-et-ambiances-de-villes/

Journées d’étude – Les promenades sonores et chorégraphiques en question

Vendredi 12 et samedi 13 janvier 2018
CND (Centre national de la danse, Pantin), studio 14

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L’histoire des artistes marcheurs au XXe siècle s’est principalement tournée vers les pratiques performatives d’artistes visuels : elle va de dada aux artistes du Land Art en passant par les surréalistes ou Fluxus, jusqu’à des artistes contemporains tels Francis Alÿs, Sophie Calle ou le collectif  Stalker. Si cette histoire s’est volontiers articulée à la littérature, notamment à travers la figure du flâneur, elle intègre rarement les démarches des compositeurs et des chorégraphes.
Réunissant artistes, musicologues, chercheuses en danse, géographes, philosophes, ces journées d’étude interrogeront la marche (solitaire ou collective) en relation avec la création sonore ou chorégraphique : comment penser la dimension « hodologique » (du grec hodos, chemin) de l’art, c’est-à-dire le caractère situé d’une expérience esthétique dont la saisie perceptive implique le déplacement du spectateur-marcheur ? Comment y articuler les notions de milieu, de paysage d’ambiance et d’écoute ? De quelles façons ces œuvres instaurent-elles un lien spécifique avec le contexte de leur effectuation ? Y a-t-il des logiques de composition commune à l’art hodologique ?
Quelle écologie perceptive est en jeu dans l’expérience esthétique multimodale d’une œuvre hodologique ? Quelles méthodes d’analyse spécifiques de tels objets d’études engagent-ils ?
Organisation : Julie Perrin (Université Paris 8, IUF), Nicolas Donin (STMS, Ircam-CNRS-UPMC)

Vendredi 12 janvier 2018 / 13h-18h
Studio 14 (3e étage du CN D)
13h Introduction par Nicolas Donin et Julie Perrin
SESSION 1 : EXPÉRIENCES ESTHÉTIQUES EN MOUVEMENT
13h30 Elena Biserna Marche et pratiques sonores et musicales in
situ. Lire et réécrire les milieux urbains
14h15 Alix De Morant Étendues, sillages, ponctuations : Terrains,
temporalités et pratiques de la marche en danse
15h Bastien Gallet Marcher dans les sons : pratique et esthétique
de la marche sonore

/ 15h45 : Pause /

16h Joanne Clavel Expériences de natures : les treks danse comme
dispositif de médiation
16h45 Gilles Malatray Points d’ouïe et Parcours Audio Sensibles –
dialogue avec Elena Biserna
17h15 Jean-Luc Hervé De l’auditorium au plein air, de l’immobilité
à l’écoute ambulatoire – dialogue avec Nicolas Donin

Samedi 13 janvier 2018 / 9h30-18h

SESSION 2 : ATELIERS CHORÉGRAPHIQUES
9h30 Atelier au choix (sur inscription la veille, jauge limitée) :
Myriam Lefkowitz Toile d’écoutes (studio 1, RdC du CN D)
Laurent Pichaud Démarcher sa disponibilité — ou activer son
corps sensible dans des espaces publics non artistiques
(RDV devant le studio 14, 3e étage du CN D)
/ 11h30 : Pause /
12h Séance plénière (ouverte à tous, studio 14)
avec Myriam Lefkowitz et Laurent Pichaud, en dialogue avec Nicolas Donin, Gilles
Malatray et Julie Perrin

/ 13h : Pause déjeuner /

SESSION 3 : TRACES, MÉTHODES ET PERSPECTIVES
14h Julie Perrin En quête de traces hodologiques pour la danse
14h30 Makis Solomos Promenades sonores : un art en transition ?
15h Roberto Barbanti Promenade écosophique
/ 15h30 : Pause /

15h45 Interventions de Gretchen Schiller et Jean Marc Besse, suivies d’une
table ronde réunissant les participants.

PAS – Parcours Audio Sensibles in carnets

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Carnet, du français médiéval quernet (« Groupe de quatre feuilles »), du latin quaternum (« relatif à quatre », « plié en quatre »).

Plions nous ici en quatre pour ouvrir et couvrir quelques feuillets encore vierges, au gré des chemins sauvages.

S’il y a des mots, et plus matériellement des objets que j’aime beaucoup, le carnet en est un !

Carnet de notes, de chèques, de voyage, de comptes, de campagnes, du jour, de bal, de santé, de timbres, de croquis… Les carnets sont multiples. Tous n’ont pourtant pas pour moi le même attrait, ou la même utilité. Celui que j’apprécie et utilise le plus est certainement le carnet de notes. Je vais donc en parler prioritairement.

Iles tiennent dans la poche et pourtant, carnets de notes, de voyages, ils (me) font rêver, sur un écran beaucoup plus large que n’importe quels télévision ou cinéma.

J’en ai toujours un ou deux dans une poche, un sac à dos, une valise, pas des télévisions il va de soi, des carnets.

En marchant, en transport en commun, assis sur un banc, au bureau, ils fixent quelques idées par trop volatiles, fugaces, dont on he sait pas forcément pourquoi elles viennent, d’où elles viennent, et ce qu’elles feront par la suite germer, ou non.

Le carnet est pense-bête, une mémoire papier tangible.
Il est terrain d’explorations sensibles écrites ou griffonnées.
Il est fixateur de ressentis, d’images, de sons, de lumières, pas si fixes que cela du reste.
Il est l’intime et l’extime confondus.
Il est un attribut de la mobilité, d’une forme de légèreté, de bribe de liberté donc.
Il est la porte d’un exotisme dépaysant, ou d’un quotidien, tout aussi dépaysant.
Il est la compilation de signes divers, sur lesquels on reviendra peut-être.
Il est gardien de notes de contacts, d’adresses, de noms, de ressources potentielles.
Il est bien plus encore, ce que l’on veut bien en faire, y compris dans les hybridations les plus singulières.

Les PAS – Parcours Audio Sensibles, ont besoin de légèreté, d’une forme de liberté, sérieusement frivole, d’une souplesse mobile, et d’une trace possible. Un petit bloc de papier, est bien mieux pour moi qu’un ordinateur, un smartphone, une tablette, l’objet qui répondra à mes attentes nomades et parfois imprévisibles.

Un carnet en poche, ou de poche, et plus parfois, est, de façon plus libre qu’un microphone, et la mémoire est sauve, ou presque, ou une partie, propre à être réactivée.

Le carnet, notes à la volée, croquis maladroits, plans de textes, est souvent, dans mon travail, le préliminaire à un écrit plus étendu, développé, prélude à l’article à venir, à des rendus potentiels et différés.

Je suis pour ma part, resté à la matérialité de l’objet, bloc de papier et crayons compris. J’aime les toucher du doigt, rassurants car à portée de main, toujours prêts à l’emploi. J’aime les effleurer dans une poche, sans même y noter quoi que ce soit, sans même les ouvrir, juste sentir leur présence complice.

Pour fixer l’écoute, ou la transcrire, la commenter, la développer, l’interpréter, imaginer sa transmission, son partage, sans en fixer les sons par une quelconque captation, les mots noircissent les carnets, de verbes en adjectifs, de formules descriptives en ressentis poétiques, d’analyses en graphies-utopies, dans des projets en chantiers d’écritures.
Le carnet accompagne mes PAS, les expériences et réalisations, il en recueille les confidences, les scories, les substantifiques moelles, quitte à les re-cuisiner selon les caprices ou rêveries de celui qui le tient.

D’ailleurs, le fait de tenir un carnet, implique non seulement de s’y tenir, avec la force et la ténacité d’un geste répété au fil des marches et démarches, mais aussi un sentiment d’attachement personnel. Je tiens un carnet de notes, je m’y tiens, et j’y tiens !

La richesse de croiser des carnets, ou de savoir les remplir de mots comme de dessins, est une porte ouverte vers l’ailleurs, le demain, parfois en (dés)ordre de marche, en même temps qu’un regard vers ce qui est advenu, et dont on a voulu, même de façon très fragile et éphémère, garder trace.

Ne sachant ni dessiner ni prendre correctement une belle photo, je recherche souvent des carnets à croiser sur des chemins communs. L’un prêtant l’oreille, l’autre aiguisant le regard, l’un couchant des mots, l’autre jouant des formes et des couleurs crobardées sur le vif. Car le carnet n’est pas seulement, et pour moi pas du tout, un repli auto-biographique dans une chambre douillette de post adolescent, ni une tour d’ivoire protégeant des tourbillons du monde. Il est aussi, et surtout, un passeport pour l’altérité, y compris dans ses formes qui n’ont parfois rien d’avenantes.

L’exercice du carnet vagabond m’invite à coucher des parcelles de monde par mots, ou autre signes interposés, à rêver ce monde, tout comme à nous heurter à ses violences sans concessions. À nous de décider, plus ou moins consciemment, ce que nous conserverons et partagerons le cas échéant d’un monde revisité, y compris via le sonore, in-carnets.

En fait, le blog dans lequel vous vous trouvez est principalement un carnet de notes auriculaire, qu’on se le lise et qu’on se le dise.

 

Points d’ouïe, de la veille informatique au terrain

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Faire une veille informatique, comme c’est mon cas actuellement autour des parcours sonores et de la marche en général, c’est tous les jours s’étonner de la richesse et de la diversité des projets de par le Monde. Une curiosité toujours ravivée de découvertes parfois très inspirantes, et par delà l’écran, une envie de réseaux, de voyages, de rencontres, d’hybridations… Une aspiration à partager, à transmettre, à échanger. Au-delà de la veille, c’est une sorte de jardin sonore planétaire en chantier, pour reprendre l’expression de Gilles Clément, qui se tisse entre l’immatérialité de la ressource et la concrétude du terrain, et bien sûr de l’humain. A la façon d’un collectionneur addict, plus on avance, plus on se rend compte du chemin qui reste à parcourir, plus on s’engage sur de multiples routes, toutes plus passionnantes, parfois inquiétantes, les unes que les autres dans leurs entrelacs, croisements et bifurcations. Une recherche-action qui invite à un nomadisme fécond, toujours en quête d’amènes humanités.

PAS – Parcours Audio Sensibles et Points d’ouïe sur bancs d’écoute, parcours et cartographie

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City Sonic -Mons (Be)

 

PAS – Parcours Audio Sensibles et Points d’ouïe sur bancs d’écoute

J’envisage généralement deux principales postures physiques, pour écouter, tout simplement, et mettre en scène, et ou en action, un ou plusieurs Points d’ouïe.
En plus du fait d’être promeneur-écoutant, voire écouteur public, je m’efforce de mettre en scène des espaces d’écoute(s), afin de pouvoir partager ces ambiances où finalement, l’immatérialité des sons pose un voile parfois assez épais sur les oreilles potentiellement intéressées. Souvent, lorsque l’écoute se porte consciemment sur des lieux, cela tient du fait que ces derniers sont soumis à des déséquilibres sonores parfois extrêmement violents, à la limite de l’invivable, d’une insupportable pollution acoustique. Il est évident que, si nous ne pouvons ignorer ces situation de crise, d’excès, il ne faut pas attendre qu’elles se généralisent pour porter une écoute active sur notre environnement. Nous ne pouvons pas non plus ne montrer que ces points de déséquilibre stressants, en ignorant le fait qu’il existe encore, pour l ‘instant, de beaux oasis sonores, y compris en hyper centre urbain.
Bref je tente de mettre en scène ce que le paysage sonore possède comme des aménités environnementales constructives, pour ne pas tomber dans le panneau sclérosant du bruit sans autre échappatoire que de s’enfermer dans un habitat cocon isolé, dans une situation quasi autistique.

L’écoute se pratique bien évidemment au cœur des sons, des cités, de l’espace public, et des personnes qui l’habitent et le façonnent au fil de leurs activités.

Je procède par une approche d’écoute immersive, si possible dans des laps de temps suffisamment conséquents pour prendre la mesure des ambiances sonores, mais aussi plus globalement des ressentis plurisensoriels.
Deux postures se sont ainsi imposées au fil des expériences, l’une statique, en situation d’affut, de guetteur qui laisse venir à lui les sons, l’autre en mouvement, via la marche, pour aller vers les sources sonores, et en mixer des ambiances au gré des PAS.

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Invitation à l’écoute

 

Je parlerai ici de la première, celle qui s’effectue de façon statique, immobile, et le plus souvent assise.
J’ai très rapidement élu domicile, en tous cas dans des situation d’écoutant, sur des bancs publics, ceux que je nomme souvent « Bancs d’écoute ». Ils se sont révélés d’excellents points d’ouïe, faisant face à des situations urbaines, ou non, très variées, tantôt sereines, tantôt turbulentes, étant parfois situées dans des lieux surprenants, atypiques. Certains bancs sont posés de façon assez anachronique, faisant face à une rue, tout en tournant le dos à une forêt, un magnifique panorama, une rivière de beaux cas d’étude.
Mais pour moi, c’est bien la visée sonore qui m’intéresse dans un premier temps.
Je suis capable de m’assoir parfois deux à trois heures consécutives sur un même banc, voire plus, écoutant, regardant, notant, enregistrant, parfois conversant… Ce mobilier devient alors, lorsque le temps le permet, un bureau de travail provisoire, susceptible ainsi de se déplacer dans différents points d’un quartier, de la ville, dans différentes cités, via une forme de construction géographique studieuse autant qu’audiophile. Prenant mon propre quartier et ses bancs comme terrain d’expérimentation, tel un laboratoire auriculaire urbain, ou, modestement, une ré-écriture de la performance de Georges Pérec qui tentait de mener à bien l’épuisement d’un lieu parisien, j’ai ainsi cartographié, au fil des écoutes assises et publiques, une série d’ambiances finalement assez caractéristiques, en fonction des jours, des heures, et des saisons.
Il me faut, comme lors des PAS – Parcours Audio Sensibles, construire dans une certaine durée, dépassant de très loin es quelques minutes accordées à des pastilles sonores radiophoniques, pour viser une immersion qui se compte plutôt en heures. Il me faut aussi tabler sur une répétition, une itération des écoutes, sur un même banc, sur une compilation de situations qui feront que j’appréhenderai les scènes acoustiques comme des pauses non contraintes par des rythmes de vie trépidantes, mais visant plutôt le repos du flâneur, une certaine aspiration vers la lenteur, le non pressé, le temps de vivre, de ressentir à l’envi. Pierre Sansot avec ses ouvrage « Du bon usage de la lenteur » et « poétique de la ville », mais sans doute aussi un Gaston Lagaffe travaillant à « rebrousse poil » sont des références des plus inspirante dans mon appropriation en mode doux.

 

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Cadre d’écoute et point d’ouïe

 

 

La géographie des mobiliers, la spécialisation des bancs dans l’espace public, urbain, dessine une forme de parcours qui nous conduit d’un point d’ouïe à l’autre, jouant sur les différences sensibles d’un espace à l’autre.

J’ai ainsi conçu un dispositif, un mode d’écriture de PAS qui sont directement liés à des implantations de mobiliers urbains, ici les bancs, sachant que, d’une ville à l’autre, ou dans différents villages, les déambulations, les modes de jeu, seront très donc différents.

J’ai expérimenté ces parcours dans différentes villes ou villages, de Mons (Be), Lausanne (Ch), Malves en Minervois, Lyon, Charleroi, Paris, Orléans, Loupian, Victoriaville (Québec), Tananarive (Madagascar), Nantes, La Romieu, Cagliari (Sardaigne), Vienne (Autriche)…
Dans chaque lieu, sur chaque banc, le parcours et ses haltes sont tellement différents, que l’on peut imaginer une collection infinie de points d’ouïe, tous plus riches et dépaysants les uns que les autres.

 

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PAS – Lyon – Projet Parcours métropolitainS – ©photo Pierre Gonzales

 

Ainsi, un parcours de bancs d’écoutes géolocalisés et cartographié dans mon quartier (Lyon 9e)
https://www.google.fr/maps/d/edit?hl=fr&mid=1IEid3WtJ2bsP92Ejss-iLmauDsNnDIJA&ll=45.77441642784203%2C4.808858875940018&z=18

Un texte
https://www.linkedin.com/pulse/bancs-publics-d%C3%A9coute-gilles-malatray/

Un projet de parcours
https://fr.scribd.com/document/156704291/Bancs-d-e-coute-parcours-sonore-urbain

Desartsonnants, promeneur et metteur en écoute

Lyon le17 novembre 2017

 

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Audiographie

PAS – Parcours Audio Sensible au Parc de La Villette à Paris

À La Villette, on tranche l’écoute !

 

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©photo Frédéric Mathevet – l’Autre Musique

C’est sur l’invitation de chercheurs de Paris 1 Sorbonne, Notamment Frédéric Mathevet et Célio Paillard, dans le cadre d’un  séminaire autour du thème « Partitions »* et accueilli par le CDMC (Centre de Documentation de la Musique Contemporaine) que s’est déroulée ce nouveau PAS Parisien.
Le LAM, structure organisatrice, Laboratoire l’Autre Musique est associé à l’ACTE, UMR 8218 Paris1 Panthéon_Sorbonne/CNRS, équipe Musique et Arts Sonores effectue des recherches/actions; ouvertes à la participation de nombreux artistes et chercheurs, autour de thématiques musico/sonores. Parmi celles-ci, se construisent des des axes de réflexion tels que le corps/corporalité, le rapport social, la circonstance, le bruit, la technologie… Des publications électroniques sont ainsi accessibles à tous pour prendre connaissance de ces foisonnantes recherches interdisciplinaires.
Le CDMC quant à lui, qui nous accueille, est situé entre la Cité de la musique et la toute nouvelle Philharmonie, et à quelques encablures du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de paris, tout près de la Fontaine aux lions et de la Grande Halle de La Villette, donc dans un espace haut en sonore.
La journée de travail portait sur les partitions, objets de conservation, d’interprétation(s), de (re)lectures multiples et variées. Des partitions graphiques aux jardins en passant par l’architecture et le Parcours sonore, il n’y a qu’un, ou que quelques pas, que nous avons allègrement franchi. Des enregistrements sonores de ces débats seront prochainement en ligne.
J’ai donc été invité à présenter mon travail sous deux aspects, une présentation orale des PAS – Parcours Audio Sensibles, de leurs généalogies, objectifs, formes esthétiques… Et une déambulation in situ, démonstration physique et sensible qui vaut bien de longs discours, d’autant plus que le site s’y prête à merveille.
Comme à mon habitude, même si ce n’est pas ma première exploration auriculaire à la Villette, j’ai effectué un traditionnel repérage préalable, mise en oreilles et en jambes, façon de voir les chantiers en cours, les atmosphères de saison, et de me ré-immerger dans le tissu sonore local.

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©photo Frédéric Mathevet – l’Autre Musique

Le repérage fut tout à fait concluant même si, comme d’habitude, le PAS public ne le suivra pas dans son intégralité, qui peut le plus peut le moins, par manque de temps. La température et l’ensoleillement en ce début d’automne sont très agréables, ce qui ne gâche rien à la balade, bien au contraire.
Le jour dit, je dispose d’une heure et demi de présentation et parcours, devant un public de d’intervenants et de participants, logiquement déjà très impliqués dans les choses sonores et musicales.
L’imposante Fontaine aux lions, formant une sorte de grand rond-point piétonnier, lieu de casse-croûte et de discussion aux margelles fort appréciées, sculpture rafraîchissant l’espace acoustique par sa pétulance aquatique nous attire inévitablement, pour constater l’effet de masque. En acoustique, un effet de masque est un son continu qui cache presque tous les autres. La fontaine en est un exemple flagrant, lorsque que l’on se tient très près de ses jeux d’eau, toute la circulation alentour, la vie animée d’un espace public semblent tendues presque muets, à quelques émergences près.
Nous éloignant lentement de la fontaine, les sons du parc réapparaissent progressivement, dans un fondu croissant, un fade in diraient les spécialistes des studios électro-acoustiques.
Tournant le dos à la fontaine, nous nous dirigeons lentement sous l’immense auvent de la Grande Halle, vestige conservé des anciens abattoirs installés en ces lieux. Nous jouons alors avec l’effet de fondue en sortie, ou Fade out, qui fait disparaître peu à peu le drone aquatique pour laisser ré-émerger les sons ambiants du parc, voix et rumeurs urbaines entremêlées. Longeant les bâtiments de la Grande Halle, nous écoutons à l’intérieur des essais de sons annonçant un concert à venir, en percevant visuellement quelques mouvements internes, sans trop les distinguer. Nouveau mouvement en direction du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse, nouvelles trajectoires dans la partition sonore de La violette, que nous sommes en train d’écrire in situ. Nous nous arrêtons sous le auvent de l’entrée principale, en jouant, comme à l’entrée de la Grande Halle, sur les notions de lisières, de frontières, et à la fois de porosités sonores intérieur/extérieur.
La veille, jour du repérage, des sons instrumentaux, virtuoses, entre gammes et traits techniques, exercices et décorticage d’un passage ardu, partition déchiffrée, travaillée, rabâchée à l’envi, s’échappaient des minuscules fenêtres du conservatoire. Aujourd’hui, vendredi après-midi, aucun musicien ne daigne se faire entendre, le week-end arrivant, beaucoup ont sans doute quitter le navire. C’est toujours la surprise du décalage entre repérage et geste public, où ce qui était n’est plus, ou fort différemment, et où ce qui n’était pas s’est installé depuis, sans vergogne.
Même sans un seul musicien audible, le fait de s’aligner de part et d’autre de l’entrée, d’écouter les flux de personnes passer entre nous, nous regardant d’ailleurs curieusement, d’entendre les portes battantes entremêler le dedans du dehors, par séquences aléatoires, de regarder la dense circulation du proche boulevard sans pour autant que celle-ci envahisse notre espace d’écoute, n’est pas sans intérêt, loin de là. Nous nous offrons un petit concert insolite, que seul notre groupe perçoit, à l’entrée d’un grand temple de la Musique, la Grande…
Nous empruntons maintenant une allée bordée de vastes pelouses et sous-bois, où de nombreux groupes de promeneurs profitent de l’été indien, égrenant ci-et là cris, rires et bribes de voix qui anime l’espace à 360°.
J’en profite pour faire sonner de ma trompe,les échos et réverbérations, et s’envoler en même temps des masses de pigeons, dans un froissements d’ailes et un flot de roucoulements.

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©photo Frédéric Mathevet – l’Autre Musique

Commence alors la partie plus intime, et sans doute la plus surprenante, de ce PAS. Nous nous engageons dans une petite sente qui descend directement au cœur du jardin des bambous, dans lequel se trouve le Cylindre sonore, cette magnifique installation sonore de Bernhard Leitner, que nous ne pouvions pas manquer de visiter, surtout qu’elle n’est pas, au final, pas si connue qu’elle le mérite. Pour ceux qui ne connaitraient pas, Le cylindre sonore est une sorte d’amphithéâtre circulaire, niché dans un espace en creux, à l’intérieur du jardin des bambous. Il est construit de huit plaques de béton arrondies, alvéolées, contenant chacune un haut-parleur. Ces plaques diffusent une composition électroacoustique, dont les sons se confondent parfois avec ceux de l’environnement du parc. Ils entourent le public en jouant des mouvements sonores véloces, en contrepoint avec les sonorités de l’espace alentour. La porosité acoustique de cette grande installation avec son milieu crée un bel effet immersif. Pour ma part, je connais cette œuvre depuis longtemps, et ne manque jamais d’y passer un moment lors de mes déplacements à La Villette. Notons que Bernhard Leitner mène, depuis le début des années 70, un remarquable travail autour des rapports sons/espace/architecture/postures d’écoute (voir le lien ci-avant).

 

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©photo Frédéric Mathevet – l’Autre Musique

Mais autour du cylindre, la musique des lieux est elle aussi bien présente. Enfermés dans une fosse plantée de bambous, la plupart des sons nous parviennent en mode acousmatique. Nous les entendons en effet sans en voir les sources, ce qui rajoute un véritable intérêt à ce paysage sonore perçu au maxima par les oreilles. Par exemple, une voix (africaine?) lance de belles mélopées non loin de nous, sans que nous sachions précisément la situer. Nous empruntons une étroite passerelle métallique, zigzaguant au milieu d’une bambouseraie sauvage, que nos pas font sonner. Brusquement, des rollers, ou skates, nous passent juste en dessus de la tête, sur une passerelle surélevée enjambant la fosse dans laquelle nous déambulons, effet de surprise assuré!.
Débouchant sur une sorte de clairière, toujours enchâssée entre murs de béton et végétaux, des sons de voix et de djembés se mêlent à d’autres ambiances, auxquelles je rajoute une éphémère installation sonore personnelle. Ici aussi, ces acousmaties sont saisissantes, tout cela à quelques encablures de la Philharmonie.
Remontant « en surface », nous traversons une grande pelouse qui nous ramène vers la Cité de la musique. Profitant de cette belle journée ensoleillé les, de nombreux groupes se prélassent, jouent au ballon, dans un pointillisme de sons disséminés sur cette aire, qui tranche assez radicalement, de par son ouverture acoustique et visuelle, avec la scène d’écoute précédente, très intimement circonscrite.
Lorsque soudain, bouquet sonore final, retentit, venant du bâtiment de la Philharmonie toute proche, une puissante sirène d’alarme, très rythmique, dont les motifs sonores ne cessent de se répéter, façon minimalisme américain survitaminé. Cette sonnerie d’alarme fait violemment sonner l’espace, le rudoyant même dans sa répétitivité, son insistance tonitruante, et sa durée. Ce leitmotiv n’en finit pas de bousculer l’acoustique des lieux, quelques minutes avant plutôt sereine. Les sons incisifs nous font remarquer de beaux échos contre la façade d’un théâtre, qui se modifieront selon nos déplacements. Tout semble calculé pour nous accueillir, de façon très tonique, en fin de PAS.
Sauf que nous nous retrouvons, avec beaucoup d’autres, refoulés au-delà d’un périmètre de sécurité, contenus par des sentinelles vigipirates, tous les bâtiments ayant été évacués, ou étant en voie de l’été. Alerte à la bombe oblige. Après une bonne attente, l’alerte ayant été levée, nous réintégrons notre salle pour clore ce parcours d’une façon tout à fait imprévue. Néanmoins, le petit parcours effectué dans le parc de La Villette aura tenu toutes ses promesses, voire plus encore, en nous offrant un vaste panel de sons, d’acoustiques, d’ambiances. Un PAS, entre les lieux repérés et les improvisations liées à d’heureux accidents sonores, reste, et restera sans doute toujours, une expérience unique, à vivre en groupe, et entre les deux oreilles.

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©photo Frédéric Mathevet – l’Autre Musique

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Invitation à la marche – Made of walking 2017 à la Romieu (France-Gers)

Desartsonnants

MADE OF WALKING 2017 – LA ROMIEU (FRANCE) – 27.08 > 01.09.2017
OUVERTURE – RECEPTION – INAUGURATION SOUND WALK SUNDAY – INAUGURATION D’UN POINT D’OUÏE – TABLE RONDE Du bon usage de la marche – ARTIST TALKS. Salon de randonnée en devisant

Nous avons le plaisir de vous inviter à l’ouverture du Festival Made of Walking en présence des 35 artistes internationaux le 27 août à 18h30 et à l’inauguration d’un Point d’ouïe, suivie d’une Table Ronde « Du bon usage de la marche » et du Salon de randonnée parlant, le 30 août à 18h30, dans la salle de fêtes de la Mairie à La Romieu.

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MADE OF WALKING 2017 – LA ROMIEU (FRANCE) – 27.08 > 01.09.2017

L’écoute de la Terre inspirera et guidera nos réflexions et expérimentations tout au long du Festival « Made of Walking 2017 » à La Romieu,

SOUND WALK SUNDAY Le dernier dimanche d’août…

Voir l’article original 360 mots de plus

Point d’ouïe, une harpe éolienne lyonnaise

« En priant Dieu qu’il fit du vent… »*

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Le principe de la harpe éolienne est (presque)  vieux comme le monde. Des cordes ou des boyaux tendus sur une caisse de résonance qui chantent sous le vent. C’est tout simple, et c’est magique ! Des luthiers de tous temps, y compris contemporains (voir les liens en pied d’article) ont imaginé des objets surprenants, captivants (capti’vents), tant par leurs esthétiques que par leurs sonorités.
Ces instruments libertaires, en pleine nature ou dans une ville, échappent en grande partie à notre contrôle, n’obéissant qu’à leur Dieu Éole, ce qui les rend encore plus fascinants. Musique des lieux qui ne se fait entendre que lorsque la brise ou la bise s’en mêlent.
Parfois, de façon inattendues, ce sont les haubans d’un pont, un échafaudage métallique ou d’autres structures érigées ici et là qui se mettent en vibration sous les caresses d’Éole.
A Lyon, métro Grange Blanche, c’est la sculpture cybernétique de Nicolas Schöffer. qui se transforme à certains moments en instrument éolien géant. A l’origine, le cybernétisme de la tour traduit une interaction, via les mouvements des voyageurs et des rames de métro, qui anime visuellement la sculpture via des néons colorés dont les teintes et les rythmes d’allumages fluctuent selon l’activité humaine et mécanique. Mais ce que j’aime tout particulièrement, ce sont ses longues plaintes, sortes de sirènes urbaines cherchant un Ulysse à envoûter les jours de grand vent. L’effet est-il pensé à l’origine, ou simple heureux hasard né sous le caprice des vents ? Peu importe, ces ambiances sont bel et bien magiques. Il ne me reste plus, pour vous le prouver, qu’à réaliser un enregistrement le moment opportun, et forcément imprévisible, sauf peut-être à consulter régulièrement la météo locale pour avoir un magnétophone en ce lieu et  à cet instant venté.
Par curiosité
* Citation empruntée à Georges Brassens « L’eau de la claire fontaine »

Points d’ouïe en marche, la Sant’Efisio à Cagliari

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Une journée Oh combien sonore !

Voici une trace sonore de ma Sant’Efisio, des mouvements, des séquences, une longue marche du bas de la ville en haut, puis redescente, des chemins de traverses, déboulés sur la procession, éloignements, mixages en marchant…

Beaucoup de récurrences sonores, voix, musiques, chevaux, des cloches et des cornes maritimes, encore des voix… Des prières et des chants, dedans dehors, des espaces acoustiques, des ambiances…

Je prends le temps de dresser le décor, au rythme de mes pas, des espaces traversés, intermédiaires, des transitions urbaines, des scènes jalonnant mon périple urbain.

J’alterne le sacré, la procession, le cortège, et des espaces plus profanes, dans des ruelles en dehors du cortège, où je trouve d’autres ambiances festives, en résonances.

Parfois, j’accompagne le cortège, suis les sons à la trace, leurs colle aux basques, parfois je les attends de pied et d’oreilles fermes, je les laissent venir à moi, dans leur imposant et chatoyant défilé.

La langue italienne, en cette ile Sarde, dont je ne comprends pas un mot,  résonne d’autant plus autour de moi comme une musique vocale locale.

Les costumes aux couleurs rutilantes font en ce jour écho aux sons de la ville de Cagliari en liesse.

Je zoome et dézoome, m’approchant ou m’éloignant des sons à l’envi, toujours dans l’idée d’une marche curieuse et mouvante, cherchant tantôt le détail, tantôt l’ambiance plus large, voire le panoramique…

Je navigue au gré des son, et de mes envies, comme une sorte d’aimant attiré par les bruissonnances et les images de ce foisonnant défilé religieux.

Il s’en forme progressivement une sorte de vaste carte postale sonore façon desartsonnante, sans itinéraire préalable, ni Point d’ouïe fixe, ou très fugitivement, qui suit les méandres d’un marcheur  fasciné par Cagliari et cette fête bouillonnante.

Feu d’artifice sonore final, un concert de cornes de bateaux salut le Saint qui quitte la ville.

Plus tard dans la nuit, alors que la procession est déjà loin, place de la Convention, un dernier Alleluhia, façon Léonard Cohen, fait écho à cette longue journée Oh combien sonore !

Article précédent concernant Cagliari et le projet Européen « Le Paysage sonore dans lequel nous vivons » https://desartsonnantsbis.com/2017/05/22/points-douie-sardes/

 

 

Prenez en, de la graine !

Prenez en, de la graine !

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Prenez en, de la graine !
Suivant cette injonction, nous l’avons donc fait.
Nous avons cueilli, mis en sachets, décortiqué, regardé, scruté, nommé, ou pas, étiqueté, dessiné, crobardé, photographié, enregistré, marché, de massifs en massifs, discuté, commenté, touché, raconté, imaginé, cueilli de nouveau…
Phlomis, sauge sclarée, chardon bleu, Pyretrum dite pâquerette, blanche, ou mauve, Triforium dit trèfle (en principe à trois feuilles), plantain major ou lancéolé, laitue et épinard sauvages, silène enflée… Petite liste incomplète en litanie fleurie, herbacée, boisée; premier voyage au gré des noms botaniques, récits à l’exotisme enraciné sur divers terrains terreaux.
On rêve à semer plus loin, toujours plus loin, transit de plantes voyageuses et essaimantes, un sachet glissé dans nos poches ou bagages. Graines furtives et avides de nouveaux espaces humus habitables.
On trie encore, pour tenter de se souvenir, classement de formes, matières, couleurs, odeurs, graines-crottes de palmiers, ailettes du pissenlit, gousses explosives de je ne sais plus qui; à chacun sa semence disséminée au gré du vent, des insectes, de digestions fermentations défécations…
Parfois nous mixons, espérant une nouvelle micro prairie fleurie, jusqu’à portée de balcon.
Construisons le voyage, physique ou symbolique, de madame graine, pas pour autant mauvaise graine, nous nous garderons pour l’instant de trier le bon grain de l’ivraie, toute particule reproductrice ayant son droit au sol, jusqu’à prendre racine, si nécessaire.
La graine accrochée aux semelles, dans les pattes d’une abeille ou le ventre d’un rongeur, emportée par le vent ou virevoltante hélice tourbillonnante, se garde toujours une part de clandestinité – graine d’altérité féconde ou chaque pousse naissante maintient en vie la diversité et complexité d’écosystèmes fragiles.
Parfois cependant, l’espèce arrive en force, et se fait invasive, déséquilibre d’une domination en herbe qui ne cessera hégémoniquement de croître, et qu’il faut bien maîtriser quelque part, question d’éthique, d’éthique botanique…
Avant la dissémination urbaine, la contamination joyeuse d’espaces friches, délaissés à la flore libertaire, plate-bandes sans doute trop sages, jardinières désertées, il nous faut raconter encore, dire de l’herbe folle, s’imaginer corps ambulants, avant que de trouver refuge en des sols fertiles. Si le désert est beau, la plante est plus nourricière.
La métaphore nous guette, prenons en, de la graine !

 

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Texte écrit par Gilles Malatray, suite à la récolte du dimanche 16 juillet 2017 « Égrainer les chemins » – Grand Parc de Miribel Jonage l’Iloz et Jardin des Allivoz et Abi Abo. Avec Damien Lamothe, Pierre Gonzales, Jérôme Dupré la Tour, Gilles Malatray/Desartsonnants, et d’autres cueilleurs de tous âges

Desartsonnants

20155783_695857477281412_6411127335671427467_n©Dessin de Jérôme Dupré Latour – Abi Abo

Prenez en, de la graine !
Suivant cette injonction, nous l’avons donc fait.
Nous avons cueilli, mis en sachets, décortiqué, regardé, scruté, nommé, ou pas, étiqueté, dessiné, crobardé, photographié, enregistré, marché, de massifs en massifs, discuté, commenté, touché, raconté, imaginé, cueilli de nouveau…
Phlomis, sauge sclarée, chardon bleu, Pyretrum dite pâquerette, blanche, ou mauve, Triforium dit trèfle (en principe à trois feuilles), plantain major ou lancéolé, laitue et épinard sauvages, silène enflée… Petite liste incomplète en litanie fleurie, herbacée, boisée; premier voyage au gré des noms botaniques, récits à l’exotisme enraciné sur divers terrains terreaux.
On rêve à semer plus loin, toujours plus loin, transit de plantes voyageuses et essaimantes, un sachet glissé dans nos poches ou bagages. Graines furtives et avides de nouveaux espaces humus habitables.
On trie encore, pour tenter de se souvenir, classement de formes, matières, couleurs, odeurs, graines-crottes…

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