Mon repas de la Saint-Sylvestre s’étant terminé à 21H00 tapantes, suivi d’un Fellini, vers lequel je reviens régulièrement, j’ai re-tendu ce soir mes micros aux fenêtres. Ça ne m’était plus arrivé depuis le premier confinement. J’ai tenté de capter la montée jourdelanesque jusqu’à minuit sonnant, même un peu avant, voire un peu après, sur fond de pluie. Presque sans aucune voitures, ambiance inhabituelle en ces circonstances où ordinairement, les klaxons font partie de la liesse. Les pétards étaient bien là, eux. Étrange ambiance festive, où les fenêtres se sont ouvertes, bonne année, d’un bout à l’autre de la rue, sur fond de pluie. Promis, je vous ferai entendre, sur fond de pluie.
En fait, voici les sons que j’ai maintenant fixés, et quelques mots les contextualisant.
Fellini sur mon ordi annonce peut-être la fête, mais une bien étrange fête, aux accents de Cabiria, entre joie et désespoir, noirceur et espérance, magnifique film que je viens de re-revoir. Avec l’ambiance installée par les sublimes musiques de Nino Rota. Mais revenons à notre fête à nous, la Saint Sylvestre, à Lyon, à ma fenêtre, ce soir, entre le 31 décembre 2020 et le 1er Janvier 2021.
À l’arrière de chez moi, dans un cœur d’ilot, des voix, chants, des musiques, bribes fêtes lointaines, mais néanmoins fêtes, dons les traces audibles s’échappent des fenêtres.
L’heure approche, je passe à l’avant, côté rue. La pluie se fait maintenant nettement entendre, drue sur l’asphalte. Minuit, passage-changement, une année s’en va, chaotique, une autre lui succède, incertaine elle aussi. Peu à peu, des fenêtres s’ouvrent, des voix, des vœux, à distance, mais personne dehors. Des pétarades, au loin, scandent la fête, font sonner les reliefs, les collines entourant le quartier par des échos réverbérés qui balisent l’espace de notre scène d’écoute. Puis, tout va progressivement s’apaiser. Un SDF poussant un chariot bringuebalant et capricieux passe, monologuant avec lui-même, seule présence physique à être outdoor. Il souligne un peu plus l’étrangeté de cette fête distanciée. Pas de rassemblements publics, chaque groupe communique par fenêtre interposée.
Cette scène à ma fenêtre, sous couvre-feu, vient compléter logiquement les rituels de 20h00 du premier confinement, faisant suite à cette trace auriculaire de crise sanitaire qui n’en finit pas de finir.
Je vais faire en sorte d’avancer d’un bon pas croisant sur mon chemin des personnes que j’aime d’autres que je découvrirai, j’ai hâte, dans l’action, dans le geste et la parole réciproques partageant avec eux des routes incertaines des idées à défricher de concert à tracer de l’oreille toujours insatiable et de nos corps kinesthésiques être dans leur pas ou bien modeste guide l’oreille en sentier, l’oreille en chantier, l’oreille enchantée des points de vue et des points d’ouïe des lignes de vie, lignes de fuite, en perspective des croisées de chemins pour tenter de se perdre pour égarer la certitude d’un tracé par trop tracé la sérendipité comme un attrape-rêve d’inattendus, comme un cueilleur fidèle d’in-entendus un ou deux pas de côté pour sortir des sentiers battus un chemin de travers(e) pour contourner les idées rebattues des écritures multiples, forgées d’aménités paysagères inspirées de rencontres fertiles d’humanité des forêts traversées telles d’initiatiques démarches les frontières et lisières incertaines voire piétinées et confondues franchissables sans heurts violentant le droit du sol les itinéraires qui deviendraient paradoxalement errances et vice et versa nous perdant pour mieux nous retrouver des cartes qui n’en feraient sensiblement qu’à leur tête des obstacles qui, de gré ou de force, nous confortent le pas des détours d’horizons qui nous échappent encore, et toujours des altérités sédentaires comme d’autres en mouvement, ou bien en alternances une société parcourue à fleur de pieds librement vagabonds leur plante qui ne s’enracine que pour mieux repartir des postures, de pied en cap, à oreille comprise des récits dignes des plus beaux clochards célestes et de ceux qui sont restés rivés aux solitudes terrestres des road-movies qui tracent et filent vers des espaces fuyants des empreintes éphémères modestement effacées de résilience des balades entre chiens et loups, où on ne sait plus qui est qui dans l’obscurité bienveillante d’un entre-deux fertile des espaces temps ou l’imaginaire s’exalte des communautés de marcheurs soudés de nomadisme des cités aux contours flottant entre béton et jardins de grandes avenues et d’infimes intimes passages des oasis de calme et des agoras bavardes des mains comme des oreilles, tendues des escales dans des ports bien sonnants où jeter l’encre noire ou bleue, écritoires de nos pérégrinations des labyrinthes en colimaçons complices et complexes une boussole effervescente qui parfois perdrait le Nord des bancs havres de paix, refuges d’urbanité, accueillant nos plus folles rêveries urbi et orbi des envies de lenteur comme décroissance prospère un logis planétaire bien ancré, autant que rhizomatique des hôtes bienveillants, avec qui refaire généreusement le Monde un arpentage salvateur pour se mesurer à soi-même, comme à l’autre une ligne droite qui n’est pas toujours, tant s’en faut, le meilleur des chemins il nous faudra également combattre des exodes planifiés, à l’échelle de la barbarie des migrations qui marchent hagardes d’atrocités sur les routes d’une terre qu’on épuise à grands pas accepter de ne pas toujours connaître le bon sens de la marche mais ne pas renoncer à en chercher sans relâche l’essence vitale avancer toujours pour ne pas tomber dans le piège du hiatus forger des utopies sans fin vers lesquelles sans doute, on titubera rien ne sert de courir, il faut marcher à point rien ne sert de courir, il faut marcher ensemble.
Pluie amplifiée sur toboggan acoustique – PAS – Parcours Audio Sensible avec l’Open Lab de Bron/Mermoz à Lyon (2015)
Ce que je fais, et continuerai avec vous, en 2017
J’emmène des gens marcher, pour visiter leur ville, ou d’autres espaces, par le petit bout de l’oreillette, ou le grand. Je leurs demande souvent « Et avec votre ville, comment vous entendez-vous? »
Nous expérimentons de concert des postures d’écoute et des lieux un brin et décalés, des micros installations sonores en marche. Nous privilégions le contextuel, quitte à être un brin déstabilisés, le relationnel, car ça fait du bien par les temps qui courent (trop vite !).
Nous inaugurons, très officiellement et cérémonieusement, des Points d’ouïe. Mais oui, c’est très très sérieux !
Nous testons différents modes de lectures/écritures sonores, graphiques, visuelles, corporelles, transmédiales…
Nous naviguons gaiment entre esthétique – musiques des lieux comme une gigantesque installation sonore à ciel ouvert, à à 360° – et écologie – aménités et fragilités de ces mêmes lieux.
Nous en discutons, ici et là, ou bien ailleurs.
Alors, si l’oreille vous démange, je me tiens à votre écoute pour en discuter in auditu, voire in situ !
Avec mes meilleurs vœux pour une année 2017 joliment bruissonnante.