Des marches …

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PAS forcément savoir…
Si l’expérience au long cours consolide des savoirs, des acquis, elle remet aussi régulièrement en question, et ébranle fort heureusement nos sclérosantes et mortifères certitudes.

D’ailleurs, parfois, je ne sais plus vraiment où je mets les pieds…
Serait-ce dans
une marche
balade
déambulation
parcours
errance
randonnée
dérive
promenade
flânerie
procession
treck
Soundwalk
ambulation
trajet
performance
cortège
fuite
itinéraire
pas
cheminement
exploration…

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PAS plus que je ne sais toujours bien si cette marche/mouvement est
sensible
artistique
écologique
psychogéographique
revendicative
militante
sociale
relationnelle
conceptuelle
contextuelle
performative
méditative
éducative
métaphysique
environnementale
esthétique
militante
informative
festive
patrimoniale
culturelle
politique
spirituelle
rituelle
décroissante
pédagogique
analytique
hybride…

C’est sans doute le risque de paupérisation lié à une classification, à un répertoriage trop enfermants, qui questionne le sens de la marche, en tous cas telle que je l’entends aujourd’hui.
Des terrains, des moments, des humains, des oreilles, des contaminations, des hybridations, des marches…

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Peut-être marcher ?

 

Tout comme s’ébranler, des deux pieds

et du corps consentant

En fait, se mettre en marche

Inertie d’un corps sans doute encore transi

d’une fraîcheur  comme froid hivernature

Résistante  à la  la lenteur

Et bien plus encore à la contemplation statique

Tout comme se mettre, ou se remettre en marche

Ou et en état de marche

faufilant les obstacles

Trottoirs encrottés

Sentes par trop pierreuses

Voila l’inertie vaincue

Ou tout au moins contrecarrée

Un corps agilité maintenant

Du réchauffement pédestrement fécond

La marche peut s’animer

Herbe rase steppe by steppe

Juste une image au jeu de mots

Terre crissonnante sous les pieds

Écoulements  caillouteux

Juste avant l’imprévisible torrent

Qui surprend de sa bruitalité

Au détour d’une pourtant anodine courbe

La nuit tombe encore déambulante

Estompage

Ou augmentation

Glissement obscurcissant des sens

Aiguisés à fleur d’oreille

Le noir stimulant

Les cailloux plus présents

Kinesthésie plantaire

Une montée en marche approche

Des forêts Oh combien sombres

Avant la clarté lunaire

Sur des alpages dominants

Au-dessous de la ville-vallée lumière

Panoramique

Comme une maquette endormie du bas

Paysage en strates verticales vus

Plus haut encore de la glace

Cheminement froidement piégé

Ébahissement scintillant

Rêve miroitant

Une multitude de failles crevasses

Des pointes de fer agrippant et mordant un miroir vertigineux

La ville enfin revenue

Chemins de pierre entre les pierres

Des ascensions aussi

Sans communes mesures

Ponctuée d’escaliers casse-jambes

Marches obstacles dans la marche

Il suffit d’avancer

Autant que faire se peut…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cinglante écoute

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en hivernal sec parcourerue
froidure telle pierromarbre
coupance telle pointelaméfilée
sons cingleventeux
champ scintillé tel longuouïe
chant des gouttes fluoaqueuses
mordense telle cristalogivre
oreilles auriculairement gelée tympanique
bise crument ocrougissante
lobes ourlés rosempourprés
quasi hypodérature cassante
cristaux scintilletintants
fleur d’eau grasse des rives
fleuve tel paresse clappotembourbée
ville indolente bruitemmitouflée
grondements sourdomeurtris
échappements polufumants
carrosseries réfléluisantes
sonitruance telle audiogelure                                                                                                                villes de grandes sonitudes
échomarche telle réchauffe
rythmes saccadacérés
luminopadaires contre sombrétoiles
apprentinomades tel poctuomarcheurs
glacés de tentaculicité
ville telle improbable sociorefuge
extérieuration telle nocturnuitée
quaidérives tels guides aquasoniques
glougloutances telles microbulles mourantes
pas dissonants au temps qu’hasardeux
pavés tels obscurs sonomiroirs
rues telles labyrhintoméandres
marches telles itérépétitions
itinébravance scandée frisqueuse
promeneur tel permanécoutant.

Marcher – Écouter – Résister

Pour un apaisement du Monde au PAS à PAS

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@photo – Florian Clerc

Sans doute vais-je répéter ce qui a déjà mille fois été dit, me répéter moi-même, mais, selon le vieil adage, cela va mieux en le disant, si ce n’est en le re-disant.
La marche, associée à l’écoute, instaure une série de rituels, de spiritualités, de rayonnements, à vivre en groupe comme individuellement, parfois.
Adopter ces états d’esprit comme un apaisement, une Slow Life assumée, une quiète zénitude, nous fait un peu plus profondément jouir des espaces urbains, naturels, humains, intérieurs…
Le rythme de la marche fait, ou devrait faire fi de l’agitation, bien au contraire, il doit résister, à contre-courant du stress et du zapping ambiant.
L’expérience de la durée, une forme de performance de l’écoute en marche, met le corps à l’épreuve du physique, des aléas météorologiques, des accidents topographiques, jusqu’à une fatigue lancinante, qui peut devenir exaltante, catalysante, cristallisante, magnifiante…
Jusque vers une marche hypnotique.
La majesté ou l’intimité des lieux, de monuments en clairières, nous convient à communier avec les lieux, pour peu qu’on leur tende une oreille généreuse, qu’on y prête une attention suffisante et dénuée de trop d’a priori, de préconçus verrouillant d’emblée nos accointances encore ignorées.
Les pauses jalonnant la marche sont souvent inopinées, guidées par l’ouverture, la disponibilité à profiter de l’instant sérendipien,  de ce qui s’y passe, ou non, de l’autre, des absences et des présences, des entre-deux fluctuants.
La ville n’est plus forcément une arène sonore, aux prises à la seule grande bataille des sons.
Pas plus que la campagne, ou la nature, ne seraient que des modèles idylliques, jardins sonores idéaux.
La marche silencieuse recherche et entretient une forme de méditation partagée, soudant, même momentanément, un groupe dans une bienveillance commune.
Et c’est fou ce que l’on entend (mieux) lorsque l’on fait silence, et qui plus est lorsque l’on écoute.
Le frémissement du vent, le glougloutements de l’eau, entre autres, nous font prendre conscience des échelles soniques, et des limites jusqu’où l’on peut vivre et communiquer sereinement. Au-delà…
Écologie toujours, jusqu’aux bouts des sons, et des oreilles.
Les postures d’écoute, mais aussi celles du regard, du toucher (assis, en rond, dos à dos, yeux fermés, oreilles collées à, allongés…) sont prétextes à ressentir  et à générer des vibrations communes, de préférences inouïes.
Le corps est une antenne, un réceptacle sensible, pouvant être profondément touché, pour le meilleur et pour le pire, par les innombrables sonorités dans lesquelles il se meut, et qui le traversent, y rebondissent, s’y lovent…
C’est en même temps un émetteur capable de rayonner vers l’extérieur, vers d’autres corps écoutants, et eux même rayonnants, corps foyer, corps irradié, corps irradiant. Plus le corps est plongé dans une sorte d’éther acoustique, organique, plus il peut être investi à tisser, autant que faire se peut, de bonnes et belles ententes.
Good vibrations.
Les géographies sont également cartographiées sur des territoires traversés de fureurs et de bruits, de murmures et de chuchotements. Le promeneur écoutant que je suis, inscrit des lignes et des courbes, des vides, des pleins et des déliés, d’interminables sentiers et de fourbes impasses, au rythme de ses pas, et de ceux d’autres marcheurs.
Jamais hélas, le Soundwalking, le PAS – Parcours Audio Sensible, n’éradiqueront la violence, mais sans doute contribueront-il, même très modestement, à en adoucir la pression, voire à en désamorcer une certaine partie.

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Concevoir, construire le paysage sonore comme une œuvre plastique, en marchant

(en marchant)

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En écouter ses contours (même mouvants)
En écouter ses limites (même mouvantes)
En écouter ses plans (sonores)
1e plan, 2e plan, arrière-plans
lointains (diverses rumeurs et bruits de fond)…
Lui donner une existence géographique, topologique, par la marche
pas à pas
soundwalking
balade sonore
Itinéraire d’écoute
parcours d’écoute
sentier d’écoute
traces et traçages
cartographies du promeneur écoutant
rendre le paysage sonore tangible
objet sonores
objets d’écoute
installations sonores délimitant des cadres auditifs
installations sonores interactives
jouer sur les couleurs sonores du paysage
ambiances
filtrages
irisations
gommage
camaïeux
jouer sur des couches ou amas sonores
accumulations
stratifications
magmas
jouer sur des principes compositionnels
géographies trans-soniques (en marchant)
mixages (en marchant)
passages (en marchant)
transitions (en marchant)
atténuations (en marchant)
augmentations (en marchant)
fondus, fade in/fade ou (en marchant)
coupures (en marchant)
paysages sonores hétérotopiques, paysages sonores sensibles
Construire des architectures d’écoute dédiées à la choses sonore
Construire des architectures sonores ou sonnantes
des sculptures éoliennes
des sculptures aquatiques
des sculptures cinétiques
favoriser ou provoquer des synesthésies couleurs/formes/sons…
représenter graphiquement des sons, partitions graphiques de la ville
des textures sonores
des matières sonores
des densités sonores
des granulosités sonores
des mouvements sonores
des dynamiques sonores
considérer la ville, ou ailleurs, comme une installation sonore à ciel ouvert
considérer la ville, ou ailleurs, comme une installation sonore à 360°
considérer la ville, ou ailleurs, comme une ample orchestration des bruits urbains
considérer la ville, ou ailleurs, comme une fenêtre radio ouverte sur le monde
favoriser des esthétiques relationnelles entre écoutants et paysages
et vice et versa
toujours en marchant.

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Partager les « Chants de la Terre »

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PAS – Parcours Audio Sensibles, des ateliers à ciel ouvert

Arpenter le terrain-paysage comme un atelier d’écoute à ciel ouvert, une radio diffusant les innombrables musiques du Monde à 360°.

Écrire de multiples chemins d’écoute, trouver les lieux où l’oreille soit au centre-même d’espaces auriculaires magnifiés.

Construire des relations intimes, privilégiées, entre les écoutants, le paysage sonore, chercher les postures communes qui feront d’un groupe d’écoutants une véritable enceinte acoustique vivante, sensible et réactive.

Envisager tout ce qui peut nous relier aux sonorités du monde, notamment en favorisant les interactions – les gestes, les objets, les écrits, les graphismes, les images, les sculptures et architectures, même infiniment fragiles et éphémères.

Rechercher toutes les connivences entre artistes musiciens, danseurs, sculpteurs, architectes, plasticiens, poètes, sculpteurs, aménageurs, pédagogues, chercheurs, marcheurs, écoutants des villes et des campagnes.

Chercher le paysage hétérotopique, multiple, le repérer, tenter d’en trouver les ou des contours, tout en continuant de l’improviser au gré des marches.

Privilégier une forme de tourisme culturel respectueux, privilégiant des approches écosophiques, en s’appuyant sur l’existant plus que sur de nouvelles couches de sons rajoutés.

Transmettre par la parole, l’expérience, le partage de gestes et de postures d’écoute, l’inscription de parcours sensibles tracés de l’oreille à même le chemin.

Desartsonnants dans ses PAS est toujours en quête de belles expériences d’écriture in situ, de rencontres pétries des sons de la Terre.

L’écoute manifeste !

L’écoute est un bien commun !

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Depuis 1986, époque où une série de rencontres ont ouvert les oreilles du jeune musicien et horticulteur paysagiste que j’étais  sur l’environnement, le paysage, des choses ont changé, avancé, évolué, d’autres non.
Certains domaines, pratiques, ont reconnu, plus ou moins, la nécessité d’intégrer la chose sonore dans  des actions de sensibilisation, voire, mais encore très rarement, dans des projets d’aménagement du territoire. Je ne parle pas ici des études qui incluent des cartes de bruits, des impacts mesurés essentiellement en terme de volume sonométrique, quantitatifs, des mesures législatives et réglementations diverses qui, si elles sont absolument nécessaires, ne suffisent pas pour autant à a offrir une lecture et un panel d’actions réellement pertinentes.
Certes me répond t-on souvent, le côté esthétique et l’approche sensible sont aussi convoquées. Pourtant, lorsque je rencontres des ingénieurs, techniciens, étudiants, élus, et des habitants de grandes métropoles comme de communes rurales, je me rends bien vite compte à quel point l’environnement, le paysage sonore, au-delà de quelques poncifs, restent de grands inconnus. La majorité des personnes rencontrées ne raisonnent qu’en considérant le son comme source de bruit, pollution, gène, ce qui peut d’ailleurs s’expliquer face à des aménagements parfois radicaux de grandes cités, le développement de couloirs aériens pour le moins intrusifs, la voiture reine… Néanmoins, lorsque l’on promène ses oreilles ici ou là, et que de surcroit on emmène avec soi d’autres paires d’oreilles, lorsqu’on établit de nouvelles règles du jeu, ou de nouveaux modes de jeu, que le dialogue collectif nous permet de laisser de côté des a priori réducteurs, les choses changent. On peut alors envisager nos rapports au paysage sonore sous des aspects plus positifs, et surtout plus ouverts, découvrir des aménités paysagères par l’écoute, s’apercevoir qu’il existe de véritables oasis acoustiques en plein cœur des cités, une diversité sonore beaucoup plus grande qu’on aurait pu l’imaginer de prime abord, des zones de calmes à préserver, à protéger, d’autres restant à construire…
Je déplore souvent que la sensibilisation aux « bruits » ne dépasse guère le stade de l’animation où il s’agira de reconnaître et de nommer les sources sonores écoutées. Bien sûr, je caricature un brin, quoi que… Nous manquons bien souvent d’outils, mais surtout d’imagination, et sans doute du plaisir de faire, et de l’envie de se faire plaisir, et de faire plaisir ! Il faut entrer amoureusement, avec délice, jubilation, dans les arcanes sonores d’un lieu pour entreprendre ensuite des scénarii qui seront vraiment pertinents, en adéquation avec les espaces. On ne peut pas transposer d’un quartier à un autre, de villages en villages, de forêts en forêts, des recettes toutes faites, ne serait-ce qu’une simple balade sonore. Il faut commencer par donner l’envie et le plaisir d’écouter, en se détachant autant que faire ce peut d’un catastrophisme sonore permanent. Rechercher les aménités, c’est déjà considérer qu’il puisse y en avoir, quelque soit le lieu appréhendé, même s’il faut les traquer dans de micros écoutes, des espaces surprenants, des parcours décalés. J’ai appris, à force d’écoutes, d’errances, de repérages, à trouver assez vite  l’oasis (sonore) que cache tout désert, pour reprendre une pensée de Saint-Exupéry. Je réfléchis  beaucoup aujourd’hui, à la façon de transmettre ces joies de traquer de belles ambiances sonores, fussent-elles éphémères et parfois cachées. Je pense que cette quête du plaisir, voire du bonheur d’entendre, de s’entendre avec, est une clé pour ouvrir des approches plus intelligentes, variées, entreprenantes sur l’idée d’un paysage sonore qui pourrait aussi se penser en amont, et non pas tenter de se soigner lorsque le chaos s’installe, et pire encore, est déjà installé entre les deux oreilles.
Le partage d’écoute, au-delà d’un simple exercice pédagogique, est au centre du projet. La relation instaurée entre un groupe de promeneurs écoutants doit être forte, l’expérience vécue intense, quitte à bousculer le train-train d’une l’oreille assoupie, voir refermée, sclérosée par le ronronnement ambiant. Il nous faut savoir plonger dans ce ronronnement pour en découvrir, au-delà d’une apparente uniformité, mille richesses intrinsèques, comme lorsque la loupe vient nous révéler l’extraordinaire complexité, et beauté, d’une simple roche, feuille d’arbre, ou sillons d’une main. C’est avec ce regard/écoute aiguisé, excité, que nous devons nous défaire de jugements par trop approximatifs, ou excessifs. Pour cela, chaque lieu, chaque moment, chaque groupe doivent être envisagés comme une nouvelle expérience, qui nous conduira à rechercher des postures physiques et intellectuelles des plus stimulantes, ouvertes vers l’espace acoustique, mais  aussi vers l’homo-écoutant.
Dés lors, le rapport que l’on pourra avoir avec l’aménageur, l’architecte, le paysagiste, l’urbaniste, l’écologue, le chercheur, l’enseignant, le promeneur, sera sans doute plus riche, plus dynamique, et plus fécond.
Envisager des écosystèmes acoustiques comme des espaces certes fragiles, comme tout écosystème du reste, sous des angles esthétiques, avec une recherche de la « belle écoute », comme des espaces publics où l’oreille a aussi son mot à dire, est un défi à relever, pour moi, au quotidien. Considérer que le son puisse être un véritable patrimoine à gérer, à transmettre, que le son d’uns cloche ne se mesure pas seulement en décibels, mais aussi en terme de phare auditif qualitatif, qui vient lutter contre l’uniformisation de la ville-voitures, que l’implantation d’une fontaine doit être réfléchie en terme de puissance sonore pour ne pas écraser acoustiquement une place, tout cela ne s’impose pas vraiment comme des réflexions et réflexes naturels.
Le fait de reposer une oreille neuve, curieuse, aventureuse, réjouie, de consigner ses écoutes, d’échanger, d’expérimenter mille parcours et postures ad hoc en fonction des lieux, de concevoir des conditions d’écoutes inouïes, même très modestement, et peut-être surtout très modestement, en se contentant de décaler le quotidien, est un programme des plus passionnants, et qui plus est bien loin d’être achevé. Avant tout, même si nous vivons dans un monde qui semble s’emballer, pour le meilleur et pour le pire, il faut faire en sorte que la joie demeure, celle d’écouter, qu’elle se partage, qu’elle nous questionne, qu’elle nous pousse à réagir, à agir, qu’elle nous procure des espaces de bien-être pour affronter de multiples tensions, en faisant d’ailleurs en sorte que l’espace sonore soit plus une musique collective qu’une tension supplémentaire.

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AUDIO SALINA

Lorsque la Saline Royale d’Arc-et-Senans s’éveille

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En marge d’une rencontre et de la poursuite d’un projet autour de l’installation sonore « Les échos de la saline »
7H30, le jour achève paresseusement de se lever, dans une belle lumière diaphane, oscillant entre bleu et blanc, jouant avec les façades de la saline qui s’ébroue de lumières.
Cette douce et fraîche ambiance célèbre à sa façon le premier jour d’automne.
Je suis assis sur un banc, sous de vénérables marronniers rougissants, respirant et aspirant la chaleur et les sons encore fragiles de ce majestueux enclos.
L’herbe est encore toute blanchie de rosée, se séchant au jour naissant.
De grandes envolées bavardes, dévalant d’un toit pendu, traversent à grands cris effarouchés la pelouse centrale pour se poser sur le toit opposé.
C’est un incessant ballet de choucas gueulards, décollant dans des bruissements d’ailes frottées, comme des tissus feutrés et sonores, fait entendre des appels de masses qui résonnent dans la quasi absence de bruits matinaux.
Des passereaux, eux aussi réveillés, se font entendre ici et là, à l’orée des jardins, beaucoup plus discrètement.
Deux sèches détonations claquent et résonnent dans la forêt voisine, des chasseurs déjà à pied d’œuvre.
Des premières portes et volets qui s’entrouvrent, claquent, grincent, et des voix encore timides et parsemées, comme engourdies, le site sort progressivement de sa quiète torpeur.
Les voix et les pas crissants se font petit à petit de plus en plus nombreux, égaillant et animant le site, alors que la lumière s’affirme sur les façades de pierres formant un hémicycle rigoureux.
Un camion s’infiltre entre les bâtiments, secouant sans ménagement les restes de tranquillité ambiante.
Suivi d’un tracteur ratissant dans de bruyants allers-et-retours les allées sablées, un brin (trop) imposant pour moi, après le progressif crescendo sonore dans lequel je viens de m’immerger.
Il est temps je pense, de couper les micros et de mettre l’écoute en veille.
Néanmoins, cette Saline dans laquelle je suis régulièrement revenu ces temps-ci, ne m’a pas tout livré de ses sons, tant s’en faut. Elle m’invite de la sorte à revenir. Elle me convie à guetter de nouveau, au lever du jour, ou à nuit tombée, ses secrets auriculaires, ses paysages sonores intimes qui parfois s’ébrouent de murs en murs, d’échos en échos, d’arbres en arbres… Audio Salina.

PS : J’ai effectué à ce moment là un enregistrement audio qui, au final, était si peu représentatif, si décevant, qu’après l’avoir écouté, je l’ai effacé dans la foulée pour ne garder que l’écrit.

Texte écrit suite à un banc d’écoute le jeudi 22 septembre à 07H30, à la Saline Royale d’Arc-et-Senans (25)

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POINTS D’OUÏE ET DOUCES RÉSISTANCES

POINTS D’OUÏE ET DOUCES RÉSISTANCES

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La résistance à une vitesse croissante, écoute et marche au ralenti
L’accélération comme un mode de vie n’es pas chose naturelle, ni souhaitable, et encore moins supportable. C’est une contrainte aliénante, regard fixé aux aiguilles d’une horloge, pied au plancher, fuite en avant, sans plus voir ni entendre ni paysage, ni congénères, ni paroles,ni conviction.
Lever le pied, façon marche qui semble perdre son temps et gagne celui de l’écoute, qui s’offre le luxe de décélérer, de ralentir, envers et contre tout, ce qui devient sereinement vital.

La résistance d’un paysage qui n’est plus (que) visuel
Et si l’oreille a droit de citer, de cité, ou ailleurs… Un paysage bâti sur des fragments sonores. Des fragrances vibratiles qui s’étirent jusqu’au creux du colimaçon, réceptacle où se distillent des espaces à ouïr, en toute auricularité, si surprenante soient les paysages.

La résistance de sons décalés, décontextualisés/recontexcontualisés
Transporter ici ce  qui devrait, ou pourrait être là, ailleurs, un bruissement de mer au cœur de la cité, par exemple… Et inversement… Ou plus surprenant… Un jeu de l’ouïe auquel peut s’adonner celui qui sait cueillir, conserver, déplacer, triturer, restituer, des formes éphémères de bouquets  sonores. De l’indigène à l’exogène, une certaine artificialité – constance paysagère en fait, un jeu de construction incontournable. J’extraie, je déplace, je force un peu l’espace, je fabrique de l’existant, qui avant n’existait pas, et très vite disparaîtra, pour un autre excitant, tout aussi fugace, vers une écoute sur mesure, je fabrique…

La résistance d’occuper l’espace public « sauvagement »
S’installer là où je veux, à l’instant que j’ai choisi, en optant pour telle ou telle écoute, posture – solitaire ou collective – pour tel ou tel geste, silencieux ou  non, hackeur respectueux d’espaces auriculaires à déflorer… Occuper un point d’ouïe, que l’on vient tout juste de décréter comme tel, lui donner une consistance du simple fait de le reconnaître ainsi, sans autre préavis – avec en bonus l’offrande vers de multiples oreilles tendues, qui pourront l’accepter, sans même le savoir, sans même s’en apercevoir !

La résistance du rêve et de la douceur, de l’aménité contre une violence latente
J’aspire aussi, par mes oreilles incluses, complices si possible, à un apaisement decrescendo, un fondu au son tranquille, un presque glissement vers un silence non oppressant, une calme dérive au pas à pas, des points d’écoute écoute tout en douceur, celle-ci fût-elle utopique –  oasis sonore où se ressourcer, se rafraîchir, réconcilier l’oreille parfois trop molestée dans un monde tourmenté… Quitte à convoquer l’utopie jusqu’au creux de l’oreille.

La résistance d’une géographie revisitée par l’oreille
Des terrains sonores résolument hétérotopiques – géographies soniques encore in-cartographiées, terrains vierges à imaginer au gré d’océans sonores, d’iles et de langues de terre matrices de chemins sonores in-foulés – dans l’idéal une géographie auriculaire de non-lieux, ou une exploration géomatique via moult cartographies sonores à dessiner en voyageant de l’oreille…

La résistance du non spectaculaire, et la trivialité en exergue
Pour fuir le tape-à-l’œil en même temps que le tape-à -l’oreille – Pour se rabibocher avec son quotidien, ne pas forcément chercher plus loin, trop loin,  toutes les richesses à portée de main, à portée d’oreilles – pour rester accessible à nombre d’écouteurs potentiels que le trop clinquant, ou le trop hermétique repousserait, sans toutefois tomber dans une populiste facilité – il nous faut résister à l’excès du spectaculaire auriculaire sur-affiché.

La résistance du relationnel du faire ensemble dans l’espace public
Pour ne pas faire, terriblement, seul, pour envisager l’altérité comme un salutaire échappatoire  à l’écoute individualiste, pour prôner le partage en valeur incontournable, l’oreille solidaire plutôt que solitaire – pour marcher en croisant les regards et les écoutes en confrontant nos émotions qui naitraient de la musique du vent, des machines et des voix, du monde.

SOMMES NOUS TOUS DEVENUS SOURDS ?

MANIFESTE POUR UN BON ENTENDEMENT

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Il y a quelques années déjà, disparaissait le projet « Centre du son ».

Ce projet était bâti sur un centre de ressources des domaines du son basé dans le Nord de l’Isère.

Il a notamment organisé les « États Généraux du Son », où se sont croisés  nombres de professionnels, chercheurs, enseignants, artistes, techniciens, élus, gestionnaires de projets culturels… œuvrant dans différentes branches professionnelles.

Le site du Centre du son ayant disparu avec l’association qui le portait, j’ai conservé précieusement ce texte manifeste qui amorçait les États Généraux du Son, et que je vous livre ici dans son intégralité.

 

Sommes nous tous devenus sourds ?

Nous vivons dans un monde sonore du premier cri au dernier souffle
Sommes-nous aveuglément sourds à tout ce qui nous entoure
Tout juste capables de nous indigner du bruit de l’autre le voisin

Par ce manifeste
nous affirmons
le droit de chacun à vivre pleinement la dimension sonore de son existence

tels
la qualité sonore des espaces publics des espaces privés
les sons de nos objets et des outils
la sonorisation des spectacles
la radio créative et créatrice
des sons pour dire une voix pour être
une technique son sensible et imaginative
des initiatives industrielles en faveur du sonore
des mémoires orales encore vives
l’exploration sonore dès l’enfance
l’écoute des paysages
le son à l’image
et tant d’autres

nous constatons
la méconnaissance générale de l’histoire humaine et technique du son
l’ignorance fréquente de la physiologie de l’audition de la phonation
une résignation à la médiocrité

nous refusons
que l’être humain se prive d’une source de satisfaction sensorielle indispensable à son équilibre
nécessaire à la constitution de sa mémoire à la formation de son esprit
à l’enrichissement de son imaginaire à sa vie en société

nous dénonçons
la faible reconnaissance de la dimension sonore dans nos vies professionnelles et au quotidien

nous proposons
une mise en évidence de l’étendue des domaines sonores
une valorisation de ses acteurs organismes recherches créations productions et cætera

nous décidons
de réunir les États généraux du son
pour établir des constats communs
pour définir ensemble des propositions à concrétiser d’urgence

nous lançons ce jour
un appel à doléances
à chacun professionnel ou non
à partir de votre expérience du sonore
vos colères vos désirs vos satisfactions

Faîtes-nous part
de vos constats
de vos propositions

Vos dires construiront les Etats généraux du son

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DES CORPS SONORES

La peau est si sonore…

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Parce que l’écoute serait un prétexte.
Un prétexte à métamorphoser le corps.
Un corps qui deviendrait lui-même écoute, membrane vibrante, amplificateur, transducteur d’images mentales, accumulateur de particules sonnantes ou dissonnantes.
Un corps qui serait vivifié par tous les pores d’une peau membrane oreille tendue, pour vibrer au contact de l’espace acoustique qui l’enveloppe, et mieux l’assimiler, en résonance.

Parce que l’écoute serait révélatrice.
Une révélation qui, tel un bain de développement photographique, impressionnerait la pellicule corporelle d’images sonores en vibrations frissonnantes.
Et l’image de s’ancrer dans des corps résonnants.
Et l’image de s’encrer sur une peau toile partition de mots, oscillant entre tumulte et silence.

Parce que l’écoute serait un récit.
Un récit qui se transmettrait, se partagerait, de bouche à oreille, brodé d’infinies variations.
Un récit où le mot se ferait son, et inversement, cherchant parfois la source-même des bruits les plus diffus, ceux qui s’inscrivent presque indiciblement, à peine audibles –
ceux dont il faudrait cherche le sens en les écoutant sans cesse, d’une oreille sans préjugés.

Le paysage pourrait alors se peupler d’une foule de corps entendants, tissant une multitude de fils à démêler sans cesse, car empêtrés dans leurs propres vibrations imprévisibles et capricieuses, et qui de toute façon jamais ne se répéteraient à l’identique.

Et ainsi, l’écoute fermenterait les mots, qui pourraient lire et écrire le texte sonore de chaque lieu, le texte sonore de chacun, à fleur de peau et de tympan.
Le texte de corps sonores en écoute.

PAS – PARCOURS AUDIO SENSIBLE À NANTES

Balades des arts so Nantes

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Desartsonnants est de retour à Nantes, dans cette belle cité où la Loire commence à songer à se perdre dans l’océan, pour quelques nouveaux PAS – Parcours Audio Sensibles, dans le fief des Petits Lu.
Il est pour l’occasion invité par l’association Apo33 dans le cadre du festival Electropixel #6, l’édition de cette année étant basée sur le détournement urbain, ou le Poverhack, dont la balade sonore serait un volet en mode doux.
Repérage un brin humide, météo capricieuse et changeant à l’envi, mais rien d’étonnant dans ces parages océaniques.
J’y retrouve très vite des repères quasi immuables, à l’échelle du temps de la cité en tout cas, et à celle de l’Ile de Nantes plus particulièrement, où je me promène aujourd’hui, et où j’ai déjà, dans précédentes visites créé et animé d’autres parcours auriculaires
Il faut dire que, depuis quelques déjà nombreuses années, cet ancien quartier de docks portuaires a connu, et connait encore, un gigantesque chantier de requalification urbaine, où grands bâtiments publics, écoles supérieures, pôles de compétences divers, lieux culturels et touristiques se côtoient de façon assez intelligente dirais-je. Ce vaste délaissé industriel, et auparavant port aux tristes souvenirs d’une colonisation esclavagiste, se voit offrir un lifting de grande ampleur. Quelques lieux emblématiques y ont trouvé place, telles les Machines de Nantes, où sont conçus des géants, hommes, animaux, machines robots imposantes, fabriqués notamment pour la célèbre épopée du Royal de Luxe, un des fleurons Nantais, voire Français des arts de la rue. Cette activité n’est pas du reste sans colorer un espace public de barrissements, de tintamarres ferraillant d’objets mécaniques et de la joyeuse rumeur du nombreux public qui y afflue. A l’autre bout de l’Ile, le départ d’un autre grand projet culturel et artistique, l’aménagement de l’estuaire reliant Nantes à Saint-Nazaire par l’installation de sculptures monumentales, sorte de land-art périurbain impressionnant, plus calme acoustiquement que les machines mais non moins surprenant.
Entre les deux, un espace de promenades riche et diversifié, composés de paysages urbains contrastés, où la Loire vient assurément jouer un rôle des plus important, un fil rouge, ou plutôt bleu/vert, entourant l’ile de ses bras  frontières, et qui font de cette partie de la ville un « lieu à part » dans la cité.
Au départ, en se faufilant dans la hall agitée les Machines de l’ile, beaucoup de voix, notamment celles d’enfants émerveillés, qui nous suivront, ou que l’on suivra jusqu’au bord de la Loire.
Nous frôlons des gens, des manèges, volant ci et là des bribes de sons et de rires, dans un jeu de mixage par l’oreille en marche.
Une série de passerelles métalliques nous guident le long du fleuve, points de vue et points d’ouïe intéressants, où nos pas font résonner des structures vibrantes sous nos pieds, et où le regard est porté sur l’autre rive, vers un grand axe routier très urbaniquement (trop) agité. Fort heureusement, de ce côté, hormis le pont routier, nous ne percevons que la rumeur, assez atténuée, en contrepoint de nos pas.
Un jeu,  l’oreille collée à une très longue rambarde de passerelle métallique nous fait entendre le chant du métal caressé, doucement percuté… Étrange spectacle pour les passants non avertis, que de voir un groupe, l’oreille collée à une barrière, en souriant ou fermant les yeux, passage assez surréaliste mais que j’adore tout particulièrement dans cette communion d’écoute(s) et d’écoutants.
Lors d’une deuxième balade, les quais de la Loire sont partiellement occupés par une vaste et tonique « sieste goûter sonore » très électro, qui nous martèle et nous assène de sourds et puissants rythmes de basses.  A chaque jour sa promenade ! Les rythmes de basses, même très atténués lorsque nous nous éloignons du site, seront en fait, une sorte de rumeur continuum, presque un étalon sonore nous faisant prendre en compte les champs, profondeurs et distances du paysage sonore, des échelles quasiment cartographiques à l’oreille, du territoire parcouru. Nous faisons le tour de cette fête en plein-air, jouant à s’arrêter là ou l’écho trouble l’audition en répercutant des rythmes sur de vastes façades qui perturbent les localisations, trompent nos oreilles, puis, modifions le circuit préalablement repéré car l’accès aux passerelles métalliques est ce jour interdit, occupées par des régies techniques.
Nous pénétrons au cœur de l’ile. Apaisement soudain. Une ruelle offre un surprenant concert d’un tout autre genre que le précédent, tout en grondements, gémissements, cliquètements, souffles rauques de ventilations, toujours différentes, du reste, et parfois muettes, selon les moments. Une  forme  d’installation sonore sauvage, involontaire et capricieuse, aléatoire, mais pour moi assez réussie, surtout si l’oreille se risque à la considérer avec une curiosité musicale, et c’est bien l’un des enjeux de ces PAS.
Lors d’une promenade, un homme ponce une chaise en bois dans une ruelle. Je trouve la fréquence, et presque le grain du timbre, le rythme, de son outil, grâce à une baguette frottante bricolée, et à la complicité d’un portail métallique résonnant. Un jeu en imitations réponses est alors amorcé. L’homme s’en rend compte et me sourit, surpris de ce dialogue à l’improviste, en s’amusant avec les élément sonores du moment. Je fais de même lors d’un passage d’avion à basse altitude, et il en passe beaucoup sur la ville. Les promeneurs s’en amusent mais cette fois-ci, le pilote dans les airs ne peut pas rentrer dans le jeu, ou bien fort  involontairement… hasard et sérendipité très appréciés lors de ces PAS.
Un mail piéton, planté d’arbres en bac, retour à une sorte de sérénité urbaine, avec peu de monde durant ces vacances, les touristes ne s’aventurent guère en dehors des sentiers touristiques bien balisés, et où ils trouveront des choses plus spectaculaires et sans doute rassurantes.
Dans ce mail, une cour intérieure est animée d’une curieuse fontaine aux sonorités surprenantes, autre repère stable depuis ma dernière visite déambulatoire, il y a maintenant 3 ans. Ici, le jeu consiste à ausculter les glouglouttis de l’eau à l’aide de différentes longue-ouïes, stéthoscopes, dans une approche résolument ludique. J’ai du mal à arracher les écouteurs de cette fontaine et pourtant, l’heure tourne, et j’ai quelques contraintes horaires à respecter, liées à la programmation du festival.
Un parking, classique lieu d’écoute décalée, nous offre un terrain de jeu magnifique, de par ses passerelles métalliques cloisonnant chaque étage. Des voitures ronronnent, grondent, des claquements de portières joliment réverbérées, des rythmes métalliques de grilles sur lesquelles passent les autos, des couloirs sas, à l’acoustique soudainement très sèche, suivies de réouvertures dans de véritables cathédrales de bétons, animent la déambulation dans ce lieu surprenant à l’oreille. Clou du spectacle, une pause sous une passerelle ajourée sur laquelle passent les voitures avec forces sons, quelques centimètres au dessus de nos têtes, créant dans un premier temps une surprise un brin apeurée, puis le plaisir de cette étrange situation acoustiquenet visuelle. Autre lieu emblématique de ce même parking, le dernier niveau inférieur, plus sombre, encore plus réverbérant, où s’éparpillent de sourdes et presque inquiétantes sonorités… Cet espace est prétexte à une installation éphémère à l’aide d’une dizaine de micros haut-parleurs autonomes, placés de façon à entourer les promeneurs, en profitant de l’acoustique pour les immerger dans d’exogènes sonorités aquatiques et forestières, franchement décalées dans cet univers minéral, et d’ordinaire plutôt dédié aux voitures. Ce même dispositif aura été, lors d’une précédente promenade, disposé dans la cour minérale d’un immeuble, lui-même animée d’une belle  et discrète installation sonore en extérieur. Les sonorités sont dissimulé dans de beaux bardages métalliques, et  conçues par le célèbre artiste sonore Rolf Julius. Après avoir frottée nos oreilles à cette belle œuvre, l’irrévérencieux Desartsonnants ose superposer ses propres sons à ceux de Julius, clin d’oreille néanmoins très respectueux et admiratif pour le du travail  de ce maître.
Avant de quitter les antres du parking, je joue à faire entendre les longues réverbérations à l’aide d’une trompe vuvuzela. Le site me répond bien, en prolongeant avec une réelle complicité mes sons de klaxons souterrains. Il  s’agit simplement de savoir parler eau lieux, et de bien s’entendre avec les espaces traversés.
Au détour d’une rue, nous descendons et nous blottissons dans une large cavité menant à l’entrée d’un parking sous un immeuble. Du fond de cette fenêtre bétonnée, s’élargissant vers l’extérieur, nous regardons et écoutons comme au fond d’ure oreille, dans un cadre visuel et auditif dirigeant nos sens vers le fond de la rue-scène sonore, comme une sorte d’amplificateur haut-parleur dans lequel nous serions réfugiés pour mieux ressentir l’environnement – mise en scène d’écoute via les aléas et ressources terrain et de l’architecture.
Retour progressif à l’agitation humaine et mécanique de la hall des Machines de Nantes, la boucle es bouclée, de pieds et d’oreilles fermes, apparemment pour le grand plaisir des auditeurs d’un jour, qui spontanément questionnent et commentent la balade. Nous aurons, une fois de plus, effectué un parcours totalement  silencieux, pas un mot échangé, des propositions corporelles, des gestes invitant, des regards guidant, le tout nourri de mille sons environnants. Pour clôturer l’expérience, des retours sur des ressentis spontanés, des envies d’écouter plus, autrement, ou mieux, le renvoi dans une sorte d’investissement ludique, qui n’est pas pour certains, sans rappeler une enfance curieuse, qui sait s’émouvoir, s’émerveiller, s’embarquer dans d’autres mondes en jouant de et avec des « presque riens »*.

 

*Hommage au compositeur « paysagiste » Luc Ferrarihttps://www.youtube.com/watch?v=aKq-LRYv1Q4

 

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INSTALLER DE L’ECOUTE

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@Crédit Photo Yuko Katori

Je m’installe devant, dans un paysage, je l’écoute, je le regarde, je l’arpente, et il me dit ce que je peux y faire, et ne pas y faire. C’est lui qui s’installe alors devant, autour de moi. C’est lui qui guide, voire dicte mes gestes, mes actions, mes projets.
Il se pose, à un moment donné, suite à une forme d’apprivoisement mutuel, en contraintes déchiffrées, en évidences décelées. Il me saute aux yeux, et aux oreilles. Il s’offre comme je m’offre à lui, dans une respectueuse synergie.
Il me faut pour cela une certaine lenteur, une prise de temps à ménager, un non stress me protégeant d’agir dans l’urgence, dans le superficiel, tout ce qui met à mal la connivence.
Alors s’installe l’écoute.
Alors s’installe l’écoutant.
Alors peut s’installer le partage.
Cette connivence artiste paysage établie, pour moi aussi via le canal auditif, je pourrai dés lors, en toute honnêteté, inviter à écouter ensemble.
Certaines fois, les connections sensibles s’opèrent rapidement, logiquement, avec aisance et facilité.
D’autres fois, le territoire résiste, moins spectaculaire peut-être, ou plus réservé, plus taiseux, plus secret.
Il faut alors user de patience, varier les angles d’écoute, gratter les interstices, coller l’oreille à la matière-même pour chercher le presque indicible, afin de bien m’entendre avec les lieux.
Il me faut également chercher les manières de partager intimement ce qui ne s’offre pas spontanément à l’oreille. Le paysage alors se mérite, il nous demande des efforts pour en jouir enfin.
L’écoute se déploie alors, s’installe comme une oeuvre collective, relationnelle, fusionnelle, émotionnelle, à 360°.

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@crédit photo Maxime Jardry

PAS – PARCOURS AUDIO SENSIBLE EN ARDOINAIS

OREILLES EN SEINE, ET EN ECRITS

PAS-Parcours Audio Sensible en Ardoines

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Vitry sur Seine, quartier des Ardoines, le retour.
Après y avoir effectué une première balade, PAS – Parcours Audio Sensible en nocturne, l’an passé, je ramène mes oreilles, entre industries et bords de Seine, quartier des Ardoines, par de chaudes journées estivales.
Ces parcours d’écoutes s’inscrivent dans la programmation de « Gare au théâtre« , structure culturelle vitriote initiatrice entre autre des Balades en Ardoinais.
Entre repérage et parcours d’écoute collectif, tout de même une trentaine de personnes en ce mois d’août, des sons me reviennent aux oreilles, et j’en découvre quantité d’autres, sur un itinéraire parfaitement identique à celui de l’an passé.
Identique en tout cas au niveau du trajet, car pour ce qui est des ambiances, vraiment très différent.
Aussi différent que le jour et la nuit, car le précédent partait à 21H, entre chiens et loups, et ce dernier à 14H.
Villes en répétitions…
Des RER qui rythment le paysage, nous partons en effet d’une gare à l’autre (Les Ardoines – Gare de Vitry).
RER feulant, grondant, ferraillant, cliquetant, dans le vacarme de la proximité, ou dans l’étouffement du lointain, ou dans un entre-deux… selon les endroits.
Une scène que j’adore, nous somme tous accoudés sur un pont surplombant les voies du RER, un immense tuyau nous occulte la vue au loin, le paysage, nous laissant apercevoir en contre-bas, juste une très étroite portion de rails.
Attente… Assez courte du reste… Les rails se mettent à chanter, à vibrer, à gémir, et soudain, un, puis deux RER passent en trombe, prenant nos sens par surprise, surtout la vue. Effet acousmatique, cinétique, surprise…
Glissements.
Des rails impétueuses aux usines relativement calmes, en passant par de courtes séquences habitées, et puis bien sûr, la Seine q’on longera un moment donné, assez longtemps, passage inévitable.

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Transitions de ville en franges de ville.
Des rythmes différents, des rumeurs différentes, des ronronnements, des chuintements furtifs, des ambiances diffuses, et industrieuses.
Assez peu d’humains, bien que…
Etranges atmosphères.
La ville-travail à l’oreille, qui persiste et résiste, jusqu’au mois d’août.
Un lourd portail métallique se met en branle, nous venons y tendre l’oreille de près. Il s’ouvre dans une séries de grincements-gémissements, lentement, laissant s’échapper au dehors les résonances d’un vaste hangar, et se referme de même. Fin de la séquence.
Visions sonores.
Les yeux participent à l’écoute. Ils fabriquent eux aussi, parfois, du non entendu.
Ils nous font imaginer, vivre, recréer, des ambiances virtuelles, mentales.
On entend ainsi les discours, dialogues, les grondements des tyuaux, des cheminées, des engins, engins forcément mécaniques, des matériaux chahutés, puis des grues immobilisées, le tout visuellement sonifère.
Et puis nous voilà, une rue rapidement traversée, presque sans crier gare, sans qu’on s’y attende vraiment, au bord de l’eau.
La veille, j’avais déjà été promener mes oreilles en bord de Seine, dans une portion de Paris Plage, profitant de la douceur pour me prélasser sur un confortable transat. L’écoute fut rythmée de fréquents passages de bateaux
mouches, desquels s’échappait une bouillie vocale amplifiée, paroles yaourtes des guides, s’extirpant de mauvais hauts-parleurs, non sans rappeler les annonces de gare entendues de loin, façon Tati.
La méandreuse Seine structure la capitale dans un dépoiement de paysages propres aux fleuves se coulant sans complexes au sein-même de l’urbanité.
Mais revenons à notre balade.
La Seine s’étale devant nous, exactement, aquatiquement rafraîchissante.
Et tout change, se transforme à nouveau.
Estompement assez rapide des voitures.
La Seine se prélasse, séparant gentiment mais nettement vitry d’Alforville, chacune se regardant tout en se mirant dans les ondes traversantes.
Pour écouter le fleuve, il faut tendre l’oreille, s’y pencher, aller dénicher les glouglouttis, surtout aux abords des pontons et installations portuaires, imposantes machines à roues, bassins desservant la centrale thermique voisine. Autre silouhette emblématique du quartier que cette centrale, avec ses deux énormes cheminées phares totémiques blanches et rouges.
La Seine est donc peu audible, sauf quand passe une péniche qui vient réveiller la tranquilité de ses eaux estivales  allanguies.
Dans le sillage des bateaux, des vagues viennent s’écraser à nos pieds, clappotements qui vont en s’estompant progressivement, jusqu’au prochain passage.
La traine des bateaux déchaine également, superposées aux ronronnements des moteurs, de sourdes et grondantes bulles sonores, jolis et étranges chants qui se résolvent en petites explosions mouillées de graves écumes.
Les chemins de berges sont rythmés de pas rapides de moult joggers, qui font crisser le gravier des sentes, tout en soufflant rythmiquement – cheu/cheu..Cheu/cheu..Cheu/cheu… Puis des vélos discrets, et de simples marcheurs
conversant…
Sous une imposante trèmis, j’installe momentannément des sons aquatiques justement, et acousmatiques, autour du public, profitant des réverbérations locales – Petites séquence musicale décalée, qui fait son effet en venant réveiller l’oreille, la tirer vers d’autres ambiances à mi-parcours. l’expérience durant deux bonnes heures, il convient de varier les postures, les surprises, pour redynamiser de temps à autre, notre potentiel de promeneur écoutant.
Plus loin, ce sera la structure métallique d’une grue portuaire que nous ferons chanter à l’aide de baguettes frottantes, l’oreille des promeneurs collée à même la matière, qui nous offrira une série d’harmoniques amplifiées assez incroyables. L’expérience d’écoute à »oreille collée » avait déjà été faite sur un large portail et des grilles métalliques. Micro-musique des matières… Aller vers le détail habituellement inouï, passer de macro à de micro paysages auditifs.
Une clairière herbeuse accueil une fête, un rassemblement de motards. La musique amplifiée va rebondir sur les berges et les bâtiments d’en face, dans un effet d’écho/résonance des plus spectaculaires, pour notre grand plaisir d’écoutants.
Le matin, lors de l’ultime repérage, c’est un saxophoniste solitaire qui travaillait dans ce même endroit, des traits d’une musique résolument be-bop.
Nous passons sous un large pont en travaux. Ces derniers généraient lors du repérage matinal, d’incroyables cliquettis qu’hélas, je ne retrouverai plus cet après-midi. Mais c’est le quotidien de ces PAS, et j’en ai depuis longtemps pris mon parti. D’autres surprises viennent compenser.
Au terme de ce trajet riverain, une chute gronde sourdement, coupant radicalement la Seine tandis qu’une écluse permet aux embarcations de l’éviter.
Replongée dans les usines et entrepôts qui, en ce samedi après-midi, se sont en grande partie vidés, désertés, immergeant les lieux dans une torpeur, un assoupissement reforcé par une chaleur prégnante.
Nous longeons, via un étrange sentier, les voix des RER, que nous retrouvons et suivons cette fois-ci de très près, à l’approche de la gare de Vitry, notre point de chute. Notre marche est alors régulièrement scandée perturbée de passages de trains, à assez grande vitesse, qui nous assaillent dans une tempête de bruit zébrant l’espace d’éclairs d’acier. Nous ressentons une certaine insécurité, ou fragilité, face à ces monstres tonitruants, mais une expérience somme toute, et paradoxalement assez euphorisante.
En contrepoint à ces sonorités agressives, certains d’entre nous portent, et s’échangent des petits haut-parleurs qui distillent tout au long du groupe une douce méloppée, venant reconstruire une entité acoustique dans notre « procession sonore » qui arrive à son terme.
Rendus au théâtre, nous appréçions des rafraîchissements bien mérités. Je dis quelques mots sur les principes de l’écologie sonore, comme au terme de beaucoup de mes PAS. Après cette expérience de partage d’écoute, et les nombreuses scènes et ambiances acoustiques traversées, l’oreille saisit et entend généralement bien le message.
Cherchons ensemble, envers et contre tout, la belle écoute.

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NB : Le quartier des Ardoines à Vitry connait actuellement une vaste restructuration urbaine, classée Opération d’intérêt national (OIN), et inscrite dans des projets d’envergure du Grand Paris. Les balades urbaines en Ardoinais, y compris sonores, qui y sont menées, permettent de se mesurer au terrain sensoriellement, et de vivre ses transformations in situ.

Desartsonnants aime tout particulièrement placer l’écoute à l’intérieur de projets liés tant à de nouvelles formes de tourisme culturel, qu’à des problématiques d’aménagement du territioire.

POINT D’OUÏE SUR LE SILENCE

OBSERVER LE SILENCE (ET CE QUI LE COMPOSE)

 

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En lisant le très beau livre d’Alain Corbin*, consacré au silence, que l’intéressante polysémie de l’expression « observer le silence » me frappait soudain. Ayant pour habitude de ne pas trop dissocier, lors de mes PAS -Parcours Audio Sensibles,  la vue de l’ouïe, je trouvais là une entrée symboliquement  très intéressante pour me re-pencher sur le couple Yeux/oreilles.

En fait, lorsque l’on observe le silence, on fait silence ! Nous créons dés lors, un nouvel espace de silence, le matérialisons en quelque sorte, en le rendant presque tangible. Il est évident que ce silence, fabriqué de toutes pièces, ne peut pas s’imposer à tout l’espace environnant. Tout au plus,  faire silence implique, pour un groupe d’hommes, de se taire, d’éviter de « faire trop de bruit » à un moment et dans un espace donné. C’est un phénomène circonscrit, une action locale. Cérémonie avec minute de silence commémorative, lieu d’enseignement, de culte, de spectacle, on fait silence pour différentes raisons, alors qu’autour de nous la vie suit son cours, avec les voitures, les oiseaux, les avions, l’orage, qui n’ont cure de nos injonctions…
Dans cette fabrication d’une sorte d’attention sociétale, parfois rituelle, pouvant relever du cérémonial, nous pouvons donc observer le silence, même de façon très brève, je reviens ici à la célèbre minute de silence.
Or, par glissement sémantique, lorsque nous observons minutieusement le silence, comme un naturaliste observe de près une fleur, nous commençons à discerner de quoi il est constitué.
Dès lors, observer le silence revient à admettre qu’un silence, si profond et pur soit-il, est toujours peuplé, voire paradoxalement constitué de sons, même infimes . Je peux citer ici ’expérience de la chambre anéchoïde (ou chambre sourde) où John Cage vérifiait la véracité d’un silence illusoire, voire d’un « non silence* ». Ce qui lui faisait finalement dire, dans son livre justement intitulé Silence « « Le silence n’existe pas, il se passe toujours quelque chose qui produit un son. »**

Le silence n’est donc pas, physiquement, une absence totale de bruits, mais plutôt un espace où ceux-ci auraient tendance à s’amenuiser, à laisser place à une poche de calme, plus ou moins riche, plus ou moins calme, générant une certaine quiétude, mais parfois, comme un silence de mort, une véritable inquiétude, voire une peur de ce silence par trop…silencieux.
Observer le silence, c’est donc, ou en l’occurrence cela pourrait être, pris au pied de la lettre, une posture qui nous met en retrait de la scène acoustique, nous dé-immerge, pour que notre oreille puisse prendre du recul vis à vis de notre environnement sonore, et que nous ayons les moyens de le  comprendre, de le qualifier , de l’analyser sans doute plus objectivement.
Observer le silence nous ramène à la posture d’un sociologue, pour qui l’observation de terrain est une façon de construire de la « connaissance ordinaire »,  qui donnerait lieu ici un étude sociale du paysage sonore, même réduit à sa portion congrue sous le prisme du silence.
Entre observer pour construire, construire paradoxalement du « moins », et observer pour comprendre, pour savoir, l’écoutant que je suis peux ainsi naviguer entre la pratique partagée d’un geste presque silencieux, apaisant, et l’envie de comprendre un peu mieux comment fonctionnent nos relations avec l’environnement sonore, en tant qu’écouteurs producteurs.
Observer le silence c’est être acteur, avec la volonté de défendre des scènes acoustiques qualitatives, en tentant de faire la part des choses entre esthétisme, vie sociale, et une forme réfléchie d’écosophie du sonore.
Il y a peu, Max Horde me disait au fil d’une conversation »… toi, le musicien du silence… » formule qui m’a je dois dire amusé autant que touché, tant ce beau raccourcis correspond à mes aspirations présentes.

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*http://www.albin-michel.fr/ouvrages/histoire-du-silence-9782226323781

** « … La personne qui est entrée dans une chambre anéchoïde, pièce technologiquement rendue aussi silencieuse que possible, a pu y entendre deux sons, un aigu, un grave – l’aigu, le système nerveux de l’auditeur en activité, le grave la circulation de son sang. Ce sont là, manifestement, des sons à entendre et, à jamais, des oreilles pour entendre. »  J. Cage, entretien avec Jean-Yves Bosseur autour de 4’33 » Ed Minerve

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Rituels d’écoute(s)

RITUELS D’ÉCOUTES OU ÉCOUTES RITUELLES

Gilles Malatray Desartsonnants

Un rituel est un ensemble de rites destinés, à l’origine, à des célébrations religieuses. Depuis, ces rites se sont beaucoup élargis vers des mises en scène donnant une certaine importance à des faits et gestes, non forcément religieux. Louis XIV par exemple mettait en scène son pouvoir, par la mise en  place des rituels autour de sa propre vie, non seulement des fêtes et grandes chasses, mais aussi levers, couchers et repas du roi, avec musique et cérémonies ad hoc. Il orchestrait en fêtes, la vision de son propre pouvoir, sa vie de monarque. Aujourd’hui encore, du stade à la vie politique en passant par l’école, des rituels s’installent, mettant en scène des gestes et actions communes, consolidant des communautés, des pensées collectives, pour le meilleur et pour le pire, mais sans doute faisant aussi office de garde-fous sociaux, parfois rassurants dans leurs répétitions. Ils s’inscrivent notamment dans des formes de cérémonies et autres protocoles, qui mettent en exergue des  « choses sociales » présentant de prime abord des intérêts collectifs au sein de la société, ou tout au moins d’une partie de cette dernière.
Sans vouloir entrer dans des cadres trop cérémonieux ni, bien au contraire, enfermer l’écoute dans une rigueur ritualisée et mortifère, je me pose néanmoins la question du rituel dans ma démarche de promeneur écoutant.

Le rituel de la marche d’écoute, les PAS – Parcours Audio Sensibles solitaires, en duo ou en groupe
Se mettre en marche, après avoir, par quelques mots choisis, installé une ambiance, conforté une communauté d’écoutants, fédéré un groupe dans une sorte de projet commun, collectif, suggéré un état d’esprit, et au final discrètement distillé quelques conseils consignes…
Nous sommes bien dans le rituel, que le maître de cérémonie, le guide promeneur écoutant, acteur, acteur de terrain, dans toute la polysémie du terme, maitrise, ou est sensé maitriser.
Le cadre est posé, et on agira à l’intérieur. On agira avec certains codes, par exemple  le silence, les rythmes de la marche, la confiance dans le « maitre de cérémonie », l’idée d’adhérer, ou  on, à une communauté éphémère, et de poursuivre, le temps de la marche, un objectif commun. Sans pour autant enfermer la marche dans un carcan trop rigide, bien au contraire, nous conservons et privilégions les possibilités d’agir, voire d’improviser selon les événements sonores, les aléas du parcours, en restant fort heureusement très ouverts, le rituel contribue je pense à donner une certaine importance, quasi cérémonieuse, aux gestes d’écoute, à le rendre en fait plus crédible, ou en tous cas assimilable. Le rituel nous fait passer d’une forme de jeu, à une chose presque sacrée, tout en restant dans un esprit ludique. J’assume tout à fait les paradoxes.

Le rituel des Points d’ouïe
En contre-point, si j’ose dire, de la balade sonore, ou du PAS, les Points d’ouïes sont des pauses, arrêts sur son, ponctuant une marche, et venant focaliser l’écoute sur un élément/lieux/gestes singuliers, rencontrés sur les territoires explorés. Ce sont de nouvelles mises en scène acoustiques, ritualisées elles aussi, se posant comme de petits points de rupture dans la marche, des ponctuations. Ces points d’ouïe convoquent inéluctablement des postures physiques e/out intellectuelles, des scénophonies, des parti-pris, des approches spécifiques, que le principe de ritualisation se chargera d’instituer comme des passages obligés, incontournables, pour qui veut saisir une partie de la substantifique moelle du paysage sonore. Enfin j’espère qu’il pourrait en être ainsi.

Le rituel des Bancs d’écoute
Autres pauses dans les PAS, un rituel assis cette fois-ci. Il s’agit d’utiliser de simples bancs publics, mobiliers urbains des plus courant s’il en fût, comme des postes d’écoute, des affûts, des jalons marquant un balisage urbain, comme repères et haltes auditives. Le rituel est aussi, et peut-être surtout ici, dans la posture. S’assoir, solitaire, à deux, écouter, laisser venir à nous les sons, le banc comme centre d’écoute, comme objet d’immersion. Le rituel s’inscrit également dans une certaine durée. Il ne faut pas seulement effleurer de l’oreille le paysage, il faut prendre le temps, le laisser se construire autour de nous, prendre corps, audio corpus. Il convient pour autant de ne pas refuser, ou fuir la rencontre, sous prétexte d’écoute. Se poser régulièrement sur un banc, voire même très ponctuellement crée souvent des liens inattendus, humains, des conversations, parfois anodines, parfois intimes, parfois surprenantes, voire dérangeantes, la vie quoi !  Dans ces rites d’écoute, s’inscrivent aussi des voix, des paroles, des contacts, enjoués ou en grande détresse. Je me vois confrontés à des solitudes que je sens terriblement pesantes, des paysages sonores internes, de véritables naufrages, qu’il est souvent impossible de reporter tant ils sont intimes, personnels, mais auxquels je prête une oreille et une parole que je tente de faite la plus humaine que possible, sans autre prétention. Paysages esthétiques certes, mais paysages sociaux, des échos parfois très sombres, de violents désespoirs,que le rituel du banc d’écoute me ramène à fleur d’oreille.

Le rituel des Inaugurations de Points d’ouïe
Ici, nous avons affaire à un rituel des plus ritualisé, cérémonial, dans le juste sens du terme. Au terme d’un PAS, nous avons repéré et choisi un endroit précis, voire une orientation, un axe d’écoute, que nous élirons, pour la qualité de ses sources, de son acoustique, comme point d’ouïe remarquable. Le statut conféré à ces nouveaux Points d’ouïe passera par une inauguration tout ce qu’il y a de plus officielle, avec le discours d’un maire ou d’un élu, quelques minutes de silence, silence en écoute, un geste symbolique coupant le ruban auriculaire, une signalétique ou objet signalant, et l’inscription de ce point d’ouïe commenté sur une cartographie spécifique géolocalisée. C’est donc le rituel le plus voyant, et écoutant, officiel, cérémonialisé, de la démarche désartsonnante. Un prétexte à prendre langue, et oreille, avec des habitants, visiteurs, et surtout élus, sur la beauté fragile des paysages sonores ambiants, et les questions d’écologie acoustique inhérentes.

La terminologie de l’écoutant comme une façon d’assoir des rituels
PAS*, Points d’ouïe, Bancs d’écoute, Inaugurations de points d’ouïe, Écoute à oreilles nues, Sonographies, Calligraphies sonores… le ou les  rituels d’écoute sont balisés textuellement par toute une terminologie, tissée de mots-valises et de néologismes, complétant le champs, et le chant, de l’auriculaire. Souvent faussement savants, plutôt ludiques dans l’esprit, mais néanmoins pensés pour faire naître des images, images de marque y compris parfois, des sensations qui « donnent envie », ces termes sont très liés au contexte, à l’action, à l’esprit des écoutes et des lieux, et somme toute à l’esprit Desartsonnants. Cette lexicologie, qui se veut inscrite dans un corpus bien sonnant, corpus d’actions, de sons, d’images et de textes, vient participer à une part de la mise en place du rituel, comme, inversement, le rituel contribuera à assoir et à développer des termes adéquats, des images sono-paysagères ad hoc. Le rituel s’appuie sur des actions, comme sur des discours, qu’ils soient officiels, ou discourant autour d’une pensée plus personnelle,qui essaierait de maîtriser l’apparente et complexe simplicité du geste d’écoute, à la fois esthétique, social, environnemental…

* PAS – Parcours Audio Sensibles

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PRÉLUDES ET SUITES D’ÉCOUTES

PRÉLUDE, DÉAMBULATIONS, PARTAGES ET SUITE D’ÉCOUTES

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Il fut un temps, déjà reculé aujourd’hui, où Élie Tête*, hélas disparu, m’emmena écouter quelques sites de Bourgogne et du Haut-Jura**. Cette rencontre et ces expériences transformèrent radicalement ma vie, de par notamment la façon d’appréhender la chose sonore, le paysage, mes relations avec ce dernier, avec les gens qui prennent le temps de le parcourir, ou de le vivre, tout simplement.

Il fut un temps où je découvris l’incroyable vivier pédagogique, esthétique, social, patrimonial, écologique… et l’immense plaisir sensoriel et artistique que constitue le fait de se promener, immergé dans des espaces sonores choisis, ou découverts au hasard d’un chemin, d’une forêt.

Il fut un temps où je découvrais le paysage sonore, qui ne m’a et que je n’ai jamais quitté depuis.

Empreinte généreusement et merveilleusement indélébile

Et bien des années plus tard, malgré le fait que l’on m’ait parfois affirmé que l’on avait définitivement fait le tour des balades sonores, qu’il ne fallait plus rien en attendre, je continue d’expérimenter, à oreilles nues, avec des dispositifs légers, mobiles, autonomes, des parcours d’écoute partagés en chemins de traverse.

Je me sens de plus en plus l’oreille curieuse, autant qu’inassouvie.

Je persiste plus que jamais à échanger, à communiquer autours de mes nombreuses écoutes personnelles, mais surtout collectives.

Je m’obstine à inviter des artistes, musiciens, plasticiens, danseurs, diseurs ou manipulateurs de mots, d’images, de formes, des aménageurs, des marcheurs, pour que nous tentions ensemble d’écrire un bout de partition polyphonique, à plusieurs voix, à plusieurs regards, à plusieurs oreilles.

Je poursuis sans cesse cette expérience, qui consiste pour moi, à écrire et à composer de concert, dans, avec et autour de nouveaux territoires sonores.

J’ai appris au fil du temps, et apprends encore de jour en jour, de site en site, à repérer des parcours singuliers, des lieux et des espaces surprenants, inouïs, des postures décalées, ad hoc, des modes d’écriture/improvisation/action in situ…

Je me sens aujourd’hui plus à même d’expliquer aux promeneurs écoutants, complices, exemples vécus à l’appui, en quoi ces balades écoutes, ces Parcours Audio Sensibles*** ouvrent de belles et riches perspectives, et ce dans bien des domaines.

J’ai envie, en proposant à ceux qui acceptent de me suivre, des postures d’écoute hyper réceptives, en leur donnant l’opportunité de prêter l’oreille à l’environnement, ne serait-ce que le temps d’une promenade, de les pousser à devenir acteurs de leurs propres territoires, ne fusse qu’en prenant un petit temps pour l’entendre… Juste le temps de mieux s’entendre avec…

Je ressens, en marchant, des sortes de vibrations acoustiques intrinsèques aux lieux, mais également des vibrations humaines, stimulantes, énergiques et synergiques, qui dynamisent très fortement les partages d’écoutes, voire les partages tout court.

Les points d’ouïe se conjuguent avec les points de vue, ou avec des senteurs diffuses, pour composer ensemble des paysages sensoriels sans cesse renouvelés.

Souvent je me dis que le geste commun, la construction de communs qu’il convoque, la relation instaurée, valent bien plus que toute œuvre, matérielle ou non.

Parce que le Monde appartient aussi à ceux qui l’écoutent, mais surtout à toute âme sensible, disait Romain Roland****, il mérite une écoute attentive, respectueuse, pour échapper à un chaos grandissant où nul ne s’entendrait plus.

Au-delà des violences, des souffrances, des assourdissants vacarmes qu’elles engendrent, il faut se raccrocher à des aménités salvatrices, celles qui nous maintiendront debout, ouïsseurs universels, et toujours à l’écoute.

Ainsi, dans différentes villes, pays, avec des publics avertis, ou non, je promène avec un immense plaisir, que j’espère partagé, des groupes de baladeurs, écoutant de concert, et échangeant autour de l’inépuisable et Oh combien fragile « chant de la terre ».

* ACIRENE – http://www.acirene.com/

** Haut-Jura terre sonore – http://www.saint-claude-haut-jura.com/sites-sonores.html#.V1-0mo6bHp8

*** PAS – Parcours Audio Sensibles – https://fr.scribd.com/collections/4313163/DESARTSONNANTS

**** Jean-Christophe – Romain Roland – 1904/1912

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À CROIRE QUE – AUDIO UTOPIA

SOUNDWALKS ET PARCOURS AUDIO SENSIBLES, DES UTOPIES BIEN-SONNANTES ?

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AUDIO-UTOPIA
Croire que l’on va épuiser le paysage de par son écoute, si passionnée et engagée fût-elle
Croire que l’on va trouver derechef la beauté du monde entre les deux oreilles, et que l’on ne la perdra plus
Croire que l’on va tout comprendre de la société, via des récits tissés de sons
Croire que l’on va attirer dans ses traces auditives une foule de promeneurs écoutants par avance conquis
Croire que l’on va peser, même un tant soit peu, sur un système social, économique, politique… par de petites gestes artistiques, en parti-pris d’écoute
Croire que l’on va irrémédiablement magnifier la ville, le paysage, d’un coup d’oreille magique
Croire que l’on va faire que tout et tous s’entendent parfaitement, dans une harmonie sans dissonance ni discordance aucune
Croire que l’on va fabriquer du beau, du bien sonnant à tour de bras, à tour d’oreille…

Croyons ferme cependant, que parmi ce qui peut ressembler à des utopies, petites ou grandes, il y a toujours quelques bribes qui s’en échapperont, qui s’accrocheront au terrain, et qui résisteront à l’air (pollué) du temps.

 

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PAS – Parcours Audio Sensibles, des narrations paysagères

La balade sonore comme une expérience de narrations audio-paysagères multiples

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Calligraphie sonore – Desartsonnants/ Nathalie Bou – @photo Nathalie Bou

Chemin faisant, l’écoute se met en marche, au pas à pas. Les lieux et toute leur vie, intrinsèquement sonore, se donnent alors à entendre, à qui prête l’oreille. Le, ou plutôt les récits auriculaires se construisent alors, au fil des pas, des déambulations, des points d’ouïe, comme une combinaison quasi infinies de narrations à fleur d’oreille.

 

Des mots

 

Activités humaines, voix, gestes et choses entendues


Voix perçues, parfois empruntées, voire volées, un brin voyeuriste-écouteur, des bribes de conversations, ou de monologues… le rythme des pas déambulant, talons claquant et  gestes sonores, des reflets d’activités journalières captées comme des histoires du quotidien, du trivial ou du plus exceptionnel, le tout néanmoins transfiguré par l’attention auditive qui leur est portée…

 

Faune
 

Oiseaux pépiant, jacassant, hululant, caquetant, criards ou virtuoses, syrynx aguerris de la vocalise chantante… Gibiers détalant, chats hurlant dans les nuits printanières, concerts de grenouilles coassantes en bord d’étang, brames de cerfs intempestifs autant qu’amoureux, frémissements d’insectes vibrants… De villes en espaces naturels, des éc(h)osystèmes se déroulent à nos oreilles, parfois elles-même étonnées d’une telle présence auriculairement  animale.

 

Media 
- Sonorisations

Intrusions insidieuses, intempestives, voire muzakement polluantes, bribes de musiques échappées d’une fenêtre ouverte, sirènes et autres hululements urbains, Hip-hop affirmé sous les colonnes d’un opéra, déambulations festives, revendicatives, rythmées et soutenues par de puissants sound-systems, harangues et scansions haute-parlantes et mégaphoniques… Les média s’installent ponctuellement, avec plus ou moins de présence, d’impertinence, de violence dans l’espace public. Ceux-ci envahissent intrusivement parfois l’espace privé, ou bien inversement…
 Le récit, médiatiquement urbain, s’amplifie électro-acoustiquement, se diffuse, se répand par un enchevêtrement de paroles rhyzomatiques renforcées, de musiques, de canaux, de membranes, de dispositifs électroniques…

 

Ambiances

Un début et une fin – des transitions – une trame, tissages, de passages en ruptures, de fondus en coupures – Une écriture in situ, in progress, in auditu…
 Du départ à l’arrivée, le parcours est balisé, testé, validé, nonobstant les aléas, imprévus, accidents, et autres opportunités. Il propose une progression faite d’enchaînements et de ruptures, de fondus et de cassures, de points forts et de modestes trivialités… Il s’appuie sur des ambiances emblématiques, mais aussi sur des petits riens, un panel des choses à raccommoder in situ, des objets poétisés dans et via le décalage de l’écoute collective, une histoire auriculaire à partager en commun… Des ambiances quoi !

Objets et autres choses animées


Une perceuse qui met en résonance et fait vibrer, met en résonance, toute une façade de bâtiment, une fontaine qui chuinte, glougloute, s’écoule en une nappe de bruit blanc, une signalétique de feux tricolores pour aveugles qui « bip-bip » ou parle d’une voix synthétique, un engin de chantier qui gronde sourdement… Tous ces objets, machines, mécanismes, viennent animer, secouer, révéler, et participer à construire la trame d’un paysage sonore sans cesse renouvelé – Entre monstruosités acoustiques et musiques urbaines.

 

Acoustiques, Topologies, topophonies

Des espaces qui se racontent. 
Des ruptures, des transitions progressives, des effets acoustiques générés par les lieux-même, leurs topologies, les volumes, les formes, les matériaux de construction… Une histoire architecturale, environnementale, où les sons se jouent de l’espace, et vice et versa.
Topophonies, géophonies, hétérosonies, multiphonies, l’écoute des milieux sonores se met en place au cœur des lieux soniques, construits et déconstruits de l’oreille…
 Un, voire une multitude d’espaces sonores à découvrir, en quelque sorte !

Champs, hors-champs
, contrechants

Des situations où la vue est directement liée à la chose entendue, où la relation cause à effet est évidente. Presque trop ! D’autres où la source sonore est cachée, camouflée, masquée, occultée, non vue, hors-champ… Polyphonie, polysonie contrapuntiques… Des situations où l’on n’est pas vraiment sûr d’identifier l’origine du son, où le jeu consisterait plutôt à naviguer entre certitude, incertitude et imaginaire, entre existant et construction purement mentale, onirique, paysagère, selon ses dispositions du moment…

 

Multisensorialité – synesthésies


Parce qu’un sens ne fonctionne jamais seul, parce que l’activation, la mise en avant de l’un en dynamise, en galvanise d’autres, parce que la vue guide, stimule parfois l’écoute, et vice et versa…

Des ambiances sonores colorées, des couleurs vibrantes comme des sons, des odeurs de viandes rôties mêlées, associées aux grésillements d’une rôtissoire embaumant le trottoir, les senteurs de foin et de fleurs d’une prairie au soleil couchant d’une chaude journée estivale, ponctuée du pointillisme d’une nuée d’insectes stridulants… Les parcours d’écoute sont multiples et infiniment variés. Ils nous racontent, avec force sonorités, formes, lumières et couleurs, odeurs, parfums et fines fragances, des ambiances où les sens se trouvent au cœur d’une immersion paysagère amène, ou dérangeante. Ils tissent une expérience sensible, poétique d’un espace sonore volontairement privilégié, voire exacerbé, pétri de sensations et de ressentis, de contemplations comme de fuites.

 

Écrits, mots

Mes mots, couchés sur le papier ou dits à haute voix, qui aiment parfois énoncer ce que le magnétophone peine à faire, ou est purement incapable de relater, face à une posture/scène/situation d’écoute, surprenante, inouïe ou anodine.

Révéler le sensible sous-jacent, le décalage provoqué et/ou ressenti, la perception parfois, souvent très loin d’être objective, ou encore simplement, partager l’émotion, le plaisir d’avoir construit un bout de chemin/paysage d’écoute à plusieurs…

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ALÉATOIRE ET À TRAVERS

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Marcher,


Marcher encore,


Marcher toujours,


Si possible,


Emmener,


D’autres marcheurs,


Grossir les rangs,


Partager,


Ou non,


Parcours,


S’immerger,


Dans la ville,


Dans les rues,


Le long des quais,


Dans la proximité d’un territoire à trouver,


Dans les interstices,


Dans la trivialité d’un moment,


De jour,


De nuit,


Entre chiens et loups,


A l’aube,


Dans nulle part,


Ou ailleurs,


Marcher,


S’user,


Urbaniquement parlant,


Déambulation,


Se fondre dans la pierre,


Le bitume,


Dans les sons,


Dans la lumière,


Dans la pénombre,


Dans l’obscurité,


Se confondre avec des gens,


S’en extraire,


Les fuir,


Les retrouver


S’imprégner des odeurs,


S’arrêter,


Parfois,


À l’envi,


Marcher,


Ecouter,


Regarder,


S’isoler,


Péripler,


Pas à pas,


Y perdre son entendement,


Ou l’aiguiser,


Qui sait,


Errance,


Ne pas résister,


Se couler,


Dans un flux,


Ou plusieurs,


Dans le courant,


A contre-courant,


Oublier,


S’oublier,


Marcher,


Solitaire,


De concert,


Flânerie,


Frôler,


Se glisser,


S’immiscer,


Trouver les failles,


Les aspérités,


Le lisse,


Le rugueux,


La foule,


Le silence,


Le chaos,


Ou un semblant de chaos,


Le vide,


Le plein,


L’entre-deux,


Le vu,

L’invu,

Avancement,


Etre stoppé,


Découvrir l’obstacle,


Trouver l’allure,


Ou non,


Emmener,


Sur ses traces,


Dans l’éphémère,


Faire durer,


Perdurer
,

Inviter,


Sans forcément savoir à quoi,


Se poser,


Se laisser submerger,


Envahir,


Déborder,


Céder,


S’aider,


Ne pas calculer,


Sensations,


Ne pas préméditer,


Frissons,


Ne rien lâcher,


Ou lâcher prise,


Eprouver,


le végétal,


Le minéral,

l’humain,


la pluie,


le vent,


L’inconscience,


Aller vers la musique,


Le brouhaha,


Le tintamarre,


Le chuchotement,


Le non entendre,


Laisser venir,

Ou s’en éloigner,


Echanger,


Un regard,


Un sourire,


Une complicité fragile,


Une incompréhension latente,


Une parcelle d’invisible,


Marcher,


Aller vers,


Aller contre,


Aller avec,


Aller sans,


Aller,

Encore
Souvenirs,


Ou paysage ouvert à l’incertitude,


Association,


Ou rupture,


Perdre ses repères,


En trouver d’autres,


Peut-être,


Avancer,


Point de chute,


Détours,


Impasses,


Passages,


Reliefs,


Platitudes,


Accentuations,


Rondeurs,


Affadissements,

Traversées,


Un semblant d’initiatique,


Une terne réalité,


Des pans de rêves cités,


Les mots s’étirent,


L’esprit se noie,


Top de sensations sauvages,

Ou pas assez,


Zig-Zag,


Chemins de traverse,

Au coin de la rue,


Au pied de l’escalier,


A la porte de je ne sais où,


De ruelles en collines, 


Se régénérer,


Se défiler,

Filer,


Transcender,


Dans la marche,

erratique,

ou écrite

Ou à venir…

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L’ÉCOUTE EN MARCHE

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Le sens de la marche,

celui qui fait sens

celui qui fait que,

la marche appelle la marche

inlassablement

pour ne pas sombrer dans l’immobilité

ne pas se fermer les oreilles

ne pas se couper du monde

même s’il est parfois cruel

prendre son pied

en allant de l’avant

toujours

encore

en corps

chercher ce qui m’émeut

chercher ce qui me meut

ambulator auditor

walker listener

et inversement

l’effet piétonnier

pour ne pas piétiner

ou pas trop

pour fuir l’étiolement

évincer la sclérose

chercher du calme

au pas à pas

en ouvrant les écoutilles

les synapses pieds oreilles

comme moyen de transportage

comme moyen de transpartage

la semelle légère

et l’oreille amène

comme un embellissement du monde

comme un apaisement du monde.

 

 

BANC D’ÉCOUTE MULTIMODAL INTÉRIEUR

GARE AUX OREILLES !

Un soir, vers 20H, milieu janvier, Gare de Vaise à Lyon. Temps neigeux.

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Les frimas hivernaux venus, je teste un banc d’écoute intérieur, dans un espace qualifié de multimodal, une gare urbaine en fait.
À ma droite, quelques mètres en dessous, invisible, la fosse d’un métro.
À  ma gauche un couloir de bus, lesquels scandent l’espace aux rythmes de leurs arrêts/départs.
Un peu en dessus, à gauche également, sur un talus, la voix ferrée Lyon/saint-Etienne.
Devant et derrière moi, un long couloir, ponctué de bancs, qui distribue les piétons usagers vers les différents modes de transports.
C’est donc un véritable point stratégique d’écoute, qui se centre au cœur d’un nœud urbain où alternent sans cesse  différents flux motorisés, chacun laissant derrière lui une traine/trace sonore bien spécifique.
Le lieu est baigné, comme il se doit avec ce type d’espace public, d’une musique de fond type « variété française » en tuyau musak. Cette dernière  semble s’interrompre à chaque passage d’une rame de métro, pour ré-émerger de plus belle, inlassablement. Elle est jusque périodiquement masquée.
Des bips incisifs annoncent la fermeture des portes du métro (que je ne vois pas), avant le claquement précédant un départ souligné de sons chuintants, que l’on perd rapidement à l’oreille, happés par le sombre tunnel  métropolitain.
Rythmicités.
Des portes coulissantes fractionnent temporairement l’espace acoustique, interpénétrations dedans/dehors, à la fois de sons, et de courants d’air glacés.
Les lieux sont réverbérants, juste ce qu’il faut pour construire différents espaces et reliefs sonores, où les sensations de profondeurs et de plans permettent à l’écoutant de se positionner au centre d’une scène acoustique riche en volumes spatiaux.
Des cliquetis d’escaliers roulants conversent avec une ventilation persistante,  les clacs et tûts des composteurs de billets, et un ascenseur  tout proche. Mixage.
Des voix, des rires, des cris, multiples, qui s’approchent et s’éloignent sans cesse, brouillées au loin, capturées distinctement dans des bribes de vie intime toutes proches, animant le couloir de d’une volubilité babillarde. La froidure a conduit nombre d’adolescents à transporter leur territoire de jeux et de séduction à l’intérieur.
Tout semble en mouvement, dans une sorte d’orchestration mi-sauvage mi-organisée, et ma foi assez intéressante à entendre.
Il y a des couleurs, des timbres, des dynamiques, des mouvements dans l’espace, des superpositions, des fondues, de brusques coupures… L’oreille y trouve largement son compte, sans pour autant se sentir agressée, noyée, malmenée, ni au contraire esseulée.
Une annonce, par haut-parleurs, prévient parfois que « la prochaine rame ne prendra pas de voyageurs… », avec voix colorée d’un accent méditerranéen un brin exotique dans cette gare lyonnaise.
Le lieu mérite une écoute prolongée. Pour sûr, on ne s’y ennuie pas.
De nouveaux rires fusent, en écho aux stridulations d’une sirène de police dont le véhicule en chasse déboule sur le couloir de bus.
Finalement, tout semble à sa place, dans une cohérence à la fois agitée et tranquille, selon les épisodes, qui donnent au lieu un air de « déjà entendu » et la fois une sorte de rafraîchissement permanent des ambiances sonores. Lesquelles sources me paraissent séquencées par un compositeur qui manierait avec finesse et dextérité les sons urbains.
Gare aux oreilles !

POINTS D’OUÏE – L’ÂME DU PAYSAGE SONORE

Le paysage sonore a t-il une âme ?

Si nous partons d’une problématique, comme une forme de définition philosophique, qui consisterait à chercher ce que pourrait être l’âme d’un paysage sonore, on peut se demander a priori quel éventuel souffle viendrait l’animer, au sens premier du terme ? En bref, qu’est-ce qui pourrait lui donner vie, lui transmettre une forme d’existence tangible, au delà de l’idée, du concept.
Je perçois bien, au travers la multitude des particules sonores incarnant un environnement audible, une organisation des choses entre elles, même si elle peut sembler relativement chaotique. Des tensions, des détentes, des nappes, des acmés, toute une évolution sonore qui rythme l’instant, la journée, la saison, qui fait qu’une coloration acoustique, toujours en mouvement, irise mes espaces de vie, de travail, de loisirs… Les sons s’agencent, se frottent, résistent, mais au final, finissent par s’entendre sur un déploiement de matières organiques, résiduelles ou conceptuelles, qui viennent asseoir ma perception de l’espace, recentrée entre mes deux oreilles.
Dans la vallée de haute montagne, sur les quais d’un port du bord de mer, dans la forêt profonde, au cœur de la cité, ces agencements, ces organisations mouvantes, seront bien différentes. Les sources et couleurs sonores, les tessitures, les dynamiques, les effets acoustiques intrinsèques aux topologies, dessineront des espaces non pas homogènes, mais en tout cas suffisamment spécifiés pour qu’une forme de reconnaissance, un brin rassurante pour l’oreille, s’installe.
Au-delà et dans des myriades de variations, le paysage sonore peut prendre corps.
Comme l’âme d’un village, d’une vallée, d’une usine, peuvent se déceler dans une sorte sensation d’appartenance, liée à une vie bien réelle, parfois quiétude, parfois inquiétude, celle d’un paysage sonore y  trouve également sa place. Ce dernier participe vraisemblablement à l’élaboration d’un terreau social cohérent, ou se cherchant des cohérences . Sans doute glisse t-on là vers la reconnaissance d’un territoire sonore, en partie lié à un existant domestiqué et reconstruit, sonorités y compris.
Installer un jeu de cloches carillonnant au cœur de la cité, ou au sommet d’un village, n’est pas un geste anodin, pas plus qu’édifier un kiosque à musique au cœur du parc municipal.
L’âme d’un paysage, c’est aussi, ce qui en fait un cadre singulier, avec des spécificités, celles qui vont favoriser un ensemble de sensations, de représentations, de perceptions, comme autant d’éléments moteurs dans l’entretien, voir la survie même d’un paysage sonore, en tout cas d’un espace auriculaire vivant et vivable..
Comment se sentira t-on, s’entendra t-on, selon les endroits, les époques, les événements, dans des des lieux spécifiques ? Comment t’entends-tu avec ta ville ?

Un paysage sonore, s’il est trop malmené, laissé en déshérence, peut-il perdre son âme ?

L’âme d’un  écoutant est -elle sereine, tourmentée, a-ton du bleu à l’âme, ou celle d’un poète, comment se sent-on face à un tourbillon sonore ayant tendance, dans cette période de forte urbanisation, à connaître une expansion parfois violente et plus ou moins contrôlable.
Bien sûr, tous ces agencements sonores, ces stratifications, ces concrétions, naturels ou fabriqués, voire contre nature, sont souvent bien aléatoires. Vents et grondements du tonnerre n’en font qu’à leur tête, et nous n’avons finalement, nous autres humains, que peut de prise sur la vie « sauvage », même si nous participons grandement à la modifier, pour le meilleur et souvent hélas, pour le pire.
L’infinie variété des ambiances sonores semblent bien mues par un système organique, quasi anthropomorphique, répondant à des stimuli, naturels ou humains, secoués de soubresauts, apaisés de silence, parfois.
Ces organisations sonores sont sans doutes en partie agencées par notre propre écoute, et surtout notre propre pensée, dans la volonté de cerner, de comprendre, de se rassurer, voire de se protéger des flots sonores incessants qui nous baignent à chaque instant. La construction d’un paysage sonore nous permet de donner vie (âme = anima = vie) à un flux de matières intangibles, mouvantes, immersives, pouvant selon les moments, nous baigner de belles sensations, ou nous noyer dans un tourbillon asphyxiant.
L’âme d’un paysage, y compris envisagée comme une forme de vie sonore, est empreinte des respirations du lieu. Encore cette évidence d’un inspire et d’un expire sans qui la vie ne se développerait pas. Il faut qu’un site respire, et que nous puissions, autant que faire se peut, mettre notre respiration en harmonie, pour  nous y sentir un tant soit peu en phase. Envisageons ces respirations comme des formes primaires de vie sonore. Si ces dernières sont trop haletantes, elles nous essouffleront l’écoute, l’attention, la pensée, dans une surenchère, une excroissance maladive. Si ce souffle, cette respiration sont trop ténus, teintés d’atonie, le mouvement de vie sera par trop amoindri, manquera d’allant, de fraîcheur, de vie en somme. Ces métaphores reliant souffle et son, mais la vie ne commence t-elle par un cri qui libère la vie grâce l’arrivée d’air dans nous poumons, instant crucial, nous font espérer un paysage sonore qui prolongerait métaphoriquement et physiquement la quiète sécurité du bain amniotique initial.

Paysages sonores avez vous une âme ?
Certes oui, celle que nous nous efforçons, à grand renfort de cris et de silences, de vous confectionner, et sans doute, bon gré mal gré, de construire selon nos propres modes de vie, avec des énergies positives, comme avec des carences et dysfonctionnements récurrents.
L’essentiel étant peut-être, de ne pas rester sourds aux états d’âme du paysage. Il est en grande partie ce que nous en faisons, parfois en notre âme et conscience, parfois, souvent, en parfaite inconscience.
Conserver l’âme d’un lieu, c’est garder suffisamment de recul, pour éviter que trop de choses n’échappent à notre écoute, et en partie à notre maîtrise, dans une chaotique hégémonie sonore qui rendrait invivable, inhabitable, impraticable, tout espace public.

POINTS D’OUÏE, SÉQUENCE URBAINE

Séquence de ville rythmique

ma-ville-la-nuit

Nuit tombée,

dans une rue assez calme,

bordée d’une voie ferrée,

en hauteur…

Passage d’un train,

assez court,

plaintes aiguës de freins,

sur deux tons,

à la quarte,

cliquettements,

martèlements saccadés,

rythmes caractéristiques,

éloignement rapide,

extinction,

un instant de calme,

trois jeunes femmes me croisent,

bottes à talons hauts,

beaux claquements,

ainsi d’autres rythmes,

sur l’asphalte cette fois-ci,

nouvel instant de calme,

quatre voitures passent,

assez lentement,

chuintements sur le sol mouillé,

encore un instant de calme,

puis,

une personne,

avec une valise à roulettes,

petit grondement,

saccadé par la marche,

un klaxon au loin,

comme une ponctuation…

Si je voulais composer, un paysage sonore,

à partir de rythmes urbains,

celui-ci serait parfait !

Rien à retoucher !

Juste,

le saisir sur le vif !

POINTS D’OUÏE, UNE EXPÉRIENCE LIÉE À L’ART RELATIONNEL ?

INTERACTIONS ET PRATIQUES RELATIONNELLES  ?

Durant une série de promenades, formations, rencontres, dans la belle province de Québec, nous avons récemment, avec Jocelyn Fiset, un ami artiste et directeur d’un centre d’art autogéré, le GRAVE , à Victoriaville, discuté de ma pratique sonore à l’aune de ce que l’on nomme parfois l’art relationnel.

Nicolas Bouriaud a d’ailleurs longuement développé le concept d’esthétique relationnelle.

Je questionne ici le projet Points d’ouïe pour tenter, sans doute en partie, de mieux définir, ou redéfinir, les spécificités et finalités de l’action, à l’aune donc d’une approche relationnelle.

Points d’ouïe a t-il du sens sans ses actions in situ, partagées de concert avec un public invité ou embarqué ?

Il me semble bien que non. Une des raisons d’être du projet réside dans le geste, l’action, le fait de confronter son écoute, son corps, ses pratiques, à un territoire donné, et de le partager avec d’autres écoutants.  Le faire est ici primordiale, il amène à de nouveaux plaisirs, mais aussi à de nouvelles consciences, celles de l’espace, de pratiques sociales, vers de nouvelles réflexions sur des problématiques en prise directe avec le terrain et ses usagers, passagers, résidents… Le faire ensemble est beaucoup plus pertinent que l’action isolée. Il soude une expérience partagée entre des participants, les aide à développer une énergie communicative, à se mettre en synergie les uns les autres, il contribue à embarquer vers de nouveaux territoires auriculaires.

Points d’ouïe existe t-il encore sans une proposer une réelle interactivité, une sorte d’espace exploratoire ludique, confrontant public et territoires/paysages sonores ?

La question est, avouons le, orientée pour  répondre par la négative. Il faut que l’artiste, tout comme les écoutants embarqués, déclenchent, par leurs gestes, leurs postures, leurs pensées, des réponses paysagères singulières. Il faut que ces réponses-mêmes induisent d’autres gestes et que ces gestes à leur tour enclenchent… L’interactivité n’est pas ici appuyer sur un bouton, passer sous le champ d’un capteur pour déclencher quelque chose. L’interaction, ce sont les nombreux et incessants dialogues et échos qui nous relient à un site, à des ambiances, à une superposition de couches paysagères, acoustiques, hétérotopiques. On ne peut pas se couper de ces réalités, décalages, frottements, de ces aller-retours entre hommes et lieux, provoqués notamment par la marche. Marcher, c’est provoquer des symbioses, des résistances, synthoniser ses sens en les excitant dans d’incessants réajustements, face à l’imprévu du territoire. La sérendipité convoque une interaction qui nous fait écrire des parcours sans cesse renouvelés, chemins de travers, bifurcations, impasses parfois, nouveaux départs… Bref, une interactivité qui enrichit fortement le projet, voire le maintient tout simplement crédible et vivant .

Points d’ouïe contribue t-il a tisser des relations interpersonnelles, à poser une réflexion concernant et impliquant une communauté d’écoutants, via ses relations avec différents espaces sonores ?

Là encore, une évidence s’impose. Ce qui est recherché, au-delà d’un plaisir immédiat, d’une sensibilisation à des problématiques esthétiques, écologiques, sociales, c’est bien aussi une émulation issue de ce qui va se passer entre les participants eux-même, avec l’artiste compris, qui va lui, tenter de catalyser ces énergies. Des énergies d’écoutes, des propositions qui ne viennent pas que de l’artiste, mais aussi d’individus réunis par une marche, un désir de partager un moment singulier, inhabituel, fabriqué de concert. Ce sont les regards, les sourires, des instruments ou objets qui passent de mains en mains, un dialogue qui clôt l’action en permettant d’évoquer ses ressentis, ses frustrations, ses gènes, ses plaisirs.

Le relationnel est au cœur de l’action, et l’artiste, en tout cas celui que je suis, fait tout pour qu’il en soit ainsi ! Un parcours n’est pas une chose inanimée, écrite de façon définitive et sans retour. Un geste d’écoute, une pensée, sont influencés par le terrain, mais aussi par les réactions contagieuses, rhizomatiques, d’un groupe, qui va se construire ses propres connivences, ses propres codes, même fragiles et éphémères, au fil des déambulations, des auscultations, des conversations… Points d’ouïe est un espace d’échange interconnecté entre le lieu, les sons et les écoutants, les artistes et tous ceux qui se laissent embarquer dans l’aventure. Points d’ouïe n’existe que par ses relations tissées de connivences et de partages. Le couper de ses bases relationnelles fait de lui une coquille vide, dénuée de sens, et qui somme toute n’a plus de raison d’être. Le Monde appartient à ceux qui l’écoutent, de concert bien sûr.

POINTS D’OUÏE, AUTRES APPROCHES

POINTS D’OUÏE, AUTRES APPROCHES

Une point d’ouïe, comme un point de vue, n’engage a priori, que celui qui le propose, qui le définit, qui le défend, qui le partage…

Néanmoins, un point d’ouïe qui ne serait partagé que par un seul écoutant n’aurait pas grande valeur.

Un point d’ouïe se partage, dans ses approbations comme dans ses contradictions, dans ces acceptations comme dans ses réticences.

Un point de vue n’est pas donné, dans une spontanéité universelle, acquise d’emblée par tout une communauté d’écoutants. Il se conquiert, parfois de haute lutte, parfois avec une ferme ténacité, nécessaire pour travailler dans un long terme.

Un point d’ouïe est rarement uniforme, monobloc et d’emblée saisissable dans une intégrité évidente. Il superpose des couches sonores qui, selon les degrés de perceptions, les cultures, les postures, les disponibilités de l’instant d’écoute, les moments, les lumières, les accidents et aléas divers… constitue une matière sonore en perpétuelle recomposition. C’est une sorte de magma acoustique vivant, à la fois identifiable et sans cesse mouvant – magma qui parfois laisse percevoir une entité semblant  stable, solide, offerte aux oreilles sans trop d’effort, et à d’autres moments qui parait se matérialiser et de dématérialiser  sans cesse, comme une série d’ombres fuyantes, vibrantes, floues et éthérées.

Un point d’ouïe est un lieu de rencontre où regard, écoute et paroles se rejoignent, pour partager des paysages à construire et à vivre en commun, ne serait-qu’un instant d’écoute.

POINT D’OUÏE – PARCOURS D’ÉCOUTE AU MUSICA KLANKENBOS DE NEERPELT (BE)

La Marche comme une philosophie introspective, une poétique de vivre

Aristote emmenait ses disciples, les péripapéticiens, écouter son enseignement en marchant dans le quartier du Lycée à Athène. Jean-Jacques Rousseau, dans ses Rêveries d’un promeneur solitaire, entamait au sein de ses errances philosophiques une ultime réflexion inachevée. Il y questionnait ses relations avec les hommes, quitte à régler quelques comptes, et se remettait lui-même enquestion. Sa vie, ses passions, la liberté, le bonheur, la contemplation, la nature…. tout cela au gré d’une série de promenades.
Chaque promenade, parfois plus symbolique, métaphysique, que physique, soulevait une ou plusieurs questions philosophiquesexacerbées par une déambulation aux travers des paysages réels ou mentaux. Nombre de grands penseurs, tels Kant, Nietche, Gandhi, De Certeau… ont prôné la marche comme un acte favorisant l’exerciceintellectuel, la méditation, l’introspection, la résistance politique, dans des postures mentales plus ou moins erratiques, mais néanmoinsle plus souvent des plus fertiles.On peut penser à Arthur Rimbaud, « ce marcheur forcené » comme le définissait Marcel Proust, ou l’homme au semelles de vent selon Verlaine qui franchit le Saint – Gothard à pied, dans de très rudes conditions hivernales, écrivant ce faisant une correspondance (la lettrede Gênes) où L’esprit rimbaldien touche à son apogée, avant la grande rupture de l’Orient… « Rien que du blanc à songer, à toucher, àvoir ».
Sur un autre mode poétique plus doux, Jacques Réda, écrivain passionné de musique et de jazz, compose ses rêveries poétiquesurbaines au fil de L’herbe des pavés, en promeneur solitaire contemporain à la pensée inspirée et vivifiée par la déambulation au pas àpas. On pourrait ainsi multiplier les exemples de marcheurs qui, dans la nature ou en ville, exacerbent leurs réflexions intellectuelles, philosophies, poétiques, en mettant, dans tous les sens du terme, leur pensée en marche. C’est en prenant le temps de progresser aurythme de la marche, au pas à pas, que nous nous enrichirons de ces états de rêverie et de réflexion nées lors de nos déambulations pédestres.

Des marches sonores, démarches sonores

Signalétique et consignes d’écoute sur le parcours du Klankebos – Musica à Neerpelt (BE -Limbourg)

La marche sonore ou la promenade écoute est le fait de marcher dans le but d’écouter, de s’imprégner des paysages sonores, d’en jouir,et sans doute de les comprendre un peu plus finement, intimement, dans leurs fonctionnement, et constitue un geste performatif. Ce dernier est aujourd’hui reconnu dans le champ des arts sonores, parfois dans la sous-catégorie Sound Ecology, ou Acoustic Ecology,que l’on pourrait traduire ici en français par écologie sonore, soit une approche sonore environnementale, à la fois scientifique, sensible, esthétique.
 Au-delà des approches écologiques et artistiques, nous nous interrogerons sur des postures d’écoute impliquant des approches intellectuelles qui construisent, au-delà du simple fait d’écouter, des modes de perceptions et de prospections mentales, résultant d’interactions marche/écoute/environnement. La marche sonore induit des postures telles la rêverie, l’errance et la dérive, notamment la dérive inspirée de celle des situationnistes de Guy Debord, mais aussi à l’opposé, les repères sécurisants du trajet, du parcours, de l’itinéraire tracé, physique ou mental. Construire du territoire, de la pensée, des méthodes, des outils d’analyse, des cartes, du plaisir… l’écoute en marche joue par ses stimuli sensoriels un rôle des plus actif.
La marche sonore, instrument d’analyse et de construction du territoire
Outre la jouissance sensorielle, le plaisir lié à l’esthétique du paysage sonore, la marche constitue un outil d’analyse, de prospection, deconstruction, voire de modélisation d’un territoire. En marchant, on peut faire un état des lieux de ses sources sonores, des choses à entendre qui disparaissent au fil des saisons ou des transformation du territoire, de celles qui apparaissent, ou réapparaissent, des modifications subites ou progressives des ambiances auriculaires d’un site. Dans une promenade, on repérera différents lieux avec leurs caractéristiques propres, leurs effets acoustiques, leurs « couleurs » et ambiances.En effectuant différents parcours, urbains ou naturels, on pourra ainsi comparer plusieurs paysages sonores, ceux où l’on se sent bien, ceux où l’on se sent moins bien, voire-même agressé par certains bruits trop fortement omniprésents, hégémoniques. L’exercice répété de ces promenades nous donnera une oreille très sensible aux sons, nous permettant d’écouter attentivement de grands espaces comme des micro-bruits. Cette expérience fournira au promeneur-écoutant une faculté d’analyse accrue d’un paysage àl’oreille. Au-delà des mesures quantitatives, du nombres de décibels enregistrés, on pourra juger des qualités et défauts d’un territoire enanalysant ses environnements sonores spécifiques. Parfois, je me suis associé, comme un promeneur écoutant, à des paysagistes, architectes, urbanistes, pour faire entrer dans les études d’aménagement l’analyse qualitative de l’environnement sonore comme un critère important dans la construction d’un espace public. Penser un espace en chantier comme un territoire que l’on écoute aussi, où le confort de l’oreille, comme celui de la vue doit être envisagé en amont de l’aménagement permettra peut-être d’éviter certains dysfonctionnements paysagers où l’environnement sonore devient source de pollution et non de plaisir comme il devrait l’être. Une oreille avertie, entraînée devrait quasiment systématiquement être associée au regard de l’aménageur pour ne pas, une fois les aménagements réalisés, constater leurs dysfonctionnements sonores. On pourrait ainsi réduire la pose de murs anti-bruit tentant de« soigner » un environnement déséquilibré à l’écoute, si l’on prenait en compte en amont l’exigence d’une qualité de l’écoute comme un véritable facteur esthétique, mais aussi social et culturel.
In – Gilles Malatray – Des Arts Sonnants – Parcours d’écoute Musica Klankenbos – Neerpelt – Décembre 2011

Carte géotaguée des points d’ouïe – Parcours d’écoute au Klankenbos – Musica à Neerpelt (BE Limbourg)

Lire le dossier complet sur Academia (téléchargeable)

POINTS D’OUÏE – TRAVAILLER LES PAYSAGES SONORES

Travailler les paysages sonores ?

J’ai voulu travailler un paysage sonore de corons, mais on m’a dit que le son avait mauvaise mine !

J’ai voulu travailler un paysage sonore du journalisme, mais on m’a dit que le son avait mauvaise presse!

J’ai voulu travailler un paysage sonore de vignobles, mais on m’a dit de ne pas travailler en vin !

J’ai voulu travailler un paysage sonore du corps, mais on m’a dit que le son faisait tabou (la rasa ?)!

J’ai voulu travailler un paysage sonore de la guerre, mais on m’a dit que le son par trop désarmait !

J’ai voulu travailler un paysage sonore de l’église, mais on m’a dit que le son était de mauvaise foi !

J’ai voulu travailler un paysage sonore de la justice, mais on m’a dit que le son n’avait jamais connu de lois ! Idem pour le paysage sonore de la justice !

J’ai voulu travailler un paysage sonore de la cuisine, mais on m’a dit que le son avait trop mauvais goût !

J’ai voulu travailler un paysage sonore de l’écologie, mais on m’a dit que le son n’avait pas l’oreille verte !

J’ai voulu travailler un paysage sonore, mais on m’a dit que…

Alors, devant ces résistances, je me suis dit que le son avait vraiment quelque chose à dire, et qu’il fallait bien, à un moment ou à un autre, lui donner enfin la parole.

POINTS D’OUÏE – MARCHER POUR MIEUX S’ENTENDRE

ALÉATOIRE ET À TRAVERS

Marcher,
Marcher encore,
Marcher toujours,
Si possible,
Emmener,
D’autres marcheurs,
Grossir les rangs,
Partager,
Ou non,
Parcours,
S’immerger,
Dans la ville,
Dans les rues,
Le long des quais,
Dans la proximité d’un territoire à trouver,
Dans les interstices,
Dans la trivialité d’un moment,
De jour,
De nuit,
Entre chiens et loups,
A l’aube,
Dans nulle part,
Ou ailleurs,
Marcher,
S’user,
Urbaniquement parlant,
Déambulation,
Se fondre dans la pierre,
Le bitume,
Dans les sons,
Dans la lumière,
Dans la pénombre,
Dans l’obscurité,
Se confondre avec des gens,
S’en extraire,
Les fuir,
Les retrouver
S’imprégner des odeurs,
S’arrêter,
Parfois,
à l’envi,
Marcher,
Ecouter,
Regarder,
S’isoler,
Péripler,
Pas à pas,
A perdre son entendement,
Ou l’aiguiser,
Qui sait,
Errance,
Ne pas résister,
Se couler,
Dans un flux,
Ou plusieurs,
ans le courant,
A contre-courant,
Oublier,
S’oublier,
Marcher,
Solitaire,
De concert,
Flânerie,
Frôler,
Se glisser,
S’immiscer,
Trouver les failles,
Les aspérités,
Le lisse,
Le rugueux,
La foule,
Le silence,
Le chaos,
Ou un semblant de chaos,
Le vide,
Le plein,
L’entre-deux,
Avancement,
Etre stoppé,
Découvrir l’obstacle,
Trouver l’allure,
Ou non,
Emmener,
Sur ses traces,
Dans l’éphémère,
Faire durer,
Perdurer
Inviter,
Sans forcément savoir à quoi,
Se poser,
Se laisser submerger,
Envahir,
Déborder,
Céder,
S’aider,
Ne pas calculer,
Sensations,
Ne pas préméditer,
Frissons,
Ne rien lâcher,
Ou lâcher prise,
Eprouver,
Le végétal,
L’humain,
La pluie,
Le vent,
L’inconscience,
Aller vers la musique,
Le brouhaha,
Le tintamarre,
Le chuchotement,
Le non entendre,
Ou s’en éloigner,
Echanger,
Un regard,
Un sourire,
Une complicité fragile,
Une incompréhension latente,
Une parcelle d’invisible,
Marcher,
Aller vers,
Aller contre,
Aller avec,
Aller sans,
Aller, encore
Souvenirs,
Du paysage ouvert à l’incertitude,
Association,
Ou rupture,
Perdre ses repères,
En trouver d’autres,
Peut-être,
Avancer,
Point de chute,
Détours,
Impasses,
Passages,
Reliefs,
Platitudes,
Accentuations,
Rondeurs,
Traversées,
Un semblant d’initiatique,
Une terne réalité,
Des pans de rêves cités,
Les mots s’étirent,
L’esprit se noie,
Trop de sensations sauvages,
Zig-Zag,
Du coin de la rue,
Du pied de l’escalier,
A la porte de je ne sais où,
De ruelles en collines,
Se régénérer,
Se défiler,
Filer,

Ecouter

Transcender,

Dans la marche, erratique, ou écrite…

Texte en écoute, lecture croisée avec Valérie Champigny

POINT D’OUÏE LYONNAIS, FAÇON PÉREC

TENTATIVE D’ÉPUISEMENT D’UN POINT D’OUÏE LYONNAIS , FAÇON PÉREC

Hier, mardi 18 août, aux alentours de 21H, assis sur les marche du Théâtre Nouvelle Génération, rue de Bourgogne à Lyon, 9e arrondissement.
Une légère pluie vient tout juste de cesser, l’air est agréable, presque frais. La nuit est maintenant tombée.

Lorsque le magnétophone connait ses limites, les mots s’y substituent…

Devant moi, une intersection avec des feux tricolores, des voitures de tous genres passent, s’arrêtent, passent, s’arrêtent, passent, s’arrêtent… Voitures, camions, motos, à chacun sa façon de vrombir…
Un bar ouvert, le patron rentre tables et chaises en causant fort avec des clients à l’intérieur.
Une jeune femme passe tout près, d’un pas pressé. Ses tongues claquent sur l’asphalte mouillé.
Une voiture anime la rue des puissants cliquetis de la grosse remorque métallique qu’elle tracte. On l’entend venir bien avant de la voir et partir bien après l’avoir perdu de vue. Hors champ.
Un vélo traverse le scène, en silence.
Un bus en colère klaxonne rageusement après une voiture qui lui a joliment grillé la priorité.
Un train de marchandise, sur la droite, hors-champ, n’en finit pas de secouer le paysage de ses rythmes saccadés, réverbérés par les constructions adjacentes et les deux ponts de pierres qu’il enjambe.
Le clocher de l’église de l’Annonciation, que l’on voit émerger des toits, égrène ses neuf coups, avec de surprenants échos qui feraient croire que deux clochers se répondent très rapidement.
Un groupe de promeneurs déambulent en parlant de vive voix d’un spectacle apparemment très apprécié.
Des gens fouillent les poubelles d’une supérette, on entend les froissements des sacs en plastique et les fermetures des couvercles.
Une moto, monocylindre, (Harley peut-être?) démarre du feu avec un tintamarre à la fois beau et à la limite de ce que le paysage urbain, et ses habitants, puissent supporter.
Un père de famille portant sur ses épaules une fillette, lui fredonne une chansonnette que l’enfant a l’air de fort apprécier.
Deux personnes regardent à leur fenêtre, en silence.
Un autre train, plus discret et plus court celui-ci.
Le bar ferme ses portes dans un bref mais énergique roulis métallique.
La supérette ferme également ses portes sans particulièrement se signaler à l’oreille, seule l’extinction de ses lumières atteste de sa fermeture. Le quartier, petit à petit, presque en catimini, se blottit un peu plus profondément dans la nuit.
Un jeune homme africain arrive en chantant, me demande du feu avec une voix joviale. Come je lui répond que je n’en ai pas, du fait que j’ai cessé de fumer, il me répond dans un grand rire que j’ai bien de la chance, et s’en va en m’adressant un sympathique signe de la main.
Les voitures se raréfient progressivement, jusqu’à laisser de temps à autre, de vraies plages de silence, durant quelques secondes en tout cas… Surprenant et apaisant.
Un jeune homme chevauchant un Vélov (bicyclette urbaine en libre location) tente de venir arrimer sa monture à la station se trouvant à quelques mètres de moi. Comme il n’y a pas d’espaces libres, il repart en grommelant.
Nouveaux tintements des dames d’airain dans leur tour de pierre, qui semblent rassurer le quartier. Dormez tranquilles braves gens, nous veillons sur vous…
Des adolescents, garçons et filles, arrivent en parlant haut et fort, en chantant et en faisant tintinnabuler leur réserve de bouteilles qu’ils portent dans de grands sacs. Le calme reprend peu à peu le dessus lorsqu’ils s’éloignent. La rentrée étudiante s’approche.
La fenêtre d’où observait le couple s’est refermée, sans bruit.
Un autre train se fait entendre, toujours invisible, de voyageurs celui-ci.
L’heure avançant, les événements deviennent moins denses, le quartier s’apaise, je décide alors de rentrer.

Ainsi va la ville, ou tout au moins une tranche de ville, lorsqu’on lui prête l’oreille