POINTS D’OUÏE, UNE EXPÉRIENCE LIÉE À L’ART RELATIONNEL ?

INTERACTIONS ET PRATIQUES RELATIONNELLES  ?

Durant une série de promenades, formations, rencontres, dans la belle province de Québec, nous avons récemment, avec Jocelyn Fiset, un ami artiste et directeur d’un centre d’art autogéré, le GRAVE , à Victoriaville, discuté de ma pratique sonore à l’aune de ce que l’on nomme parfois l’art relationnel.

Nicolas Bouriaud a d’ailleurs longuement développé le concept d’esthétique relationnelle.

Je questionne ici le projet Points d’ouïe pour tenter, sans doute en partie, de mieux définir, ou redéfinir, les spécificités et finalités de l’action, à l’aune donc d’une approche relationnelle.

Points d’ouïe a t-il du sens sans ses actions in situ, partagées de concert avec un public invité ou embarqué ?

Il me semble bien que non. Une des raisons d’être du projet réside dans le geste, l’action, le fait de confronter son écoute, son corps, ses pratiques, à un territoire donné, et de le partager avec d’autres écoutants.  Le faire est ici primordiale, il amène à de nouveaux plaisirs, mais aussi à de nouvelles consciences, celles de l’espace, de pratiques sociales, vers de nouvelles réflexions sur des problématiques en prise directe avec le terrain et ses usagers, passagers, résidents… Le faire ensemble est beaucoup plus pertinent que l’action isolée. Il soude une expérience partagée entre des participants, les aide à développer une énergie communicative, à se mettre en synergie les uns les autres, il contribue à embarquer vers de nouveaux territoires auriculaires.

Points d’ouïe existe t-il encore sans une proposer une réelle interactivité, une sorte d’espace exploratoire ludique, confrontant public et territoires/paysages sonores ?

La question est, avouons le, orientée pour  répondre par la négative. Il faut que l’artiste, tout comme les écoutants embarqués, déclenchent, par leurs gestes, leurs postures, leurs pensées, des réponses paysagères singulières. Il faut que ces réponses-mêmes induisent d’autres gestes et que ces gestes à leur tour enclenchent… L’interactivité n’est pas ici appuyer sur un bouton, passer sous le champ d’un capteur pour déclencher quelque chose. L’interaction, ce sont les nombreux et incessants dialogues et échos qui nous relient à un site, à des ambiances, à une superposition de couches paysagères, acoustiques, hétérotopiques. On ne peut pas se couper de ces réalités, décalages, frottements, de ces aller-retours entre hommes et lieux, provoqués notamment par la marche. Marcher, c’est provoquer des symbioses, des résistances, synthoniser ses sens en les excitant dans d’incessants réajustements, face à l’imprévu du territoire. La sérendipité convoque une interaction qui nous fait écrire des parcours sans cesse renouvelés, chemins de travers, bifurcations, impasses parfois, nouveaux départs… Bref, une interactivité qui enrichit fortement le projet, voire le maintient tout simplement crédible et vivant .

Points d’ouïe contribue t-il a tisser des relations interpersonnelles, à poser une réflexion concernant et impliquant une communauté d’écoutants, via ses relations avec différents espaces sonores ?

Là encore, une évidence s’impose. Ce qui est recherché, au-delà d’un plaisir immédiat, d’une sensibilisation à des problématiques esthétiques, écologiques, sociales, c’est bien aussi une émulation issue de ce qui va se passer entre les participants eux-même, avec l’artiste compris, qui va lui, tenter de catalyser ces énergies. Des énergies d’écoutes, des propositions qui ne viennent pas que de l’artiste, mais aussi d’individus réunis par une marche, un désir de partager un moment singulier, inhabituel, fabriqué de concert. Ce sont les regards, les sourires, des instruments ou objets qui passent de mains en mains, un dialogue qui clôt l’action en permettant d’évoquer ses ressentis, ses frustrations, ses gènes, ses plaisirs.

Le relationnel est au cœur de l’action, et l’artiste, en tout cas celui que je suis, fait tout pour qu’il en soit ainsi ! Un parcours n’est pas une chose inanimée, écrite de façon définitive et sans retour. Un geste d’écoute, une pensée, sont influencés par le terrain, mais aussi par les réactions contagieuses, rhizomatiques, d’un groupe, qui va se construire ses propres connivences, ses propres codes, même fragiles et éphémères, au fil des déambulations, des auscultations, des conversations… Points d’ouïe est un espace d’échange interconnecté entre le lieu, les sons et les écoutants, les artistes et tous ceux qui se laissent embarquer dans l’aventure. Points d’ouïe n’existe que par ses relations tissées de connivences et de partages. Le couper de ses bases relationnelles fait de lui une coquille vide, dénuée de sens, et qui somme toute n’a plus de raison d’être. Le Monde appartient à ceux qui l’écoutent, de concert bien sûr.

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