Marcher, écouter, retrouver, connecter
Pour
Sentir le sol sous ses pieds
Sentir l’herbe, le bitume, la terre, les feuilles, le sable, l’eau, la boue, la roche
Sentir nos silences envers le monde
Les sons dans nos oreilles
Les co-écoutants voisins
L’écho répondant malin
L’air dans nos tympans
Sentir le temps reconnecter l’espace
Sentir l’espace reconnecter le temps
Le temps retrouver la lenteur
Connecter les retrouvailles
Les retrouvailles urbaines
Les retrouvailles forestières
Les retrouvailles villageoises
Les retrouvailles océaniques
Les retrouvailles fluviales
Les retrouvailles nocturnes
Les retrouvailles humaines
Les retrouvailles diurnes
Les retrouvailles animales
Les retrouvailles végétales
Les retrouvailles entre chiens et loups
Les retrouvailles ventées
Les retrouvailles montagnardes
Les retrouvailles festives
Les retrouvailles estivales, hivernales, automnales, printanières
Les retrouvailles de soi
Les retrouvailles en soi
Reconnecter les alentours
Nos sensibilités auriculaires
Nos affects à fleur de peau
Nos liesses inabouties
Nos rencontres impromptues
Nos nombreux inachèvements
Nos espoirs malgré tout
Nos mondes vacillants
Et tous les mots pour le dire
Et tous les mots pour tenter
Et tous les mots pour oser
Et tous les mots pour le faire
Les mots sonnants comme des cristaux
Les mots saillants comme des lames traçantes
Creusant les sillons d’histoires nomades
Colporteuses de sonorités furtives
D’écoutoirs improbables
Se perdre dans des méandres acoustiques
Se rattacher aux phonèmes
Se rattacher aux morphèmes
Se rattacher aux monades
Se rattacher aux nomades
Se rattacher à l’ami confident, à l’autre
Se rattacher à soi
Se rattacher quoi qu’il en soit
Rester connecté quoi qu’il arrive
Ou se reconnecter sans cesse
Là où se cache le paysage confus
Fêter les retrouvailles vaille que vaille.
Catégorie / arts sonores
Rester et re-venir au monde

L’artiste ne doit pas être un fossoyeur d’espoir, qui montre un monde si désespéré que ses récits nous pousseraient au renoncement, au repli sur soi, à la fuite en avant et au déni anthropocénique.
L’artiste doit être un fabriquant de résistance, d’espoir, de fermentations esthétiques qui donnent envie de faire société, de faire bloc, le plus équitablement que possible, face aux chaos ambiants.
L’artiste doit porter attention à l’autre, à la forêt, aux montagnes, aux rivières, aux mondes végétaux, minéraux, animaux…
Écouter de concert est un premier PAS* pour prendre ou garder le contact avec nos milieux de vie, en portant vers eux une écoute et un regard bienveillants, sans en prendre possession, et encore moins chercher à les maitriser totalement, à les dominer.
*PAS – Parcours Audio Sensible
L’écoute au grand frais

Un immense super-marché revisité de l’oreille en périphérie de la ville d’Istres
Un groupe de promeneurs.euses écoutants.es
Une tournée nationale de balades sonores via PePason
Une artiste chercheuse doctorante, Caroline Boé
Une recherche-action en chantier
Des bruits envahissants
Ceux que l’on écoute pas, ou plus
Ceux qui pourtant sont omniprésents
Insidieusement perturbants
Un terrain d’aventure et d’exploration
Le rayon hyper Grand Frais
Des alignées impressionnantes de banques réfrigérées
Des allées de frigos à casiers
Des victuailles à perte de vue
Un temple de la consommation de masse
Des viandes, glaces, plats cuisinés, légumes emballés
Le tout à satiété
Débauche de couleurs dégoulinantes
Et surtout pour nous
Traqueurs de micros sons
Une incroyable collection de sonorités réfrigérantes
Ronronnements, vrombissements, cliquetis, souffles et soupirs
Le vocabulaire peine à circonscrire le panel bruitiste
Une variété d’objets sonores
Qui seraient presque objets musicaux
Si l’oreille les extrait du global
Les scrute en mode rapproché
Les examine en curieuse
Parfois des ambiances organiques
Ça respire sous les vitrines
Ça gémit dans les casiers
Ça ronronne au cœur des frigos
L’expérience est pour le peu inouïe
Performance dans un univers hyper marchandisé
De charriots à gaver
De tentations perfides
Même la Muzak surpermaketisée est ici en partie gommée
De mille souffles refroidissants
Jusqu’au creux de l’oreille.
Du grand Frais dans les esgourdes
Mais pas vraiment l’air du large.
Texte Gilles – Malatray – Desartsonnants – PePaSon – Le 18/03/2023
Rencontres autour de l’audionaturalisme

Pour tout savoir, c’est par ICI
Revisiter le paysage sonore ?

Depuis les années 60, l’émergence de l’écologie sonore, celle des arts sonores, investissant, via notamment le field recording, différents champs d’esthétiques audio-paysagères, le paysage sonore ne cesse de questionner nos rapports à l’écoute, au sens large du terme.
Néanmoins, certaines problématiques et hypothèses mériteraient d’être remises en question, ou tout au moins requestionnées, dans un contexte socio-politique et environnemental en pleine mutation, en pleine crise, c’est le moins qu’on puisse dire.
Des postures dichotomiques, tranchées, clivantes, entre le low-fi et le hi-fi (notions de Murray Schafer), le beau ou l’inesthétique, pour ne pas dire le laid, le bruit et le non bruit, le quantitatif et le qualitatif, le normatif et le sensible, l’artistique et la recherche…malgré toute les avancées techniques et intellectuelles, ont encore la vie dure.
La notion de paysage sonore est régulièrement remise en question, jusque dans la reconnaissance du terme, et au-delà, des pratiques qui lui sont liées, refusant ainsi de considérer le dit paysage dans toute sa complexité. Cette complexité qui en fait non seulement son grand intérêt, mais justifie une recherche-action potentiellement fructueuse à bien des niveaux.
Les cloisonnements entre l’artistique, la recherche, l’aménagement, les approches sociétales, malgré de nombreuses tentatives d’ouverture, restent entravées de querelles de clochers, de contraintes voire des barrières économiques, des critères de non « rentabilité », du scepticisme, des lourdeurs administratives, par la peur de « l’aventure »…
Les outils de lecture et d’écriture, tels le soudwalking (marche écoutante), le field recording (enregistrement de terrain) sont peu considérés, et guère envisagés dans des approches transdisciplinaires, voire indisciplinées, susceptibles de produire tant des créations esthétiques, que des leviers d’action sur le terrain.
Le questionnement écologique reste empêtré dans des approches environnementales, coincé dans une écologie sonore moralisatrice et punitive, qui ne tricote pas les aspects esthétiques, économiques, territoriaux, sociétaux, patrimoniaux.. La pensée décloisonnée, plus proche d’une écosophie guatarienne, d’une écologie de l’écoute, de l’écoutant, et des milieux écoutés, fait souvent cruellement défaut.
Entre une vision esthétiquement édulcorée et une approche techniquement aseptisée, reste à trouver des espaces de dialogue où les différences trouveront un terrain d’entente fertile.
Plus de trente ans de questionnement et d’expérimentation sur le terrain, de transmission, de « bidouillage » pédagogique, de rencontres et de chemins de traverse, entre festivals, collectivités territoriales, groupes de travail, écoles et universités… pour en arriver à un constat a priori si négatif.
Et pourtant, le fait que tant de voix hybrides restent à explorer, à expérimenter, que tant de cloisons restent à abattre, de bien-être à défendre, de communs à partager, font que, plus que jamais, dans des temps agités, le paysage sonore reste une entrée à privilégier pour un bon, ou un meilleur entendement.
Écouter le monde – Paroles de poètes – Souffles
Comment les sons de la vie quotidienne résonnent-ils dans les paroles des poètes ? Comment les poètes écoutent-ils le monde ? Guetteurs d’inaperçus, ils suggèrent bien souvent des manières inattendues et profondes d’y prêter l’oreille. « Écoute plus souvent les Choses que les Êtres… », écrit le poète sénégalais Birago Diop dans Souffles. Éclats de voix d’un poème aimé et remémoré.
ÉCOUTER LE MONDE, EN BREF Tout à la fois émission de radio diffusée chaque dimanche dans le journal d’information de RFI et plateforme participative, Écouter le monde donne à entendre les cultures, les langues et les imaginaires du monde à travers des sons d’Afrique, d’Amérique, d’Asie, d’Europe ou d’Océanie. Des centaines d’émissions sont à écouter en podcast sur ce site, tandis que la plateforme participative et évolutive propose des cartes postales sonores et des enregistrements. À ce jour, 245 captations sonores sont disponibles en libre accès. Auteure et coordinatrice d’Écouter le monde, Monica Fantini écoute, enregistre et compose des pièces sonores à partir de sons du quotidien : claquement des portillons du métro parisien, harangues des vendeurs au marché de Bobo-Dioulasso au Burkina Faso, craquement des glaciers en Patagonie, roulement des calèches dakaroises ou encore cloches de la place Saint-Marc à minuit à Venise, voix de poètes… Autant d’éclats de vie avec lesquels elle tisse des récits pour raconter le monde, créer des liens et partager des savoirs.
Podcast en écoute ici
PAS – Parcours Audio Sensible au Domaine du crêt – Atelier Tiers Lieu Amplepuis
Invité par l’Atelier Tiers-lieu d’Amplepuis, ce deuxième opus de marche écoutante va arpenter une petite partie d’un vaste parc le Clos du crêt, terrain boisé, avec étang, rocailles post baroques, chateau et ruisseau. Ce terrain de 22 ha, aménagé de fort belle façon par plusieurs générations et familles de riches industriels du textile, aujourd’hui propriété de la ville et en grande partie ouvert au public, est un terrain idéal pour promener ses oreilles.
Un ruisseau alimentant jadis les usines, longe la première partie du parcours, chantant joliment sous un couvert végétal assez dense, où piaillent joyeusement les oiseaux saluant le printemps naissant.
Un passage couvert, fausse grotte rocaille, permet une installation sonore éphémère, polyphonique, de faux oiseaux, restons dans le décor factice et facétieux.
Le débouché sur un petit lac, lui aussi artificiel, où quelques pêcheurs lancent leurs lignes dans un silence auquel nous répondons par le notre, marcheurs écoutants, amène une nouvelle ponctuation dans un paysage sonore changeant.
Deux enfants auscultent à cœur joie les arbres, pierres, mousses avec les longue-ouïes desartsonnantes… accompagnés des adultes qui font de même, comme il se doit.
Le vent souffle assez fort, secouant les branchages supérieurs des arbres, qui nous saluent en bruissant sous la ferme caresse d’Éole.
Parcours calme, néanmoins toujours pénétré d’une rumeur automobile au loin, le parc étant encerclé de routes assez circulantes. Néanmoins, la couverture végétale et la superficie du terrain amoindrissent fortement l’emprise sonore et préservent à l’oreille une belle ambiance apaisée, où le printemps tout neuf nous fait entendre le réveil progressif d’une nature encore un brin engourdie par de récents froids assez vifs.
Diaporama (Photos Nathalie Bou)
https://photos.app.goo.gl/VkF4NVWE8szfMNJ47
Vidéo (Nathalie Bou), montage Desartsonnants
Chantier d’écoute – s’enforêster les esgourdes !

Chantier d’écoute – s’enforêster les esgourdes !
L’oreille butine, l’oreille lutine…
Chantiers en cours et à venir d’écoutes sylvestres
Fictions de la forêt dans le libournais, Balades forestières en Haut-Beaujolais, en Belledonne, festival Back To The Trees en Franche-Comté cet été
Good sève qui peut !
Éco-écoute et pratiques artistiques respectueuses

L’art, et plus généralement le secteur culturel, sont susceptibles de prôner, si ce n’est de développer une pratique respectueuse, tant vers les milieux où ils opèrent, que vis à vis des personnes impliquées, artistes, opérateurs culturels, commanditaires, publics…
Au prisme des approches écologiques, on peut aller beaucoup plus loin que les toilettes sèches, le co-voiturage, les éco-cups et autres consignes, même si cela contribue déjà positivement à une économie (dans tous les sens du terme) raisonnée et raisonnable.
Il ne s’agit pas pour autant de me transformer en moralisateur donneur de leçon, mais simplement de prendre en compte certains paramètres conduisant à des gestes où la gestion énergétique, les matériaux utilisés, les modes de déplacements, les actions de sensibilisation, sont, du mieux que possible, pris en compte.
J’essaie par exemple de m’appuyer sur un réseau type circuit court pour monter, programmer et faire tourner des productions artistiques, écrites in situ, pour un territoire donné, en milieu urbain comme en milieu rural.
Les matériaux employés, les besoins (ou non besoins) d’alimentation électrique, les modes de transports (trains, bus) et l’étude de déplacements géographiquement cohérents sont également des paramètres importants.
La sobriété des dispositifs scéniques, le jeu en espace public, voire naturel, sont d’autres propositions envisageables, qui visent à réduire l’impact environnemental. La récupération, la production locale, le réemploi, autant de gestes a priori anodins mais qui, mis bout à bout, font de significatives économies de moyens.
Les PAS – Parcours Audio Sensibles collectifs, au pas à pas, les marches écoutantes à oreilles nues, la mise en scène et l’installation de l’écoute vers l’existant sonore brut, le fait qu’un dispositif a minima doit pouvoir voyager en train ou dans la soute d’un bus, en covoiturage, sont réfléchis comme des formes les moins que possible intrusives et énergivores.
La décélération et le fait de prendre le temps de vivre des expériences sensorielles in situ, dans une forme de lenteur assumée, apaisée, sont des tentatives de résistance à une frénésie sociétale généralisée.
D’autre part, la sensibilisation, toujours via le monde des sons, à une écologie de l’écoute, en même temps que la volonté de défendre et de préserver des territoires où l’oreille a encore le droit de citer, sont des moteurs dynamisants pour une écoute impliquée. Quels que soient les milieux arpentés, en cœur de métropoles comme en terres rurales, j’expérimente des transmissions au centre de mes préoccupations, qui influent et nourrissent mes façons de faire, et parfois de défaire des habitudes trop bien ancrées.
Rien ici de révolutionnaire, juste quelques efforts pour être en accord avec moi-même lorsque je parle d’écologie sonore, et la tentative de participer modestement à une action collective, pour que mes gestes soient un peu plus respectueux du monde qui nous entoure, et de tout ce qui l’habite et y cohabite.
Parce qu’à un moment, il me faut aussi, plus que jamais, sortir du discours pour être, même avec de très modestes moyens, sur le terrain du faire.
Une carte de PAS – Parcours audio Sensibles – Maillage territorial
En complément de l’article précédant, autour des PAS – Parcours Audio Sensibles Desartsonnants, voici le lien d’une carte de PAS géolocalisées, ici ou là, ailleurs et plus loin…
Fabrique de Paysages sonores et territoires auriculaires en chantier.
Cliquez sur la carte pour accéder à la version interactive

La Fabrique des PAS – Parcours audio Sensibles, marches écoutantes

Un PAS – Parcours Audio Sensible s’écrit, se trace, et se vit in situ. Il est donc unique, singulier, tant dans l’inscription géographique de son parcours que dans l’expérience vécue. Aucun PAS ne nous fera donc entendre et vivre les mêmes choses.
Chaque PAS peut être rejoué autant de fois qu’on le désire, seul ou en groupe, de jour comme de nuit, entre chiens et loups.
Il est réinterprété au fil de modulations qu’on lui applique, du cadre d’écoute et des aléas et expérimentations du moment.
Un PAS réitéré est une variation d’une partition spatio-temporelle de « marchécoute ». Les variations sont quasiment infinies dans leur immense diversité.
Chaque PAS s’inscrit dans une forme de collection, un répertoire, un catalogue, maillant un large territoire, ici ou ailleurs. Il est en chantier permanent, et propose des approches singulières « localisations, descriptions et inaugurations de Points d’ouïe, Écoutoir Potentiel Imaginaire (EPI)… »
Ces constructions auriculaires mobilisent et convoquent des énergies collectives, partagées, des gestes de co-écritures, des récits, des écologies écoutantes, vers des communs auriculaires.
Quelques villes et lieux où nous avons fabriqué et expérimenté des PAS
Chalon/Saône, Buxy, Le Creusot, Moirans-en-Montagne, Villard d’Héria, Saint-Lupicin, Étival, Montbard, Saumur-en-Auxois, Lyon, Miribel Jonage, Bastia, Mons (Be), Louvain la Neuve (Be), Pénovel, Charleroi (Be), Genappe (Be), Rixensart (Be), Saint-Pétersbourg (Ru), Kaliningrad (Ru), Kronstadt (Ru), Vienne (Au), Montréal (Ca), Victoriaville (Ca), Drumonville (Ca), Sabugueiro (Po), Cagliari (It), Paris, Saint-Denis, Vénissieux, Amplepuis, Oullins, Blois, Orléans, Le Mans, Nantes, Allevard, Angers, Toulouse, Malves en Minervois, Bordeaux, Combloux, Libourne, Le Fieu, La Romieu, Villeurbanne, Luz Saint-Sauveur, Gismont, Grenoble, Drée, Prieuré de Vausse, Saint Pierre des Landes, Montenay, Minoterie de Narouze , Kerouan (Tu), Tournel/Ronzière, Issoire, Lausanne, Le Locle (Su), Bourges, Voiron, Crest, Saillans, Mulhouse, Vitry/Seine, Bron, Hôpital Psychiatrique du Vinatier, Chamblais, Saline Royale d’Arc et Senans, Vaulx-en-Velin, Centre d’art contemporain de Lacoux, Saint-Étienne, Rabastens, Saint-Vit, Dôle, Annecy, Beaumont d’Ardèche, Privas, Pérouges, Cavan, Saint-Victor/Reins, Corgoloin, Vénissieux, Pont-de-Claix, Les Adrets, Bonneval/Arves, Roanne, Le Mans, Montbron…
Cliquez sur la carte pour voyager au fil des PAS – Parcours audio Sensibles Desartsonnants (géographie auriculaire en chantier)

Paysages sonores à corps et à cris, écoutes à bras l’oreille

Écouter n’est pas chose passive ! Tant s’en faut !
Cela engage tout notre corps dans un tourbillon physique et sensoriel.
La marche par exemple, est un stimulateur avéré d’écoute, et de bien d’autres choses.
Elle nous met en mouvement vers, par, et dans les sons.
Nos pieds font résonner la terre et celle-ci en retour nous renvoie l’énergie de ses vibrations.
Des espaces, parcourus et secoués de courants telluriques, nous traversent, en même temps que nous les traversons..
Notre peau toute entière est surface vibrante, comme une peau de tambour tendue au vent, une interface caisse de résonance entre le corps et le monde, et inversement.
Sans oublier la voix qui chante, qui murmure et exulte, dedans et dehors, fait sonner les lieux, révèle et dynamise les réverbérations et échos, qui n’existent que par nos excitations provocantes.
Même assis sur un banc, entouré de sons et de lumières, d’odeurs et de chaleurs, nous sommes des écoutants actifs et réactifs, à fleur de peau et de tympan.
L’écoute se fait parfois danse, fête dionysiaque, où tout frémit, bouillonne, éclabousse, de rires en rires…
C’est un univers d’air vibrant qui s’entend à réveiller nos plus timides instincts, jusqu’à nos hubris les plus démesurés.
L’écoute se fait aussi l’écho d’un monde chancelant, chant funèbre, comme une procession égrenant des litanies mortuaires à n’en plus finir.
Telle musique ou tel sons pourra nous donner des frissons, de peur comme de joie.
Un bol tibétain mis en vibration sur un corps le fera entrer dans une résonance apaisante, voire soignante.
Une musique judicieusement choisie, ou une ambiance sonore a propos, pourront avoir des facultés thérapeutiques, tant sur le corps que sur l’esprit.
Les puissantes masses de basses d’une danse, qu’elle soit tribale, chamanique ou d’une rave party, conduiront les danseurs vers des formes de transes extasiées, parfois aux extrêmes limites de la résistance corporelle.
Un parcours sonore, relevant d’un geste artistique et/ou d’une revendication écologique, s’envisage comme une performance sensible, où la déambulation, la lenteur, le silence, la synergie de faire ensemble, les rythmes, les postures partagées, mettront le corps, voire les corps en action, pour jouer une partition collective in situ.
Chaque parcours sonore est mouvementé, dans le sens physique du terme, celui qui donne du mouvement, fait aller de l’avant, nous frotte aux aléas, quitte a en être ballotté sans ménagement.
Le corps écoutant est en immersion, plongé dans un immense bain sonore, tel un liquide utérin nourricier, enrichi de sons qui nous laissent repus, rassasié, gavés, ou bien sur notre faim.
L’oreille est une éponge avide, absorbant un liquide sans cesse fluant, qu’il lui faut filtrer pour tenter de n’en garder que les sucs dégraissés de polluants magmatiques inaudibles.
Entre le corps, le cœur et le cor, les homophonies font sonner les accords des sons physiques, langage vibratoire aux ondes communicatives.
L’écoute est donc multiple, nous impactant de mille façons, d’une forme de supplice en passant par la gène, l’inconfort, jusqu’aux plaisirs intenses, aux exaltations de musiques somptueusement éthérées.
Le corps jouissant, comme celui subissant, est en interaction permanente avec les milieux sonores qu’il contribue lui-même à modifier, altérer, créer ou magnifier.
La ville comme la forêt, le littoral comme les hauts sommets, sont des scènes acoustiques qui ne demandent plus que l’écoutant, via ses oreilles conscientes et volontaires. Que celui-ci se pose en installant ici et là des écoutes grandeurs nature. Le spectauditeur, au gré des monstrations auriculaires pré-installées, avant même qu’il ne fit le moindre geste, et même qu’il arrivât sur l’espace scénique défini, n’a plus qu’à laisser emporter son corps tout entier. Et cela dans les incessants mouvements-vagues sonores, de l’infime frémissement au grand fracas cosmique
Nouvel expérience aux bancs d’écoute, s’ancrer dans l’habitat

Ce soir je me suis à nouveau assis sur un banc, longuement.
Les températures plus clémentes incitent à la reprise de ces postures posées.
Geste récurent, presque obsessionnel, presque rituel.
Un banc que j’ai déjà pratiqué ces derniers temps, dans la petite ville où j’habite désormais.
Un bout d’ilot de bois sur une grande place minérale, coincé discrètement entre la mairie et le monument aux morts.
C’est une place très calme, traversée de temps à autre par des personnes semblant pressées dont certaines me saluent.
C’est un banc confortable.
Je m’y sens bien.
Ce soir, j’ai donc renoué avec une de mes vieilles habitudes.
Je suis resté longuement assis, tout d’abord en lisant, puis en rêvassant, à cet instant de bascule, entre chiens et loups, à nuit tombante, moment que j’aime tout particulièrement.
C’est une façon pour moi, d’entrer en communication, presque en communion, avec des lieux qui sont aujourd’hui, mon nouveau cadre de vie.
Les cloches de la place voisine font partie du décor.
Elles viennent se cogner contre les murs adjacents, dans d’étranges échos.
Le banc où je suis assis, fait partie du décor.
Les gens qui me jettent un regard curieux, semblent penser que je fais également partie du décor.
Je pense que je répéterai ce geste bancal au fil du temps qui passe, point d’ancrage.
Il est certain que ce banc me servira de nouveau. jusqu’à ce que mon oreille s’obstine à me faire prendre conscience que je fais partie intégrante du paysage que je me construis progressivement.
Les sons deviendront petit à petit des repères, comme des amarres acoustiques, des marqueurs auxquels je me raccrocherai, en quête de stabilité.
Entre chiens et loups, alors que le printemps adoucit les ambiances, je me sens bien sur ce banc, comme dans beaucoup de villes où j’ai expérimenté ces mobiliers amènes.
Je me réserve le temps de découvrir et d’essayer beaucoup d’autres bancs, pour leurs capacités de prendre le soleil, ou à se mettre à l’ombre, où pour rencontrer le passant, ébaucher la conversation, ou la poursuivre, à l’improviste.
Les bancs sont mes amis, et j’espère que la réciproque est vraie.
Ce soir je suis assis, regardant les lumières s’estomper, les bleus devenir pourpres, puis noirs, les rumeurs s’apaiser, le jour basculer dans la nuit. Quelques lattes de bois sous mes fesses, orienteront mon regard, de même que mon écoute, et sans doute mes rêveries.
Les aménageurs devraient penser de façon plus réfléchie au nombre de bancs qu’ils installent dans l’espace public, et à leurs emplacements stratégiques pour renforcer la capacité d’une cité à se faire accueillante. Ne pas les transformer en mobiliers repoussoirs, excluants, inhumains.
Le banc est pour moi un bureau potentiel et temporaire, un espace de vie récurrent, et au fil des rencontres, un lieu d’échanges privilégiés.
C’est d’ici que je vois et aime profiter de ce printemps naissant, entendre les oiseaux reprendre leurs polyphonies bavardes, les insectes vrombir, et les bourgeons semblant s’ouvrir dans un léger bruissement.
Sur ce banc à la fois bien ancré dans le sol, et naviguant dans les courants stratosphériques de la rêverie, espaces de conjonctions sociales, où l’ici et l’ailleurs, l’aujourd’hui, l’hier et le demain se confondent.
Bref un lieu de douce méditation.
La nuit se fait plus présente, obscure..
Les oiseaux persistent à signer l’espace de leurs territoires piaillant, et ont la gentillesse de m’y accepter, et même de m’y inviter.
C’est une chronique auriculaire parmi tant d’autres, où ce soir-là les sons m’apaisent..
Et c’est là que je m’aperçois que, dans beaucoup de lieux où j’ai trainé mes oreilles, il y a des histoires de banc, bien ancrées dans ma mémoire, comme repères spatio-temporels aussi structurants qu’inspirants.
Je pourrais vous en décrire tellement, y compris dans leurs ambiances sonores.
Quand on change d’habitat, on change d’habitudes, on change de pratiques, on change de bancs, on change d’écoutes.
Les points d’ouïe bancs-dits, sont autant d’espace de rêves que d’espaces d’expériences bien réelles, d’autant plus qu’elles imprègnent à tout jamais la mémoire, jusque dans ses moindres sons..
J’ai dans l’oreille tant d’expériences de vie partagées, de confessions intimes, dont je n’écrirai jamais le moindre mot, car trop personnelles.
Une collection d’ambiances et d’histoires situées, dans des espaces-temps très contextualisés.
Adopter un ou plusieurs bancs, c’est quelque part s’installer, s’ancrer un peu plus dans lieu, qui plus est si celui-ci est notre nouvel habitat.
.
Réapprendre les lieux sonnants

S’installer ailleurs, ici, c’est refaire la géographie de ses déplacements, de ses regards, de ses rencontres, et aussi de ses écoutes.
Se mettre en lieu, se familiariser avec les rues, les collines, les arbres, les cloches, les ruisseaux, une posture que connaissent bien ceux qui viennent d’emménager dans un nouveau lieu, ou qui ont la bougeotte, le nomadisme dans le sang.
Dans ces périodes dépaysantes, nos sens lancent des tentacules pour palper le territoire, chercher les aspérités où s’accrocher, les aménités rassurantes, des ancrages sensoriels.
Il nous faut connaitre de nouvelles voix, de nouveaux visages, de nouvelles affinités.
On peut jouer le touriste béat, aimant à se surprendre au fil de nouveaux bancs, d’où observer, entendre, rencontrer.
Se poser dans l’espace nouvellement habité demande une volonté d’accueillir pour être accueilli, de s’acoquiner avec les volées campanaires, les oiseaux dans le parc, le marché qui s’installe, les passants riverains… Avec les nouveaux points de vue, les nouveaux points d’ouïe. Une ouverture nécessaire pour bien vivre de nouvelles aventures sensorielles
Les rythmes des lieux sont chaque fois singuliers, au fil des heures et des jours, des saisons capricieuses.
Ici, le tracteur agricole déboule dans un ferraillement dantesque, mais exit le camion poubelle au lever du jour, pas de risques de grèves d’éboueurs non plus, les habitants gèrent eux-même leurs déchets, tant bien que mal.
Ici, la nuit est presque silence, apaisée, tout au moins au sortir de l’hiver. Après, nous verrons et entendrons.
Ici, une petite rivière chante tout près, si la pluie veut bien lui donner de la voix. Son bief détourné n’alimente plus aucunes usines, elles se sont tues au fil des ans, jusqu’à disparaitre corps et bien du paysage. Les métiers à tisser sont partis loin, laissant la ville plus silencieuse, peut-être même un peu trop.
La trépidance n’est pas de mise, tout semble avoir baissé de plusieurs tons, des décibels assagis.
Le rythme général semble ralentir en même temps que les vacarmes se font rares, jusqu’à prendre le temps de se saluer dans la rue.
En quelques pas, veaux, vaches moutons porcs, chèvres et poulets meuglent, bêlent, caquètent, concerto campagnard sur fond de collines herbeuses. Le verts des prairies va s’échouer contre les forêts de Douglas qui peuplent les hauteurs.
Au loin, un train gronde en scandant l’espace d’itérations claquantes.
D’une ville ou d’un village à l’autre, chacune et chacun son histoire, que les sonorités du cru contribuent à écrire.
Tout se met en place, puzzle de sons qui s’assemblent pour construire un théâtre sonore ambiant qui peu à peu, nous deviendra familier.
Chercher à dire ce qui était mieux avant, ailleurs, où ce qui a notre préférence ici n’a guère de sens, les géographies sensibles étant ce qu’est le son. Mieux vaut bâtir son propre paysage sonore sur la curiosité de découvrir de nouvelles scènes auriculaires, des sources d’écritures renouvelées, d’expériences situées, qui vont venir rafraichir nos petites habitudes.
Petit à petit, la géographie d’une bourgade sonnante se fera plus précise, les ambiances deviendront signatures, repères, peut-être jusqu’à s’effacer de nos radars sensibles, lorsque l’imprégnation les aura gommer du quotidien, les rendant alors inaudibles, comme un décor trop entendu.
Néanmoins, faire l’exercice du dépaysement auriculaire est toujours un jeu plaisant, pour ne pas trop vite entrer dans une indifférence où les oreilles ne s’étonnent plus de rien.
Écoutes dedans/dehors et vice versa

Laisser l’oreille gambader ci et là, urbaine ou buissonnière
Explorer l’indoor et l’outdoor du sonore fugitif
Cueillir et accueillir les sons hors-les murs
Les jouer en forêt, au fil d’une rivière, au cœur de la ville
Les faire sonner en modes doux, tout juste un discret contrepoint non intrusif
Ouvrir des brèches dans les murailles
Chanter l’oreille décloisonnée
Laisser les sons venir dans les murs, même les plus enfermants, comme des respirations
Installer l’écoute au ras du sol nourricier, de l’herbe renaissante, de la sève montante, de l’eau tourbillonnante
Prendre le temps d’ouïr, d’être en écoute, d’être écouté
Marcher en fabriquant des paysages à portée d’oreilles
Partager les moindres bruissements, more deep listening again
Jouer des interstices, aux frontières de la ville, du jour déclinant, de l’orée forestière
Partager des paroles sans entraves, dans la mesure du possible
Faire voyager les sons, hors frontières, sans frontières,
Cultiver l’entendre à caractère universel
Faire du monde un Écoutoir Potentiel Imaginaire
Le peupler de Points d’ouïe nomades et indisciplinées
Laisser du jeu dans l’écoute
Mettre l’écoute en jeu, plus qu’en je
Faire des fêtes où les sons réconfortent, électrisent, protestent, résistent, ouvrent des brèches
Penser le paysage sonore dans son immense diversité et complexité, tout simplement
Écrire des scènes sonores comme des communs habitables et partageables
Ne pas craindre l’utopie, dans le cas où il en subsisterait des bribes d’aménités sonores
Ne pas être une éponge écoutante, apprendre à trier et à combattre la parole mensongère
Infuser l’écoute active comme une vraie politique humaniste, non partisane
Persister à croire que tout ce qui est écrit et dit ci-avant est, au moins en partie, réalisable.
Regards d’écoutes en chantier

Consulter le document :
https://drive.google.com/file/d/1bZgZrfDpSPdF7lc0_ToWPp7iwJryGyIG/view?usp=sharing
Balades lithophoniques, point d’ouïe et chant minéral
De tout corps, marcher écouter
Lorsque que je marche, j’écoute, et que cela fait rire mes oreilles et mes pieds, les enchante, ce sont des instants sans pareil.
Qui plus est si je guide un groupe de promeneurs écoutants, en espérant de tout mon cœur, de tout mon corps, que cette jubilation soit une énergie transmissible, communicative, partagée.
Des expériences où la marche et l’écoute se font danses concertantes, jubilatoires, une forme de paysage sonore dionysiaque.
Point d’ouïe, Strasbourg en écoute, une vraie fausse histoire auriculaire

Tout commence par une foule, nombreuse, joyeuse, bavarde, mouvante.
Des voix, beaucoup de voix, captées de près, en mouvement, sur la grande place historique de la cathédrale.
Une fête des structures culturelles et artistiques, autour et tout près de là cathédrale.
Des rythmes voisées, des déplacements, des captations discrètes, une ambiance festive.
Au loin une musique, percussions en contrepoint.
Et puis, sans qu’on y prenne garde, arrivent crescendo, de loin, puis de plus en plus présentes, les cloches de la cathédrale.
Une volée majestueuse qui envahit progressivement la place, fait contrepoint avec les voix ,puis finit par les couvrir, majestueuses.
S’ensuit une petite déambulation jusqu’à un manège d’enfants.
Des étudiants croisent la route des micros, ou sont-ce ces derniers qui vont à la rencontre des étudiants.
Un chant traditionnel, matinée de grivoiseries potaches. Un joyeux bizutage en chansons, car c’est l’époque.
Ces scansions chantées vont faire écho à un autre rythme, plus étrange, mécanique, énigmatique pour qui n’en connait pas la source.
Un contrepoids battant de portail métallique, dont le mouvement semble être une sorte de balancier perpétuel n’en finit pas d’osciller, et de s’éteindre
Clic clac, des gémissements, grincements…
Avant un retour fugace aux cloches dont la volée finissante fait échos aux battements du portail. Deux mouvements a priori très différents, mais qui ont en commun de s’entretenir longtemps en balancements, dans une longue extinction décélérante.
Cette histoire auriculaire, retranscrite par un montage audio écoutante ci-dessous, s’appuie sur des « vrais » sons et ambiances, bruts dans leur captation, véritablement strasbourgeois. Et pourtant rien n’est véritablement vrai dans leur déroulé. Les espaces géographiques, périodicités acoustiques, les temporalités, sont complètement remaniées pour une question de rythme du récit, et de dynamique de la narration, tout est reconstruit de toutes pièces .
L’histoire eut-été bien fade, ennuyeuse, dans une restitution phonographique « réaliste », si l’auteur, en l’occurence Desartsonnants, n’avait pris la liberté de raconter, par le biais des impressions, des ressentis, et de rythmes recomposés, un récit singulier, une fiction bien sonnante.
S’il y a ici un tricotage spatio-temporel où l’imaginaire trouve largement sa places il n’y a pas pour autant trahison de la part de la part de l’écoutant transcripteur compositeur, qui va donner à entendre sa propre image sonore, sincère, même si très subjective.
Les ambiances sont respectées, dans leurs dynamismes, leurs atmosphères enjouées, pou étranges, leurs diversités, et parfois complexité. Tout est à la fois bien réel in situ, et complètement remanié, pour que l’oreille y trouve son compte, prenne du plaisir d’entendre, et pour que les locaux puissent se reconnaitre, au sens propre et au sens figuré, dans cette vraie/fausse histoire strasbourgeoise.
Raconter un paysage par et pour les oreilles, c’est partager des expériences d’écoute. C’est aussi construire une scénophonie, une mise en son et en situation d’écoute contextuelle, dans un récit où le fictionnel est assumé, voire revendiqué.
Points d’ouïe strasbourgeois, invité, avec Pauline Desgrandchamp, par Studio Labut , Yerri Gaspar Hummel, pour une émission radiophonique Arrêt média (cliquez sur le lien pour écouter), un PAS – Parcours Audio sensible, et des échanges avec le public autour des paysages sonores partagés.
Août 2022
Écoutez
https://desartsonnants.bandcamp.com/track/strasbourg-loreille
Une marche écoutante
Approche rythmologique

Ce texte fait suite à une participation, depuis un peu plus de deux années, à un séminaire transdisciplinaire, indiscipliné et pluriannuel, lié à l’axe Rythmologies. Au cours de ce séminaire, a été organisée le 24 mai 2022 une promenade écoutante sur le campus universitaire de l’Université Grenoble Alpes, via la Maison des Sciences de l’Homme. Cette action de terrain a fait se retrouver beaucoup de participants moteurs du groupe de travail Rythmologies. Un des principaux objectifs était d’expérimenter, de frotter au terrain, physiquement, quelques idées développées durant les conférences et réunions, ces dernières ayant lieu principalement en Visio, autour d’une pratique corporelle, rythmique, associant marche et écoute du campus.
Lien de lecture et/ou téléchargement : site Rhuthmos
Points d’ouïe et Écoutoir Potentiel Imaginaire en chantier

2023
Desartsonnants, chantiers de choses en écoute, Écoutoir Potentiel Imaginaire en cours et à venir …
– Début d’un nouveau travail Dedans/Dehors avec la Maison d’arrêt de Chambéry, le SPIP et l’association ASDASS (Association de Soutien et de Développement de l’Action Socio-culturelle et Sportive)
– Travail sur la mobilité, l’ancrage, PAS – Parcours Audio Sensibles et autres créations à venir, avec l’Atelier – Tiers Lieu d’Amplepuis.
Axe rythmologique, Université de Grenoble Alpes, Maison des Sciences humaines, EPFL de Lausanne, École supérieure d’architecture de Toulouse…
– Développement du chantier PePaSon (Pédagogie des Paysages Sonores), résidences, ressources, rencontres, Tournée des balades sonores (la prochaine autour de l’étang de Berre)…
– Semaine du son du Québec, intervention (distanciée) autour des balades sonores…
– Publication autour de l’écologie sonore avec le journal Belge KingKong
– PAS – Parcours Audio Sensibles et sons aquatique, Grand Parc de Miribel Jonage
– PAS – Parcours Audio Sensibles à Saumur en Auxois, rencontres acousmatiques de CRANE Lab
– PAS – Parcours Audio Sensibles avec la Commune et le Musée d’Allevard
Rencontres autour des paysages sonores en Pays de Loire
– Festival Back To The Trees en forêt d’Ambre (Près de Besançon)
– Festival City Sonic à Liège
– Écritures sonores « Fictions de la forêt, l’art de grandir » à , installations, parcours en libournais, avec Permanence de la littérature et la CALI (Communauté d’Agglomération du Libournais)
Chantiers d’écritures et d’écoutes indisciplinées, entre ancrage et itinérance…
Et avec vous ?
Points d’ouïe asséchés

Printemps déjà silencieux…
Les cours d’eau et fontaines se taisent précocement.
L’écoute s’assèche en même temps que les flux se tarissent et que les bonnes ondes se font rares…
On traverse hors les gués, les torrent ne coupent plus le chemin et tout ça s’entend bien, ou plutôt ne coule plus de source.
Fin d’hiver déshydratée.
Paysages que guettent les déserts, dévastent les coulées de boue, et que plus rien n’irrigue.
Oreille racornie faute de flots nourriciers.
Penser des parcours sonores comme des éléments qualitatifs et structurants

Il existe déjà, en ville comme en campagne, toute une série d’initiatives, d’aménagements, facilitant et valorisant le déplacement piétonnier. Le son et l’écoute restent néanmoins peu envisagés comme des vecteurs potentiels de bien-être, de mieux-être, associés à d’autres approches sensibles et quelque part fonctionnelles.
Envisageons ici, le fait que l’écoute et les marcheurs écoutant.es, soient plus impliqués dans des actions de terrain, des aménagements concertés, à portée d’oreille.
Esthétique et plaisir des oreilles : découvrir et profiter de points d’ouïe, d’ambiances et d’acoustiques remarquables, écouter et jouer des « musiques des lieux ». Organiser des espaces et parcours d’écoute, d’échanges, de diffusions douces, des créations sonores environnementales éco-paysagères, respectueuses dés équilibres auriculaires…
Tourisme culturel et éco-tourisme : Valoriser un territoire de façon originale, en l’écoutant. Mettre en avant les qualités des acoustiques dedans/dehors, sources patrimoniales (cloches, fontaines, parlers locaux, mémoire et histoire industrielles…), signatures sonores singulières, pédagogie de l’écoute… Veiller à ne pas envahir les sites fragiles et leurs habitats respectifs, humains ou non.
Mobilités douces : Penser des trajets reliant différents quartiers ou sites, en prenant aussi en compte leurs qualités acoustiques, évitant ainsi, autant que possible, des expositions trop bruyantes pour le piéton, tout en sécurisant leurs marches.
Inventorier les sentiers, parcs, espaces protégés, afin de cartographier un réseaux de circulations et de lieux de détente apaisés.
Santé et bien-être : Préserver et aménager des zones calmes qui, associées aux îlots de chaleur/ zones de fraîcheur, constituent des abris/refuges face aux sur-expositions de chaleur, de bruit, et souvent de pollution atmosphérique associée. Tracer des randonnées urbaines et périurbaines ponctuées d’oasis acoustiques, favorisant la marchabilité du territoire, le corps en mouvement, notamment dans des cités plus habitables.

Point d’ouïe, écouter, par le petit bout de l’oreillette

Écouter, c’est le petit bout d’un grand tout.
Écouter, c’est entendre, marcher, échanger, écrire, bidouiller (des sons et plein d’autres choses), rêver, militer, rencontrer, s’indiscipliner, être multiple et insatiable…
Desartsonnants
« Laboratoire d’écoute(s) – L’Écoutoir Potentiel Imaginaire«
Bureaux itinérants, Écoutoirs Potentiels Imaginaires
Penser et expérimenter l’écoute de travers(e)

Mettre l’écoute à l’épreuve de – L’indice s’y plie, nœuds – croisements – tissages
Questionner et mettre l’écoute en jeu, au sens propre, c’est à dire jouer par, avec, pour, contre, c’est la mettre (l’écoute) à l’épreuve.
Il est en effet très intéressant de mettre l’écoute à l’épreuve du son, du geste, du mouvement, des mots, de la pensée, des champs transdiscipinaires, et plus encore indisciplinaires…
Mettre à l’épreuve, c’est voir comment une idée, une action, une recherche, résistent à la confrontation, non pas pour les détruire, les amoindrir, les faire plier, mais bien au contraire, pour les solidifier, les enrichir d’interactions décloisonnées, indisciplinées, en capacité d’explorer de nouveaux chemins.
Mettre l’écoute à l’épreuve
L’écoute à l’épreuve des sons
Prendre conscience de
Mille sources audibles ou non
Des ambiances
Des acoustiques
Des vibrations tout ce qu’il y a de plus physiques
Des acouphènes, illusions, trompe-l’oreille
Des effets sonores
D’un monde auriculaire, esthétique, physique, sociétal
D’un répertoire, un inventaire, un classement
D’un joyeux fouillis dans l’oreille.
L’écoute à l’épreuve des mots
Décrire les sons
Les mettre en page, en mots, en prose, en vers, et contre tout
En faire récit, les historier, les romancer, les donner à lire
Partager des affects au fil des effets de styles, métaphores, synecdoques, métonymie
Faire trace, y compris avant l’ère des machines à capturer, emmagasiner, conserver les sons
Dire ce que les micros ne savent pas, et ne sauront jamais dire.
L’écoute à l’épreuve des gestes
Mettre son corps en mouvement, oreilles comprises
Danser l’espace, au fil des rythmes et des couleurs sonores
Marchécouter, soundwalker, aller vers, dans, arpenter les milieux auriculaires
Trouver des postures d’écoute, s’immobiliser, s’assoir, s’allonger, fermer les yeux, s’immerger
Bricoler des objets pour mieux entendre, ou différemment
Faire de concert, rassembler des synergies, des envies, des dynamiques.
L’écoute à l’épreuve de la pensée
Réfléchir au pourquoi et comment écouter
Aux statuts de l’écoute, de l’écoutant, des choses écoutées, des milieux sonores ouïssibles
Aux interactions multiples, sensorielles, tangibles, imaginaires, crées par le geste d’écoute
Au potentiel qu’a l’écoutant à changer le monde, même a minima, imperceptiblement
Au potentiel qu’a l’écoutant à communiquer, échanger, partager, si pour autant il prête l’oreille
A une éthique qui, ne fera pas la sourde oreille, dans les multiples tensions et détentes
A une façon de vivre les sons comme un besoin vital de faire communauté écoutante
L’écoute à l’épreuve de l’indisciplinarité
L’écoute croisant, tissant, hybridant, décloisonnant, moult champs, spécialités, savoir-faire
Des formes de recherches-actions puisant dans des hétérosonies singulières
Des tiers-écoutes maillant un large territoire de langues, de signes, de gestes, de pensées, de faire
Des espaces de rencontres interdisciplinaires, cherchant des points d’ancrage communs, ou dissemblables
Des terrains auriculaires où les certitudes, physiques ou mentales, font place aux questionnements
Des laboratoires d’écoute où l’expérience partagée, la curiosité sérendipitienne, sont immanquablement conviées
Scène d’écoute indisciplinée
Imaginons une forme de mise à l’épreuve comme une situation pétrie d’états conjonctifs, situation sans doute un brin utopique.
Un musicien écoute, joue, interprète, une pièce paysagère, à l’improviste, tandis qu’un physicien lui en explique les subtiles vibrations, qu’un écrivain en trace, en retranscrit les émotions, qu’un architecte en dessine des volumes habitables et audibles, qu’un danseur y entraîne tout le monde dans sa ronde, qu’un philosophe en cherche les résonances sympathiques, qu’un preneur de sons essaie de graver cet instant en mémoire, qu’un jardinier sème des fleurs comme des notes de musique, qu’un géographe tente de libérer l’écoute de frontières trop territorialistes, en trace une cartographie sonore ouverte, qu’un luthier conçoive des instruments ad hoc pour faire sonner la musique et l’espace, qu’un promeneur s’arrête à ce moment, sur ces lieux soniques, et entre dans la discussions et le jeu…
Imaginons plus encore, que chacun, à l’aune de ses affects et savoir-faire, se glisse dans la pratique, dans la peau résonnante de l’autre. Qu’il s’essaie à penser hors de son champs d’action habituel, d’entendre par les oreilles d’autrui, d’expérimenter par les gestes du voisin, d’expliquer au groupe, exemples et expériences à l’appui, ses façons de voir et de vivre les sons.
Mettons l’écoute de travers, à l’aune d’une indisciplinarité aussi fragile, incertaine, que féconde.
Articles connexes
Un Écoutoir Potentiel Imaginaire en chantier
Mettre du jeu dans l’écoute, mettre l’écoute en jeu
Un Écoutoir Potentiel Imaginaire en chantier

Accoustez, à bon entendeur, il ne fault que demi-mot. Rabelais, Pantagruel
Supposons, voire imaginons, préfigurons, la mise en place d’un Écoutoir Potentiel Imaginaire, où (presque) tout serait à faire, à tricoter, à expérimenter, à partager.
Supposons que ce dernier mette l’écoute au centre du projet, et l’écoutant devant, ou au cœur d’un vaste chantier de construction/déconstruction nomade, de bricolages et d’hypothèses sonifères, de rencontres et de collaborations rhizomatiques…
Pensons un espace polymorphe, mobile, contextuel, changeant, hybridant, donnant accès à des points d’ouïe plus hétérosoniques les uns que les autres, à des espaces auriculaires toujours en mouvement, donc d’autant plus surprenants, si ce n’est inouïs.
Ici, l’EPI sera banc, abri-bus, table de camping….
Là il sera cabane, affut, amphithéâtre, studio, salle de classe, forêt, salon chez l’habitant…
Ailleurs il sera espace sémiotique, signalétique, parcours, propositions graphiques, sentier nomade…
Ou bien encore rêve, utopie, espace-temps d’un imaginaire tout à la fois fugace et tenace, résistant, militant, déviant, construisant, résiliant…
Souvent, il sera hybride, s’essayant dans différentes postures, situations, visitant des espaces non forcément qualifiés, assumant sa fragilité et ses tâtonnements face à la complexité du monde.
Il naîtra et se développera au gré d’interactions hybrides, issues de rencontres entre artistes – créateurs sonores, musiciens, plasticiens, cinéastes/vidéastes, écrivains, danseurs – philosophes, chercheurs, paysagistes et urbanistes, politiques, et qui plus est d’une bande d’écoutants soucieux de leurs territoires de vie.
Il sera modelé au fil de gestes collectifs situés, relationnels, sensibles, de situations à géométrie variable,
Il ne sera pas forcément calculé d’avance, figé dans des protocoles immuables, gravés dans le marbre du sonore, mais, tantôt constructions matérielles, tangibles, fonctionnelles, tantôt objet immatériel, pensée mouvante, et souvent situé aux frontières, aux interstices, aux recouvrements des deux.
L’Écoutoir sera un terrain de l’expérientiel où de multiples pratiques et savoir-faire mettront en commun leur énergie, leur désir de faire ensemble un pas de coté, de tisser une écoute féconde, respectueuse bien que pouvant être un brin effrontée, voire irrévérencieuse.
Il expérimentera sans relâche, construisant ses propres outils open source, laissant ouvert tout un champ de possibles, agissant dans des espaces délaissés, non maitrisés, peu planifiés ou définis, sans ignorer pour autant les cadres très contraints, ceux où on puisse chercher des marges de jeu émancipatrices.
Il se développera sur des substrats universitaires, artistiques, sociaux, artisanaux, industriels, économiques, philosophiques, de préférence de façon la plus décloisonnée que possible.
Il sera dedans/dehors, aux seuils et aux frontières, aux lisières, aux entre-deux géographiques et symboliques, aussi bien que dans des lieux laboratoires hétérotopiques, des ZAT ou TAZ, jardins planétaires, Tiers Espaces, ZEP (Zone d’écoute Prioritaire, ou Potentielle).
Il s’inventera des langages, se construira des corpus singuliers, se diffusera via des récits pétris de créolisation bienveillante.
Il se développera dans l’espace public comme dans les sphères du privé, de l’intime, de l’inter-générationnel, en oasis d’accueil et d’interactions respectueuses, humanistes, non invasives, non intrusives, le plus inclusives que possible.
Il sera tout à la fois miroir sonore, reflet, résonance, et lieu de modélisation, d’anticipation, d’utopies partageables, par et pour tout un chacun.
Il sera poétique, écologique, politique, et fera en sorte que les uns n’aillent pas sans les autres.
Il laissera place à l’affect, l’émotion, à l’immersion généreuse.
Il sera tout à la fois Faire et Penser, Agir et Imaginer, Construire et Rêver, sans hiérarchisation aucune.
Il sera ce que l’écoutant activiste en fera, aux croisements de chemins multiples, aussi décloisonnants que possible.
Il se tiendra à un croisement où arts numériques, inter-médiatiques, acousmatiques, acoustiques, testeront des outils transmedia, pour relier différents archipels de recherche-création où l’écoute à son mot à dire.
Il ne reste plus, à cet Écoutoir Potentiel Imaginaire, que de s’incarner, de prendre chair, corps, ici ou là, pour quelques heures, jours, ou mois, dans des écoles, universités, municipalités, centres d’arts et de culture, fermes, industries, ateliers, chemins de campagnes ou périphériques, prisons et hôpitaux, laboratoires et tiers-lieux, et partout où l’oreille trouvera du grain à moudre pour un projet auriculaire, partagé, toujours en chantier.
PS : Cette action s’inscrit dans le projet global Desartsonnants, mettant en avant des lectures, écritures et pratiques croisées de paysages sonores, avec des approches tout à la fois esthétiques, écologiques et sociétales.
Elle est aussi inspirée par les travaux de la chercheuse Myriam Suchet autour de l’indiscipline.

Mettre du jeu dans l’écoute, mettre l’écoute en jeu

Un cadre d’écoute trop rigide bride un geste auriculaire dans sa folie tympanique.
Un jeu fonctionnel est aussi un jeu frictionnel, permettant de frotter entre eux des espaces sonores, de ce fait toujours plus surprenants.
Le jeu de l’ouïe, de case en case, active des percussions d’osselets, jusque dans le vestibule.
Le jeu en vaut la chandelle, qui, contrairement à ce que dit la chanson, est encore bien vivante pour éclairer nos écoutes.
Il faut oser un jeu performatif, permettant d’interpréter de mille façons les musiques des lieux, la symphonie auriculaire du monde.
Il faut expérimenter un jeu d’écritures qui ne fait pas que comptabiliser les sons mais les (re)met en jeu de multiples manières.
Se prendre au jeu (de l’écoute) est une belle entrée pour se laisser embarquer au gré des ambiances sonores, toutes oreilles devant.
Car il nous faut jouer de la ville et des forêts sonnantes, des mers et des montagnes, ici ou là, sans faire de bruit…
Parcours sonores engagés

Lorsqu’avec l’association PePason, nous avons initié la Tournée des balades sonores, je préfère d’ailleurs l’intitulé balades écoutantes, terminologie pour moi plus activiste, nous pensions, fort justement, que cette pratique était aujourd’hui un formidable outil pédagogique.
A ce jour, après trois opus polyphoniques, généralement guidés par des duos d’activistes marcheurs écoutants, je m’aperçois combien cette idée est non seulement fondée, mais permet une approche du paysage sonore plus riche encore que je ne l’imaginais a priori
Le fait de croiser des pratiques, de les expérimenter in situ, collectivement, de le décrire, commenter, analyser, documenter, nous fournit une ressource tissée d’expériences multiples d’une grande richesse.
Ainsi, s’ébauche, se dessine, une histoire vivante de paysages sonores en mouvement, dont nous pouvons énoncer d’emblée quelques axes structurants, bien que non exhaustifs.
La balade écoutante comme :
– Un espace-temps sensible déambulatoire, esthétique, partagé, catalyseur d’affects et d’émotions
– Une lecture paysagère tout à la fois sensible et analytique du territoire arpenté
– Une écriture située de parcours, de cheminements, où la kinesthésie trace des chemins auriculaires
– Un terrain d’expériences, de jeux, au gré de consignes, de suggestions, de protocoles, d’aventures impromptues…
– Un espace de rencontres, de sociabilités, un tissu de relations intimes, qui se révèle, s’amplifie, et s’enrichit, lors de la marche et des échanges inhérents
– Une trace mémorielle, qui pourra influer et réorienter sensiblement nos approches environnementales
– Un levier de militance active, au cœur de combats où l’écologie écoutante, sociale, économique, fera résistance, autant que faire se puisse, à un capitalisme mortifère.
– Un axe de recherche-action, mettant en place des outils participant à un mieux écouter, un mieux vivre ensemble.
Notons que, pour ma part, la dimension politique tend à s’accentuer au fil des marches, tout en restant sur un terrain poétique, ou poétisé, par la mise en situations d’écoutes singulières et partagées.
Paysages sonores résistants
Une riche semaine francilienne s’achève.
2 journées de colloque à la Philharmonie de Paris « La nature et ses musiques, Rechercher, enregistrer, composer, transmettre » dans le cadre de l’exposition Musicanimale. De belles interventions, des retrouvailles, des rencontres, des échanges…
Samedi, PePaSon orchestre des rencontres et expériences dans le cadre de la tournée des balades sonores, avec pour thème « Paysages sonores et écologie militantes, quelles synergies ? » Là où on approches les paysages sonores résistants.
Des partages d’expériences et réflexions invitant différents partenaires, Cité de la musique, Paris 8, Le Shakiraïl, Alternatiba Paris, Graine Ile de France des promeneurs-promeneuses oreilles aux aguets…
Deux belles balades écoutantes dans le Parc de La Villette, orchestrées par Juliette Volcler et Makis Solomos. Un atelier d’écoute et d’improvisation musico-sonore proposé par Christophe Rosenberg, coordinateur des ateliers pédagogiques de La Philharmonie de Paris, une soirée d’échanges autour d’une partition d’écoute, causeries d’après des diffusions de pièce sonores… des partages riches, profonds, bienveillants, où l’écologie écoutante est questionnée révélant des formes d’engagements sous de multiples facettes.
Cette journée s’inscrit également dans le programme de La semaine du son parisienne.
Il reste à documenter et partager tout cela. La matière est riche et abondante, entre sons et images, paysages et réflexions, du beau grain à moudre et des idées, des envies, plein la tête, et les oreilles !
Un immense merci à tous les contributeurs.trices, acteurs.trices, écoutants.es pour leur énergie et synergies bienveillantes !
Et avec PePaSon, rendez-vous la dernière semaine de janvier en terres lyonnaises pour de nouvelles aventures audio-paysagères, dont le Forum des paysagistes sonores.
2005/2023, Desartsonnants blog à part !

Le 30 septembre 2005, Sonoris Causa voit le jour.
Blog hétéroclite, bavard, publiant à l’instinct… Des textes, images et séquences sonores autour d’une thématique auriculaire, visitée en prenant les chemin de travers les plus variés.
On y parle pêle-mêle, au gré des articles, de l’eau, de la radio, forêt, paysage sonore, langues, cuisine, cloches, instruments… le tout illustré de séquence sonore parfois les plus loufoques et décalées.
L’aventure durera jusqu’en 2009. Elle sera même saluée par une chronique de France Inter.
Aujourd’hui, si des traces du site résiste encore ça, plus aucun liens sonores ne fonctionnent. Ce qui d’ailleurs nous pose la question d’une pérennité somme toute assez courte des sources citées via des hyperliens, au gré des disparitions, changements de noms, d’adresses des sites, et le travail considérable d’une maintenance et des mises à jour nécessaire pour garder la ressource pertinente, dans un monde où tout bouge tellement vite !
2007, un nouveau blog vient se tuiler au premier, première mouture de Desartsonnants et apparition de cette identité patronymique.
Desartsonnants//Sonosfaire. Le parti est ici de parler création sonore dans tous ces états (ou presque). Installations, poésie, arts médiatiques, performances, dispositifs numériques, arts plastico-sonores, web art, environnement, lutherie et autres moutons à cinq pattes s’y croiseront dans le plus grand désordre.
Entre actualité, articles « de fond », zooms sur une pratique, un artiste, une technologie, les arts sonores sont explorés au fil des rencontres, coups de cœur, et d’une veille informatique plutôt désordonnée, sans doute à l’image de son instigateur sérendipien dans l’âme. Ce blog fouillis, sans véritable rangement logique, où l’on navigue à vue, ou plutôt à l’oreille, se tuile quelques année avec Sonoris Causa, avant de le remplacer progressivement.
Après des période éruptives, des moments de ralentissements, de mises en sommeil, des redémarrages, il existe encore aujourd’hui, dans son état quasi initial, malgré quelque liftings au fil du temps, et c’est bien celui par lequel vous lisez, ici et maintenant, ce post.
2015, lors d’une résidence création à CRANE-Lab, dans une verdoyante campagne bourguignonne, Desartsonnants Points d’ouïe et Paysages sonore partagés émerge à son tour.
Il s’agit ici de focaliser la création sonore autour de la pratique environnementale de ce qui est devenu petit à petit Desartsonnants, logotype de votre serviteur Gilles Malatray. La marche écoutante, PAS- Parcours Audio Sensible aujourd’hui, le field recording, les approches liées à l’écologie sonore, à celle de l’écoute et de l’écoutant, questionnent et irriguent ce nouveau blog.
Carnets de notes, poésie, actualités, points de vue et points d’ouïe audio-paysagers, expériences croisées, passées, en cours où à venir, tentent de tisser la trame d’une aventure desartsonnante toujours en chantier. En contrepoint avec le volet plus largement arts sonore de Sonos//Faire.
17 ans de blogging, et une 18e aujourd’hui entamée. Des milliers de signes, de mots, d’images, d’illustrations sonores, de cartographies… Mais aussi de vraies belles rencontres et des échanges, des invitations parfois, favorisées par ces outils de médiation internautique…
Un désir, voire une soif de transmettre, de partager, modestement, des expériences in situ, envies, connaissances, réflexions personnelles, rêves, de créer, autant que faire ce peut, des liens féconds et amicaux entre les pratiques, les lieux, les acteurs…
Desartsonnants a également rejoint PePaSon – Pédagogie des Paysages Sonores, avec qui il a de réels affinités et un large faisceau d’intérêts, de passions, d’expériences à partager, sur le terrain comme sur la toile. Et comme questionne ce dernier « Et s’il suffisait de tendre l’oreille ? »
Dans un monde où tout bouge très vite, voire s’emballe dangereusement, où au-delà des espaces immatériels de la toile, les liens humains, sur le terrain, doivent se défendre becs et ongles, comme une valeur sûre, gageons que les blogs, pétris dans le bruit du monde, conservent et développent ces facultés à nous relier, oreilles amènes, hardies et aventureuses.
Desartsonnants – Images sonores
Points d’ouïe, trames blanches, zones calmes et indisciplinarité

Qu’est-ce qui se trame dans la ville écoutante ?
Les trames, ou corridors écologiques, sont considérés, dans l’aménagement urbain, comme des continuités, des liaisons entre différents espaces, assurant une préservation, voire une reconstruction des écosystèmes urbains riches et diversifiés.
La trame verte comme couloir ou corridor végétal, la bleue pour l’eau, la noire pour la recherche d’espaces dépollués d’un sur-éclairage et enfin, dernière en date, la blanche pour ce qui concerne la qualité acoustique et certains degrés de silence, ou tout au moins de calme.
Cette dernière m’interroge tout particulièrement.
Comment penser des mobilités douces dans des espaces non saturés de bruit ?
Des continuités acoustiques préservant des espaces apaisés, des zones calmes (directive européenne juin 2002), associées aux cartes de bruit pour les grandes villes, autant d’outils qui ne sont pas forcément suivis d’effets, voire totalement ignorés dans l’aménagement urbain.
Travailler sur la mobilité, entre autre la marche, doit amener à reconsidérer ces notions, notamment celles de trames blanches comme un objectif qui permette au marcheur de se déplacer sans trop subir d’agressions, de pollutions sonores, de saturations acoustiques, voire de traverser ou de se reposer dans des points d’ouïe qualitativement remarquables.
Suivre un cours d’eau protégé des voies de circulation, traverser un grand parc paysager, emprunter un sentier urbain ou périurbain, pouvoir entendre de belles volées de cloches, s’arrêter dans des espace où la communication orale se fait sans tendre l’oreille ni hausser le ton, découvrir des effets acoustiques étonnants (échos, réverbérations, mixages)… autant de façons de penser et d’entendre une ville qui serait plus sonore que bruyante. Une ville qui aurait, pour reprendre la pensée de Murray Schafer, une certaine musicalité.
Malheureusement, peu de décideurs ou d’aménageurs prennent en compte, dans une approche globale autant que sensible, cette recherche d’une belle écoute, alors que dans les sondages sur la qualité de vie urbaine, le bruit est largement dénoncé comme une des principales gênes.
Comment le travail d’un urbaniste, d’un paysagiste, d’un acousticien, d’un artiste, d’un designer… Peut-il dépasser les simples approches normatives et métrologiques pour envisager des paysages sonores prenant en compte les aspects santé, sociétaux, esthétiques, patrimoniaux, qui participent au mieux vivre de tout un chacun.
L’approche relevant d’une indisciplinarité assumée, tel que c elle développée dans les travaux de recherche de Myriam Suchet et Laurent Loty prennent ici tout leur sens, et pertinence, sur le terrain complexe des ambiances sonores urbaines.
Il reste un très gros travail à fournir, ne serait-ce que pour la sensibilisation à un monde où l’écoute serait pensée en amont des aménagements, et où la question du sonore dépasserait, sans bien sûr l’ignorer, celle de la seule lutte contre le bruit.
Trames blanches, zones calmes et insisciplinarité sont des façons d’y réfléchir, pour envisager une forme d’écologie écoutante, une écoute partagée comme un commun auriculaire, une valeur ajoutée plus que nécessaire.
Les choses étant ce qu’est le son, à bon entendeur salut !
2023, cheminements auriculaires indisciplinés
Sentiers et chantiers d’écoutes indisciplinés
Dans ces périodes de crises multiples, ce à quoi il nous faut tendre aujourd’hui, ce n’est pas d’espérer que tout s’arrange avec un peu de chance et beaucoup de déni, mais bien de valider des solutions pragmatiques, expérimentées in situ, au gré d’actions indisciplinaires*.
Il est urgent de travailler à des solutions à l’échelle de nos territoires de vie, à portée d’oreille, où l’écoute et la gestion de territoires sonores auront leur mot à dire, à faire entendre, et participeront activement à la recherche d’un mieux vivre ensemble, soutenable et écoutable.
Des approches écoutantes in(ter)disciplinées
Artistique et esthétique, capturer, écrire, composer, installer, diffuser, donner à entendre des paysages sonores inouïs, inspirants, apaisés
Sociabilités, bien s’entendre, mieux s’entendre, développer une écoute participative, humaniste et relationnelle, des paysages sonores Dedans/dehors avec des publics empêchés, des liens entre les écoutants et leurs éc(h)osystèmes
Pédagogie, transmettre, militer et réfléchir, par des conférences, ateliers, formations, tables rondes, groupes de travail
Mobilités douces, marcher collectivement sur des sentiers d’écoute urbains, périurbains, campagnards et ailleurs, écrire et tracer des parcours auriculaires sensibles, partagés, accessibles à tous
Écologie écosophie, croiser des actions audio environnementales, sociales, économiques, philosophiques, éthiques
Tourisme culturel, valoriser les cultures auriculaires de proximité, les paysages sonores et points d’ouïe remarquables, patrimoniaux, une culture de la belle écoute paysagère
Urbanisme, aménagement du territoire, construire et aménager avec les sons, architectures sonores, une géographie sensible et des ambiances acoustiques
Droits, réglementation et législation, s’inscrire dans le principe des droits culturels, combiner approches législatives, réglementaires et approches qualitatives, sensibles
Temporalités et rythmicités, jouer des alternances jour/nuit, du rythme des saisons, des activités périodiques, événementielles, récurrentes, ponctuelles, des continuum et cassures, flux, fondues et scansions
Économie, conjuguer différentes formes d’ économies, tant financières que dans la sobriété et l’intelligence des moyens et dispositifs mis en place
Écritures plurielles, faire trace et élaborer des outils via des carnets d’écoute, des approches transmédiales, documents descriptifs, témoignages, médiation, préconisations
Recherche, travailler sur des ambiances urbaines, ou non, la rythmologie, les arts sonores environnementaux, des pédagogies innovantes, la mémoire et le patrimoine sonores
Pluridisciplinarité et indisciplinarité, développer des Sound Studies, les projets arts/sciences, penser les territoires via une culture sonore à la fois commune et singulière, faire se rencontrer différents champs de recherches appliquées, de recherches action
Hybridation, favoriser le croisement de toutes ces approches, le tissage de pratiques, des connaissances, des pensées et savoir-faire
La thématique des paysages sonores indisciplinés est un sujet de recherche débouchant sur des ateliers, conférences et autres interventions in situ
Quelques faits de terrain Desartsonnants pour 2023
- Tournée des balades sonores PePaSon – Pédagogie des paysages Sonores (Paris en Janvier, Marseille en avril…)
- Semaine du son Lyon Forum des paysagistes sonores, ateliers formation, table ronde autour de l’écriture des paysages sonores…
- Workshop Design sonore et Parcours d’écoute École d’art TALM Le Mans (72)
- PAS – Parcours Audio sensibles en forêt et en ville – Tiers-lieu l’Atelier Amplepuis (69)
- Fictions de la forêt, composition installation sonores sylvestre, actions pédagogiques, écritures audio-littéraires, parcours d’écoute – Libourne (33) – Association Permanence de lal ittérature et la CALI (Communauté d’agglomérations du libournais)
- Paysage sonore Dedans/dehors, création sonore autour des paroles de détenus, familles, bénévoles – Maison d’arrêt et SPIP de Chambéry, association ASDASS (73)
- City Sonic 2023, parcours et médiation radiophonique – Transcultures (Be)
- Festival Back To the Trees Forêt d’ambre à Saint-Vit (25), parcours installation
- Rencontres acoustiques et colloque CRANE-Lab (21), sobriété créative, arts plastique, composition acousmatique et arts sonores…
- Groupe de travail Rythmologie, entre flux et scansions, arts, sciences et philosophie
- Groupe de travail ESE (Éducation Santé Environnement), sons, écoute, bruit et bien-être
- Actions pédagogiques et ressources PePaSon (Pédagogie du Paysage Sonore), partage de pratiques
- Ressources création sonore Sonos//Faire, la création sonore dans (presque) tous ses états
- Installation paysage sonore Grand-Parc de Miribel Zonage (01)
Et autres projets en gestation et en discussion…
En recherche de nouveaux lieux, partenariats, croisements de ressources et savoir-faire…
Parcours d’écoute, écritures sonores paysagères multimédia, pédagogies, design sonore, inventaire, valorisation et inaugurations de Points d’ouïe…
Inspirations
*« Car c’est ainsi que j’envisage une démarche indisciplinée : il s’agit avant tout de mettre en relation, d’établir des rapports, de (re)brancher l’Univer-Cité sur le monde qui l’entoure et d’accueillir les transformations suscitées par ces connexions affectantes. Tandis que l’inter- et la trans-discipline maintiennent intactes les frontières disciplinaires, l’indiscipline chamboule chacune des approches de l’intérieur : elle sort la recherche de l’institution universitaire, considère la création comme une forme de vie et le quotidien comme un espace d’expérimentations. Autant dire que l’enjeu n’est pas simplement de faire envisager les différentes facettes d’un même objet, tour à tour, par un spécialiste. À la manière du désir, du jeu et de la fête, la recherche indisciplinée cherche à ce que quelque chose de nouveau surgisse, se produise, que s’ouvre enfin le frayage d’un événement. C’est en cela que la recherche indisciplinée est, indissociablement, une forme d’action et aussi de création. »
Myriam Suchet « De la recherche comme création permanente«
Chantiers d’écoutes
Approche I-cônique
Balade sonore et table ronde – Paysages sonores et écologies militantes: Quelles synergies ?

Dans le cadre de la Semaine du Son 2023 la tournée des balades sonores passera par Paris, en collaboration avec la Philharmonie de Paris, le Shakirail et le GRAINE Ile -de-France, en invitant pour l’occasion Makis Solomos et Juliette Volcler, tou-te-s deux artistes-chercheurs à collaborer pour proposer une balade sonore en duo sur le thème “Paysages sonores et écologies militantes: Quelles synergies ?“.
La balade sonore se tiendra à La Villette (Paris 19e) et sera directement suivie par une discussion pédagogique accueillie à la Philharmonie.
La soirée se poursuivra avec une table-ronde “inversée” au Shakirail de 18H30 à 20H (Bar sur place – Pas de restauration) sur le même thème. Nous y croiseront écoutes, réactions et expertises dans un climat convivial et participatif !
D’autre évènements précèdent et suivent cet évènement dans le cadre d’une semaine du son “paysage sonore” notamment à Lyon. Programme ici : LIEN
Balade sonore : (14H – 17H) Paris – La Villette
Conférence table-ronde : (18H30 – 20H) Le Shakirail – Paris 18e
Date et horaires : Samedi 21 janvier 2023
Inscriptions :
- Pour la balade sonore : Envoyez un mail à “pepason[point]asso [at]gmail[point]com”
- Pour la conférence : Accès libre – Prix libre
Chroniques écoutantes #5
Dernière livraison Desartsonnante Opus* 5
« Paroles d’écoutants, chroniques auriculaires »
Une nouvelle compilation de récits d’écoutes, de parcours sonores, expériences de terrains, formations, réflexions et autres textes auriculaires impromptus…
* Ouvroir Potentiel d’Utopies Sonores (réalisables)
Liens de lecture et/ou téléchargement
https://drive.google.com/file/d/1QacryV4Ajp05PErhWjfCIfhusSWF1Hvn/view?usp=sharing
Les amoureux (non transis) du son

Le field recording comme un récit affectif et engagé
Le son est pour beaucoup un univers émotionnel fascinant. Plus qu’on pourrait le croire de prime abord, si on y prête attention.
Il émerveille parfois, angoisse et peut terroriser ou révolter à d’autres moments.
Comme un paysage cadré de nos regards et écoutes, avec ses innombrables hors-champs, ses flux et scansions souvent imprévisibles, il offre une fenêtre grande ouverte, sensible, audible sur le monde.
Ce monde sonore, miroir de nos existences, et de celles de tout un habitat où différents règnes cohabitent, ou tentent de le faire, captive par le fait même de son immatérialité, de sa fragilité et de son impermanence chronique.
C’est sans doute cette propension à sans cesse bouger, se transformer, muter, qui, au-delà du fait de ressentir une réelle fascination pour la chose sonore, nous invite à en capturer des instants, à tenter de les fixer, comme une photo immortaliserait, terme bien présomptueux, une événement joyeux ou tragique.
Sans doute que notre mémoire, nos affects, ont besoin de traces, de jalons souvenirs, pour nous sentir et rester vivants dans notre trajectoire humaine.
L’amour du son, comme métaphore de celui de la vie ambiante, des ses habitats, et égoïstement de soi-même, passe inévitablement par nos oreilles et souvent micros tendus.
La captation sonore, serait-elle une certaine utopie, celle de vouloir garder en vie l’éphémère, des formes personnelles ou universelles de beautés fugaces, des activités et états des choses, des gestes, des traditions, d’un monde tissé de fragilités et d’incertitudes, d’espoirs ?
Un tel se passionnera pour les voix, les musiques, les danses, un autre pour les oiseaux, le monde animal, ou bien pour les forêts, montagnes ou métropoles… Autant d’univers personnels, re-créés, choisis, cadrés, mixés, écrits à coup d’affects et de pinceaux sonores.
Ces gestes s’inscrivent dans différentes temporalités, de l’instant présent, de l’accident impromptu, au plus ou moins long cours, qui laissera s’écouler un temps plus étendu, installera une situation immersive, fera de l’écoute une posture patiente.
Tendre les oreilles, et qui plus est les micros, n’est pas chose anodine. La captation sonore, le field recording, contribuent à cette fabrication, éminemment personnelle, de paysages sonores entremêlés, comme un miroir intime à multiples facettes, un kaléidoscope auriculaire, les reflets d’un monde complexe que nous avons bien du mal à cerner.
L’amour des sons est aussi, de façon plus réconfortante, une forme d’amour de la vie, envers et contre tout. Face à tous nos co-habitants, quels qu’ils/elles soient, à nos écosystèmes malmenés, l’écoute et l’enregistrement sont à même de témoigner de notre intérêt humaniste, de notre façon de prêter attention, et au final de prendre soin, autant que faire se peut.
Le field recording ne montre pas qu’une écoute apaisée, une rêverie fleur bleue, captée par des micros à l’eau de rose, telle une proposition lénifiante qui arrondirait les angles d’un paysage tout en sursauts et en soubresauts.
La façon d’entendre et de donner à entendre le monde ne peut échapper, à mon avis, à l’influence d’un sensible à fleur d’oreille, à l’agrégation d’affects, de ressentis, d’émotions, de sentiments, de partis-pris.
Il n’est pas question pour moi, de prétendre rendre compte, en l’écoutant, en l’enregistrant, de l’état du monde, et surtout pas d’une façon neutre, réaliste, objective, dépourvue de prise de positions et d’affects. Il y a bien longtemps que ces idées, si louables soient-elles, non seulement n’ont plus de prise sur mon travail, mais ne sont plus des barrières entravant un discours assumé, donc parfaitement subjectif.
Bien au contraire, l’idée de défendre une position politique, notamment écologique, une éthique de l’écoutant, empreintes d’idées nettement orientées et inspirées d’une gauche sociale, défendant la libre expression, la diversité, est parfaitement revendiquée dans mes paysages sonores partagés.
De l’admiration à la révolte, de l’espoir au fatalisme, de la contemplation à la critique, de la théorisation à l’action, nos oreilles et micros se font écho de notre perception des espaces sonores, acoustiques, auriculaires, esthétiques, sociétaux, de notre façon de les vivre et de les partager, dans toutes leurs aménités comme dans toutes leurs violences et dysfonctionnements.
Field recording, un art écolo ? – Entretien de Poptronics – Propos recueillis par Jean-Philippe Renoult
Paysage sonore à réinventer

Il faut que le paysage sonore demeure bien présent, là, au plus près, voire au creux de notre oreille.
Mais il faut surtout qu’il reste paysage, pour que que l’on puisse sans cesse le réinventer.
Paysage en écoute
Ambiances et paysage audio urbains
A voir comment ça s’entend, Point d’ouïe #3

Une traversée sylvestre
Nous arpentons un espace forestier.
Un sentier où les feuilles crissent sous les pas, ocrées par l’automne déjà bien installée.
Le rythme de notre marche se déchiffre dans notre avancée, scandée et crissée au pas à pas.
Une percée lumineuse, droit devant, appelle vers la clarté d’une trouée boisée.
Et sans doute quelques intrépides volatiles qui donnent encore de la voix.
La verdure résiste à l’assaut des premières froidures.
Une petite rivière, silencieuse, quasi immobile, coupe notre trajectoire.
Le franchissement est offert par une passerelle de bois.
Une traversée où les pas ici aussi seront sonifiés, voire amplifiés.
Des talons percussions sur des lattes de bois.
Un xylophone posé là, invitation au jeu, invitation à faire sonner ce caillebotis improvisé, en dansant ce passage.
Détournement ludique vers une musique impromptue, instant d’improvisation.
Il suffit de passer le pont, mais en l’animant de mouvements tressautants.
Écrire des rythmes tambourinants que la forêt et ses habitants invisibles apprécieront. Je l’espère.
Qu’en sera t-il sur l’autre rive ? Sève qui peut…
Les sons auront-ils changé, s’amalgamant à d’autres, ou s’effaçant dans les coulées forestières.
Ont peut en douter, il semble qu’une forme de continuum murmurant apaise le paysage.
L’exotisme n’est pas forcément requis.
Les lutins, korrigans, hobbits, trolls ou elfes, non plus, l’esprit de la forêts se perçoit dans la furtivité de ses bruissements.
Une coulée bruissonnante semble persister, malgré l’enjambement du ruisseau, la danse improvisée, la curiosité de l’ailleurs.
Mais qu’importe, l’oreille y trouvera son compte, la forêt, même aux confins d’un hiver pressenti, est malgré tout généreuse, dans son apparent silence.
Sa traversée, toute en quiétude, nous fait offrande à portée d’oreilles.
Écoute au casque de préférence
A voir comment ça s’entend, Point d’ouïe
Voir et entendre, et inversement.
Une simple proposition, une expérience transmédiale, partagée.
Vous m’envoyez une photo, sans commentaires, qui évoque pour vous l’écoute, un paysage sonore, une ambiance ou scène acoustique, un geste d’écoute singulier, un paysage … De préférence une photo personnelle, que vous avez réalisée vous même, libre de droits.
Je la commente via un texte librement inspiré de la proposition iconique, en contrepoint. Peut-être même une petite composition sonore en naîtra.
Merci de votre participation !
A voir comment ça s’entend – Point d’ouïe #2

De là où j’écoute, je vois la ville
Une place haute perchée
Des bancs dominants la cité
Une vue et une écoute panoramiques
Du bas monte la rumeur
Les émergences saillent
Klaxons
Motos
Sirènes
Le tout vu et entendu d’en dessus
L’oreille prend de la hauteur
Et même de la distance
Paysage en belvédère
Et en belaudire
Paysage en ligne de fuite
Jusqu’aux Alpes par temps clair
Un banc comme affût sonore confortable
Laisser les les sons venir
Prendre le temps de les vivre en écoutant
Considérer un concert en surplomb
Les villes à reliefs gagnent à être entendues (aussi) de haut
Suivre des yeux les méandres du Rhône encaissé
Imaginer ses ambiances aquasonnantes
Non perçues d’ici
Alors les fabriquer au creux de l’oreille
D’autres regardants regardent
Mais écoutent-ils ce qu’ils voient
Rien n’est moins sûr
Peut-être partager l’écoute.
A voir comment ça s’entend, Point d’ouïe
Voir et entendre, et inversement.
Une simple proposition, une expérience transmédiale, partagée.
Vous m’envoyez une photo, sans commentaires, qui évoque pour vous l’écoute, un paysage sonore, une ambiance ou scène acoustique, un geste d’écoute singulier, un paysage … De préférence une photo personnelle, que vous avez réalisée vous même, libre de droits.
Je la commente via un texte librement inspiré de la proposition iconique, en contrepoint. Peut-être même une petite composition sonore en naîtra.
Merci de votre participation !
A voir comment ça s’entend – Point d’ouïe #1

Bruit blanc
Première livraison hivernale
On la trace furtivement
Flocons après flocons
Le nappage de la ville s’y déploie
Les étoiles mortes se ramassent à la pelle,
Tout doucement, sans faire de bruit
Même la lumière s’en ressent
Qui n’ose pas la crudité
Pour s’étaler mollement
Sur la ville ouatée
Mais bien moins wattée que d’accoutumé
La nuit trainera jusqu’au matin
She would be staying in the mood
Feutrée
Emmitouflée
Paisiblement assourdie
Que neige point vécu
Entendu le sol crisser
Tracer mon chemin
Sans déranger l’espace
Ou le moins que possible
Il y a eu un blanc manteau
Redoutable pour certains
A y laisser sa peau engourdie
Paralysée
Les froidures sont cruelles
Quand le toit fait défaut
Et la chaleur se fait gel
Et tout cela en silence
Une chape étouffante
Et des sons mortifères
Du siège de l’hiver.
A voir comment ça s’entend, Point d’ouïe
Voir et entendre, et inversement.
Une simple proposition, une expérience transmédiale, partagée.
Vous m’envoyez une photo, sans commentaires, qui évoque pour vous l’écoute, un paysage sonore, une ambiance ou scène acoustique, un geste d’écoute singulier, un paysage … De préférence une photo personnelle, que vous avez réalisée vous même, libre de droits.
Je la commente via un texte librement inspiré de la proposition iconique, en contrepoint. Peut-être même une petite composition sonore en naîtra.
Merci de votre participation !
Images de sons

Des roseaux dans le vent,
la grande nef d’une cathédrale,
une minuscule clairière bruissante d’insectes,
un ru entre les mousses,
une allée commerçante ,
une ruelle de nuit,
une minuscule fontaine,
un train qui passe,
des rires d’étudiants,
un coup de tonnerre au loin,
une télé par une fenêtre ouverte,
un coup de vent dans les grands peupliers,
un avion à base altitude,
un camelot harangueur,
des crapauds accoucheurs,
une cloche à la volée,
un accordéoniste de rue,
une chouette solitaire,
un rideau métallique qui ferraille,
un sérac qui s’effondre,
la pluie sur une tôle,
des talons qui claquent,
un chuchotement amoureux,
une corne de bateau,
des chants de procession,
des roulis sur les galets,
une alarme stridente,
une cour de récréation,
une valise à roulettes sur des pavés,
le cliquettement d’un escalier roulant,
un volet qui grince,
des bulles d’un champagne,
un glas,
un marché qui s’installe,
des pas sur du gravier,
un bateau qui s’éloigne,
une enseigne qui grince,
une musique au loin,
des tintements de couverts,
un orgue de barbarie,
un froissement de page,
des cliquettements des clés,
des feuilles qui raclent le sol,
une porte qui claque,
un parquet qui grince,
de l’eau qui bout,
le ronronnement d’une climatisation,
les bips d’un composteur,
les stridulations des grillons,
un balai de cantonnier
la sonnette d’une porte,
une meute de chiens,
une voiture électrique,
une grotte profonde,
des violons qui s’accordent,
une omelette fouettée,
des pétards festifs,
un verre qui se brise,
des pas dans la neige,
un gémissement de plaisir,
un torrent qui dévale,
un froissement d’aile,
une chasse d’eau,
un feu qui crépite,
une mer agitée,
une friture en cuisine,
une goutte qui fuit,
un manège pour enfants,
un muezzin,
une Harley Davidson,
un arc électrique,
une ambulance
un vieux phonographe,
des roues sur un sol mouillé
un marteau-piqueur,
les remous d’une péniche
une envolée d’étourneaux
un écho montagnard
un TGV à pleine vitesse
un œuf écalé,
un long tunnel
un mariage,
une radio mal calée,
un match de football,
la voix de ses parents,
une minuterie,
une trottinette,
un ballon de basket,
un percolateur à café,
une sonnerie de portable,
des branches qui craquent,
une caserne de pompiers,
la porte de notre immeuble, ou maison,
de la glace pilée,
une souffleuse de feuilles
un corbeau,
un tracteur agricole,
des moustiques
une fin de récréation,
une ovation,
un couloir d’hôpital,
une bâche qui claque,
une salle de restaurant,
un hélicoptère,
des chips,
une tronçonneuse,
un instant de silence…
Nul doute qu’en lisant cet inventaire hétéroclite, le lecteur entende, ou fasse sonner en lui des formes d’images de sons; chacun à sa façon, chacun dans ses souvenirs, sa propre géographie, sa culture, son imaginaire, les ressentis du moment…
Nous sommes porteurs d’une bibliothèque auriculaire pleine à craquer d’images sonores. Celles que nous convoquons parfois pour identifier une source hors-champ, pour raviver un souvenir intime, pour sonifier mentalement la lecture d’un livre, pour décrire une ville…
Balades sonores en duo #1 – Tournée PePaSon 22/23

Balades sonores en duo #1 – Tournée PePaSon 22/23 Par Gilles Malatray (aka Desartsonnant) et Arthur Enguehard
PePaSon (Pédagogie des Paysages Sonores) aime les balades elles aussi sonores. ou en tous cas écoutantes, même si parfois silencieuses dans leurs pratiques. Ses activistes ont donc décidé d’en faire un axe de travail, de rencontre, d’échanges, pour questionner nos rapports à l’écoute paysagère, quelques soient les lieux, et leurs pourquoi, avec qui, où, comment… Le tout est formalisé dans une “tournée” dont voici la première étape !
Ce 11 juin 2022, Gilles Malatray (aka Desartsonnant) et Arthur Enguehard s’associent donc pour proposer en duo une déambulation audio-paysagère composite, croisant contemplation et expression au fil de l’expérience. Partis de la place Carnot (Lyon 2e – Gare Perrache) aux alentour de 10H, le groupe s’est rendu par étape jusqu’à la MJC Confluence avant de partager un repas convivial avec les volontaires.
Marches-écoutes, pauses créatives, installations sonores et discussions collégiales se sont succédées pour donner naissance à un moment entre immersion sensible et réflexion critique sur le geste d’écoute dans une perspective pédagogique.
Dans cet article nous proposons à nos deux guides de revenir sur leurs pratiques, au prisme de la pédagogie, afin de partager leurs gestes et réflexions. A suivre…
Lire l‘a suite l’intégralité de l’article ICI
Un PAS – Parcours Audio Sensible manceaux
PAS – Parcours Audio Sensibles manceaux
Les 24 heures du son
Premiers pas et repérages
Diurne
Arrivé relativement tôt au Mans, le premier trajet sera, pour prendre le pouls de la ville, de la gare jusqu’à l’école d’art du TALM, qui m’invite à venir travailler avec des étudiants en design sonore autour de la notion de parcours sonores.
Une fois encore, j’ai une image très imprécise de la ville, voire totalement fausse. Je m’imaginais en effet une cité relativement plate, sans grand relief, or il n’en est rien. Il y a bien une ville basse, arrosée par la Sarthe, et une ville haute, jusqu’à la cathédrale et les fortifications, via le quartier historique de Plantagenêt.
La première traversée, suivant les voies du tram, traversant le centre ville, est assez « classique », un axe très circulant, bordé de commerces divers, ponctué de places publiques de différentes tailles.
Halte à l’école d’art, où je dépose avec plaisir ma grosse valise.
Départ pour le repérage d’un autre tronçon urbain, vers la ville haute, empruntant les dédales de la vieille cité médiévale.
Trajets sinueux, arrêts sur points d’ouïe potentiels, plongeons dans quelques acoustiques réverbérantes, endroits protégés… En ce début d’automne, dans des espaces plutôt resserres, les ambiances sont assez calmes, hormis la redescende, au pied des fortifications, via un marché très sympathique et animé.
Le parcours offre un panel d’écoutes très intéressant, dénivelés et pavés à l’appui.
Nocturne
Autour de la grande place centrale dite de La République.
Le fond de l’air est doux, très agréable.
Un banc d’écoute m’offre un point d’ouïe très agréable.
Beaucoup de promeneurs, flâneurs et autres passants rentrant du travail faisant les courses du soir.
Beaucoup de jeunes étudiants s’égayant joyeusement dans l’espace public.
Un espace acoustique là encore agréable à visiter de l’oreille.
Une première journée de repérage en solo, bien remplie, d’ailleurs assez physique au regard de la topologie urbaine mandéenne.
Rencontres avec les étudiants
Je présente à un groupe assez nombreux dans un premier temps, mon travail illustré d’expériences de terrain, ainsi que quelques autres activistes du paysage sonore de différentes générations, et de leurs recherches, créations et travaux respectifs. L’objectif restant de travailler autour du ou des parcours d’écoute, comme objet de création. Suite à cela, nous engageons de premiers échanges où les notions de paysage, écologie, aménagement et créations sonores sont abordées.
Dans un deuxième temps, des échanges ont lieu avec un groupe ARC (Atelier Recherche et Création) beaucoup plus restreint, avec lequel nous travaillerons sur la construction et la mise en pratique de parcours sonores.
Nous focaliseront les propositions autour de la ville (Le Mans) auscultée, parcourue, mise en écoute, au regard d’expériences desartsonnantes et autres praticiens, artistes marcheurs écoutants.
PAS – Parcours Audio Sensibles collectif
A la suite de ces échanges, et au regard de mon repérage de la veille, j’embarquerai le groupe ARC dans une assez longue et lente déambulation écoutante, dans une périphérie autour de l’école, jalonnée de plusieurs points d’ouïe, et autres d’expériences autour de postures et d’objets, dont certains improvisés au fil du parcours.
Comme de coutume, silence et lenteur seront convoqués pour nous immerger, essentiellement à oreilles nues, dans ce PAS au cœur de paysages sonores manceaux.
Immersion en cité du Plantagenêt
Juste derrière et au-dessus de l’école, le quartier historique du Mans, médiéval et Renaissance, s’accroche à une butte pavée et pentue, jusqu’à l’imposante cathédrale. Cité dans la cité, ceinte d’anciennes fortifications gallo-romaines, ce micro territoire constituera un excellent terrain d’écoute pour débuter notre promenade écoutante.
Espace acoustique piéton privilégié, de ruelles en placettes minérales resserrées, ponctuée de commerces, c’est une belle façon de rentrer dans l’écoute.
On y installe tout à la fois le silence et l’écoute, dans un espace apaisé, croisant parfois quelques passants devisant, souvent signalé par la percussion de leurs pas avant-même qu’ils n’entrent dans notre champ de vision.
Point d’ouïe, scène d’écoute ténue et subtile, à une croisée de ruelles. Les fenêtres ouvertes de la cuisine d’un restaurant nous font entendre de discrets tintements de verres et de couverts, petit concert de percussions, intime et délicat. Tendre l’oreille vers le presque rien, l’infra-ordinaire qui font la beauté des lieux.
Un son de sonnailles, incongru en ce lieu, se fait entendre. Il s’agit d’un présentoir métallique, où sont suspendues de multiples casseroles en acier, qui tintent en s’entrechoquant lorsque cet étrange présentoir est sorti de l’échoppe. Nous ne manquerons pas d’en percuter quelques unes au passage.
Il y a de l’orage dans la pierre
Je choisis une ruelle très étroite, en retrait de la rue principale, pour y installer quelques sonorités exogènes de mon cru. Quatre mini enceintes portables, autonomes, sont disposées en mode couloir, profitant des murs resserrés et de la minéralité des espaces, pavés compris, de façon à faire circuler des sons d’orages revisités. Ces derniers sont empruntés à une autre installation sonore lyonnaise. Une ambiance orageuse, mâtinée d’éclairs électroniques, sous un ciel d’un bleu azuréen. Magritte n’aurait pas dénié ce paradoxe sensoriel.
Une couche sonore en frottement.
L’installation progressive, qui vient réécrire une architecture acoustique remaniée, aux limites incertaines, suivie d’une désinstallation elle aussi progressive; glissement vers un retour à la normale résilient, où un certain silence reprend ses droits.
Anecdote, une passante et son chien, qui s’avèrent habiter dans une maison de la ruelle sonifiée, restent à l’entrée de la ruelle, visiblement inquiets et pas très rassurés de ce rassemblement silencieux et de ces sons pour le moins déroutants. L’un de nous leurs explique cette expérience étudiante. Nos riverains finiront finalement par rentrer chez eux, en se glissant timidement entre entre les grondements et écoutants. La perturbation de l’espace public par la modification de ses paysages normalement attendus, fait aussi partie du jeu.
Tranchée et percée d’écoute, zoom et fenêtre panoramique
Nous arrivons sur le haut de la ville. Un pont, très haut, enjambe une route en contrebas. La vue domine une sorte de grande percée fortement encaissée à nos pied, coup de sabre brutal dans le paysage.
Un flux irrégulier de voitures passent sur la chaussée que nous dominant, et quelques piétons dont les voix nous parviennent, réverbérée par des parois de pierre. Une situation d’écoute panoramique assez originale en son genre, où l’oreille est guidée pas une ligne radicalement creusée par l’aménagement urbain. Une rumeur montant du bas, néanmoins assez canalisée par une fracture urbaine nettement marquée.
Et il se trouve que deux cônes de chantier sont posés là, sur la petite esplanade point d’ouïe idéale. Ils y étaient déjà là la veille, lors de mon repérage, et j’avais alors espéré qu’ils y restent jusqu’aujourd’hui, pour notre parcours collectif. Vœu exaucé !
Nous jouerons donc, et le verbe jouer prend ici tout sons sens, par les gestes ludiques qu’induisent ces cônes « longue ouïe » – écouter , amplifier, colorer, viser, parler, crier, chuchoter, stéréophoniser, mettre en scène…
Les étudiants, et encadrants prennent un plaisir manifeste à détourner de leur fonction initiale de balise de travaux, à se mettre en scène comme des écoutants et joueurs d’espaces, bien marqué dans cette position géographique de surplomb urbain. Ce n’est certes pas la première fois que nous rencontrons et testons, lors de promenades écoutantes, ces cônes de chantier comme objets d’écoute et porte-voix, mais non seulement le plaisir du jeu est toujours renouvelé, qui plus est dans un panorama auriculaire singulier comme ce surplomb d’une brèche urbaine.
Immersion résonante, les effets cathédrale
Arrivée à la cathédrale, imposante, dominant la ville avec le château voisin, nous ne pouvions passez près de l’édifice sans explorer son acoustique, type réverbération cathédrale, emblématique.
J’y avais déjà fait une longue halte la veille, lors du repérage, et effectué un enregistrement audio venant compléter ma collection en chantier d’espaces résonants.
Une immersion s’impose; Prendre le temps de savourer cette acoustique où le moindre son est magnifié. Des voix chuchotées, des pas, des portes, et les sons de l’extérieur joliment filtrés. Tout une ambiance que seul ce type de bâtiments, par son gigantisme minéral, sait créer. C’est un espace d’écoute privilégié, pour accoutumer l’oreille aux micro sonorités, découvrir les mille et un secrets de la réverbération, entendre les sons se déplacer dans l’espace, nous environner.
Assis vers le centre, nous sommes au sweet-spot d’une superbe immersion.
Debout, nous multiplions les points d’ouïe, les espaces transitoires entre grandes travées et chapelles latérale. Un petit territoire où je pourrais passer des heures à l’explorer, tester, parfois faire sonner, de la voix… Le chant dyphonique s’y prête à merveille, je le teste. Les longues notes vocalisées aussi, une chanteuse du groupe s’y essaie.
Deux espaces, non sonores et pourtant Oh combien évocateurs sont remarquables. Dans une chapelle, un fantastique plafond peint aux anges musiciens. On peut imaginer les entendre jouer, paysage sonore archéophonique.
Sur une aile, d’imposantes orgues romantiques, muettes lors de notre passage, mais on imagine aisément la puissance sonore que ce majestueux instrument peut développer dans un tel lieu.
Auscultations ferraillantes
Juste à l’extérieur de la cathédrale, à coté de son parvis, un espace pavé est délimité par des lourdes chaines métalliques tendues entre des potelets. Un terrain de jeu tout trouvé pour ausculter la matière. Objets d’écoute, stéthoscopes, on tapote, agite, secoue… Ça vibre, résonne, ferraille, cliquette, frotte, claque… Des sons amplifiés et colorés par des objets « longue-ouïe » bricolés pour tendre l’oreille vers les micros sons. Des jeux de loupes et de zooms, de focale et d’improvisations du bout des doigts.

Bancs d’écoute et espace acousmatique
Nous quittons le quartier historique. Au pied de la cathédrale, un petit jardin assez intime se niche au flanc des murailles fortifiées.
Des bancs nous invitent à une écoute posée, posture que j’affectionne tout particulièrement. Point d’ouïe en bancs d’écoute, ne pas marcher vers les sons, mais les laisser venir à nous, les laisser nous environner.
Nous entendons des travaux de l’autre côté des murs, au-dessus, sans en voir les sources. Une écoute acoustique en bonne et due forme, qui laisse place à l’imagination.
Les végétaux se prêtent à leur tour à une auscultation, ainsi qu’une sculpture métallique, les graviers du sol…
De très imposants platanes frissonnent sous le vent, dans un chuintement végétal, bruit blanc de feuilles qui commencent à se racornir en cet automne encore très doux.
Une belle écoute où l’on prend le temps de poser l’oreille, même si elle commence à être repue de toutes des scènes auditives enchainées.
Fontaine, je boirai de ton son
Dernier arrêt vers une petite fontaine contemporaine, tout près de l’école, qui n’était pas forcément prévu, mais que les étudiants avaient visiblement envie de faire.
Autre bruit blanc, celui de l’eau qui vient masquer peu à peu le flux routier que nous avons rejoint progressivement. Outre le fait de nettoyer la sculpture centrale d’une canette de bière pas vraiment à sa place, nous auscultons une nouvelle matière sonore, aquatique cette fois-ci, avec ses glougloutements rafraichissants.
L’itinéraire initial, en tout cas celui pensé lors du repérage, avait prévu un passage par la grande place centrale pour clore ce PAS.
Le temps filant, et l’oreille commençant à fatiguer, l’attention se dissiper après deux heures de pérégrination écoutante, nous rentrerons directement à l’école pour un débriefing final.
Discussion, projets de parcours à venir
Les derniers échanges se feront autour de l’expérience vécue précédemment.
Ressentis, curiosité, autres lieux intéressants à visiter de l’oreille, autres façons d’envisager ce genre de parcours, quelques ressources suplémentaires pour fouiller le terrain du soundwalking.
Dans un deuxième temps, il sera question de la suite, une prochaine journée à venir sur cette même thématique.
Cette fois-ci, ce sont les étudiants eux-même qui auront la charge d’écrire le parcours, d’en imaginer les mises en situations, les postures, objets ou dispositifs… Bref, de devenir concepteurs et guides de nouveauxs parcours d’écoute manceaux.
Nous testerons donc prochainement, in situ, leurs propres premières écritures audio-déambulantes.
Le projet final étant de proposer, dans le cadre de la prochaine édition du festival Le Mans sonore, début 2024, un ou plusieurs parcours d’écoute emmenant cette fois-ci du public à la découverte de paysages sonores locaux. Et ceux toujours suite au travail des étudiants en design sonore. Belles perspectives !
Sons de cathédrale
Prise de son immersive brute
Vidéo-parcours
Diaporama
https://photos.app.goo.gl/gB9jzZPP298Q5UmEA
@Crédit photo TALM Rodolphe Alexis
PARTITIONS EN MARCHE ET MARCHES – TERRITOIRES PARTITIONNÉES

On pourrait se demander, en exergue à cette réflexion, quels sont les rapports, entre sons, territoires et kinesthésie, entre soundwalk, balade sonore, et autres PAS — Parcours Audio Sensibles. Quels liens unissent ces différentes pratiques et comment, in fine, se rapprochent-elles d’une partition sonore, voire musicale ?
On pourrait se demander, en exergue à cette réflexion, quels sont les rapports, entre sons, territoires et kinesthésie, entre soundwalk, balade sonore, et autres PAS – Parcours Audio Sensibles.
Quels liens unissent ces différentes pratiques et comment, in fine, se rapprochent-elles d’une partition sonore, voire musicale ? Enfin, la question serait de comprendre comment certaines pratiques enseignent et transmettent à des promeneurs-écoutants, ré-interprètes potentiels, tout à la fois des actions, via un système de consignes, inscrivant les signes d’une forte corporalité dans les territoires arpentés.
Sons, territoires, entre écologie et esthétisme
Pour ce qui est des rapports sons/territoires, un paysage sonore se dessine via l’écoute, en fonction des sources auriculaires, de leurs localisations, mouvements, des échelles sonores dynamiques, spectres timbraux, de leur densité… La topologie, les reliefs, la végétation, la nature des sols, les aménagements, contraindront également tant la propagation des sources, des effets sonores associés, que des postures d’écoute soumises aux contingences territoriales. Entre échos et réverbérations, points d’ouïe panoramiques et espaces enserrés, l’écoutant sera confronté à une multitude d’espaces acoustiques, d’autant plus qu’il pratiquera des écoutes en déambulation. Les soundwalks joueront sur la mise en scène, l’écriture d’une succession d’ambiances, tel un mixage sonore paysager en mouvement, propre au promeneur auditeur.
Nous pouvons, pour creuser le sujet, nous rapporter aux travaux du musicien nord-canadien Raymond Murray Schafer, notamment à son ouvrage emblématique The Soundscape, The Tuning of the World. Cette notion d’accordage du monde, sous-titre de l’ouvrage, pose d’emblée le postulat d’une écoute musicale, esthétique, voire d’un geste d’écoute mêlant une conscience écologique, à la recherche esthétique d’aménités paysagères.
La conscience écologique nous fait alors comprendre la fragilité de nos paysages sonores, ballottés entre la saturation chaotique des milieux urbains et la paupérisation des espaces naturels où la biodiversité souffre de multiples disparitions, que l’oreille saisit et analyse du reste mieux que le regard.
Le fait d’arpenter le terrain, toutes oreilles ouvertes, prend quant à lui sa source dans la pratique des soundwalks, que l’artiste new-yorkais Max Neuhaus a érigés en œuvres d’art, actions performatives, collectives, relationnelles autant que perceptuelles. Nous avons ici affaire à la construction d’une « œuvre de concert » en marchant et écoutant, dans les pas de John Cage – qu’admirait beaucoup Max Neuhaus. L’artiste avait d’ailleurs commencé à partitionner ses soundwalks comme des marches reproductibles. Nous y reviendrons ultérieurement.
De l’écriture à la relecture, de l’interprétation à l’improvisation, comment jouer et rejouer en mouvement la « musique des lieux » ?
À travers ces questions, les notions de jeu in situ, de traces et de consignes, tendent à montrer des formes d’écritures audio-kinesthésiques in situ ou ex-situ, singulières, partitions marchées pour promeneurs écoutants interprètes, voire ré-interprètes.
Écrire et lire, voire re-lire le paysage sonore comme une partition musicale
Penser et parcourir des cadres espaces-temps peut être une dé-marche proche de la psychogéographie debordienne. Comment revisiter des villes, quartiers, espaces péri-urbains, en décalant les modes d’appréhension, les temporalités, les grilles de lecture, en défaisant les codes fonctionnels (et politiques) urbains ? L’écoute nous offre ici, associée à la marche, une approche singulière, qu’elle soit individuelle ou collective. Privilégier un sens, dans des parcours sensibles, nous met à la fois dans un déséquilibre pouvant être ressenti comme très déstabilisant, en même temps que cette posture peut nous apporter de nouvelles jouissances quasiment inouïes. Le sentiment de, modestement, refaire la ville à sa façon, à l’oreille.
C’est également, dans une vision post-Debord, une partition politique, tracée notamment sur une conscience écologique, sans doute un brin anthropocènique, voire sur celle de participer, avec des aménageurs par exemple, à un partitionnage de la ville, dans ses travaux et aménagements incessants.
La notion de partition, « Action de partager ce qui forme un tout ou un ensemble ; résultat de cette action, partie d’un ensemble organisé… Division (d’un territoire, d’un pays) en plusieurs États indépendants… »1apparaît alors logiquement, comme un tracé à l’échelle du terrain, et une proposition d’écoute mouvante, tel un magnétophone à la fois traceur et liseur.
Ville à re-composer
Dans l’espace urbain notamment, il nous est permis de jouer. Jouer, dans un sens musical, des rythmes et dynamiques acoustiques, de construire des superpositions, de mettre en place des transitions, des effets dynamiques, des fondues d’ambiances, des coupures, des mouvements/arrêts — points d’ouïe… Bref, nous devenons une sorte de chef d’orchestre imprimant in situ une expérience kinesthésique sensible, dans l’écriture d’un parcours aux limites du rejoué (post repérage) et de l’improvisé, selon les événements-stimuli que nous rencontrerons.
La rue, la place, l’escalier tracent des lignes qui, vues de dessus, font apparaître les formes d’un parcours jalonné au gré des sons, et qu’il est possible de rejouer à l’envi, en se jouant des aléas du moment.
Nous sommes sur des lignes-mouvements, façon Kandinsky, partition graphique, esthétique, physique, dynamique, sonore et kinesthésique. Le corps traceur et mémoire(s) est en jeu d’éc(h)o-interprétation des milieux, dans des marches sensibles et symbiotiques, où le promeneur se fond dans le paysage qu’il écrit en « marchécoutant ». L’écoutant devient lui-même paysage sonore, comme une sorte de réceptacle synecdotique.
Les traces et rendus comme partitions à re-parcourir
Repérage, plan-guides, signalétiques, cartes sensibles, textes descriptifs, autant d’objets-partitions qui permettent de fixer des parcours — avec leurs marges de manœuvre, d’incertitude, leurs chemins de traverse et les libertés que l’on peut prendre. Physiquement, guidées ou non, les traces nous tissent un jeu de pistes sonores pour jouer, rejouer, ou déjouer, différents espaces à l’oreille.
La notion de déjouer est ici assez intéressante. Mot à mot, qui déjoue ne joue pas, ne joue plus, ou joue autrement. On trouve ici la possibilité de contrarier, de mettre à jour une histoire jouée d’avance. Une forme d’improvisation où les tracés se perdent face à une intuition stimulante.
La musique (des lieux) à la carte n’est jamais totalement acquise, ni parfaitement maîtrisée. Mais l’est-elle plus dans des processus d’écritures de musiques dites contemporaines ? Rien n’est moins sûr selon les œuvres.
Continuant sur des rapprochements textuels, sémantiques, le mot déchiffré, par hiatus interposé, ou coquille, peut glisser rapidement vers défriché. On déchiffre une partition, y compris sonore, en même temps qu’on la défriche, qu’on l’apprivoise en éclaircissant ses zones touffues, en traçant un itinéraire de lecture plus clair. De la page carte au territoire partition, je m’avancerais à dire qu’il n’y a qu’un pas. Plus ou moins grand selon les cas.
La carte-partition nous fait effectuer des allers-retours entre le terrain arpenté et la page pouvant être écrite, déchiffrée, interprétée comme une partition/action.
L’écriture captation traces
Le field recording (enregistrement in situ/de terrain, ou sonographie) sera également une forme de trace organisée, parfois composée, pour re-vivre ex-situ un parcours sonore, en sons fixés, selon la définition de Michel Chion.
Cette pratique, liée parfois à des secteurs spécifiques dont l’audionaturalisme, lui-même intrinsèquement lié à l’écologie sonore et à la bioacoustique, est un exemple très pratiqué aujourd’hui, sous de nombreuses formes et esthétiques.
Les plus « purs » enregistrements bruts, non ou peu retouchés, traces du « réel », dans les limites acceptables du terme, sont une sorte de constat, état des lieux, à l’instant T et dans un espace donné.
Le field recording peut ainsi être une mémoire, une fixation de parcours d’écoute, ce dernier étant de fait un geste qui ne laisse pas d’œuvre matérielle, tangible et a minima pérenne.
Néanmoins, à défaut de re-présentation fidèle, cette trace, capture sonore, pourra faire œuvre également. Plus ou moins retravaillé (montage, mixage, effets sonores), le field recording prendra ses distances avec le terrain pour devenir à son tour création sonore, prenant le pas, si j’ose dire, sur le geste original.
Pour moi, il s’agit souvent de deux œuvres différentes, certes assez fortement liées par l’écoute, le lieu, mais néanmoins autonomes d’une certaine façon.
La première est l’action performative de la marche d’écoute in situ, en générale collective.
La seconde est le résultat d’une captation donnée comme création sonore, pouvant être scénographiée par des dispositifs d’écoute, installations audio-plastiques, applications géolocalisées…
À noter d’ailleurs que dans le cas d’applications géolocalisées, l’auditeur marcheur équipé d’un smartphone, retrouvera généralement le principe d’une petite icône marcheuse parcourant une carte GMS, le guidant vers des points d’ouïe. La carte application se fait là interactive, comme une forme de partition serious game à lire en cheminant.
La vidéo fournira également un média particulièrement intéressant pour rendre compte des actions, paysages, ambiances, parcours, avec une approche « naturelle », sans sources ni colorant sonore ajouté, respectant les sons environnementaux, silences compris.
Quelques vidéos de PAS – Parcours Audio Sensible Desartsonnants
Les partitions — consignes de soundwalks
À l’instar de Max Neuhaus (les Listen), ou de happenings façon Fluxux, voire des partitions graphiques des chorégraphies de Cunningham, des partitions-consignes proposent de jouer ou rejouer des marches d’écoute.
Il existe d’ores et déjà un répertoire, en cours de recensement (Neuhaus, Westerkamp, Corringham, Plastic Acid Orchestra, Cluett, Patterson, Kogusi…).
Gilles Malatray, aka Desartsonnants, construit petit à petit, un répertoire personnel de partitions PAS – Parcours Audio Sensibles, à jouer en solitaire ou en groupe, guidé ou en autonomie.
Liens partitions de PAS
Aujourd’hui les technologies mobiles, embarquées, les réalités virtuelles et autres serious games nous font imaginer de nouveaux dispositifs ludiques, pouvant étendre sensiblement les modes opératoires de la partition papier, vers de nouvelles interactions marcheur/écouteur-territoire.
Les relations du marcheur écouteur aux territoires arpentés ont sans doute encore de nombreuses pistes de cartographies hybrides, d’écritures kinesthésiques à développer, entre expériences sensibles et dispositifs embarqués, explorations in situ et traces re-composées.
Article paru dans « L’autre Musique Partition »
Faire un PAS – Parcours Audio Sensible ?

Le PAS – Parcours Audio Sensible, est une des nombreuses ramifications et variations des balades sonores, promenades écoutes et autres soundwalkings, façon Desartsonnants.
Le PAS est une sorte de danse marchée, ou de marche dansée, cadencée, fluée, lente, très lente
Le PAS est un ralentissement, une expérience décélérante, amène, une immersion tranquille, déambulatoire et sereine
Le PAS est une façon de voir la ville, la forêt, les bords de mer, la montagne, une rivière, un quartier… en les écoutant, à oreilles nues
Le PAS est une invitation au silence, en même temps que l’accueil ritualisé des sons ambiants, une cérémonie d’écoute en quelque sorte
Le PAS est une mise en situation, en scène, en écoute, un spectacle/installation audio-aléatoire, interactif, à l’air libre, imprévisible, à l’improviste
Le PAS perturbe et questionne parfois l’espace public en mettant en scène des promeneurs silencieux, fabriquant et jouant une écoute sciemment monstrative
Le PAS est un geste participatif, collectif, un échange de belles écoutes dynamiques et énergisantes
Le PAS est un arpentage où l’on mesure un lieu à l’échelle de ses plans sonores, de ses champs et hors-champs acoustiques, et où on se mesure à lui par le biais de nos oreilles
Le PAS est une traversée, un cheminement, une errance, un parcours, une écriture physique et géographique, où et par lesquels s’écrivent des histoires sonores aussi triviales qu’inouïes
Le PAS s’inscrit dans des approches esthétiques, écologiques et sociétales
Le PAS est un acte politique, dans le sens où il se préoccupe de territoires, urbains ou non, dans lesquels il s’inscrit
Le PAS est indisciplinaire, car s’y croisent moult pratiques éducatives, scientifiques, artistiques, politiques, éthiques…
Le PAS est pragmatique par le fait qu’il s’appuie sur des situations expérientielles, des gestes de terrain, des approches situées
Le PAS est contextuel, déambulant et s’arrêtant selon les architectures, les topologies, et les scènes sonores impromptues
Le PAS éclaire et convoque un paysage sonore foisonnant, fragile, complexe, finalement méconnu
Le PAS est ponctué de points d’ouïe, qu’il contribue lui-même à révéler, à générer, à mettre end exergue
Le PAS met l’oreille, mais aussi tout le corps en écoute, des pieds explorant le sol aux vibrations du vent sur la peau membrane sensible
Le PAS est une construction géographique, sensible, d’espaces sonores et de territoires auriculaires habités
Le PAS se joue des marqueurs sonores spécifiques, culturels, singuliers, comme des micro événements rencontrés
Le PAS nous plonge dans une ambiance écoutante immersive, comme il révèle celles, intrinsèques, d’un lieu acoustiquement « coloré »
Le PAS pointe des effets acoustiques surprenants, d’échos en réverbérations, de coupures en amortissements, de masquage en discriminations, pour entendre autrement et jouer à faire sonner les lieux
Le PAS aime la rumeur de la ville, tout comme ses émergences, de la cloche aux rires enfantins
Le PAS se joue des espaces fermés/ouverts, petits ou grands, publics/privés, dedans/dehors, intimes/extimes, panoramiques/enclos, des lisières et transitions, des passages et impasses
Le PAS cherche des postures écoutantes ludiques, tant physiques que mentales, individuelles ou collectives
Le PAS mixte une musique des lieux en live, en déambulant de sources en sources, au gré des rencontres
Le PAS crée des fenêtres d’écoute où la vue et l’ouïe fonctionnent en contrepoint, en accord ou en friction, en harmonie ou en dissonance
Le PAS est une performance douce, inscrite dans un espace-temps diurne ou nocturne, adorant tout particulièrement les instants entre chien et loup, les glissements et bascules sensoriels
Le PAS est propice à l’écriture ou à la réécriture de moult histoires sonores partagées, rédigées, installées, racontées, in situ ou ex situ, sur le vif ou à posteriori
Le PAS titille l’oreille en décalant le paysage sensoriel hors des sentiers battus
Le PAS est ce que l’on en fait, à partir du moment où on se met collectivement en marche, et à l’écoute
Dans l’idéal, emboiter le PAS à Desartsonnants est une bonne façon de le vivre ipso facto, de concert.
Fictions de la forêt
Où les branches craquent sous les pas, comme il se doit
où la forêt se fait parfois percussion, percutée
où l’on active échos et résonances
où un bâton met en marche
Où le vent nous souffle et siffle à l’oreille
où les loups sont bien là, houuuuuuuu
et les termites aussi
mortelles !
Où les z’oizaux z’aussi, vrais z’ou faux, gazouillent
où les enfants arpentent
enregistrent
racontent
inventent
bruitent
où l’on s’enforeste sans prendre racine…
« Fictions de la forêt« , initié par Permanence de la littérature, la CALI (Communauté d’agglomérations du libournais), centres de loisir Libourne, atelier d’écriture avec Eduardo Berti, création sonore et montage sylvestre Desartsonnants
Octobre/novembre 2022
En écoute
Bien, ou mieux s’entendre avec…
« I love you, vous ne m’entendez guère, I love you, vous ne m’entendez pas... » Gilles Vignault

On me nomme régulièrement artiste sonore, ou paysagiste sonore, et la deuxième proposition me sied parfaitement.
Penser, créer, aménager des paysages sonores, vivables, écoutables, me semble un travail, une recherche louables, un objectif de vie sans doute.
Pour autant, il faut savoir raison garder.
Dans un monde qui s’emballe, de chantiers en chantiers, de voyages en voyages, où il faut aller vite, être mobile, parfois survivre, la vitesse et le bruit ne nous épargnent pas.
Rumeur insidieuse, vacarme assourdissant, communication parasitée, toutes les formes de bruits se stratifient parfois jusqu’à ce que l’oreille doute de son propre bon entendement.
Alors un paysagiste sonore doit en prendre la mesure, par forcément métrologique, sonométrique, mais plutôt mesure du milieu auriculaire ambiant, sensible, fragile, et de ses modes de vie induites.
Jusqu’où aller, comment freiner, éviter le mur du son, faire un pas de côté, préserver sa liberté d’écoutant communiquant ?
Là où la parole est plombée d’un chape sonore tonitruante, où elle ne se fait plus entendre, noyée dans un brouhaha incessant, le silence s’installe, malgré lui, malgré nous, ou par nous. Un silence de plomb caché sous un vacarme mortifère.
Un paysagiste sonore se méfie donc de ces écueils assourdissants autant qu’étouffants.
Pour faire paysage acceptable d’un monde sonore, il ne convient pas de surenchérir par des installations empilées, mais peut-être de commencer à prendre conscience de l’existant, à le rendre plus écoutable, plus entendable, plus vivable.
Arpenter la ville, y poser une oreille bienveillante, rechercher ses aménités auriculaires, les sociabilités d’un monde complexe à l’écoute, est sans doute une série de premiers pas à franchir.
Pour suivre la pensée de John Cage, artiste à l’écoute Oh combien ouverte, inventive, cherchant sans cesse l’expérience ludique, il faut laisser au vestiaire nos a priori pour accepter les sons, sans jugements trop hâtifs.
Une oreille pragmatique repose la question du bien entendre par l’expérience de l’écoute située, mise en situation.
Le simple fait de poser une oreille curieuse sur la ville « empaysage » celle-ci. Nous créons notre propre installation sonore à ciel ouvert, à 360°, pleine de surprises et d’aléas, de mouvements, d’apparitions et de disparitions, de transformations et d’hybridations.
Monde étonnant que celui de l’espace sonore dont tant de choses nous échappent. Entre flux et cadences, la ville offre un théâtre d’écoute sans cesse renouvelé, il suffit d’y tendre une oreille tendre, curieuse, peut-être un brin béate, ravie. Néanmoins pas naïve.
La scène acoustique prend forme, avec ses espaces et limites fuyants, ses hors-champs, ses séquences, ses transitions, autant micros scènes intriquées, qui trament une histoire entre les deux oreilles.
Le monde vue par les oreilles prend forme, s’agence, l’oiseau dans la ville, la voiture aussi, les cris des enfants fugaces, la cloche prenant de la hauteur, la rumeur en toile de fond. Tout s’installe, ou presque, s’entend, cohabite, le concert est déjà commencé pour paraphraser Maurice Lemaître, il suffit d’en prendre conscience.
Néanmoins, cette écoute concertée autant que concertante, ne suffit pas toujours, tant s’en faut, à faire oublier, voire à éviter de subir les violences du monde, auxquelles nos oreilles n’échappent malheureusement pas.
De nombreux artistes, dont Raymond Murray Schafer, Max Neuhaus, Paul Panhuysen, Michel Risse et son Décor Sonore, Michel Chion, Pierre-Laurent Cassière, Baudouin Oosterlinck, et bien d’autres, ont posé, ou posent encore sur le monde une oreille attentive. Ces postures d’écoutes, toutes singulières, contribuent à construire des espaces où l’auricularité contribue à mieux entendre, à mieux s’entendre. Il nous faut aujourd’hui faire face, collectivement dans le meilleur des cas, à une série de situations pour le moins tendues, parfois très anxiogènes. Aussi, gageons que prendre soin de nos milieux sonores, nous aidera, certes modestement, à améliorer un peu la qualité de vie, à l’heure actuelle fragilisée de toutes parts, et au final à prendre mutuellement soin de nous, de nos lieux de vie.
Peut-être que le désir, voire le rôle d’un paysagiste sonore, un tant soit peu humaniste, est de mettre des écoutes et écoutants en situation d’expériences collectives, pour tenter de préserver des espace de belles ententes, au sens très large, polysémique et polyphonique du terme.
La ville ouïe ou non, de l’entendre au faire

Une ville à entendre, voire plus
Qu’est-ce qui y sonne joliment, ou non ?
Qu’est-ce qui nous surprend, éventuellement nous dépayse à l’oreille ?
Comment percevoir en priorité les musiques de la villes; les aménités auriculaires, les espaces qualitatifs ?
Quelle sont les zones calme, oasis sonores, ilots acoustiques privilégiés, protégés ?
Quelles sont les influences architecturales, topologiques sur les ambiances sonores ?
Quelles sont les rythmes de la ville, entre flux et cadences (heures de pointe, vie scolaire et étudiantes, marchés, présences de casernes de pompiers, hôpitaux, flux de circulation…) ?
Quels sont les émergences acoustiques (sirènes et alertes, Klaxons, cloches…) émergeant de la rumeur ?
Quelles sont les influences des activités, du zonage urbanistique (industries, commerces, ports, parcs, zones ce loisirs…) ?
Quels sont les plus beaux points d’ouïe, panoramiques, resserrés, ouverts, fermés, permanents ou ponctuels… ?
Comment circule l’a parole, se déploie, plus ou moins aisément, la communication orale ?
Quelles sont les influence atmosphériques, vent, pluie, orages, leurs perceptions et ressentis au prisme des topologies et aménagements… ?
Quelles sont les influences de la vie animale, sauvage ou non, dans la cité ?
Quelles sont les marqueurs et signatures sonores singulières (cloches, fontaines, spécificités locales…) ?
Quelles sont les plus belles acoustiques de la ville (passages ou bâtiments réverbérants, échos, effets de masque, de coupure, de mixage…) ?
Quelles sont les coutumes ou événements locaux ponctuels animant la cité (fêtes traditionnelles, vogues, marchés) ?
Quels sont les parlers locaux, langues, accents, expressions, marqueurs de brassages culturels…) ?
Existe t-il des cheminements préexistants, ou l’écoute tisserait un parcours cohérents, dans ses similitudes et diversités ?
Peut-on percevoir une sorte d’archéologie ou d’histoire sonore au travers des quartiers historiques, bâtiments, friches… ?
Comment convoquer des approches croisées, indisciplinaires hybridant esthétique, écologie, sociabilités auriculaires et aménagements… ?
Comment travailler l’indisciplinaire via des actions arts-sciences, des diagnostiques et expérimentations invitant aménageurs, chercheurs en sciences dures et humaines, décideurs politiques, artistes, résidents… ?
Comment définir des corpus et glossaires autour du son, de l’écoute, du paysage sonore, pour que chacun s’entendent (mieux) et élargissent ses approches respectives et mutuelles, le croisement de pratiques ?
Comment élaborer des parcours d’écoute, définir, signaliser, inaugurer, voire aménager des points d’ouïe ?
Comment le patrimoine sonore peut entrer dans une approche de tourisme culturel, de valorisation du territoire ?
Comment protéger les zones de belles écoutes, voire s’en servir de modèles pour un aménagement sensible et qualitatif de l’espace urbain?
Comment penser le son, les ambiances en amont, et non de façon curative, lorsque les dysfonctionnements et nuisances sont avérés, souvent difficilement réparables ?
Comment repérer, qualifier et exploiter des caractéristiques acoustiques situées, pour le jeu, la diffusion, la création de musiques, pièces sonores, installations et autres objets d’écoute ?
Quelles actions d’éducation et de sensibilisation à l’écoute urbaine mettre en place, avec quels publics (enfants, étudiants, résidents, pédagogues, aménageurs, élus…), pourquoi, comment ?
Comment agir en installant en priorité l’écoute, comme objet esthétique, outil d’analyse, d’aménagement, de création, sans forcément ajouter une couche sonore supplémentaire ?
Comment mettre en place des outils de représentation, d’inventaire, de qualification, description, travailler des cartographies sonores sensibles, des cartes mentales, partitions graphiques… ?
Comment user de différent média (mot, texte, image, vidéo, graphisme, danse, performance, son…) pour mettre et raconter une ville en écoute ?
Comment engager des processus de créations sonores (documentaires radiophoniques, multimédia, installations sonores, muséographies, parcours et mises en situation d’écoute…) suite à ces investigations et expériences in situ ?
Cette liste de questions et propositions non exhaustive, contextualisable, peut donner lieu à moult extensions, adaptations, hybridations, variations…
Ces questionnements sont pensés avant tout comme des leviers d’actions, des déclencheurs, stimulateurs, ouvrant un champ d’expérimentations auriculaires au final peu ou pas explorées.
Desartsonnants, novembre 2022
En parler plus en avant, impulser un projet de terrain, une rencontre : desartsonnants@gmail.com
Question’ AIR (Auricularités Inter Relationnelles)

Questions en VRAC (Véritables Relations Acoustiques Créatives)
– Le PS (Parcours Sonore) engage t-il forcément un CE (Corps Écoutant), et mouvant (CM)? (questions orientée…)
– La CE (Chose Écoutée) est-elle plus importante que le Corps Écoutant (CE), et vice et versa ?
– La posture d’écoute (PE) prime-t-elle sur l’OE (objet entendu), et vice et versa ? Ou bien la déclenche-t-elle ?
– Le design, fut-il sonore (DS), ne se noie-t’il pas dans le lieu, l’ambiance, la masse, la productivité reproduisible… ? (Question orientée)
– Le MVA (Monde Virtuel Acoustique) peut-il remplacer le MRA (Monde Réel Acoustique) ? (Question orientée)
– L’OPA (Oreille Prothèse Augmentée) devient-elle plus performante (performative) que son homologue Oreille Nue, ou Naturelle (ON) ? (Question orientée)
– L’Acronyme (A) est-il – (1) nécessaire, (2) utile, (3) contreproductif, (4) décalé, (5) autre (si oui précisez)… ?
Entourez ou les Termes qui vous semblent Adéquat (TA)
Merci d’avoir participer activement à ce JDO (jeu de l’ouïe) !
De la modération des micros

Aux premiers jours du numérique ultra mobile, des enregistreurs légers, des cartes SD et disques durs quasi invisibles, la tentation fut grande de dégainer les micros à tour d’oreilles.
Puisque la qualité était au rendez-vous à moindre sous, et tenait dans la poche, ou presque, on captura sans modération quelques milliers de Giga Sounds, sans compter, et parfois sans y réfléchir plus avant.
A l’heure du dérushage, que le grand tri me croque !
Et puis que faire de tout cela ?
Que garder, que jeter, que recycler ?
Quel sens à cette débauche addictive ?
Alors Desartsonnants s’assagit, ou en tous cas tenta de le faire.
De moins en moins, il tendit ses micros frénétiquement, à chaque son semblant intéressant, exotique, digne d’entrer en collection.
Certes, il rata, et rate encore, de belles séquences qui lui filèrent sous l’oreille, mais il faut raison se faire, l’exhaustivité n’est pas une fin en soi, et n’est même pas de ce monde post-encyclopédistes, malgré tous les efforts illusoires de la toile.
Et puis la chose manquée a parfois du bon en nous poussant à une forme de résignation bienveillante.
Fini donc la voracité dévoreuse du moindre bruit, place au projet narratif non dopé à la sonotonine.
D’abord, les oreilles en avant.
Un temps d’apprivoisement du local.
Une immersion dénichant les ambiances où il fait bon s’entendre, ou pas…
Un arpentage à oreilles nues, sans appareillage ni extension, de quelque genre que ce fut.
Et puis le sujet.
Ou la multiplicité des sujets.
La forêt, la montagne, la prison, l’hôpital et leurs fictions, la ville et ses frictions, les mémoires d’un lieu, d’un collectif vivant, ou de choses disparues…
Les imaginaires, les perceptions, les ressentis…
Les colères, les résistances, les militances…
Comment s’entend-t-on, mieux je l’espère, avec des petits bouts de territoires fragiles, et tout ce qui y co-habitent, en y posant respectueusement nos esgourdes.
Qu’en dire au final, que raconter sans trop se perdre, ou bien au contraire en s’égarant joyeusement, en dérivant sciemment ?
Passée la fièvre du tout capter, les micros seront tendus à bon, ou à meilleur escient, enfin je pense, quand l’histoire se tissera sans enflure boulimique.
Parfois-même, seule l’oreille suffira.
Ou bien une trace écrite se substituera au son trop retord, ou trop intime, ou trop impalpable, quasi insaisissable, furtif dirait Damasio.
Le récit n’en sera pas pour autant appauvri, mais bien souvent plus construit, plus alerte, évitant de noyer le propos sous une avalanche sonore dégoulinante.
La matière sonore, épurée d’une surenchère consommatrice et productiviste, dans l’air du temps, de l’insatiabilité techo-geek, du podcast en série, au kilomètre, ne poussera plus le capteur de sons a des excès, des démesures ratissant tout sur leurs passages.
Les oreilles non gavées digèrent mieux que celles sur-engraissées, et deviennent sans doute plus sensibles aux douces trivialités et fragilités du monde.
Sans prôner une sobriété moralisante et déplacée, la modération des micros tendus à tout-va, est un geste de ralentissement, dans une société effrénée. Si modeste soit-il, il participe à une prise de recul, parfois de conscience, passant aussi par les oreilles.
Sons-jeux, rêve sonique

Silences des Lauzes – Sentier des Lauzes – Christian Lapie
Statues
C’était après avoir dévoré l’intégrale des nouvelles de J.G. Ballard, un pur chef-d’œuvre d’ailleurs.
À plusieurs reprises, y est question de plantes soniques, et de sculptures chantantes, plus ou moins maléfiques, selon les cas, souvent dans des univers aux beautés glacées, aliénantes. Avec un zeste de paysages façon Lovecraft, aussi beaux qu’inquiétants.
Ce fut donc un rêve, je pense, ou plusieurs.
Je me suis retrouvé sur une sorte de chemin capricieux, assez indéfinissable dans une topologie précise. Mer, montagne, ville, non-lieu, espace mouvant ? Une vision indécise, fluctuante, fragile, comme dans bien des rêves.
Les sculptures néanmoins étaient bien là, soniques. Elles ressemblaient, je crois me souvenir, aux magnifiques ensembles de Christian Lapie, ces fantastiques Ombres guetteuses, dressées dans de vastes paysages.
Sauf qu’elles n’étaient plus dressées silencieusement, souvenirs émergents d’on ne sait où, entre ciel et terre, mais bel et bien sonores.
Elles émettaient un chant, de mémoire éthéré, mélopées de sirènes égarées dans des prisons gangues de pierres, ou d’une autre matière lisse et compacte.
Mais là encore, ces sons restent pour moi très fugaces, comme les « vrais » d’ailleurs, mais sans doute un peu plus immatériels, énigmatiques. Des lambeaux auriculaires flottants sans jamais s’accrocher nulle part.
Je les entendrais plutôt médium aigus, lamento plaintifs, enfermés dans une coque de pierre à la fois brute et travaillée, comme des sortes de génies dans une amphore qui imploreraient qu’on les libère.
Ce que je n’ai pas fait du reste. Mais l’aurais-je pu ?
Cet univers était ambigu, entre sérénité et oppression. L’ambiance évoquait celle d’un Ballard transposé on ne sait où, ni quand, bien loin d’un concert apaisé, même avec une esthétique un brin land art.
Je ne sais pas combien de temps j’ai côtoyées, écoutées, ces statues sonifères, ni comment je les ai quittées d’ailleurs…
J’aurais aimé les retrouver, ne serait-ce qu’une fois, au hasard d’un chemin, d’une nuit, d’un autre rêve…
Ce ne fut pas le cas jusqu’à ce jour.
Peut-être que le fait de les ré-évoquer ici fera qu’elles entendront ce qui peut être un appel, une curiosité encore avivée, et me convieront de nouveau à cette étrange et lancinante promenade, guidée par leurs voix de nulle-part.
Publié dans Discuts N°20, hiver 2016, le magazine des manipulations sonores, sur une invitation d’Alexis Malbert aka Teptronic
Version revue octobre 2020
Point d’ouïe – Installer l’écoute

Couleurs libournaises

Ce matin, lever du jour haut en couleurs, la Dordogne paisible miroite…
Vu de la fenêtre de ma résidence libournaise.
Les oiseaux aussi, saluent cette heure de bascule fascinante.
Inventaire auriculo-forestier

Branches
Craquements
Ciel
Sifflements
Oiseaux
Pépiements
Chenille
Silence
Feuilles
Froissements
Moustiques
Vrombissements
Enfants
Rires
Chasseurs
Pétarades
Pluie
Crépitements
Mousses
Amortissements
Autoroute
Rumeur
Tronc
Percussions
Terre
Piétinements
Animaux
Onomatopées
Herbes
Bruissements
Souches
Effritements
Vent
Sifflements
Voix
Cris
Voitures
Intrusions
Pierres
Claquements
Silence
Silence
Presque…
20 octobre 2022 – Fictions de la forêt – Permanence de la Littérature, Communauté d’Agglomération de Libourne (CALI)
Point d’ouïe, forêt de La Double, Sève qui peut !

S’enforester, sève qui peut !
Une forêt peut-elle se cacher derrière un arbre ?
Ou inversement ?
Un son peut-il se cacher en forêt ?
Une forêt dans les sons ?
Qu’en dire, qu’en ouïr ?
Marcher suivant son instinct
Au risque de s’égarer
Sans cailloux baliseurs
Croiser et écouter l’Ogre
Baba Yaga
Le roi des Aulnes
l’esprit des Sylves
Le Grand Méchant Loup
GML pour les intimes
Les Sept Nains, grincheux compris
Pelleas ou Mélisande
Ou les deux
Le chêne séculaire
Le saule, éternel malheureux
La biche innocente, quoique…
Et tous les esprits frictionnels
Qui nous feront voir de quel bois ils se chauffent
Et tous les oiseaux nicheurs et dénicheurs
Les coucous squatteurs
Les pies cleptomanes, de pis en pis
Et tous les Elfes, lutins, Hobbits, korrigans, Génies verts, Naïades, Walkiries, Nymphes, Ondines, Échos, Esprits siffleurs, frappeurs, tapageurs…
Choses racontées de souche à oreille
Les feuilles grandes ouvertes, ou vertes
En embûchcade
Des bois sons
Hydres à temps
Jeux très bûches !
Tout cela fait un sacré boucan !
Une rumeur entretenue de vents
Balayée d’orages, saccagée de grêle, assoiffée de sécheresse,
Laissant du bois mort, desséché, moussu…
Tout ce qui craque sous nos pas
Même le verni de l’histoire sylvestre
Sève qui peut !
Mais ça sonne quand même bien !
18 octobre 2022, PREAC Les fictions de la forêt, Permanence de la littérature, forêt de La Double, Cali de Libourne
Point d’ouïe sylvestre libournais

Deuxième journée en forêt de la Double, dans le libournais, avec des enfants des écoles voisines.
Matin
Ciel bas, très sombre, chaleur lourde et atmosphère humide.
Ce qui devait nous arriver nous arriva.
Tout d’abord, quelques gouttes clapotantes.
Puis une petite pluie.
Suivie d’une bonne averse.
Les arbres nous pleurent dessus.
Le sol devient spongieux.
Il pleut, vraiment.
Les sons aquatiques feront partie ce matin du paysage, bon gré mal gré.
Midi.
Tout bascule.
Le vent tournant chasse nuages et ondées.
De superbes trouées de soleil colorent les bois.
Exit les sons pluvieux.
Constat
Sous le soleil ou sous la pluie, la forêt reste néanmoins très décevante à l’écoute.
Loin de ce que l’on peut en imaginer, avec des nuées d’oiseaux, des sons forestiers…
Les oiseaux se taisent, ou sont partis vers d’autres cieux.
La forêt n’est pas du tout spectaculaire à l’oreille, voire se révèle désespérément silencieuse.
Rumeur autoroutière au loin.
Mais les enfants ont des ressources, beaucoup, sans forcément qu’on leurs suggère, pour combler les vides, faire chanter les lieux, faire paysage.
Ayant plus ou moins consciemment intégrés les jeux d’écoute proposés en début de promenade, ils vont chercher les micros sonorités, faire sonner la forêt en la percutant, bruitant, ébauchant des histoires où l’imaginaire fera chanter les sylves…
Je suis toujours surpris de leur façon de tisser un récit, fut-il sonore, à partir de presque rien, du trivial, qu’il faut aller chercher dans les recoins les plus cachés de l’auricularité.
Au creux d’une souche, sous les mousses toutes douces, dans les feuillages bordant le chemin…
Tout chante pour qui sait l’entendre.
Premier retour sonore rapide, sur le vif.
Point d’ouïe, rives de la Dordogne entre chiens et loups

Banc d’écoute crépusculaire.
Devant moi, à nuit tombante, coule la Dordogne sableuse, ocrée, en silence.
Il faut s’en approcher tout près pour entendre ses remous bruisser, des flots brisés par les piles du pont historique.
Une cloche, celle de l’Hôtel de ville sonne un carillon de Westminster, tronqué. On attend vainement la fin qui ne viendra pas.
Lui répond, quelques secondes plus tard, celle de l’église Notre-Dame de l’épinette, un très joli nom qui sonne bien, dont la flèche a été, par sécurité, provisoirement décapitée.
Les cloches sont néanmoins restées en place, et donnent encore de la voix.
Ces deux bâtiments sont dans mon dos, et pourtant j’entends leurs sonneries contre les murs d’en face.
Magie des effets acoustiques en miroirs.
Il fait très doux ce soir.
Des promeneurs, des familles longent le quai en contrebas en devisant.
Les enfants courent et crient, insouciants.
Un chien aboie à ma droite, assez loin, et ses jappements trouvent de beaux échos contre le parapet du vieux Pont de pierre, à ma gauche.
Autre magie des effets sonores déroutants.
L’obscurité s’étale doucement sur Libourne, de paire avec l’amortissement sonore.
Libourne, le 16 octobre 2022
Chronique libournaise, Crépitements, retrouver la forêt, se retrouver en forêt
Vendredi 14 octobre

Premières marches écoutes, forêt de la Double, dans une parcelle de la Cali, au Fieu.
Des groupes d’enfants des écoles de la Communauté d’agglomération sont invités à marchécouter.
Dont une classe unique ULIS ce jour.
Un conte, des contes, des histoires,
Tendre l’oreille vers les arbres
Des arbres qui tendent l’oreille vers nous
Bienveillance mutuelle
Être écouté par la forêt
Jouer avec ses sons
Retrouver le silence, même fragile
Installer l’écoute
S’installer dans l’écoute
Cueillir des sons
Être cueilli par les sons
Caresser, éteindre, s’adosser
Esprits de la forêt
Ausculter des matières, des mousses et des écorces
Raconter
Bruiter
Jouer
La pluie s’en mêle
L’oreille s’emmêle
Ça crépite
Les feuilles chantent
Micros sonorités
Mixage
Les pas écrasent les branches, crépitement
La pluie sonne la forêt, crépitement
L’oreille doute
Crépitement
Micro installation éphémère
Des sons exogènes
Cloches, voix, oiseaux fantasques
Le vrai du faux, et vice versa
Installer l’improbable
Échanger sur le vécu, l’entendu
Échanger sur l’imaginé
Réactions
L’’imaginaire de l’expérience, et vice et versa
La spontanéité d’une fraicheur sylvestre
Se retrouver avec l’autre, nous, eux, les arbres
Entendre les crépitements entre gouttes d’eau et marche spongieuse
Entre pluie, vent et soleil
Entre réel et rêvé
Deux heures ça passe vite
Quitter la forêt
Retrouver le bus
Garder l’empreinte, on espère
L’expérience d’un moment
Une traversée sylvestre unique
La sensation du pas sur l’humus
De l’oreille buissonnière
L’appel et de l’accueil de la forêt
Expériences partagées
On en ressort grandi
Octobre 2022 – Parcours PREAC L’art de grandir, avec Permanence de la littérature
Ronronnement, chronique audio libournaise

Jeudi 13 octobre
Départ de Lyon
Ronronnement
7 heures de bus
Ronronnement
Ça berce
On l’oublie
Òn somnole
De beaux paysages
Ronronnement
Arrivée
Promenade sur le port fluvial
Nocturne
Petite pluie intermittente, vent,
Crépitement
Marche, un grand besoin après cette traversée assise
Ronronnement
Un méga truc flottant
illuminé
Amarré
Un truc flottant pour touristes fluviaux
flottés
Aventuriers peinards de la rivière Dordogne
Ronronnement
Les moteurs alimentent les lumières à bord
Ronronnement
Et celles du dehors
Le port n’a pas assez de ressources électriques pour cela
Ronronnement
Donc les moteurs tournent
Tournent
Tournent
La nuit durant
Ronronnement
C’est agaçant, voire plus, quand on sait
Ronronnement
Heureusement, la pluie plique et ploque
Sur le vieux Pont de pierre
La Dordogne au dessous
Plic ploc
Ça fait du bien
Tout Ronronnement cessant
Ça fait du bien.




