Comme je le dis parfois il y a souvent quelque chose qui cloche dans le paysage en tous cas dans les miens. Installées en vigies des dames d’airain se font entendre d’heure en heures en heurts battant en fêtes carillonnées en joyeux événements ou pas esprit de clocher paysage campanaire des signatures sonores de hautes volées des marqueurs acoustiques résonnants elle se balancent sont tintées teintées acoustiquement couleur sonore d’un village d’un quartier d’un sanctuaire je ne manque jamais de les saluer de l’oreille attendant la bonne heure sonnante d’en goûter les envolées toniques d’en capter les percussions-résonances de défendre leur droit à la sonnerie n’en déplaise au mauvais coucheurs de l’oreille à ceux qui haranguent coqs et cloches préférant sans doute les moteurs à tord ici, dans les montagnes pyrénéennes qui m’accueillent je les laissent venir à ma fenêtre aux des bancs d’écoute de Lourdes à Luz Saint-saveur en passant pas Esquièze Sère à chacun son son de cloche j’en joue faisant frotter leurs sonorités a l’envi à cloche-oreilles parfois.
Petite fiction campanaire Avec la participation de différentes cloches de Lourdes, Luz Saint-sauveur et Esquièze-Sère. Des espaces temps qui se télescopent, font dialoguer des lieux par les cieux, des géographies triturées en mode résonant, de la matière fondue et refondue…
Donner de la voix, un cadeau, une friandise sonore, un don offert sans contre-partie, juste pour le plaisir d’entendre parler. Pas de message, pas d’explication, pas de contenu sensé, juste une musique, des timbres, des accents, des ambiances, des bribes glanées ici et là la vie quoi. Un marché, une place bordée de bancs, une ruelle, des commerces… une scène acoustique multiple, habitée de voix multiples. Donner de la voix, comme un jeu, un plaisir d’entendre dire, un paysage sonore, une énergie communicative, qui vient réveiller l’espace, dans des temps d’enfermement, dans des temps qui s’ébrouent, dans des temps où la vie sociale à besoin de donner de la voix.
Deux villages accolés. Luz Saint-Sauveur d’un côté de la rivière Le Bastan. Esquièze Sère de l’autre. Des Points d’ouïe. Des bancs d’écoute. Des promenades.
Entendu dans le ciel, le grondement, bourdonnement, vrombissement, d’un hélicoptère. Il tournoie au dessus de la montagne en rapace guetteur toutes pâles tournoyantes il marque des pauses sur-place au surplomb d’une crête. Randonneur en mauvaise passe hélitreuillage sauvetage observation surveillance ? Difficile de savoir.
Un peu plus bas mais dans un rapport au ciel, des oiseaux oiseaux chantant gazouillant pépiant…
Quel rapport entre les deux ? L’un de fer les autres de chair l’un bourdonnant du moteur et sifflant des pâles les autres chantant à plein syrinx ? Des sons évoquant la hauteur ? Le ciel ? L’envol ? La mise en regard d’une puissance mécanique et d’une fragilité oiseleuse? La pure facétie de l’écoutant ? Faire se répondre dans une même zone d’écoute montagnarde objets ferraillant et oiseaux volant L’un, puis l’autre chacun son thème en réponse puis les deux réunis en un contrepoint singulier si ce n’est anachronique d’une machine volante et de vie animale dans des étagements de plans sonores plus qu’improbables mais assumés si ce n’est affirmés contre toute vraisemblance. Le paysage sonore, dans son imaginaire peut se le permettre sans complexe.
Ceci n’est pas la chose sonore ceci n’est qu’un paysage un audible possible parmi mille autres possibles.
Après tout, ce paysage n’est, d’abord et avant tout, qu’un espace de sons racontés entre les deux oreilles exactement.
Résidence audio-paysagère Accueillie par Ramuncho Studioà Luz Saint-SauveuretHANG-ART à Esquièze-Sère Mai 2021
Selon les lieux, les projets, la façon de travailler, de collecter de la matière, de la mettre en forme, sera parfois très différente. Des processus, façons de faire, vont très vite apparaitre comme plus opportuns, adaptés à la situation de l’espace et du moment. Cette semaine, immergé dans une haute vallée pyrénéenne, l’écriture sonore va passer par un collectage et un travail autour de thématiques acoustiques. Selon les opportunités hasardeuses, les périples, les envies, certains jours seront dédiés à une série de sons traitant d’un sujet commun, d’un micro événement, d’une thématique anticipée ou non. Sur d’autres lieux et à d’autres moments, il en ira différemment. L’écriture d’un paysage sonore in situ partira donc ici d’éléments de même nature, ou très proches, traités par petits blocs, avant d’être ré-assemblés, pour aller vers une composition audio-paysagère plus globale. Au départ, des éléments a priori indépendants les uns des autres, dissociés, presque autonomes, pour aller, à l’aune d’une sorte de description phénoménologique, vers un paysage sensible, construit de briques sonores agencées par le montage et le traitement audionumérique. Prenons par exemple quelques thématiques rencontrées lors de mon actuelle résidence montagnarde. Des oiseaux, premier jour et heure bleue, passereaux, rapaces et hirondelles, la gente avicole se fait entendre. Des eaux, rigoles, pluies,fontaines, torrents, cascades… Le paysage est à cette époque printanière ruisselant. Des voix, des timbres, des activités, des accents, des dialectes, les voix synonymes de vie et d’espaces sociaux… Du campanaire, des cloches d’églises et de chapelles, des ensonnaillements de troupeaux, le paysage tinte. Des phénomènes météorologiques, vent/pluie/orage, le ciel printanier est très changeant en montagne. D’autres sonorités plus singulières, telles que celles d’un hélicoptère tournoyant longuement au dessus d’une montagne, élément sonore habituel dans ces contrées. Peut-être à mettre en analogie avec les oiseaux, un sujet potentiel autour des « sons volants ». Tous ces marqueurs sonores, plus ou moins permanents ou plus ou moins éphémères, recomposés entre eux, me permettront de dessiner des ambiances sonores qui, à défaut d’être réalistes, dresseront un portrait auriculaire des lieux. Portrait bien sûr en temps que représentation subjective et personnelle, mais où chacun pourra je l’espère, ici ou là, à un moment ou à un autre, s’y retrouver.
Résidence audio-paysagère à Luz Saint-Sauveur Accueillie par Ramuncho Studio etHANG-ART Mai 2021
En priant Dieu qu’il fit du vent… Et il y en fit ! Une nuit bien ventée tempétueuse même. Éole au meilleur de sa forme. Un vent tout droit venu du sud qui balaie les hautes vallées pyrénéenne (scène de l’action en cours) ça charrie ça gémit ça siffle ça grince ça grogne ça secoue ça ballote ça traine ça remue ça vibre ça s’infiltre ça se calme et se déchaine ça rythme la nuit … Et tendre l’oreille au vent c’est vivifiant paysage mouvementé paysage secoué
Nous entendons du vent plus ce qu’il anime, met en mouvement plus ce qu’il met en vibration notre peau et tympans compris plus ce qu’il fait chanter les obstacle à son flux ceux qui lui résistent, que le vent lui-même Le vent, on le sent à fleur de peau à fleur d’oreille telle une vibrante friction aérienne
Quand il s’engouffre dans la vallée c’est comme un couloir acoustique un tuyau d’instrument une pavillon vibrant.
Et les micros tendus peinent à le saisir dans son humeur de tempête qui collent les membranes saturent les prises de sons jusqu’à l’inaudible alors il faut ruser emmailloter les micros se mettre dans les recoins les anfractuosités derrière des fenêtres à l’abri du grand souffle mais à l’affut de ses courants déchainés.
Doucement, tout se calme le grand souffle retombe laissant un paysage quasi épuisé et ses arpenteurs écoutants également épuisés et repus après ces grands bols d’air.
Et la pluie d’arriver Autre ambiance plus feutrée qui égoutte la vallée tout bascule dans une intimité mouillée.
Écoute au casque de préférence.
Résidence audio-paysagère à Luz Saint-Sauveur Accueillie par Ramuncho Studio etHANG-ART Mai 2021
PAS – Parcours Audio Sensible nocturne en Ardoinais – Gare au théâtre – Vitry sur Seine
Chaque année, je m’installe pour quelques temps dans des lieux dits de résidence, résidence artistique, résidence de création et/ou de recherche, en tous cas d’expérimentation pour moi. A l’origine, la résidence est notre lieu d’habitation, là où l’on réside. Pourtant, pour les artistes nomades, itinérants, qui s’installent temporairement, le temps de de faire naitre ou de maturer une œuvre, de la mettre en scène, en espace, ou bien de travailler aux processus qui le permettront, aux outils, aux expérimentations de terrain, ce n’est pas la cas. La résidence est une étape, quelle que soit l’état, l’avancée du travail en cours. Elle va offrir le cadre, l’accueil, parfois les outils et l’accompagnement, voire des moyen de production. Si je prends le cas d’une résidence audio-paysagère comme j’aime à les nommer, il s’agira de s’installer pour dessiner avec les sons un paysage sonore singulier, non pas ex-nihilo, mais puisant dans l’environnement du lieu qui m’accueille, de ses environs. La résidence est une immersion qui permet de se consacrer, un temps, pleinement à un projet, à faire une focale sur un travail en chantier, à venir chercher de de la ressource parfois dépaysante, inspirante. L’immersion est une étape importante. S’immerger dans l’action, dans les lieux environnants, dans les ambiances, les rencontres, des situations nouvelles… un ressourcement vivifiant qui peut faire rebondir une action stagnante parfois faute d’inspiration neuve. S’immerger pour expérimenter, pour tester, pour contextualiser et frotter son écoute en un lieu et temps donnés, même de façon éphémère. C’est aussi l’occasion, la chance, de rencontrer d’autres artistes, techniciens, opérateurs culturels, élus, structures locales, et de profiter des connaissances du territoire et savoir-faire de chacun, sans parler du côté humain, relationnel de par ces échanges enrichissants. Une résidence est une coupure de l’ordinaire qui va nous stimuler pour arpenter, écrire en fonction de, se frotter à un territoire, ce qui va sans doute ouvrir de nouvelles perspectives, de nouvelles façons d’envisager des modes opératoires comme des mises en situation. Parcours, installation extérieure, intérieure, forme hybride, carnet de notes, une montagne ne sonnera pas comme un port, une forêt comme une ville; les espaces arpentés, écoutés, influeront nos travaux, et peut-être vice et versa. Pour ma part, le dépaysement m’est nécessaire pour avancer. Avancer sans toutefois aller vers une précipitation effrénée et stressante. Prendre le temps, à intervalle régulier, de s’assoir pour écouter la ville, la montagne environnante, les voix et ruisseaux, prendre le pouls auriculaire. Les résidences permettent de trouver des rythmes plus souples, à la fois propices à une écriture soutenue, sans toutefois être hyper contraignants, ce qui pour moi peut devenir très vite contre-productif. Chaque lieu où je me suis posé a amassé une pierre nouvelle dans l’écriture globale, dans la construction d’une forme d’un vaste paysage sonore partagé, quasiment universel et pourtant si singulier selon les lieux.
Résidence Audio Paysagère à Luz Saint-Sauveur, accueillie par Ramuncho Studio et HANG-ART– Mai 2021
Avec toute une bouillonnante, écumante matière sono-aquatique, un paysage se met en place doucement. Il raconte, à sa façon, à ma façon, désartsonnante, un petit périple de Luz Saint-Sauveur à Gavarnie et alentours. Il parle d’une haute vallée montagneuse, celle des Gaves de Pau, qui a bien voulu me laisser capturer des sons de ses nombreux cours d’eau. Torrents et cascades, dans tous leurs états, ou presque. Un corpus de sons assemblés, truiturés, dessinant un lieu imaginaire issu de plusieurs lieux, bien réels eux. Tenter de montrer la diversité. Tenter de montrer la puissance. Tenter de montrer la douceur. Imaginer les reflets ondoyants par des moirages sonores. Imaginer un cheminement aux gré de rives creusées à même la montagne. Imaginer la montagne environnante, puissante. Imaginer la voix des eaux qui écument les vallées, dévale les falaises, s’assoupit dans des creux. Ceci n’est pas une rivière, ni un torrent, ni une cascade, mais ce que j’en entend, ce que j’en écris, ce que j’en invente, ce que j’en raconte.