CARNET DE NOTES AURICULAIRES MÉDITÉRANNÉENNES

CARNET DE NOTES AURICULAIRES, PIÉTONNIÈRES, AUTANT QUE MÉDITERRANÉENNES

Loupian
C’est un petit village pittoresque, blotti dans la garrigue, tout près de l’étang de Thau.
C’est une halte régulière, depuis quelques années, pour y retrouver des amis, les créateurs et programmateurs l’espace 0rJJ25, cette année à l’occasion des 10 ans du lieu, et d’autre artistes.
Dans ce village, Desartsonnants, pour y avoir promené les oreilles à différentes reprises, retrouve à l’écoute des points de repères, passages voûtés, placettes ceinturées d’épais murs, grande rue, place centrale  et terrasses de cafés, bancs adossés aux murailles médiévales, magnifique acoustique de la chapelle Saint-Hippolyte… des lieux testés lors de précédents PAS – Parcours Audio Sensibles.
Cette année, ambiance festive, une série de performances et de concerts, d’expositions, viennent animer le centre du village pour l’anniversaire de l’0rJJ25.
Desartsonnants, invité à la fête, décide d’intervenir de façon légère, mobile, à l’improviste, autour de trois postures d’écoute en duo, enchaînées, ou non, à la carte.
Première phase, nous nous asseyons côte à côte, sur des chaise posées ici ou ailleurs. Je propose à mon co-écoutant de chausser une paire de lunettes au travers desquelles on ne voit absolument rien. Posture d’écoute en aveugle. Immersion auriculaire durant quelques minutes, on s’imprègne des ambiances environnantes, on habitue l’oreille à être quasiment seule maître à bord.
Puis doucement, je commence à approcher des oreilles de mon co-écoutant de douces sonorités exogènes, pour un massages sonores spatialisant autour de l’écoutant des sons issus de matières récupérées ici ou là – papiers, bois, boite à musique, billes, pailles de fer,  petits objets divers qui viennent bruisser tout près des oreilles, sans les toucher pour autant, s’approchant, s’éloignant, tournant autour…  C’est une sorte de musique acousmatique, sans dispositif amplifié, sans haut-parleurs, un espace intime au creux de l’oreille, laquelle est mise en appétit pour un PAS – Parcours Audio Sensible en duo, et toujours en aveugle.
Troisième phase optionnelle, néanmoins très demandée, nous partons, main dans la main, effectuer le PAS, une boucle au travers les ruelles et les placette du vieux Loupian. Les sonorités de la fête s’estompent lentement, decrescendo, qui ramènent à l’oreille des sons discrets, ventilation au loin, oiseaux, bruits d’intérieur s’échappant des fenêtres ouvertes en cette belle fin de soirée. Le village se livre, l’écoutant guidé perd ses repères visuels, en retrouve d’autre, l’ouïe bien sûr, la sensation du sol, des micro reliefs sous les pieds, les courants d’air fluctuant au gré des espaces, les sensations d’ombres et de lumière, de chaleur et de fraîcheur… C’est un parcours sensoriel bâti sur la confiance de celui qui guide, sur l’intime, les relations entre des écoutes communes, les lieux parcourus, les sons du moment…
Final crescendo, retour progressif vers la place centrale où les sons de la fête reprennent progressivement le devant de la scène.
On retrouve l’usage de ses yeux, on commente les émotions, l’expérience vécue le temps de ces trois postures d’écoute enchaînées.
Presque 4 heures de parcours enchainés. Une riche et dense expérience à creuser dans d’autres lieux, d’autres ambiances, avec d’autres écoutants, complices d’un instant.

Sète
Deuxième halte sudiste, sous le soleil exactement, dans la ville de Sète.
Ici aussi, des sonorités qui me sont petit à petit devenues familières, au fil de mes passages.
Le port, gréements, mouettes, remous, clapotis, bateaux, vent, un passage commerçant couvert, des halles bourdonnantes, avec de sublimes odeurs et couleurs, des invectives aux accents méditerranéens, et d’autres accents, ou langues, car ce sont, en ce début juillet, les  premières transhumances touristiques…
Les quais sont acoustiquement saturés par une circulation très, très, trop, dense.
Ce week-end, c’est la fête des marins. Défilés de fanfares aux clairons et trompettes un brin désaccordés, ambiances festives, quasi militaires, celles que Brassens, un des héros des lieux, raillait et vilipendait en son temps.
Puis, je monte vers le Quartier du Haut.
Alors, le paysage sonore s’éclaircit, se décante, s’apaise, se désépaissit. Le détail auriculaire reprend droit de cité.
Tout au bout de la corniche, une magnifique vue panoramique, les rumeurs de la ville, mouettes et goélands criards, toujours présents, presque carte postale sonore…
Le cimetière marin, Paul Valéry, des histoires fortement ancrées, si j’ose dire, dans le paysage sètois.
Au bas, la Criée, un nom qui veut bien dire ce qu’il veut dire, une sorte de rituel marchand, assez ésotérique pour le non initié, qu’il faut avoir vu et entendu au moins une fois dans sa vie.
Fin de journée, dans un atelier d’artistes, la Laiterie. Installation in vivo, non prévue initialement à cet endroit, d’une pièce sonore écrite il y a peu, pour et dans une forêt francomtoise. Transposition, délocalisation, un frottement d’univers, des décalages, images anachroniques. Une forêt atypique, au cœur des pentes Sètoise, le son nous joue détours.

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Marseille
Massalia, 10e arrondissement, dans le Jardin du Mas Joyeux
Retour sur un lieu jardin, joliment niché sur les hauteurs du Xe Arrondissements, créé et animé par les amis des Rudologistes associés Sophie Barbeaux, paysagiste et Colin Bailleul, designer. Cet espace est une sorte d’oasis paisible, coupé de la « grande ville » toute proche, où Desartsonnants avait, avec des enfants du centre d’accueil attenant, installé il y a quelques mois un, voire deux Point d’Ouïe  inaugurés et signalisés.
Donc retour à ce point d’écoute, dans ce jardin caché au pied de la garrigue,avec des  discussions autour du son, du paysage, des jardins, de la cuisine, et de moult autres projets ou douces utopies.
Découverte du village des Goudes de nuit, calanque lunaire, étrange bout du monde, fin de ville surprenante, où l’on a envie de partir arpenter ces sites majestueux, où le blanc des rochers illumine un  paysage qui appelle le promeneur écoutant. A suivre…

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Marseille, l’urbanité toute crue, à pied
L’art de faire de l’anti tourisme urbain en marchant !
Choisir un jour à la météo assez chaude, voire très chaude.
Partir à l’heure zénithale.
Parcourir une assez grande distance, des dénivelés, des grands carrefours – par exemple du haut du quartier Saint-Loup jusqu’à Saint-Charles, via Castellanne, à Marseille bien entendu.
Suivre les avenues et rues les plus circulantes, bruyantes et autres « antes ».
Et s’apercevoir au final que tout cela n’est pas dénué d’intérêt, voire génère un certain plaisir, si si, celui entre autre de se frotter à la vraie ville, sur la durée, sur la distance, et ne pas être qu’un passant qui toiserait la cité de haut, ou de loin…

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Autre balade piétonnière à Marseille
Départ le vieux port, sous les fameux grands miroirs, trace de Marseille 2013 Capitale culturelle européenne. Rendez-vous avec un ami du MIM de Marseille, jean-Pierre Moreau, pour faire une promenade causerie urbaine à l’improviste. Durant cette déambulation, nous avons parlé, à bâtons rompus, Unité Sémiotiques Temporelles, écoute, parcours sonores, philosophie,  société, économie, formation, pédagogie, arts, acousmatique, politique, projets personnels, récit, narration, composition… Nous sommes montés jusqu’au pied de Notre Dame de la Garde, la Bonne Mère, et il y faisait très très chaud, avant que de redescendre tranquillement vers la mer. Depuis le vieux port jusqu’aux hauteurs, les sons de Marseille se sont progressivement apaisés, amenuisé, au fil de la montée, de petites rues en escaliers, avant qu’ils ne redeviennent plus denses  au terme de notre boucle urbaine.

Causerie en duo, écoute, balade, une façon qui m’est finalement devenue habituelle et très agréable, pour faire connaissance simultanément avec les gens, et les lieux…

L’autre pratique que je développe avec une certaine constance depuis quelques années, est celle de la chronique, qui vient parfois en appui, en contrepoint à mon vieil ami le magnétophone, mais souvent se suffit à elle-même. La chronique, entre description, ressenti, réflexion, coup de cœur voir coup de gueule, et une arme de description massive. Et bien au-delà de la pure description, le mot transcrit, engendre, crée du paysage, notamment sonore, mais plus largement sensible.

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Retour sur Lyon
C’est là que, paradoxalement, j’ai entendu le plus de cigales… Les temps changent.

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