Appel à contribution, Paysages sonores et Points d’ouïe partagés

En 2011, Desartsonnants lançait un projet participatif autour des Audio-Urbanités « Et avec ta ville, comment tu t’entends ? » Ce projet convoquant des prises de sons et créations sonores autour des villes avait recueilli de nombreuses œuvres courtes à l’international et contribué à créer un réseau d’écoutants. Le collectage avait donné lieu à une installation sonore dans une cabane architecturale et des ateliers et rencontres. avec différents publics.


En 2020, lors du premier confinement « dur », c’était « Fenêtres d’écoute/Listening windows« , en partenariat avec Transcultures – City Sonic (Be), qui recueillait plusieurs centaines d’enregistrements confinés, de territoires et pays forts différents, des textes, des photographies, et consolidait ainsi une belle communauté d’écoutants, des rencontres, de la fenêtre d’en face à l’autre bout du monde. Il fut tracé sur un site en ligne dédié (voir ci-dessus), des créations sonores participatives… Une façon de questionner l’écoute comme vecteur essentiel pour créer et maintenir du lien social dedans/dehors, de prêter l’oreille, de porter attention et de prendre soin.


Aujourd’hui, Desartsonnants, dans le cadre de sa recherche-action en chantier, autour des paysages sonore, via la notion de Points d’ouïe partagés, vous invite à nouveau à faire entendre vos univers sonores, vos manières d’entendre, de vous faire entendre, ou de vous entendre avec le monde.


Paysages en points d’ouïe partagés
Le paysage est à l’origine une conception, un mode de représentation, un environnement perceptif, et par extension un cadre de vie, qui a longtemps été appréhendé majoritairement, si ce n’est exclusivement par la vue. Sans doute, malgré l’approche de Raymond Murray Schafer, l’est-il encore aujourd’hui. Néanmoins, on commence à admettre que d’autres sens, dont l’ouïe, participent à sa construction et à la façon de le vivre et de l’habiter, et au meilleur des cas de l’aménager, ou a minima d’en prendre soin. Opposer la vue à l’ouïe n’est d’ailleurs pas une bonne chose. Il faut plutôt considérer l’approche multi-sensorielle comme une valeur ajoutée, où le regard, l’écoute, l’odorat, la sensation de chaleur, de froid, d’humidité, font du paysage un milieu à la fois riche, sensible et instable, constamment Fluant. Le ou plutôt les paysages sont des milieux fragiles, malmenés, si ce n’est fortement dégradés, parfois difficiles à vivre, la prise de conscience d’une écologie globale, qui est aussi sonore est une façon de rendre audible les beautés comme les nuisances et des paupérisations d’espaces acoustiques fortement impactées par l’activité humaine. C’est là que l’anthropophonie, selon la définition de’ Bernie Krause, entre en ligne d’écoute.
Par la notion de points d’ouïe, nous allons, dans une démarche assumée, poser une focale auditive, acoustique, et donner la part belle à l’oreille.


Les Points d’ouïe sont des lieux où, personnellement, j’aime m’arrêter, me poser, pour écouter, pour installer l’écoute, à oreille nue, occasionnellement solitaire ou collective. Les points d’ouïe trouvent d’autant plus de raisons d’être s’ils sont partagés. Lieux singuliers ou non, signatures sonores, milieux urbains ou naturels, familiers, méconnus, anecdotiques ou capitaux, les points d’ouïe sont multiples, et d’autant plus riches…
Chaque point d’ouïe est, dans ce projet, une invitation à partager une écoute signée, personnelle, arrangée, (re)composée, ou non.
Que racontent pour nous les sons d’un lieu ? Comment voulons-nous les faire entendre, les partager ? Comment notre perception auditive façonne-t-elle notre rapport au monde ? Quels récits peuvent émerger de points d’ouïe composés, plus ou moins figuratifs, imaginaires, et/ou fidèles ?
Tout est permis, compositions électroacoustiques, field recordings (enregistrements de terrain, carte postale sonore, paysages sonores narratifs, approches poétiques, genres hybrides et indéterminés, selon les affinités, envies, militances, rêveries, aspirations, inspirations… Le projet n’est pas à la base musical, plutôt sonore, même si on parle parfois de musique des lieux.


Quelques précisions
• Privilégier des créations courtes, de 2/3 minutes à 15 minutes maximum.
• Des fichiers audios stéréos, de préférence au format wav (44100 16 bits ou 48000 24 bits), si compression audio, favoriser le format FLAC, non destructif. Éviter le mp3 trop destructif.
• Un petit texte accompagnant la pièce est un plus très apprécié, une ou des photos du Point d’ouïe aussi
• Des envois via Grosfichiers ou SwissTransfer (évitons Wetransfer qui pille nos données)
• Pas de sélection, sous aucun critère qui soit, chacune et chacun a l’entière liberté de faire entendre ses points d’ouïe comme elle ou il l’entend.
• Pas de prix, ni autre classification du type concours, juste l’envie de faire et de partager, sans contrepartie
• Acceptation de la mise en ligne, de cartographie, des pièces sonores et documents, sans aucune visée ni exploitation commerciale.
• Lien d’envoi des sons et documents : desartsonnants(at)gmail.com


Partageons en toute liberté nos points d’ouïe, à vous de les faire entendre !

Concert-lecture-arpentage de paysages

Un arpentage auriculaire des lieux
Un PAS – Parcours Audio Sensible public, où seule l’écoute est installée dans des points d’ouïe
Des sons captés in situ
Des sons (re)composés et joués dans un concert-performance improvisé

En préambule, possibilité d’une inauguration officielle et festive d’un Point d’ouïe

Contact
desartsonnants@gmail.com
0780061465

Port Folie Eau

Histoires de points d’ouïe mis en œuvre

Faire œuvre, ce n’est pas forcément installer une trace tangible, durable, parfois spectaculaire…


C’est aussi marcher, se poser, écouter, raconter, partager des perceptions fugaces, immatérielles, sensibles, fortement ancrées dans la mémoire du geste, du corps, de l’espace, des lieux de rencontres, de partage…

C’est construire des traces où l’imaginaire s’invite pour essaimer sobrement des histoires amènes, à la fois situées et vagabondes, intemporelles et actuelles, singulières et universelles, intimes et collectives.


Les écoutes installées, points d’ouïe et paysages auriculaires révélés, nous invitent à partager des gestes simples, éphémères, nomades, quiets, nous reliant tant aux cités mégapoles qu’aux forêts profondes.

Points d’ouïe et rituels festifs

Les points d’ouïes n’existent pas sans l’écoute, qui elle-même ne se fait que s’il y a des écoutants.

Des cérémonies d’écoutes, fêtes unissant le geste dans un forme rituallisée, non religieuse, païenne, à une approche symbolique transcendée.

Une cérémonie, un rite, sont des façons de rassembler des écoutants pour vivre une action singulière, pouvant être festive, collective, située, participative, revendicative.

Des mises en situations ad hoc, poétiques, des postures, scénarisées, improvisées, sont à même de dynamiser des actes artistiques, des actions culturelles, des projets de territoire.

La récurrence, la répétition, les actions itératives, les variations, contribuent à ritualiser les gestes d’écoute.

Quelques ritualisations et cérémonies auriculaires

  • Marcher lentement, en groupe, dans différents lieux, à différents moments du jour ou de la nuit
  • Écouter
  • Marcher en silence
  • Écouter
  • S’immobiliser, en silence, sur des Points d’ouïe
  • Écouter
  • S’assoir longuement sur un ou plusieurs bancs
  • Écouter
  • Inaugurer, officiellement, des Points d’ouïe
  • Écouter
  • Lire des textes de différentes natures, relatifs à l’écoute, à l’histoire des lieux, au paysage sonore, à l’écologie…
  • Écouter
  • Noter tout, ou presque, ce que l’on entend, le dire
  • Écouter
  • S’allonger une nuit, à l’aube, à tombée de nuit, dans une forêt, un parc urbain, une combe montagneuse, une grotte…
  • Écouter
  • Chanter, jouer d’un instrument, dans un espace réverbérant, jouer avec les acoustiques, faire sonner l’espace
  • Écouter
  • Écrire, performer, rejouer avec moult variations, des partitions de marches écoutantes, des micro performances in situ…
  • Écouter
  • Échanger sur les écoutes collectives, les ressentis…
  • Écouter
  • Créer des situations immersives en entourant un groupe de sons, acoustiques ou non, d’objets sonores géophoniques…
  • Écouter
  • Combiner des postures entre marche, immobilité, silence, productions sonores…
  • Écouter…

Desartsonnants, aka Gilles Malatray est une structure culturelle autonome, indépendante, non subventionnée. Pour l’aider, soutenir son travail, plusieurs solutions :

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Point d’ouïe, fabrique de paysages sonores en commun à oTo, Ouvroir des Territoires de l’Ouïe

@Photos Arnaud Laurens, oTo

De retour de résidence artistique, de nouvelles expériences de paysages sonores au fil de l’eau, de la mat!ère sonore, textuelle, imagée, à trier, agencer, à construire comme objets de traces récits immersifs.
Tout cela irrigué de belles rencontres, des échanges, la découverte de sites magnifiques, des eaux généreuses, des discussions où écoute et cuisine travaillent à de subtiles réductions, des expériences collectives pour agencer, improviser en live des paysages sonores singuliers…


Au fil des résidence, le paysage sonore dans tous ses états prends du poids, de la consistance, de l’hétérogénéité en même temps que de la cohérence.
Il permet la rencontre, la remise en question de nos rapports au monde, la recherche de beautés tant esthétiques qu’humaines, qui nous feront, dans l’idéal et écoute aidant, mieux vivre ensemble. Écouter est un geste de partage, où il nous faut assumer notre modeste place dans des espaces habitables, sociétaux, de plus en plus fragiles et menacés.
Construire des paysages sonores comme des communs écosophiques, humanistes, est une façon de défendre des valeurs humaines qui nous font trop souvent cruellement défaut.

@Photos Arnaud Laurens, oTo

Projet intinérant « Bassins versants, l’oreille fluante« 

Résidence création accueillie pas oTo – Ouvroir des Territoires de l’Ouïe à Montbron (16)

Merci à cette belle équipe, et tout particulièrement à Arnaud Laurens et Jean-Michel Ponty, à la municipalité de Montbron et à sa Médiathèque, au public aux écoutes attentives et échanges stimulants, pour cette riche ouverture culturelle à portée d’oreille.

D’autres textes, sons, images, récits, suivront…

Point d’ouïe, et avec ta rivière, comment tu t’entends ?

En arpentant et en auscultant la Tardoire, à Montbron, je réfléchis aux façon dont un cours d’eau relie les hommes au territoire, à la nature, aux écosystèmes, aux animaux… Et inversement.


Paysages, moulins, pêche, sport, géologie, préhistoire, arts et culture, histoire, architecture et aménagements, tourisme, crues et tarissements, industries, patrimoine, écologie, faune et flore,mémoire(s), agriculture, gestion des eaux, hydrologie et bassins versants, identités sonores… comment le paysage auriculaire aquatique nous connecte t-il , ou non, et surtout nous implique t-il, parfois non sans heurts et sans dommages, à nos habitats partagés, à nos milieux de vie ?


Et avec ta rivière, comment tu t’entends ?

Projet Desartsonnants en chantier « Bassins versants, l’oreille fluante »

Dans le cadre d’une résidence création accueillie par oTo – Ouvroir des Territoires de l’ouïe – Field recording aqua-sonique, rencontre publique autour de l’écoute paysagère, PAS – Parcours Audio Sensible « L’eau traversante », concert-performance- improvisation en trio (instruments, électroniques et son paysagers), écriture sonore et multimédia…

Penser et agir pour une écosophie de l’écoute

Une des problématiques qui me questionne régulièrement, c’est le fait de confronter l’écoute, le paysage sonore, surtout dans ses versants écosophiques, à la création audio en règle générale.


Comment l’expérience d’écoute, dans le vaste champs des « arts sonores » soulève t-elle la question écologique, à laquelle je préfère d’ailleurs l’approche écosophique, médiatisant des actions de terrain, voire favorisant, dans une approche indisciplinaire, la recherche de perspectives et de projets alternatifs respectueux et éthiques ?


Et dans un autre sens, comment l’approche paysagère sensible, auriculaire, émule -t-elle une démarche créative, esthétique, soucieuse de préserver et de défendre des territoires sensibles Oh combien fragiles ?


Au final, par quel biais, quelles hybridations,(mé) tissages, la création sonore et les recherches bâties autour d’approches écosophiques, s’auto-alimentent-elles, via des interactions les plus efficientes et fécondes que possible ?


C’est un chantier complexe, qui peine à rassembler des acteurs ayant chacun des intérêts parfois divergents, des pratiques a priori fort différentes, mais qui je pense vaut le coup d’être mis en branle, même à des échelles locales modestes.
C’est sans doute pour moi par cette recherche de terrain, que l’approche d’une écosophie de l’écoute, plutôt qu’une écologie sonore essentiellement environnementaliste, prend tout sons sens, y compris dans ses propres incertitudes.

Je reviendrai prochainement sur l’analyse de quelques approches pratiques, in situ, contextualisées (jeux d’écoutes partagées, marches écoutantes, équipes d’aménageurs pluridisciplinaires, observatoires de territoires sonores, médiation dans différents terrains/événements artistiques et socio-culturels, projets éducatifs et artistiques…) qui conforteraient et activeraient cette approche audio-écosophique.

Tempi et rythmes de paysages sonores en points d’ouïe 

« Tout est rythme. Comprendre la beauté, c’est parvenir à faire coïncider son rythme propre avec celui de la nature. Chaque chose, chaque être a une indication particulière. Il porte en lui son chant. Il faut être en accord avec lui jusqu’à se confondre ». JMG Le Clezio

Lorsque l’on décide d’installer une écoute en point d’ouïe, c’est à dire comme on placerait une caméra sur une scène paysagère en plan fixe, on va aborder l’écoute non pas en imposant notre rythme, notre cadence, notre allure, vitesse de déambulation, mais en laissant aux lieux le soin de nous révéler leurs propres rythmicités.

Notre corps n’aura de prises sur le paysage en écoute que celles, statiques, de nos oreilles tendues.

Nous ne composerons pas en marchant, en mixant des fragments audio-paysagers pour les assembler dans une histoire en mouvement, impulsée et écrite par nos élans corporels, mais laisseront s’agencer les sons au gré de leur apparitions/disparitions, de leurs propres mouvements, dans l’espace/temps scruté.

Des passants, des coups de vents, des voitures, chants d’oiseaux… feront que la scène sonore s’offrira à 360°, comme un improbable scénario construit sur une trame où les aléas acoustiques, les reliences et interactions auriculaires ne demanderont plus qu’à être entendues en l’état. Ou presque.

Le choix du lieu, du moment, de la-posture physique, et même du degré d’attention portée, influenceront incontestablement notre perception, et donc la façon d’entendre les sources qui se dérouleront à nos oreilles, leurs degrés de présence, d’intensité, la précision de leurs contours acoustiques…

Des rythmes se feront alors entendre, donnant aux lieux des caractères dynamiques singulières, dans leurs répétitions, superpositions, densités, enchainements…

Une place passante, en centre ville, à midi, un jour de printemps ensoleillé, ne fera pas entendre ni les mêmes sources sonores, ni les mêmes rythmes qu’une forêts en hiver, ou une plage maritime un jour de tempête.

Se poster comme une sentinelle écoutante, laissant venir à elle les sonorités environnementales, sans chercher à en modifier le cours, est une façon de sentir le, ou les rythmes des choses qui se présentent à nos oreilles guetteuses.

Rythmes ponctuels, une sortie de cour d’école, une manifestation de rue, une sirène d’alarme, ou rythmes flux, des voitures, un vent fort, rythmes alternés, des groupes successifs de passants qui déambulent en discutant, autant de cellules rythmiques fragmentaires, qui donneront dans leur ensemble, une signature dynamique au lieu. Concert de villes ou de forêts, de déserts ou de d’océans…

Rythmes apaisés, trépidants, effrénés, atmosphères calmes, festives, autant de formes de tempi qui animeront l’espace, en même temps que la perception auditive d’un point d’ouïe donné à entendre à un certain moment.

Ces rythmes participeront eux-mêmes à la construction, à la caractérisation de paysages sonores, de même qu’à leurs ressentis, de la douceur à des formes de violences physiques, que nous pourrons éprouver, voire qui nous éprouveront dans l’exercice de l’écoute.

Là où l’expérience d’écoute rythmique devient plus intéressante, c’est lorsque nous multiplions les points d’ouïe, en les écoutant à différentes heures du jour et de la nuit, à différentes saisons…

Des scènes sonores caractéristiques à la fois récurrentes et singulières se dessinent.

Des topologies rythmiques, intrinsèques à certains lieux, un port de pêche, un chantier d’extraction minière, une rue piétonne commerçante, une médina africaine, font entendre des rythmicités qui les qualifient, et nous les font reconnaître, une fois que nous avons pris le temps de les entendre dans leur spécificités.

Certes des accidents, des imprévus, peuvent venir faire des breaks, cassures et césures acoustiques, accidents imprévisibles, advenant régulièrement pour chahuter des rythmes « du quotidien », les faire sortir de leurs habitus auditifs, ou perçus en tous cas comme tels. Une grève générale, une tempête, un conflit, autant d’ »accidents » qui perturbent parfois violemment les rythmes, ceux-là même qui pourtant nous semblaient presque immuables, inscrits dans la durée.  Ces cassures secouent notre confort d’écoute, qui doit alors trouver de nouveaux repères, et d’autre fois quitter une scène d’écoute devenue trop « agitée », ou in-sécurisée.

Parfois, par des formes de résilience, les rythmes « naturels » des lieux, perçus comme des repères plus sécurisants, reprennent, plus ou moins rapidement, à l’identique ou avec de nouvelles variantes, des formes audio-paysagères stables, ou moins incertaines.

L’habitude de tendre l’oreille dans de multiples lieux donne à cette dernière une acuité à se reconnaître dans des ambiances rythmiques déjà plus ou moins éprouvées, tout en gardant la possibilité d’être surprisse, étonnée, ravie ou dérangée, si ce n’est malmenée. Dans des typologies de géographies acoustiques repérables, qui offriraient des sortes de modèles rythmiques quasi universaux, l’écoute de points d’ouïe peut toujours nous désarçonner, ou apporter son lot de dépaysements, tels la première fois que l’on se pose dans une grande ville africaine, ou dans une forêt équatoriale. Il nous faut apprendre à apprivoiser de nouveaux rythmes, de nouvelles couleurs sonores, parfois au prix d’expériences plus ou moins confortables.

Les tempi de scènes d’écoute sont sans cesse fluctuants, au fil des jours et des nuits, offrant une infinité de variations, notamment rythmiques, à l’écoutant qui fait l’effort de prêter aux lieux une oreille attentive, et quelque part aux aguets.

Le monde devient un vaste chantier rythmique à l’écoute, et cette dernière se construit sur des rythmes complexes, pour fabriquer des sortes d’architectures sonores où on peut se trouver des repères vivables et entendables, rythmiquement soutenables.

La notion de point d’ouïe, d’observatoire sonore, ou d’« écoutoir » ponctuel, ou dans une durée plus pérenne, parfois itinérant, nomades, est donc, dans une approche rythmique, un processus d’écoute  parmi d’autres. Certes, il opère via modalités variables, et milles variations possibles qui permettent de poser des expériences d’écoute significatives.

Entendre, et par-delà, tenter de comprendre les tempi du monde, y compris sur des micros scènes auriculaires, quitte à ralentir pour mieux le faire, à prendre le temps de s’arrêter suffisamment sur un point d’ouïe, permet des lectures et écritures acoustiques qui nous font nous sentir impliqués dans l’immense polyrythmie, parfois déconcertante, du monde à portée d’écoute.

 En annexe, ébauche de corpus sémantique en chantier « tempi et écoute(s) »

accentuation

accident

accélération

allongement

allure

alternance

aléa

arrêt

arythmie

balancement

bascule

battement

battue

bercement

binaire

biorythme

break

bribe

brièveté

cadence

calme

cassure

choc

chronicité

chronologie

chute

Concomitance

continuité

contretemps

coup

couplage

course

cri

célérité

danse

densité

disparition

durée

dynamique

débit

déflagration

échelle

écho

éclat

emballement

endormissement

entrechoc

espace (temporel)

étirement

eurythmie

explosion

extinction

faux rythme

flux

fondu

fragment

frappé

frein

frénésie

groupe

immobilisme

interaction

intervalle (de temps)

irrégularité

isorythmie

itération

lenteur

longueur,

marche

marée

mesure

miroir

mixage

mouvement

métrique

métronomie

nombre

oscillation

pause

perception

percussion

permanence

phénomène

polyrythmie

ponctualité

ponctuation

pouls

proportion

prosodie

pulsation

pulsion

période

quotidien

ralentissement

raréfaction

rebondissement

reflux

relâchement

remous

respiration

ressentis

rupture

rythme

récitatif

régularité

régularité

répartition

saison

scansion

souffle

succession

superposition

swing

synchronisme

syncope

tambourinage

tapotement

tempo

temporalité

trille

tremblement

troubles (rythmiques)

variation

vibration

vitesse

Lames sensibles, une approche auriculaire des bords de mers  et autres plages sonores 

Je me pose sur une plage déserte…

Bordée de sable à perte de vue.

Mer au loin, temps de basse marée.

Les mouettes, toujours elles, ricanent bruyamment en picorant d’invisibles insectes.

Des sternes piaillent aussi à qui mieux mieux.

Retour progressif de la mer, marée montante.

L’eau s’étale en faisant crisser le sable.

Temps calme et légèrement bruissonnant.

Un autre jour, ailleurs, sur une jetée.

Le vent s’en donne à cœur joie, sans jamais s’essouffler.

Les vagues fouettent les murs de pierre, s’y enroulent, retombent, et recommencent, inlassables.

Le fracas ambiant couvre toute tentative de paroles, ou bien il faut hurler.

Le spectacle est impressionnant, fatiguant à l’écoute, un trop puissant bruit blanc nous réduit au silence.Les éléments nous montent nos propres limites

Autre part, autre moment, autre topographie.

Cette fois-ci, une très haute falaise vient empêcher les vagues.

Rageuses, elle l’érodent sans relâche, bouillonnantes et entêtées.

Et le monstre-falaise s’écroule petit à petit, reculant sans cesse devant l’assaut des lames répétées. Bruits d’avalanches pierreuses, la craie s’éboule inexorablement, jusqu’à menacer des bâtiments qui se reculent prudemment.

En temps calme, les petits galets roulés chantent comme des lithophones aquatiques.

La falaise se fait mur amplificateur, gardant les sons au plus proche de l’écoute excitée

Je ne me lasse pas de ces délicats entrechocs cristallins.

Celles et ceux qui ont déjà prêté l’oreille à ces bruissements itératifs sauront de quoi je parle.

Les mots parfois sont patinés de sons résurgents. Il suffit de dire pour donner à entendre. Raconter une ambiance marine, si ténue soit-elle, comme un récit au fil de l’eau.

Retour aux rivages.

De gros bateaux naviguent au loin, images silencieuses.

Une embarcation de pêcheurs rentre à bon port, pétaradante.

Des chaînes qu’on jette, arrimage joyeux, des caisses de poissons jetées à quai, des cliquettements de gréments tangués, la vie se déroule à portée d’oreille, habituelle pour certains, dépaysante pour d’autres, pour moi en tous cas.…

J’arpente les quais pour avoir l’oreille marine, l’immersion est ici intrinsèque.

Je foule les plages où le pied fait chanter les galets.

J’ouvre une fenêtre pour entendre la rumeur entêtante d’une mer venteuse.

L’oreille m’entraine au large. L’imaginaire joue le jeu des esprits marins convoqués.

Les vagues toujours, s’enroulent et se déroulent, plus ou moins furieuses sous les rafales.

Parfois même, la mer murmure.Lames sensibles…

Texte écrit dans le cadre du projet « Bassins versants, l’oreille fluante« 

L’oreille de proximité, des écoutes…

Le paysage sonore nous rattache à un territoire par une géographie sensible de proximité.
La carte se trace avec des contours délimitant un champ auditif environnant.
Le son de la cloche, de la fontaine, le portail du voisin qui grince, la cour de récréation et le bar près de chez soi, sont autant de marqueurs sonores qui construisent un espace tissé d’ambiances, où des micros événements sculptent un territoire à portée d’oreille.
Ces objets auditifs, aisément identifiables, comme des sons voisins, nous permettent de vivre, de pratiquer un espace en ayant des repères spatiaux-temporels, éléments qui rythment et architecturent un quartier, une rue, le centre d’un village.
Nous sommes baignés dans une aire sonore au quotidien, avec ses stabilités et ses fluctuations.
L’épisode Covid 19, qui nous a, bien malgré nous, assigné à résidence si je puis dire, a mis en avant des détails, constituants audio-paysagers que nous n’entendions plus guère, à force d’habitude.
Gommant des flux hégémoniques, tels la circulation automobile, il a, tout en faisant taire certaines activités sociétales et professionnelles, remis au premier plan, à portée d’oreilles, des éléments sonores structurants.
La rue au bas de nos fenêtres, nettoyée d’un trop-plein sonore, nous a fait entendre des sons plus ténus, intimes, animant et renseignant nos enfermements de proximités acoustiques plus apaisées que d’ordinaire.
L’oiseau sur le platane d’en face a retrouvé une place audible, en l’absence de bruit de fond prégnant.
La proximité sonore, dans une ville où l’urbanisme resserre parfois les champs auditifs entre des murs-obstacles masquant souvent les perspectives lointaines, crée à l’écoute une série de microcosmes auriculaires singuliers. Des Microcosmes sonores de proximité.
Des espaces où la voix du voisin, le raclement des chaises métalliques de la terrasse du restaurant, et de nombreux objets sonores indiciels, nous positionnent comme un acteur écoutant, en identifiant un périmètre auditif sensible.
Cette géographie sonore rapprochée, rythmée d’itérations, marquées de récurrences écoutables, assimilables, de la place du village à l’esplanade urbaine, nous ancre dans un paysage familier.
Lorsque l’on s’installe, pour quelques jours où quelques années, dans un nouveau lieu, il nous faut reprendre nos marques, nos repères, plus pu moins consciemment.
L’acoustique sonne, dans nos lieux de vie, de travail, avec une couleur que nos oreilles apprendront à identifier, plus ou moins mat, réverbérante, avec ses effets de mixages, de coupures, d’estompages, ses événements ponctuels, marchés, fêtes locales, commerces …
La proximité de ces éléments sonores permet de se sentir dans un espace immersif apprivoisé, moins inquiétant peut-être qu’un espace inconnu, où l’oreille a du mal à se situer. Même si le dépaysement, le fait de se frotter à d’autres territoires sensibles, avec des ambiances parfois surprenantes, donne à l’écoute, et par delà à l’écoutant, un sentiment d’aventure hors-les-murs, en tous cas hors de ceux qui marquent nos territoires coutumiers.
Par delà le bruit de fond, la rumeur, il faut aller chercher le détail, la petite émergence sculptant un espace acoustique qui nous sera petit à petit familier, proche, peuplé des « presque riens » identifiables, pour faire un clin d’œil au compositeur Luc Ferrari.
La proximité sonore ne se trouve pas forcément dans le spectaculaire, l’extraordinaire, mais souvent dans l’infra-ordinaire, pour citer Georges Pérec, qui savait si bien observer les territoires de proximité, à portée de regard, ou d’écoute.
Ce qui nous est sentimentalement proche, c’est un ami, un être cher, un membre de notre famille.
Nous pouvons aussi être proche, affectivement, de notre quartier, petit bout de ville ou de village, campagne. Un espace abordé par le petit bout de l’oreillette.
Je pose parfois à des étudiants la question suivante « Et avec ta ville, comment tu t’entends ? ». Ici, nous jouons sciemment de la polysémie du verbe entendre, au niveau du geste d’écoute, de la compréhension d’un site, comme à celui de se sentir bien dans un lieu donné, d’y trouver des aménités..
Il est plus facile je pense, de se rattacher, dans un bonne entente, à une parcelle de territoire se situant dans une proximité mesurable, où nos repères spatio-temporels sont marqués d’éléments saillants, récurrents, reconnaissables, que dans un espace trop étendu pour que nous puissions en saisir les singularités. Le paysage acoustique est complexe dans ses incessantes variations, la proximité permet de le saisir en s’y immergeant au quotidien.
Les sonorités proches, géographiquement ou affectivement, personnellement j’adore les sonneries de cloches, nous ramènent à un voisinage incluant, dans le meilleur des cas. Un voisinage sympathique, une proximité où la coexistence est de mise, où la voix de son marchand de légumes préféré, sur le marché local, la fontaine de la place, nous font trouver notre place, même modeste, dans le grand concert urbain , parfois trop cacophonique.
Être proche de, c’est se trouver, se retrouver, dans une échelle raisonnable, là où les sons pourront être identifiés comme des objets appropriables, sensoriellement parlant.
La proximité des choses, humaines, auriculaires, sociales, évite de trop grands isolements. Les sons jouent pour cela un rôle d’insertion sociale, quand ils ne viennent pas bien évidemment nous agresser par leurs violences, leurs intensités acoustiques ou symboliques, affectives.
Faire l’effort d’écouter ce qui nous entoure peut nous rendre plus proches, dans tous les sens du terme, de nos lieux de vies et de leurs habitants.
Écouter les sons environnants, nous fait se sentir au centre d’une vie bruissante, y résonner par sympathie, telle une corde d’instrument, trouver un minimum d’empathie de proximité. C’est ce qui nous donne une existence sociale au cœur d’un quartier façonné entre autres, de sons multiples.
Personnellement, mes points d’ouïe favoris sont souvent des bancs publics. Je les choisis dans des lieux que j’aime, ni trop déserts, ni trop saturés. acoustiquement, là où la rencontre, l’échange, sont toujours possibles au quotidien.
Les bancs sont des mobiliers qui, au delà de nous poser, ou reposer, nous font ressentir la proximité des choses, y compris celle des choses entendues.
Les marchés locaux sont également de ces lieux et moments où la proximité place l’activité humaine au cœur des choses. Nous entendons des espaces où l’oreille prend aisément ses repères, guidant parfois nos déambulations d’étal en étal, ou bien vers la terrasse d’un bar jouxtant les emplacements des forains et des maraichers. La vie est à portée de tympan, toute proche, rythmant certains jours de la semaine, moments de la journée. Il suffit d’y prêter l’oreille et l’attention pour se sentir, en bon entendeur, un peu plus proche de son quartier, et par delà, de la vie même.

Lectures de paysages en points d’ouïe

  • Écouter un paysage, point de vue/point d’ouïe, approche auriculaire
  • Comprendre comment il s’entend, ses sources, ses plans sonores, ses effets
    acoustiques, les interactions sensibles
  • Les marqueurs sonores, récurrences et singularités
  • Les aménités et dysfonctionnements, comment s’entend t-on
    avec les lieux ?
  • Descriptions et captations, outils et méthodes
  • Parcours et points d’ouïe, écriture in situ
  • Repérages et inventaires de points d’ouïe remarquables
  • Les plans paysages et les ambiances sonores, vers une écologie acoustique,
    préservations, aménagements et écoutes prospectives

Document en ligne

Paysages sonores et créations polymorphes

Dans la création audio, un paysage sonore est un objet, une œuvre, hautement polymorphe.

Trace et mémoire, représentation, interprétation, imaginaire, projet prospectif, arts et sciences, rituel et célébration, espace immersif dedans-dehors, recherche-action, recherche-création, interactions performatives et in-corpore, militance écosophique, matérialité et virtualité, contemplation et distanciation, mobilité et point d’ouïe, récits croisés et indisciplinarité, technologie et dénuement minimaliste, politique, véracité et fiction, dans et hors-le-murs, in situ et volatilité, permanence et furtivité éphémère, poétique et poïétique…

Toute une gamme de gestes, de postures, de scénari, de mises en situations, d’installations, de contextuatisations/décontextualisations… permettent d’imaginer, de fabriquer et de donner à entendre d’innombrables potentiels inouïs

Osons l’oreille nue !

Osons l’oreille nue !

Embarquer un public pour un parcours d’écoute « à oreilles nues », à l’ère de la techno-monstration et du tape-à-l’oreille, n’est pas sans risques.

En effet, il faut avoir confiance en la capacité des écoutants à se laisser charmer par l’infra-ordinaire, façon Georges Perec, le presque rien, aurait dit Luc Ferrari.

Il faut également faire confiance aux multiples richesses sonores des lieux arpentés, qui se révéleront si on leur prête attention, oreilles aux aguets.

Un PAS – Parcours Audio Sensible se met en scène comme une installation d’écoute performative à l’air libre, via un travail sur les postures, les silences, la lenteur, les rythmes, le partage d’attention…

Parfois rituel, parfois fête improvisée, le PAS ne sera jamais identique, ni reproductible, d’un espace-temps à l’autre.

C’est une performance unique, performance dans le sens de jeu, d’interprétation, où le ludique et le décalage font faire un pas, ou une écoute, de côté.

Les lieux, leurs acoustiques et les sons qui les animent sont les héros du cheminement auriculaire, il suffit de les révéler.

Encore faut-il dénicher les espaces bien-sonnants, les points d’ouïe remarquables, les effets acoustiques à exciter pour les rendre audibles et « jouables »…

Sans compter sur l’improviste, l’inattendu, l’improbable parfois. Il nous faut prendre en compte l’événement impromptu, « l’accident », le contretemps, qu’il conviendra d’intégrer, de mettre en écoute, pour écrire de concert un paysage sonore inouï. Une part d’improvisation en l’écoute.

Des paysage sonores qui ne se reproduira plus jamais dans leurs singularités et dans la magie du moment, des ambiances mises en exergue.

Un travail de longue haleine qui, dans son apparente simplicité, sobriété, économie de moyens, nous conduit vers des explorations sensibles, des expérimentations à fleur de tympan, et je l’espère, à une forme d’ouverture au monde élargie.

Ces déambulations écoutantes nous révèlent, sans grands dispositifs audio-augmentés, des beautés auriculaires éphémères, ignorées autant que fragiles.

Pour en jouir sans les altérer, osons installer le silence, l’écoute partagée, et mettre l’oreille à nue !

Ondes porteuses, bassins versants, oreilles fluantes

Porter attention aux fleuves, rivières, rus, et à toutes les eaux sonnantes.

Prendre soin des eaux irriguantes, nourricières, façonneuses de paysages sonores liquides, fragiles, apaisantes, menacées…

Arpenter des rives, suivre des cours, écrire des histoires pour être au courant des choses, rêver d’ondes porteuses…

Desartsonnants est sur le versant Eauriculaire.

Il le suit comme un long fleuve in-tranquille.

L’écoute comme une rivière qui fait déborder la vase.

L’entend commun torrent.

Prête l’oreille aux eaux dormantes.

Il cherche des points de chute !

Qui l’eut crue.


En chantier, « Bassins Versants, l’oreille fluante« 

Collections et séries, chercher la récurrence

En fin d’un festival de fanfares très tonique de par ces ambiances sonores et musicales, je rentre dans l’église du village, comme je le fait régulièrement ici et là, pour immerger dans ces larges acoustiques réverbérantes, qui sont souvent pour moi sources d’apaisement.


Je me dis alors que ces visites régulières, quasi rituelles, que je savoure toujours, constituent au fil du temps une forme de collection d’acoustiques, d’ambiances, enregistrées, ou seulement gardée en mémoire, parmi d’autres récurrences au long court.


Les effets sonores réverbérants des églises, cathédrales, basiliques, chapelles, avec les sons intérieurs mêlés aux porosités de l’extérieur, filtrés par l’effet caverne des bâtiments, constituent pour moi une série cohérente, une sorte de riches corpus liés aux édifices religieux. J’y retrouve à la fois les constantes acoustiques de ces architectures, et en même découvre leurs signatures auriculaires singulières, uniques.


Néanmoins, cette série d’architectures sonores ne constitue qu’un maillon de nombreux points d’ancrages auditifs que je construis petit à petit, où l’on trouve des lieux, objets et ambiances très différents, parmi lesquels je citerai en vrac et de façon non exhaustive:
Les ruisseaux, rivières, torrents fontaines et autres points d’eau, avec leurs ruissellements, grondements, et autres glougloutis.
Les sirènes hululant les premiers mercredis du mois à midi.
Les volées et tintements de cloches carrillonnantes et bourdonnantes.
Les gares et aéroports, leurs messages sonals et sonorités spécifiques, liées au transport, au transit de milliers de voyageurs.
Les sites à échos, qu’ils soient en espaces naturels ou urbains.
Les marchés, les voix, harangues, leurs sons d’installations matinales…
Les passages couverts, traboules et autres venelles et impasses, où tout semble s’estomper, oasis apaisés coupés de la frénésie urbaine.
Les levers du jour, heures bleues et les fantastiques réveil des oiseaux dont je ne se lasse pas.
L’ensonnaillement des troupeaux montagnards où les clarines t(e)intent joyeusement le paysage.
Les sons d’ateliers avec un immense panel de moteurs et outils raclant, percutants sciant, perçant…
Les paysages forestiers, portuaires, industriels, agricoles, chacun avec leurs propres climats.


Tous ces espaces/temps offrant à l’oreille un champ d’action et de plaisir quasi infini, pour qui leur prête attention.
On découvre ainsi tant d’autres situations sollicitant notre écoute au fil des voyages et déambulations.


Certaines séquences sont fixées, mises en mémoire via l’enregistreur numérique, répertoriées et indexées. D’autres contribueront simplement à fabriquer une mémoire sonore interne, personnelle, parfois intime, celle de l’écoutant.
Toute cette matière participera à l’écriture, la composition de paysages traces, de paysages plus ou moins fictionnels, espaces incertains, entre réalité quotidienne et imaginaire.
Pour beaucoup, ces paysages dits sonores, auriculaires, n’auront guère d’existence tant ils seront inécoutés, hormis ceux qui se feront trop envahissants, trop bruyants, dans le flux de la vie à portée d’oreilles.
D’autres découvriront avec gourmandise la richesse de ces milieux acoustiques.
Certains en feront, et c’est mon cas, des parcours et sentiers d’écoute, sortes de concerts immersifs à ciel ouvert.
Les musiciens, compositeurs, créateurs sonores, iront jusqu’à en faire des sources de compositions, objets d’installations, flux radiophoniques.
Les militants en tireront des causes à faire entendre et défendre, dans la fragilité des paysages et habitats…


Pour moi, le fait de travailler sur des récurrences écoutables, des séries, thématiques, redondances, nourrit nombre d’expériences transdisciplinaires, de militances, de partages de récits sensibles.
Plus la chose écoutée se répète, plus on la recherche dans ses rythmicités, ses maillages séquentiels, sa diversité, ses variations subtiles, plus la possibilité de construire des paysages inouïs, de les arpenter pour les mettre en écoute sont riches et passionnantes.

Bassins versants, Rançonnet mon voisin d’enfance

Le Rançonnet est une petite rivière qui a bercé mon enfance en coulant au pied de la maison familiale. Nous sommes dans la petite ville d’Amplepuis, nichée au cœur du Haut-Beaujolais, pays de sapins et de prairies de moyenne montagne aux reliefs assez pentus..

Le tronçon proposé ici court le long du quartier dit de l’Industrie, au bas de la ville, appelé localement « le fond du bourg « 

Détourné en bief pour alimenter la chaudière de la grande usine textile voisine, le Rançonnet traversait le quartier, en partie recouvert par la chaussée du carrefour du quartier de l’Industrie.

Le ruisseau sillonne aussi, en amont, le quartier dit de la Viderie, rivière affluent du Rançonnet aussi dénommé la Jonchée. Que de jolis noms ruisselants.
Il se jette ensuite dans le Reins, lui-même alimentant autrefois deux autres usines textiles aujourd’hui plus en activité, avant que celui-ci n’aille confluer vers la plaine de Dame Loire. Celle-ci coulera par monts et par vaux vers le Grand Ouest Nantais. Un bien beau et long périple en perspective.


Au sortir de la bourgade, le cours d’eau serpente le longs de prairies paisibles vers le versant ligérien.


Au pied de chez moi, le bief était bordé d’une végétation assez touffue, où vivaient salamandres et tritons qui parfois s’aventuraient jusque dans la fraicheur du couloir d’entrée de notre maison.
Plutôt silencieuse, la petite rivière se manifestait indirectement par de longs lâchers de vapeur via la chaudière de l’usine qu’elle alimentait, faisant rugir de longs sifflements, bruits blancs puissants qui ne manquaient pas de m’inquiéter les premières fois que je l’entendis lorsque j’étais enfant.
Aujourd’hui, l’usine a disparu, s’est tu, rasée pour laisser la place à un sympathique parc urbain, avec une halle couverte pour accueillir un marché hebdomadaire et des fêtes locales. Autre époque, autres sonorités.


Le Rançonnet a quasiment retrouvé son cours naturel, longeant tranquillement le parc, plus ou moins présent à l’oreille selon les saisons et les pluies. Des seuils ont été arasés afin que le ruisseau réintègre son cheminement d’origine.
Parfois quasiment inaudible, tout juste quelques clapotements lorsqu’on se penche dessus, surtout vers un glacis pierreux canalisant son cours vers l’ex usine, il peut se faire entendre plus généreusement au fil des averses, des orages, des périodes humides. Jamais toutefois il n’aura l’audace acoustique d’un torrent montagnard dévalant des hautes vallées. Il restera un ruisseau assez sage qui néanmoins égaie tranquillement le quartier.


J’aime écouter sa présence estivale discrète, rafraichissante, presque rassurante, en lisant sur un banc ombragé qui le surplombe, une petite trame bleue qui fait partie, au fil du temps de l’âme du quartier, le façonnant acoustiquement.
La disparition des usines qu’il alimentait lui a apparemment redonné une pureté aux écosystèmes riches, où chabots, truites fario et écrevisses à pattes blanches sont à leur aise, et où de belles libellules bleutées folâtrent parmi les renoncules des rivières.


Cette petite incartade auriculaire, aquatique, dans le quartier qui m’a vu grandir, et où, après de nombreuses années plus urbaines, je me suis récemment réinstallé, est marqué de souvenirs, de transformations, démolitions, réaménagements, au fil de la disparition du tissu industriel local. Des affects un brin mélancoliques qui s’écoulent dans les flux et reflux mémoriels
Retour aux sources pourrait-on dire littéralement.

Données hydromorphologiques

https://onde.eaufrance.fr/acces-aux-donnees/station/K0943031

Cliquer pour accéder à 820031385.pdf

Les sons du Rançonnet enregistrés ici ont été captés sur une petite dizaine de points d’ouïe, puis remixés pour suivre une progression vers une petite chute en glacis. Cette dernière divisait la rivière en deux branches, en orientant une vers l’usine via un bief aménagé à cet effet, et une autre contournant les bâtiments.
Le cheminement de cette petite trame bleue s’effectue sur un court trajet, quelques deux cent mètres au maximum.


La captation a été réalisée via un enregistreur numérique équipé de microphones système MS, pour rendre plus pertinentes les variations aquatiques allant crescendo..
De gros orages ayant éclaté sur la ville et ses alentours les jours précédents, le courant est assez fort pour un milieu juillet, donnant à l’oreille l’impression d’un cours d’eau beaucoup plus important qu’il n’est.
Ambiance qui peut cependant très vite changer si un épisode plus sec et chaud s’installe.

Les heures d’écoute attentives et de douces rêverie passées à ausculter le petit tronçon du Rançonnet n’étant pas retranscriptibles dans la durée, elles ont été ramenées à quelques 60 minutes d’enregistrement, et au final à 8 minutes de montage audio assorti d’images et de mots. Une « vision » synthétique qui tente de condenser l’espace-temps poétique d’un fragment de cours d’eau dans son plus long cheminement. Un bout d’histoire sonore fluante qui invite l’oreille vers de multiples autres rives. Un échantillon comme prélude à un projet « Bassins Versants, l’oreille fluante » qui arpentera bien d’autres rives et dérives.

En écoute

En images

https://photos.google.com/album/AF1QipM3kWKP4oZA06a3vmEu4xNqoJILZgdd7FUYBQ1h

Cette publication s’inscrit dans le projet « Bassins Versants, l’oreille fluante« 

Une carte de PAS – Parcours audio Sensibles – Maillage territorial

En complément de l’article précédant, autour des PAS – Parcours Audio Sensibles Desartsonnants, voici le lien d’une carte de PAS géolocalisées, ici ou là, ailleurs et plus loin…

Fabrique de Paysages sonores et territoires auriculaires en chantier.

Cliquez sur la carte pour accéder à la version interactive

Point d’ouïe, Strasbourg en écoute, une vraie fausse histoire auriculaire

Tout commence par une foule, nombreuse, joyeuse, bavarde, mouvante.
Des voix, beaucoup de voix, captées de près, en mouvement, sur la grande place historique de la cathédrale.
Une fête des structures culturelles et artistiques, autour et tout près de là cathédrale.
Des rythmes voisées, des déplacements, des captations discrètes, une ambiance festive.
Au loin une musique, percussions en contrepoint.


Et puis, sans qu’on y prenne garde, arrivent crescendo, de loin, puis de plus en plus présentes, les cloches de la cathédrale.
Une volée majestueuse qui envahit progressivement la place, fait contrepoint avec les voix ,puis finit par les couvrir, majestueuses.


S’ensuit une petite déambulation jusqu’à un manège d’enfants.


Des étudiants croisent la route des micros, ou sont-ce ces derniers qui vont à la rencontre des étudiants.
Un chant traditionnel, matinée de grivoiseries potaches. Un joyeux bizutage en chansons, car c’est l’époque.


Ces scansions chantées vont faire écho à un autre rythme, plus étrange, mécanique, énigmatique pour qui n’en connait pas la source.
Un contrepoids battant de portail métallique, dont le mouvement semble être une sorte de balancier perpétuel n’en finit pas d’osciller, et de s’éteindre
Clic clac, des gémissements, grincements…


Avant un retour fugace aux cloches dont la volée finissante fait échos aux battements du portail. Deux mouvements a priori très différents, mais qui ont en commun de s’entretenir longtemps en balancements, dans une longue extinction décélérante.

Cette histoire auriculaire, retranscrite par un montage audio écoutante ci-dessous, s’appuie sur des « vrais » sons et ambiances, bruts dans leur captation, véritablement strasbourgeois. Et pourtant rien n’est véritablement vrai dans leur déroulé. Les espaces géographiques, périodicités acoustiques, les temporalités, sont complètement remaniées pour une question de rythme du récit, et de dynamique de la narration, tout est reconstruit de toutes pièces .
L’histoire eut-été bien fade, ennuyeuse, dans une restitution phonographique « réaliste », si l’auteur, en l’occurence Desartsonnants, n’avait pris la liberté de raconter, par le biais des impressions, des ressentis, et de rythmes recomposés, un récit singulier, une fiction bien sonnante.
S’il y a ici un tricotage spatio-temporel où l’imaginaire trouve largement sa places il n’y a pas pour autant trahison de la part de la part de l’écoutant transcripteur compositeur, qui va donner à entendre sa propre image sonore, sincère, même si très subjective.
Les ambiances sont respectées, dans leurs dynamismes, leurs atmosphères enjouées, pou étranges, leurs diversités, et parfois complexité. Tout est à la fois bien réel in situ, et complètement remanié, pour que l’oreille y trouve son compte, prenne du plaisir d’entendre, et pour que les locaux puissent se reconnaitre, au sens propre et au sens figuré, dans cette vraie/fausse histoire strasbourgeoise.
Raconter un paysage par et pour les oreilles, c’est partager des expériences d’écoute. C’est aussi construire une scénophonie, une mise en son et en situation d’écoute contextuelle, dans un récit où le fictionnel est assumé, voire revendiqué.

Points d’ouïe strasbourgeois, invité, avec Pauline Desgrandchamp, par Studio Labut , Yerri Gaspar Hummel, pour une émission radiophonique Arrêt média (cliquez sur le lien pour écouter), un PAS – Parcours Audio sensible, et des échanges avec le public autour des paysages sonores partagés.
Août 2022

Écoutez

https://desartsonnants.bandcamp.com/track/strasbourg-loreille

Formations, conférence 2022-2023

Actions de formation, conférences, ateliers, groupe de travail, autour du ou plutôt des paysages sonores

  • Approche généraliste, histoire et pratiques du paysage sonore
  • Architecture sonore
  • Design sonore
  • Paysages sonores au cinéma
  • Soundwalking et parcours sonores
  • Field recording, mémoire, traces, création
  • Lecture écritures et compositions artistiques de paysages sonores
  • Paysages et écologie sonore
  • Représentations des paysages sonores, cartographies, partitions

Lire et télécharger ICI

Desartsonnants 2022-2023

Points d’ouïe et Paysages sonores à portée d’oreilles

« Le silence est dehors »

Franchir un nouveau PAS

Installer le silence
pour installer l’écoute
pour installer le paysage sonore

Le silence est habité
partageable
révélateur
fédérateur
ouïssible

La parole disparait
le geste invite
le corps joue, performatif
la lenteur s’installe

Le paysage alors se fait entendre


« Dedans dehors et entre »

Projet décloisonnant in/out

Dedans/Dehors, cet axe, ce mouvement est induit par son propre énoncé.
C’est la volonté de faire bouger des sonorités, des paysages, des ambiances, entre les murs, entre les personnes, à l’extérieur et à l’intérieur d’espaces a priori Oh combien cloisonnés.

C’est le désir de faire naviguer des ambiances auriculaires, via des passages aller-retours, des fenêtres ouvertes, des passe-murailles symboliques. Et ce au travers la construction de paysages sonores, substrats incontournables de mon travail, ceux-là même qui contribuent à ouvrir des espaces relativement, voire très fermés.

Cliquez pour lire le texte intégral

@photo Nicolas Frémiot


« Bancs d’écoute »

Événements bien assis

Considérer les bancs publics comme des installations urbaines qui nous permettent d’écouter la ville, ou ailleurs, autrement.
D’effectuer des parcours d’écoute en solitaire, en duo, à plusieurs…
Des bancs comme un cheminement tramé in situ, un maillage cartographié de Points d’ouïe, d’affûts proposant des postures en focales, en arrêts sur sons…
Des lieux où se poser, rencontrer, se frotter à des endroits parfois surprenants, pour ne pas dire Desartsonnants.


« Inaugurations de Points d’ouïe »

Cérémonies officielles autant que sonores


« Akoustiks trans-posées »

Acoustiques auriculaires

Enregistrer, comme des signatures sonores, des acoustiques architecturales remarquables, notamment par leurs réverbérations (églises, passages couverts, usines désaffectées…)
Les (ré)installer hors leurs murs, avec des dispositifs ad hoc, dans d’autres espaces, leux de monstration et d’audition.
Agrandir les lieux par des perceptions sonores, décaler des écoutes en jouant sur des écritures ambiantales, via les Akoustiks Trans-Posées.
Désorienter les relations entre les choses vues et les choses entendues…
Jouer avec des espèces d’espaces, sonores, les frontières sensibles…

Et bien d’autres actions sur mesures, cousues mains, autour de partitions marchécoutées, de paysages sonores nocturnes, d’écosophie écoutante, de résidences d’écritures audio-paysagères, workshops et groupes de travail…

Desartsonnants cherche lieux d’accueil sonophiles, sonifères, sonophages, festivals curieux de la feuille et autres terrains de bonnes ententes.

Si l’oreille vous en dit !

Points d’ouïe radiophoniques, festival de l’Arpenteur en Belledonne

Nous parlons encore du paysage sonores, ou plutôt des… Paysages montagnards, accrochés aux pentes du balcon de Belledonne.

Et du festival l’Arpenteur orchestré par Scènes Obliques

Une approche à nouveau désartsonnante, contée par un montage audio.

A l’origine, de belles productions de Radio Grésivaudan qui, comme chaque année, couvre le Festival de l’Arpenteur, micros aux aguets, pour des interviews, paysages, créations sonores… Le tout avec beaucoup de talent, de poésie, d’humour et de bonne humeur.

Desartsonnants se réapproprie ici ces beaux moments radiophoniques. Il les redécoupe, remonte, remixe, pour raconter une histoire à sa façon, très égocentrée. Une histoire de son passage au festival, de sa belle aventure avec l’équipe, les détenus d’Aiton, Dedans/Dehors, avec les enfants, et encore, d’autres histoires, au gré de paroles échangées ou entendues au détour d’un chemin, d’une place, d’une école, d’un bivouac au cœur du village…

Grand merci à Jessica, Louna, Marine, Ismaël… pour leur gentillesse et savoir-faire de conteurs.euses radiophoniques.

Les quotidiennes de Radio Grésivaudan http://www.radio-gresivaudan.org/Festival-de-l-Arpenteur-Les-quotidiennes-2022.html

En écoute la pièce « Dedans Dehors » https://archive.org/details/dedans-dehors-aiton-b-is-good

DedanS/DehorS – Paysages sonores en mouvement(s)

             

DedanS/DehorS, cet axe, ce mouvement induit par son propre énoncé, n’était pas, pour moi,  pensé initialement comme un projet spécifique, une problématique en soi, conduisant vers une ligne d’actions à destination de ce que l’on nomme des publics empêchés, ou captifs.

C’est au fil d’expériences, d’interventions auxquelles j’ai été convié, ou que j’ai initiées, (Maison des Aveugles à Lyon, prison des des Baumettes à Marseille, ESAT Lyon, Hôpital Psychiatrique du Vinatier  à Bron, Centrale pénitentiaire d’Aiton…), qu’a émergé progressivement, et peut-être même  s’est imposée l’idée de faire circuler des sons Dedans/Dehors.

De là est venue cette volonté faire bouger des sonorités, des paysages, des ambiances, entre les murs, entre les personnes, à l’extérieur et à l’intérieur d’espaces a priori Oh combien cloisonnés.

De là est né le désir de faire naviguer des ambiances auriculaires, via des passages aller-retour, des fenêtres ouvertes, des passe-murailles symboliques. Et ce au travers la construction de paysages sonores, substrats incontournables de mon travail, ceux-là même qui contribuent à ouvrir des espaces relativement, voire très fermés.

En tout premier lieu, le dedans peut être celui du soi-même, de l’intime, une pensée personnelle, qui pourront trouver résonance, écho vers l’extérieur, en étant partagés vers différents dehors, dont celui l’autre, comme une altérité bienveillante.

Et puis ce sont aussi ces échanges, transferts, superpositions d’ambiances, d’acoustiques, de récits sonores, de lieux à lieux, transports d’écoutants à écoutants.

C’est donc au travers des paysages sonores, à la fois préexistants, mais aussi (re)construits de toutes pièces, de concert, comme des espaces/médias de représentation, que les univers sonores sont pensés pour élargir les lieux de vie en y circulant en interne – externe.

De par leur approche esthétique, ils se révèlent intéressants voire beaux à écouter comme une musique des lieux, qui plus est fréquemment décontextualisée, donc dépaysante, hors-les-murs.us

Par une approche écologique, ils sont intrinsèquement fragiles, fugaces, éphémères et, marqueurs sensibles, nous révèlent des espaces saturés comme des espaces en voie de paupérisation, de désertification, sans compter tous les entre-deux fluctuants.

Quant à l’approche sociétale, elle nous permet d’envisager, via la recherche de belles écoutes, des façons de mieux vivre ensemble, de mieux entendre et de mieux s’entendre, si ce n’est de construire avec les sons. De construire de façon ouverte et décloisonnante, cela va de soi !

Ces approches convoquent des façons de faire, d’écouter, de déambuler, de se poster, de capter, d’enregistrer, d’assembler, de (re)composer des récits sonores, via notamment les outils et techniques du multimédia…

Le ou les récits construits, se pose alors la question de la restitution, de la diffusion, du partage, du comment faire entrer et sortir, aller vers un public le plus large que possible, dedans, dehors…

La radiophonie, les installations, dans et/ou hors-les-murs, les écoutes collectives, sont autant de mise en situation, de mise en écoute, portant et valorisant les projets d’écriture sonore autant indoor qu’outdoor.

Des croisements avec différentes pratiques, non comme des faire-valoir de la création sonore, mais comme des moyens d’enrichir les propositions de contrepoints féconds, où sons, images fixes ou animées, corps en mouvement, créations plastiques, textes… contribuent à écrire les histoires inouïes.

Les partenariats avec des festivals, lieux culturels, espaces publics, lieux de recherche, structures d’aménagement du territoire, sont des éléments clé dans la volonté de travailler des espaces auriculaires et sociaux les plus ouverts que possible…

Les espaces et structures où faire se croiser des résonances Dedans/Dehors sont au final assez nombreux : Hôpitaux, établissements psychiatriques, prisons, centres d’hébergement pour personnes handicapées, ESAT, EHPAD, établissements médicaux divers, mais aussi centres d’arts et galeries, entreprises et commerces…

Beaucoup de lieux, plus ou moins circonscrits dans des espaces géographiques, des bâtiments, des secteurs d’activité, ont intrinsèquement un dedans et un dehors. Mais ils  aussi des couloirs, des sas et espaces intermédiaires, qui ne demandent qu’à communiquer, développer des porosités et circulations vivifiantes, en réponse aux dangers des enfermements et isolements sclérosants.

Le paysage sonore, parmi d’autres univers sensibles, favorise, autant que faire se peut, une circulation auriculaire passe-muraille, voire passe-frontière, dans les murs et hors-les-murs, prônant des espaces sociaux ouverts et respectueux.

Pour une oreille curieuse ouverte, décloisonnée, une écoute en mouvement

DedanS

            DehorS

Forum des Paysagistes sonores, en sons et en images

Cette année, l’association PePaSon s’est associée avec les acteurs et actrices du monde sonore lyonnais et alentours, du 25.01 au 29.01.2022 pour vous proposer une semaine d’écoutes croisées dans la ville de la soie sous le nom de Semaine du son lyonnaise ! 

Le programme

L’ENSAL, le CNSMD de Lyon et Desartsonnants s’associent avec PePaSon, bénéficiant du soutien et de la collaboration du Périscope, de Black and White Production, ainsi que de la participation financière de la Métropôle de Lyon, de la CVEC et du CROUS de Lyon.

L’ensemble des interventions a été mis en ligne sous forme d’un playlist de vidéos visibles ici Forum des paysagistes sonores 2022

Bonne écoute et bon visionnage !

PePaSon

 Six bonnes raisons pour (se) construire des paysages sonores

PAS – Parcours Audio Sensible – Kaliningrad (Ru)

Du plaisir avant tout 

Dans une société où les tensions anxiogènes ne manquent pas, avoir du plaisir, à faire, à entendre, à écouter, est une chose plus que bénéfique, sinon vitale.

Bien sûr, le monde est complexe, brouillon, bouillonnant, parfois au bord de la saturation, et tout n’y est pas, tant s’en faut, réjouissant, y compris dans les scènes et ambiances sonores au quotidien.

L’oreille ne peut, par un coup de baguette magique, gommer les dysfonctionnements, ignorer les choses qui nous agressent le tympan, envahissent nos nuits.

Néanmoins tout n’est pas que bruit et déplaisir, y compris au cœur des grands complexes urbains.

A nous de rechercher, voire de construire, de préserver, des espaces où le monde sonne bien à nos oreilles, où la parole est intelligible, claire, non obligée de « passer par dessus ».

A nous de profiter de belles scènes acoustiques et autres points d’ouïe, une place où jouent des enfants, un marché volubile, une volée de cloches, les clapotements du fleuve…

Le plaisir est sensoriel, parfois sensuel, multiple, dans nos ressentis environnementaux, nos bains de sons. Il passe par la contemplation d’un coucher de soleil rougeoyant, l’odeur des croissants chauds au détour d’une rue, l’écorce d’un arbre que l’on caresse au passage, nos pieds foulant le sol, l’air frais du matin, la lumière qui nimbe la colline nappée de brouillards ténus, le soleil de printemps qui nous réchauffe enfin, les gazouillis qui se répondent dans le parc voisin…

Scènes de la vie quotidienne.

Tout cela peut nous paraître anodin, futile, peu digne d’intérêt. Et pourtant nous avons besoin de ces stimuli, de ces ambiances et repères entre autres auriculaires , qui vont rendre nos lieux de vie agréables, sinon vivables.

S’imaginer un monde gris, atone, sans relief, aseptisé, relève du cauchemar inspirant les pires dystopies science-fictionesques.

L’écoute procure, si on la laisse s’installer, de véritables émotions stimulantes, que l’on arpente la ville où qu’on l’entende de son banc, poste d’écoute et  point d’ouïe.

Et tout cela se construit, se favorise, se ménage et s’aménage, les postures d’accueil, l’ouverture sensoriel, le choix des lieux et des rencontres amènes… Nous ne sommes pas forcément dans des gestes de méditation, de transe, ni même de spleen ou de contemplation, simplement dans une réceptivité à fleur d’oreilles, de celles qui nous relient au monde.

Partager le plaisir 

Prendre du plaisir personnel, quasi hédoniste, est une bonne chose pour nous maintenir à flot. Le partager est encore plus riche.

L’écoute, dans un cadre d’action collective est donc, dans l’idée de construction relationnelle, au cœur du processus.

Marcher ensemble.

Écouter ensemble.

Faire ensemble…

Bien sûr, l’écoute collective ne sera pas la même pour chacune et chacun, même si les espaces et temporalités se superposent.

C’est même ce qui en fait sa force et sa richesse, le fait de pouvoir échanger sur nos ressentis propres, de partager nos émotions, parfois intimes, nos moments apaisés ou non, nos ralentissements dans une marche immersive, nos façons de nous entendre, plus ou moins bien, avec le monde, avec ses sonorités, avec ses écoutants…

Écouter de concert, c’est puiser dans un silence partagé, installé comme un rituel, une énergie, une synergie, que le groupe amplifie, comme une bulle qui favorise l’expression de nos affects.

Si l’après d’une déambulation auriculaire collective n’est plus comme son avant, une porte est alors ouverte sur de nouvelles expériences à venir, que les moments vécus ensemble auront sans aucun doute inspirés.

Que les déambulations s’appuient sur des perceptions esthétiques, écologiques, sociétales, urbaines, ou mieux, sur un mixe d’approches croisées, plus ou moins indisciplinaires, le partage d’expériences reste une manière de faire corps en restant ouvert à différentes sensibilités. l’échange, même non verbal de  savoir-faire est un terreau enrichissant nos inter-relations.

Façons plurielles de décupler le plaisir d’installer une écoute partagée.

Chercher à comprendre 

Si la curiosité est, dit-on, un vilain défaut, chercher à comprendre comment fonctionne notre environnement sonore, comment s’associent les sons, se génèrent les ambiances, évoluent nos bande-son au fil du temps, des événements, des aléas au quotidien, nous renseigne sur la façon dont, écouteurs-producteurs, nous vivons avec les sons.

De nombreuses approches investissant les domaines de l’écoute, physique, psychoacoustique, questionnent nos rapport au monde sonore, de ses modes de perceptions, d’analyse, mais aussi d’acteurs participants que nous somment à modeler, à fabriquer des scènes sonores, pour le meilleur et pour le pire.

Des outils de sensibilisation, des approches pédagogiques, des processus de description, de modélisation, croisant différents domaines des arts, des sciences, des problématiques éthiques, philosophiques nous aiderons à mieux comprendre les enjeux du sonore, notamment dans l’aménagement.

Être sensibilisé à ces problématiques participe à ce que nous soyons plus attentifs, non seulement au monde sonore lui-même, dans toute sa complexité, son côté éphémère et instable, mais aussi à nos propres gestes impactant le milieu et ses habitants, humains ou non. Questions de cohabitation oblige.

Depuis le travail de feu Murray Schafer les environnements sonores n’ont cessé d’évoluer, parfois dans le sens de raréfactions, disparitions, souvent dans un état d’accroissement, d’extension, de saturation, en tous cas pour ce qui est des grandes cités.

il est donc nécessaire d’accroître notre vigilance, de porter attention aux dysfonctionnements chroniques, aux pollutions parfois insidieuses qui nous rendent la vie difficile, faute d’espaces de calme où reposer nos oreilles et nos corps écoutants, parfois contre leur gré.

Malgré tout les dispositifs de filtres cognitifs, neuro-perceptifs, qui nous permettent d’effacer, d’atténuer ce que l’on pourrait qualifier ici de gêne, de choses plutôt négatives, brouillant souvent nos entendements, de paroles, de signaux et plus généralement de la lecture globale de nos milieux, nous sommes fortement impactés, voire perturbés par les sons ambiants.

Il est clair que l’on agira d’autant plus efficacement que l’on maîtrise le sujet, ici celui de notre cohabitation active avec les milieux acoustiques.

Il n’est pas cependant besoin d’étudier la physique vibratoire ni les neurosciences, il s’agit déjà, à la base, de rester à l’écoute et d’entraîner celle-ci à une lecture où plaisir et curiosité œuvrent de concert.

Défendre 

Si le fait de chercher à (mieux) comprendre  nos milieux sonores, à apprendre comment ils fonctionnent et évoluent, nous pousse à développer des sensibilités, et  peut-être des savoir-faire, cette curiosité activiste peut aussi faire de nous des militants de la belle écoute.

Nous touchons là le domaine de l’écologie sonore, prônée et développée par Murray Schafer, et plus que jamais d’actualité. Être sensible, sensibiliser, protéger, améliorer, construire, dans une idée écosophique, ou l’environnemental, le sociétal et le mental, sont portés par une éthique, une philosophie et une volonté d’agir plus que de parler, nous fait prendre la défense de ces milieux si fragiles que sont les espaces acoustiques.

Artistes, scientifiques, pédagogues, aménageurs, décideurs politiques… chacun à sa place, avec ses compétences, ses réseaux d’influence et terrains d’action, et si possible en interaction, peut se faire défenseur de paysages sonores, les plus accueillants et vivables que possible.

l’Éducation Nationale, l’Éducation populaire, l’enseignement supérieur et la recherche, les centres culturels, les festivals, les associations de terrain, les collectivités publiques,  autant de structures, de lieux, d’institutions, publics ou privés, où peuvent, voire doivent s’exercer des actions militantes.

L’apprentissage de l’écoute sous toute ses formes restant au centre de nos préoccupations d’écoutants impliqués, comme un levier  pédagogique incontournable.

De la « simple » promenade écoute, PAS – Parcours Audio Sensible, en passant par des actes performatifs, des créations sonores, installations interactives, des groupes de travail, séminaires, conférences, débats publics, interventions scolaires, publications, des études autour de la bioacoustique, de l’éco-acoustique… beaucoup de moyens d’interventions, d’actions de terrain peuvent être mis en place pour faire entendre la voix des défenseurs sonophiles.

C’est encore par le partage du plaisir de faire ensemble, et au départ d’écouter, de s’écouter, que se puisera sans  nul doute l’énergie militante.

Être sur le terrain, croiser les chemins de nombreuses personnes, mobiliser des énergies, expérimenter de façon transversale, quitte à emprunter les chemins de traverses, tout un champ d’action ne demande qu’à être activer.

Et c’est sans doute, au delà de tout discours, par l’expérimentation de terrain que passeront les actions les plus engagées et efficaces.

Expérimenter 

Plutôt agir que parler, même si la parole est source d’enseignement, d’échanges et de transmission, d’invention même, l’action de terrain reste la meilleure façon de faire vivre et évoluer des idées, des projets. Et donc ici, de construire des paysages sonores dignes de ce nom. Écoutables.

L’expérimentation, ou l’expérienciation, le fait d’acquérir des connaissances par l’expérience personnelle, sont donc moteurs dans ces constructions audio-paysagères.

Si je dis par exemple que le paysage sonore est particulier, spécifique, voire reconnaissable pour chaque lieu géographique, mon affirmation ne sera valide que si je l’appuie par des exemples concrets, si je prouve en quelque sorte sa véracité, son fondement.

Il faudra alors aller sur le terrain, tester plusieurs protocole d’écoute, temporalités, moyens techniques, façons de rapporter les résultats, de les comparer, de tester ces expériences sur différents lieux, à différents moments, avec différentes personnes, de diffuser l’information…

L’expérience joue ici un rôle déterminant. Tout d’abord pour mettre en place un processus efficient. On déclinera ainsi plusieurs variations dans les modes d’actions possibles, pour que la notion de paysage sonore prenne vie, peut-être sous forme de différents modèles, typologies.

Expériences humaines, relationnelles également, quels groupes, comme travailler en équipe, à combien, croiser des expériences… Comment se répartir les tâches, croiser nos savoir-faire, et surtout, vibre en ensemble une expérience auriculaire riche pour chaque membre du groupe ?

Expérimentations de matériel, d’outils, de méthodes.

A chaque visée, à chaque lieu, des façons de faire, de penser, de récolter, d’analyser, de construire… Il m’est difficile, sinon impossible, de concevoir une méthode clé en main, transposable à l’identique d’un endroit à l’autre, sans que l’expérimentation de terrain n’implique la mise en place de gestes et de stratégies appropriés.

Expériences de transmission, de diffusions, de traces tangibles.

Rapporter les faits et gestes, décrire, analyser, tirer des conclusions, ouvrir de nouvelles investigations, diffuser, vulgariser… L’expérimentation va là aussi nous aider à trouver des supports ad hoc, des réseaux, des relais, partenariats, sans se cantonner dans l’utilisation de modèles clé en main, figés, mais vers des solutions plus adaptatives en regard du terrain;

L’expérience de terrain est, dans toutes les phases, primordiale. Le terrain est laboratoire. On part de l’expérience in situ pour se forger, au fil du temps, une expérience globale. L’expérience professionnelle comme on dit. Celle qui nous permet de réagir à terme, assez rapidement, selon les contraintes des projets, à la mise en place d’outils répondant au besoins, ou à leurs adaptations, si ce n’est à l »invention » de nouveaux outils.

Avoir fait une belle expérience, c’est avoir vécu et qui plus est entendu de fort belles choses, qui resterons gravées en mémoire, qui jalonneront notre parcours, chacune  apportant une petite pierre à l’édifice sonore en continuelle évolution.

D’ailleurs, dans le mot expérience, il y a expert, ou expertise. Par l’expérience, et l’expérimentation, on devient « expert », expert en perpétuelle construction  certes.

Cent fois sur ton métier tu remets ton ouvrage, c’est en forgeant qu’on devient forgeron, c’est en écoutant qu’on devient écouteur, c’est parce qu’il y a des écoutants qu’il y a des paysages sonores… Suite de maximes avérées.Et croyez moi, j’en parle d’expérience.

Confronter  

Confronter, se confronter à, littéralement en face à face, de front à front, proche d’ailleurs du fait de s’affronter…

Mais ici, évacuons la notion belliqueuse, ne montons pas au front, prenons la confrontation dans son sens plus positif, celui d’espaces de comparaison, de frottements, de rencontres et d’échanges. Et c’est dans le sens de la rencontre, non pas guerrière, mais plutôt en la pensant féconde en échanges que la confrontation s’opère ici.

Confronter des paysages.

Imaginons.

Plusieurs parcours, plusieurs points d’ouïe, plusieurs moments, plusieurs contextes…

Chacun singulier, dans ses événements, son déroulé, les enchaînements,  les itérations, les superpositions d’ambiances, de sources…

Les comparer, en tirer de chacun la substantifique moelle, les faire de croiser, s’entre-écrire, se fictionnaliser, de façon à proposer une série d’expériences parfois improbables mais Oh combien stimulantes.

Confronter les participants

Imaginons.

Acteurs sur différentes actions, acteurs de différents champs, confrontons nos vécus sur un projet commun, ou pourquoi pas, sur l’ensemble de nos activités. Ne pas garder pour soit mais avoir l’envie de créoliser, d’hybrider, de malaxer une pâte aux ingrédients multiples, penser et pratiquer une ouverture sur de multiples possibles offerts à la rencontre.

Confronter les moyens

Imaginons.

Comme des coopératives qui mettraient en commun(s) des savoir-faire théoriques, techniques, opérationnels, allons plutôt vers le partage que le pré carré aux « secrets » jalousement gardés.

Concoctons ensembles des dispositifs, outils pédagogiques, ressources open sources, développons des passerelles participatives, des portails et autres outils qui confrontent, sans esprit de concurrence, et croisent nos projets.

Ces confrontations positives, bénéfiques, sont parfois inscrites dans des réalités de terrain, mises en œuvre, expérimentées, et parfois restent en formes de vœux pieux,  de choses potentiellement faisables à plus ou moins long terme, voire de parfaites utopies dans des tiroirs oubliés.

Osons néanmoins confronter idées et  réalisations, acteurs et savoir-faire.

Osons faire en sorte de sortir de notre petite niche confortable, pour que les raisons et les motivations de construire des paysages sonore écoutables et vivables restent plus que jamais une priorité d’actualité.

Et comme je le répète régulièrement, les choses étant ce qu’est le son.

Marcher – marché – écouter

Petite extension du domaine d’écoute.

Quittant momentanément les alentours de Tourzel-Ronzières, mon lieu de résidence et d’écoute habituel, j’emmène oreilles et micros sur un marché voisin, celui d’Issoire.

Issoire, belle petite ville tout près de Clermont-Ferrand, entourée de collines et monts volcaniques, avec une architecture utilisant les coloris des roches locales, notamment des sombres et beaux basaltes.

Ce matin, jour de marché.

Et quel marché ! Un des plus beaux de France a priori, et ce n’est pas ma longue déambulation qui me fera pas dire le contraire.

Un marché qui se tient sur un grand périmètre du centre ville.

Un marché riche en couleurs, en odeurs, et en sons.

Les marchés sont souvent pour moi de l’occasion de capter de belles scènes auriculaires, présentant une grande variété de sources, d’ambiances, d’acoustiques, au détour d’une ruelle ou d’une place.

Et ici, les ruelles sont nombreuses, assez resserrées, ponctuées de places de divers tailles. 

La voix y tient naturellement le rôle principal, dans un marché espace de rencontres, de sociabilités, de retrouvailles, de discussions en tous genres, de timbres, parfois d’une pointe d’accent du cru.

Pour mettre mon oreille en mouvement, rien de telle que l’acoustique de superbe abbatiale Saint-Austremoine, à la polychromie extérieure ocre, noire et blanche, typique de la région et aux riches ornements intérieurs.

Des réverbérations magiques, magnifiant des murmures, des sons qui se promènent de travées en travées, à la fois discrets et amplifiés par la caisse de résonance du bâtiment minéral et d’imposantes proportions.

Sitôt sorti, ouverture sur un tout autre monde où tout bruissonne.

Tout bruissonne mais, dans un espace piétonnier dédié, où la voiture est absente, rien ne vient donc agresser l’oreille côté mécanique envahissante.

Une multiplicité de sons à une échelle parfaitement mesurée, où la vox humaine reste le mètre étalon et se développe dans une ambiance immersive très vivace, dynamique, tonique même, mais sans jamais être saturée. Pas d’hégémonie sonore, chaque son étant et restant  à sa place en laissant de l’espace aux autres. Un paysage hi-fi aurait dit feu Murray Schafer.

Rires

sons d’étal

de verres choqués

de sacs frétillants

de cuissons mijotées

de harangues saluantes

de cadis tressautants

sonneries de cloches

haut-parleur diffusant ponctuellement la voix d’un animateur intervieweur  mobile

fontaines

enfants courants

chiens se saluant

talons claquants

musiques ambiantes…

Puis un son remarquable. Une forge à soufflet sur un charriot; un jeune forgeron tout en muscles martelant, jouant de ses outils métalliques, actionnant la forge, sons d’inspire expire, de souffles un poil grinçants, de feux attisés… Tout une ambiance que l’on ne s’attend pas à trouver ici. Une scène impromptue, joliment surprenante.

Mes micros sont là; aux aguets, ils s’approchent pour capturer du mieux que possible cette ambiance, sous l’œil amusé et complice du forgeron.

Marcher et marchés, chacun différent, bien que quasiment universel, du son plein les oreilles, et quelques bonnes victuailles locales, fromages et charcuterie dans le sac.

Une mine vous dis-je !

Des sons à suivre…

Résidence d’écriture(s) audiopaysagère

En écoute : L’oreille nous fait marché !

Résidence d’écriture(s) audio-paysagère(s) « Installer l’écoute – Points d’ouie » à Tourzel Ronzières, Puy de Dôme, accueillie par « Danser l’espace – Sous les pommiers ba » , soutenue la DRAC Auvergne Rhône-Alpes

Écoutes in situ et concerts de paysages improvisés

Écoutes in situ et concerts de paysages improvisés, processus

– Arpenter le terrain, l’écouter, s’y immerger, emmener des promeneurs faire des PAS – Parcours Audio Sensibles
– Enregistrer, cueillir des sons, capter les singularités, les ambiances, les imprévus
– Photographier, recueillir de la matière visuelle, écrire, faire trace encore
– Triturer les images en sons, les sons en images, via des applications souvent détournées de leurs fonctions initiales
– Donner à ré-entendre, à re-voir, les territoires arpentés, écrire de nouveaux paysages sonores en concert, en live, les improviser pour ouvrir l’imaginaire à de nouvelles utopies acoustiques
– Si possible, retourner sur le terrain pour le frotter aux constructions de ces traces paysagères éphémères et dé-concertantes

Je recherche des lieux de résidence où travailler cette démarche, des complicités, avis aux intéressé-es potentiel-les

Playlist en points d’ouïe et chemins de travers(e)

webSYNradio

POINTS D’OUÏE

Le fait d’élaborer cette playlist désartsonnante m’a donné l’occasion, une de plus, de repenser une thématique que j’axais, tout naturellement, ou presque, autour du paysage sonore, voire du soundwalk. C’était un vœu pieux, que je ne respecterai pas au pied de la lettre, comme souvent. Certes, les sons convoquent le paysage, des voyages, des balades et autres expériences field recordinnisantes, auxquelles je peux difficilement échapper. Cependant, le fait d’aller fouiller des sources audio, dont certaines que je croyais disparues corps et bien, a infléchi la playlist au jour le jour, et l’a poussé à emprunter des chemins de traverses plus tortueux que je ne l’aurais pensé de prime abord. Madagascar, la pluie, des espaces bruicolés, percutés, radiophonisés, vocalisés, socialisés… Une empreinte de sérendipité aidant, c’est un parcours coup de cœur, que moi-même je ne suis pas sûr de vraiment maîtriser, et qui évolue capricieusement, d’un jour à l’autre. Mais là, il faut bien le fixer à un moment donné, et tant pis si demain je l’aurais fait tout autre… C’est aussi cela les chemins écoute !

– Arioso Barbaro 2’42
– Bestiaire et papillons 5’32
– Bruicollage historié 2’54
– C’est juste un moment 6’44
– Glissendo pogressif 3’09
– Moi j’men fisch(e) 2’18
– Malagasy soundscape 10’28
– Ménage en récurrences 2’44
– Nuitance onirique 7’38
– Paysages virtuellement radiophoniques 6’28
– Percussives 7’23
– Soir de pluie 8’06
– City Sonic Soundscape 8,19
– Valilah Song 4’45
– Voxa Tana 5’10

En écoute ici WebSYNradio

Points d’ouïe et paysages sonores du Vinatier

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Paysage sonore à portée d’oreilles

Centre hospitalier psychiatrique de Lyon Bron

PAS – Parcours Audio Sensibles, points d‘ouïe et field recordings

Nous avons entamé récemment, avec Microphone, Porter la parole, un travail croisé entre le CFMI de Lyon, avec Masters PMTDL (Pratiques Musicales, Transmission et Développement Local) et des publics de la Ferme du Vinatier, structure culturelle du centre psychiatrique au sein duquel sont hébergées ces deux organismes.

L’idée initiale est de travaille autour du paysage sonore, ou plutôt des paysages sonores de cet immense territoire.

L’intention

Après une « traversée » printanière singulière, qui a profondément questionné nos rapports à l’espace, au temps, à l’écoute, nous pouvons envisager de parcourir le territoire du Vinatier, ses seuils, ses limites, ses environs extérieurs comme un terrain d’exploration, à redécouvrir par les oreilles.

Questionnons par l’écoute ce vaste espace enclos, ville dans la ville, morcelé en une quantité de sous-espaces de différentes tailles, plus ou moins refermés.

Comment cette organisation géographique, architecturale, fonctionnelle, mais aussi sociale, sociétale, tisse et impacte des lieux de vie, de travail, de loisir, de soin… ?

Posons tout d’abord quelques questions pour tenter de mieux cerner et problématiser notre projet.

Comment percevoir par l’oreille, par l’arpentage des lieux, la marche d’écoute, les relations dedans/dehors, les incidences de l’aménagement de ces espaces gigognes, de la vie qui s’y déroule ?

Quelles sont les signatures sonores, les singularités, trivialités, récurrences, choses communes, qui font sens, voire permettent de construire un paysage sonore, par une série de marqueurs acoustiques ? Repérer des acoustiques, des sources de différents types, des activités, des ambiances…

Quelles sont les interactions, inter-relations entres les usagers, patients, professionnels, visiteurs… et comment se révèlent-elles à l’écoute ?

Quelles sont les barrières et porosités entre les espaces, les dedans/dehors, le Vinatier et la ville, le quartier, les espaces ouverts/fermés, et comment les sons, marqueurs du vivant, circulent-ils, ou non, d’intérieurs en extérieurs ? Notions de passages, de transitions, de superpositions, de fondus, de coupures… que l’on retrouve dans la vie quotidienne comme, par une pensée métaphorique, dans l‘écriture sonore et la composition musicale.

Quelles formes de contraintes, de limites, de restrictions de liberté, plus ou moins associées à des lieux d’enfermement, peuvent se ressentir, se percevoir, voire s’entendre ?

Les rendus projetés

Deux formes de restitutions sont envisagées pour rendre compte du travail mené in situ.

Une d‘entre elle consiste à glaner, ici où là, à l’intérieur du centre hospitalier, des sources/échantillons sonores qui pourraient à terme, caractériser le lieu, ses espaces et fonctions spécifiques (soins, loisirs, culture, nature, enseignement…).

Ces sons captés seront ensuite retravaillés, mixés, agencés, via un logiciel de traitement audionumérique, pour composer différents paysages sonores. Le Vinatier vu, perçu, parfois imaginé, à travers les oreilles d’étudiants et de publics qui travaillent concert. Les espaces, interstices, limites, seuils, dedans-dehors, reconstruits en différents « tableaux » auriculaires qui seront présentés publiquement en fin de parcours lors d’un concert électroacoustique.

L’autre forme est d’écrire littéralement, de tracer un parcours d’écoute physique, matériel, qui embarquera un public en l’invitant à écouter in situ les ambiances du site, à les plonger dans une posture d’écoutants, à l’affut des ambiances et scènes sonores du parc, avant que de les amener dans un autre espaces d’écoute, recomposé celui-ci comme un concert de musique des lieux. Donc vers la première forme que j’ai présentée ci-avant.

Les premiers PAS, déambulation(s) à oreilles nues

Une première séance a consisté, comme à mon habitude, à nous promener dans l’enceinte de l’établissement, parcourant sous-bois, lisières, chemins et routes, entrant dans la chapelle, cherchant les limites, les passages, les transitions, à grand renfort d‘écoutes.

Participants, 7 étudiants, deux participants publics de la Ferme, l’animateur de l’atelier, une chargée de projets artistiques de la Ferme.

Nous avons testé moult postures de groupe ou individuelles, yeux fermés, immobiles, en mouvement, discuté des ressentis, des effets acoustiques, d’un vocabulaire commun concernant l’écoute et le paysage, des notions d’esthétique et d’écologie, de sociabilité, de marqueurs sonores… Bref un cheminement autour d‘expériences physiques associées à un vocabulaire, en même temps qu’une première reconnaissance des lieux et de leurs ambiances acoustiques.

L’immersion nécessaire pour saisir les spécificités d’un lieu passe par un arpentage, touts oreilles ouvertes, sinon agrandies.

Ainsi c’est dessiné une première ébauche sonore, faite de multiples sources, ambiances, scènes, objets, textures et matières, qui, mis bout à bout, construisent un paysage sonore naissant.

Pas dans les graviers,

dans l’herbe,

vent dans les feuillages,

frontière entre parc et rue circulante à l’extérieur,

portail grinçant

trams aux sonorités sifflantes en extérieur,

voix croisées,

voix du groupe,

véhicules de service,

réverbération de la chapelle et jeux vocaux,

portail de l’entrée principale,

cône de chantier porte-voix

tondeuse,

oiseaux,

chèvres, muettes

froissements de vêtements,

consignes sanitaires Covid,

arbre grotte boite à vent (immense hêtre pleureur)…

Inventaire à la Prévert non exhaustif.

Ambiances et saillances, rumeurs et détails, le Vinatier se dévoile peu à peu à nos oreilles étonnées.

Devant son étendue, l’immensité du site, 122 hectares, nous choisirons une zone, suffisamment grande et riche en diversités de tous genres (bâtiments, végétations, abords et lisières, activités…) mais géographiquement circonscrite pour ne pas trop se perdre et risquer de noyer les actions dans un espace trop conséquent à maîtriser durant le temps dont nous disposons.

Les PAS suivants, à la cueillette des sons

La deuxième séance est à nouveau une déambulation, mais cette fois-ci l’enregistreur et ses micros viendront relayer nos oreilles, même si, bien sûr, ces dernières resteront les « captureuses » primordiales des ambiances et que ce sont elles qui guideront de prime abord les captations. Me concernant, il est évident que la technologie, si pointue et efficace soit-elle, reste au service du collectage sonore dans le cas présent, et surtout de la sensibilité, du discours, de celui qui cogite et agit sur le terrain.

Petite explication sur les modalités de la prise de sons, des trucs et astuces, le fonctionnement des enregistreurs numériques, les choix de sonorités…

Et nous voila donc repartis sur le terrain, cette fois-ci en petits groupes de deux étudiants et de publics de la Ferme.

Ayant encore dans la tête les ambiances de la semaine précédente, nous tendons les micros en même que les oreilles sur les ambiances, les acoustiques, les événements imprévus, faisons sonner et résonner la chapelle, captons des paroles… Bref, construisons un premier aperçu du territoire par les oreilles, une ébauche de parcours, jalonné de spécificités acoustiques locales, de signature sonores, et d’ambiances génériques.

L’idée étant de comprendre comment un paysage sonore se construit, se représente, se partage…

De retour en salle, nous effectuons quelques écoutes critiques de nos collectages.

Qu’est-ce qui marche bien, moins bien, ou dysfonctionne… ?

Qu’est-ce qui est utilisable, les choix et le dérushage, perfectible ?

Quelles premières pistes, axes de travail, peuvent donner ces prises de sons, idées de scénari… ?

On a déjà une sympathique cueillette sonore comme matière à retravailler, à composer…

La semaine suivante aurait du être consacrée à des écoutes critiques sur la thématique du paysage sonore. Paysages sonores plus ou moins « naturels », figuratifs, mais aussi sages ou folles extrapolations d’artistes sonores, compositeurs, jusqu’aux approches « expérimentales » vers des « abstractions paysagères.

Las, Dame Covid vient casser la dynamique en nous ré-enfermant at home, et en re-distanciant l’enseignement supérieur.

Affaire à suivre, plus tard, selon…

Écouter

Lien album photos : ICI

Appel à communication : « Paysages inouïs écouter | résonner | habiter »

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« Paysages inouïs écouter | résonner | habiter » du 8 au 10 avril 2021 à Blois

Le 10e symposium international FKL (Klanglandschaft Forum – Forum pour le paysage sonore) est organisé avec l’Ecole de la nature et du paysage (INSA Centre Val de Loire), AAU-CRESSON et le Réseau International Ambiances.
Ce partenariat inédit s’inscrit dans une démarche prospective pour imaginer de nouvelles façons de considérer l’apport de la question sonore dans nos existences. Les situations expérimentales seront privilégier.

Pourquoi Paysages inouïs ?

La métaphore ouvre un champ libre pour l’imagination, l’impensé ou l’inconnu, mais aussi pour le passé et le futur, pour des scénarios sonores encore inexplorés. Cette image touche aussi au domaine multiforme de la perception auditive. Par l’intermédiaire des qualités auditives, des phénomènes acoustiques, des pratiques de conception spatiale, des créations artistiques et des expériences d’écoute, le son constitue une entrée transversale inspirante sur les paysages et les ambiances.

L’appel à communication pour ce 10e symposium international FKL est construit autour de cinq thématiques :

  • Dans quels paysages sonores aimerions-nous vivre ?
  • Que pouvons-nous apprendre en écoutant le monde à venir ?
  • Utopique / dystopique / hétérotopique  ;
  • Des écoutes différentes à travers les formes et les rythmes de la vie  ;
  • Quelles voies pour les actions collectives ?

Les auteurs, musiciens, scientifiques, artistes, étudiants, pourront envoyer des propositions scientifiques ou des compositions sonores, qui peuvent être soit des enregistrements audio, soit des compositions instrumentales écrites, soit des installations sonores, ou encore des propositions vidéo.
Parmi les propositions créatives il y a aussi la possibilité d’inventer et de proposer des jeux qui comportent, dans les modalités de déroulement ou comme objet même, une référence au son et à l’écoute. Des photos, des cartes, des enregistrements des lieux prévus pour les installations seront disponibles en ligne à partir du 30 septembre 2020.

Contact AAU-CRESSON : Nicolas Tixier

Comité d’organisation :

  • FKL : Giuseppe Furghieri, Francesco Michi, Stefano Zorzanello
  • Ecole de la nature et du paysage INSA Centre Val de Loire, CNRS CITERES : Olivier Gaudin, Lolita Voisin
  • AAU- CRESSON ENSA Grenoble :  Jean-Paul Thibaud, Nicolas Tixier.

PAS – Parcours audio sensible en duo d’écoute avec Isabelle Favre – La croix Rousse de haut en bas

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Une fois n’est pas coutume, partant de la place Croix-Paquet, au pied des pentes de ce quartier emblématique, toujours à Lyon, nous empruntons le Métro à crémaillère pour rejoindre la place de la Croix-Rousse, sur le plateau.

Histoire d’entendre la machine et ses voyageurs, dans une rame très peuplée à cette heure-ci, vers les 9H30 du matin.

Un temps très couvert, limite de la pluie, un peu frisquet, et avec du vent, l’ennemi des micros, dont nous nous protégerons en choisissant parfois les endroits plus protégés.

Et comme à notre habitude dans ces parcours en duo, nous écoutons, regardons, commentons, digressons de concert, à l’improviste, en suivant le chemin proposé par Isabelle Favre, qui se livre à nouveau à cet exercice, après une précédente exploration de Fourvière. Nous enchainons,un parcours sur la « colline qui prie » à un autre sur la « colline qui travaille », selon des expressions typiquement lyonnaises

Au fil des traversées, des récits inventés in situ, des paysage sonores, ce seizième PAS en duo nous livre de nouvelles tranches de ville, avec des petites ou grandes histoires, anecdotes ou micro-événements, ressentis, commentaires. L’ensemble de ces flâneries sonores commence, avec ses plus de trente heures cumulées d’audio-parcours, à dessiner une ville kaléidoscopique, singulière, parfois imaginaire ou plutôt imaginée, d’espaces imposants ou intimes, de descriptions personnelles, qui l’écrivent à micros ouverts.

Dans ce quartier croix-roussien, pétri d’histoires de soyeux, de canuts, de révoltes et de traditions, de tissage sur des métiers Jacquard, d’esprit festif et de gentrification, chaque recoin urbain se prête à la narration d’une ville multiple. On ne peut pas ignorer ce bout de ville, où être un gone des pentes est un peu différent d’être un « simple » Lyonnais

Commerces, passants, aménagements, ambiances, reliefs, événements, points de vue et points d’ouïe, un puzzle s’assemble, au gré des rues et des places, de leur typonymies, des escaliers et des passages couverts, et sous les mots racontant.

 

 

https://www.linkedin.com/in/isabelle-favre-013920103/

Point d’ouïe, Sabugueiro Opus 2

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En route pour des prises de sons !
Journée très chaude.
Je décide de grimper tout en haut du village, et même un plus haut.
La chaleur m’en dissuade, le paysage semble se liquéfier, et moi aussi.
Je redescends donc vers le bas.

Eau
Ma première impression, lorsque je suis arrivé Sabugueiro en voiture, par le haut du village, fut celle d’arriver dans une montagne très sèche, très aride.
La présence de plusieurs fontaines dans le village atténua vite cette impression.
Ma visite, magnétophone en main, du bas du village me fit changer complètement d’avis.
De l’eau partout.
Des dizaines de petites sources résurgentes le long d’un chemin très verdoyant.
Une rivière en contrebas avec un débit très soutenu pour la saison, et un espace de baignade aménagé .
A chaque mètre, de nouveaux sons aquatiques.
Une véritable collection, de quoi à penser à une forme de catalogue sonore d’un paysage liquide.
Ces dernières mois, Kaliningrad, Rabastens, Cublize et ici, l’eau poursuit décidément mes projets, les hante presque, ou les rafraichit parfois.
Je n’échapperai pas ici aux aux récurrences des eaux, pour mon grand plaisir.

 

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Cloche
J’arrive juste à temps sur la place centrale pour capturer quelques tintements de ce signal sonore pour moi incontournable.
Si j’avais à dessiner un paysage sonore en choisissant de faire entendre quelques sources emblématiques, je prendrais certainement les voix, les cloches, les fontaines, lavoirs, rivières, et des acoustiques réverbérantes, voire à échos.
De quoi à croquer un paysage à la fois habituel, et pris dans la spécificité acoustique de chacun de ses éléments, paysage singulier, avec de vraies signatures sonores.

Banc
Je teste un banc (d’écoute) sur une très jolie petite placette, dans le village historique. Des murs avec d’immenses dalles de granit, l’église, un lavoir, une fontaine, des arbres, des gens qui passent, qui devisent tranquillement, très peu de voitures…
J’ai l’impression d’avoir trouver ici un poste d’écoute ad hoc, une base, un épicentre, une halte ressourçante, un lieu d’écriture et de lecture sans doute, et qui sait de rencontres ou de croisement inopinés.
Et surtout, à nuit tombante, une sensation de tranquillité, de paix intérieure, de calme m’envahit. Le bonheur d’être dans un lieu beau et apaisé, loin des rumeurs, parfois fureurs, de la ville, au cœur d’une montagne accueillante.

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Voix
Juste à côté de mon banc. Des jeunes filles jouent, à quelque mètres de moi, avec un vielle chienne, Nina, harassée de chaleur, et qui, malgré l’insistance des fillettes, ne veut ni donner sa patte, et encore moins aller se promener.
Belle scène assurément, qui fait partie de ces instants magiques autant qu’imprévus, qu’un promeneur écoutant preneur de sons apprécie d’autant plus.

Chiens
Les chiens sont très nombreux dans le village.
Jeunes ou vieux, petits ou gros, ils se promènent tranquillement dans les rues, s’y allongent sans gêne aucune, généralement silencieux.
Parfois, on ne sait pourquoi, l’un d’un jappe virulemment après un de ses congénères. Affaire de territoire, vielle rancœur ?
Alors, tous semblent prendre partie, et un concert canin, aux aboiements épars venant de différents lieux, construisent un espace acoustique où les plans sonores se dessinent au gré des maîtres jappeurs.
Assez vite, tout se calme, et la torpeur ensoleillée nous engourdit à nouveau d’une douceur bienveillante.

Écriture/paysage
Les éléments du paysage se mettent en place progressivement, comme des offrandes auriculaires très appréciées, des matières généreuses à goûter, cueillir, retravailler.
Les premiers sons enregistrés, les premiers dérushages arrivent, tri des sons présentant un intérêt de par leur contenu, leur esthétique, et élimination impitoyable des autres, pour ne pas se laisser submerger par la matière, noyer dans une masse sonore trop abondante. Le numérique poussant parfois à une surenchère maladive, il s’agit de ne capter et de garder que ce qui a vraiment un intérêt, susceptible de raconter ce territoire de la Serra da Estrela en lui construisant un paysage sonore sensible, évidemment subjectif, et avant tout à portée d’oreille.

 

Résidence artistique Paysage sonore à Sabugueiro (Portugal) avec le Festival DMEHostel criativo – Juillet 2019

 

Parcs et jardins, paysages en écoute, Points d’ouïe pour l’oreille (ou)verte

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"Revenir à l'essence du son, les espaces sonifères, 
les oasis acoustiques..."

 

Sans doute de par mes premières amours et études, mêlant le paysage (au sens d’aménagements paysagers, ou du paysagisme), et la musique, les sons, je traverse aujourd’hui, dans mes explorations urbaines, mais aussi hors cités, de nombreux parcs et jardins. Lieux que j’apprécie énormément, comme espaces de calme, de biodiversité, de promenades, d’explorations sensibles, de ressourcements, de rencontres, d’expérimentations sonores…

Souvent, ce sont de petits, ou grands oasis urbains, au niveau acoustique en tous cas, terrains privilégiant des échanges où la parole et l’écoute peuvent se déployer sans efforts, lieux de ressourcements apaisants, contrepoints à une densité urbaine parfois frénétique. Des lieux que je qualifie parfois de ZADs (Zones Acoustiques à Défendre).

 

""Le jardin est un territoire mental d'espérance". Gilles Clément

 

Je réfléchis, depuis déjà quelques années, à bâtir une thématique liée aux paysages sonores, dans un sens géographique et sensible du terme, s’appuyant essentiellement sur l’arpentage auriculaire, mais aussi sur les approches pluri-sensorielles. Parcourir des parcs, jardins, promenades urbaines, coulées vertes, qu’ils soient jardins botaniques, de curés, potagers, romantiques, à la Française, Zen, villages de charbonniers, Parcs culturels, historiques, jardins partagés, sites agricoles…

Si l’écoute reste le pivot centrale de mes propositions, il n’en demeure pas moins qu’un jardin, objet paysagé et quelque part architectural, reste naturellement multisensoriel et peut donc s’entendre par et dans tous les sens.
La vue – des couleurs, des formes, des perspectives des plans, des sculptures, folies, fabriques, rocailles, architectures métissées et autres ornementations ou picturalités.
L’odorat – des essences odoriférantes, des parfums, senteurs, des odeurs de terre mouillée, d’humus, d’herbe fraichement coupée, sèche… Le toucher – effleurements et caresses de matières ligneuses, fibreuses, granuleuses, textures des sols… Le goût – déguster des fruits, légumes, herbes aromatiques, de la cueillette à la cuisine… L’ouïe, ici privilégiée – eau ruisselante, vent dans les branchages, crissements des pas, voix des promeneurs, jeux d’enfants, bruissonnements de la faune…

Pour ce qui est du sonore, field recordings, PAS – Parcours Audio sensibles, compositions musicales et/ou sonores, inaugurations de Points d’ouïe, installations éphémères, résidences artistiques autour du paysage sonore,  parcours d’écoutes avec points d’ouïe acoustiques signalisés, croisements photographies/sonographies, arts sonores et écologie, botanique et acoustique… le chantier promet d’être très riche en croisements, hybridations, pour filer une métaphore horticole, et en rencontres ! Un véritable substrat ou terreau, nourrissant le végétal comme le sensoriel, sans oublier les sociabilités, envisagées comme des pépinières de bien vivre ensemble, des espaces où ensemencer et faire germer des cultures communes.

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Parcours d’écoute – Points d’ouïe signalisés – Neerpelt (Belgique)

Par le biais d’approches hybridant esthétique et sociabilité, c’est au travers une forme d’Écosophie, telle que l’ont pensée Arne Næss, puis Félix Guattari, ou bien via la poésie déambulante et pré-écologique d’un Thoreau, ou encore les concepts de Tiers-Paysage et Jardin planétaire de Gilles Clément, en passant par « l’insurrection des consciences » de Pierre Rabhi, les Paysages sonores partagés et sonographies de Yannick Dauby… que j’ai envie de revisiter de l’oreille, les parcs et jardins, des grandes prairies ostentatoires jusqu’aux aux bosquets intimes. De l’oreille, et de concert, une approche naturellement Desartsonnant(e)s…

La seule Métropole Lyonnaise, mon port d’attache, possède nombre de ces jardins, mouchoirs de poche ou immenses parcs, couloirs verts ou réserves naturelles. Mais aussi partout en France, en Europe et dans le Monde ! Un vrai jardin planétaire, pour reprendre l’expression de Gilles Clément, et joliment sonifère comme une oreille rhizomatique sur le Monde, une trame sonore verte maillant des territoires par une sorte d’inventaire d’acoustiques paysagères, et des espaces propices à des parcours  et créations sonores à l’air libre.

De quoi à se mettre l’oreille au vert, et cultiver une écoute (ou)verte !

 

Je m'en allais dans les bois parce que je voulais vivre sans hâte. 
Je voulais vivre intensément et sucer toute la moelle de la vie ! 
Mettre en déroute tout ce qui n'était pas la vie, 
pour ne pas découvrir, à l'heure de ma mort, que je n'avais pas vécu.
Henry David Thoreau - Pensées sauvages

 

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Parc Blandan à Lyon 7e

 

Des lieux visités, écoutés, et des expériences Audiobaladologiques

Lyon et alentours : Parc Montel, Parc Roquette, Jardin de l’ENSGrand Parc de Miribel Jonage, Parc de GerlandParc de la Feyssine, Parc des hauteurs, Jardin Sutter, Tête d’or, Parc Blandan

Ailleurs en France: Jardins du Prieuré de Vausse Jardin du Mas Joyeux à Marseille, Jardin des sons à Cavan, Parcs des Buttes-Chaumond et de Belleville  La Villette, à Paris, La Roche Jagu en Bretagne, Le jardin Romieu à Bastia, Jardin des deux rives à Strasbourg, Baraques du 14 de la forêt de chaux, « Parcours sonore Échos de la Saline » Jardins de la Saline Royale d’Arc et Senans, Domaine du château de Goutelas et La Batie d’Urfée en Forez Domaine de la Minoterie de Naurouze, Parc Buffon à Montbard – projet Canopée, jardins du château de Sassenage, jardins ethnobotaniques à la Gardie

Italie  : Le jardin de fontaines de la Villa D’Este

Autriche : Jardin botanique de l’université de Vienne

Espagne : Parc Güell à Barcelone

Angleterre : Hyde Park à Londres

Belgique : Parc du Domel, Klankenbos  Neerpelt,  Parc du Beffroi de Mons

Et bien d’autres lieux encore, dont beaucoup en chantier, et à venir.

[Conférence] De l’écoute paysagère à la composition musicale

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De l’écoute paysagère à la composition musicale et sonore, entre nature et culture
par Gilles Malatray

Le moment où l’homme a imprimé durablement sa trace dans le monde a été qualifié d’ère de l’anthropocène. En conséquence, on pourrait imaginer une longue période où l’environnement et ses sonorités ont imprimé leurs traces dans la composition musicale et la création sonore. Parlerait-on alors d’anthroposonie ? On peut toujours inventer le terme pour l’occasion.

L’intervenant Gilles Malatray, créateur – paysagiste sonore et « promeneur écoutant » jalonnera cette période imaginaire par une série de citations, d’emprunts et de transcriptions musicales et sonores. Entre emprunts, transcriptions et créations de paysages imaginaires, le musicien ou artiste sonore puise régulièrement matériaux, rythmes et inspirations de son environnement quotidien. Loin d’un genre ou d’une esthétique, il s’agit la d’une multitude d’œuvres cosmopolites se référant ou évoquant des sons anthropophoniques, ambiantaux…
La conférence sera centrée sur des œuvres empruntant clairement des éléments rythmiques, des timbres et des éléments issus du field recording.

La conférence s’articulera en trois parties illustrées par des exemples sonores ou musicaux.

La première partie : « Nature, culture, le cas des oiseaux « nous fera parcourir quelques siècles en montrant comment musiciens, chanteurs performeurs et autres installateurs ont utilisés le langage des oiseaux dans leurs écritures.

La seconde partie sera marquée par la ville : vivante, dynamique, toujours en chantier… Les bruits urbains questionnent l’écoute, entre esthétisme et écologie sonore. (D’après le concept de Raymond Murray Schafer)

La troisième et dernière partie portera sur la composition paysagère dans la musique acousmatique : ses emprunts et ses esthétiques spécifiques. La question du paysage sonore est abordée par les compositeurs, recréant des univers à la fois reconnaissables et imaginaires, où la musique acousmatique est un espace de création tout indiqué.

Extraits diffusés :

▰ Première partie – Nature, culture, le cas des oiseaux

Différents compositeurs, de la Renaissance à nos jours, ont retranscrit, interprété, reformulé, installé, composé, à partir de chants d’oiseaux :
– Clément Janequin « Le chant des oiseaux – l’alouette»
– Olivier Messiaen « le catalogue des oiseaux – l’alouette »
– Bernard Fort, « Miroir des oiseaux » Le Bruant jaune»
– Sainkho Namtchylak « Nights birds »
– Gilles Malatray « Les oiseaux-leurres – Canopé »

Deuxième partie – Ville, vitesse, vacarme ?
– Clément Janequin « Les cris de Paris »
– Luigi Russolo – Intonarumoris »
– Pierre Schaeffer « Étude aux chemins de fer »
– Frédéric Acquaviva « Concerto pour ville et voix »

Troisième partie – Le paysage recomposée via la musique acousmatique
– Luc Ferrari « Presque rien n°1 »
– Claude Risset « Sud »
– Yannick Dauby « Phonographie de Taïwan »

A propos de l’intervenant :
Gilles Malatray est un artiste créateur sonore, promeneur écoutant, travaille depuis de nombreuses années autour du paysage sonore. Dans une posture associant des approches esthétiques, artistiques et écologiques, l’écriture, la composition de paysages sonores sont
fortement liées aux territoires investis, sites, villes, quartiers, espaces naturels, architectures, et occupent une position centrale dans la pratique désarçonnante. Formations et interventions artistiques in situ constituent la base de ce travail où l’écoute reste au centre de toute création et construction, notamment via des PAS – Parcours Audio Sensibles, marches d’écoutes collectives, ateliers de lecture et d’écriture du paysage.

Site web : https://desartsonnants.wordpress.com/
Des Arts Sonnants – Earin’ progress  – https://gmvl.org/

INFOS PRATIQUES :
■ GMVL – 25 rue chazière, parc de la cerisaie 69004 LYON
■ Mardi 12 février – 19 h
■ Buvette sur place
■ Prix libre pour les adhérents – 5 euros d’adhésion pour les nouveaux

Écoute voir ! Le Locle, Point d’ouïe, Point de vue

En résidence avec Jeanne Schmid, à Luxor Factory, Le Locle cité Neuchâteloise dont l’urbanisme horloger est classé au patrimoine Mondial de l’Unesco, nous posons une écoute et un regard croisé sur le site investi, arpenté au pas à pas.

Le Locle, Point d’ouïe, Point de vue

Aborder une ville par les sens, cherchant son essence, dans tous les sens, c’est l’arpenter pour tenter d’en lire des lignes fortes, directrices, saillantes ou sous-jacentes.

Après un temps de tâtonnements, errances, déambulations, hésitations, hypothèses, nous appréhendons Le Locle via trois axes qui nous semblent pertinents, si ce n’est évidents.

Il s’agit pour nous de retranscrire des parcelles de vie, de respirations, d’évolution d’une ville en mouvement perpétuel, d’en capturer des instants, fragments, paysages, au travers le filtre de nos pratiques artistiques. La ville et ses activités, ses habitants, ses industries, vivantes ou disparues, ses pratiques collectives, est le vivier de notre investigation, de notre récit en construction.

Comme dans tout récit, les traces du passé, du présent, et certainement d’un imaginaire assumé, d’une fiction audio-visuelle, tissent une petite histoire du Locle, à notre façon.

Le flux, le temps, l’impermence sont les trois lignes fortes que nous posons d’emblée comme fils conducteurs.

La ville flux est une ville sans cesse traversée de flux, aquatiques ou autres.

– Une rivière souterraine, une trentaine de fontaines, des moulins enterrés, la pluie parfois… L’eau est une quasi constante, structurante ici

– Les flux humains qui traversent la ville, flux de pas et de voix.

– Flux de voitures, dont les chuintements se mêlent parfois à ceux de l’eau.

La ville temps s’impose au Locle, un point fort de l’horlogerie, de la micromécanique de précision, du décolletage, avec sa quarantaine de fabriques. La mesure du temps qui passe, du présent et du passé est sans cesse rappellé au promeneur, via notamment l’urbanisme horloger (site classé au Patrimoine Mondial de l’Unesco).

En regard de notre première approche, le temps est également un flux, de celui qui marque l’histoire d’un lieu, entre passé présent et vision d’avenir.

La ville impermanence, c’est la ville qui bouge, qui connaît une succession d’incendies, démolissions, qui se fissure par endroits, subit des affaissement, écroulements. Les transformations sont permanentes, déconstructions et reconstructions. La ville est chantier, son impermanence la fait résistante aux flux comme au temps qui passe, et lui assure une résilience vitale.

 

Autour du flux, Fontaines Locloises, notre première production à quatre mains, quatre yeux et quatre oreilles. 

Vidéo Jeanne Schmid, son Gilles Malatray

PAS – Parcours Audio Sensibles, des phrases et des images

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Je ne suis jamais aussi heureux que lorsque mes oreilles et mes pieds arpentent, avec de nouvelles personnes, de nouveaux cheminements. Mais les retrouvailles de lieux et de gens, les re-parcours qui ne cessent de m’étonner, de me surprendre, sont aussi exaltants.

 

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« Je suis le souverain de tout lieu que j’arpente, mon droit en cela n’est pas à discuter » Alexander Selkirk – Cité par Henry David Thoreau – Walden

 

 

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« Chaque lieu où je m’asseyais était un lieu où je pouvais vivre, et le paysage irradiait autour de moi en conséquence » Henry David Thoreau – Walden

 

 

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Il me faut marcher avec les autres, conteurs, poètes, plasticiens, performeurs, théâtreux, écologistes, urbanistes, sociologues, écouteurs, paysagistes, ou tout simplement marcheurs… Il me faut marcher avec les autres pour comprendre la teneur de mon propre projet et peut-être un peu mieux la façon de le forger. Il ne s’agit pas là de trouver une inspiration, un éclair de génie, de nouvelles explorations reproductibles, mais de partager des moments de rencontre, des situations, des contextes, de chercher l’esprit de la marche, de l’écoute, tout au moins celui auquel j’aspire.

JEU ÉCOUTE – Espaces – postures

Promeneur écoutant toujours inassouvi, quelques questions se posent à chaque PAS – Parcours Audio Sensibles, remettant en question mes façons de faire, selon les sites investis.

Qu’elle est la place de mon corps écoutant dans l’espace ?

Comment je place, déplace, mon corps écoutant dans l’espace ?

Comment l’espace propose à mon corps écoutant des postures qui « vont de soi » ?

Il est évident pour moi que la balade sonore, silencieuse, le PAS – Parcours Audio Sensible, ne sont en aucun cas des finalités. Ils sont plutôt des moyens d’action, des supports – dispositifs d’écoute, y compris et surtout à oreilles nues, des invitations à rencontrer le Paysage, le Monde, l’Autre, par le seul fait de tendre l’oreille, et d’avoir l’oreille tendre.

La question de la posture, je marche, je m’allonge, je m’adosse, je longe, je traverse, je m’assois, je suis avec l’autre, les autres… est au centre de l’écoute, et se construit pour, dans et avec l’espace.
Espace personnel, espace commun, singulier, physique, mental, autant de strates hétérotopiques que le corps traverse, et qui traversent le corps.

Le mouvement, le geste, la posture, la façon d’investir les lieux, vont créer un terrain propice pour entrer en vibration avec les lieux, trouver des résonances sympathiques, activer des empathies, partager des aménités, mettre l’écoutant en position de récepteur actif.

Trouver la bonne cadence, le moment opportun où s’assoir, le geste qui va caresser, effleurer, tendre la main, mettre en perspective le regard et l’oreille, implique d’avoir conscience d’une très forte adéquation entre le corps et l’espace, ou pour citer Perec, les Espèces d’espaces.

Le geste chorégraphique est sans doute celui que je sens le plus proche de ma façon d’appréhender l’écoute, bien que n’étant pas personnellement, tant s’en faut, un danseur digne de ce nom.
C’est d’ailleurs à ce point que peuvent se jouer des rencontres où chacun amène ses compétences pour enrichir mutuellement les expériences auriculaires, en croisant des sensibilités et savoir-faire, de façon à trouver des réponses et des enrichissements circonstanciés.

L’œil du photographe, du vidéaste, ou la maîtrise d’un paysage par le coup de crayon d’un artiste dessinateur, peintre, posent également d’autres repères, des représentations qui peuvent mettre l’oreille et la pensée dans des situations inédites, inouïes, en créant des stimuli dynamiques décalés.

Tout ce qui peut élargir le jeu, stimuler des postures qui me placent et me font agir au cœur même de l’écoute, de la construction de paysages sensibles, m’entraine à pousser plus avant mes pérégrinations d’un corps-oreille en quête de belles écoutes.

J’ai collecté ici une petite série d’images qui présentent ou me suggèrent des cheminement possibles. Et il y en a tant ! Tant d’autres possibles !

 

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Le dossier images par ici

 

PAS – Parcours Audio Sensibles, Cagliari 2018

Vico Giuseppe Garibaldi

Cagliari , le retour.
Après un séjour fin avril 2017, lors d’un stage de prise de sons naturalistes encadré par Bernard Fort du GMVL de Lyon, et dans le cadre du projet Européen Erasmus+ « Le paysage sonore dans lequel nous vivons », nous sommes de nouveau accueillis par Amici della Musica di Cagliari.
Lors du premier séjour, nous avons arpenté la campagne, les lieux où l’eau et les oiseaux règnent en maître, et tenté d’en capter les ambiances significatives.
Mais nous avons aussi tendu oreilles et micros sur l’incroyable procession de la San Efisio.
Cette année, en mai 2018, c’est la ville même de Cagliari qui sera le décor principale de nos audioscènes. Il faut dire qu’elle s’y prête bien, et même joue le jeux de la diversité sonore, avec son port, ses ruelles, places, son marché couvert, ses hauteurs…
Notre séjour s’articule autour d’un très intéressant colloque « Natura percepita/Natura idealizzata » auquel je suis invité à intervenir, et guider en préambule un PAS – Parcours Audio Sensible dans la belle capitale régionale Sarde.

Cagliari m’ouvre, avenante et riante, de belles fenêtres d’écoutes.
La mer, le port, les clapotis, ressacs
Des avions à basse altitude, tout prêt d’atterrir aux abords de la ville
Des ruelles à la fois minérales et très fleuries
Des places, petites ou grandes, intimes ou populaires
Une galerie couverte toute bruissonnante
Un marché couvert, une profusion de, couleurs et odeurs
Une tour dominante et des terrasses surplombantes
De jour comme de nuit, je la marche avec plaisir.
Ensuite, j’en capterai des bribes en tendant mes micros.

Cette année, je guide donc un PAS. Nous y enchainons, comme de coutume, déambulations et Points d’ouïe statiques.
Une petite terrasse ouvrant une fenêtre en contrebas sur le boulevard longeant le port, la mer en toile de fond, muette à cette distance
Un parking souterrain où jouer de la voix pour exciter les capricieuses réverbérations
Des ruelles enchainées, d’ombres est de lumières, de sons et de presque silences
Un théâtre nous nous écoutons les rumeurs dans le hall de l’Auditorium, passage obligé
Encore un entrelacs de ruelles intimes
Une place où un guide commente une fresque à un groupe de touristes
Un guitariste, curieusement positionné à un carrefour assez bruyant, mixage de voix, musiques, voitures…
Encore des ruelles accueillantes
Une placette très doucement animée, une de mes préférées, de jour comme de nuit
L’intérieur d’une église, avec le même groupe de touristes et leur guide…
Pause et causerie informelle devant une boisson rafraîchissante.
La plupart des promeneurs sont de Cagliari. j’adore emmener marchécouter des résidents qui redécouvrent de l’oreille leurs lieux territoires de vie.
J’ai ici un grand avantage sur les autochtones, ne comprenant pas un mot d’Italien, je joui pleinement de la musique des mots et des voix sans cesse croisées.

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Cagliari en replis et déplis

Durant mes pérégrinations, repérages, flâneries, je tends parfois les micros.
Et construit un petit récit audio, des plus personnel, une vision auriculaire de la cité, parmi tant d’autre.
Cette fois-ci, j’ai envie de télescopages, de mixages, et autres incongruités acoustiques.
Je fais entrer le dehors dedans, fais sortir l’intérieur à l’extérieur, replie la ville en recouvrant le Nord et le Sud, l’Est et l’Ouest, mêle la gare au port, la fontaine aux ruelles, la place haute à la ville basse.
Un joyeux désordre qui n’en a que faire de la géographie bien ordonnée.
Une élucubration où jour et nuits se confondent.
Quelques maltraitantes sonores donc.
La nuit, presque omniprésente, et son gommage de certaines sonorités.
Un non-sens qui perd le promeneur en lui déboussolant les esgourdes, qui embrouille même l’idée de parcours dans une dé-linéarisé assumée.
Un jeu de l’ouïe, où les clapotis n’en font qu’à leur tête.
L’expérience d’une durée fugace.
Des réminiscences sonores, comme ces traces de formes et de lumières en persistances retiennes.
Les acoustiques brassent des lieux qui n’ont pas lieu d’être, si ce n’est dans l’imaginaire d’un écoutant fasciné par les espaces imbriqués d’une ville imprévisible et néanmoins amène.

Points d’ouïe, florilège d’écoute(s)

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La pratique récurrente (et passionnante) des PAS – Parcours Audio sensibles, m’a amené à construire, petit à petit, une forme de mémoire vive, auditive, sensible, à fleur d’oreilles. J’en extrais ici un florilège de Points d’ouïe emblématiques, subjectifs et non exhaustifs, ayant marqué mon expérience d’écoutant, voire ma vie quotidienne dans son rapport à l’environnement sonore.

Ce sont, généralement lors de parcours d’écoutes collectives, mais parfois solitaires, des espaces temps auriculairement exceptionnels, ponctuels ou non, parfois très fugaces, vécus en général lors de PAS*, ou de repérages de ces derniers… Souvent survenus tout à fait à l’improviste.

Ils ne sont (pas tous) particulièrement beaux, esthétiquement parlant, mais généralement surprenants, poétiques, décalés, inattendus, et livrés ici par le prisme, le filtre culturel, donc forcément subjectif de l’écoutant promeneur que je suis…

J’ai déJa relaté, dans des articles antérieurs, certaines situations d’écoutes présentées ici, certes de façons assez différentes, souvent plus développées. Cependant, le fait de confronter des espaces/temps/événements se rapportant à des paysages sonores fort différents, joue des frottements inhérents à ces situations d’écoutes multiples. De résonances en dissonances, ces micro récits construisent in fine une trame support d’écoutes actives, des formes de process d’écritures auriculaires transposables in situ, c’est à dire à peu près partout, mais jamais répétés à l’identique.

En ce tout début d’année 2018, comme un best-off auriculaire, j vous en livre quelques exemples, sans chercher aucune forme de tri ou de hiérarchisation, plutôt dans l’ordre d’apparition capricieuse à l’écran de ma mémoire.

 

Fontaine des lépreux (Dole 39).
Au centre ville de Dole, sur un trottoir de la belle cité historique Jurassienne, se trouve un simple escalier descendant on ne sait où de prime abord. Celui qui aura la chance de s’y aventurer se retrouvera dans un espace magique, souterrain urbain conduisant à une vaste fontaine souterraine que l’on parcourt tous yeux et oreilles charmés. Des gouttes d’eau réverbérées, des voix, des sons de la ville qui nous parviennent par une sorte de puits à ciel ouvert. En ressortant d’un autre côté de la ville, le canal au bord duquel naquit Pasteur, des chutes d’eau alimentant un ancien moulin bruissent. Un oasis sonore et visuel rare, à ne manquer sous aucun prétexte, Dole étant une ville sonique autant qu’aquatique !

Un jour de grand vent, au pied du beffroi de Mons (Be)
Je suis assis sur de mes bancs (d’écoute) favoris, sur une hauteur de Mons, vieille cité Belge de la Région du Hainaut. Je suis en résidence Montoise pour le festival d’arts sonores City Sonic. Le vent souffle fort, très fort se jour là. Je me trouve juste sous le célèbre beffroi Montois, figure architecturale et monumentale emblématique dominant la ville et ses alentours de ses 87 mètre de haut, et qui plus est juché au plus haut d’une colline. Victor Hugo ne l’appréciait guère : « une énorme cafetière, flanquée au-dessous du ventre de quatre théières moins grosses » écrivait-il à son épouse Adèle en 1837.
Ce beffroi est également reconnu par tous les carillonneurs de Wallonie, de Flandres et de Navarre pour la qualité de ses 49 cloches. Ce soir là, la nuit est tombée, le fond de l’air très humide, charme de la Belgique en automne, et justement, un carillonneur s’exerce, passant en revue un répertoire varié, de Bach à la Vie en rose, des Feuilles mortes à un Ave Maria. Son jeu tout en élégantes fioritures d’influence baroque, est très virtuose. Le vent tourbillonnant en tous sens, joue avec les notes d’airain égrenées selon les caprices d’Éole. Les mélodies grossissent, disparaissent presque, reviennent, tournoient, virevoltent, comme sous les mains d’un mixeur fou se jouant de l’espace. Moment exceptionnel s’il en fût.

 

Tour d’une place d’une chanteuse nocturne à Orléans
Je réside une semaine durant à Orléans, lors d’un worshop autour du paysage sonore avec des étudiants de l’École des Beaux Arts et du Design. La nuit est tombée, je me suis posté sur un banc, en périphérie d’une place très tranquille, lovée au cour de la vieille ville. Il est près de minuit, l’ambiance est douce, calme, sereine. Quand soudain arrive une jeune femme promenant son chien, et chantonnant d’une fort belle voix « Summertime » de Georges Gershwin. Elle fera lentement le tour de la place, sans cesser de chanter, marquant son trajet d’une sorte de ruban mélodique aussi ténu que présent. Instant suspendu…
Le même jour, avec un groupe d’étudiants en exploration, nous étions surpris par le puissant grondement de la Loire en crue, elle qui est d’habitude très discrète dans sa traversée urbaine.
Les moments se suivent et ne se ressemblent pas.

 

Un périphérique routier, au travers un mur anti-bruit, vers Vaulx-en Velin
Qui a dit que les murs ont des oreilles ? Et bien dans ce cas oui ! Lors d’un repérage, nous sommes trois ou quatre promeneurs écoutants dans le cadre d’un projet « Des cartes pour mieux se perdre », où se retrouve chercheurs, aménageurs et artistes. Nous longeons un périphérique Lyonnais, à hauteur de Vaulx-en-Velin La Soie, en empruntant des itinéraires « traboulant » via des jardins, ilots d’immeuble, terrains vagues… Bref des espaces périurbains que le piéton lambda ne visite guère d’ordinaire. Au détour d’un petit square, une cité est construite tout près d’un périphérique très circulant, masqué par un mur anti-bruit assez haut, aveugle, et construit en une sorte de très grandes plaques de matières plastiques, l’ensemble placés sur un talus dominant les immeubles en contrebas. Le son de la voie de circulation est donc très filtré, amoindri, au détriment d’un horizon visuel pour le peu très rétréci. Cette imposante cloison offre néanmoins, pour l’écoutant curieux et aventureux, un terrain de jeu acoustique intéressant. En collant l’oreille contre ces murs, on entant, via un effet stéthoscopique, et une forme de conduction vibratile osseuse, le flux des voitures transformé en une sorte de musique, si j’ose dire, curieusement filtrée. On sent parfaitement les flux rythmiques, les déplacements stéréophoniques, à travers des timbres adoucis, épurés de leur agressivité mécanique… Une finalement belle découverte pour qui ose coller l’oreille à un objet au départ qui en dissuaderait plus d’un de le faire.

 

Une chanteuse dans une traboule des pentes de la Croix-Rousse (Lyon)
Après celle d’Orléans, encore une histoire de chanteuse. Cette fois-ci dans les célèbres traboules de la Croix-Rousse à Lyon. Avec une groupe d’étudiants designers, nous écoutons les pentes en passant d’escaliers en couloirs, de cours intérieurs en passages resserrés, un brin labyrinthiques entre de très hauts immeubles. Bref, nous traboulons de l’esgourde dirait-on chez les gônes. Au débouché d’une belle enfilade de cours intérieures, chacune avec ses ambiances propres, isolées des sons de la circulation via une série de sas architecturaux, nous attend une petite friandise acoustique. Dans un espace minérale resserré, donc résonnant, intime, s’élève une voix de chanteuse faisant ses gammes, ses échauffements, vocalisant des arpèges volubiles. Un piano exhorte notre chanteuse, à chaque pause, via un bref accord, à monter d’un degré de plus vers l’aigu, par demi-tons pour parler musique. Par une fenêtre ouverte, au-dessus de nos tête, les vocalises, trilles et autres enjolivures, emplissent joyeusement l’espace. C’est une scène dont il faut profiter sur le vif, un peu comme l’instant décisif de Cartier-Bresson, ni trop tôt, ni trop tard, sinon nous la manquons, irrémédiablement.

 

Les échos multiples du pont Schuman (Lyon)
Un tout nouveau pont a été construit à Lyon, enjambant la Saône à quelques encablures de chez moi. Ses quais ont d’ailleurs été réaménagés ces derniers années, avec de belles promenades piétonnes, avec un circuit parsemé de commandes artistiques en espace public. Alors que nous faisions, avec un collègue preneur de son un Parcours en duo d’écoute, nous passons sous ce pont sans rien remarquer d’ exceptionnel a priori. Arrive alors à notre hauteur, une dame promenant son petit chien en laisse, type fort en gueule et en aboiements m’a tu vu. Et là, merci toutou, nous découvrons stupéfaits une incroyable série d’échos digne des plus spectaculaires paysages jurassiens (des sites à échos remarquables). Nous en jouons bien sûr. Des cris, susurrement, claquements, face à la rivière ou dos tourné. l’écho toujours, comme dans le mythe, répète inlassablement nos productions sonores. Je ne manque pas depuis, lors de balades dans le quartier, surtout en nocturne, d’y revenir, d’y jouer de l’écho, voire d’emmener des promeneurs découvrir cette petite perle acoustique.

 

Une grue entre chiens et loups à Auch (Gers)
C’est un nouveau PAS avec un groupe d’écoutants, à tombé de nuit, dans la vieille ville haute d’Auch. Nous sommes en février, le temps est frais, le ciel dégagé, et les lumières hivernales parent le ciel d’une déclinaison chatoyante de rouges orangés, qui nous invitent ‘emblée à une belle promenade, yeux et oreilles à la fête. Des ambiances de rues piétonnes à la sonnerie majestueuse de la cathédrale, tout y est pour dresser le décor sonore ad hoc. Et c’est pourtant une événement curieux et inattendu qui captera notre attention et nous fera nous arrêter longuement sur une place dominant la vallée en contrebas où coule le Gers. Une grue, se détachant visuellement sur le ciel de fin de soirée, pivote lentement sur son axe, en émettant des sons somme toute très mélodieux, bien loin des grincements que l’on pourrait attendre de cette imposante masse métallique. Notre groupe restera un long moment à écouter/regarder cette musique et ballet mécaniques où un monstre de fer pivotant dans le ciel, produit une effet sirène, captivant son auditoire de voix enjôleuses. Écoute en chantier, écoute enchantée, la beauté des paysages sonores n’est pas toujours là où on l’attend.

 

Des grillons et autres animaux, nocturne à St Martin-en-Haut (Monts du Lyonnais)
Notre cortège s’ébranle, à nuit tombée, dans une site rural des Monts du Lyonnais, lors d’une rencontre universitaire autour des métiers des Arts et de la Culture. C’est un soir d’été assez chaud. Après avoir fait le tour d’un petit étang où coassent d’agiles batraciens qui plongent dans l’eau avec de multiples ploufs à notre approche, nous empruntons un sombre chemin grimpant à travers bois, à l’assaut d’une colline. Nous débouchons soudain en haut d’une vaste combe verte, des prairies en forme d’amphithéâtre naturel. Des milliers de grillons et autres insectes ponctuent le vaste paysage, profitant de la chaleur nocturne de la terre. Des chiens et des vaches au loin nous donnent la mesure du site, son échelle acoustique. La tentation de se coucher dans l’herbe pour profiter de ce concert nocturne est trop tentante pour que nous y résistions plus longtemps. Et c’est un long moment de quiétude qui s’installe tout naturellement dans notre groupe, soudé par ce paysage sensible qui nous est offert. Tant et si bien que nous auront beaucoup de mal à nous extirper de cette ambiance apaisée, pour redescendre vers notre village et retourner vers des sons plus festifs.

 

De l’eau et des ventilations à Victoriaville (Québec)
Lors d’une résidence québécoise où je travaille autour de l’écologie sonore, je décide de composer une petite carte postale sonore et nocturne de Victoriaville, mon camp de base. Cette cité est d’ailleurs considérée au Centre-Québec comme un berceau expérimental du développement durable. Parti pour une promenade nocturne, je longe le Nicollet, rivière traversant Victoriaville dans un vaste parc urbain. L’eau et ses multiples bruissements accompagnent mon trajet. En sortie de ville, des chutes d’eau alimentant d’anciens moulins et industries, grondent de part et d’autre du chemin piétonnier et cyclable. Je remonte la ville en empruntant cette fois-ci un itinéraire beaucoup moins bucolique, zigzaguant à travers des ilots d’immeubles, des arrières-cours et des parking, quasiment déserts à cette heure-ci. L’espace sonore est ponctué, comme dans beaucoup de sites urbains par les vrombissements et cliquettements ferraillants des ventilations et autres climatisations. Étrange musique minimaliste nocturne qui se mêle aux sons de roulements chuintants sur les chaussées humides de quelques voitures encore éveillées. L’eau et l’air brassé font finalement bon ménage pour composer une cartographie sonore de Victoriaville tout en flux et en variations de longues plaintes aqua-aériennes. Une vision parfaitement subjective du promeneur écoutant découvrant la ville.

 

Des RER à Vitry/Seine (région parisienne)
A Vitry/Seine, je suis invité par Gare au théâtre, structure culturelle installée dans le beau site d’une ancienne gare SNCF, à effectuer des PAS, diurnes et nocturnes. Sur plusieurs saisons, dans le cadre d’un programmation de recherche/actions « Frictions urbaines » autour de la ville, de l’urbanisme, d’aménagements et d’actions sociales, sont invités différents artistes à emmener le public arpenter le quartier des Ardoines, chacun à sa façon. La mienne sera bien entendu sonore et écoutante. Le quartier des Ardoines est surprenant, coupé par une ligne très passante de RER, bordé par de beaux quais de Seine où subsistent encore des infrastructures portuaires monumentales, on y trouve côte à cote un immense foyer de réfugiés Maliens, une impressionnante usine thermique désaffectée, aux tours totémiques rouges et blanches, sorte de marquer territorial repère visuel ardoinnais, des lotissements, des zones industrielles, le tout entremêlés façon patchwork. Un urbanisme de ville, de quartier, qui ont connu des développements tentaculaires et désordonnées lors des extensions du Grand Paris. Ce qui les rend tout à la fois curieuses, presque inquiétantes, mais aussi attirantes dans leurs brassages un brin sauvages. Lors de ces promenades, un lieu, parmi bien d’autres a fortement impressionné ma mémoire. Il s’agit d’une sente enfermée entre des clôtures, des murs, des végétations sauvages, longeant les lignes du RER toutes proches. De nuit, d’incroyables déchainements sonores explosent très régulièrement, à quelques encablures de nos oreilles. Il s’agit de nombreux passages des trains, certains faisant halte en gare, d’autres filant à pleine vitesse. On se sent presque broyé, malmené par ces féroces intensités ferroviaires, et à la fois exalté, un peu comme devant une déferlante de Hard Rock des années 70. Il faut le vivre pour en ressentir toute la poésie tonitruante, façon Pacifique 231 revisité par un acousmate futuriste contemporain.

 

Une obscurité silencieuse à La Romieu (Gers)
Après une déferlante sonore, un oasis de calme. Les vacances touchent à leurs fins, la chaleur est encore écrasante dans la petite ville de La Romieu, blottie sur des terres Gasconnes où se côtoient vignes et pruneliers, sans parler de toute la tradition culinaire locale née à l’élevage de volailles notamment. Nous sommes une quarantaine d’artiste marcheurs, venus du Monde entier ou presque, réunis pour une semaine de rencontres, d’ateliers, de réflexion, de partages, de marches sensible, expérimentales, de jour comme de nuit. Made of Walking, réseau international, à choisit de s’installer dans le magnifique site de La Romieu, de sa collégiale classée au patrimoine mondiale de l’Unesco, et lieu de passage incontournable pour des milliers de pèlerins en marche sur les chemins de Compostelle. Si la journée est assez animée dans ce petit bourg historique, la nuit tombée, les deux bars restaurants fermés, s’installe un incroyable silence. Un silence que je n’ai rarement entendu aussi profond, même en pleine montagne. C’est l’expérience que nous vivrons avec un groupe d’une trentaine de personnes, dans un étroit chemin très obscur, au sortir du village. Seuls quelques discrets grillons osent s’aventurer dans cette espace d’obscurité et de silence. Presque une chape tangible qui nous ferait toucher de l’oreille l’immatérialité d’une rare quiétude.

 

Une combe Jurassienne et des saxophonistes (Parc Naturel Régional du Haut-Jura, 39)
Années 80, nous travaillons, avec des collègues d’ACIRENE, à un inventaire des sites acoustiques remarquables du Parc Régional du Haut-Jura. Une commande qui infléchira fortement et irrémédiablement mon approche paysagère et tous les projets marchés que je pratique aujourd’hui.
Le territoire jurassien, gruyère karstique de failles et de grottes, de combes en reculées, de cascades en lacs, de forêts en prairies humides, sonne magnifiquement. Il possède notamment quantité de sites à échos vraiment incroyables ! Un lieu où aurait pu naître l’inspiration du mythe d’Écho. Ce jours-là, nous avons invité un quatuor de saxophones à venir jouer avec l’acoustique, dont les multiples échos, d’une vaste combe entourée de collines et moyennes montagnes. Une demi-journée durant, nos musiciens expérimenterons des émissions sonores, se déployant dans l’espace, se répondant, superposant leur jeu à celui des échos parfois bavards. La mise en son de l’espace est fascinante, digne de la plus belle installation sonore que l’on puisse rêver. Un musicien me dira plus tard qu’il a retrouvé dans ces rapports sons/espaces, des postures physiques et mentales quasi animales, sauvages, où il s’est mis à ramper dans l’herbe avec son saxophone. Je retrouverai ailleurs, dans le Parc Régional du Haut-Jura, des sites aux merveilleux échos dont j’ai parfois joué à l’envi. Moments inoubliables entre tous que j’espère bien un jour revivre, magnétophone en main cette fois-ci.

 

Un concert de cornes de bateaux à Cagliari (Sardaigne)
Nous somme de dernier jour d’un séjour – workshop consacré à la prise de son naturaliste, avec le GMVL (Groupe de Musique Vivante de Lyon), dans la belle ville de Cagliari, Capitale de la Sardaigne. Ce jour là, se déroule dans la ville une immense fête, la procession, ou pèlerinage, d’environ 60 Kilomètres de San Efisio. Des milliers de participants costumés, des chants, des bœufs et chevaux, chars et charrettes ornés, enclochetés, des couleurs, des ornements, des chants, des musiques, des prières, animent la ville sur leur long défilé urbain… De quoi à réjouir plus d’un preneur de son durant quasiment quatre heures consécutives. Le bouquet final, que je serai le seul à avoir la chance d’emprisonner dans mes micros, c’est le salut du port au Saint quittant la ville. Durant quinze minutes environ, tous les bateaux, petits et gros, mouillant au port de Cagliari, nous offre un incroyable concert de cornes de bateaux. Des sons graves, aigus, joyeux, disséminés aux long des quai, ou plus loin vers le large, une polyphonie, poly-rhythmie, des sortes de joutes et réponses sonores, l’effet est puissant, saisissant, magique ! On ne peut s’empêcher de penser au célèbre enregistrement des bateaux à Vancouver par Raymond Murray Schafer dans les années 70, ou aux symphonies portuaires de Montréal..

 

Une Valiha, un slameur et des musiciens danseurs à Antananarivo (Madagascar)
Lors d’un travail avec des musiciens, slameurs, danseurs, vidéastes Malgaches, nous expérimentons moult postures d’écoute et d’improvisations urbaines pour faire sonner le paysage et ses différentes acoustiques. Nous sommes sur une des nombreuses collines de la ville, dans un grand campus universitaire jouxtant un quartier populaire, riche en couleurs et en sons, à la lisière de la ville et de la forêt. Le site offre des points de vue comme des points d’ouïe magnifiques sur la ville et ses rizières en contrebas. Quelques expériences, a priori de simples jeux d’écoute et d’improvisation in situ, donneront lieu à des moments inoubliables. Un parc périurbain où chantent des centaines d’oiseaux, et dans lequel chacun se disposera dans des points stratégiques pour dialoguer avec la voix, le corps, les instruments en en écoute et en réponse à l’environnement sonore. J’entends encore la valiha (prononcer vali), harpe cithare cylindrique traditionnelle et spécifique à la Grande Ile, égrainer ses délicates perles sonores en contrepoint des chants d’oiseaux. Plus loin, sous une dalle très réverbérante d’un parking, c’est Tagman le slameur, accompagné de musiciens improvisant, qui fera sonner les lieux d’un texte « Écoute le son », écrit et lu pour la circonstance. Puis un danseur qui se jouera de l’espace urbain tandis qu’un joueur de didjeridoo scandera l’espace. Autant de séquences dont la prise de son aura bien du mal à traduire les émotions. Je retiendrai ici la joie d’écouter et de faire ensemble, dans l’espace public (ce qui n’est pas chose courante à Tana), aux yeux et aux oreilles de tous, au long d’une promenade écrite par les stagiaires, durant la dizaine de jour que nous aurons passé ensemble.

 

Un point focal en aveugle, des installations sonores et de l’eau et des canards à Neerpelt (Be)
Le centre Culturel Musica, à Neerpelt, dans le Limbourg Belge, m’avait invité a concevoir le tracé et l’animation d’un parcours d’écoute au sein d’un parc, dans lequel une imposante collection d’installation sonores pérennes est mise en place. Nombre d’artistes sonores internationaux de renom ont été invités à concevoir ou a contextualiser une œuvre, installée dans l’espace public du parc. Ce dernier résonne donc de toute une collections de sonorités surprenantes, que le visiteur peut découvrir en se promenant au sein de ce musée sonore à ciel ouvert, souvent de manière interactive. Le pari était pour moi de tracer un parcours d’écoute qui éviterait donc les œuvres pour s’attacher à entendre l’environnement sonore paysager, des forêts de pins et de feuillus, des dunes de sable, une rivière, des infrastructures sportives et hôtelières, une route avoisinante… Bien sûr, l’oreille n’échapperait jamais totalement à certaines sculptures sonores, mais je prenais le parti de les donner à entendre mixées au paysage sonore pré-existant, comme faisant partir d’une ambiance globale, et non comme un spot artistiquement installé. Une semaine de repérage a été nécessaire pour trouver les Points d’ouïe intéressants, en dégager un parcours cohérent, penser à des jeux et postures d’écoute qui seraient signalisés. Lors ces repérages, un passage m’a beaucoup intéressé, intime sente enfermée dans de hautes et épaisses haies de lauriers. En s’arrêtant au centre, on percevait mille sonorités alentours sans en voire aucune source. Point d’ouïe acousmatique* par excellence. Cette allée débouchait sur une sorte de caillebotis où le Dömel, petite rivière sinuant dans le parc, produisait tout une série de clapotis, de sussions gaves, et autres sons ténus, mais qui émergeaient nettement pour se frotter à ceux des installations proches. Sans parler d’un groupe de canards cancanant parfois joyeusement, qui adoraient visiblement cet espace.Un parfait mixage tout en finesse où je pouvais demeurer longtemps, oreilles charmées.
* Acousmatique : Fait d’écouter sans voir les sources sonores

 

Du vent dans le bâtiment d’une Minoterie du Pas de Narouze (Ariège)
Nous sommes le jour de la World Listening Day. je suis invité par le poète, musicien perforateur Alain Joule, à effectuer un parcours et une mini installation sonores dans et autour d’une très ancienne minoterie aujourd’hui transformée en partie en chambre d’hôte et restaurant. Cependant la grande partie historique des bâtiments, avec ses immenses greniers, sa fosse souterraine voûtée où se déverse un fracassant et assourdissant torrent d’eau, ses machineries désormais immobiles, mais encore quasiment intactes. Les alentours sont semi boisés, mais surtout parsemés de cours d’eau, de bassins, des aménagements d’un canal et de cours d’eau datant du règne de Louis XIV. Bref, le site, sur lequel se trouve une ligne de partage des eaux est tout simplement splendide ! Ce jour- là souffle très violemment le terrible vent d’Autant qui descend des montagnes noires. Le vent qui rend fou, ou des fadas, dit-on dans les terres sauvages du Lauragais. Ses rafales avoisinent les 100 km /heure faisant gémir et craquer les arbres, au bord de la rupture. Le paysage entier semble s’agiter dans un mouvement désordonné, violent et tonique à la fois. Notre balade se fera dans dette atmosphère des plus turbulente. A l’intérieur de la minoterie, tout craque, claque, planches et volets disjoints, tout l’espace semble remué par le vent furieux qui vient buter sur les épais murs, cherche le monde interstice pour s’y engouffrer, fait siffler les tuiles mal emboitées. Une atmosphère de tourmente sifflante et tourbillonnante, et pour autant incroyablement vivifiante pour les promeneurs aux cheveux et oreilles décoiffés que nous sommes.

 

Des échos de la Saline Royale d’Arc et Senans (Franche Comté)
Lors de mes nombreux passages dans le site majestueux de la Saline Royale d’Arc et Senans, j’avais très vite déceler une particularité acoustique intéressante : les échos générés par les vis à vis symétriques de très grands bâtiments en arc de cercle. C’est donc pour une résidence de création sonore, que je décidais de les ausculter de plus près. Le point focal étant visiblement, ou plutôt acoustiquement, le centre de la grande pelouse, centre-même du site architectural, armé d’une puissante trompe, je déclenchais différents échos en tournant lentement sur moi-même dans une rotation à 360°. Je visais ainsi alternativement chaque bâtiment pour en écouter ses réponses. J’avais d’ailleurs pris soin d’effectuer mes sonneries hors d’une période d’activité touristique, pour ne pas trop importuner les visiteurs. Tout le monde n’apprécie pas je de la même façon je pense, des échos longuement répétés, fussent-ils, pour moi en tous cas, très intéressants esthétiquement. Couplés aux longues résonances intérieures des bernes, immenses pièces où l’on faisait sécher le sel, ces échos ainsi repérés, écoutés, sonnés, et enregistrés serviraient de base à une installation sonore collective. Celle-ci se tiendrait dans une allée reliant des jardins Est-Ouest, au cœur de l’enceinte-même de la Saline. j’ai donc joué sur un recyclage de matières sonores itératives, transposées d’un espace à un autre, et recomposées pour faire sonner l’espace différemment, tout en conservant respectueusement « l’esprit des lieux ».

 

Des patineurs nocturnes au Stade Boucaud (Lyon)
Au cours d’un repérage pour le projet  Européen « Les paysages sonores dans lesquels nous vivons » nous parcourons le quartier de la gare de Vaise, à Lyon, une fois encore en nocturne.
Nous descendons dans l’enceinte d’un grand complexe sportif, où s’alignent plusieurs stades destinés différentes pratiques. Le lieu est une immense fosse construit sur une ancienne « Gare d’eau », port fluvial intérieur, aujourd’hui entièrement asséchée et comblée. Cette position en contrebas de ville environnante, non seulement isole acoustiquement les lieux des voies routières alentours, très circulantes, mais confère à l’espace acoustique une étrange réverbération, qui fait que l’on ne sait plus trop si l’on est à l’intérieur ou à l’extérieur. Ce soir là, sur la piste, anneau de vitesse, entourant le grand stade de foot, des équipes de rollers s’entrainent. Visuellement comme acoustiquement c’est un spectacle fabuleux. Des grappes de sportifs en rolllers, filant à une incroyable vitesse, soudés les uns aux autres par une précision virtuose dans la coordination des mouvements, passent devant nous, dans une traine de chuintements, de feulements. De nuit, ces mouvements véloces, ces sons extrêmement dynamiques et doux à la fois, les voix réverbérées des entraineurs qui managent l’ensemble, créent une scène aux ambiances chatoyantes, captivantes.

 

Des annonce SNCF en gare TGV de Massy Palaiseau (Région parisienne)
Plusieurs fois, j’ai transité par la gare TGV de Massy-Palaiseau, une grande bande couloir bétonné aussi chaleureux qu’un abord de périphérique aux heures de pointe. Bref, l’endroit qui ne donne pas trop envie d’y musarder, en tous cas au long des quais. Sauf peut-être pour une oreille curieuses de phénomènes et d’effets acoustiques surprenants. Et là, il s’agit de la sonorisation des quais, celle annonçant les arrivées, départs, et parfois retards, des convois ferroviaires. Ce très long couloir aux murs lisses est donc ponctué de haut-parleurs qui sont sensés nous transmettre des informations utiles pour entamer ou poursuivre notre voyage. Cependant, c’est sans compter sur les caprices acoustiques des lieu qui créent d’incapables effets de décalages, d’échos, de phasing, de superpositions, faisant que si on est placé entre deux haut-parleurs, le message entendu est pour le peu très « brouillon ». Intéressant certes pour un écouteur curieux, mais pas des plus efficace pour le voyageur indécis. Jacques Tati s’en serait sûrement inspiré pour sa célèbre scène ferroviaire de départ en vacances.

 

Les bords du Lignon (Forez, 42)
Invité par le Centre Culturel de Rencontres du Château de Goutelas (42) pour un colloque autour du paysage, en plein cœur de la magnifique région du Forez, à quelques encablures de Saint Étienne, je présentais, pour aborder pratiquement le paysage sonore, deux PAS – Parcours Audio Sensibles. L’un se déroulant dans une forêt en nocturne, l’autre le long des rives méandreuses du Lignon, rivière qui vit la naissance du célèbre roman fleuve l’Astrée d’Honoré d’Urfée. Le Lignon nous offrait un fil rouge d’écoute aquatique aux mille sonorités, déclinaisons de chuintements, de glougloutements, de ruissellements, tintinnabulis…Les méandres capricieuses de la rivière jouant un mixage sonore surprenant au fil de la marche, amplifiant ou diminuant les sons de l’eau, les faisant brusquement disparaître ou ressurgir au fil d’un détour du chemin. Un beau moment de poésie dans un paysage gorgé d’eau, de lumières et de sons.

 

Une Masscleta Façon Valencia à Besançon (Franche-Comté)
Il y a quelques années, lors de la dernière édition bisontine du festival « Musiques de rues », lequel brassait joyeusement et sans vergogne des fanfares de rues et des installations/performances sonores, j’assistais à une scène assez époustouflante pour mes oreilles. Les programmateurs avaient invité des « artificiers » spécialistes de la Mascletta, une tradition espagnole festive autant que tonitruante, tout droit venue de Valencia. La mise en œuvre est simple, mais bigrement efficace. Il s’agit de faire exploser, une bonne vingtaine de minutes durant, une impressionnante quantité d’énormes pétards, selon une succession, une progression assez apocalyptique et somme toute assez guerrière dans l’esprit. Surtout que ces dits pétards ressemblent plus à des bâtons de dynamite qu’à des objets festifs pétaradants ! Je vous laisse imaginer le résultat. J’avoue que ce jour là, n’ayant pas de protections acoustiques ad hoc, je me suis tenu à l’écart du lieu de ce déferlement sonore, juste ce qu’il faut pour assister à cette Masceletta sans y laisser mes tympans. Lorsque tout se tu, un immense nuage gris-blanc traversait Besançon, accompagné d’une forte odeur de poudre. Tonique voire brutale expression festive hispanique !

 

Déferlante de bagads à l’Interceltique de Lorient (Bretagne)
Les cornemuses, bombardes et percussions façon celtique, autrement dit les bagads, ou bagadoùs en Bretagne, ont toujours exercé sur moi une sorte de fascination, jouissive. Ces grands défilés, cette puissance sonore, ces timbres caractéristiques, ces mélodies ornementées, ces rythmes extrêmement rigoureux, se déversant au pas cadencés par les rues, et que l’on entend, de arriver de très loin, mettent en fête un espace public revigoré. C’est donc tout naturellement que j’assistais à une grande parade du festival Interceltique de Lorient, où moult régions et pays cultivant certaines traditions Celtes, de La Grande Bretagne en passant par la France, La Galicie espagnole, des régions de l’Inde défilaient de concert. Plusieurs heures durant résonnent ces ensembles colorés, grande vague de Celtitude d’où l’on repart un brin sonné, dans la plus traditions des anciens sonneurs bretons, mais généreusement repus. Fortement déconseillé à ceux qui n’apprécient pas bombardes et cornemuses !

 

Un bateau péniche dans un aber du Trieux (Bretagne)
Toujours en Bretagne, mais un un lieu et contexte très différents. Lors d’une rencontre autour du paysage sonore, nous sommes, à nuit tombante, assis sur les bords encaissés d’un aber, au pied du château de la Roche Jagu en Trégor, en compagnie de quelques audionaturalistes très expérimentés. L’un d’entre eux, Fernand Deroussen pour ne pas le nommer, a décidé de poser ses micros une nuit durant sur ce site, dormant tout près, dans son camion studio aménagé pour ce genre de pratiques. Il fait très doux, l’acoustique réverbérée de ce fleuve côtier qui serpente entre les collines est très agréable, la nuit est doucement tombée et nous pouvons, après une journée de colloque, nous laisser aller à une quiète et ressourçante rêverie. Soudain, un grondement puissant enfle rapidement, tandis qu’un éclairage type projecteur balaie les méandres du Trieux. Et débouche alors, au détour d’une courbe fluviale, un assez gros bateau (de pêche) qui vient radicalement chambouler tout le paysage de ses moteurs diésels pétaradants, et de son éclairage éblouissant. De quoi à nous tirer de notre douce torpeur ! Néanmoins, comme des soucoupes volantes surgissant des collines dans « Rencontre du 3e type », l’effet est spectaculaire, et pour tout dire assez magique. D’autant plus que, par un phénomène de résilience rapide et efficace, le bateau disparu de notre vue, le son de ses moteurs estompé, puis éteint, le site retrouve sa quiétude initiale. Et ceci pour le plus grand plaisir des micros de notre ami preneur de sons.

 

Le portillon chantant d’un parking souterrain à Saint-Étienne (42), et d’autres…
L’association stéphanoise « Cartons pleins », travaillant sur des vitrines de magasins fermés dans l’ancienne ville de Saint-Étienne, m’invite à effectuer un PAS, lors d’un Biennale internationale Design, explorant à l’écoute de ce territoire en pleine requalification. Comme à mon habitude, notre itinéraire, s’appuyant sur un repérage préalable, mais se jouant des événement sonores tels qu’ils surviennent, emprunte un parcours parfois surprenant, entre cours intérieures et parkings souterrains. C’est d’ailleurs dans ce dernier type de lieu que nous dénicherons notre pépite sonore du jour, parmi d’autres. Une porte-sas séparant la cage d’escalier d’accès au parking lui-même, et qui chante joliment, pourvue nous trouvions le doigté pour lui tirer des gémissements, cris, plaintes, appels insistants, et autres mélopées souterraines. Une manne pour créer un temps fort lors d’un montage type « carte postale sonore », composition trace de notre PAS collectif. Je commence d’ailleurs à collectionner quantité de chants de portes, portails, dans différentes régions, villes, villages, parcs publics, parkings… Chacun, une fois trouvé la façon d’utiliser le potentiel sonore et musical de ces instruments sauvages, offre une gamme de sons, de timbres et de rythmes très intéressants. Je ne sait pas encore comment je tisserai à partir de tout cela une pièce sonore, concert ferraillant, ou une installation entre deux ou plusieurs portes, mais j’y songe…

 

La Villa d’Este à Tivoli et ses eaux folles (Italie)
C’est ici le souvenir extrêmement présent d’une visite pourtant déjà ancienne à la célébrissime Villa d’Este et de ses eaux paysageant visuellement et acoustiquement le site. Passé les portes du parc, nous nous trouvons devant un jardin de fontaines, fantasmagorique, où sont mises en scène les plus belles installations hydrauliciennes que l’on puisse rêver. Ses fontaines, dont la célèbre dite « de l’orgue », orgue hydraulique cela va sans dire, habitent et façonnent le jardin de mille sonorités aquatiques, de la plus intime à la plus majestueuse. Une symphonie des (grandes) eaux qui inspirera sans doute une autre architecture paysagère, que pour ma part je trouve moins féérique, malgré sa qualification. Au détours d’une allée, du panoramique d’une terrasse, de chutes en ruissellements, les eaux se déploient tout autant aux regards qu’aux oreilles. Elle nous baignent dans un flux d’ondes soniques venant rafraîchir notre écoute. Et ce texte me donne sans doute l’envie de revisiter, physiquement, ce lieu de l’oreille.

Et tant d’autres Points d’ouïe vécus ici et là, ou à découvrir encore.

* ©PAS – Parcours Audio Sensibles – Gilles Malatray/Desartsonnants

 

 

PAS – Parcours Audio Sensible Nocturne à Lyon Vaise

Le paysage sonore dans lequel nous vivons, un exemple parmi tant d’autres

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Église de l’annonciation  -Lyon Vaise, point de départ du PAS, à la tombée du jour – ©Patrick Mathon

Le contexte: un projet européen Erasmus+ « Le paysage sonore dans lequel nous vivons », qui est organisé par le GMVL (Groupe de Musiques Vivantes de Lyon), en impliquant quatre autres partenaires Italiens, Sardes, Portugais et grecs.
Le but de la promenade : effectuer un repérage collectif sur le quartier de Vaise, par une promenade écoute en trois points focus.
Nous sommes huit personnes, parmi lesquels des artistes sonores, étudiants travaillant autour de la soundwalk, membres du Conseil de quartier, protagonistes du projet « Sentiers métropolitainS » autour de Lyon…
Il s’agit dune écoute à oreilles nues, sans enregistrement ni autre dispositif d’écoute. La captation  viendra ultérieurement,  très prochainement.
Tous les focus d’écoute s’effectuent d’une seule traite, entre 15 et 20 minutes, et en silence. Nous commentons après, durant les liaisons (pédestres) entre chaque focus, et en fin de parcours.
Il est 18H30, la nuit est tombée, il fait très beau et assez doux pour la saison.

Petit débriefing au départ, qu’est-ce que met en jeu le projet autour des paysages sonores européens ?  Pourquoi une écoute sous forme de balade sonore ? Son articulation dans le repérage, dans le projet ?…

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En route, Gare de Vaise – ©Patrick Mathon

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En route, Gare de Vaise – ©Patrick Mathon

Premier focus auriculaire, gare aux oreilles !
La traversée de la gare de Vaise, vaste nœud de circulation multimodale (piétons, métro, bus, trains, vélos, voitures…).
Traversée horizontale, sur toute sa longueur, en zigzagant (sobrement) de droite à gauche, dedans, dehors.
Traversée verticale, sous-sol métro, niveau rue garde des bus, étages des parkings…
Gare de rythmes.
On y trouve pêle-mêle :
Drones de ventilations faisant écho, ou couches mixées aux graves des trains ronronnant sur le talus.
Claquements de grilles, joints métalliques lors des passages de bus ou voitures, effet percussif puissant ! Cliquettements des escalateurs, à chacun les siens, contrepoints complexes, Crachotements très sympathiques d’un haut-parleur déficient, depuis quelques mois déjà.
Chuintements de métros invisibles en contrebas, mouvements acousmatiques. Flux droite gauche et inverse.
Chuintements rythmiques des portes coulissantes en fonction des flux des passagers. Mixages ponctuels intérieurs/extérieurs, porosité des espaces et de leurs ambiances, effets de coupures, apparitions/disparitions…
Signaux sonores, attention à la fermeture des portes, compostages de billets.. Des bips aux émergences aigües, pointillistes ponctuant les espaces-temps.
Transitions acoustiques en fondus ou en coupures, dedans-dehors, des espaces resserrés, ouverts, plus ou moins réverbérants, mais en général toujours réverbérants, volumes des espaces et matériaux obligent.
Mixages intimes, des escaliers, des voix, des pas, d’incessantes montées et descentes des ascenseurs très très proches nous, la vue, les mouvements, les sons dessus dessous… Étranges sensations de tiers-lieux sonores d’entre-deux acoustiques.
Écoute panoramique, les parkings offrent des points d’ouïe sur quasiment 360°, ouverts sur l’extérieur, très différents selon son poste d’écoute ou ses mouvements traversants (mixages en marchant). L’extrémité du parking est remarquable, entre les bus sous nos pieds, les train à portée de vue et d’oreille, et les voitures qui font claquer puissamment les joints métalliques du sol. Belle scène acoustique à saisir et à déguster sans modération…

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Gare aux oreilles – ©Patrick Mathon

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Gare aux oreilles – ©Patrick Mathon

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Guidage au sol pour Promeneurs écoutants en parkings – ©Patrick Mathon

Deuxième focus auriculaire, un complexe sportif  en extérieur nuit
A quelques pas de la gare, le complexe sportif Boucaud, ex Gare d’eau.
Une plongée dans une vaste fosse extérieure, en contrebas des voies de circulation, position topologique qui amortit considérablement la rumeur de la ville, jusqu’à la faire presque oublier, si ce ne sont les émergences de klaxons ou motos à grosse cylindrée.
Une vaste ensemble de stades pour footballeurs, handballeurs, basketteurs, une grande piste en anneau de vitesse, et des bâtiments vestiaires, salles de gym…
Première impressions et images (visuelles et sonores) fortes, un long ruban de patineurs, dans une grande glisse, par groupe, avec une belle virtuosité quasi chorégraphique, rythme toute la piste.
Par deux, cinq, dix, les patineurs se suivent de très près, se talonnent, dans un impeccable synchronisme corporel, et à une vitesse impressionnante.
Des flux entrecoupés de quelques joggeurs.
A l’oreille, c’est tout aussi intéressant !
Chaque groupe passe près de nous avec une sorte de traine chuintée-sifflée, où se perçoivent les rythmes de mouvements extrêmement précis. Difficile à décrire, il faut l’entendre.
Des voix réverbérées, consignes, comptages de tours, dialoguent en glissant, éparpillées tout au tour de l’anneau, toujours en mouvement elles aussi, dans une glissade circulaire véloce. Bel espace sonore, dynamique et poétique, dans les lumières de la nuit tombée.
Je note le jour et l’heure, espérant que ce rendez-vous est régulier pour revenir armé de micros cette fois-ci.
Nous sommes ensuite sur une pelouse synthétique, entourés de l’anneaux des surfeurs et d’un stade où s’entrainent des footballeurs, et en dessus, une salle de Gym tonic.
Encore de beaux mixages en se déplaçant au gré des sons, ou postés, entre voix, glissements de patins, chocs de ballons… Polyphonie sportive spacialisée.
Ce complexe sportif est un espace d’écoute privilégié où, selon les jours et les heures, rien n’est jamais pareil, une propriété du paysage sonore me direz-vous, mais particulièrement sensible en cet endroit. J’espère pouvoir retranscrire et transmettre la magie des lieux par micros interposés.

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A toute vitesse – ©Patrick Mathon

Troisième focus auriculaire, le pont Schuman ou la chambre d’échos
Une fois la Saône traversée, à quelques encablures ad pedibus, sous le pont Schuman, dernier né des  enjambeurs de rivière (ici la Saône) lyonnais, un dernier focus sonore qui se jouera cette fois-ci sur un seul et unique effet, l’écho.
éc(h)logiquement votre dirait-je en parlant de paysages sonores.
Certes, je le connais déjà, un vrai faux repérage donc, et l’ai déjà testé à envi, mais ne résiste jamais à partager cette friandise acoustique comme un petit bouquet final pour les oreilles.
Nous l’avons découvert par hasard, avec un ami voisin et aussi écoutant, lors d’une promenade auriculaire.
C’est un effet qui me rappelle certaines combes jurassiennes, échos multiples, assez cours, réverbérés, colorés, bluffants.
C’est tout à fait surprenant dans ce genre de lieux. Pourtant, tel un enfant qui aime entendre sa voix chamboulée par les tunnels, les ponts, je joue souvent à traquer les effets acoustiques de ce genre. Celui-ci est proprement spectaculaire. A se demander si il n’est pas voulu et recherché. Ce qui m’étonnerait fort, mais qui sait…
Un premier coup de trompe pour révéler la caractéristique sonore aux oreilles de tous.
Puis nous jouons, à tour de rôle, ensemble, style improvisation libre…
Nous constatons que les sons aigus, même à très faibles volumes, excitent facilement l’acoustique, l’écho nous répondant sans forcer la voix, même en chuchotant.
Pour les médiums et gravent, ils faut déployer plus d’énergie.
Retour par les quais de Saône aux magnifiques lumières, car malgré tout, le paysage n’est pas que sonore, tant s’en faut !

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Sous l’pont de vaise, échos, échos i….

Post focus auriculaire, finissage  en forme de causerie
Pour se remettre de ses émotions, s’assoir devant une boisson, en terrasse place de Paris, et discuter à bâtons rompus.
Les faits saillants, les surprises, les sons en vrac, les images aussi, l’expérience du groupe ou de chacun, coutumière pour certains, un brin desartsonnante pour d’autres.
Les projets et réseaux croisés de chacun, autour du son, des installations, promenades, parcours sensibles…
En bref, tout ce qui prolonge est termine convivialement un PAS, la relation entretenant la bonne et belle écoute, et inversement.
Prochaine étape, fixer tout cela, et certainement d’autres choses aléatoires, micros en mains, et oreilles aux aguets !

 

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