Un Écoutoir Potentiel Imaginaire en chantier

« Paysage en mouvement, ligne de vue, ligne de fuite » – Château de Goutelas 2018

Accoustez, à bon entendeur, il ne fault que demi-mot. Rabelais, Pantagruel

Supposons, voire imaginons, préfigurons, la mise en place d’un Écoutoir Potentiel Imaginaire, où (presque) tout serait à faire, à tricoter, à expérimenter, à partager.

Supposons que ce dernier mette l’écoute au centre du projet, et l’écoutant devant, ou au cœur d’un vaste chantier de construction/déconstruction nomade, de bricolages et d’hypothèses sonifères, de rencontres et de collaborations rhizomatiques…

Pensons un espace polymorphe, mobile, contextuel, changeant, hybridant, donnant accès à des points d’ouïe plus hétérosoniques les uns que les autres, à des espaces auriculaires toujours en mouvement, donc d’autant plus surprenants, si ce n’est inouïs.

Ici, l’EPI sera banc, abri-bus, table de camping….
Là il sera cabane, affut, amphithéâtre, studio, salle de classe, forêt, salon chez l’habitant…
Ailleurs il sera espace sémiotique, signalétique, parcours, propositions graphiques, sentier nomade…
Ou bien encore rêve, utopie, espace-temps d’un imaginaire tout à la fois fugace et tenace, résistant, militant, déviant, construisant, résiliant…

Souvent, il sera hybride, s’essayant dans différentes postures, situations, visitant des espaces non forcément qualifiés, assumant sa fragilité et ses tâtonnements face à la complexité du monde.

Il naîtra et se développera au gré d’interactions hybrides, issues de rencontres entre artistes – créateurs sonores, musiciens, plasticiens, cinéastes/vidéastes, écrivains, danseurs – philosophes, chercheurs, paysagistes et urbanistes, politiques, et qui plus est d’une bande d’écoutants soucieux de leurs territoires de vie.

Il sera modelé au fil de gestes collectifs situés, relationnels, sensibles, de situations à géométrie variable,

Il ne sera pas forcément calculé d’avance, figé dans des protocoles immuables, gravés dans le marbre du sonore, mais, tantôt constructions matérielles, tangibles, fonctionnelles, tantôt objet immatériel, pensée mouvante, et souvent situé aux frontières, aux interstices, aux recouvrements des deux.

L’Écoutoir sera un terrain de l’expérientiel où de multiples pratiques et savoir-faire mettront en commun leur énergie, leur désir de faire ensemble un pas de coté, de tisser une écoute féconde, respectueuse bien que pouvant être un brin effrontée, voire irrévérencieuse.

Il expérimentera sans relâche, construisant ses propres outils open source, laissant ouvert tout un champ de possibles, agissant dans des espaces délaissés, non maitrisés, peu planifiés ou définis, sans ignorer pour autant les cadres très contraints, ceux où on puisse chercher des marges de jeu émancipatrices.

Il se développera sur des substrats universitaires, artistiques, sociaux, artisanaux, industriels, économiques, philosophiques, de préférence de façon la plus décloisonnée que possible.

Il sera dedans/dehors, aux seuils et aux frontières, aux lisières, aux entre-deux géographiques et symboliques, aussi bien que dans des lieux laboratoires hétérotopiques, des ZAT ou TAZ, jardins planétaires, Tiers Espaces, ZEP (Zone d’écoute Prioritaire, ou Potentielle).

Il s’inventera des langages, se construira des corpus singuliers, se diffusera via des récits pétris de créolisation bienveillante.

Il se développera dans l’espace public comme dans les sphères du privé, de l’intime, de l’inter-générationnel, en oasis d’accueil et d’interactions respectueuses, humanistes, non invasives, non intrusives, le plus inclusives que possible.

Il sera tout à la fois miroir sonore, reflet, résonance, et lieu de modélisation, d’anticipation, d’utopies partageables, par et pour tout un chacun.

Il sera poétique, écologique, politique, et fera en sorte que les uns n’aillent pas sans les autres.

Il laissera place à l’affect, l’émotion, à l’immersion généreuse.

Il sera tout à la fois Faire et Penser, Agir et Imaginer, Construire et Rêver, sans hiérarchisation aucune.

Il sera ce que l’écoutant activiste en fera, aux croisements de chemins multiples, aussi décloisonnants que possible.

Il se tiendra à un croisement où arts numériques, inter-médiatiques, acousmatiques, acoustiques, testeront des outils transmedia, pour relier différents archipels de recherche-création où l’écoute à son mot à dire.

Il ne reste plus, à cet Écoutoir Potentiel Imaginaire, que de s’incarner, de prendre chair, corps, ici ou là, pour quelques heures, jours, ou mois, dans des écoles, universités, municipalités, centres d’arts et de culture, fermes, industries, ateliers, chemins de campagnes ou périphériques, prisons et hôpitaux, laboratoires et tiers-lieux, et partout où l’oreille trouvera du grain à moudre pour un projet auriculaire, partagé, toujours en chantier.

PS : Cette action s’inscrit dans le projet global Desartsonnants, mettant en avant des lectures, écritures et pratiques croisées de paysages sonores, avec des approches tout à la fois esthétiques, écologiques et sociétales.

Elle est aussi inspirée par les travaux de la chercheuse Myriam Suchet autour de l’indiscipline.

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