Points d’ouïe – Paysages en écoute

Points d’ouïe, approche desartsonnantes

paysage-en-c3a9coute

Un point d’ouïe est un lieu repéré, à partir duquel on écoute une parcelle d’unj paysage situé

Un point d’ouïe présente à l’écoute un site acoustique remarquable, ou tout au moins qualitatif, de par ses sources et/ou ses effets acoustiques

Un point d’ouïe se définit par une méthodologie de repérage dite sensible, en collaboration si possible avec des autochtones

Un point d’ouïe est un espace à partager, libre d’accès à toute heure et à tout moment

Un point d’ouïe peut-être en espace naturel, rural, périurbain, urbain, en site touristique, patrimonial, architectural, industriel…

Un point d’ouïe peut être officialisé, inauguré et rejoindre un inventaire via une cartographie sonore et un site dédié

Un point d’ouïe cartographié s’inscrit dans un maillage cartographique mondial, comme un constituant d’un vaste paysage sonore universel

Un point d’ouïe inauguré permet la rencontre avec les élus locaux autour de la préservation d’espaces acoustiques qualitatifs, et en valorisant des aménités paysagères, architecturales…

Un point d’ouïe peut demander à être activé, excité, pour se révéler complètement

Un point d’ouïe peut être aménagé, ou non (signalétique, consignes, assise, cadre et mobilier d’écoute…)

Un point d’ouïe est à la fois public, partagé, et offre une perception singulière et intime dans son approche sensorielle

Un point d’ouïe est à la fois très localisé, spécifique, unique, et à la fois universel dans le geste d’écoute qu’il propose, comme une grande fenêtre auriculaire, ouverte sur le monde

Un point d’ouïe est une conception esthétique (musique des lieux), artistique, mais tend aussi à valoriser un territoire en promouvant une belle écoute, dans une démarche proche de l’écologie, de l’écosophie sonore

Un point d’ouïe est un élément parmi d’autres, visant à une recherche impliquée autour des paysages et territoires sonores

Un point d’ouïe peut-être un lieu propice à des actions pédagogiques, des sensibilisations autour de l’écoute et des lectures audio-paysagère

Un point d’ouïe peut-être un lieu d’enregistrement sonore, ou un espace central autour duquel pourra se construire une carte postale sonore in situ; ou tout autre création sonore, radiophonique…

Un point d’ouïe peut s’inscrire dans un parcours d’écoute, ou un parcours sensible plus large, le ponctuer, l’animer…

Un point d’ouïe peut être le théâtre d’actions sonores et/ou musicales, performatives, improvisées, voire indisciplinaires

Un point d’ouïe, initialement abordé à oreille nue, reste ouvert à toute nouvelles technologies, notamment numériques, dans sa médiation et l’écriture sonore de paysages in situ ou out situ

Un point d’ouïe est comme un point de vue, fragile dans le temps si l’on ne prend pas garde de protéger son environnement

Un point d’ouïe peut être d’autres choses encore, auriculaires, selon le lieu et le projet dans lequel il s’inscrit

Inaugurations de sites « Points d’ouïe »

cropped-paysage-en-c3a9coute.jpg

Il existe une reconnaissance une visibilité, un repérage, un inventaire, parfois une labéllisation de sites patrimoniaux, architecturaux, voire naturels (UNESCO). De même, nous trouvons également ici ou là des points de vue repérés, des guides et des cartes, des tables d’orientation, des longue-vues permettant d’appréhender un paysage, un panorama remarquable du regard.
Quid du paysage sonore ?
Pourquoi ne pas repérer, signaler, inventorier un site point d’ouïe comme un espace entendu et reconnu comme tel ?
Pour cela, il convient d’officialiser la démarche, d’inaugurer avec des élus locaux des sites d’écoute, de leurs donner une existence concrète en temps que sites auriculaires. Il nous faut alors couper le ruban symbolique, pour ouvrir le paysage à l’écoute, une action qui, au-delà de son caractère anecdotique, singulière, se pose comme une invitation à prendre notre environnement sonore en compte, dans une approche tout à la fois esthétique, sociale et écologique. L’implication d’élus permet, en amont d’une inauguration symbolique, d’entamer une discussion autour du statut du paysage sonore, de sites à protéger, à valoriser, à penser une sensibilisation vers une écoute aiguisée, qualitative, à rechercher une qualité acoustique des lieux de vie… bref, à une approche où l’écoute est posée comme une posture sensible et écologique.
Au-delà de l’inauguration de points d’ouïe, l’inscription de sites dans une cartographie interactive, via des outils et réseaux internet, prolonge le geste en construisant un maillage d’un vaste territoire sonore mondial, entre la singularité du local et l’universalité de l’écoute partagée.

Lien : Le projet in situ : Drée premier point d’ouïe inauguré

Arte Plan du Polau

Écritures/prolongements

Le projet Points d’ouïe s’inscrit dans une série d’actions autour de la lecture et de l’écriture des paysages et territoires sonores in situ, qu’ils soient urbains, périurbains, ruraux, en sites naturels, touristiques, architecturaux, industriels, patrimoniaux….

L’enregistrement in situ, la création de cartes postales sonores, différents types de PAS – Parcours Audio Sensibles, des actions performatives et plastiques avec des plasticiens, poètes, danseurs, slameurs, des ateliers et conférences, des installations éphémères, des formes d’écriture sonore et textuelles, sont autant de possibles pouvant être convoqués ou agencés selon le contexte les spécificités du terrain,  et des projets.

Un Écoutoir Potentiel Imaginaire en chantier

« Paysage en mouvement, ligne de vue, ligne de fuite » – Château de Goutelas 2018

Accoustez, à bon entendeur, il ne fault que demi-mot. Rabelais, Pantagruel

Supposons, voire imaginons, préfigurons, la mise en place d’un Écoutoir Potentiel Imaginaire, où (presque) tout serait à faire, à tricoter, à expérimenter, à partager.

Supposons que ce dernier mette l’écoute au centre du projet, et l’écoutant devant, ou au cœur d’un vaste chantier de construction/déconstruction nomade, de bricolages et d’hypothèses sonifères, de rencontres et de collaborations rhizomatiques…

Pensons un espace polymorphe, mobile, contextuel, changeant, hybridant, donnant accès à des points d’ouïe plus hétérosoniques les uns que les autres, à des espaces auriculaires toujours en mouvement, donc d’autant plus surprenants, si ce n’est inouïs.

Ici, l’EPI sera banc, abri-bus, table de camping….
Là il sera cabane, affut, amphithéâtre, studio, salle de classe, forêt, salon chez l’habitant…
Ailleurs il sera espace sémiotique, signalétique, parcours, propositions graphiques, sentier nomade…
Ou bien encore rêve, utopie, espace-temps d’un imaginaire tout à la fois fugace et tenace, résistant, militant, déviant, construisant, résiliant…

Souvent, il sera hybride, s’essayant dans différentes postures, situations, visitant des espaces non forcément qualifiés, assumant sa fragilité et ses tâtonnements face à la complexité du monde.

Il naîtra et se développera au gré d’interactions hybrides, issues de rencontres entre artistes – créateurs sonores, musiciens, plasticiens, cinéastes/vidéastes, écrivains, danseurs – philosophes, chercheurs, paysagistes et urbanistes, politiques, et qui plus est d’une bande d’écoutants soucieux de leurs territoires de vie.

Il sera modelé au fil de gestes collectifs situés, relationnels, sensibles, de situations à géométrie variable,

Il ne sera pas forcément calculé d’avance, figé dans des protocoles immuables, gravés dans le marbre du sonore, mais, tantôt constructions matérielles, tangibles, fonctionnelles, tantôt objet immatériel, pensée mouvante, et souvent situé aux frontières, aux interstices, aux recouvrements des deux.

L’Écoutoir sera un terrain de l’expérientiel où de multiples pratiques et savoir-faire mettront en commun leur énergie, leur désir de faire ensemble un pas de coté, de tisser une écoute féconde, respectueuse bien que pouvant être un brin effrontée, voire irrévérencieuse.

Il expérimentera sans relâche, construisant ses propres outils open source, laissant ouvert tout un champ de possibles, agissant dans des espaces délaissés, non maitrisés, peu planifiés ou définis, sans ignorer pour autant les cadres très contraints, ceux où on puisse chercher des marges de jeu émancipatrices.

Il se développera sur des substrats universitaires, artistiques, sociaux, artisanaux, industriels, économiques, philosophiques, de préférence de façon la plus décloisonnée que possible.

Il sera dedans/dehors, aux seuils et aux frontières, aux lisières, aux entre-deux géographiques et symboliques, aussi bien que dans des lieux laboratoires hétérotopiques, des ZAT ou TAZ, jardins planétaires, Tiers Espaces, ZEP (Zone d’écoute Prioritaire, ou Potentielle).

Il s’inventera des langages, se construira des corpus singuliers, se diffusera via des récits pétris de créolisation bienveillante.

Il se développera dans l’espace public comme dans les sphères du privé, de l’intime, de l’inter-générationnel, en oasis d’accueil et d’interactions respectueuses, humanistes, non invasives, non intrusives, le plus inclusives que possible.

Il sera tout à la fois miroir sonore, reflet, résonance, et lieu de modélisation, d’anticipation, d’utopies partageables, par et pour tout un chacun.

Il sera poétique, écologique, politique, et fera en sorte que les uns n’aillent pas sans les autres.

Il laissera place à l’affect, l’émotion, à l’immersion généreuse.

Il sera tout à la fois Faire et Penser, Agir et Imaginer, Construire et Rêver, sans hiérarchisation aucune.

Il sera ce que l’écoutant activiste en fera, aux croisements de chemins multiples, aussi décloisonnants que possible.

Il se tiendra à un croisement où arts numériques, inter-médiatiques, acousmatiques, acoustiques, testeront des outils transmedia, pour relier différents archipels de recherche-création où l’écoute à son mot à dire.

Il ne reste plus, à cet Écoutoir Potentiel Imaginaire, que de s’incarner, de prendre chair, corps, ici ou là, pour quelques heures, jours, ou mois, dans des écoles, universités, municipalités, centres d’arts et de culture, fermes, industries, ateliers, chemins de campagnes ou périphériques, prisons et hôpitaux, laboratoires et tiers-lieux, et partout où l’oreille trouvera du grain à moudre pour un projet auriculaire, partagé, toujours en chantier.

PS : Cette action s’inscrit dans le projet global Desartsonnants, mettant en avant des lectures, écritures et pratiques croisées de paysages sonores, avec des approches tout à la fois esthétiques, écologiques et sociétales.

Elle est aussi inspirée par les travaux de la chercheuse Myriam Suchet autour de l’indiscipline.

Points d’ouïe et oasis sonores lyonnais

Place Bellevue – Lyon 4e – Point d’ouïe panoramique remarquable

Je travaille actuellement autour d’espaces que l’on pourrait qualifier « d’oasis sonores », généralement en milieu urbain, mais pas forcément.

 L’oasis sonore c’est, pour moi, un lieu ou une zone calme, acoustiquement intéressant, où l’on peut faire une pause, se délasser, parler sans élever la voix, écouter (de belles choses) sans tendre l’oreille; un espace ni saturé ni paupérisé, bref, où l’on peut bien s’entendre, dans tous les sens, ou l’essence du terme… 

Ayant mon camp de base à Lyon, j’expérimente pour l’instant ce type d’espaces dans cette ville, mais également lors de déplacements, ici ou là. 

Cet article écrit à titre d’exemple, s’appuyant donc géographiquement sur la seule ville de Lyon, non pas qu’elle ait l’apanage de posséder ce genre de lieux, mais qu’il m’y est plus facile de débuter une forme de recensement, à titre d’expérience de terrain. 

Je vous livre donc ici, non pas une méthodologie, elle est en chantier, mais une série de coups de cœur, issus de “coups d’oreilles”, d’expériences sensibles plutôt instinctives. Ces dernières étant néanmoins appuyées sur mes nombreuses balades et errances urbaines, oreilles aux aguets.

Ces exemples, brièvement commentés, et ce de façon très personnelle, ne sont donc pas, tant s’en faut, exhaustifs. Ils peuvent appuyer, ou être irrigués par un travail de terrain servant d’appui à des expériences, des installations d’écoute, projets éducatifs, des écritures audio-paysagèress, des inventaires, inaugurations et autres festivités collectives, aménagements…  

Traboules et cours intérieures

Commençons par un type de lieux emblématiques à Lyon, les traboules, notamment celles des pentes de la Croix-Rousse, quartiers des canuts, et celles des cours intérieures Renaissance, situées dans le Vieux Lyon, rue Saint-Jean et avoisinantes.

Il ne faut pas hésiter à pousser des portes, qui cachent souvent de petites perles acoustiques, et visuelles, de vrais oasis sonores.

Des espaces acoustiquement privilégiés, refermés, à l’abri des zones circulantes pour ce qui est des pentes. Des acoustiques minérales, réverbérantes à souhait. Des séries de passages ouverts/fermés, de couloirs en escaliers, de courettes en passages couverts, avec une énorme variétés d’ambiances, des porosités dedans dehors, intimes extimes en été, fenêtres ouvertes… Mille petites histoires pour l’oreille séduite. 

Essayer de descendre, ou de monter pour les plus courageux.ses, la célèbre Cour des Voraces, et prenez le temps de l’écouter lentement, attentivement, de faire des poses sur les  différentes terrasses, de vous poster dans les escaliers, de naviguer dans les espaces, d’y lire un texte à haute voix… Il m’est arrivé de passer plusieurs heures, avec des groupes, dans ce seul espace, moments magiques !

un conseil toutefois, si vous les parcourez en groupe, veillez à respecter la quiétude des lieux et la tranquillité de leurs résidents, ce qui n’est hélas pas toujours le cas et à malheureusement conduit à la privatisation de certains lieux aujourd’hui devenus inaccessibles.

Voir les guides et listes

Cloîtres et églises

Autres types de lieux que j’adore, les cloîtres et les églises.

Lyon ayant un passé historique où l’église, depuis longtemps déjà, tient une place des plus importantes dans le pouvoir ecclésiastiques, beaucoup de quartiers possèdent des cloîtres, certains intacts d’autres non.

Citons par exemple la cour intérieure du jardin des Beaux-Arts, Palais Saint-Pierre place des terreaux, petit bijou de calme que les lyonnais adorent en été pour grignoter tranquillement, à tel point que les places assises s’y font chères à midi, autour du glougloutement de la fontaine et des oiseaux qui piaillent à qui mieux mieux.D’autres sont superbes, mais hélas, entre le sécuritaire et le sanitaire, de moins en moins accessibles; ceux par exemple des Augustins à l’ancienne Martinière Terreaux, du CNSMD, avec ses jardins en terrasses… Notons, à l’extrémité de la rue de la Vieille,

dans le 1er, le cloître, ou Clos Saint-Benoît, surprenant lieux qu’il faut dénicher au bout d’un parking intérieur dissimulé dans un recoin urbain.

Côté églises, ou cathédrales, basilique, il n’y a que l’embarras du choix. petites et intimes ou monumentales, ce sont des lieux où en dehors de toute considération religieuse, j’aime me ressourcer l’oreilles dans la quiétude de ses épais murs et de toutes ses micros sonorités joliment réverbérées. Quand l’acoustique n’est pas saccagée par une Muzac religieuse nous pourrissant l’écoute de chants grégoriens et autres polyphonies envahissantes.

De la majestueuse cathédrale Saint-Jean à la basilique romane Saint-Martin d’Ainay, en passant par la basilique Saint-Bonaventure, l’église Saint Polycarpe, Fourvière (dont sa crypte) et autres édifices plus modestes, la collection et la diversité  de réverbérations apaisées est à même de satisfaire et de réjouir l’oreille la plus exigeante et gourmande. Des espaces de pauses lors de déambulations dans lesquels, là encore, il faut prendre le temps de l’écoute, de sentir l’âme bien sonnante de ces lieux souvent chargés d’histoire, histoire qui occulte parfois les subtilités des ambiances lumineuses sonores.

Amphithéâtres

Ville gallo-romaine, Lyon possède de beaux spécimens de théâtres antiques, à commencer par celui de Fourvière, dit théâtre antique, le plus connu et majestueux, mais aussi celui, en contrebas de la colline de la Croix-rousse, celui des Trois Gaules. Du haut de ces édifices gradinés, les fameuses acoustiques, en points d’ouïe panoramiques, montrent la maîtrise des constructeurs de l’époque, plaçant ces lieux de représentation sur des pentes déjà théâtres naturels et les aménageant de façon optimale, tant pour la vue que pour l’écoute. A tester immanquablement. 

Cimetières

Autre lieu de calme auquel que l’on ne pense pas souvent à visiter par l’oreille, et pourtant, les cimetières. Les parisiens, ou touristes, penseront immanquablement aux belles ambiance du père Lachaise à Paris, que j’adore traverser en automne, l’âme vagabonde et romantique… À Lyon, c’est celui de la Loyasse, ancien cimetière aux nombreuses tombes monumentales, perché sur les hauteurs de Fourvière, que j’aime traverser comme un vaste îlot de calme apaisant.

Places et placettes

Pour revenir vers le monde des vivants, même si Foucault qualifie les cimetières de lieux hétérotopiques – monde des morts construits et gérés par des vivants, je parlerai ici des places et placettes lyonnaises, plus ou moins vastes et conviviales du reste. j’avoue, niveau qualité d’écoute, très largement préférer les placettes, plus retirées, intimes, et souvent socialement plus vivables et habitées. Les grands espaces que l’on traverse sans forcément les vivre, places monumentales de représentations du pouvoir, Bellecour, les Terreaux, ne sont pas forcément, voire loin de là, des exemples d’aménagements apaisés et conviviaux. Par contre des places aux dimensions plus resserrées, plus intimes, telle la place Sathonay, à deux pas des Terreaux, enclavée hors des grandes voies circulantes, ombragée et bien équipée en bancs publics, avec son sol sablé accueillant jeux d’enfants et pétanqueurs, reste un modèle de lieux vivants, où il fait bon se poser.

De même, plus haut dans les pentes croix-roussiennes, au pied du Gros caillou, la Place Bellevue offre un magnifique panoramique urbain, pour saisir la rumeur de la ville, ses émergences, et toutes les sonorités des passants et passantes devisant sur la pelouse et en contrebas.

J’adore aussi les squares en cœur d’îlots, enfermés de bâtiments formant de grands carrés arborés, avec souvent des bancs, objets/points d’écoute privilégiés pour moi, d’où l’on échappe aux grandes rues alentours pour retrouver une ambiance acoustique très favorable à l’échange, à la rencontre; on en trouve de magnifiques, tant quartiers de la guillotières que dans les gratte-ciel villeurbannais.

Pour les repérer, car les entrées sont souvent, volontairement, discrètes, il suffit d’utiliser une carte urbaine en ligne, qui les dessine très visiblement, et de vérifier sur le terrain lesquelles sont accessibles au public, parfois traversantes d’une rue à l’autre.

Grands parcs et petits squares

En périphérie ou en centre ville, on trouve de grands parcs historiques. Celui de la Tête d’Or à lyon étant, de par sa taille et la qualité, l’esthétique  de ces espaces, un des plus remarquables. et lyonnais et touristes ne s’y trompent pas en allant s’y promener, ou s’étendre régulièrement. de superbes ambiances sonores, spécifiques à chaque partie du site s’y font entendre, et j’y ai guidé nombre de PAS-Parcours Audio sensibles.

Celui du Vallon, montant du haut de Vaise (9e) jusqu’à la colline de la Duchère, permet notamment, grâce à une astucieuse installation acoustique, de plonger l’écoute jusqu’au ruisseau enfoui.

Celui de la Feyssine, longeant le Rhône est également très prisé, de même que l’immense Grand Parc de Miribel Jonage, vaste réservoir d’eau périurbain, propice à de nombreuses explorations, oreilles aux aguets.

Mention spéciale pour un square que j’adore, et dans lequel j’y emmène régulièrement des oreilles promenantes, le jardin dalle Rozier, dans la rue éponyme, sur les pentes de la Croix-Rousse. Il faut franchir un petit portillon discret, ressemblant à l’entrée du parking attenant, gravir quelques marches, traverser un premier jardinet, puis, modèle traboule contemporaine, arriver à un espace clos, entouré de bancs et de végétation, avec un sol en caillebotis très agréable à fouler. Les rumeurs de la ville nous arrivent très filtrées, mêlées aux sons ambiants des cages d’escalier et fenêtres ouvertes voisines, une douce mélodie dans un espace privilégié.

Autre coup de cœur, le Parc Sutter, dont les entrées sont vraiment plus que discrètes pour qui ne les connaît pas. Un vaste parc très arboré, très pentu, sorte d’amphithéâtre de verdure, avec une crèche tout en bas. Du haut, un point d’ouïe absolument remarquable, où tous les sons trouvent leur place dans un espace acoustique ciselé. A consommer sans modération.

Il se trame ainsi des liaisons vertes, où le confort et la qualité d’écoute sont généralement au rendez-vous.

Underground

Passages underground. Les parkings souterrains, pour beaucoup lieux anxiogènes, règne de la voiture, sont a priori à l’opposé des oasis sonores dont il est ici question. et pourtant je les adore de l’oreille, avec leurs réverbérations cahédralesques, surtout au tout dernier niveau, qui souvent n’est que très peu occupé et circulé. Deux ont ma préférence; celui du parking des Célestins, avec l’incroyable œuvre kaléidoscopique de Daniel Buren “Sans dessus dessous” mettant en valeur l’immense spirale du parking; et des sons tournoyants, sans être, du bas, jamais, ou très rarement envahissants. Un point d’ouïe et de vue spectaculaire ! L’autre étant celui de l’Hôtel-de-ville à villeurbanne, toujours immense fosse spiralée où à l’étage inférieur, un long poème “Le regret des oiseaux” de Philippe Favier, se déroule vers le haut.  D’autres espaces souterrains sont très intéressants de par leur dépaysement acoustique et visuel, tels les souterrains du fort de Vaise dans le 9e ou les fameuses arêtes de poisson des pentes de la croix rousse, mais uniquement en mode visite patrimoniale pour les premiers, et urbex sauvage pour les secondes.

Coulées, trames vertes, bleues, noires, blanches

Entre autres grandes coulées ou trames urbaines, le réaménagement des quais du Rhône, puis de ceux de la Saône ont ouvert de nouvelles promenades en bas-quais, souvent isolées des voies sur berges, dans des passages en talus gommant l’essentiel de la rumeur automobile.

Notons que ces trames sont qualifiées de vertes pour des corridors écologiques végétalisés, bleues pour celles suivant les cours d’eau, noires pour les espaces préservés de trop de pollution lumineuse, et blanches en ce qui concerne les espaces non pollués par le bruit. Certains aménagements s’inscrivent donc dans ces grandes trames écologiques favorisant la biodiversité. L’une d’elle permet de traverser une grande partie de Lyon sur l’axe nord-sud (ou inversement), de Gerland au Grand Parc de Miribel Jonage, avec une diversité de paysages, y compris sonores très riche.

D’autres longues coulées cheminantes, souvent suivant d’anciennes voies de chemins de fer, permettent de beaux parcours piétons. Citons la Voie verte de Caluire et Cuire, inscrite dans un sentier de plus de 10 kilomètres reliant la Confluence à l’Ile Barbe, ou celle de Champvert (5e arrondissement vers Tassin la demi-lune). Toutes nous offrent points de vue et points d’ouïe dépaysants, dévoiturés, dans Lyon ou sa proche périphérie. 

Remarques éc(h)ologiques

Concernant les trames ou coulées, corridors écologiques notons celles dites bleues, cours d’eau, vertes, végétales, noires, espaces nocturnes protégés de pollution lumineuse et, petites dernières, blanches, espaces protégés de la pollution sonore.

Notons aussi la directive européenne(2002/49/CE) préconisant des zones calmes dans l’aménagement du territoire, directive non contraignante donc au peu (re)connue ou suivie d’effets.

Notons également la récente recension des îlots de fraîcheur, suite à l’augmentation des niveaux de températures dans les espaces urbains, ces derniers se superposant souvent à des oasis acoustiques, parcs, îlots ombragés et espaces piétonniers en voies douces notamment. Il serait d’ailleurs intéressant de coupler le repérage, la mise en place, voire l’aménagement de ces îlots de façon complémentaire, comme des  espaces de confort acoustique-température, ce qui n’est pas réalisé à ce jour.  

On pourra s’inspirer des fascicules édités par le Grand Lyon la Métropole sur des sentiers de randonnées urbaines et périurbaines, parcs, pour découvrir d’autres sites acoustiques remarquables.

Les exemples cités ici ne représentent qu’une petite partie de potentiels oasis, qui peuvent du reste, d’un moment à l’autre de la journée ou de la nuit, au fil des saisons et des aménagements, voir leurs qualités acoustiques évoluer, en bien ou en mal. Chacun et chacune peuvent donc se faire leurs propres réserves de lieux ressources où l’oreille, et tout le corps, y trouveront leurs compte, voire peuvent  contribuer à faire connaître leurs espaces de prédilection, à enrichir ce début d’inventaire, à proposer des visites écoutantes…

desartsonnants@gmail.com

Cet article est inspiré tout à la fois par l’idée esthétique des paysages sonores, ceux à contempler, découvrir, partager, vivre, préserver, par la militance pour un confort auditif, une qualité de vie préservée  et la résistance contre un envahissement sonore dont chacun porte une part de responsabilité. Sans oublier l’espoir sociétal de vivre en bonne harmonie, en sachant s’entendre du mieux que possible avec notre ville et ses habitants et usagers.

C’est un vœu récurrent, voire omniprésent dans mon travail au quotidien, mais “Vingt fois sur le métier », il nous faut remettre notre ouvrage, et ici mes oreilles !

Point d’ouïe, écoutez/voir, voire écoutez

Cour des voraces à Lyon, Point d’ouïe théâtre de superbes écoutes

Dans certaines circonstances, écouter en fermant les yeux peut favoriser une prise de conscience de la diversité et de la spatialisation des sons environnants, et aider ainsi à s’immerger plus profondément dans un espace acoustique sans cesse changeant dans ses multiples plans et sources sonores.
Néanmoins, au travers des expériences faites durant moult balades sonores, la vue et l’ouïe (sans compter l’odorat), forment sensoriellement une bien belle équipe ! l’un jouant vis à vis de l’autre le rôle d’un exhausteur sensoriel. Le regard, loin de prendre systématiquement le pas sur l’audition, si toutefois celle ci a été placée sciemment au premier plan par une mise en condition adéquat, renforce incontestablement l’image sonore, en lui offrant souvent de magnifiques cadres d’écoute, ou en créant des atmosphères propices à la perception d’une incroyable poésie des lieux.

Quelques lieux propices à des contemplations sono-visuelles

– Une tombée de nuit hivernale à Auch, subtiles lumières blanches, bleues, dorées, des pas résonnants dans une rue piétonne, une grue chantante sur le haut de la ville, la rumeur du bas, vers la plaine du Gers, une incroyable résonance de cour intérieure, dans une pénombre doucement grandissante. Passage de la clarté vers une obscurité crescendo où les sons emboîtent le pas dans leur propre atténuation…

– Nantes, une fin d’après-midi estivale, un groupe d’écoutants, blottis contre un portail de garage, au fond d’un évasement formant visuellement un véritable pavillon en mêmes temps qu’un cadre guidant l’écoute vers des lointains peuplés de moult sonorités, aussi paradoxalement diffuses qu’identifiables.

– Neerpelt, Belgique, un parc d’installations sonores en bordure de nuit, une allée très étroite, bordée de hautes et épaisses haies de lauriers très touffues, des sons multiples, faune avicole encore présente, à la fois discrète, et prégnante, entendus sans que l’on puisse précisément en deviner précisément l’origine, posture acousmatique par excellence. Une sorte de longue dune centrale, arrête saillante coupant le parc en deux, vient au contraire dégager notre écoute vers des lointains où sons urbains se mêlent aux activités sportives plus proches et à celles de certaines installations sonores.

– Vienne, Autriche, un après-midi d’été, sous un immense dôme au centre de la vieille ville historique. Des sons traversant de part et d’autres cet édifice imposant, rebondissants amplifiés par des réverbérations cathédrales qui nous poussent à tester vocalement l’acoustique du site. Une expérience d’écoute urbaine où la masse architecturale formant le décor est en parfait accord avec l’ambiance auriculaire expansive.

– Madagascar, Tananarive, quartier d’Anakelele, plein centre ville, fin d’après-midi, une belle et chaude journée d’hiver (tropical). Un immense escalier descendant d’une colline, et remontant sur une autre en vis à vis. Dans l’escalier, une foule de marchands, de promeneurs, de passants. Au bas, un gigantesque et tentaculaire marché à ciel ouvert et dans des allées couvertes, le tout bruyamment coloré.
Une percée, une perspective visuelle et auditive fascinante, une traversée toute en lumières, en sons en couleurs, en odeurs !

– Chalon-sur-Saône, un matin hivernale ensoleillé, sous un kiosque à musique. Posture visuelle panoramique, sons extérieurs à 360°, sons intérieurs curieusement amplifiés et colorés par la focale du toit dôme.
Mixe des deux ambiances intérieur/extérieur surprenant et magique. Expérience similaire, vécue sous le kiosque à musique de la place Pinel à Toulouse.

– Villeurbanne, sur le toit Terrasse de la colossale mairie venant barrer l’emblématique quartier des Gratte-Ciel, dans une architecture post stalinienne. Temps ensoleillé, et belle lumière hivernale. D’incroyables perspectives visuelles quasi aériennes, le centre ville à nos pieds. Une douce rumeur de laquelle se détachent de multiples sons de voix, musiques du marché de Noël, voitures (non envahissantes). Un exemple archétype d’équilibre son/image, de la proximité au lointain, d’un surplombant où les sons montent sereinement vers nous.

– Villeurbanne encore. Niveau – 7 d’un parking souterrain. Aucunes voitures à cet étage ce jour là. Grondement des ventilations. Incroyables résonances de chaque sources sonores s’enroulant autour d’une immense rampe hélicoïdale bétonnée. Une pénombre minérale qui renforce cette ambiance véritablement underground.

– Orléans un jour pluvieux et très fraîchement humide. La Loire en crue sauvage gronde ! Des bancs la surplombant nous offrent un point de vue-point d’écoute où le fort courant des eaux plaque sur les quais un continuum sonore impressionnant. La lumière comme l’eau est grise et vibrante. Rarement je n’aurais entendu grogner si fort un fleuve sous un ciel d’un gris sourd et menaçant. Paysage d’un Pays de Loire souvent assez serein, mais ici tourmenté entre nuages, pluies et eaux tumultueuses.

– Mons, Belgique, une belle nuit de début d’automne. Un banc surmontant la ville, au pied d’un imposant et beffroi qui carillonne régulièrement, rythmant l’espace de ses nombreuses mélodies tintinnabulantes. Nous somme à une croisée de quatre routes étroites, pavées, minérales à souhait, qui dévalent toutes vers le bas de la ville. Point stratégique où l’œil comme l’oreille sont à la fête et perçoivent distinctement les plans et les flux sonores comme dans un véritable théâtre acoustique où l’oreille est à la fête.

– Lyon, dans l’une des plus célèbres traboules du Quartier de la Croix-rousse, la Cour des Voraces.
Un escalier monumental ponctué de plusieurs paliers terrasses et fermé d’un autre escalier couvert, grimpant en « Z » à flanc d’une imposante façade. Un ensemble architectural remarquable de l’habitat « Canuts ». Des points se vue qui n’ont d’égaux que les écoutes associées. Portes, pas, voix, échappées sur la rue, grincements, musiques et tranches de vie quotidienne distillées par les fenêtres ouvertes forment une composition plutôt douce et équilibrée. Telles certaines cathédrales, la majesté du lieu semble inviter à un certain respect, y compris dans la modération de ses propres productions sonores.

  • Sousse, en hiver, nuit tombée, ville encore sous couvre-feu, ville déserte, la mer en toile de fond, vaguement éclairée d’une lune blafarde, et un grand vent qui la secoue, fait mugir ses crêtes contrariées…
  • Kerouan, au cœur de la Médina historique, de ses bleus ensoleillés, de ses dédales marchands, quartier des tisserands, ça claque gaiment en rythmes bien ordonnés; et puis l’appel à la prière, les minarets qui se répondent; d’une bâtisse close de murs éclatants, via une porte grillagée, des lectures coraniques psalmodiantes, et des oiseaux qui chantent, en contrepoint, plus fort que jamais ! Magique !
  • Kaliningrad nuit tombante, une Trabant déboule d’un porche, puis remontent à vive allure l’avenue principales dans un bruit apocalyptique. Sidération !

Cette liste est bien évidement non exhaustive tant ce genre de confrontations synesthésiques peut se trouver, souvent de façon tout à fait inattendue, au détour d’une place, d’une rue, d’un instant privilégié dont il faut saisir l’opportunité.

Article écrit pour une publication de 2013, complété de quelques expériences plus récentes.

Zone Libre, points d’ouïe et histoires-traces bastiaises

According the World, Murray Schafer

Lorsque je reviens d’un séjour Desartsonnants, forcément sonore, j’ai dans la tête, en mémoire, mille souvenirs de rencontres, de beaux moments d’écoute, en concerts, performances, installations, ambiances urbaines… des choses que j’aime conserver, triturer, partager… Faire chanter les lieux…

Ce qui est le cas aujourd’hui, de retour de mon récent séjour au festival Zone Libre à Bastia.

Retrouvailles corses (de paysages comme de gens), découvertes, échanges, écoutes et promenades auriculaires, prises de sons, une semaine riche à tous points de vue (et d’ouïe).

J’ai donc envie, comme de coutume, de partager tout cela, via les sons glanés sur place, d’écrire une petite pièce, carte postale sonore personnelle, qui tentera de convoquer des sonorités, ambiances, capturées et mixées à ma façon. Une fiction qui rassemble ce qui ne va pas de soi, et pourtant me parait fidèle à ma petite histoire.

Ceci n’est pas une réalité acoustique, tant s’en faut, ceci est un paysage, sonore qui plus est !

Une musique bastiaise au fil des rues, pour qui sait l’entendre.

Avec la participation, et j’espère ne pas en oublier, de : Thibaut Drouillon, Hélène Blondel, un pianiste invisible et anonyme devant Una volta, une fontaine, des bateaux pétaradants et des passerelles grinçantes, des publics, la cloche de Saint-Marie, des passants, leur voix et leurs talons, les ouvriers de la place du musée et leurs incroyables poulies chantantes, Marc Veyrat et des élèves bastiais, Philippe Franck, Tommy Lawson, Roberto Paci dalo, La mer, Jean-Daniel Bécache, la ville de Bastia toute bruissonnante…

En écoute – According Bastia

Pour une fois j’y ai pensé, et elles étaient bien là !

Elles étaient bien là, mais qui donc ?
Et bien celles que j’entends sonner et hululer depuis chez moi, en me disant que je les ai encore ratées.
Mais pas ce matin, j’avais, une fois n’est as coutume, agrafé un pense-bête bien en vue.
Donc j’étais là, à la bonne heure et au bon endroit pour les cueillir, les accueillir, micros et oreilles tendues.
Les sirènes du toit d’un théâtre voisin, les cloches perchées sur le clocher tout proche, et à leurs pieds, les voix du marché.
La sirène, c’est ponctuel et bien marqué dans l’espace temps, une fois par mois, à midi sonnante, les premiers mercredis du mois.
De grandes glissades trouant l’espace en alerte. Crescendo, decrescendo.
Des images surgissantes de catastrophes et de dangers, pour certains, des réminiscences de guerre, surtout dans ce quartier dont le centre fut presque entièrement rasé lors d’un bombardement, église comprise !
Des sirènes qui viennent judicieusement alimenter un travail en chantier autour… des sirènes, entre mythes et objets tonitruants. Ce n’est pas anodin.
Et puis les cloches, qui prennent le relai à midi passé de quelques minutes, prenant soin de ne pas emmêler les signaux, de laisser de l’espace pour chaque son, de préserver une lisibilité en évitant une polyphonie trop confuse.
Dans la réalité en tous cas.
Dans l’écriture, j’en jouerai, en variation contrapuntique improbable.
Car l’écriture n’est pas le terrain, c’est plutôt, dans la cas qui nous concerne, son empaysagement auriculaire.
Et puis il y a les voix. Les voix-ci les voix là.
Celles, habituelles pour le résident que je suis, du marché du mercredi matin. Des timbres et intonations dont je reconnais de loin les vendeurs à la verve chantante, à la gouaille sympathique.
Comme un fond, un tapis, déployé à même le sol pour accueillir les émergences venues du ciel, dirait l’ami Michel Risse, ou en tous cas d’un peu plus haut. Cloches et sirènes perchées en l’occurrence.
Chaque source possède sa propre ponctualité.
Chaque source possède sa propre territorialité, sa spatialité, même si, acoustique oblige, ces espaces sonores se fondent, s’entremêlent, se jouent du territoire de l’autre, multiphonique.
Pour ce qui est de l’apparition temporelle, il s’agit des mercredi, jeudis et dimanches pour les voix du marché, de chaque midi matin et soir pour mesdames les cloches, en tous cas pour les volées d’Angelus, et de chaque premier mercredi du mois à midi même pour les sirènes.
Et c’est là, à cette date et heure, notamment aujourd’hui premier mercredi du mois à midi, que la conjonction se fait entre ces événements sonores. C’est là que s’opère un croisement dialogué qui se déploie sur la place; une histoire de quartier, celle que l’on veut bien entendre, ou se raconter.
C’est donc là où j’ai attendu, micros en mains, sous un petit vent frisquet, que cloches, voix et sirènes, soient au rendez-vous pour composer une scènette sonore, que je m’empresserai de réécrire à ma façon.
Situation qui me donne envie d’être dans d’autres lieux, d’autres premiers mercredis du mois à midi, vers d’autres églises et d’autres sirènes, et peut-être marchés, pour réitérer l’expérience, autrement n’en doutons pas. Points d’ouïe en variations paysagères pour voix cloches et sirènes…

Point d’ouïe sociétal

Ces derniers soirs, il fait froid et humide, j’ai donc migré, pour mes stations « bancs d’écoute, et d’autres choses », dans la gare de Lyon Vaise. Je m’y assois,lis, rêvasse, regarde, et bien entendu écoute… Un groupe de jeunes vient me parler. De la « Cité du haut ». Ils emploient sciemment un « dialecte cité » haut en couleurs dont je ne maitrise pas du tous les codes, tant s’en faut; ils m’intérrogent, me provoquent, verbalement. Je les écoute, leurs réponds. Je ne comprends pas toutes leurs colères mais ne les juge pas, les écoute, avec une certaine forme d’empathie non moralistrice. Je ne suis pas médiateur, ni psy… Simplement, je sens qu’ils ne sont pas ou guère entendus, en tous cas hors des espaces cadrés, et que leurs attitudes provocantes les marginalisent un peu plus dans l’espace public. Pas de réponse à cela. Juste un peu sonné.

Puis arrive un couple d’étudiants. Ils sont véritablement atterrés, bouleversés, angoissés, par la crise sanitaire qui n’en finit pas de contraindre, d’altérer, très lourdement leurs études, leurs vies, et sans doute leur avenir. Nous n’avons aucun contact, aucun échange, même pas un regard. Je suis simplement un écouteur anonyme, invisible, qui prend un peu plus conscience à quel point le paysage sonore ambiant nous révèle la belle et terrible fragilité du monde. Monde qui se déploie, pour le meilleur et pour le pire, à qui veut bien l’écouter. C’est à la fois très beau et très pesant.

Tourzel, fin de résidence, réminiscences et extensions

@photo, France Le Gall « Danser l’Espace – Sous les pommiers ba « 

De retour depuis un peu plus d’une semaine à Lyon.

Je me suis arraché, non sans quelques regrets je l’avoue, au cocon fécond de la roulotte sous les pommiers, havre de paix propice à l’écoute, à l’écriture, à la cogitation de parcours et gestes d’écoute.

Arraché à cette belle région auvergnate où les villages, des vallées, des sites en pics basaltiques perchés, offrent mille points d’ouïe, dont certains explorés, joués, transposés, seul ou à plusieurs, durant la résidence.

Aujourd’hui, des sons comme des images courent dans ma mémoire, surtout lorsque je travaille à organiser les traces de mon séjour, en chantier d’écriture, en sons, images et textes.

Il me faut encore laisser décanter, murir tout cela. 

Quelques saillances se font jour, se précisent, se prêtent à de nouvelles interrogations.

Installer l’écoute, et par la même des points d’ouïe, titre/objectif de ma résidence, reste bien entendu un fil rouge, élément clé. Cette petite phrase qui pose la question du comment faire, en fonction du lieu, du contexte, des espaces visités, des personnes croisées, de la reconstruction a posteriori…

Selon les jours, les espaces, les choses tentées lors de PAS – Parcours Audio Sensibles en groupe, et en solo, les expériences  furent riches et variées, des réflexions se creusant sur le statut des objets écoutés, la façon de les mettre en écoute, corporellement, de les tracer, de les historier…

Un regret néanmoins, que nous partageons avec mon hôte, la difficulté de rencontrer, d’échanger, de faire vraiment avec les gens du village, de recueillir leurs ressentis, écoutes, petites et grandes histoires des lieux…

La trace, ou plutôt les traces sont un maillon clé, celles qui restent en mémoire, qui servent et serviront à réécrire, à partager des histoires, autant pour ceux/celles qui les ont vécues que vers ceux/celles qui les vivront par procuration, par le récit tissé après coup; les traces sont au centre de cette résidence, comme souvent. 

Les PAS-Parcours Audio Sensibles restent ainsi une expérience esthétique active, qui sous-tendent l’écoute, de laquelle émergent un ou des paysages sonores.

Dans l’inspiration de Perec, l’expérience de l’Infra-ordinaire, ici de l’Infra-auriculaire, agit comme un ensemble de stimuli nous connectant à des espaces inouïs car trop souvent in-entendus ou non-entendus dans leur triviale quotidienneté. 

Inouïs aussi parce que jamais l’expérience d’écoute vécue à un instant T  ne se renouvellera à l’identique.

L’expérience corporelle, physique, audio-immersive, celle du corps interfacé aux milieux traversés, lesquels nous traversent réciproquement sensoriellement, sont vécues sans autre formes de dispositifs-prothèses augmentants. Le corps se place ici comme unique récepteur/émetteur, interagissant, prenant conscience de ses proprioceptions, rayonnant, jouant, performant les espaces ambiants…

Expérience de la trace, mémorielle, physique, kinesthésique…

Mais aussi de la trace objet, au sens large,(re)construite de sons, d’images, de mots, et autres hybridations, transmédialités, transmises via des écritures plurielles, post-terrain, comme des récits à partager.

Expérience hybridante donc, entre arts sonores, environnementaux, relationnels, contextuels…

Expérience contextuelle à revivre chaque fois différemment dans de nouvelles résidences, ici où là, partout où le monde sonne à nos oreilles. Et en terme de problématiques comme de géographie,                                                                                     le champ est large ! 

Résidence d’écriture(s) audio-paysagère(s) « Installer l’écoute – Points d’ouie » à Tourzel Ronzières, Puy de Dôme, accueillie par « Danser l’espace – Sous les pommiers ba » , soutenue la DRAC Auvergne Rhône-Alpes

Pic de Brionnet, quelque chose qui cloche !

Pour suivre ma pérégrination sonore

le projet d’installer l’écoute

dans l’immersion des volcans d’Auvergne

un pic escarpé

adossé à une formation verticale d’orgues basaltiques

coiffé d’une chapelle romane

qui scrute le paysage à 360°

un paysage volcanique

de puys de sucs et de pics

de vallées encaissées

de rivières enchassées de verdure

les ombres d’un jour déclinant qui s’y jouent aujourd’hui

elles s’accrochent aux reliefs

s’étirent à flancs de coteaux

le soleil chauffe agréablement

pas un brin de vent

chose rare sur un pic émergeant à plus de 900 mètres

un temps où tout s’immobilise, ou presque

dans un calme accueillant

immersion quand tu nous tiens

des milliers d’insectes dessinent d’improbables ballets

dans une généreuse lumière du soir

un inouï espace de rêverie

des clarines au bas sonnent, lointaines

stéréophonie montagnarde entre mes deux oreilles, exactement

on reste, finalement assez longtemps, sans bouger ni parler

le paysage à nos pieds

et à nos yeux

jusqu’à de lointains horizons montagneux

et puis la chapelle

avec une cloche accrochée, à clocher

en haut de tout

et une corde pour la sonner

invitation

je me fait sonner la cloche

et elle sonne, tinte bien

vraiment bien

joliment bien

jusque dans ses résonances rémanences

du haut de son promontoire

elle nous invite à activer l’espace

à le faire vibrer à l’échelle du lieu

à l’imaginer plus ample, plus loin

elle invite à recomposer l’écoute

à l’imaginer autre, autrement,

ce que je ne manquerai de faire.

la dernière résonance éteinte

le lieu retrouve son presque rien

habité de mille bruissemements microsoniques.

En écoute
Album photos : https://photos.app.goo.gl/5bXDsbNXj63Jxk6u9

Résidence d’écriture(s) audio-paysagère(s) « Installer l’écoute – Points d’ouie » à Tourzel Ronzières, Puy de Dôme, accueillie par « Danser l’espace – Sous les pommiers ba » , soutenue la DRAC Auvergne Rhône-Alpes

Faire trace pour faire exister, pour tracer de nouveaux chemins

@photo France Le Gall – Danser l’espace – Sous les pommiers

Au neuvième jours de ma résidence audio-paysagère auvergnate « Installer l’écoute – Points d’ouïe », la matière sonore, visuelle, textuelle, commence à s’accumuler, à prendre corps, et surtout à progressivement faire sens.

Dans une démarche qui n’a en soi rien de très originale, j’applique ma petite méthodologie de terrain, en immersion, baigné, entouré de paysages aux vertes collines, de forêts multicolores, de rivières chantantes, de lumières automnales délicates, sans oublier les sonorités plutôt apaisées.

Et de quelques tracteurs grondants et ferraillants.

Se promener, arpenter, repérer

Écouter, donner à entendre, partager les points d’ouïe, les chemins d’écoute

Capter, cueillir, enregistrer des ambiances sonores de tous crins, écrire, photographier

Classer, trier, organiser, revisiter, construire les traces

Réécrire, recomposer, raconter…

@photo France Le Gall – Danser l’espace – Sous les pommiers

En espérant avoir saisi un peu de l’essence paysagère, du monde sensible in situ, et de les restituer à ma façon, pour ainsi de les partager à qui veut bien entendre.

L’écoute, tout comme le paysage sonore en résultant, étant pour le moins immatériels, fluctuants, fluants, les traces comme outils d’écritures plurielles tenteront de lui donner vie, incarnation sensible, consistance, a posteriori de l’action, et espérons-le dans un certain prolongement temporel.

Traces sonores

Le vécu, l’écoute in situ

Le souvenir, la rémanence

Le capté, l’enregistré

Le montage audionumérique, l’écriture, la création, la composition

La restitution, les installations, les supports de diffusion

Traces écrites

Carnets de notes, relevés, approches descriptives, phénoménologiques…

Essais poétiques, politiques, écologiques, sociaux…

Traces visuelles

La photo in situ, le croquis, la vidéo, le graphisme, la carte mentale, ou sensible…

@photo France Le Gall – Danser l’espace – Sous les pommiers
Fiche d’écoute PePaSon (Pédagogie au Paysage Sonore)
Traces plastiques

L’objet évocateur, sonnant, instrument, installé, interactif (éolien), le site aménagé (point d’ouïe acoustique)

Traces kinesthésiques

La marche, mouvement, danse…

Mémoire du corps, mémoire proprioceptive

Écritures corps et graphiques

Traces géographiques

Sentiers et parcours sensibles

Cartes, relevés

Expériences augmentées , virtuelles, in situ ou déterritorialisées 

Traces transmédiales

Installations multimédiatiques (sons/objets/graphismes/photos/vidéos/expériences corporelles/textes…)

Traces indisciplinaires, ou indisciplinarisées

Approches tracées, mêlant, croisant, faisant interagir différentes disciplines ou « spécialités » (arts, sciences dures et sociales, aménagement du territoire, santé, pédagogie, design, politique) 

Dans le meilleur des cas, on imagine un travail réunissant, sans doute encore un brin utopique, musiciens, artistes sonores, géographes, sociologues, architectes, urbanistes, designers, plasticiens, vidéastes, danseurs, écrivains, poètes (et autres écrivants), photographes, graphistes, acousticiens, paysagistes, politiques, soignants, habitants et promeneurs du quotidien, et bien d’autres champs d’actions/performances in situ.

Faisons en sorte que tous ces acteurs puissent co-écrire, via des expériences en chantier, un paysage sonore pluriel, multiple, comme il l’est du reste intrinsèquement.

@photo France Le Gall –Danser l’espace – Sous les pommiers

Dans cette visée, installer l’écoute est une chose pour moi importante, mais à condition de le faire dans un contexte donné, en privilégiant une approche relationnelle des plus ouvertes que possible.

Le croisement, l’hybridation, la créolisation de gestes, de savoir-faire, d’expériences, d’envies, est au cœur, toutes traces aidant, de l’écriture, et qui plus est de l’aménagement d’un territoire, avec toutes ses potentialités, ses faiblesses, et ses fragilités inérentes.

C’est dans cette optique que la construction avec et par les traces, par le ré-agencement d’objets sensibles, témoins, recueillis pour construire un processus narratif et constructif, prendra tout son sens.

Cependant, notons que sur le terrain, la tâche n’est pas si simple. Les barrières restent nombreuses, les freins multiples.

Entre contraintes financières, soucis de rentabilité à tout prix, manque de temps alloués, tendance à l’entre-soi culturel, incompréhension, plus ou moins volontaire, de la démarche, isolement et méfiance du monde rural, comme du milieu urbain, les obstacles, dont certains pas des moindres, contraignent les projets souvent dans des résultats en deçà de nos attentes et espérances.

Fort heureusement, certaines structures, institutions, lieux alternatifs, osent courir le risque de faire un pas de côté.

En espérant que cela fasse trace(s), et qui plus est trace de nouveaux chemins d’écoute, et d’actions en tous genres.

@photo France Le Gall – Danser l’espace – Sous les pommiers

@photo France Le Gall – Danser l’espace – Sous les pommiers

@photo France Le Gall – Danser l’espace – Sous les pommiers

Résidence d’écriture(s) audio-paysagère(s) « Installer l’écoute – Points d’ouie » à Tourzel Ronzières, Puy de Dôme, accueillie par « Danser l’espace – Sous les pommiers ba » , soutenue la DRAC Auvergne Rhône-Alpes

Eau-Sculptation

Fontaines de Tourzel @Desartsonnants

Celles et ceux qui ont l’habitude de suivre mes audio pérégrinations savent qu’il y a, dans mes écoutes et leurs mises en récits, en sons, des récurrences, des itérations, des repères quasi incontournables, marqueurs acoustiques indéniables des lieux arpentés.

L’eau fait incontestablement partie de ces éléments rémanents qui contribuent, par ses innombrables manières de fluer, de rythmer l’espace, à composer un paysage sonore, qu’il soit urbain, villageois, ou naturel.

De rivières en torrents, de cascades en fontaines, nous nous rafraîchissons l’oreille, tout en signant des ambiances spécifiques.

Ça tintinnabule

glougloutte

ruisselle

coule

chuinte

clapote

gronde

s’écoule

s’étale

fuit

déborde

masque

barbotte

plonge

abreuve

écume

se déverse

gargouille 

asperge

plique-ploque

gicle

s’égoutte

noie

éclabousse

pleut

bouillonne…

Ruisseau du Gripet – Tourzel @Desartsonnants

Une palette sonore aux mille nuances, intensités, fluences, des coulées  ou trame bleues, des points d’ouïe jalonnant l’espace…

A Tourzel Ronzières, qu’auscultent mes oreilles à ce jour, trois ou quatre fontaines/lavoirs, anciennes, de tailles imposantes, avec plusieurs bassins qui se déversent les uns dans les autres. Deux sont en activité.

Et en contrebas, le ruisseau du Gripet, qui chuinte joliment d’une eau courante serpentant entre une abondante végétation.

Tout cela rythme le village, irrigué de nombreuses sources descendant des collines pentues, ce qui ne va pas d’ailleurs sans poser problème au bâti local dont les murs sont assez malmenés par cette présence aquatique, ajouté à cela la rigueur du climat.

Pour l’oreille, de belles ambiances que l’écoutant que je suis ne peut manquer de vous narrer, et qui plus est de vous faire entendre, et voir, à ma façon.

Ecoute : Eau-sculptation

Photos

Résidence d’écriture(s) audio-paysagère(s) « Installer l’écoute – Points d’ouie » à Tourzel Ronzières, Puy de Dôme, accueillie par « Danser l’espace – Sous les pommiers ba » , soutenue la DRAC Auvergne Rhône-Alpes

Tourzel-Ronzières, paysage (sonore) en approche

Approche . La petite liaison ferroviaire Clermont-Ferrand/Issoire me mets en appétit, sensoriellement parlant.

Collines, vallons, forêts, rivières, sucs* se succèdent sous mes yeux, avant que les oreilles n’entrent vraiment en jeu.

Le train est décidément une très belle fenêtre pour contempler les paysages alentours, fuyants, en mode rêveur.

Et l’arrivée sur site, dans le petit village de Tourzel-Ronzières tient toutes ses promesses !

Une première boucle d’environ trois kilomètres, pour se mettre en jambe et en oreille.

Parcours sur un superbe sentier en sous-bois, avec des murets et constructions de pierres sèches, des prés ouverts, d’autres parquant des ânes qui nous regardent passer, sans un seul braiment, le vent qui anime la forêt, des oiseaux, par épisodes, une rivière bouillonnante, un panoramique visuel et sonore devant une belle église romane, qui nous fait entendre les sons de la vallées, des collines environnantes…

Prendre l’air des lieux…

Premières rencontres humaines, fugaces mais sympathiques, des saluts, quelques paroles échangées, le temps qu’il fait, courir les chemins, ne pas se presser…

Des ambiances plutôt apaisées pour un premier contact tout en douceur.

Et un nid douillet comme habitat, une belle roulotte nichée dans un écrin de verdure. 

Un atelier de danse comme studio atelier, dominant le terrain, un plateau intérieur-extérieur, avec son ouverture sur une terrasse caillebotis, les forêts juste en face. Un superbe lieu pour « Danser l’espace« , qui m’accueille en résidence dateliers-écritures « Installer l’écoute, Points d’ouïe », projet soutenu par la DRAC Auvergne-Rhône Alpes, le Département du Puy de Dôme, la Commune de Tourzel Ronzières et sa bibliohèque.

Ne reste plus qu’à laisser courir l’oreille, les micros, les pas, entre explorations et balades ateliers d’écoute.

* Un suc est un mini volcan; une petite (petite) montagne en forme de cône ou de dôme due aux éruptions phonolitiques, propres aux paysages volcaniques auvergnats.

De ma fenêtre de résidence, je vois des arbres, j’endends la rivière au bas, les oiseaux alentours…

Résidence d’écriture(s) audio-paysagère(s) « Installer l’écoute – Points d’ouie » à Tourzel Ronzières, Puy de Dôme, accueillie par « Danser l’espace – Sous les pommiers ba » , soutenue la DRAC Auvergne Rhône-Alpes

Point d’ouïe spectaculaire autant que ferroviaireGare aux oreilles !

Attention, cette expérience décoiffante est à déconseillée aux oreilles sensibles et aux tympans fragiles !
Il s’agit d’un événement, ou plutôt d’une suite de micros événements, aussi brefs qu’intenses, où l’écoute est placée sur des rails extrêmement dynamiques, où la vitesse est perçue comme une sorte de héros post russolien*, nous happant dans des sillons sonores vertigineux.

Le contexte, une toute petite gare, à quelques encablures de Lyon, direction Roanne, ou Mâcon. Petite gare comme beaucoup fermée, inoccupée, juste des distributeurs automatiques et autres composteurs.
Petite gare où il passe de nombreux trains, TER, TGV, gros porteurs de marchandises, engins de travaux…
Petite gare où néanmoins peu de trains s’arrêtent, beaucoup la traversant à vive allure.
Un aspect délaissé, des quais vieillots, enherbés, peu aménagés, un passage souterrain glauque et humide, presque un lieu fantôme.
Entre deux quais assez étroits, deux bancs, posés sur une petite ile étroite, enclose de sillons métalliques.

Ce jour là, j’effectue un changement de train dans cette gare, avec un arrêt d’une vingtaine de minutes avant de reprendre ma correspondance. Chose assez fréquente pour moi lorsque je rends visite à mes parents.

Ce jours là, des travaux sur les quais et le long des voies. De nombreux ouvriers, tout de jaune vêtus, s’affairent à des marquages de couleurs, sans doute en vue de quelque réhabilitations à venir.
Ils s’étendent sur une assez grande distance, sur la voie en face de moi, à droite comme à gauche.

Régulièrement, quatre à cinq fois ce matin là, des guetteurs actionnent des trompes avertisseurs, cornes de brume à gaz, qui réveillent toniquement la gare. Des vagues de klaxonnent se répondent, partant à la fois vers la droite et vers la gauche, s’éloignant progressivement. L’effet de spatialisation est vraiment remarquable. Avec pour effet immédiat de faire remonter des ouvriers des voies vers les quais, et à d’autres de s’en éloigner.
Peu de temps après, surgit une machine grondante qui va traverser la gare dans un grand chambarlement de ferraillement, sifflements, turbulences d’air brassé dans tous les sens… assis à quelques mètres des voies, nous sommes pris dans une puissante tourmente qui secoue puissamment notre environnement sensoriel, ballotte notre corps comme un fétu de paille dans ce déchainement acoustique tonitruant.
Certains convois passe devant moi, très près en fait, quelques mètres, d’autres derrière moi, en mode acousmatique assez impressionnante, alternant les sens de l’écoute, spatialement parlant, comme une désorientation qui, les yeux fermés, nous laisse dans une forme de flottement, d’indétermination kinesthésique.

L’ensemble de la scène, en quelques minutes de temps, propose à l’oreille une véritable cohérence qui pourrait être compositionnelle, musicalement parlant. Elle évoque un geste qui serait comme une écriture dynamique parfaitement maitrisée dans le temps et dans l’espace, avec sa montée en puissance, son acmé frénétique, et son decrescendo dans un sillon d’air qui semble vouloir nous aspirer encore. On peut comprendre ici pourquoi les grosses mécaniques, dont les trains, la vitesse et parfois la violence liée ont inspiré des compositeurs, de la performance bruitiste a ceux des musiques concrètes, électro-acoustiques, acousmatiques… Il y a là quelque chose de violemment fascinant, qui nous agresse autant qu’elle nous transporte. Une griserie du chaos qui peine à se retranscrire, et qu’il faut vivre dans ces tourbillons vibratoires sauvages pour l’appréhender pleinement.
De plus, la réitération de ces scènes acoustiques pour le moins remarquables, avec toutes les variations intrinsèques selon les trains, longueurs des convois, crée une belle scansion rythmique, entre tensions et détentes alternées. La résilience audio-paysagère nous fait retrouver un calme d’autant plus présent, marquant, presque imposant, qu’il laisse à nouveau la place aux voix dans le lointain, cloches, chants d’oiseaux…

Cette expérience acoustique vient s’ajouter tout d’abord à une « petite histoire des bancs d’écoute », ou des bancs d’expérimentations sensorielles. Elle s’ajoute également aussi à une compilation de scène sonores remarquables. Celles-ci, tissées par un principe narration continue, participent à faire vivre un paysage sonore d’autant plus vivant qu’il est littéralement mouvementé. Paysage en mouvement et mis en mouvement, paysage perçu et vécu dans ses multiples trames dynamiques toute à la fois concordantes et discordantes.

Luigi Russolo (1855-1947), compositeur artiste futuriste, auteur de « L’art des bruits »

Point d’ouïe – Et pourquoi PAS ?

Et pourquoi PAS* ?

Pour marcher la ville et battre (gentiment) la campagne

pour installer respectueusement l’écoute

pour construire de nouveaux paysages sonores

pour surprendre et ouvrir toutes grandes nos écoutilles

pour découvrir des Points d’ouïe inouïs, ou presque

pour rendre nos oreilles plus éc(h)o ou-vertes

pour créer et raconter des histoires tympanesques

pour tracer et faire ensemble un bout de chemin auriculaire

pour s’encanailler l’esgourde dans les interstices et délaissés bruissonnants

pour que nos corps entiers soient caisses de résonances à fleur de peau

pour accueillir des aménités audio-paysagères

pour profiter d’oasis acoustiques bienveillants

pour écrire une géographie sonore, une géosonie en mouvement

pour porter attention, prendre soin des sites acoustiques, et de leurs écoutants 

pour imaginer des terrains propices à de belles écoutes partagées

pour le plaisir d’être immergé dans la matière sonore

pour le plaisir, tout simplement…

*Parcours-Audio Sensibles

@Marche déposée Desartsonnants

Point d’ouïe – Paysages pluriels, y compris sonores

Paysages milieux

paysages sensibles

paysages fragiles

paysages écosystèmes

paysages perçus

paysages racontés

paysages instables

paysages inventés, rêvés, espérés…

En tant qu’artiste promeneur écoutant

conteur de paysages sonores

voire de paysages tout court

il me semble que le droit au paysage est une cause qui s’entend

comme une entité vivante, partagée, vécue – pour le meilleur et pour le pire

que le droit du paysage, fût-il sonore

se défend comme une entité complexe, mouvante

et qu’il doit, ou devrait être envisagé comme une cause entendue

dans l’idéal sans visée hégémonique, ethnocentrique, productiviste… 

Préserver, aménager, imaginer, créer, de belles choses à entendre, regarder, toucher, sentir, goûter…

Paysage à vivre de l’oreille .

Faire paysage,

faire partie du paysage;

en prendre conscience,

comme une responsabilité partagée.

PAS – Parcours Audio Sensible, où l’oreille nous mène en bateau

Digital Camera

Lyon Vaise est un quartier historiquement emblématique du 9e arrondissement de Lyon.

Qui plus est, celui où j’habite, depuis plus de 20 ans.

Donc celui où je me promène très souvent, oreilles à l’affût, ou non.

Celui aussi où je teste des choses, parcours, postures, matériels, dispositifs, rencontres…

Hier, avec Greg, un activiste sonore avec qui nous partageons beaucoup de points d’ouïe communs, nous déambulions dans un parcours que j’apprécie pour sa diversité auriculaire; gare dehors/dedans, parkings résonnants, stade immersif, pont à échos multiples, promenade aménagée en rives de Saône…

Bref, un petit panorama, ou sonorama urbain.

Mais hier, un inédit auriculaire pour moi, et une belle surprise au final.

Celui ci se passa sous le pont Schumann, que je qualifie de pont à échos, générateur de multiples et superbes effets en audio-miroirs, qui me rappellent ceux excités dans le Haut-Jura. Bref, un incontournable site auriculaire remarquable de mon quartier, de ceux que je nomme volontiers Point d’ouïe, un vrai !

Comme à l’accoutumée, nous jouons longuement, sous le tablier du pont, avec ses magnifiques réponses,  ou bribes de réponse en écho. ÉHO, ÉCHOS, HOOOOO, HÉEEEEE, et des claquements de mains et autres jeux audio interactifs dont on ne se lasse pas… Nous jouons comme les enfants le font spontanément en passant sut une  voûte, un tunnel, ou tout autre endroit résonant.

Notre jeu tirant à sa fin, alors que nous apprêtons à repartir, arrive une imposante péniche descendant la rivière en direction du Rhône.

Une de ces immenses barges transportant du sable, propulsée par une cabine juchée sur un énorme moteur diesel aux teufs-teufs lents, puissants, rythmant l’espace de graves entêtés.

Nous entendons clairement la trajectoire de la péniche, arrivant de notre droite, puis s’engageant lentement sous le pont. Arrive le moment où la cabine moteur, tout à l’arrière du bâtiment, se trouve progressivement au centre du pont, face à nous. Et là, la puissance sonore et rythmique du moteur est incroyablement amplifié, remplit l’espace,  nous immerge dans une vague sonore irrésistible.

Mais plus surprenant encore, à un moment donné, alors que nous voyons la péniche passer devant nous, nous l’entendons clairement, dans un effet de bascule, derrière nous, contre le mur du pont, auquel nous tournons le dos. Si ce phénomène acoustique est assez courant dans certains passages voûtés, il est ici magnifié par l’échelle du lieu, par la puissance des sonorités du moteur, de quoi à perdre, un instant durant, tout repère auditif. Lorsque la péniche s’éloigne du pont, nous l’entendons à nouveau, logiquement, à notre gauche, là où elle se trouve vraiment, hors de l’illusion acoustique qui a berné un instant nos oreilles.

Pour faire suite à cette mini symphonie fluviale, un phénomène de batillage vient clore cette scène auriculaire d’un bel effet de stéréophonie ping-pong. Des remous, vaguelettes, et presque vagues, provoquées en son sillage par le passage de cette énorme péniche viennent battre les rives. Le mot batillage est d’ailleurs joliment expressif à l’oreille. Clapotis, bruissements, éclaboussements, écumes, tout un jeu de bruits blancs, humides, mouvants. Tout d’abord à droite du pont, sur des avancées immergées, puis à gauche, puis retour à droite, puis gauche… L’oreille ballotée par une stéréophonie dans une forme d’échos latéral cette fois-ci, changement dépaysant de l’axe d’écoute.

Décidément, ce dessous de pont que je pensais bien connaître de l’oreille, n’a pas finit de me révéler ses singularités acoustiques pour le moins étonnantes.

Je tente de vous décrire cette scène sans support audio, n’ayant pas, une fois de plus, d’enregistreur à portée de main. Je doute cependant que les micros, même les meilleurs binauraux, aient pu reconstituer l’effet d’inversion sonore au passage de la péniche, ou alors en trichant un brin via une diffusion quadriphonique, en bougeant les sons vers les haut-parleurs arrières pour reconstituer cette sensation de trompe-l’oreille. Les jeux de la technologie peuvent parfois nous en faire entendre de toutes les couleurs sonores, des plus crédibles aux plus improbables, même si ces dernières existent bel et bien.

Frustré de ne pas avoir de trace audibles, je me suis promis de revenir avec un enregistreur, et un siège pliant, pour capter différentes sources de bateaux en tous genres, petits ou gros, et en saisir les probables différents effets acoustiques sous ce pont à échos. Reste à savoir comment les faire entendre dans leur facultés immersives et dans leurs mouvements capricieusement spatialisés.

Point d’ouïe, installer l’écoute – Résidence artistique sous les pommiers

Atelier « Points d’ouïe et paysages en écoute »

Public : Tout public à partir de 12 ans – 15 personnes maximum

Objectifs : Activer une écoute sensible sur le paysage via la marche et la recherche de postures d’écoute in situ.

Partager une expérience contextuelle et relationnelle, entre esthétique sociabilité et écologie sonore.

Lieux : Site  « Sous les pommiers Ba », verger, chemins environnants, village…

Déroulé :

Matinée « Installer l’écoute » (3 heures)

– Présentation en marche des PAS – Parcours Audio Sensibles (les origines, les acteurs, quelques mots sur l’écologie sonore, les pratiques du field recording, entre captation et création sonore, notions de ponts d’ouïe

– Arpentage des lieux, écoutes silencieuses, en mobilité et en points d’ouïe. Recherches de postures d’écoute mentales et physiques, faire sonner les lieux, kinesthésie et géographie sonore.

– Écrire un parcours, repérer des points d’ouïe

Après-midi (3 heures) installer un paysage sonore

– Écoute de quelques paysages sonores commentés

– Enregistrement in situ, réécoute collective, exemples de traitements sonores en direct

– Retour au terrain, dernière immersion sonore en résonance avec les ateliers d’écoute précédents.

Matériel : Les participants qui le peuvent sont invités à amener un enregistreur, smartphone enregistreur…

Remarques : Prévoir de bonnes chaussures et une tenue « tout terrain », voire un vêtement de pluie…

Artiste encadrant : Gilles Malatray aka Desartsonnants, paysagiste sonore et promeneur écoutant

Gilles Malatray, artiste Français né en 1959, vit à Lyon (Fr).

Promeneur écoutant et pédagogue, il travaille depuis de nombreuses années autour du paysage sonore. Dans une posture associant des approches esthétiques, culturelles, artistiques et écologiques, l’écriture et la composition de paysages sonores sont fortement liées aux territoires investis, qu’ils soient ville, périurbain, milieu rural, espace naturel, site architectural… Ces problématiques occupent une position centrale dans la pratique Désartsonnante via la curation, la recherche, les écritures transmédiales, la formation et les interventions artistiques in situ. L’écoute environnementale, reste ainsi, quelle que soit la forme d’intervention convoquée, au centre de toute investigation et création sonore.

https://souslespommiersba.wixsite.com/63320/agenda

Le lieu

Association Danser l’espace – France Legall

Contact :

              France Le Gall

              Chemin des Horts

              63320 Tourzel-Ronzières

              Tél :(33) 06 20 10 79 97

                      (33) 04 73 56 12 74

              Mail : souslespommiersba@gmail.com

Points d’ouïe, les Z’incroyables Z’inouïs

Où Desartsonnants vous invite à jeter une paire d’oreilles Z‘ubaines hors des chantiers battus, à oser l’inécoutable, le mal entendu, la triviale poursuite sonore, les dessous, marges et franges de la ville où l’oreille s’encanaille, l’audiorbex tympanique…

https://www.academia.edu/51026860/les_Zincroyables_Zinoui_s

Sacrés sons !

Excursion sonique à Lourdes.
Une petite ville nichée au cœur des Hautes-Pyrénées, arrosée par les méandres du Gave du Pau, et surtout mondialement connue comme un des plus hauts lieux de pèlerinage, avec son immense sanctuaire, sa grotte aux apparitions, ses milliers de touristes, de pèlerins…
Mais ce n’est pas ici sa religieuse histoire qui m’intéresse, même si mes micros n’ont pas pu échappé à cette réalité de terrain.
Et encore que, Covid aidant, toutes les boutiques de la ville basse étaient encore fermées le jour de mon passage, sans compter un temps des plus capricieux. L’immense esplanade du sanctuaire, la basilique et même les alentours de la grotte étaient encore bien calmes.
Ce qui m’a intéressé dans cet espace pour le moins atypique, c’est de capter certaines acoustiques, dans différents lieux de la ville, aux fonctions très différentes pour deux d’entre eux, et néanmoins avec des résonances sympathiques comme on dit en acoustique.
Un premier et bref son de cloche m’accueille sur le parvis de la basilique. J’aurais aimé avoir une plus longue volée mais l’orage et la pluie battante qui sont arrivés peu après ce jour là m’en ont empêché.
Intérieur de la basilique et ses magnifiques réverbérations.
Presque du silence où chaque son se révèle, ciselé dans l’espace.
Au-delà de toute croyance religieuse, je me sens toujours bien à tendre l’oreille vers ces imposants espaces immersifs, dans une forme de quiétude auriculaire qui laisse le temps se déplier sans à-coups, comme un refuge contre les bruits urbains extérieurs, parfois à la limite de la saturation.
Au dehors, adossée à la basilique, la fameuse grotte aux apparitions, miracles…
Un prêtre africain égraine, en anglais, une litanie, ponctuée de réponses par deux religieuses en chœur.
Nous sommes ici dans une forme de répétition que n’auraient pas dénié les minimalistes et répétitifs américains.
Ces itérations sonores sont je dois dire, dans leur lancinant entêtement, dans leurs phrasés, dans leurs scansions, musicalités, ritualités, assez envoûtantes à entendre. Mais c’est bien là un des effets du rituel, que de plonger à la base le participant, l’auditeur, dans une suite de règles collectives à suivre irrésistiblement. Et Dieu sait, c’est le cas de le dire ici, si les sons, de la danse tribale à la prière en passant par la techno, en connaissent un rayon en la matière.
La journée va toucher à sa fin, je remonte les rues de la ville, très calmes, vers la gare.
L’acoustique de cette dernière, excitée par une voix de femme très présente, et chantante à sa façon, me font ressortir mes micros.
Il y a là une sorte d’écho entre les ambiances de la basilique, de la gare, les voix des religieux et celles de la femme dans ce hall d’attente, qui va naturellement influencer le montage de la petite pièce sonore retraçant mon passage lourdais.
Toujours le frottement des lieux et des moments, des affinités et des discordances, des choses de terrain et de la fiction narrative.
Sacré son quand tu nous tiens !

Résidence audio paysagère accueillie par

Le Hang-Art à Esquièze Sère

Le Ramuncho Studio à Luz Saint-Sauveur

Pour des paysages qui sonnent !

Faites vous Bells !

Comme je le dis parfois
il y a souvent quelque chose qui cloche dans le paysage
en tous cas dans les miens.
Installées en vigies
des dames d’airain se font entendre
d’heure en heures
en heurts battant
en fêtes carillonnées
en joyeux événements
ou pas
esprit de clocher
paysage campanaire
des signatures sonores de hautes volées
des marqueurs acoustiques résonnants
elle se balancent
sont tintées
teintées acoustiquement
couleur sonore d’un village
d’un quartier
d’un sanctuaire
je ne manque jamais de les saluer de l’oreille
attendant la bonne heure sonnante
d’en goûter les envolées toniques
d’en capter les percussions-résonances
de défendre leur droit à la sonnerie
n’en déplaise au mauvais coucheurs de l’oreille
à ceux qui haranguent coqs et cloches
préférant sans doute les moteurs à tord
ici, dans les montagnes pyrénéennes qui m’accueillent
je les laissent venir
à ma fenêtre
aux des bancs d’écoute
de Lourdes à Luz Saint-saveur
en passant pas Esquièze Sère
à chacun son son de cloche
j’en joue
faisant frotter leurs sonorités a l’envi
à cloche-oreilles parfois.

Petite fiction campanaire
Avec la participation de différentes cloches de Lourdes, Luz Saint-sauveur et Esquièze-Sère.
Des espaces temps qui se télescopent, font dialoguer des lieux par les cieux, des géographies triturées en mode résonant, de la matière fondue et refondue…

Résidence audio paysagère accueillie par

Le Hang-Art à Esquièze Sère

Le Ramuncho Studio à Luz Saint-Sauveur

Point d’ouïe, donner de la voix

Donner de la voix,
un cadeau,
une friandise sonore,
un don offert sans contre-partie,
juste pour le plaisir d’entendre parler.
Pas de message,
pas d’explication,
pas de contenu sensé,
juste une musique,
des timbres,
des accents,
des ambiances,
des bribes glanées ici et là
la vie quoi.
Un marché,
une place bordée de bancs,
une ruelle,
des commerces…
une scène acoustique multiple,
habitée de voix multiples.
Donner de la voix,
comme un jeu,
un plaisir d’entendre dire,
un paysage sonore,
une énergie communicative,
qui vient réveiller l’espace,
dans des temps d’enfermement,
dans des temps qui s’ébrouent,
dans des temps où la vie sociale à besoin de donner de la voix.

Résidence audio paysagère accueillie par

Le Hang-Art à Esquièze Sère

Le Ramuncho Studio à Luz Saint-Sauveur

Carte de points d’ouïe

Deux villages accolés.
Luz Saint-Sauveur d’un côté de la rivière Le Bastan.
Esquièze Sère de l’autre.
Des Points d’ouïe.
Des bancs d’écoute.
Des promenades.

Cliquez sur la carte, quelques points d’ouïe

Puis cliquez sur les points pour en savoir plus

Résidence audio paysagère accueillie par

Le Hang-Art à Esquièze Sère

Le Ramuncho Studio à Luz Saint-Sauveur

Des séries thématiques vers un paysage sonore global

Selon les lieux, les projets, la façon de travailler, de collecter de la matière, de la mettre en forme, sera parfois très différente.
Des processus, façons de faire, vont très vite apparaitre comme plus opportuns, adaptés à la situation de l’espace et du moment.
Cette semaine, immergé dans une haute vallée pyrénéenne, l’écriture sonore va passer par un collectage et un travail autour de thématiques acoustiques. Selon les opportunités hasardeuses, les périples, les envies, certains jours seront dédiés à une série de sons traitant d’un sujet commun, d’un micro événement, d’une thématique anticipée ou non.
Sur d’autres lieux et à d’autres moments, il en ira différemment.
L’écriture d’un paysage sonore in situ partira donc ici d’éléments de même nature, ou très proches, traités par petits blocs, avant d’être ré-assemblés, pour aller vers une composition audio-paysagère plus globale.
Au départ, des éléments a priori indépendants les uns des autres, dissociés, presque autonomes, pour aller, à l’aune d’une sorte de description phénoménologique, vers un paysage sensible, construit de briques sonores agencées par le montage et le traitement audionumérique.
Prenons par exemple quelques thématiques rencontrées lors de mon actuelle résidence montagnarde.
Des oiseaux, premier jour et heure bleue, passereaux, rapaces et hirondelles, la gente avicole se fait entendre.
Des eaux, rigoles, pluies,fontaines, torrents, cascades… Le paysage est à cette époque printanière ruisselant.
Des voix, des timbres, des activités, des accents, des dialectes, les voix synonymes de vie et d’espaces sociaux…
Du campanaire, des cloches d’églises et de chapelles, des ensonnaillements de troupeaux, le paysage tinte.
Des phénomènes météorologiques, vent/pluie/orage, le ciel printanier est très changeant en montagne.
D’autres sonorités plus singulières, telles que celles d’un hélicoptère tournoyant longuement au dessus d’une montagne, élément sonore habituel dans ces contrées. Peut-être à mettre en analogie avec les oiseaux, un sujet potentiel autour des « sons volants ».
Tous ces marqueurs sonores, plus ou moins permanents ou plus ou moins éphémères, recomposés entre eux, me permettront de dessiner des ambiances sonores qui, à défaut d’être réalistes, dresseront un portrait auriculaire des lieux. Portrait bien sûr en temps que représentation subjective et personnelle, mais où chacun pourra je l’espère, ici ou là, à un moment ou à un autre, s’y retrouver.

Résidence audio-paysagère à Luz Saint-Sauveur
Accueillie par Ramuncho Studio et HANG-ART
Mai 2021

Point d’ouïe, j’ai eu vent de…

En priant Dieu qu’il fit du vent…
Et il y en fit !
Une nuit bien ventée
tempétueuse même.
Éole au meilleur de sa forme.
Un vent tout droit venu du sud
qui balaie les hautes vallées pyrénéenne (scène de l’action en cours)
ça charrie
ça gémit
ça siffle
ça grince
ça grogne
ça secoue
ça ballote
ça traine
ça remue
ça vibre
ça s’infiltre
ça se calme
et se déchaine
ça rythme la nuit

Et tendre l’oreille au vent
c’est vivifiant
paysage mouvementé
paysage secoué

Nous entendons du vent
plus ce qu’il anime, met en mouvement
plus ce qu’il met en vibration
notre peau et tympans compris
plus ce qu’il fait chanter
les obstacle à son flux
ceux qui lui résistent,
que le vent lui-même
Le vent, on le sent à fleur de peau
à fleur d’oreille
telle une vibrante friction aérienne

Quand il s’engouffre dans la vallée
c’est comme un couloir acoustique
un tuyau d’instrument
une pavillon vibrant.

Et les micros tendus peinent à le saisir
dans son humeur de tempête
qui collent les membranes
saturent les prises de sons
jusqu’à l’inaudible
alors il faut ruser
emmailloter les micros
se mettre dans les recoins
les anfractuosités
derrière des fenêtres
à l’abri du grand souffle
mais à l’affut de ses courants déchainés.

Doucement, tout se calme
le grand souffle retombe
laissant un paysage quasi épuisé
et ses arpenteurs écoutants
également épuisés
et repus
après ces grands bols d’air.

Et la pluie d’arriver
Autre ambiance plus feutrée
qui égoutte la vallée
tout bascule dans une intimité mouillée.

Écoute au casque de préférence.

Résidence audio-paysagère à Luz Saint-Sauveur
Accueillie par Ramuncho Studio et HANG-ART
Mai 2021

Eaux-Niriques, extension du domaine de l’écoute

Après avoir promené oreilles et micros au fil des ondes pyrénéennes, construit un premier paysage sonore aquatique en sons et en mots,

https://desartsonnantsbis.com/2021/05/08/points-douie-points-deau/

Points d’ouïe, des torrents de sons en cascades

voici maintenant quelques autres méandres plus imaginaires.

Écoute au casque conseillée

Résidence audio paysagère accueillie Par Ramuncho Studio et Hang-Art à Luz-Saint-Sauveur (65)

Points d’ouïe, Points d’eau

Digital Camera

Au fil des ondes luzéennes

Récit de résidence audio Paysagère pyérénéenne.

Avec toute une bouillonnante, écumante matière sono-aquatique, un paysage se met en place doucement.
Il raconte, à sa façon, à ma façon, désartsonnante, un petit périple de Luz Saint-Sauveur à Gavarnie et alentours.
Il parle d’une haute vallée montagneuse, celle des Gaves de Pau, qui a bien voulu me laisser capturer des sons de ses nombreux cours d’eau.
Torrents et cascades, dans tous leurs états, ou presque.
Un corpus de sons assemblés, truiturés, dessinant un lieu imaginaire issu de plusieurs lieux, bien réels eux.
Tenter de montrer la diversité.
Tenter de montrer la puissance.
Tenter de montrer la douceur.
Imaginer les reflets ondoyants par des moirages sonores.
Imaginer un cheminement aux gré de rives creusées à même la montagne.
Imaginer la montagne environnante, puissante.
Imaginer la voix des eaux qui écument les vallées, dévale les falaises, s’assoupit dans des creux.
Ceci n’est pas une rivière, ni un torrent, ni une cascade, mais ce que j’en entend, ce que j’en écris, ce que j’en invente, ce que j’en raconte.

Onirisme compris.

->

Écoute au casque conseillée

Album Photos

https://photos.app.goo.gl/xZvzTzmTRRugVDQf6

Résidence audio paysagère accueillie Par Ramuncho Studio et Hang-Art à Luz-Saint-Sauveur (65)

Merci à Béatrice Darmagnac de m’avoir si gentiment guidé vers ces écoutes bouillonnantes

Points d’ouïe, des torrents de sons en cascades

Digital Camera

Suite de mes aventures auriculaires pyrénéennes.
Hier, explorations hydrologiques de la vallée du des Gaves et des alentours du Cirque de Gavarnie.
De l’eau à foison, des couleurs plein les yeux, du bouillonnement plein les oreilles, et un vent revigorant.
Grand merci à Béatrice, ma guide, qui m’a conduit le long de ces voies d’eau.
Ce territoire, autour de Luz-Saint-Sauveur est d’une richesse paysagère, sonore y compris, qui met les oreilles et les micros en liesse.
Des torrents qui, parfois quasiment étales, parfois impétueux, dont les flux viennent se briser avec fracas sur les écueils de roches, des éboulis chaotiques, ces versants de montagnes qui canalisent torrents et cascades, ne cessent de nous éblouir.
Au détour d’un virage, un spectacle aquatique des plus impressionnant qu’il m’ait été donné de voir, et d’entendre. La centrale hydroélectrique de Pranières fait un lâcher d’eau spectaculaire. Une bouche à flanc de montagne crache un volume d’eau incroyable, gigantesque vomissure blanche, écume dantesque, dans un bruit de tempête, qui va s’écraser dans le lit d’un torrent en contrebas. Difficile de décrire la scène, et même d’en enregistrer ce bruit blanc démesuré.
Tout au long de notre ascension, nous ferons des haltes, là où les rives permettent de s’approcher des eaux.
De torrents en cascades, toute une nuance de bouillonnements, glougloutis, clapotis, grondements, chuintements, du plus discret au plus invasif s’offrent à nos oreilles rafraîchies. De quoi à écrire une nouvelle Histoire d’eau, récit fluant de cette vallée.

Digital Camera


Le cadre visuel vient  apporter un contrepoint qui offre des points de vue à la hauteur des points d’ouïe, et vice et versa.
Ce voyage au fil de l’eau me laisse épuisé – champ sémantique adéquat – auditivement repu, mais Oh combien heureux de l’expérience sensorielle vécue.
Je sens qu’il reste encore à creuser le sujet, que d’autres scènes aquatiques sont à découvrir, explorer, ausculter.
Et que le travail d’écoute, de montage, de mise en récit va s’avérer aussi riche que difficile, devant la diversité de matière collectée, sonore et visuelle.
L’aventure ne fait que commencer.

Digital Camera

Points d’ouïe, les voix de la ville

Mais c’est quoi ce son là ?
Celui qui colle à mes pas
celui qui colle à mes oreilles ?
Ce son là ?
Mais ce sont les voix de la ville.
Le son de la ville qui chante
comme de celle qui déchante.
Mais si on l’écoute bien, des fois, il enchante.
Mais oui, il l’enchante, mais ouïe !
Après, faut coller l’oreille, à la ville.
Faut coller l’oreille à l’asphalte chaud
qui a peut-être emprisonné le bruit des pas passants
pas gravés dans une mémoire du sol
gravées en vibrations figées mais re-jouables
faut coller l’oreille aux murs transpirants de poussière
des fois qu’ils se souviennent
faut coller l’oreille aux chantiers
ceux qui n’en finissent pas de déconstruire
ceux qui n’en finissent pas de reconstruire
faut coller l’oreille aux passants
ceux qui n’en finissent pas de passer
passer en devisant
ceux qui n’en finissent pas de passer
passer en silence
faut coller l’oreille au passé
passé enfoui
celui qui suinte par les fissures
fissures des industries en friche
des maisons abandonnées
des terrains vagues
des vagues terrains
aujourd’hui tous barricadés
sans cris d’enfants aventuriers
des espaces indéfinis
ou non finis
où se perdre l’oreille
rares espaces
retenant des couches audibles en strates sonores
de celles qui explosent en bulles
qui explosent presque muettes
faut coller l’oreille aux fontaines aussi
celles qui s’ébrouent en flux liquides
quitte à noyer ou en perdre le bon entendement
faut coller l’oreille aux métros
ceux qui font vibrer la ville
la ville du dessous j’entends
il faut plonger dans le bruit des chaos
il faut plonger dans le murmure des oiseaux nocturnes
il faut plonger nuitamment dans un parc livré aux auricularités noctambules
il faut suivre les vibrations des souffleries essouflantes
il fait espérer que la cloche nous maintienne entre trois géographies soniques
celle du haut aérienne
celle du bas terrienne
et celle de l’entre-deux hésitante
il nous faut jouer des lieux
ceux discrets
et ceux tapageurs
passer de l’un à l’autre
et de l ‘autre à l’un
mixer les chemins d’écoute
histoire de dérouter l’esgourde
de désorienter le pavillon
d’émouvoir les écoutilles
et pourquoi pas !
Il faut trouver le lieu ad hoc
le banc d’écoute où l’oreille peut se déployer
où l’oreille peut se tendre
où l’oreille peut se détendre
Il nous faut marchécouter la cité
se fier aux ambulations bordées de sons
et s’en défier sans doute
praticien de dérives à en perdre le sens de l’Orient à sons
quitte à virer de bord
sonique instinct…

Point d’ouïe, croque-notes impromptu

Hier soir, un peu avant 19.00, une belle et surprenante scène d’écoute, s’est jouée.
Je suis assis sur un banc, ce qui chez moi est courant, sur une place où jouent de jeunes enfants sous la surveillance de leurs parents.
L’air est frais, mais il fait beau, et de magnifiques lumières inondent le quartier.
Le décor est posé, action !
Un jeune est homme est assis sur un banc, pas très loin du mien.
Il sort une trompette de son boitier, et joue, de douces phrases bien swinguées, interrompues de moment de silence.
Il a un belle technique, des phrasés qui laissent deviner une pratique d’assez bon niveau.
C’est donc très agréable à entendre.
Les enfants et parents s’arrêtent pour profiter de ce concert inattendu.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là.
D’une fenêtre d’un immeuble voisin, une autre trompette se fait entendre.
Elle égraine des thèmes de Star Wars.
Le trompettiste du banc, surpris, regarde qui lui répond de sa fenêtre.
Les autres écouteurs en font de même.
Surprise, c’est un enfant d’une dizaine d’années qui se prête au jeu.
S’installe un dialogue, jam session à distance, de banc à fenêtre, de fenêtre à banc.
Les trompettistes jouent à tour de rôle, s’écoutant, laissant des instants de silences, de respiration.
Celui au banc reprend les thème lancés par celui à la fenêtre, les faisant swinguer dans de modestes mais fines improvisations.
L’échange est surprenant, rafraichissant, revigorant.
Les auditeurs de cette fin de soirée applaudissent.
Un accordéon, débutant lui aussi apparemment, viendra se joindre, d’une autre fenêtre, à cet ensemble improvisé.
Moment étonnant, et qui réchauffe le cœur comme les oreilles, dans cette pénurie ambiante de musique live.
Merci à ces protagonistes d’un instant, à ce public bon public, merci au hasard des choses.
Je me dis que mince, je n’ai pas d’enregistreur pour pérenniser le moment.
Et puis je me dis que, de toute façon, un enregistrement aurait eu bien du mal à faire ressentir la magie de cet instant suspendu; alors tant pis, je vous le raconte, tel que je l’ai vécu.

Points d’ouïe, Audio-portraits de villes

Je commence à comprendre, après de nombreuses années d’écoute, ce qui peut construire une signature sonore urbaine, des marqueurs, des repères, des parcours, des rencontres, des mises en situation…

Mais il reste beaucoup à affiner.

Alors affinons.

Par exemple, quels seraient les marqueurs acoustiques d’une ville que j’appréhende via l’oreille ?

Les cloches, carillons des églises, ou des beffrois. Ce qui me vient spontanément et logiquement à l’esprit, et à l’oreille.
Les fontaines, même si elles se taisent parfois aux périodes hivernales.
Les espaces piétonniers.
Les squares et parcs urbains.
Les halls de gares, chacun ayant souvent une signature singulière.
Les marchés, avec leurs voix, leurs harangueurs, les formules litaniques, qu’on repère de loin.
Les acoustiques des ponts (dessous), si ponts il y a, ou des tunnels.
Les acoustiques des parkings publics, surtout ceux souterrains et ceux fermés, à plusieurs niveaux.
Les rives d’un fleuve, d’une rivière
Les espaces de loisir de plein-air
La vie nocturne
Les climatisations en continuum
Les acoustiques des églises, hors cérémonies, leurs souvent belles réverbérations…
Et plus encore selon les villes…

Donc capter ces sons, dans une sorte de collection, d’échantillonnage, de carottage urbain.
J’aime l’idée de la série.
Travailler sur la répétition, le motif, la récurrence, les variations, les déclinaisons…
Les séries permettent de donner un sens à l’écoute, de construire des formes de cohérences sensorielles, dans une urbanité parfois brouillonne et surchargée de signes.
Séries de cloches, d’acoustiques d’églises, de fontaines, de voix…

Vient le moment du tri.
Que conserve t-on et sur quels critères ?
Qualité sonore, affinité, émotion, représentativité… ?
Trier est une opération qui peut se révéler douloureuse, dans les affres de choix empêtrés d’hésitations. Mais l’écriture s’affine à ce stade incontournable.
Éviter la boulimie, aller vers une forme de concision épurante, simplifier, clarifier, comme en cuisine, trouver des textures limpides.

Vient le moment de l’écriture.
Quelle forme d’écriture, et surtout pour quelles mises en situation d’écoute ?

Les formes de mise en scène sonore, les façons dont on va jouer, ou faire rejouer des œuvres/ambiances dans des lieux singuliers, dédiés ou non.
Des questions clés intrinsèquement liées à la notion de paysage sonore en chantier.
J’avoue avoir une attirance pour les lieux non dédiés, de préférence dans l’espace public, ou des bâtiments publics.
Des espaces où on ne s’attend pas forcément à rencontrer des pièces sonores, qui questionnent le lieu-même, par résonance, frottement, effet de surprise.
Des installations/diffusions à l’échelle acoustique des lieux, qui ne viennent pas les agresser, et par là même nous agresser, mais plutôt les habiter respectueusement, s’y infiltrer, s’y blottir,y compris dans les plus subtils décalages et détournements.

Par exemple
Installer des acoustiques de bâtiments religieux dans d’anciens confessionnaux
Des sons de ville sous des ponts
Des sons qui remplaceraient temporairement la muzak des parkings
Des boîtes noires posées dans l’espace public, lieux de diffusions acousmatiques intimes
Des sons discrets dans des passages couverts
Des sons à écouter l’oreille collée à une palissade, une paroi…
Des mises en écoute et des postures d’écoutants proposés en fonction des spécificités urbaines, éminemment contextuelles.

Voilà quelques aventures d’audio-portraits urbains à décliner ici ou là, ou ailleurs.
Ce que je ne manque pas d’imaginer, et de faire.

Point d’ouïe, dérive solitaire marseillaise

Digital Camera

Durant ma semaine marseillaise, les promenades se sont succédées. En duo, en groupe, et parfois, en fin de journée, en solo.

L’une d’elle m’a fait audio-dériver, au sens d’audio-errer sans but, oreilles aux aguets malgré tout, dans le quartier de la place Castelanne.

Fuyant l’agitation de la rue de Rome, je m’enfonce dans une petite rue perpendiculaire, rue Saint Suffren de mémoire.

Rue/ruelle étroite, sinueuse, bordée de petits commerces.

Niveau sonore, on quitte très vite l’ambiance sonique tonique de la rue de Rome pour trouver des espaces beaucoup plus apaisés, où la voix retrouve sa place, et l’oreille un brin de répit-repos.

Prendre le temps d’aller.

Je ne sais pas trop où mais ça m’est égal.

Déboucher sur une place, entourée de commerces, bars restaurants, pour la plupart fermés, covid oblige.

Néanmoins, certains commerces conservent terrasse sur rue.

Quelques chaises, quelques tables, quelques clients.

Suffisamment pour garder un brin de vie sociale.

Ambiance agréable, salutaire, dans ces espaces/temps de (re)confinements à répétition.

Sinon, des parasols pliés, comme des arbres qui resteraient frileusement fermés sur eux-même, attendant des jours meilleurs.

Des empilements de chaises enchainées les unes aux autres.

Une fontaine est endormie.

On imagine facilement qu’en temps normal, hors crise sanitaire, cette place vit, tout autrement.

Qu’elle vit véritablement.

Des bancs sur la place.

Je m’y pose.

Des groupes occupent l’espace, différents espaces à vrai dire.

Adolescentes rieuses ici.

Adolescents footballeurs là.

Isolés lisant ou rêvassant ailleurs…

Chacun dans des espaces qui semblent dédiés, habitués.

Chacun dans des sortes de bulles sonores, ou silencieuses, qui néanmoins se mêlent dans une géographie acoustique assez plaisante.

Un morcellement d’occupations tacites qui s’entend autant qu’il se voit.

Le soleil déclinant, la fraîcheur s’installant, je reprends mon chemin, cessant une écoute scrutatrice pour retrouver la posture du marcheur lambda.

Point d’ouïe, ambiances en échos

Digital Camera

C’est un petit PAS – Parcours Audio Sensible a minima, et aussi une réunion de travail, avec un collègue, lui aussi passionné de paysages sonores, il y en a.

Nous sommes sur les bords de Saône à Lyon.

Sous un pont, le pont Schuman pour être précis, qui enjambe la Saône en reliant le 9e arrondissement au 4e.

IL fait un temps magnifique.

Nous marchons en devisant des choses sonores et de projets en cours et à venir.

C’est un quartier, le mien, que je connais comme ma poche, et sans doute mieux encore, lieu d’expérimentations auriculaires.

Sous le pont, de beaux reflets aquatiques animés font spectacle, sous le tabouret bétonné de cette architecture réfléchissante.

Et en écho, le mot est ici adéquat, un effet sonore singulier et surprenant. L’écho justement.

Sept échos en réponse à nos sollicitations sonores, identiques à ceux rencontrés en paysage de moyenne montagne, le Haut-Jura étant un territoire on ne peu plus sonnant.

Trois puissants, suivis de quatre brutalement estompés, allant decrescendo jusqu’à tendre l’oreille.

On en joue sans compter, à la trompe, à la voix, au mains claquées.

Les passants sont interpellés par nos jeux, les oreilles titillées, amusés, surpris, dubitatifs…

C’est un de mes points d’ouïe fétiche, que je ne me lasse de faire sonner, et de faire découvrir.

C’est un micro spot d’écoute où il pourrait se jouer bien des choses, sans grand dispositif, juste les lieux sonnants et les sonneurs joueurs.

Et c’est ce que j’aime par dessus tout.

Rumeurs du jour, point d’ouïe de ma fenêtre

Un lundi matin, ciel assez clair, lumineux, entre trouées de bleu et floconnements de gris.

Températures plutôt douces pour un début février.

La fenêtre du salon est ouverte sur la rue, vers 10 heures du matin, pause thé.

Je m’y tiens, accoudé à la barrière, écoutant en guetteur de sons pour un instant.

Peu de circulation, vacances et Covid associés font entendre une ville plutôt calme.

Quelques voitures néanmoins, sporadiquement, traversent la scène d’écoute, mais sans vraiment la brusquer, avec un certain ménagement.

Et toujours, à toutes saisons, les pigeons roucouleurs, répétant inlassablement, de façon quasi identique, jusqu’à un certain agacement, la même phrase scandées en trois itérations obstinées.

Des passants, deux exactement, devisant, sortent de la boulangerie voisine. On saisit jusqu’au bruissement du papier enveloppant leur pain. Preuve s’il en fut d’une ambiance auriculaire plutôt apaisée.

J’aime laisser entrer des nappes sonores dans la maison, surtout lorsqu’elles se montrent raisonnables, ou raisonnées, comme aujourd’hui.

J’adore les capter les jours de marché, juste au bas de mes fenêtres, sur un long déroulé de trottoir.

Aujourd’hui, pas de marché, juste une ambiance qui ne fait pas de remous, qui ne s’agite pas outre mesure, qui laisse à l’oreille le temps de se poser, et à l’espace de se déployer.

C’est un point d’ouïe parmi d’autres, dans le quotidien du quartier.

Une courte sonnerie de cloches, hissées sur au sommet de leur tour de guet ajourée, à quelques encablures de ma fenêtre, vient secouer la torpeur ambiante. Ce marqueur spatio-temporel qui signe le paysage sonore alentours, je l’apprécie toujours autant, surtout dans ses grandes envolées de midi. Mélodies joyeuses sur quatre notes d’airain.

C’est maintenant un hélicoptère qui vient trouer l’espace sonore, vrombissant de toutes ses pâles, et traversant sans ménagement, est-ouest, le quartier.

Lorsqu’il a quitté ma zone auditive, son émergence laisse place à un retour au calme, comme une échelle-étalon de décibels posée ponctuellement, pour mesurer les dynamiques, les rapports signal/bruit, les fluctuations vibratoires qui se plient et déplient à mes oreilles curieuses.

Sans être jamais silence, ou bien alors silence relatif, le calme reprend le dessus.

Un chariot à commissions fait sonner les aspérités du trottoir. Il les révèle, les sonifie en quelque sorte. Il crée des rythmes en jouant sur les fissures, les micros anfractuosités, les rugosités de l’asphalte. C’est une sorte de lecture d’une carte sonore déroulée à nos pieds, que les roulettes déchiffrent à la volée, en fonction de leurs trajectoires impulsées par le piéton chauffeur. Telle l’aiguille d’un tourne-disque lisant les sillons d’un vinyle pour leurs donner de la voix.

Le passant tireur de chariot à commissions est une sorte de DJ urbain qui s’ignore. J’aime bien penser à cette image décalée, d’une forme d’orchestre éphémère, avec ses solistes et ses chœurs, jouant des partitions à même le trottoir, improvisant des musiques de ville même un brin bruitalistes.

Cela me rappelle une forme de parcours sonore-performance, avec des étudiants d’une école d’architecture et d’urbanisme de Mons (Be). Durant celui-ci, nous avions fait sonner la ville via les antiques pavés de son centre historique, en tirant des valises à roulettes entourant un public de marcheurs. Nous nous arrêtions brusquement, immobiles, pour jouer d’un effet de coupure assez radical, qui faisait alors se redéployer les sons momentanément masqués par les grondements de nos caisses de résonance mobiles improvisées. Nous écrivions et interprétions ainsi , in situ, un rythme de ville au gré des sols et des pas, arrêts compris.

Mais revenons à ma fenêtre.

Les grands absents du moment sont les bars, les deux débits de boissons tout près de chez moi, muets depuis quelque temps déjà, empêchés par les mesures sanitaires en vigueur. Un seul son vous manque et tout est dépeuplé. Et ce n’est pas ici une simple figure de style, mais un constat personnel de carences. La socialité urbaine, écoutable dans des ambiances conviviales, est fortement bridée par la fermeture de lieux de retrouvailles. Ce qui laisse un creux, sinon un vide, parfaitement décelable à l’oreille. En attendant un hypothétique retour à la normal.

Le calme n’est pas toujours havre de paix, il peut également marquer l’engourdissement, le musellement social, la privation de libertés dont on avait inconsciemment perdu la valeur intrinsèque, et que l’écoute nous rappelle.

Des enfants jouent sur la place voisine. Ballons, trottinettes, cris et autres et rires. Cette place, au cœur du quartier, couvre-feu aidant, n’a jamais été si peuplée d’enfants et de leurs parents, retrouvant par la force des choses une fonction sociale vitale. Si certains sons montrent une paupérisation sociétale, d’autres tendent à rééquilibrer l’ambiance et la vie au quotidien. Et là encore, l’oreille est bonne informatrice pour qui sait prendre le temps de l’écoute, et capter le pouls auriculaire d’un espace, y compris de nos lieux de vie qui nous racontent tant de choses.

La pause que je me suis accordée tirant à sa fin, mais était-ce vraiment une pause ou l’installation d’une énième écoute, d’un des innombrables points d’ouïe venant alimenter mon travail, je referme la fenêtre, mettant fin à cette écoute réflexive, qui a alimenté ce texte à la volée. Comme des cloches tintinnabulantes.

Paysages sonores, Points d’ouïe, recherche de lieux d’accueil et partenariats

Travaillant depuis de nombreuses années sur la question du paysage/territoire sonore, dans des approches esthétiques, environnementales, sociétales, écosophiques… je partage des expériences de terrain, comme des réflexions en chantier lors de séminaires, ateliers, groupes de travail, festivals, résidences…

Je questionne actuellement tout particulièrement la notion de « Point d’ouïe ». Point d’ouïe comme jalons de parcours sensibles, outil d’inventaire, postures performatives et sensibles d’écoute in situ, constituant essentiel à la construction de paysages sonores; à la valorisation de territoires sensibles… Je creuse ces approches en frottant la création sonore, sous diverses formes, à des recherches, notamment autour de l’aménagement du territoire à l’aune des bouleversements et risques climatiques.

Vous l’aurez sans doute compris, je cherche des relais, partenariats, lieux d’intervention, pour avancer et échanger, développer des actions autour de ces problématiques.

Si l’oreille vous en dit !

Quelques partenaires et lieux d’intervention :

PNR du Haut-Jura, Transcultures/City Sonic (Be), Pépinière Européenne de Création, Université Lyon 2, Paris 8, Paris 1, Grenoble-Alpes, Chambéry, Clermont-Ferrand-Auvergne… Agences d’Urbanisme de Corse et Bordeaux-Aquitaine, Santé Environnement Auvergne Rhône-Alpes, École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon, Aciréne, École d’Arts de Chalon/Saône, Orléans, GMVL, École Supérieure de Design La Martinière-Diderot de Lyon, Centre culturel La ferme du Vinatier et CFMI de Lyon, France Culture et France Musique, RFI, BNF de Paris, Institut Français de Saint-Pétersbourg, Sousse, Tananarive, Bobo Dioulasso, Château de Goutelas, Festival DME à Seia (Portugal); Amichi de la Musica di Cagliari (Sardaigne), Alte Schmiede Kunsterverein (Wien, Autriche), Lieu Unique à Nantes, Gare au théâtre de Vitry/Seine, fondation de France, Centre d’Information du Bruit, Centre d’art GRAVE à Victoriaville et UQTR à Trois Rivière (Québec), Centre pénitentiaire des Baumettes et les Rudologistes Associés à Marseille, CRANE-Lab, Sonus Locus/IMERA de Marseille, CDMC et Cité de la Musique à Paris La Villette, Centre National de la Danse et CNR à Pantin, Saline Royale d’Arc-et-Senans, Festival Back To The Trees …

Points d’ouïe, le jeu des séries

Le jeu des séries

Dans ces temps bien empêchés, j’accroche des pans d’écoute ici et là, comme des repères qui scandent un travail en manque de terrain, en manque de mouvement.

La récurrence des séries apporte du grain à moudre pour offrir un espace sonore, et plus globalement sensible, qui le sortirait d’un territoire aujourd’hui à mon goût trop circonscrit.

J’imagine donc des stratégies d’itérations, des points d’ouïe récurrents, catalyseurs d’actions in situ.

Parmi eux

  • Des réverbérations des ponts, églises, parkings souterrains
  • Des cloches alentours
  • Des marchés
  • Des pas et les réponses acoustiques des sols arpentés
  • Des voix d’enfants, ou d’autres-
  • Des cliquetis d’escaliers roulants
  • Des signaux d’alerte et autres bips
  • Des valises à roulettes
  • Des itinéraires journaliers, répétés au mètre près
  • Des parcs publics et leurs bancs
  • Des rives de fleuves ou de rivières…
    J’en imagine tant et plus, en regardant et écoutant autour de moi, comme un collectionneur qui hésiterait à choisir, à se focaliser sur une série d’objets (d’écoute) spécifiques.

Et puis je choisis un lieu, ici un couloir de gare routière voisine, un banc en particulier, s’il est libre, vers 18 heures
J’appuie sur le REC de mon enregistreur et vérifie les niveaux d’entrée.
Je capture environ quatre minutes de flux, de passages, au gré des arrivées et départs, voix, talons, moteurs, roulettes, avec en toile de fond une boulangerie.

Je verrai où cela me mènera, vers quelle construction audio-paysagère, vers quelle tentative d’épuisement, vers quel improbable récit… 

Le champ d’action rétréci de cette époque sous contraintes me pousse à imaginer des stratégies de proximité, où la répétition de gestes est stimulante pour garder en chantier la fabrique de paysages sonores, avec leurs questionnements intrinsèques.

Un article en miroir

Partition de PAS – Parcours Audio Sensible N°18 « Les guetteurs de son »

Point d’ouïe immobile, CEGEP de Drummondville (Québec »)

Translate this page

Lieu : Partout, espace public

Temporalité : Jour, nuit, sur une longue durée

Actions : Promenade immobile; Écoute au long cours, choisir un lieu d’écoute; s’y installer (confortablement); écouter, sur une longue durée, minimum une heure, une demi-journée, une journée, plus…; s’installer dans une écoute performance immersive, collective, prendre le temps d’installer un geste d’écoute.

Publics: De une à… personnes

Remarques : Prévoyez des postures pouvant alterner les stations assises, debout, voire allongées, en marchant très lentement, dans un faible périmètre si nécessaire.

Possibilité de faire des relais pour une écoute marathon ancrée dans la durée

Le titre est une référence hommage à une pièce de Georges Aperghis et une installation éponyme d’Aciréne « Le pavillon des guetteurs de sons »

Point d’ouïe automnal

Translate this page

Aujourd’hui, en écoutant/ressentant la ville, j’ai perçu une franche bascule automnale.

Le gris profond du ciel est balayé d’un vent capricieux, complice gémissant. Les feuilles se rouillent en grattant et raclant le sol, s’accumulent dans des tapis ramassés en camaïeux ocrés.

Les gouttes de pluie toquent et ploquent sur ces obstacles végétaux, comme des poignées de sable jetées dans une eau étale, micro miroirs urbains.

La nuit tombante se complait de ces ambiances en demi-teintes, voire les débauchent de pénombres chuchotantes.

Les passants se faufilent entre les rafales primesautières et au besoin s’abritent silencieux sous un porche, tout en ombres fugaces.

Les lumières s’étalent en flaques sur un l’asphalte indolent, entourant les feuilles encore frémissantes.

Des sons et lumières restent à l’échelle de l’intime, sans débordements indécents, l’oreille en témoignera.

Il faut aller, il faut sortir, il faut vivre la cité, dans un brèche d’espaces enfermés, ou refermés, mi-clos mi-ouverts.Il faut déguster à l’envi ces ambiances qui ne s’offrent pourtant pas franco.

Il faut aller gratter, fissurer la croute, celle qui nous mène au sensible, vent debout sons debout.

Point d’ouïe, l’oiseau au cœur de l’écoute

Translate this page

le-merle-noir-est-la-principale-victime-du-virus-photo-claude-nardin-1479482753

« Les oiseaux sont responsables de trois au moins des grandes malédictions qui pèsent sur l’homme. Ils lui ont donné le désir de grimper aux arbres, celui de voler, et celui de chanter…
Alors, quand on pense à l’Everest, aux fusées et au prolongement naturel de ses suggestions habilement introduites dans la cervelle de quelques primitifs par le bec pointu d’un archéopteryx gloussant, on s’en prend un peu aux oiseaux, et l’on voudrait qu’il soit presque muets, qu’ils ne quittent pas le sol et qu’ils nichent sous les pierres. (Chose désespérante, la nature à pensé à tout. Il en est qu’il remplissent ses conditions. Ce sont des oiseaux d’une espèce un peu particulière : les crapauds.) »
Boris Vian « En avant la zizique » Pauvert 1958

Après ce préambule teinté de l’humour pataphysique de Boris Vian, je focalise aujourd’hui sur la gente ornithologique, ses chants, et surtout sa place incontournable dans un paysage sonore qui, au sortir du déconfinement, s’est retrouvé, notamment en ville, à nouveau chahuté, voir chaotique. Retour à la normale et quelque part à l’anormal.

Notons qu’à la même époque que celle du texte de Vian, Charles Trenet chantait « Les oiseaux me réveillent par leurs chants et leurs cris. Ils font bien plus de bruit que les autos, les oiseaux. » Il n’est pas sûr que l’on puisse en dire autant aujourd’hui…

Vinciane Despret à  consacré récemment à ces chanteurs volatiles, entendez ce mot dans le sens qu’il vous plaira, comme un nom ou un adjectif, ou polysémiquement comme les deux, un ouvrage de plus intéressants « Habiter en oiseaux »(1)(2), approches philosophiques, éthologiques, au croisement de pensées vivifiantes.

Ces animaux volants sont pourvus, à la différence de nombreux vertébrés, de syrinx siffleurs de douces mélodies. Quoi qu’entre un rossignol virtuose, un merle moqueur et chanteur, un corbeau coasseur et une pie jacassante, tous n’ont pas, à mon avis, le même degré de raffinement dans leurs chants et cris respectifs. Esthétiquement parlant. Mais n’étant ni ornithologue, ni audionaturaliste, ni grand connaisseur de chants d’oiseaux (respect posthume Mr Messiaen), ni philosophe éthologue, je me contenterai de parler des oiseaux comme des acteurs, que j’espère incontournables, dans la construction de paysages sonores.

A priori chantres des forêts, icône sonore égayant nos déambulations sylvestres, cible très prisé des preneurs de sons animaliers, le genre ailée n’en est pas moins bien présent en ville, souvent beaucoup plus que l’on ne croit.
Bien sûr, certaines espèces sont particulièrement visibles, et/ou audibles, selon les époques et les lieux.

Pour ce qui est des oiseaux en forêt, sa présence est essentiellement acoustique, voire acousmatique (écoute dont on ne voit pas la source) car, dans les forêts les plus densément boisées, on ne voit en fait que très peu d’oiseaux chanteurs. Par contre on peut en entendre beaucoup, si cependant la forêt n’a pas trop été abimée. Ici commence le règne des ornithologues et des identifications des espèces par l’oreille. Redoutable et ludique exercice. Ces chants, marqueurs sonores de biocosmes, de microcosmes forestiers, sont aussi des alertes, entre autre de la disparition progressive d’espèces, pour différentes raisons (monoculture, déforestation, incendies, changements climatiques…). Chaque chant qui ne se fait plus entendre, chaque syrinx qui se tait, a hélas de fortes chances de signaler la disparition, ou au mieux la migration d’une espèce, ou de plusieurs espèces.

Par exemple, les nuées d’étourneaux grappilleurs automnaux, qui viennent se reposer dans les grands platanes urbains, après une journée de piratage viticole, qui « enfientent »les voitures d’une belle couleur lie de vin, et même les passants téméraires s’aventurant sous les arbres, tout cela dans un incroyable nuage acoustique qui parfois se déplace dans l’espace avec une vélocité remarquable.

Citons aussi les combats de pies et de corbeaux qui se poursuivent d’arbre en arbre avec des cris guerriers, affaire de territoires, querelles qui n’appartient pas seulement à l’homme… Bon ce ne sont pas là les exemples les plus flatteurs en terme d’espaces sonores, quoique…. ni en terme sanitaire, avec le risque de se faire crotter le chapeau, au meilleur des cas si vous en portez.

Et que dire des parfois exaspérants roucoulements monotones des envahissants pigeons et tourterelles…

Le craquètement des cigognes qui jouent, sans chant ni cri de syrinx, des claquettes avec leurs becs, est assez surprenant pour qui l’entend pour la première fois, en Alsace ou ailleurs.

Certains soirs orageux, les martinets, réputés pour rester des jours en vol, voire y dormir, plongent très bas chasser les insectes en vol, dans de grandes flèches sonores assez stridentes, mais qui dessinent des espaces et des mouvements auriculaires des plus spectaculaires.

Le merle noir, migrateur, chanteur virtuose de ville, adore chanter haut et fort, au fait d’une toiture ou juché sur une cheminée. Un vrai phare auditif qui surveille la ville tout en sifflets, moqueurs, dit-on.

Dans certains sites architecturaux très minéraux, ce sont des chouettes et autres hiboux qui élisent domicile au creux des pierres et murailles, hululant à qui mieux mieux dés la nuit tombée. Je me souviens entre autre de beaux concerts nocturnes lors de résidences dans de superbes lieux tels l’Abbaye de Cluny et la Saline Royale d’Arc-et-Senans, toutes deux en Région Bourgogne Franche Comté.

Des éperviers habitent les tours des cathédrales et chassent en pleine ville, redoutables rapaces silencieux en hiver, et poussant de brefs « kiou kiou kiou » à l’époque de la nidification.

Et on pourrait encore longuement parler de ces oiseaux concertants, parfois déconcertants dans leurs rapports aux villes, à leur prédateurs, et aux hommes mais là, je sortirais de mon domaine de compétence.

Profitant du confinement des hommes lors de la crise du Covid, et surtout de celui de leurs polluantes automobiles, l’oiseau urbain s’est fait entendre à qui mieux mieux. Non pas qu’il est été plus nombreux, ni même qu’il ait piaillé plus fort, mais tout simplement parce qu’il n’avait plus la concurrence déloyale des sources sonores motorisées. L’émergence, ou plutôt la ré-émergence de ces sonorités avicoles en ont surpris, voire ravi plus d’un.e, redécouvrant une face cachée de leur environnement sonore quotidien et faisant de l’oiseau une nouvelle star chantante de la ville apaisée. Nombre d’articles, de commentaires, d’interviews l’ont démontré et en attestent au plus fort du confinement.
Pourtant, tout écouteur attentif, praticien de la ville comme une entité sonique, entendait, avant l’installation du méchant virus, chanter moult oiseaux urbains, ou de passage, dans les périodes de calme ou au cœur de lieux plus protégés, voire même au cœur des cités, sans forcément tendre l’oreille. d’autant plus que le spectre acoustique des oiseaux se situe dans un champ (chant) beaucoup plus élevé plus aigu dirait-on, que celui des transports. Il constitue donc constitue ce que l’on appelle justement une émergence sonore, se détachant nettement de la rumeur, du bruit de fond ambiant.

En fait, si on l’entend bien, c’est à dire en écoutant bien, le chant des oiseaux donne aux lieu une spatialisation qui en définit des contours, des champs, des mouvements toniques.
Prenons une place arborée ou un parc urbain, focalisons l’écoute sur les volatiles chantants, écoutons les dialogues, réponses, leurs déplacements sonores, froissements d’ailes compris. On a très souvent, surtout dans les matinées et les fins de journées printanières et estivales, un véritable pointillisme sonore, très précisément situable dans l’espace, qui vient d’ailleurs rompre avec les nappes épaisses et brouillonnes des circulations automobiles. Il peut s’agir pour nous de repères auriculaires donnant géographiquement l’échelle du lieu, et aussi un forme d’échelle sonore dans les fréquences comme dans les intensités.
C’est sans doute là un effet de filtrage acoustique qui peut nous permettre d’échapper à des formes sonores chaotiques fatigantes, en se accrochant à des éléments plus apaisants, moins agressifs, en principe, comme on peut le faire via des voix d’enfants dans un parc ou une cour d’école.
D’ailleurs, en parlant filtre ou psychoacoustique, pour employer un gros mot, nos protections acoustiques gomment sans doute la présence de voitures, comme celle d’oiseaux, dans une écoute urbaine globale peu consciente, ou peu aiguisée. Si par un réglage de type syntonisation (accord de fréquences en radiophonie), nous nous rebranchons sur la canal oiseau, alors nous constaterons qu’ils sont bien toujours là, et bien toujours perceptibles, voire clairement audibles.

Néanmoins, le bruit constant de la ville semble perturber le sommeil des moineaux, qui de plus, entendent moins, ou n’entendent plus les appels des oisillons qui ont faim, mettant en danger une espèce cohabitant depuis longtemps, de façon familière et sympathique avec les citadins.

Un des jeux de l’écoute paysagère consiste parfois à filtrer notre écoute en la canalisant, en tendant l’oreille vers des sources sonores choisies, animaux, enfants, fontaines, cloches, bruits de pas, vent, et en constatant que nous pouvons mettre en avant, ou quasiment ignorer des éléments auriculaires de notre environnement. Un sympathique jeu de filtrage et de mixage pour aiguiser l’oreille et en affuter ses capacités de discrimination (positive) des sons.

Notons également que des artistes ornithologues, ou passionnés d’oiseaux, trouvent mille richesses à noter, enregistrer, retranscrire sous forme musicale, de Clément Janequin à Olivier Messiaen, mais aussi aujourd’hui Bernard Fort et sa « Grive solitaire » ou encore Sainkho Namtchylak et ses impressionnants Night Birds.

Sans oublier l’immense travail de l’ornithologue Jean Rocher, un des pères de l’audionaturalisme qui a ouvert bien des oreilles à l’incroyable diversité des chants d’oiseaux dans le monde.

Les oiseaux, marqueurs acoustiques très présents dans nos environnement urbains, y compris dans les « mauvais jours », inspirateurs de compositeurs, sont une constituante importante du paysage sonore, et s’ils disparaissent de notre champ d‘écoute, chacun sait, ou devrait savoir, qu’il se passe alors des choses inquiétantes, voire plus, au niveau de nos milieux de vie.

 

1) https://www.actes-sud.fr/catalogue/nature-et-environnement/habiter-en-oiseau
2) https://www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie/profession-philosophe-4974-vinciane-despret-philosophe-des-oiseaux

 

Écouter : Le chardonneret – France Culture –

Point d’ouïe, jardin sonique, jardin tonique

Translate this page

 

49955803467_c1bf3660bd_o_d

Point d’ouïe

19h30 d’un soir déconfiné

un temps estival avant l’heure

un jardin public

un banc

un lieu ivre de vie

un lieu débordant de vie

apéros

pique-niques

sports

anniversaires

jeux d’enfants à force cris

ça sonne

ça bruissonne

ça vibrillonne

tout ça à mes oreille comblées

la vie

dans ses plus vifs flux et reflux

la vie qui me saute aux oreilles

la vie joyeuse

la vie insouciante dans l’instant

et mes oreilles réconfortées

tirées d’enfermements

comme désenfermées

hors de silences anxiogènes

hors de cadres trop cadrés

ainsi la vie abonde

en mille sonorités

comme balles bondissantes

auriculairement pétillantes

la vie toute pétulante

une vivacité acoustique

si exubérante soit-elle

qui jamais ce soir ne m’agresse

qui jamais ce soir ne m’envahit

qui jamais ce soir ne m’oppresse

qui bien au contraire ce soir

est  pur miel pour mes oreilles

précédemment en manque

trop privées d’un substrat audio-sociétale.

49955519571_338cddb368_o_d

 

Point d’ouïe, se déconfiner l’écoute

13319925_1217838001559926_4472554581818000438_n

L’intensité, assumée et recherchée, d’une écoute, notamment celle du du monde environnent, écoute existentielle, nous réveille d’une torpeur inconsciente, et nous soustrait à d’insidieux  glissements vers des acceptations mortifères.

Chaque matin, l’oreille doit être, et rester, avide de cueillir mille sons, comme des plaisirs ou déplaisirs, qui nous relient ou nous séparent, mais nous maintiennent dans une vie agissante et pas trop aliénée.

Points d’ouïe, le rituel de vingt heures à ma fenêtre

2020-04-1520casserole20et20plumeauc2a9b20riviere@photo – Blandine Rivière – https://blandineriviere.tumblr.com/

Une composition tout à fait personnelle, vidéo sonore, à partir d’enregistrements et photos de ma fenêtre, et de celle d’une voisine d’en face.
Lyon 9e, place de Paris
Contributeur et contributrice :
Gilles Malatray, sons et photos – https://desartsonnantsbis.com/
Blandine Rivière, photos – https://blandineriviere.tumblr.com/

 

 

Fenêtres d’écoute/Listening windows – https://soundatmyndow.tumblr.com/

Points d’ouïe, une façon d’être au monde

17828026848_35a0746c7d_o

Translate this page

Confiné par cette crise sanitaire qui n’en finit pas de finir, dans une réflexion qui prend parfois, bon gré mal gré, des allures quasi monacales, la notion de point d’ouïe se pose encore, peut-être pour moi plus nécessaire que jamais.
Je creuse cette idée d’écoute, et de lieu et de posture d’écoute, comme un objet portant et maintenant une attention, voire une tension sur le monde environnant, dans tous ses balbutiements, ses incertitudes, ses tâtonnements et sans doute ses peurs d’un avenir plus incertain que jamais.
Des angles d’approche se dessinent.
Le point d’ouïe géographique, le point d’ouïe touchant à l’image, voire à l’imaginaire, et enfin celui qui se rattache à l’idée, à la pensée active développée par une écoute circonstanciée.

Point d’ouïe, de là où je suis, de là où j’écoute
La première approche, sans doute la plus évidente dans l’énoncé même du point d’ouïe, est pour moi celle d’un point d’écoute localisé, géographié, un Locus Sonus, pour reprendre le nom d’un laboratoire de recherche marseillais autour de la chose sonore et de ses mobilités.
La question est donc d’où est-ce que j’écoute ? Comment j’écoute, de là où j’écoute ? Et comment, de là où j’écoute, je peut parler de ce que j’entends, en terme de point d’ouïe ?
Quelles sont les circonstances, ou facteurs, critères, qui m’ont fait choisir tel lieu plutôt qu’un autre ? Un lieu avec lequel je m’entends bien. Qu’elle est la part d’arbitraire, de non maitrisé, d’hasardeux, en regard d’un choix délibéré, réfléchi, anticipé, dans la localisation d’un poste d’écoute, même temporaire et très bref ?
Sans doute peut-on penser que, selon les circonstances, les projets d’écoute, les lieux définis sciemment et ceux qui s’imposent plus ou moins naturellement, alternent et parfois se superposent même, en des cheminements mi-contrôlés, mi-spontanés.
Si l’on prend le cas d’un PAS – Parcours Audio Sensible, d’une marche d’écoute, les points d’ouïe viendront jalonner, entrecouper la déambulation, soit qu’is aient été repérés préalablement, soit qu’ils se présentent de façon quasi incontournable, par des aléas sonores méritant un arrêt sur image sonore.
En fonction du lieu, de son acoustique, de ses sources sonores, activités du moment, l’espace d’écoute que j’aurai décidé comme tel va donc faire entendre sa propre géographie acoustique, du topos et du tempus, là où, et au moment où.
Le point d’écoute, qu’il soit remarquable, emblématique, ou plutôt indifférencié, nourrit la curiosité auriculaire de l’écoutant. Il lui fournit un cadre, un là où je suis, qui permet peut-être de ne pas trop égarer l’oreille dans les méandres infinies des ambiances acoustiques, et parfois des saturations complexes.
Par exemple, la situation de confinement sanitaire, vécue à l’instant où j’écris ces lignes, impose des cadres assez strictes. Mes fenêtres, et parfois le court trajet de mon domicile au lieu où je vais faire mes courses. La situation est ici inédite, et de plus, dure suffisamment pour en devenir lieu d’itération où se comparent les jours qui passent, avec leur monotonie et leurs variations sans cesse renouvelées.
Une expérience du lieu-cadre comme point de référence, pivot et champs d’expérimentation, géographiquement prédéterminé par notre lieu de résidence, et/ou de confinement, est ici totalement inédite, et en cela inouïe.
Fort heureusement, cette expérience du point d’ouïe confiné, fortement contraint est, en tous cas espérons-le, exceptionnelle. Si elle nous pose, voire impose des cadres d’écoutes singuliers et de nouvelles façons de les penser, sa violence et sa durée ne sont pas choses faciles à vivre.
Lorsque nos oreilles retrouverons la liberté de choisir des lieux d’écoute extérieurs, gageons que nous apprécieront plus que jamais ces espaces retrouvés, sons y compris, même si certains redeviennent vite envahissants.
L’importance du « là où j’écoute », de la géographie embrasée par l’oreille, des ambiances intrinsèques à un lieu donné, des activités qui animent ce dernier, humaines, météorologiques ou animales, mettent l’écoutant au cœur du concert de la vie, qu’il soit selon les moments, harmonieux ou bruitistes, concertants ou déconcertants.
On pourrait se questionner, de façon plus systématique, à chaque poste d’écoute choisi, sur le pourquoi et le comment, les raisons qui ont motivé notre choix, et au final, si c’était ou non « le bon lieu », pertinent dans ses réponses auriculaires. Ces questions soulèvent des problématiques toposoniques qui sont très liées au domaine de l’affect, du subjectif, de l’interprétation de ressentis. elles restent ainsi difficiles à évaluer, d’un individu ou d’un lieu à l’autre par exemple. Elles sont à considérer sans doute comme des formes de récits propres à chaque écoutant, et aux climats locaux dans lesquels ll est plongé au cœur de tels ou tels espaces. Néanmoins, ses récits, ancrés dans des points d’ouïe spécifiques, circonstanciés, mis bout à bout, raconteront sans doute pertinemment une histoire de nos paysages sonores en marche, et par-delà, de notre société, Oh combien chaotique et complexe ces temps-ci.

Point d’ouïe, l’image et l’idée que je m’en fais
Je réécoutais il y a peu, des émissions consacrées à Pierre Schaeffer. Intarissable et cultivé, ce personnage qui a dépoussiéré notre façon d’entendre, et bien au-delà, inventer de nouvelles façons d’écrire avec des sons.
Lors de ces entretiens, il parlait régulièrement d’image sonore, comme l’ont entre autres fait François Bayle, Michel Chion, et bien d’autres.
Ces derniers qualifiaient ce qui sortait du haut-parleur, entre musique et ambiances sonores, d’image-de-son, comme des représentations de l’auditeur, représentations d’objets sonores ou musicaux, ou constructions d’un cinéma pour l’oreille.
La question que je pose ici comme postulat, est d’adopter ces modes perceptifs, représentatifs, en regard, ou plutôt en écoute du paysage sonore, et ce par l’entremise du cadre point d’ouïe.
Après avoir donc choisi un lieu, comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, nous sommes donc parés pour l’écouter d’oreille ferme, acceptant ainsi toutes les représentations/images qui pourraient en découler.
Prenons l’exemple d’une posture d’écoute, physique, assez classique, dans des approches pédagogiques comme dans des expériences performatives sensibles, l’écoute en aveugle, yeux fermés, avec éventuellement un bandeau…
Le monde du sonore peut effectivement se priver de la perception visuelle, pour parfois entrer plus avant dans une écoute profonde, attentive, immersive.
Même si j’aime associer et corréler les perceptions visuelles et sonores, avec toutes leurs connivences et leurs décalages de champs/hors-champs, cette écoute en aveugle est souvent riche.
Si on prend comme posture d’écoute un mode blind listening, que ce soit en situation de point d’ouïe fixe ou de marche guidée, c’est notamment pour éprouver un peu plus fortement l’image sonore interne, mentale, qui va se substituer à celle du regard ponctuellement confisqué.
Supposons que je sois guidé, en aveugle, dans un lieu qui m’est inconnu, et que je me poste pour l’écouter, sans le voir.
A quoi vais-je me rattacher ? A des sources connues, reconnues, courantes, peut-être rassurantes?
Ou bien au contraire à des choses spécifiques, singulières, pas nécessairement identifiées, et delà questionnantes, si ce n’est inquiétantes ?
Ou encore à un mélange des objets et ambiances sonores que nous avons déjà cataloguées comme reconnaissables dans notre immense banque de sons, et de celles qui devant encore à l’être, donc ignorées, non identifiables.
Et dans quelles sens ces images audio-mentales, ces représentations acousmatiques seront -elles plus ou moins en phase avec une certaine « réalité » du paysage entendu ?
Notre cerveau, par l’occultation de l’un de ses sens, reconstruira t-il un monde crédible, ou se laissera t-il berné par des trompes-oreilles qu’il aura cru reconnaitre ?
Cherchera t-il une forme de véracité ou au contraire un imaginaire assumé, voire recherché, via peut-être des sensations synesthésiques associant sons, formes couleurs,de façon très symboliques ou plus ou moins abstraites… ?
N’étant pas versé dans les domaines de la neuro-perception, je n’ai pas de réponses, ni d’explications suffisamment étayées et fondées, par une approche scientifique, à ces questions, pas plus que des modèles d’analyse efficients sur les expériences sensorielles vécues.
Néanmoins, je peux décrire nombre d’images sonores, fortes, éprouvées lors de parcours d’écoute vécus.
Certaines semblent irrémédiablement gravées dans ma mémoire. Des perceptions d’espaces, de profondeur, des géographies palpables de l’oreille, qui sont durablement associées à des lieux bien précis, des événements, des moments d’actions collectives…
Lors d’un parcours nocturne, souvent propice à la fabrication d’images mentales, nous nous sommes retrouvés, un groupe d’une vingtaine de personnes, dans un champ herbeux, dominant une vaste combe, à nuit tombée, allongés dans l’herbe, yeux fermés, durant une bonne vingtaine de minutes. Un panorama sonore à la fois sobre et très riche s’offrait à nous. Grillons, oiseaux nocturnes, chiens et vaches au loin, parfois des bribes de musique d’un fête en contrebas… Un paysage sans moteurs, et avec une incroyable mise en espace des sources, des plans acoustiques, des réverbérations lointaines.Tout un monde bruissonnant dans notre tête, créant un théâtre acousmatique, et intrinsèquement des images auriculaires plein les oreilles. C’est en tout cas ce qu’il est ressorti des échanges post promenade, qui elle fut silencieuse, pour être d’autant plus habitée par les sons.
Des exemples comme cela, je pourrais en citer bien d’autres, dans lesquels un imaginaire dopé par une écoute collective se déroule comme un film, dans laquelle, chacun à sa façon sans doute, se déroule ses propres images au gré du point d’ouïe stimulant.
Si je contextualise ces images sonores au prisme des points d’ouïe actuels, et dans un contexte de pandémie qui nous confine et rend notre écoute forcément plus recluse, je vois nettement des changements se profiler.
Par exemple dans ces fameux rituels de vingt heures, où beaucoup de personnes se mettent aux fenêtres et balcons, pour applaudir une profession, huer des politiques, de nombreux champs cadrés et hors-champs viennent créer de nouveaux imaginaires. Je vois les voisins d’en face, et j’en entends beaucoup, à droite, à gauche, au-dessus, que je ne vois pas. J’imagine alors qui sont mes voisins aux casseroles ou applaudissements. Ces spots auditifs, très cadrés dans le temps et dans l’espace, convoquent des images sonores, et visuelles, tendant à remplir une sorte de vide des hors-champs de signifiés audibles.
il y a donc ce que j’entends, le signifiant auriculaire, et l’image et la représentation que je m’en fait, le signifié entendu.
Et le fait de penser un paysage sonore par points d’ouïe permet de réunir et d’activer plusieurs entités structurantes de l’écoute, tel le lieu et le moment comme cadres, les objets écoutés, et les représentations mentales, ou images sonores associées.

Au-delà de l’image que me suggère un point d’ouïe, il y a également le jugement critique que je pourrais porter sur un paysage ambiant au travers cette forme de protocole, ou de scénario de mise en écoute que j’installe par l’intermédiaire du point d’ouïe.
Associé à l’image d’un lieu, des notions d’analyse, de jugement, d’appréciation, émergent de façon inéluctable de ces écoutes installées.
L’idée d’esthétique, que j’ai déjà abordée précédemment entre en jeu. Beau, pas beau, insipide, remarquable… ? Affaire de goût, de culture, et sans doute d’affect du jour et de l’instant. La question du jugement esthétique reste sujette à controverse, d’accord pas d’accord, en parti d’accord… L’urbain peut-il combler les oreilles, ou les agressent t-il a l’envi ? La campagne peut-elle être belle a entendre, ou mortifère, en écoute par exemple de la paupérisation systématique de ses écosystèmes des plaines céréalières dévastées? Je ne rentrerai pas ici dans un débat trop souvent conflictuel. C’est sans doute pour cela que je pose souvent cette question « Et avec ta ville, ton quartier, ta rue, ton village… tu t’entends comment ? Approche certes toujours personnelle, discutable, mais plus ouverte que les dichotomies beau/laid, agréable/désagréable. Les demi-teintes et divergences y sont permises, si ce n’est souhaitées. Le tout restant influencé des affinités sur le vif, quiétude d’un instant, irritation d’un autre, le paysage sonore étant très versatile, les jugements pourront être, d’un moment à l’autre, changeants, contrariés, sans pour autant se contredire.
Mais je reviens ici à l’approche sociale d’un lieu d’écoute, qui elle aussi influera, et de façon très sensible, l’analyse d’une ambiance saisie en point d’ouïe. La posture d’écoute, notamment en espace public, est forcément marquée de la vie sociale ambiante, qui se déroule devant et autour de nos oreilles comme devant nos yeux. Sociale donc politique, au sens premier du terme, en rapport à la chose commune que les sons mettent en scène, parfois en exergue, dans une espace cadré de cité audible.
Cette réflexion prend d’ailleurs un sens tout particulier au cœur de ce confinement sanitaire, qui place les fenêtres ouvertes comme des points d’ouïe privilégiés, sinon obligés.
Donc je me poste, scrute de l’oreille, et sens les tensions, les violences, comme les moments plus apaisés, sinon des instants de quiétude.
Les sirènes, police, pompiers et ambulances, qui sillonnent inlassablement les cités sont des signaux souvent liés à des tensions, dangers, accidents, donc nous font entendre un paysage urbain plutôt stressant.
Dans les périodes de mouvements sociaux, et nous en vivons à répétition ces temps-ci, les cris, slogans, chants et musiques offrent une tonicité frondeuse, mais hélas trop souvent contrariée de heurts, violences, bruits de grenades et autres sonorités aux accents guerriers.
Le son est ici, plus que jamais, un marqueur de soubresauts sociétaux, entre liesses collectives contestataires, généreuses, désir de casser, et répressions, souvent démesurées.
Prendre le temps d’écouter la cité, c’est accepter que la ville politique nous saute aux oreilles, pour le meilleur et pour le pire.
Il ne s’agit plus là d’une image, d’impressions, même si elles sont toujours bien présentes, mais d’une écoute qui nous met en relation directe avec notre monde turbulent, et souvent nous pousse à prendre parti, à accepter, refuser, se retirer, rentrer dans la ronde…
Le point d’ouïe est pour moi étroitement lié au point de vue. Non pas le belvédère d’où je contemple, de loin, un beau panorama, mais celui de l’idée que je défends, parfois à chaud, face aux choses qui ne sont pas que vues, mais aussi entendues.
Un feu d’artifice et une répression à grand renfort de grenades lacrymogènes ne sonnent pas pareil, et surtout, ne s’entendent pas avec la même oreille.
Les points d’ouïe nous font entendre, et comprendre, voire juger un monde parfois emprunt de joie de vivre, mais aussi déchiré de violentes tensions, elles-même signes d’une séries de graves crises et dysfonctionnements parfaitement audibles.
Tendre l’oreille est aussi une façon de rester dans une dynamique d’écoutant actif, tendre l’oreille vers l’autre, et vers tous les signaux à même de nous faire percevoir les menaces multiples de notre époque.
Les points d’ouïe sont pour moi comme des radios ouvertes sur le monde, où via l’oreille l’écoutant à son mot à dire, et la place de se faire entendre.

.

Points d’ouïe, fenêtres d’écoute, de l’extime à l’intime, une résistance

Translate this page

photo0382

Cela va faire maintenant presque cinq semaines que, dans mon confinement d’écoutant, j’ai lancé au gré des réseaux l’appel à contributions « Fenêtres d’écoute – Listening windows.
Et il est toujours actif, alimenté, commenté, au jour le jour.
Des sons bien sûr, mais aussi des photos, des textes, des vidéos, des points de vue et points d’ouïe.
Un riche collectage, qui part de la fenêtre de ma voisine d’en face, photographe et joueuse de louche et d’écumoire, mais aussi des quatre coins de la France métropolitaine, de Corse, Allemagne, Danemark, Suisse, Belgique, Tunisie, États-Unis, Québec, Italie…
Des diffusions et relais en Russie et ailleurs.
Des partenariats belges, européens…. (voir en pied d’article)
Bref, des sons qui se promènent, s’échangent, s’écoutent ici et là.
Des contributions uniques, ponctuelles et pour certaines journalières, en mode feuilleton et série.
Un récit qui se déroule, rebondit, s’auto-alimente, croise des géographies auriculaires et visuelles, communes et singulières.
Des rituels, tels les applaudissements de 20h en France, qui nous font mettre des visages des voix sur nos voisins d’en face.
Des envies de collaborations avec des artistes sonores, ou multimédia, ou autres, des idées de dispositifs, d’installations, des expérimentations…

Au-delà du projet en lui-même, ce sont des liens entretenus, ou repris, avec des personnes que j’ai croisées, avec lesquelles j’ai travaillé, échangé, sympathisé, voire avec qui une amitié s’est forgée au fil du temps.
Ce sont également de nouvelles rencontres, de nouveaux échanges, de média comme d’idées, confortant un réseau qui, même à distance, s’agrandit par les sons écoutés de nos fenêtres ouvertes, ceux qui s’en échappent, vers l’espace public, comme ceux qui entrent dans nos sphères privées.
Des échanges, autour du son, mais également concernant des situations compliquées, parfois des craintes, des révoltes, des rêves, des impatiences, des colères, des amertumes, des désarrois, de l’humour ou de la tristesse…
Derrière ces échanges soniques, il y a une bonne dose d’humain.
Plus que je ne l’aurais pensé en lançant ce projet.
Et cela fait du bien dans ces périodes de solitudes confinées, de vies ralenties, d’empêchements à répétition.
Au travers ces échanges, il y a des ressentis, des émotions, qui sont véhiculés en filigrane dans les paysages sonores captés, dans les commentaires, dans les images et autres à-cotés.
Certains de ces extensions, très personnelles, resteront dans la sphère intime du privé des donneurs-receveurs, car dans des temps où nos libertés sont mises à mal, nos vies sous haute et insidieuse surveillance, tout n’est pas forcément à verser dans la sphère publique. Il nous faut garder entre nous des parts de sensible, d’émotionnel, qu’il serait sans doute indécent de partager publiquement, et qui donnent d’ailleurs aux échanges une profondeur accrue par des spontanéités avant tout humaines.

Jamais je n’ai autant ressenti le geste d’écouter comme un besoin d’altérité, mais aussi comme une sorte de filtre résistant à des discours présageant des lendemains pour le moins liberticides..

Vous êtes évidemment les bienvenus, ou re-bienvenus pour écouter, commenter, contribuer…

Partenariats avec Transcultures et les Pépinières européennes de création

Blog « Fenêtres d’écoute – Lisening windows »

Points d’ouïe percutés de vingt heures

3294f47d17f28706fef84d3bc5c34a3886727669

80c1b280ddfe9b6fe3f1d6e42ac671bf1b9fd268

Translate this page

 

Dégâts collatéraux

quand une louche

une simple louche

une modeste louche

se fait instrument de percussions

battant sur casseroles

heurtoir sur écumoires

dans l’orchestre de vingt heures

à fenêtres ouvertes

elle se poque au fil des soirs

en perd de ses rondeurs

se bossèle bruyamment

s’aplatit nonchalamment

dans ses martèlements véloces

ses envolées trépidantes

volonté d’une main vigoureuse 

à percuter rituellement

les vingts heures bien sonnantes.

@photos Blandine Rivière @texte Gilles Malatray

Fenêtres d’écoute – Listening windows

Des 20 heures à nos fenêtres

29f094d363679e42b0a6f93fc405679eb50443fa

@photo Magali Babin

Chaque jour, nouveaux rituels de 20 heures, à ma fenêtre, ailleurs dans la ville, dans d’autres villes.

Applaudissements, cris, percussions ustensiles de cuisine, instruments, chacun y va de sa partition, se mêlant allègrement au charivari ambiant.

Dans le cadre de l’appel à contribution « Fenêtres d’écoute – listening windows » je recueille chaque jour de nouvelles ambiances.

J’ai décidé ce jour de commettre un petit montage, création sonore dédiée à ces rituels de 20 heures, point d’ouïe multiple brassant allègrement les géographies.

Avec la contribution de : Aurélie Pertusot (Berlin), Jeanne Schmid (Cugy, Suisse), Murielle Julliard (Genève), Karine Maussière (Marseille), David Rivière (Lyon 1er) et Gilles Malatray (Lyon 9e).

 

Points d’ouïe, Place de Paris charivaris

8967d671b65bf52b38f02917c2bacba6e28a5fe0

Des ustensiles charivrisent

casseroles et écumoires

en fenêtres applaudissantes

tintamarres festifs

timbres de cuisines

non plus des ustensiles

mais de vraies percussions

instruments instrumentalisés

depuis longtemps déjà faiseurs de charivaris

dénonciateurs bruyants

montrant du doigt

à l’oreille

jamais il n’est bon de trainer des casseroles

et qui plus est retentissantes

 

4dc2d2ad140aa69757083124352d2200946ce818

 

mais il y a aussi de la fête aux fenêtres

dans ses casserolades de 20h

entre mécontentements et soutiens

concerts et chahuts

retrouvailles confinées

on les ré-entend avec plaisir

de soir en soir

travaillant de nouveaux rythmes

se répondant parfois

l’orchestre est encore jeune

mais il gagne en dialogues

au gré des soirs chahutés

les casseroles se frottent à l’improvisation collective

sans même s’en douter

mêlées aux voix et claps concertants

que j’engrange au fil des jours.

 

@Fenêtres d’écoute – Listening windows avril 2020

 

Un banc, point d’ouïe modifié

b21c30500b61cd66b64a55ad3ddc71e9e0847eab

Ceci est un banc

tout près de chez moi

un banc où

très souvent

je m’assois

j’écoute

je regarde

je lis

j’écris

je parle à des habitués

ou à des rencontres fortuites

un lieu de repos

parmi d’autres bancs

un point d’observation urbaine

d’observation curieuse

des choses répétées

des choses singulières

des aléas du moment

un point d’ouïe ittéré

un espace de tentative d’épuisement

comme une terrasse façon Pérec

une forme de rituel urbain

intervention minimaliste

prenant corps dans la durée

les rencontres causeries

ma présence qui s’installe

mais aujourd’hui

confinement sanitaire oblige

je l’ai déserté

lui préférant

dans mes rares sorties

une marche dégourdissante

ma fenêtre est alors devenue

l’erzatz d’un banc

momentanément inoccupé.

 

@Photo Blandine Rivière @texte Gilles Malatray

Points d’ouïe, dans nos confinements réunis, des sons à nos fenêtres

confins
@ photo – Judith Lesur, contributrice
Après un peu plus de trois journées pleines, l’appel à contributions « Des sons à ta fenêtre – Sounds at your window », s’inscrivant dans la crise sanitaire du Covid19, compte presque 30 sons, pour un peu plus de 5h de matière brute.
Sons de fenêtres, de balcons, terrasses, et pour les plus chanceux de jardins.
Sons de villes, de villages, de hameaux, de quartiers…
Sons de France, du nord au sud et d’est en ouest…
Mais aussi de Suisse, du Danemark, d’Allemagne…
Sons et photos, parfois textes, vidéos.
Sons isolés ou en séries quasi quotidiennes.
Sons très brefs, ou qui prennent tout leur temps.
Sons au hasard de l’instant ou sur des événements prévus, anticipés (les 20h, rituels de soutien collectifs aux fenêtres).
Sons, images et textes, voire vidéos, qui marquent des changements progressifs, comme des ruptures, des effondrements, des apaisements, de silencieuses tensions.
Sentiments d’étonnement, d’isolement, de solitude, mais aussi volonté de faire encore, autrement dans nos confinements réunis.
Si l’oreille vous en dit
A suivre
A alimenter encore
In progress
Une cartographie à venir

Points d’ouïe, fenêtres et balcons, une géographie de l’écoute

25384014954_171cf08426_k_d

Des percées Points d’ouïe, un cadre d’écoute
Aujourd’hui, la fenêtre, le balcon, sont devenus des points d’ouïe privilégiés pour tendre une oreille vers la ville, lui faire prendre l’air, et les sons, rester présent, observateur, actif, malgré notre confinement.
Ces lieux donnent un cadre, dans tous les sens du terme, ils orientent nos points d’ouïe, les limitent parfois, imposent des axes, des horizons, des rapports vision/écoute plus ou moins contraints, des confrontations de chez soi vers des ailleurs percés.

Jonctions

Dedans dehors
Je suis plus ou moins dedans, plus ou moins dehors, et mon écoute se joue de cet entre-deux.

Devant derrière
Derrière, c’est une cuisine, un bureau, une chambre…
Devant c’est un jardin, une cour d’immeuble, un champs, une route.
Et les sons sont en conséquence.

public privé
Ce que je vois, ce que j’entends à portée de vue, relève en général du public, ou de l’espace public, ou des usages publics, des espaces privatifs, ou privatisés.
Mais hors-champs, lorsque je suis tourné vers l’extérieur, c’est chez moi, là où j’habite, de l’endroit où j’écoute.
Et les deux se mêlent ainsi, me faisant axe entre deux mondes orientés via l’oreille. Plus ou moins précisément d’ailleurs.

intime extime
L’intimité de chez soi, je l’entends par des gestes confinés, des présences de proches, des voix et bruits du quotidien, de l’eau qui coule, des couverts rangés, ou la solitude calfeutrée.

L’extime, c’est la vie au-delà de l’intime, au-dehors, voitures, chantiers, oiseaux, et tout ce qui résiste encore en laissant des traces auriculaires…

Seuils
La fenêtre et le balcon font seuils
Ils sont entrée, porte ouverte aux sons du dehors
Ils sont sortie, laissant les sons du quotidien s’échapper vers le dehors
Ils sont passage
Ils sont lisière, marge, croisement, recoupement, interstice, superposition
Ils sont espaces de mixage où se confondent les jonctions auriculaires
Se tenir sur la PAS, accueillant la vie sonore, au lieu de faire un PAS – Parcours Audio Sensible.
Nouvelles contraintes, nouvelles pratiques.

 

Texte écrit dans le cadre du projet  » Des sons à ta fenêtre – Sounds at your window« 

https://desartsonnants.bandcamp.com/album/des-sons-ta-fen-tre-sounds-at-your-window

Points d’ouïe, crise sanitaire et ambiances acoustiques dystopiques

Capture-d%u2019écran-2020-03-19-à-07.43.38-687x433

Amateur de science-fiction, j’ai connu bien des dystopies littéraires, où se raréfiait la foule, l’humain, sous des menaces diverses; plus terribles les unes que les autres. Un peu comme maintenant quoi.
Arpenteur urbain, écouteur public, j’ai traversé nombre d’ambiances sonores chaotiques, parfois jusqu’à l’oppression chronique.
Depuis quelques jours, marcheur urbain confiné en appartement, je regarde et tends l’oreille à ma fenêtre. Je vois et j’entends la cité se déserter, se taire, passe progressivement du joyeux chahut au chuchotement.
Je vois les passants esquisser, des pas de cotés, chorégraphies ‘évitement corporel lorsqu’ils se croisent, à vrai dire assez rarement, sur le trottoir..
Bien sûr, j’en vois d’autres passer de longues heures à siroter des bières sur un banc, néanmoins avec gants et masques… A chacun la façon d’interpréter son confinement
Aujourd’hui, enfermé depuis trois jours, je sors faire des courses, autorisation dérogatoire en bonne et due forme en poche.
Quelques centaines de mètres jusqu’au magasin, une promenade de luxe quoi.
Le soleil, outrageusement généreux ces jours-ci, et l’air sur la peau me font un bien fou. Comme si j’avais subi des lustres de privation de ces éléments qui me paraissent si agréables. Un petit plaisir retrouvé qui en devient un grand
On s’aperçoit ici, très vite, surtout pour quelqu’un qui a l’habitude dans son travail de battre le pavé, que l’enfermement pèse rapidement très très lourd.
On repense l’univers carcéral autrement, peut-être. Surtout qu’étant intervenu récemment à la prison des Baumettes de Marseille, je considère maintenant avec un œil et une oreille interpellés, les notions de dedans/dehors, et de libertés fondamentales.
Sinon, une sorte de sidération sensorielle.
À 17 heures, période généralement qui fait grouiller les trottoirs de passants et les rues d’engins motorisés, presque rien ne bouge.
Ou si peu.
Si peu de voitures, et ça c’est un vrai luxe à tous les niveau, acoustique, piétonnier, respiratoire…
Si peu de gens, dans des espaces fantomatiques un brin inquiétants, presque anxiogènes.
Le regard embrasse la longue alignée d’une rue en générale très passante, et ne voit que peu de véhicules ni de piétons.
On peut traverser tranquillement une trois voies urbaine sans courir.
Beaucoup, ceux qui le peuvent en tous cas, la crise n’est pas la même pour tous, ont quitter la ville pour se mettre au vert.
Les autre évitent, ou sont contraints à bouger le moins que possible.
Je n’aurais jamais penser connaitre ça.
Et si peu de sons en conséquence.
Une sorte d’étouffoir acoustique, de chape de plomb, qui fait ‘ailleurs d’autant plus ressortir les sirènes des ambulances, pompiers, policiers… et nous remet à l’oreille un monde sanitaire malmené, des espaces publics devenus suspects, voire dangereux, plus que d’habitude en tous cas.
Une ville métamorphosée, transfigurée, réduite au presque silence.
Certes pas un silence de mort, mais sans doute de peur oui.
On peut jouir maintenant d’une forme de calme sans doute rarement observé, écouté, au cœur des grandes villes en principe si sonifères.
Un calme que je trouve cependant plus paupérisant qu’apaisant, qui aurait effacé toute l’énergie d’une ville, ou les élans dynamiques seraient bridés, si ce n’est brisés, où l’oreille chercherait des repères perdus, gommés, des voix gouailleuses et des cascades de rires par exemple.
Merci les oiseaux d’entretenir une forme de gaité pépiante.
Merci également, sur le coup des vingts heures, au initiatives citoyennes spontanées, cris, vivats, applaudissements, charivaris, mais aussi colère et protestation, de balcon en balcon, à l’instar des concerts italiens.
Par ces manifestations bruyantes, toniques, vivantes, rassemblantes, il y a aussi des conspuations de politiques privilégiant les chiffres et le rendement plutôt que la santé publique.
Après les places, les rond-points, ls balcons et fenêtres.
Même contraints à quitter l’espace public, l’espoir et les colères se font encore entendre.
Rassurant quelque part !

 

Le charivari de 20 heure à ma fenêtre : https://desartsonnants.bandcamp.com/track/lyon-vaise-le-charivari-de-20-heures

Pour en écouter plus de nos fenêtres : https://desartsonnants.bandcamp.com/album/des-sons-ta-fen-tre-sounds-at-your-window

Participer au projet collaboratif : https://desartsonnantsbis.com/2020/03/17/appel-a-contribution-ouvert-point-douie-quentends-tu-de-ta-fenetre/

 

 

Appel à contribution ouvert – Fenêtres d’écoute – Listening windows

Photo0329

English below

Cet article est écrit alors que, face à une sérieuse crise sanitaire due au Coronavirus, Covid-19 de son petit nom, des mesures de confinements ont été prises à l’échelle internationale.

Ce qui signifie pour moi, et pour bien d’autres hélas, l’annulation de toute pratique publique, parcours d’écoute, point d’ouïe, atelier, workshop, conférence…. Bref l’oreille confinée, l’écoute en appartement, au mieux à la fenêtre, hormis de rares sorties ravitaillement. Mais l’ampleur de la crise oblige à se montrer très prudent.

Donc, comme beaucoup, je réfléchis comment continuer à pratiquer, non plus des PAS – Parcours Audio Sensibles, l’appartement ne s’y prêtant guère, mais à développer des formes de Points d’ouïe adaptés aux circonstances contraignantes. Je réfléchis aussi à la façon de les partager, de les faire circuler, sans rapprochements physiques, mais en conservant des sociabilités humaines, plus que jamais nécessaires dans ces temps compliqués et anxiogènes.

Inspiré des performances chantées et musicales des fenêtres et balcons italiens, mixés à mes propres points d’ouïe et autres bancs d’écoute, je lance donc un appel collaboratif et participatif à des « Écoutes en fenêtres ».

La forme est simple et assez libre.

Ouvrir sa fenêtre, ou aller à son balcon, à une heure choisie, diurne ou nocturne, écouter le paysage ambiant, l’enregistrer, ou le décrire vocalement, ou par écrit, graphiquement, ou bien encore mixer les genres, inventer nos propres modes de description, de représentation… Le faire autant de fois que bon nous semble…

Créer ainsi une sorte de chaine de Points d’ouïe et d’écoutants, histoire de garder l’oreille tournée vers l’extérieur, et vers l’autre !

M’envoyer tout ça par mail desartsonnants(at)gmail.com (remplacer le (at) par un  @), ou via ma page FB, un wetranfer ou autres média…

Préciser l’heure et le lieu de la captation sonore, et envoyer une photo du Point d’ouïe embrassé.

Les contributions reçues seront inscrites dans sur une carte pour les sons, et un espace numérique sera ouvert pour les documents reçus autres et complémentaires (visuels, multimédia, …).

A noter que dans un second temps, ces captations sonores pourront être matière à (re)composition par des artistes audio et musiciens expérimentaux internationaux qui seront, dans les prochaines semaines, sollicités das un autre appel et que les personnes participant à la première phase de récolte des sons qu’ils ont enregistrés marquent leur accord pour en participant à ce projet collectif.

Merci beaucoup pour votre participation et bonne captation !

Site in progress : https://soundatmyndow.tumblr.com/

Open call for participation – Listening windows

This text is written when, faced with a serious health crisis due to the Coronavirus or Covid-19, containment measures have been taken on a national and international scale.This means for me, and unfortunately for many others, the cancellation of any public practice, listening course, hearing point, workshop, workshop, conference…. In short, a confined ear, listening in and to an apartment, at best by the window, apart from rare outings for supplies. But the scale of the crisis means that you have to be very careful.

So, like many others, I am thinking about how to continue practicing, no longer PAS – Sensitive Audio Courses, the apartment space is not appropriate for that, but to develop forms of hearing points adapted to the constraining circumstances. I am also thinking about how to share them, to circulate them, without physical connections, but while preserving human sociability, more than ever necessary in these complicated and anxiety-provoking times.

Inspired by the sung and musical performances of Italian windows and balconies, mixed at my own hearing points and other listening benches, Desartsonnants have therefore launched, with the support of Transcultures (Centre for digital and sound cultures – Belgium – which has initiated the sound arts festival City Sonic, longtime partner of desartsonnants) along with European Pepinieres of Creation (international network to promoting and developing exchanges in various forms of contemporary arts)  a collaborative and participative call for the ongoing project/online platform Listening windows.

The application form is simple and fairly free.

Open your window, or go to your balcony, at a chosen time, day or night, listen to the surrounding landscape, record it, or describe it vocally, or in writing, graphically, or even mix genres, invent your own modes description, representation … Do it as many times as we want …

Create a kind of Hearing/Listening Points  chain, just to keep your ear turned  towards the outside, and towards the others!

Send it to me by email desartsonnants (at) gmail.com (replace the (at) with an @), or via my FB page, a wetransfer or other media …

Specify the time and place, if you have a picture of the kissing point, it’s great.

I will retransmit the documents on a Soundmap, and an open digital space for other types (visual, multimedia…) of documents .

Please note that in a second step, the gathered sound recordings could be material for (re)compositions/revisitations by international audio artists and experimental musicians who will, in the coming weeks, be invited to submit their artistic proposals via another call, and that the participants in this first phase of this in progress project/platform mark their agreement for this possible creative use of their recordings.

Thanks a lot!

Point d’ouïe bastiais, les oreilles au vent !

9608568204_a404f9c23a_b_d

Atterrissage un brin agité, venté, à l’aéroport de Bastia Poretta en fin d’après-midi pour rejoindre la belle cité bastiaise. Au menu, des rencontres autour des paysages sonores urbains. Tout un programme !

Le premier soir, après un excellent diner où les poissons locaux ravissent nos palais, je décide, comme à mon habitude, de faire une promenade en nocturne. C’est ma troisième venue dans cette ville nichée au pied du Cap Corse, face à la mer, et j’aime toujours autant, et sans doute de plus en plus, l’ayant un brin apprivoisée lors de mes précédentes déambulations, y trabouler, selon l’expression  lyonnaise. Ce terme convient d’ailleurs bien à cette ville pentue, agrippée à la montagne, où l’on peut se glisser de petites rues en placettes, via des escaliers serpentant à flanc de collines.

Ce soir, la météo est capricieuse, très capricieuse même,  en cette fin de janvier. A la fois un ciel dégagé, des températures  clémentes pour l’époque et une alternance de moments calmes, presque endormis, et de sautes de vents tempétueux, dans le vrai sens du terme.

Alors, tout siffle, gémit, craque, claque, gronde… De grosses poubelles en sacs plastiques traversent la rue dans un bruit de friture amplifiée, parfois accompagnées d’une chaise de bar grinçant métalliquement sur la chaussée. La nuit se déchaine dans une série de flux tonitruants, qui rafraichissent soudainement l’atmosphère et déclenchent des tempêtes soniques, balayant et griffant l’espace auriculaire sans ménagement.

Puis, aussi soudainement que ces séquences venteuse sont apparues, tout se calme. Durant quelques instants, la ville semble s’ébrouer en silence, remettant un peu d’ordre dans un espace apaisé, pour un temps durant lequel l’oreille reprend des repères plus sereins. Avant que tout ne reparte de plus belle, dans une sorte de désordre plus frénétique que jamais, les vents d’Ouest étant Oh combien capricieux !

Ces enchainements de tensions et de détentes ravissent au final mes oreilles rafraichies. J’ai choisi de faire halte sur un banc, en évitant toutefois ceux placés sous d’imposants platanes ancestraux, sait-on jamais… Je me délecte alors, solitaire, de ces concerts éoliens aux sonorités si changeantes, si joliment capricieuses. Le vent semble contester l’ordre des choses trop bien établies, ou mettre en garde, en apportant un brin de révolte urbaine incontrôlable et rebelle. Sans doute là une vision très personnelle, métaphore météorologique d’une société traversée de soubresauts sociaux, politiques, autant que climatiques.

Je suis apparemment un des seuls à apprécier ces sautes d’humeur atmosphériques, la ville étant désertée, y compris des automobiles, les rares passants marchant vite, tête baissée, cache-cols remontés sur les oreilles, insensibles à ces tourbillonnements d’air toniques, voire les fuyant au plus vite pour s’en mettre à l’abri.

Le lendemain, le vent est totalement tombé, le soleil brille, la vie et la ville ont repris leurs rythmes de croisière, les terrasses se déploient, les passants et voitures sont de retour. Une journée plus paisible s’amorce, presque radieuse, avant que d’autres déchainements impromptus ne viennent secouer la quiétude ambiante, notamment d’un paysage sonore aux multiples facettes.

Bastia, le 30 janvier 2020, Forum des arts sonores, Semaine du son, accueilli par Zones Libres

https://www.zonelibres.com/

https://www.lasemaineduson.org/

Workshop Points d’ouïe lyonnais 2019

FireShot Capture 144 - Points d'ouïe 2019 – Google My Maps - www.google.com

 

Workshop « Points d’ouïe » avec des masters 1 de L’ENSAL – École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon – Épistémologie des ambiances

Au départ, une approche théorique – Qu’est-ce qu’un point d’ouïe ? Quelques définitions ? Des écoutes audio commentées, une approche technique de la prise de son, du montage audionumérique.

Les étudiants forment des groupes, par 4 ou 5, choisissent un lieu « point d’ouïe » dans la métropole lyonnaise, justifient ce choix, documents à l’appui (descriptifs, scénari envisagés, photos, cartes sensibles..)

Ils partent sur le terrain, l’arpentent, l’écoutent, le photographient, l’enregistrent

S’ensuit une série d’écoutes critiques en studio (qualité de la prise de son, adéquation des sons à la problématique, singularité du propos, technique de montage…).

Deux à trois minutes de rendu sont demandées, en format vidéo, s’appuyant sur des images ou graphismes types plans-fixes et une bande-son (montée à partir des prises in situ) en contrepoint, le tout prenant le partie de montrer très subjectivement un lieu. Deux « états des lieux » peuvent être montrés, donnés à entendre, interprétés, l’un actuel, l’autre, prospectif, imaginaire, dans un futur plus ou moins lointain.

Une cartographie interactive, géolocalisée, permet de visionner les vidéos sonores.

 

Carte en ligne : https://www.google.com/maps/d/u/0/viewer?mid=1LfRMbj6UMTfkcZBIIzTvxaQuql_43_Us&hl=fr&ll=45.77227274075625%2C4.866849832502339&z=12

Responsable Cécile Regnault
Enseignants intervenants :
Julie Bernard
Gilles Pathé
Gilles Malatray

Des Points d’ouïe, l’exemple de Sabugueiro, opus 3

Photo0025

La notion de point d’ouïe n’est pas neuve. Elle a parfois été explicitée, discutée, mise et remise en question, et sujet à controverse.
Peut importe, je la fait ici mienne, partant de mon expérience propre, et d’une des définitions que j’ai forgé au fil du temps, tout en acceptant la polysémie du terme, les différents sens et applications que tout un chacun puisse lui accoler.
M’étant déjà expliqué sur la définition que j’applique aux Points d’ouïe, je ne m’étendrai pas sur le sujet, si ce n’est pour rappeler que je suis proche de l’idée anglo-saxonne de Sweet spot, l’endroit où il faut être pour bénéficier de la meilleure écoute. Et dans le cas d’une écoute paysagère, je dirais l’endroit et le moment, me rapprochant ainsi de l’instant du déclic photographique. Être là juste au bon endroit, et quand il faut. Une part d’instinct, de repérage, d’opportunité, une part de hasard et de chance.
Il y a pour cela des lieux qui se prêtent à ce genre de situations. Des endroits que je sens propices à me fournir de la belle matière auriculaire, visuelle, qui viendra confirmer, à certains moments, que je suis bien sur un Point d’ouïe, ce lieu qui pourra mes donner du grain à moudre, où je reviendrai régulièrement, me poster dans l’attente d’une scène sonore intéressante, belle, construisant un paysage auriculaire intéressant.

Ces Points d’ouïe peuvent constituer, dans des parcours d’écoute, des haltes, des pauses, des façons de zoomer sur une ambiances, de se concentrer sur un objet sonore, une scène, d’en profiter dans toute sa durée, ou tout au moins sur un long temps, le temps de s’en imprégner. Ils jalonnent une marche, constituent des repères spatio-temporels, des points d’ancrage qui quadrillent et dessinent un territoire sonore.
Ce sont très souvent pour moi des bancs publics, mobiliers placés à différents endroits de la ville, du village, d’un sentier, sur un site panoramique… Je me sens d’ailleurs très bien assis sur un banc, regardécoutant ce qui se passe autour de moi, quitte à construire un parcours autour de ces assises favorisant la pause perception sensorielle, et souvent la rencontre inopinée, lorsque l’on pratique un même banc de façon régulière, sur un certain long terme.

Ils peuvent donc être uniques, fixes et servir d’affûts, points d’ouïe d’un territoire de proximité, circonscrits à un échelle spatiale relativement restreinte.
Mais également être multiples, jalonnant voire constituant un parcours d’écoute, un itinéraire pédestre, où la marche alterne avec des pauses auriculaires préalablement repérées.

Nous en répertorierons donc de ces deux natures différentes. Ceux précisément situés géographiquement comme des espaces bien définis, fixes, quasiment incontournables. Des lieux donc bien repérés dans leur dimension géographique et spatiale. Les objets et aménagements sonnants, tels les fontaines, rivières, cascades, cloches, ainsi que les acoustiques, lieux réverbérants, à échos, ou autres effets acoustiques remarquables constitueront des critères de choix pour les choisir et les localiser..
Nous trouveront également ceux, plus aléatoires, improbables, fugaces, éphémères, non repérés en amont, étant plutôt issus de l’instant, du moment, de ce qui se passe à l’instant T, de l’événement inscrit dans une temporalité et non dans une spatialité déterminante. Une volée de cloches, un musicien de rue, un troupeau ensonnaillé, et bien d’autres « accidents » sonores feront que nous établirons, pour une durée en générale indéfinie, car intrinsèquement liée à la chose sonore, un point d’ouïe temporel, qui ne s’appuiera pas sur une géographie acoustique préalablement repérée.

Photo0026

Prenons un exemple concret, géographique, un cas pratique, dans le cadre d’une résidence artistique que je suis en train, au moment où j’écris ces ligne, de vivre.

Je me trouve, milieu juillet, dans un petit village Portugais, à Sabugueiro, littéralement le Sureau noir, au cœur de la montagne Serra da Estrela, dans un magnifique Parc Naturel.
Le petit village de Sabugueiro, le plus haut en altitude du pays, s’étire en longueur, traversé par une route sinueuse et pentue, au bord de laquelle s’enchainent des magasin de produits locaux, nourriture et peaux, des, chambre d’hôtes et d’hôtels, des restaurants.
A chaque extrémité, des points culminants, cols rocailleux, où la majorité des arbres ont été calcinés par de récents et violents incendies. L’aspect de ces montagnes jonchés d’énormes blocs de pierre est à la fois fascinant et un brin austère.
Au bas du village, une rivière creuse un profond sillon aquatique verdoyant. De nombreuses sources alimentent le cours d’eau Alva, espace rafraîchissant et joliment glougloutant.
En haut de la rue commerçante principale, se tient le vieux village, site historique très pittoresque, dont les habitations, église, fontaines, sont construites dans un beau granit gris bleuté. Village minéral, pavé à l’ancienne, et dont les bâtisses se parent de grandes plaques granitiques du plus bel effet.
Peu de touristes, qui restent généralement vers ls commerces de produits locaux et de peaux, le cœur de Sabugueiro reste dans son jus, espace rural préservé, lieu calme et retiré.

Dans ce cadre géographique rapidement brossé, je vais donc mettre en place mes deux types de points d’ouïe, après l’arpentage repérage qui me permettra de rentrer dans l’intimité sonore des lieux, lieux dans lesquels je resterai deux semaines environ.

Le premier repérage sera celui de points d’ouïe répartis sur un petit circuit, en contrebas du village, que j’appellerai ici le « chemin de l’eau ». Vous aurez sans doute compris que la trame dominante de ce parcours sera bel et bien l’eau, dans tous ses états.
Lavoirs et fontaines au cœur du village, multiples sources le long d’une étroite sente très verdoyante et l’Alva, rivière en fond de vallon, où se trouve aménagée une aire de baignade.
Un panel de sons aquatiques, des filets d’eau de différents débits, de petits cuvettes naturelles réverbérantes, entourées de fougères, le bruissement régulier de la rivière, parfois entrecoupé de petites variations selon les rochers qui jalonnent et brisent jalonnant le cours. C’est un sentier qui ménage moult variations auditives, des transitions, des coupures où l’on adapte la vitesse de son pas, la fréquence et longueur des arrêts selon nos envies, au fil de l’eau.
Il est d’ailleurs assez rare de pouvoir parcourir de l’oreille un cheminement si cohérent, sans jamais perdre de l’écoute les scènes aquatiques, mais sans que celles-ci, dans leurs grandes diversités, ne deviennent pour autant trop omniprésentes, voire oppressantes. Un bel exemple d’équilibre acoustique.

Le deuxième point d’ouïe sera unique, localisé au centre du bourg historique, sur la place de l’église de Sabugueiro. L’environnement visuel et acoustique m’a très rapidement conduit à choisir ce site. Un environnement très calme, éloigné de la route principale, avec très peu de voitures.
Une acoustique légèrement réverbérante et des plans sonores multiples, dans des espaces plein de recoins, de cassures, qui spatialisent agréablement les sources sonores.
La présence d’une cloche, d’une fontaine, d’un lavoir, vient ajouter des éléments acoustiques à la fois ponctuels et d’autres stables, des signaux émergents sur un continuum aquatique discret.
La présence de confortables bancs de bois, comme postes d’écoute vient compléter cette scène acoustique très agréable.
Peu de touristes s’aventurent dans ces rues étroites, minérales et pentues, dommage pour eux, et tant mieux pour la tranquillité de ce centre bourg.
Des scènes sonores viennent parfois secouer la place dans sa douce torpeur. Le passage d’une très ancienne moto pétaradante, un concert de chiens, deux enfants qui jouent avec un chien, ou au ballon, une fête qui se prépare un peu plus haut, l’incroyable passage d’un troupeaux de chèvres ensonnaillées, la conversation d’un couple qui prend l’apéritif sur un banc… Petites événements ponctuels. Puis très vite, tout s’estompe, le calme revient.
Espace propice à enregistrer, pour fixer cette ambiance amène.
C’est un lieu à longues pauses, à nuit tombante, un espace contemplatif, où il faut jouir de ce calme, de cette sérénité apaisante, de ce sentiment d’être dans un monde à part, protégé, à la fois bien vivant et échappant au stress et à la grande branloir du monde, comme disait Montaigne. Assurément un des plus agréable Point d’ouïe que j’ai connu depuis longtemps, lieu d’aucultation serein du temps qui passe devant mes oreilles ravies.

Photo0027

Résidence artistique Paysage sonore à Sabugueiro (Portugal) avec le Festival DMEHostel criativo – Juillet 2019

Points d’ouïe, des oasis sonores

0

Rencontres, sites spécifiques, festivals, si cette approche vous intéresse, Desartsonnants est toujours partant !

Points d’ouïe, aménités paysagères, ZAD (Zones Acoustiques à Défendre), oasis sonores, des approches, des parcours, un plaidoyer pour des espaces apaisés, une belle écoute…

Points d’ouïe et mouvements pendulaires

de près.72dpi

©photo Jeanne Schmid

Au sommet d’une combe, surplombant la ville, un musée du temps.

Histoire d’une cité horlogère.

En extérieur, une fontaine, monumentale, métallique.

Un long balancier rythme le temps de son mouvement en va et vient lancinants, inlassablement.

Cet assemblage chronométrique se fait également entendre.

Il grince, gémit, ferraille, cliquète, avec parfois de réels désynchronisations semblant contrarier la rigueur du balancier tel qu’on le voit osciller.

De petites contradictions véritablement anachroniques, où le son et le mouvement observés, ne partageraient pas toujours le même espace-temps.

 

Ce diaporama nécessite JavaScript.

Au bas de la ville, le remontoir.

Une petite cabine ascenseur-funiculaire qui permet d’avaler rapidement la raide pente menant à la gare, à moindre effort.

Là encore, un mouvement pendulaire, tout autre.

Linéaire, de haut en bas, et vice et versa.

Ce remontoir est très utilisé, parcourant chaque jours d’innombrables trajets.

Dedans-dehors, il a aussi sa façon de souligner à l’oreille ses rotations verticales.

Les poulies et câbles grincent, grondent, les portes chuintent; toute une palette sonore associée aux  flux de voyageurs transitant de bas en haut de la cité.

 

Et si, par un dérèglement, un glissement géographique, l’horloge du musée dialoguait avec le remontoir, créant une ligne sonore, contrepoint imaginaire du bas de la ville jusqu’à une ligne de crêtes ?

 

Résidence artistique « Écoute voir Le Locle, Point d’ouïe et Points de vue » à Luxor Factory, avec Jeanne Schmid – octobre 2018

Écoute voir Le Locle, carte postale sonore

ActuMalatraySchmidBig

©Franz – LuXor Factory

 

Une histoire qui démarre

tissée de sons

moteur joyeux

comme une douceur

que viennent confirmer des cloches

douze coups de l’église

puis en écho

la volée du temple

en rumeur lointaine

descente vers la ville

 

centre de ville 72dpi

©Jeanne Schmid

 

cœur de ville

Hôtel de ville

un mariage

lui aussi joyeux

du soleil

musiques du Maghreb

cris

danses

klaxons

Drapeaux (inaudibles)

l’espace s’ébroue

acoustique festive

le convoi s’ébranle

puis tout s’assagit

en apparence

Carte des sons 72dpi

©Jeanne Schmid

 

De l’autre côté de la rue

un chantier fébrile

voix

moteurs

marteaux

grincements

raclements

échos

un toit refait peau neuve

toujours du soleil

qui n’imprègne pas mes micros

si ce n’est d’une allégresse ambiante

perceptible

la ville bruissonne

l’oreille s’en régale.

 

 

Résidence artistique « Écoute voir Le Locle » avec Jeanne Schmid – LuXor Factory Octobre 2018

Point d’ouïe, Le Locle, dans l’aire du temps

 

Le locle est une petite cité historique Suisse, majeure dans l’histoire de l’horlogerie. Dans l’aire du temps !

Mesure du temps, chronographie, ponctualité oblige, mécanismes de précision, un certain sens du luxe, des manufactures aux architectures singulières, jusqu’aux objets connectés qui commencent à se tailler une place non négligeable dans notre quotidien… on ne réside pas dans cette ville sans mesurer l’emprise du temps qui défile.

 

 

Il est des temps multiples, des temps facétieux, joueurs, scandés par différents sons de la vie. Desartsonnants en triture les signes sonores, Jeanne Schmid les photographie, les dessine, nous  réfléchissons aux croisements possibles, bref, nous n’échappons forcément pas aux temps qui passent. Nous tâchons d’en garder trace, même fugace.

 

 

Résidence artistique à LuXor Factory Écoute voir Le Locle, Points d’ouïe, Points de vue – octobre 2018

 

 

Points d’ouïe, Points de vue, résidences, résistances

Stadt

Une résidence artistique est un moyen de s’immerger dans un territoire, ville, espace naturel, ou autres lisières et interstices hybrides.

C’est un moyen de gratter les lieux, d’y imprimer le poids de ses pas arpenteurs, de s’y asseoir aussi, écouteur observateur, à la recherche de balises urbaines spacio temporelles.

Par exemple sur cette place publique, presque tous les jours, à certaines heures, se retrouvent des personnages sur des bancs, souvent les mêmes, moi compris.

Couples, ados, marginaux, retraités, cadres…

L’histoire se tisse, se lit, s’écrit, façon Pérec.

Les rythmes se précisent.

Et de ce fait les espaces.

Sortie d’écoles, flux de travailleurs, une acmé, un apaisement avec la nuit qui tombe; des cycles qui au final ne varient que par de menus événements.

Les sons et lumières entretiennent de réelles accointances.

Les ambiances se précisent aussi, au rythme des jours et de la saison.

La résidence nous offre de nouveaux repères, qu’ils nous faut aller chercher, des rituels, des ailleurs à se construire, des surprises à accueillir.

L’ailleurs stimule la sérendipité qui nous ouvre des portes inattendues.

Ici, des évidences, des récurrences, quasi universelles, des voix, du vent, de l’eau, des flux.

Ici des singularités, des accents, des expressions, des codes couleurs qui changent, des signalétiques du cru, des architectures singulières, anachroniquement entremêlées.

Ici, nous nous re-créons nos propres symboles, dans un lieu où nous n’avons pas (encore) d’espaces qui puissent nous situer fortement dans l’ancrage d’une géographie sensible.

Une résidence, c’est un moment, plus ou moins long, où le temps et l’espace s’offrent autrement. Ils nous permettent à la fois de développer des gestes, des postures, des dispositifs d’écritures nomades, et de nous créer une nouvelle palette de jeux, ou tout au moins de l’élargir, de l’adapter aux contextes, aux ambiances in situ.

L’hétérotopie de Foucault y prend souvent tout son sens, strates de territoires géographiques, esthétiques, politiques, sociaux…

Mon oreille par exemple, procède par une forme de syntonisation, ocsillant entre le paysage intérieur de mes souvenirs, de mes expériences, et le paysage extérieur plus ou moins inconnu, que j’appréhende peu à peu, me mettant autant que faire se peut au diapason des lieux.

Mon œil sans aucun doute en fait-il de même.

Mon corps entier cherche une syntonie où accorder un maximum de fréquences, internes et externes, tendant à vibrer et résonner de concert.

Le dépaysement est pour cela un stimulateur sans pareil.

Une résidence, c’est augmenter une collection de parcours et de sites liés à des expériences sensibles, ici des Points d’ouïe, Points de vue, des parcours sensibles, entre autres choses.

C’est aussi se frotter à d’autres personnes, autochtones ou non, à d’autres pratiques, d’autres connaissances, hybridations.

Un moyen de travailler l’altérité, de pourfendre l’a priori.

De résidence, non assignée, à résistance, quelques pas, sans plus.

Quitte à déstabiliser notre confort bâti sur une série de repères (trop) bien identifiés.

Une résidence, ou plutôt l’enchainement de différentes résidences, nous fait nous sentir appartenir à un monde multiple, complexe, mouvant, si possible accueillant, sans enraciner nos pensées et gestes dans un cocon terreau trop sédentarisant.

 

Gilles Malatray – Texte en résidence à LuXor Factory (Jura Suisse), avec L’artiste plasticienne Jeanne Schmid

Le Locle, Octobre 2018

Point d’ouïe, ce qui cloche, joliment, au Locle

S’il est une signature sonore que j’apprécie tout particulièrement, c’est bien celle, aérienne, imprimée dans un paysage auriculaire, qu’égrènent les cloches.

Les déferlantes campanaires, vigoureuses, vivifiantes, celles qui balaient la ville, la secouent parfois de sa torpeur, me mettent les oreilles en liesse.

Chaque volée a sa personnalité, ses rythmes, ses couleurs, ses harmonies, son écrin acoustique, architectural. C’est ce qui fait que, rarement, voire jamais,  une sonnerie n’est rigoureusement identique à l’autre. C’est pourquoi je considère les cloches, à l’instar des fontaines, lorsque l’on prend le temps d’écouter l’une et l’autre dans leurs cadres, comme de véritables signatures acoustiques.

Les volées du grand temple du Locle sont superbes. De la terrasse où nous résidons, à quelque encablures du clocher, nous les entendons clairement, éclats d’airain virevoltant au dessus des toits, semblant tout à coup se rapprocher, ou s’éloigner, selon les caprices d’un vent complice.

Traverser une ville, c’est souvent pour moi l’occasion de lever les oreilles, et de tendre les micros vers les clochers, pour augmenter peu à peu une collection d’objets sonnants, qui participent activement à la fabrique de paysages sonores.

 

 

Résidence artistique à LuXor Factory, avec Jeanne Schmid