Nouvel expérience aux bancs d’écoute, s’ancrer dans l’habitat

Ce soir je me suis à nouveau assis sur un banc, longuement.
Les températures plus clémentes incitent à la reprise de ces postures posées.
Geste récurent, presque obsessionnel, presque rituel.
Un banc que j’ai déjà pratiqué ces derniers temps, dans la petite ville où j’habite désormais.
Un bout d’ilot de bois sur une grande place minérale, coincé discrètement entre la mairie et le monument aux morts.
C’est une place très calme, traversée de temps à autre par des personnes semblant pressées dont certaines me saluent.
C’est un banc confortable.
Je m’y sens bien.
Ce soir, j’ai donc renoué avec une de mes vieilles habitudes.
Je suis resté longuement assis, tout d’abord en lisant, puis en rêvassant, à cet instant de bascule, entre chiens et loups, à nuit tombante, moment que j’aime tout particulièrement.
C’est une façon pour moi, d’entrer en communication, presque en communion, avec des lieux qui sont aujourd’hui, mon nouveau cadre de vie.
Les cloches de la place voisine font partie du décor.
Elles viennent se cogner contre les murs adjacents, dans d’étranges échos.
Le banc où je suis assis, fait partie du décor.
Les gens qui me jettent un regard curieux, semblent penser que je fais également partie du décor.
Je pense que je répéterai ce geste bancal au fil du temps qui passe, point d’ancrage.
Il est certain que ce banc me servira de nouveau. jusqu’à ce que mon oreille s’obstine à me faire prendre conscience que je fais partie intégrante du paysage que je me construis progressivement.
Les sons deviendront petit à petit des repères, comme des amarres acoustiques, des marqueurs auxquels je me raccrocherai, en quête de stabilité.
Entre chiens et loups, alors que le printemps adoucit les ambiances, je me sens bien sur ce banc, comme dans beaucoup de villes où j’ai expérimenté ces mobiliers amènes.
Je me réserve le temps de découvrir et d’essayer beaucoup d’autres bancs, pour leurs capacités de prendre le soleil, ou à se mettre à l’ombre, où pour rencontrer le passant, ébaucher la conversation, ou la poursuivre, à l’improviste.
Les bancs sont mes amis, et j’espère que la réciproque est vraie.
Ce soir je suis assis, regardant les lumières s’estomper, les bleus devenir pourpres, puis noirs, les rumeurs s’apaiser, le jour basculer dans la nuit. Quelques lattes de bois sous mes fesses, orienteront mon regard, de même que mon écoute, et sans doute mes rêveries.
Les aménageurs devraient penser de façon plus réfléchie au nombre de bancs qu’ils installent dans l’espace public, et à leurs emplacements stratégiques pour renforcer la capacité d’une cité à se faire accueillante. Ne pas les transformer en mobiliers repoussoirs, excluants, inhumains.
Le banc est pour moi un bureau potentiel et temporaire, un espace de vie récurrent, et au fil des rencontres, un lieu d’échanges privilégiés.
C’est d’ici que je vois et aime profiter de ce printemps naissant, entendre les oiseaux reprendre leurs polyphonies bavardes, les insectes vrombir, et les bourgeons semblant s’ouvrir dans un léger bruissement.
Sur ce banc à la fois bien ancré dans le sol, et naviguant dans les courants stratosphériques de la rêverie, espaces de conjonctions sociales, où l’ici et l’ailleurs, l’aujourd’hui, l’hier et le demain se confondent.
Bref un lieu de douce méditation.
La nuit se fait plus présente, obscure..
Les oiseaux persistent à signer l’espace de leurs territoires piaillant, et ont la gentillesse de m’y accepter, et même de m’y inviter.
C’est une chronique auriculaire parmi tant d’autres, où ce soir-là les sons m’apaisent..
Et c’est là que je m’aperçois que, dans beaucoup de lieux où j’ai trainé mes oreilles, il y a des histoires de banc, bien ancrées dans ma mémoire, comme repères spatio-temporels aussi structurants qu’inspirants.
Je pourrais vous en décrire tellement, y compris dans leurs ambiances sonores.
Quand on change d’habitat, on change d’habitudes, on change de pratiques, on change de bancs, on change d’écoutes.
Les points d’ouïe bancs-dits, sont autant d’espace de rêves que d’espaces d’expériences bien réelles, d’autant plus qu’elles imprègnent à tout jamais la mémoire, jusque dans ses moindres sons..
J’ai dans l’oreille tant d’expériences de vie partagées, de confessions intimes, dont je n’écrirai jamais le moindre mot, car trop personnelles.
Une collection d’ambiances et d’histoires situées, dans des espaces-temps très contextualisés.
Adopter un ou plusieurs bancs, c’est quelque part s’installer, s’ancrer un peu plus dans lieu, qui plus est si celui-ci est notre nouvel habitat.

.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s