Revisiter le paysage sonore ?

Depuis les années 60, l’émergence de l’écologie sonore, celle des arts sonores, investissant, via notamment le field recording, différents champs d’esthétiques audio-paysagères, le paysage sonore ne cesse de questionner nos rapports à l’écoute, au sens large du terme.

Néanmoins, certaines problématiques et hypothèses mériteraient d’être remises en question, ou tout au moins requestionnées, dans un contexte socio-politique et environnemental en pleine mutation, en pleine crise, c’est le moins qu’on puisse dire.

Des postures dichotomiques, tranchées, clivantes, entre le low-fi et le hi-fi (notions de Murray Schafer), le beau ou l’inesthétique, pour ne pas dire le laid, le bruit et le non bruit, le quantitatif et le qualitatif, le normatif et le sensible, l’artistique et la recherche…malgré toute les avancées techniques et intellectuelles, ont encore la vie dure.
La notion de paysage sonore est régulièrement remise en question, jusque dans la reconnaissance du terme, et au-delà, des pratiques qui lui sont liées, refusant ainsi de considérer le dit paysage dans toute sa complexité. Cette complexité qui en fait non seulement son grand intérêt, mais justifie une recherche-action potentiellement fructueuse à bien des niveaux.
Les cloisonnements entre l’artistique, la recherche, l’aménagement, les approches sociétales, malgré de nombreuses tentatives d’ouverture, restent entravées de querelles de clochers, de contraintes voire des barrières économiques, des critères de non « rentabilité », du scepticisme, des lourdeurs administratives, par la peur de « l’aventure »…
Les outils de lecture et d’écriture, tels le soudwalking (marche écoutante), le field recording (enregistrement de terrain) sont peu considérés, et guère envisagés dans des approches transdisciplinaires, voire indisciplinées, susceptibles de produire tant des créations esthétiques, que des leviers d’action sur le terrain.
Le questionnement écologique reste empêtré dans des approches environnementales, coincé dans une écologie sonore moralisatrice et punitive, qui ne tricote pas les aspects esthétiques, économiques, territoriaux, sociétaux, patrimoniaux.. La pensée décloisonnée, plus proche d’une écosophie guatarienne, d’une écologie de l’écoute, de l’écoutant, et des milieux écoutés, fait souvent cruellement défaut.
Entre une vision esthétiquement édulcorée et une approche techniquement aseptisée, reste à trouver des espaces de dialogue où les différences trouveront un terrain d’entente fertile.

Plus de trente ans de questionnement et d’expérimentation sur le terrain, de transmission, de « bidouillage » pédagogique, de rencontres et de chemins de traverse, entre festivals, collectivités territoriales, groupes de travail, écoles et universités… pour en arriver à un constat a priori si négatif.
Et pourtant, le fait que tant de voix hybrides restent à explorer, à expérimenter, que tant de cloisons restent à abattre, de bien-être à défendre, de communs à partager, font que, plus que jamais, dans des temps agités, le paysage sonore reste une entrée à privilégier pour un bon, ou un meilleur entendement.

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