AACTES – Aménités Auriculaires Collectives en Territoires Écoutants 

PAS – Parcours Audio Sensible entre chiens et loups, Bois d’Ambre – Saint-Vit (25) Festival Back To The Trees 2023

Entrer dans une forêt, ou ailleurs, en faisant une offrande silencieuse, participant à un rituel invitant.

Ouvrir oreilles et corps aux sons, lumières, chaleurs, fraîcheurs et toutes les perceptions et sensations du lieu.

Ralentir, se poser, prendre le temps de faire, partager des gestes a minima, mais pleinement effectués.

Être vigilant, attentif, respectueux, bienveillant, à tous les hôtes que nous croiserons, de près ou de loin.

Se garder une marge d’incertitude, laisser la place à l’imprévu, à la curiosité, à l’émerveillement, au ravissement.

Être connecté avec le lieu, le groupe, sentir ses synergies, son énergie de faire ensemble.

Et beaucoup d’autres postures, gestes, jeux, à inventer et déployer au fil des PAS – Parcours Audio Sensibles.

Glissement vers la nuit « S’enforester les esgourdes » Festival Back To The Trees 2023

Il est 21H30.
Après une courte montée caillouteuse et bien pendue, nous nous retrouvons en forêt. Enfin, dans une autre partie de la forêt, celle qui s’échappe, vers les hauteurs, des chemins balisés d’un festival.
Une forêt franc-comtoise dense, peuplée de feuillus élancés et entremêlés.
Au bas, le festival Back to The Trees bat son plein, ses rumeurs se font encore entendre.
Je le quitte progressivement, momentanément, entrainant à ma suite une bonne vingtaine de personnes, en silence, telle est la règle.
Jusqu’à nous retrouver dans une ambiance purement forestière, quasi silencieuse, à nuit tombante.
C’est un moment de glissement, de bascule, de transition, de fondu, moment interstitiel toujours magique pour moi.
Un glissement entre la lumière et l’obscurité, entre les chants d’oiseaux diurnes et ceux nocturnes, entre une vie qui s’estompe peu à peu et une autre qui s’active, sans rien bousculer, bien au contraire.
Un appel à l’écoute dans tous ses états, où le corps entier est invité à vibrer aux sons de la forêt qui s’endort et se réveille tout à la fois.
Nous marchons avec le plus de discrétion que possible, pour ne pas troubler la quiétude des bois alentours, et surtout de leurs habitants.
De petites histoires boisées, disséminées dans une clairière, viendront néanmoins animer ponctuellement, discrètement, le parcours. Des sons d’une autre forêt, lointaine, bordelaise, avec les voix d’enfants contant des haïkus sylvestres, créés sur place. Un décalage d’une forêt à l’autre, transposition spatio-temporelle, ludique et facétieuse.
Avant que tout rentre dans l’ordre, doucement, sans que rien n’ait été brusqué, tout juste une petite incartade discrète entre bordelais et Franche Comté.
La nuit s’avance, les formes s’estompent, la scène sonore devient de plus en plus ténue, intime, laissant aux oreilles un espace très aéré, où le moindre son trouve sa place dans une ambiance apaisée, loin des turbulences sonores.
Auscultation des troncs, des mousses, des branchages, des rochers, on amène l’écoute vers la matière, au plus proche du toucher auditif, de la granulation sonore, de la micro aspérité. La nuit donne à l’oreille une joyeuse complicité ludique.
Avant de redescendre vers la civilisation, plus sonore, où les voix viendront à nouveau ponctuer les lieux, mais néanmoins sans grands éclats, la forêt suggérant aux festivaliers de ne pas brutaliser les lieux, d’en respecter ses zones protégées, loin des grandes rumeurs urbaines.
Le glissement dans la nuit nous ramène vers le bas, sans doute un peu plus à l’écoute de tout ce qui bruisse autour de nous, c’est en tous cas un des objectifs recherchés.

Notes suite à un PAS – Parcours Audio Sensible pour le Festival Back To The Trees 2023
Forêt d’Ambre à Saint-Vit (25)
Samedi 02 juillet 2023

Lien album photos @Lorraine Moliard – Back To The trees
https://photos.app.goo.gl/yb8Lyo5FexfNJpVZ6

Point d’ouïe, auprès de mon arbre

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« Auprès de mon arbre je vivais heureux… » Georges Brassens

Plaisirs arborés

Depuis longtemps, je côtoie la gente sylvestre. Mes parents y marchaient longuement, cabanes et champignons. Mes grands-parents avaient une ferme au milieu des bois. Je suis né dans une région où l’exploitation forestière est une activité centrale, deux de mes oncles étaient bûcherons. J’ai fait des études d’horticulteur paysagiste. Et plus que jamais, je promène mes oreilles au gré des troncs et branchages, posant une oreille bienveillante sur les forêts rafraichissantes et les vieux arbres séculaires, dont ceux qui résistent encore à l’urbanisation bétonnante.

Bref, je parlerai ici de paysages sonores arborés, ou bien des arbres sonores, sonnants, auscultés…

« Auprès de mon arbre j’écoutais, et j’écoute heureux… ». Dans ce monde bruitaliste, l’adaptation de cette phrase, citée en exergue, et surtout sa mise en œuvre, peut nous faire le plus grand bien.

« Comme un arbre dans la ville » Maxime Le Forestier 1972

 

Dans un souffle, ou une tempête

Tout commence par une brise légère, un doux zéphyr qui caresse les branches et fait frissonner les feuillages. Ça bruisse, comme des chuchotements aériens. Parfois, ça grince, bois contre bois. Écoutez le peuplier tremble (Populus trémula) le bien nommé, qui chante sous le vent. Mais aussi le saule ou le roseau. Et plein d‘espèces dont le frisson diffère selon les vents et essences. L’arbre est parfois le révélateur du vent, celui qui lui donne corps en lui opposant une résistance audible. Parfois, sous un coup d’orage capricieux et imprévisible, les arbres se crispent, ploient, gémissent, résistent quittent à y laisser des plumes vertes, et parfois hélas, ils s‘écroulent terrassés dans de tristes fracas.

Parfois c’est de la main de l’homme, qu’ils sont abattus sans ménagement, dans le cris de tronçonneuses hurlantes ou de gigantesques machines aux bras coupants. Fracas toujours.

Verts ressourcements

Mais ils leurs arrivent de finir leur histoire séculaire après des siècles, voire des millénaires pour certains, ayant abrité de leur ombre bienveillante, et bercé de leurs murmures boisés moult promeneurs ou travailleurs fatigués. Ressourcement végétal.

Langage(s)

Prendre langue avec un arbre n’est pas langue de bois, tant s’en faut.

Si l’arbre pouvait parler (notre langage et d’autres encore) combien d’histoires fabuleuses nous raconterait-il, à fleur de nos tiges vertes étonnées. Mais on peut toujours les imaginer. Untel a vu de grandes révoltes, des hommes qui firent (ou défirent) l’histoire, l’arrivée des automobiles, de la ville qui les entoure maintenant, du temps qui passe, pour le meilleur et pour le pire…

Arbres à palabres, là où on se rassemble, où la société fait corps, où la parole circule, des histoires, des mythes, des contes, et de la vie politique du village. Un gros brin de sagesse fertile qui puise sa sève vive dans le terroir des vies, des hommes, des animaux, de la terre et du ciel… Et n’empêche pas hélas, les guerres tribales, ou autres.

Oasis et vertes allées soniques

Un parc, un bosquet ou une forêt urbaine, rien de tel pour se mettre au vert (physiquement) et se rafraichir les écoutilles, dites aussi les feuilles. Tout d’abord, la gente avicole s’y complait, et vient y faire ses vocalises perchées, ce qui est toujours plus agréable que le brouhaha des voitures toussantes et pétaradantes. Plantez des sorbiers des oiseaux (Sorbus aucuparia), eux-aussi bien nommés, et vous ne tarderez pas à voir et à entendre moult oiseaux faire une halte sur ce bel arbre, tout en légèreté qui plus est, ce qui ne gâche rien.

Toutes les allées de grands parcs, avec leurs alignements solennels d’arbres – le platane y règne souvent en maitre, parfois conduisant à de fastueuses demeures, sont des abris à sons oiseleurs, et non pas oiseaux-leurres.

Je pense ici à une forme d’installation sonore acoustique, végétale, pour le peu véritablement écologique. De quoi à garder l’oreille verte, voire même l’oreille ouverte.

Dans les aménagements urbains, ont pourrait parler d’écran acoustiques, phoniques autant que fauniques.

Et puis les arbres et grands arbustes constituent aussi ce que je nomme des oasis sonores. Espaces intimes, à l’écart des voitures, espaces de fraicheur, ilots de quiétude, où l’on peut converser sans hausser la voix, sans s’égosiller pour passer au-dessus de la rumeur urbaine. On en trouve aujourd’hui dans les parcs urbains, même de tailles modestes, et dans l’aménagement de trames vertes, parfois suivant les rives d‘une rivière ou d’un fleuve. Certaines places végétalisées offrent des belvédères (littéralement belles vues) en promontoires, qui déroulent la ville tel un plan-maquette sous notre regard, et qui peuvent aussi se révéler de beaux points d’ouïe. Quand la vue et l’audition sont privilégiées, et que la végétation nous fait échapper aux ardeurs du soleil, du reste de plus en plus ardent, ne boudons pas notre plaisir, et profitons en de tous les sens convoqués.

Ausculter, vers le cœur des arbres

Lorsque nous faisons plus qu’écouter le vent et les oiseaux dans les arbres, et que nous approchons notre oreille plus près, très près, jusqu’à la coller au tronc, à l’écorce. Geste empathique, intime s’il en fut. Et bien, grande déception, nous n’entendons rien. Point de battements du cœur des arbres, ni de circulation de sève… Sauf parfois, sur des bouleaux à l’écorce aussi fine qu’une feuille de papier, au printemps, dans un environnement calme, et sur des sujets pas trop volumineux, nous permet effectivement d’entendre les flux de sève au cœur de l’arbre. Et mieux encore si on est équipé d’un stéthoscope médical, objet loupe amplifiant les sons entendus, qu du reste j’utilise très souvent dans mes PAS – Parcours Audio Sensibles. Comme l’écoute de la sève est finalement compliquée et requiers une série de conditions très rarement réunies, je vais orienter autrement une écoute intime avec l’arbre, ses branchages, son feuillage, comme un geste actif, consistant à caresser lentement les matières végétales de la membrane d’un stéthoscope, pour en créer une musique assez surprenante. Des craquellements, petites percussions, frôlements, raclements… Il est en fait assez difficile de décrire ces expérimentations sonores, qui varient selon les matières explorées et les gestes auscultatoires des écoutants manipulateurs. Le lien de la vidéo ci-après donne un aperçu, même s’il y a, pour les besoin de l’installation dans un centre d‘arts, quelques effets rajoutés.

https://www.youtube.com/watch?v=5_SB8pyp5SE

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PAS – Parcours Audio Sensible desartsonnants – Grand Parc de Miribel Jonage – Armée du Salut de Lyon

Les amis artistes de Scénocosmes ont conçu une belle installation sonore, discrète, intimiste, mais très poétique, où ils proposent de coller notre oreille au tronc d’un arbre pour en écouter le cœur battre. Pulsations, c’est le nom de cette installation provoque un effet magique, apaisant comme le ronronnement d’un chat sur nos genoux, et qui nous met physiquement en contact avec l’arbre.

Qui n’a jamais éprouvé le besoin d’enlacer un tronc, d’en puiser l’énergie de sa sève circulante, ou de partager la force tranquille de ces colonnes végétales parfois séculaires.

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@Scénocosme

 

Murmures de micro-forêts

L’artiste plasticienne, et sonore, Cécile Beau nous propose de tendre l’oreille vers une micro-forêt, maquette et condensé végétal qui bruissonne doucement. Cette installation sylvestre, au doux nom de Suma, nous fait tendre le regard et l’oreille vers ces espaces recomposés, comme par la main d’un paysagiste qui nous tendrait une loupe pour entrer dans la forêt par le petit bout de la lorgnette, et de l’oreillette, dans un monde à l’échelle décalé et poétique. Peut-être y verra t-on aussi une métaphore de la main-mise humaine, via des asservissements végétaux façon bonsaïs.

https://www.cecilebeau.com/suma/

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Sonner et faire chanter les arbres

Du plus simple geste, caresser le feuillage d’un arbre contre son oreille pour en écouter le chant intime, jusqu’à l’appareillage hyper technique, l’arbre se prête, notamment par sa morphologie accueillante, à moult expériences sonores et auditives.

Au-delà de ces bruissements sous les caresses d’Éole, on peut lui suspendre quelques objets, eux-aussi qualifiés d’éoliens, justement parce qu’il font chanter, sonner, carillonner, tintinnabuler, brises et zéphyrs, tramontane ou vent d’autan. J’aime d’ailleurs beaucoup suspendre, de façon éphémère pour ne pas abuser des sons, quelques carillons éoliens, souvent artisanaux, ici ou là, au branchage de géants verts, qui semblent apprécier ces sons cristallins. Pointillisme ou guide sonore dans un chemin d’écoute, en priant Dieu qu’il fit du vent (emprunt à Georges Brassens «L’eau de la claire fontaine»), même, et surtout un vent très léger.

L’arbre et le vent sont de vieux complices en ce qui concerne la musique des lieux.

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Carillons éoliens, Parcours sonores à Lausanne (Ch) Journées des Alternatives urbaines 2015

Autres façons de faire sonner une clairières, ou des arbres soulignant le tracé d’une allée ombragée, se servir des végétaux comme support d’installation sonore, tout en gardant un propos contextuel, voire en étroite relation avec le site, son histoire…

Je pendrai ici deux exemples auxquels j’ai activement participé.

Le premier concerne une installation sonore collaborative à la Saline Royale d’Arc-et-Senans, magnifique site architectural de claude Nicolas Ledoux. Cinq artistes, Aurélien Bertini, Ben Farey, Corsin Vogel, Pierre-Laurent Cassière et Gilles Malatray, aka Desartsonnants, auteur de ces lignes, se sont rassemblés à l’invitation de Lionel Viard, pour faire chanter une allée de tilleuls à l’arrière des jardins. Notons que l’installation a été dédié en hommage à l’artiste Étienne Bultingaire, disparu prématurément alors qu’il devait faire partie de l’équipe. Un Dispositif de diffusion sonore multicanal de 36 haut-parleurs nichés dans les arbres, sur une longueur de 200m a été créé de toutes pièces pour l’occasion, par le collectif 3615 Senor. Les Échos de la Saline, nom du projet puise essentiellement les sources sonores dans les ambiances environnantes, pour les retravailler, collaborativement ou individuellement, dans différents modes de diffusions. Ce dispositif fait voyager les sons tout au long de l’allée, dans une ambiance immersive, intime très mobile, pensée à l’échelle du lieu. Ce projet qui devait s’installer de façon pérenne dans le site, pour notamment accueillir des artistes dans des résidences d’écriture sonore, a été hélas, pour différents raisons, abandonné sans connaitre vraiment le développement escompté.

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Le deuxième exemple est un autre installation sonore perchée dans les arbres, d’où son nom de Canopée. Elle a mêlé sons et graphismes, avec l’artiste plasticienne et graphiste Sterenn Marchand-Plantec, dans une clairière du parc du château Buffon à Montbard (21).

La partie sonore était composée de chants d’oiseaux imaginaires, sons tricotés à partir de vraies sonorités avicoles triturées, où l’oreille pouvait parfois hésiter entre le réel et l’imaginaire. Hommage sonore à Buffon dessinateur naturaliste, mais aussi à Daubenton, autre célèbre naturaliste spécialiste de la dissection avec qui Buffon œuvra.

Durant presque quatre mois, jours et nuits, ces oiseaux-leurres chantèrent, perchés dans des arbres, avec une diffusion en mode aléatoire à partir de décalages de boucles sonores asynchrones. Les sonorités étaient très douces, perceptibles uniquement dans la clairière, sous des systèmes de douches. Elles incitaient à tendre l’oreille vers des oiseaux factices, mais en même temps sur l’environnement global et sur les vrais oiseaux qui cohabitèrent d’ailleurs joyeusement avec ces miroirs sonores installés. Comme souvent, une façon d’engager un dialogue avec la fragilité des espaces naturels, et ce que l’oreille nous en raconte, avec message en sous-jacent, la nécessité de protéger des espaces naturels, boisés, et habités d’une faune de plus en plus menacée.

Parallèlement, des PAS – Parcours Audio Sensibles furent organisés, ainsi que l’inauguration officielle de deux Points d‘ouïe.

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Canopée, Par Buffon à Monbard, Desartsonnnants et Steren Marchand Plantec – Musée Buffon, Ville de Montbard, CRANE-Lab

Les arbres qui chantent

Les Arbrassons de l’ami José le Piez sont, pour ceux qui les découvrent pour la première fois, une très belle surprise, tant pour les yeux que pour les oreilles, et les mains. José est un esthète, un artiste perceptuel qui met le corps en relation directe, sensible, avec son environnement. Élagueur, cueilleur de graines, sculpteur de sons et d’arbres, les deux étant ici indissociables, musicien plasticien, l’artiste installe des sculptures instruments taillées dans des tronc d’arbres. Arbres morts ou abattus pour d’autres raisons que pour la sculpture bien sûr. Il manie la tronçonneuse comme le burin, taille, polit, strie, encoche, et ses Arbrassons ainsi façonnés chantent de la plus belle des façons sous la caresse de nos mains humides. Une mélodie sylvestre envoûtante, entre douce plainte et chant de sirènes que l’on fait naitre de nos caresses, belle communication entre l’arbre et l’humain qui prolonge la vie végétal en lui donnant de la voix, dans un contact physique très sensoriel, intime, affectif. L’artiste sculpte, installe, donne des concerts avec d’autres amis musiciens, dont Benat Achiary, merveilleux chanteur improvisateur basque, lui aussi un très belle personnalité. Vous l’aurez sans doute compris, je suis un grand admirateur du travail de José, et apprécie beaucoup la profonde humanité de cet ami que j’ai à chaque fois un grand plaisir à croiser, généralement en forêt.

https://www.youtube.com/watch?v=bTcmDvVmqYk

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Retour aux arbres

Je parlerai ici d’une rencontre forestière qui me tient tout particulièrement à cœur, que je suis, et à laquelle participe, depuis sa toute première édition bisontine. Il s’agit de Back To The Trees, rassemblement autour de l’arbre d’artistes, qu’ils soient gens du son, de l’image, du théâtre, des arts plastiques, graphiques, de la danse, du conte, mais aussi philosophes, forestiers, chercheurs et autres passionnés par la sylve. Beaucoup auront sans doute reconnu l’origine de ce titre, référence explicite au célèbre roman « Pourquoi j’ai mangé mon père » de Roy Lewis, fable préhistorique et déjà prônant, avec un humour ravageur, l’esprit de la décroissance – revivre comme des singes.

Bref, né dans des forêt du Doubs, sous l’impulsion de Lionel Viard, Back To The Trees rassemble chaque année, sauf hélas celle où j’écris ces lignes, crise sanitaire oblige, de 18 heures à 00h00, un bon nombre d’artistes, tout champs confondus, qui vont installer, performer, conter en forêt, autour et dans les arbres. Une large partie se déroulera entre chiens et loups et en nocturne, avec des ambiances qui décalent joliment nos sensations, au gré d’un cheminement qui mènera le promeneur de surprise en surprise. Pour beaucoup d’entre nous, participants, organisateurs, public, c’est une très sympathique façon de nous retrouver en fêtant l’arbre, dans une forme de rituel coloré, tout en sons, en lumières, en formes éphémères, en corps dansant, au cœur de la forêt bienveillante.

http://www.backtothetrees.net/fr/

BTTT nidÉc(h)ographisme – Performance sonore et visuelle de Gilles Malatray (France) et David Bartholoméo (France) présentée à Back To The Trees le 30 juin 2018 à Saint-Vit (France, Doubs) @photo David Bartholomeo

 

 

Pour en conclure avec les arbres, provisoirement.

Il y aurait encore tant à dire.

Il y a encore tant à faire.

Il nous faut choyer les arbres.

Les écouter longuement.

Les inviter de plus en plus jusqu’au cœur de la ville.

Les protéger de notre mieux.

S’inspirer de leur calme séculaire comme d’une sagesse à partager.

Se promener sous leurs ramures.

S’y abriter de chaleurs écrasantes.

Se frayer des sentiers forestiers, pour sortir des sentiers battus.

Les laisser accueillir mout oiseaux, écureuils et autres faune y trouvant refuge.

Se battre contre les monocultures mortifères, les déforestations massives, les abattages sauvages…

Les écouter encore…

Lyon, Juillet 2020

 

PAS armée salutPAS – Parcours Audio Sensible en sous bois – Grand Parc de Miribel Jonage – Armée du Salut , Lyon

 

Quelques autres pistes boisées à suivre

Forêts et villes durables (revue)

Des arbres et des hommes (émissions radiophoniques France Culture)

D’écrire les arbres (projet Desartsonnants)

BACK TO THE TREES – CHRONIQUE D’UN PROMENEUR ÉCOUTANT FORESTIER

Back To The Trees, de Saline en forêt, nuit de boue, nuit debout !

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CHUTTT, Installation de Marie-Cécile Casier - Photo Magali Babin

 

De la Saline Royale d’Arc-et-Senans à la forêt de Chaux, ou plutôt l’inverse, le pas est vite franchi, la logique historique expliquant cette étroite relation depuis Louis XV.
De l’eau, du sel, du bois et du feu pour extraire par évaporation le précieux or blanc, les rapports du site industrie royale à la forêt productrice de ressources sont évidents.
Aujourd’hui, l’aventure du sel étant terminé dans cette région, restent les bâtiments, superbement  restaurés, et l’imposante forêt environnante.
A chaque retour dans la Saline, mon oreille se recolle au lieu via des sonorités et ambiances propres. Crissement des graviers, choucas, chouettes nocturnes, vents entre les bâtiments, réverbération des bernes, passereaux, grenouilles et grillons, tout particulièrement en été, multiples voix des touristes en journée, étranges échos dus à la symétrie et vis à vis de grands bâtiments de pierre…
Le jour, la Saline est animée, tout en restant, aux vues de ces imposants volumes, d’une grande finesse d’un bel équilibre acoustique. Des trains la jouxtant semblent entrer périodiquement dans l’enceinte-même du site, des voix de jeunes écoliers tout proches égaillent l’espace, la cloche dominant le village, résonne au loin, par vent favorable, l’activité des ateliers attenants, des travaux agricoles et horticoles intérieurs et extérieurs, forment un panorama assez typé pour en ressentir le cachet. Ces sons sont fortement liés à la géographie, à l’architecture des lieux, où résonances, filtrages, colorations, échos, réverbérations, tissent un paysage singulier et au final très attachant, d’autant plus qu’il est pour moi rattaché contextuellement à de riches périodes de création et qui plus est, à de belles rencontres.
Sans parler du plaisir que j’approuve à regarder, à admirer ce site, plaisir à chaque fois renouvelé, peut-être même grandissant, l’œil et le regard d’ailleurs éminemment complices.
Ce nouveau séjour à la Saline était cette fois-ci motivé par la rencontre Back To The Trees, où 80 artistes, plasticiens, musiciens, conteurs, manipulateurs de sons et de matières, d’images et de mots, se retrouvaient, sous l’égide de la Saline Royale et de l’Institut Supérieur des Beaux-arts de Besançon, pour une folle et magique nuit forestière, la deuxième en ce lieu.
Folle, cette nuit le fut vraiment, et pas seulement par sa programmation artistique !
La journée de la manifestation, ainsi que la nuit précédente furent, comment dire, copieusement arrosées. Des déluges d’eau tombée d’un ciel noir charbon se sont déversées, transformant les chemins en ruisseaux, voire en rivières, et toute la forêt glaiseuse en une gigantesque éponge moite, chuintante sous nos pieds, glissante à souhait, bref, un parcours d’aventure totalement imprévu.
Après moult hésitations et découragements, face aux recommandations préfectorales, aux remaniements nécessaires d’un parcours en partie inondé et peu accessible, à l’incertitude-même que le public ose venir patauger dans une forêt à la moiteur tropicale et francomtoise à la fois…
La décision arrive. l’alerte météo est levée, avec la décision de maintenir l’événement, les artistes sur place, un brin crottés plus déterminés et motivés que jamais, quitte à se concocter un programme interne, entre nous, si le public ne venait pas, grande incertitude persistante.
Et puis une sorte de miracle. Dés l’ouverture, le public arrive, des familles, des amis, des curieux…
Environ 1000 personnes au temps fort, qui ont osé braver l’immense marécage de la forêt de Chaux, contre vents et marées si j’ose dire, certains en mocassins de villes, d’autres en poussettes…
Incroyable déambulation de visiteurs glissant çà et là, naviguant entre flaques et ruisseaux, esquivant des zones inondées en coupant à travers bois, mais venant avec un grand sourire rencontrer les artistes, parler avec eux, s’embouer de concert.
Soulagement et joie mêlés.
Plus l’heure avance, nuit tombée, plus la déambulation se fait sportive, les pas des visiteurs ayant transformé les chemins en une coulée boueuse maronnasse d’une bonne épaisseur. Qu’importe, les acteurs jouent, racontent, les musiciens font sonner leurs instruments, chantent, les plasticiens tissent des espaces de lumière, des décalages poétiques, les installations sonores bruitent doucement la forêt ruisselante, des architectures de bois, des figurines shamaniques, des villages miniatures, des vêtements lumineux, des contes, des photos et miroirs transfigurant les lieux… La magie s’opère dans cette forêt, plus initiatique que jamais.
Les sonorités sont belles. Voix au loin, effet église avec la réverbération propre aux forêts de feuillus, puis voix soudainement très roches, au carrefour de plusieurs chemins, rires, exclamations, interpellations dans l’obscurité, de multiples voix parfois enjouées, parfois chuchotantes, qui animent sereinement l’espace.
Des bribes de musiques, au loin, ou proches, persistantes ou éphémères, des pointillés d’animaux fictifs, des récits amérindiens tapis dans des cabanes, des attablées festives et poétiques, des histoires de graines, d’Antigone, de canopée, des corps, des arbres, de l’eau, beaucoup, de multiples bruissements, grondements, qui traversent l’espace, se répondent, composent une mélodie sylvestre qui habille la nuit tombante, jusqu’à l’obscurité d’une nuit ponctuée de lumignons.
Et puis, comme un  tenace ostinato rythmique, le son de la boue piétinée, chuintante, nuit debout, nuit de boue, mais oh combien exaltante…
Retour à la Saline, exténué mais heureux, les yeux et les oreilles remplis de belles images, le cœur gonflé d’échanges et de rencontres, l’esprit se projetant vers de nouveaux projets évoqués ici et là. Saline lieux d’utopie s’il en fut, sachant qu’une part des utopies reste souvent réalisable, et au final, de réalise.

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Wooden Megaphones - Installation de Birgit OIGUS - Photos Magali Babin

La page de BTTT : https://www.facebook.com/Back-to-the-Trees-968421629875085/

Article Desartsonnants – SonosFaire : https://desartsonnants.wordpress.com/2016/06/18/rencontres-plastico-sonores-et-sylvestres-back-to-the-trees3/

PS : Pour la petite histoire, Desartsonnants a installé « Aqua ça cerfs », une pièce sonore composée en grande partie de sons aquatiques et de brames de cerfs… Pour l’aquatique, c’était sans doute un brin prémonitoire…

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