Territoires et paysages sonores, écoutes actives et pédagogies



Parce que si la nuisance sonore est un fait, une réalité, une source de problème sanitaires, une gêne stressante, nos environnements ne se réduisent heureusement pas à ces constats négatifs et dépréciatifs.


Durant de nombreuses années, en collaboration avec des établissements d’enseignement, de la maternelle à l’enseignement supérieur, Desartsonnants a mené, et le fait encore, un travail autour de l’écoute (active) et des pédagogies liées aux notions de paysages sonores, dans le but d’ouvrir les oreilles, sans (trop) subir les pollutions sonores ambiantes, ou en se demandant comment y remédier, s’en protéger.
De nombreux workshops avec des écoles supérieures de design, d’architecture, ont été menés (écouter et qualifier les ambiances acoustiques, contrôler, maitriser les productions sonores, travailler les sonals et identités acoustiques, le design d’ambiance, le son et le multimédia…).
D’autres, avec des écoles de géographie, d’arts, de gestion de projets culturels et artistiques, conservatoires de musique, centres d’art, ont tenté de répondre à des problématiques et demandes spécifiques.


Des collaborations avec des PNR, CAUE, Collectivités locales et territoriales, réseaux éducation santé, agences d’urbanisme, ont fait se rencontrer et croiser différents territoires de recherche et pratiques. Rencontres, groupes de travail, conférences, ateliers, colloques, ont contribué à développer des réseaux actifs, interdisciplinaires et au fait de concevoir des outils de sensibilisation et d’apprentissage, susceptibles de répondre à de nombreux cas de figure (et d’oreille).
Aujourd’hui, la réduction galopante des budgets permettant aux structures publiques de travailler avec des personnes extérieures , rend hélas ces interventions et collaborations de plus en plus difficiles, même si des projets d’Urbanisme Culturel tendent à ouvrir de nouvelles portes et champs d’expérimentation situés.


Impliquer les oreilles, apprendre à lire des paysages sonores en mouvement, en transition, mettre en place des pédagogies ad hoc, laisser la place à des écoutes qualitatives, prendre en compte les aménités audio-paysagères, sans rester dans l’unique champ du bruyant, ni l’ignorer non plus, restent des chantiers importants. Chantiers à mener pour lutter contre l’affadissement cacophonique du monde, maintenir des relations humaines renforcées au gré des sons, considérer le paysage sonore comme un commun à défendre, protéger, voire soigner et construire collectivement.
L’écoute partagée restant la clé de voûte préalable à toute action de terrain.

Thématiques, problématiques et actions de terrain

Depuis plusieurs années, voire décennies, quelques axes directeurs guident mes oreilles, pas et micros, en structurant des projets suivant quelques thématiques et/ou problématiques. Le paysage, ses approches esthétiques et écosophiques, nos relations avec et par les sons, l’aménagement de territoires où mieux ouïr, font partie de ces questionnements récurrents. Sur le terrain, des lignes d’action naissent et voyagent, se réécrivent au fil des lieux et des rencontres.
Les PAS – parcours audio sensibles, les arpentages en duos d’écoute, nous font parcourir des espaces en immersion, et en mobilités douces.
« Et avec ta ville, comment tu t’entends ? », les inaugurations de Points d’ouïe, posent la question de nos rapports aux univers sonores, urbains ou non, sans tomber le « mur du tout bruit », mais en cherchant plutôt les aménités audio-paysagères.
Le projet Dedans/dehors s’intéresse aux barrières et aux porosités acoustiques, aux espaces de communication, dans des milieux plus ou moins enfermants, tels les hôpitaux, centres psychiatriques, prisons, lieux d’accueil pour personnes handicapées…
« Bassins versants, l’oreille fluante » suit de l’oreille la présence acoustique de l’eau dans les territoires, de l’Océan à la fontaine en passant par les rus, mares et torrents…
Des cartographies sonores pour donner à entendre un lieu, ses activités, ses acoustiques, ses paysages…
Quelques signatures sonores singulières attirent mes oreilles, les cloches, les fontaines, la réverbération de certains bâtiments telles les églises, mais aussi des parkings souterrains, les échos, les accents et parler locaux, et d’autres choses auriculaires qui font paysages.
Tout cela se construit longuement, traçant des chemins de traverse Desartsonnants, et cependant avec le fil conducteur d’écoutes multiples et autant que possible partagées.

Sur le terrain…

Donner une conférence autour d’un sujet qui m’est cher, que je porte à bout de bras, à portée d’oreille, est un moment riche, intense, qui me permet à la fois de reformuler, d’expliquer, d’échanger. C’est une façon de faire progresser mes réflexions et actions. Mais au-delà, afin de ne pas m’adresser essentiellement à un public déjà convaincu, pour employer une expression courante, il me faut me frotter sans cesse au terrain, à des publics pas forcément habitués à franchir les portes d’une institution « savante ». Des résidences d’écritures dans des territoires multiples, urbains ou non, des actions culturelles vers des publics intergénérationnels, des projets thématiques au sein de lieux alternatifs, des gestes performatifs dans le courant des arts en espace public… Autant de terrains pour échanger, collaborer, expérimenter, avec un maximum de personnes. À chaque fois, il nous faut écrire une nouvelle histoire commune, pour les oreilles, tirant ses ressources dans le terreau sonore du lieu, de ses habitants et habitantes.

Paysages sonores pragmatiques et humanistes


La notion de paysage sonore n’est pas seulement une vision esthétique, poético-sensible, loin de là.

Elle convoque et met en jeu, voire en action, un faisceau de pratiques, de problématiques, de nécessités, avant tout sociétales.
Parmi ces approches, citons :
– La recherche de zones apaisées, de corridors bioacoustiques, via notamment les zones calmes, les trames blanches.
– Le confort et la qualité acoustique des lieux bâtis, dedans/dehors, un urbanisme qui prend en compte le sonore, en amont des projets.
– La préservation de la santé publique, malmenée par un stress bruitiste grandissant et des conflits de voisinage.
– L’éducation à l’écoute par des dispositifs pédagogiques à tout âge et pour tous. Sensibilisation aux ambiances, aux marqueurs sonores, aux aménités paysagères, capacité d’écouter l’autre, humain ou non, d’entendre ses milieux de vie…
– Recherche art-science, art-action, où des gestes croisés développent des œuvres en interrelation avec des approches techniciennes, prospectives, scientifiques…

Ces croisements, collaborations, hybridations, ne diluent pas pour autant le paysage sonore dans un monde diffus, nébuleux, mais au contraire renforcent son existence et la place qu’il occupe, ou devrait occuper, dans une recherche écosophique globale.
Transdiciplinarité, voire indisciplinarité, sont plus que jamais nécessaires pour défendre des valeurs mises à mal, dans une société de plus en plus discriminante, égocentrée, violente, belliqueuse. Écouter c’est résister, c’est construire ensemble !

Éloge du hors-champ, ce que saisit l’oreille en matière d’invisible

Marche et écritures poétiques

Le hors-champ au cinéma, ou hors-scène au théâtre, est par définition ce qui sort du cadre. Cadre scénique, cadre filmique, des personnages ou événements sonores, par exemple, se perçoivent tout en n’étant pas dans le champ visuel. On les entend souvent, voix en coulisse, ambiances et bruits divers, musiques, sans les voir, après qu’ils aient quitté notre cadre de perception visuel, ou parce qu’ils s’en tiennent, volontairement ou non, éloignés.
Effet d’espace, effet de style, on ne voit pas tout ce que l’on entend. Il existe un espace élargi, qui donne lieu à des images mentales, à des représentations et interprétations du non visible. Le monde du sonore, de la création audio, de l’écoute, est ponctué de hors-champs, maitrisés, conceptuels, ou non.
L’invisible s’invite à l’oreille, et amène une couche perceptive, un niveau d’information supplémentaire. L’oreille y est logiquement très sollicitée. Greeneway, Ackerman, Tarkovski, Lynch, dans le monde cinématographique, entre voix off, ambiances et suggestions sonores, font du hors-champ un procédé narratif où le sonore joue un rôle prépondérant.
Mais les situations de hors-champ ne sont pas propres au seul cinéma, ou à la scène théâtrale.
La mise en écoute d’environnements sonores, d’espaces acoustique, le concept du paysage sonore comme un espace de représentation et d’écriture pour et par l’oreille, nous permettent de vivre de nombreuses situations de hors-champs auditifs.
J’en présenterai ici quelques-unes, relatives à mes propres expériences d’écoutant.

Des forêts et des oiseaux
En forêt, la majorité des oiseaux sont invisibles, mais bien présents à l’écoute. Les ornithologues, bio et éco-acousticiens se fient donc de préférence à leur oreille, et à des dispositifs d’enregistrements numériques pour tenter de les identifier, dénombrer, et faire des états des lieux concernant leur présence, absence, migrations, sur des territoires donnés.
Ces hors-champs audio naturalistes, au-delà des approches scientifiques, sont aussi des espaces d’écoute sensibles pour s’immerger dans les espaces acoustiques forestiers, avec la magie des chants d’oiseaux, notamment lors des chorus Dawn, que l’on pourrait traduire par chants de l’aube ou réveil des oiseaux. Moment magique et impressionnant pour qui s’aventure en forêt à l’heure bleue, juste avant le lever du jour, et qui vit une expérience immersive où, à défaut de voir les oiseaux, entend ce grand chœur avien qui réjouit l’oreille d’un immense hors-champ matinal. L’espace est peuplé d’un immense concert du matin, où les oiseaux sont majoritairement invisibles, mais ponctue les lieux d’un incroyable pointillisme quasi musical.

Un banc, une ville, une nuit
C’est une expérience montoise, une cité wallonne, lors du festival, City Sonic, où je m’installe, à nuit tombée, sur un banc public dominant la ville. La Grand-Place en contrebas à gauche, un square au pied de la petite colline où je suis installé, le grand beffroi carillonnant ponctuellement à l’arrière, autant de sonorités qui me parviennent dans une superbe spatialisation, dans l’obscurité de la ville. J’adore ce point d’ouïe panoramique, surtout les vendredis et samedis en soirée, là où les étudiants sont en goguettes, où les cris, les rires et les chants éclaboussent le centre de Mons. Ici aussi, dans cette petite ruelle peu passante, la majorité des sons ne se manifestent qu’à l’écoute, et d’autant plus présents que l’obscurité est installée. Une ville assez bouillonnante en écoute se dessine à l’oreille, sur un banc d’écoute où je reviens régulièrement, de soir en soir, d’année en année..

Un concert acousmatique, cinéma pour l’oreille
Début des années 80, je découvre la musique électroacoustique, ses dispositifs multicanaux, et la spatialisation des sons qui se promènent de haut-parleur en haut-parleur. L’espace musical est, dit-on, acousmatique, on n’en voit pas les sources. Écoutez, il n’y a rien à voir ! Le principe de ces musiques étant d’êtres des tissées de « sons fixés », selon l’appellation de Michel Chion, où l’approche concrète de Pierre Schaeffer, n’implique pas la présence de musiciens interprètes, hormis les cas de musiques mixtes, fait que les sources sonores ne sont pas visibles. Les auditeurs étant souvent plongés dans l’obscurité pour renforcer l’immersion. On pourrait dire ici que la mise en situation d’une écoute immersive, généralement sans image, est un bain sonore de hors-champs total, celui que Chion définit comme un « cinéma pour l’oreille ». Le fait que l’écoute s’affranchisse de la vue, du geste musical interprété sur scène, est propice à la fabrication d’images mentales, d’impressions et de ressentis intimes et intérieurs, qui nous place dans un paysage sensoriel mouvant, fugace. Nous sommes hors du champ d’une réalité musicale avec une scène frontale et relativement figée ou « calibrée » au niveau des positionnements des sources sonores. Bien sûr, d’autres dispositifs spatio-temporels existent, et parfois depuis longtemps, où sont aménagés pour diffuser et installer des œuvres spécifiques, autour des auditeurs, avec tous les hors-champs scéniques et hors scéniques possibles.

Le lointain tout près de chez moi
Un muret, tout contre la maison que j’occupe, me sert d’assise écoutante, surtout en fin de soirée, et de préférence aux « beaux jours ». La route voisine est assez peu circulante les week-ends, et laisse l’espace sonore se déployer au loin, l’oreille pouvant étendre, étirer son écoute jusqu’aux collines avoisinantes. C’est ainsi que les chants de rapaces en chasse, des trains ferraillant au loin, des voix d’enfants au bout d’un parc, tissent l’espace de sonorités invisibles, et pourtant parfaitement identifiables et localisables. On peut suivre de l’oreille, des trajectoires sonores, se représenter mentalement les topologies locales, les reliefs, situer le mouvement d’un train quittant la gare, ou y faisant escale, la cloche en haut de la ville. Là encore, le regard n’est pas le sens premier, voire est parfaitement inopérant pour entendre et se représenter la géographie acoustique des lieux. Les bribes sonores voyageant au fil des réverbérations paysagères, parfois des échos collinaires font du hors-champ un catalyseur d’écoutes situées, d’ambiances constituant des marqueurs et signatures d’identités sonores locales. Celle qui nous fait de l’oreille se sentir un peu chez nous.

Des porosités dedans/dehors, privé/public
Je me promènerai ici dans les dédales lyonnais bien connus que sont les traboules. Escaliers, passages couverts et cours intérieures me feront « débarouler » les pentes de la Croix-Rousse, ou traverser en zigzaguant le quartier historique du Vieux Lyon.
Les lieux points d’ouïe qui m’intéressent ici, comme des hors-champs auditifs remarquables, sont les cours intérieures, voire des cours à ciel ouvert, mais encastrées dans une série de sas architecturaux, les coupant de la frénésie urbaine toute proche.
Pourtant, malgré le côté oasis acoustique avéré, ces cours ne sont pas, tant s’en faut, muettes. En été, aux heures chaudes, en fin de soirée, de nombreuses fenêtres s’ouvrent sur ces puits sonores. On y entend, sans la voir, la vie, s’échappant par bribes sonores des habitants et habitantes. Sons de cuisine, de radios ou télés, de voix, de fêtes… Le privé, l’intime, s’échappent et s’entendent dans des espaces publics, ou semi-privatifs, en ouvrant le dedans sur le dehors, et vis versa. Cette situation d’écoute que l’on pourrait qualifier d’acousmatique – écouter sans voir est magnifiée, si je puis dire, de hors-champs qui animent les espaces d’un dynamisme où la vie déboule à ciel ouvert. Situation qui impulse des parcours d’écoute aussi riches que variés. Des sonorités sont amplifiées, enrichies, par les réverbérations d’espaces architecturaux, minéraux et très circonscrits, qui ravissent les oreilles écoutantes.

Des hors-champs à profusion, des signatures sonores
Dans cette approche exploratoire de hors-champs écoutables, entendables, on s’aperçoit que l’entendu invisible est monnaie courante dans les environnements traversés, arpentés. À tel point qu’ils contribuent à entendre de véritables signatures sonores, des marqueurs acoustiques, des points d’ouïe remarquables. L’oreille se saisit de l’invisible pour construire des paysages sonores inouïs, en tout cas pour celles et ceux quoi ne leur prêtent pas l’oreille.
Une certaine forme de sons/silences s’écoute en l’absence d’images, ou sans en voir l’origine des sources, ce qui peut parfois générer quelques inquiétudes, sinon peurs, dans l’exubérance sonore d’une forêt profonde, ou par un petit cliquetis perçu de nuit dans une ruelle étroite et sombre.
Néanmoins, les hors-champs restent à la fois une singularité auditive tout à fait excitante, et une expérience esthétique et sociale qui réjouissent notre écoute tout en nous renseignant sur les écosystèmes sonores dans lesquels nous vivons.

Installer le silence, donner lieu(x) aux sons

Silence on écoute
Silence on marche
Silence pour s’entendre entre les sons
Silences pour ressentir les espaces
Silences pour être dans l’ambiance
Silence pour se poser dans l’acoustique
Silence pour rythmer l’écoute
Silence pour s’immerger en douceur
Silence pour traverser la ville et ailleurs
Silence pour souder un groupe écoutant
Silences pour jouir des paysages sonores
Silence pour construire des paysages sonores
Silence pour apaiser l’espace
Silence pour ralentir le temps
Silences pour expérimenter les silences
Silence pour donner lieu(x) aux sons.

Des marches, amorces de chantiers d’écoute

Des gestes
Arpenter, mesurer, se mesurer aux territoires sensibles et à l’altérité co-écoutante
Entendre, s’entendre, mieux s’entendre
Débattre, échanger, partager
Résister, déchiffrer, défricher
Co-construire un monde écoutable et entendable

Un projet
La marche écoutante, le PAS – Parcours Audio Sensibles, sont des espaces-temps propices à ouvrir l’oreille sur des territoires en mouvement, à créer des zones de dialogues, de réflexions, d’expérimentations collectives, autour de problématiques auriculaires qui font communs.

Des approches (non exhaustives)
La forêt, la présence de l’eau dans le territoire, la ville, la nuit, la montagne, les sites et acoustiques remarquables, la pollution sonore, les aménités paysagères, l’écologie acoustique, l’écoute active, la lecture de paysages sonores, les pédagogies écoutantes actives et leurs outils, l’écoute dans l’éducation populaire, les pédagogies émancipatrices, l’écoute et les droits culturels, l’aménagement du territoire au prisme de l’écoute, la gestion du bruit, les inventaires et cartographies sonores, les approches transdisciplinaires et indisciplinées, les tiers-lieux et tiers-espaces comme espaces d’écoutes et de production, les communs auriculaires, les outils législatifs et sensibles, le paysage comme espace de création sonore et musicale, les espaces de résistance et de contestation entre silences et tumultes, les oasis sonores apaisants aménagés et protégés, les points d’ouïe-arrêts sur son, les postures d’écoute physiques et mentales, la construction et représentation de territoires sonores, le sonore entre physicalité et immatérialité, l’architecture sonore et le son comme espace architecturé, l’écoute le ralentissement et la lenteur, les fabriques écoutantes contextuelles et in situ, l’expérimentation sonore collective, le plaisir et la joie d’entendre, paupérisations disparitions et saturations de paysages fragiles…

Contact

desartsonnants@gmail.com

0033(0)780 061 465

Faire silence(s) ?

PAS – Parcours Audio Sensible à Kalinigrad (Ru)- Festival Sound Around »

Lorsque que l’on dit « faire silence », dans le verbe faire, il y a l’idée d’une construction, d’une fabrication tangible, acoustique, non ou peu bruyante, en marge, en écho, en superposition, en alternance… à l’écoute elle-même.
On fabrique ainsi littéralement du, ou des silences, couplés aux gestes d’écoute.
Parfois, comme par une forme sémantique marquant une distanciation, on observe le silence, plus une façon de l’entretenir, de le pratiquer, que d’en cerner les contours spatio-temporels, d’en analyser les qualités, la profondeur, les raisons d’être.
Refusant de répondre, plongé dans un mutisme assumé, on garde le silence, ne révélant rien de ce qui peut nous être demandé. On garde le silence dans un état persistant, résistant, comme on garderait le lit, envers et contre tout.
`Lorsqu’on se tait, ne révèle pas certaines choses, pour différentes raisons, les pires et les meilleures, on passe sous silence. Passer sous silence, comme on passerait sous les radars, serait-elle une forme de furtivité . Ne pas se faire entendre pour gagner en liberté d’agir, et non pas se taire en étant muselé.
Ne pas mot dire et ne pas maudire.
De même lorsque l’on fait non pas silence, mais lorsque l’on fait du bruit, au risque ou dans la volonté de bousculer des espaces en imposant parfois des ambiances, des sons, plus ou moins agréables, voire des nuisances.
Faire du bruit pour se signaler, pour manifester, pour résister, pour provoquer, ne pas se faire piétiner, aller à contre-courant d’un silence résigné, si ce n’est exigé. Mais d’un autre côté, la marche silencieuse, ou blanche, dans un silence de résistance non violente, pacifique, est aussi une forme de silence en mémoire, ou en opposition.
On peut également faire, en dehors du silence, de la musique. On peut la jouer, l’interpréter, la performer, l’improviser, la composer. Bref peuplé ou couvrir un silence qui véhicule et fait entendre trop de vides, de non entendus, de non festif. Toujours dans une idée de construire sciemment quelque chose d’entendable.
Toutes ces actions volontaires, impliquent des gestes qui vont construire, en solitaire ou à plusieurs, des scènes, des paysages, où les sons et les silences es sont étroitement mêlés, l’un parfois laissant, plus ou moins, la place à l’autre, le mettant en exergue, ou l’estompant, l’interrompant, s’y superposant.
Dans l’idée de faire silence, il y a bien de multiples raisons, objectifs, attendus, mises en situation…
Silence on tourne ! Dit-on sur un plateau de cinéma, voire dans un studio d’enregistrement « On air ». Il y a là une injonction à se taire, à ne pas faire de bruit parasite, pour ne pas polluer une prise de vue, ou de sons, et avoir à la refaire le cas échéant. Ne pas déranger, notamment via des émissions sonores intrusives, inopinées et perturbatrices.
Silence dans les rangs, est un « commandement », scolaire ou militaire, comme une demande d’attention, de respect, si ce n’est de soumission à une forme de discipline collective contraignante.
L’instituteur, le professeur, demandent le silence, le font respecter, pour que leurs paroles ne soient pas noyées dans le chahut, l’indiscipline incontrôlable. Pour que leur parole soit entendue. On revient par les marges sur une idée de silence obéissant, via un effort collectif, imposé pour le bien de tous.
Le chef d’orchestre aussi, en levant sa baguette, demande le silence à ses musiciens, et implicitement aux auditeurs, pour que la musique puisse s’interpréter et s’entendre dans de « bonnes » conditions.
Wagner, à une époque où on parlait, parfois fort, dans les représentations musicales, à l’opéra, construit une architecture spécifique, où le public, plongé dans l’obscurité, ne doit pas troubler le spectacle en devisant, riant, invectivant. Il faut faire silence pour apprécier l’œuvre.
Aujourd’hui, cette mise en situation silencieuse prévaut. Dans une salle de spectacle, tousser fort, longtemps, ouvrir l’emballage plastique d’un bonbon, chuchoter, sont de « mauvaises actions » qui nous valent des regards courroucés alentours, et nous couvrent d’opprobre, alors que nos voisins n’osent pas bouger d’un millimètre si leur siège à la mauvaise idée de grincer. Jour une partition tacet sans risquer la fausse note !
On est loin de l’ambiance taverne, où les bruits environnants font partie de l’ambiance. Le silence peut devenir une chape de plomb qui dissuadera certains spectateurs de pénétrer dans un antre aux pratiques ritualisées, avec tous ses codes et interdits, dont le silence. L’animateur qui emmènera de jeunes ados, peu rompus à l’exercice d’écoute en silence ,en fera parfois les frais…
Le silence monacal, celui propre aux lieux de prière, à la méditation, à la concentration spirituelle transcendantale, ménagera des espaces où on ne se croise physiquement que peu, ou pas, où l’on ne se parle pas, sinon dans des espaces-temps rigoureusement délimités. Là où les vœux de silence imposent des règles strictes et parfois difficiles à vivre, à suivre, dans des co-habitations qui effacent ou amoindrissent les communications orales, donc des espaces de sociabilité, d’humanité. Un silence de l’intimité personnelle, de l’introspection, mais aussi de l’éloignement de l’autre, ou de tiers éléments potentiellement perturbateurs. Le bruit détourne notre attention du « droit chemin », justification pour ménager, installer le silence. Mais on a occasionnellement, dans nos vies trépidantes, de formes de retraites silencieuses, dé-saturantes.
La minute de silence elle, marque un hommage cérémonial, un rituel en mémoire de, le souvenir de « héros » morts pour, ou d’un défunt dont on se souvient collectivement.
En architecture, à défaut de rechercher un « silence parfait », on isole les logements, à la fois des proches voisinages internes et de leurs bruits intrinsèques, et des sources bruyantes extérieures dans des sites urbains ou périurbains. Mais on cloisonne ainsi le dedans du dehors, jusqu’à un enfermement autistique, qui met à mal une vie sociale qui ne tend plus l’oreille vers l’extérieur, et laisse fermées ses fenêtres sur la vie de l’espace public. Un espace public qui ne s’entend plus, avec lequel on ne s’entend plus, une oreille sclérosée et des lieux acoustiquement paupérisés…
La solitude, par exemple celle du berger en pâturage, du gardien de phare, de refuges, contraint des « veilleurs » et surveillants à des silences plus ou moins forcés mais néanmoins assumés parfois comme de belles qualités de vie, des Ce peut être là une façon de s’extraire de la fureur du monde.
Néanmoins, le silence, où tout au moins le calme des uns n’est pas celui des autres. Blier fils fait dire à Blier père dans le film « Buffet froid « Parce que tu trouves ça calme ? Y commencent à me taper sur le système ces oiseaux !… » A chacun ses aspirations à un apaisement auriculaire. Qui n’a jamais entendu dire qu’un urbain se retrouve brusquement dans une campagne silencieuse, de nuit, était empêché de trouver le sommeil par… manque de « bruit ». Être en rupture avec le bruit en se frottant au silence demande parfois une adaptation, une accoutumance.
Il y a les taiseux, les taiseuses, celles et ceux qui préfèrent ne rien dire, mais écouter le monde.
Le silence révèle des beautés comme fait naitre des angoisses.
Lorsqu’il est de plomb, il s’impose comme une chape recouvrant les sons de la vie, les échanges, l’humanité même, fusse temporairement, avant qu’on vienne le briser, pour dire enfin, se faire entendre et ré-entendre le monde.
Une expérience surprenante, août1999, on peut assister à une éclipse totale du soleil, chose rare. Fin de matinée, l’obscurité se fait et tous les oiseaux se taisent, de même que toute la vie s’apaise pour contempler ce phénomène. Un silence étrange, magique, couplé à une obscurité inhabituelle, rapide, qui sera rompu par la réapparition du jour. Les habitants, nous ,les animaux, font silence face à un événement aussi beau que perturbant.
Un silence qui peut faire écho à celui installé dans les rues par la covid, et la disparition des sons de l’école, du marché, des bars, que j’ai personnellement mal vécu, malgré l’apaisement acoustique des grandes villes. Heureusement, il restait les oiseaux, les cloches, et les tintamarres de 20 heures à nos fenêtres.
Dans le milieu des audio-naturalistes, des ornithologues, on fait silence pour ne pas faire fuir la faune, l’écouter, voir l’enregistrer, sans qu’elle ne se dérobe à nos oreilles et micros, sans que notre présence fasse taire ce que l’on veut entendre..
Rachel Carson, dans son livre « Le printemps silencieux » montre comment le fait de ne pas ou plus entendre certaines choses du vivant, nous met devant le terrible constat d’une bio diversité moribonde, et de notre propre disparition questionnée, voire probable. Silence de mort…
Souvent, les randonneurs marchent en silence, façon d’être en immersion avec les forêts et montagnes traversées, et parfois de ne pas s’essouffler dans des passages à fortes dénivelées.
Quant à savoir si le silence est vraiment d’or et la parole d’argent, on peut penser que, selon les circonstances et les contextes, le postulat peut varier, voire s’inverser, ou ne pas être d’actualité.
Bref, des raisons et façons de faire silence, des motivations, des contextes, il y en a pléthore, sans aller jusqu’au silence de mort, qui serait un aboutissement sur lequel nous n’avons personnellement plus prise.…
Faire silence est une manière d’être au monde, de l’entendre comme faire sonner, mais sans faire (trop) de bruit.

Cartographier, faire entendre des territoires sonores

Repérer, inventorier, valoriser, raconter, faire entendre…

Des points d’ouïe et sites acoustiques remarquables
Des marqueurs sonores singuliers, des ambiances auriculaires
Une culture locale et des événements
La mémoire et le patrimoine du terroir
Des histoire(s), récits et fictions
Des parcours sonores, des façons de déambuler dans les sons

Un territoire et des paysages à portée d’oreille !

Une forme de tourisme culturel audio-paysagère en mode doux.

Un projet de territoire, éc(h)ologique, pédagogique, ludique, collaboratif, participatif.
Et avec ta ville, ta campagne, ton village… Comment tu t’entends.

Desartsonnants se tient à votre écoute pour tout projet autour des territoires sonores.
Les choses étant ce qu’est le son !



Un exemple en chantier
Amplepuis, une cartographie sonore

Possibilités de cartographies sur Qr codes, et/ou sur applications mobiles, embarquées, des technologies mixtes…

Paysage à portée d’oreille(s), une installation sonore

@Événement CRANE-Lab – Inauguration d’un point d’ouïe – Prieuré de Vausse Chätel Girard (21) – Festival Ex-VoO 2016

Choisir un lieu
s’y poser
s’y reposer
s’y installer
y installer l’écoute
collective
attentive
rêveuse
simple
surprenante
à oreille nue
profiter de la richesse sonore ambiante
en jouir
s’immerger dans les sons
apprécier les espaces acoustiques multiples
les mouvements sonores complexes
accueillir les aléas
les événements impromptus
et d’autres surprises auditives
renouveler l’expérience d’écoute installée sur différents lieux
tracer un parcours
le suivre
fabriquer des points d’ouïe de concert
faire de l’expérimentation sonore un chantier d’écoute à ciel ouvert
avoir une écoute critique
partagée
sensible
vers de curieuses auricularités.

Vers 2025

Entre un ancrage Beaujolais vert, avec l’Atelier-Tiers-Lieu d’Amplepuis, et notamment une approche des « Nourritures terrestres côté cuisine », des explorations liés aux arts numériques, des réseaux à tisser…
La mise en chantier d’une cartographie sonore amplepuisienne.
Un nomadisme conduisant Desartsonnants dés le mois de janvier à Chambéry, auscultation collective du quartier Biollay, puis au Festival Longueur d’Ondes à Brest pour de belles rencontres.
La poursuite du projet Bassins Versants l’oreille fluante, avec le bidouillage d’un instrumentarium audionumérique pour installer ou improviser des paysages sonores aquatiques, ou autres…
Un récit en parcours d’écoute, un festival de cabanes savoyard, un bout de forêt, avec lectures de Thoreau et de son approche pré-écologique du monde par les oreilles.
Autre histoire vagabonde, entre promenades écoutes, danse et arpentages géographiques à Épinal.
Une nouvelle audio-excursion belge, au fil des ans, Desartsonnants ne s’en lasse pas.
Et d’autres chantiers sous l’oreille.
L’année 2025 se profile, plus incertaine que jamais…

Et avec ta ville, comment tu t’entends ? (suite)

Et avec ta ville, comment tu t’entends ?

Desartsonnants propose un atelier autour de l’écoute du paysage sonore sur trois journées consécutives le 2, 3 et 4 janvier 2025 pendant les vacances scolaires. A destination des enfants et de leurs parents. 

Il s’agit de partir à l’écoute de son quartier, toutes oreilles grandes ouvertes.

Nous allons écouter les sons de la ville, des rues, des parcs et de tout ce qui s’entend, hommes, voitures, oiseaux, commerces…

Nous arpentons les ambiances sonores, y enregistrons ce qui sonne bien, ce qui nous agace, les sons spécifiques du quartier, ceux qui nous font reconnaitre les lieux.

Des sons enregistrés, de nos commentaires, nous en faisons une création sonore, via des logiciels audionumériques, pour redonner à entendre autrement, entre réalité et imaginaire, une ou plusieurs petites histoires du quartier à portée d’oreille.

L’atelier sonore

Premier jour : Discussion autour de la notion de paysage sonore, jeux et situations d’écoute… Marche arpentage du quartier, Choix de points d’écoute, Enregistrements audios, Première réécoute des sons

Deuxième jour : Écoute de quelques podcasts réalisés avec des enfants, des écrivains, des prisonniers… Que veut-on raconter avec les sons ? Tri, dérushage, quels sons garde t-on ? Montage mixage collectif d’une ou de plusieurs scènes sonores.

Troisième jour : Finalisation du montage Préparation d’une installation d’écoute Diffusion publique et discussion

A oreilles nues !

A oreilles nues ! Les choses étant ce qu’est le son i

Un PAS – Parcours Audio Sensible, façon Desartsonnant(e)s, se fait en à portée d’oreilles, sans autre extension appareillante, prothésante, protubérante…

C’est le choix d’une forme minimaliste, performative, auscultant un monde auriculaire complexe, grouillant de sons, acoustiquement fascinant.

L’imaginaire, le détournement, le décalage, la création sonore, l’installation éphémère, ne seront pas pour autant négligés, et pourront nous donner à entendre des paysages sonores (re)composés, comme il se doit dans une perspective paysagère.

C’est une façon de se connecter, ou de rester connecté aux écosystèmes sans artifices, sobrement, sans dépense énergétique, si ce n’est celle de notre corps et de notre attention, ce qui est déjà beaucoup.

C’est une façon de créer des paysages sonores sans sons rajoutés, ou de façon très minimale, en accord avec l’acoustique des lieux, prônant un équilibre non invasif, la non agression de ses milieux, du vivant…

C’est une immersion convoquant des postures d’écoute physiques, psycho-sensorielles, invitant l’arpenteur écoutant à s’adapter aux sons et aux ambiances paysagères, à y réagir, y improviser des gestes individuels et/ou collectifs non intrusifs.

C’est une façon d’expérimenter la lenteur et les silences habités, de rechercher des aménités apaisantes.

C’est une approche éc(h)osophique, éthique, une forme de récit permettant de (re)lire des espaces acoustiques fragiles, d’y prêter attention, de les faire délicatement sonner, résonner, de s’y retrouver, d’en prendre soin.

Paysage(s) à portée d’oreille(s), les choses étant ce qu’est le son !

Desartsonnants est un artiste marcheur, paysagiste sonore, arpenteur écoutant.
Il travaille autour du paysage sonore, notamment via des parcours d’écoute (PAS-Parcours Audio Sensibles), des installations mobiles et concerts environnementaux…
Le projet PIC (Paysages Improvisations Concerts), les inaugurations (officielles) de points d’ouïe, les parcours sonores, font partie de sa démarche, entre esthétique, sociabilité auriculaire et écologie/écosophie.

Tout cela pour tenter de répondre à une simple question : Et avec ta ville, ton village, ta forêt, ta rivière… comment tu t’entends ?

PIC Concert de paysages (working progress)

Inaugurations de Points d’ouïe

Desartsonnants Portfolio

Desartsonnants projet artistique et culturel


Porteurs, porteuses et chercheurs, chercheuses de projets de territoires originaux, voire inouïs, si l’oreille vous en dit !

PAS – Parcours Audio Sensible en duo #18

Le 18e PAS-Parcours Audio Sensible Desartsonnants en duo d’écoute a arpenté une nouvelle fois le territoire lyonnais.

Pérégrination causante entre Saxe-Gambetta, Guillotière, Quai du Rhône, Perrache. Deux heures de promenade écoute causerie avec Pat Ri Cia, enregistrées à la volée et garanties non traitées. Retransmission sans retouches aucunes, comme il se doit pour ce genre d’exercice !

Des ambiances, sonores, visuelles, odorantes, lumineuses…

De l’écoute en marche, des ambiances, une tranche de ville, des paroles, de la matière sonore, et sans doute d’autres choses à suivre…

Pour entendre tous les PAS en duo

BALADE SONORE EN PAROLES – SUR LES QUAIS DE VIVE VOIX !

`

Archive sonore retrouvée.

Quais de Saône à Lyon, vers la place Valmy, un dimanche des vacances de Noël 2011, vers 19H.
Il fait nuit.
Des voitures, des hommes, des animaux et… Un promeneur-écoutant qui commente.
Car dire c’est commencer de faire vivre.

Auricularités attentives

Je propose de faire entendre l’environnement, les écosystèmes, d’écouter et mieux comprendre par l’oreille, nos milieux de vie, leurs beautés, leurs fragilités, ressources, paupérisations, saturations…
Écouter l’eau, la forêt, la ville, ses périphéries, en marchant, faire paysage.
Installer l’écoute, la lenteur, le silence, par des marches écoutantes collectives, des rencontres, débats citoyens situés, conférences, musiques des lieux, repérages, cartographie et inaugurations de points d’ouïe…
Co-construire une écosophie sonore attentive, des pédagogies indisciplinées…

Si l’oreille vous en dit,
Gilles Malatray
Paysagiste sonore
Promeneur écoutant
Installateur d’écoutes partagées

Le site Desartsonnants
https://desartsonnantsbis.com/
Un portfolio
https://urls.fr/X00jTW

Points d’ouïe, l’apaisement des eaux

Ces jours-ci, j’ai promené mes oreilles sur les rives de la Tardoire, belle rivière dans des écrins ripisylvestres verdoyants, au sud de la Charente et aux portes du Périgord.

Le cours d’eau charrie fort, irrigué quasi quotidiennement de vivaces averses printanières.

Il est au meilleur de sa forme, y compris à l’écoute !

Ce dévalement fluant, presque ensauvagé, me fait un bien fou.

Après, et pendant une période agitée, voire parfois compliquée, ce bain de nature ondoyante, liquide, recharge mes batteries, m’apaise, et me fait rentrer de repérages pédestres bien fourbu, mais rassasié, nourri de sonorités toniques.

Ici, la vue, l’oreille, mais aussi le nez, émoustillé d’odeurs d’herbe mouillée, de fleurs naissantes, de terres humides, offrent un univers sensible d’une incroyable richesse, entre puissance et subtilité, contrebalançant un instant la fureur des folies climatiques, sociétales et guerrières.

Les arpentages, à l’affut d’ambiances sonores aquatiques, exacerbent des sensations qui varient subtilement au détour du chemin, à la rencontre d’un bief, des roues à aubes grinçantes d’un moulin, d’un remous sur des pierres-barrières-récifs, toute une histoire fluant à portée d’oreille.

C’est une énergie rassérénante qui m’enveloppe et me porte au fil des ondes, des chemins creux et des rivages enherbés…

Un parcours aqua-sensible, qu’il me tarde de partager par une rencontre avec les habitants, des agencements sonores concertants et un PAS – Parcours Audio sensible en marche écoutante.

D’autres sons, mots, images en découleront en aval.

Projet en chantier « Bassins versants, l’oreille fluante »

Résidence de création accueillie par oTo – Ouvroir des Territoires de l’Ouïe à Montbron (16)

Écoute quand tu me tiens !

L’écoute suit son cours, ou plutôt ses cours, elle m’y entraine, irrésistiblement.

Elle draine et galvanise mes envies, mes projets, mes chantiers, mes rêves, accompagne mes désillusions aussi…

Elle m’amène de nuit, dans les nocturnes urbains, forestiers, montagnards, et des ailleurs obscurs,

Elle me fait suivre les cours d’eau, entendre la voix des lacs et des rivières, des mers et des étangs, leurs forces et leurs fragilités.

Elle ausculte les interstices, les lisières du dedans/dehors, les écoutes confinées, celles des prisons, centres d’accueil, hôpitaux, des lieux aux publics empêchés. Elle est celle par qui les sons ouvrent des portes, élargissent des chambres et des cellules étroites…

Elle a toujours envie de me faire raconter ce que l’œil ne saurait dire.

Elle me saisit par l’oreille et me prend aux tripes, en auditeur conquis, et complètement accro.

La radio est pour moi un de ses univers, qui charrie mille histoires audibles, où le son est aussi chargé de sens et d’imaginaire que la plus belle littérature, image, danse…

J’ai fait de l’écoute une amie bienveillante, comme une arme absolue, pour contrecarrer la violence du monde, sans me voiler la face, ni me boucher l’oreille.

Et chaque jour, je replonge mon écoute obstinée, entêtée, dans le bouillon de la vie. Chaque jour, je me construis de nouvelles auricularités, en espérant qu’elles voyagent d’oreille en oreille, qu’elle y trouve des résonances et échos.

L’écoute suit son cours, dans un monde bruissonnant, voire parfois beaucoup plus, voire parfois beaucoup trop.

Elle me plonge dans le chaos du monde, souvent sans concessions.

Et quand elle fait défaut, le risque majeur est que le grondement s’amplifie, que la violence s’installe, qu’elle envahisse tout, m’assourdisse impuissant.

L’écoute me donne à entendre les plus belles comme les plus épouvantables choses. J’essaie de faire en sorte qu’elle désamorce un tant soit peu les secondes, à mon oreille défendante.

Relier et construire les paysages par l’oreille

PAS – Parcours Audio Sensibles – Journées des Alternatives Urbaines – 2015 – Lausanne (Suisse) Quartier du Vallon – Co-réalisation avec la plasticienne Jeanne Schmidt

Poser une oreille curieuse et impliquée sur le monde, sur nos lieux de vie, pour construire de nouveaux espaces d’écoute(s), découvrir les points d’ouïe singuliers, développer les interconnections et sociabilités auriculaires, c’est avant tout travailler sur les transdisciplinarités, voire indisciplinarités de nos territoires, y compris auditifs.

Les arts sonores, aux croisements de multiples genres et pratiques, musiques et sons, installations plastiques multimédia, arts-performances, univers numériques et mondes virtuels… nous ont appris à poser de nouvelles écoutes, fabriquant des espaces-temps inouïs, où la notion de paysage (sonore) prend toute sa place.
Les postures d’écoute, l’immersion (physique, mentale, technologique…), les processus nomades, les matériaux sonores in situ, les récits croisant différents dispositifs et mises en situation, font que les arts sonores sont aujourd’hui des moyens de paysager des espaces de sociabilité écoutante inédits, pour ne pas dire inouïs.
Entre festivals, centres culturels, régulièrement, si ce n’est principalement hors-les-murs, les créations, des plus Hi-Tech aux plus sobres, se frottent aux villes, forêts, espaces aquatiques, architecturaux… pour jouer avec des acoustiques révélées, parfois chahutées, ou magnifiées.
Nous (re)découvrons des lieux mille fois traversés, par des formes d’arpentages sensibles, où le corps entier se fait écoutant, résonnant, plongé dans des espaces sonores à la fois familiers et dépaysants.
L’écologie, si ce n’est l’écosophie se croisent activement, partagent leurs utopies, dystopies, protopies, et autres récits en construction, au niveau des territoires écoutés, et des arpenteurs écoutants.

L’ aménagement du territoire, avec l’urbanisation, la gestion des espaces ruraux, « naturels », les contraintes économiques, sociales, écologiques, les bassins d’activités et les populations y résidant, y travaillant… sont questionnés par de nouvelles pratiques auriculaires, évoquées précédemment.
Aux lectures de paysages, plans d’urbanisation, projets architecturaux, approches de tourismes culturels raisonnés… le croisement, les hybridations arts./cultures/aménagements, ont tout intérêt à être pensés et mis en œuvre en amont de projets territoriaux.
Les parcours sonores, créations issues de field recording (enregistrements sonores de terrain) et autres formes hybrides, invitent à (re)penser des espaces où le son n’est pas que nuisance, ni objets esthétiques hors-sol. Il participe à une façon de travailler les contraintes du territoire, en prenant en compte les critères quantitatifs, qualitatifs, les approches techniciennes, humaines, le normatif et le sensible…

Le politique, le chercheur, l’aménageur, l’artiste, le citoyen résidant, travaillant, se divertissant… doivent se concerter pour envisager, si ce n’est mettre en place des actions en vue de préserver et d ‘aménager des espaces vivables, habitables, en toute bonne entente.
Zones calmes et ilots de fraicheur conjugués, mobilités douce, espaces apaisés et conviviaux, pensés via des offres culturelles et artistiques, au sein de projets de construction, de réhabilitation, sont autant d’outils et de créations prometteurs. Certes, ces approches ne résoudront pas tous les problèmes, mais ils contribueront à créer des endroits où mieux vivre, mieux s’entendre, mieux échanger, en résistance à toutes les tensions sociétales, climatiques, politiques, environnementales…

Aujourd’hui, j’ai la chance de participer à des projets, certes encore marginaux, où le son, l’écoute, sont considérés comme des éléments à prendre en compte pour le mieux-vivre, où une « belle écoute » est convoquée comme une forme de commun auriculaire partageable.
Entre les arts du son, du temps et de l’espace, ma pratique d’écoutant paysagiste sonore, et les gestes d’aménageurs, des espaces de croisements sont possibles, si ce n’est nécessaires, et ce malgré toutes les contraintes administratives, économiques, politiques…

Il nous faut encore et toujours provoquer les rencontres indisciplinées, installer des débats, mettre en commun les réflexions et savoir-faire de chacun, que ce soit sur un événement artistique, projet culturel, concertation autour d’aménagements urbains, ou milieux ruraux…

Il nous faut encore penser et construire ensemble, artistes, aménageurs, résidents… des aménités auriculaires, des poches de résistances apaisées, des oasis sensoriels, des espaces reliants, y compris par l’oreille.

Les couloirs du son à Montbron

Une résidence artistique à l’Ouvroir des Territoires de l’Ouïe, en collaboration avec la Médiathèque de Monbron.

Dans le cadre du projet nomade en chantier « Bassins versants, l’oreille fluante« 

Marche écoutante et conférence – Max Neuhaus opus 1 & 2

Opus 1 : conférence
Gilles Malatray propose une rencontre autour d’un grand pionnier des arts sonores : Max Neuhaus. Dans la lignée de John Cage, dont il admirait beaucoup le travail, il a défriché de nombreux domaines. De ses « Listen » (soundwalks), en passant par des dispositifs audio où l’auditeur est immergé dans une piscine jusqu’à ses installations dans l’espace public, l’artiste balaie un large champ de la création sonore. Il développe une importante réflexion théorique, une recherche innovante en s’appuyant sur de nombreuses expérimentations, notamment sur les mouvements sonores dans l’espace et les effets psycho­acoustiques influant les postures d’écoute.
Durée : environ 1 heure


Opus 2 :  PAS­ Parcours Audio Sensible

Dans l’esprit des « listen » de Max Neuhaus), marches écoutantes new­yorkaises emmenant les auditeurs hors­ les-murs découvrir les musiques de la ville, Gilles Malatray propose un PAS – Parcours Audio Sensible, pour découvrir la ville entre les deux oreilles. D’espaces intimes en lieux surprenants, les promeneurs guidés, redécouvrent leur ville. à oreille nue. Ils la déchiffrent telle une partition de musique,
l’appréhendent comme un concert à 360, une installation sonore à ciel ouvert.
Durée : environ 1 heure

Eaux courantes hivernales

L’hiver s’est installé

Il papillonne rude

Du duvet blanc flottant

Et des flocons fondants

Sur la peau chair de poule

Deux mois qu’il pleut beaucoup

Et voilà qu’il poudroie

Et voila qu’il blanchoit

Enfin l’hiver inonde

Et le ruisseau qui gronde

Il se fait écumant

Il se fait bouillonnant

Il se fait chuintant

Petit ru estival

Quasi torrentueux

Quand l’hiver s’installe

Je le suis de l’oreille

Il sillonne sonore

Gauche et droite dévale

Sillon traçant audible

Mon quartier qui s’entend

Par son ruisseau fluant

Je remonte son cours

Oreille droite inondée

Je redescends son cours

Oreille gauche inondée

Je le domine aussi

Passerelle enjambante

Aux lattes verglacées

Surplombant le ruisseau

Stéréo de deux eaux

Équilibre liquide

Aspergence glissante

Après des prés gelées

Des collines blanchies

Le voici citadin

Et caressant les murs

Pans guidant escarpés

Il passe sous la place

Coupure silencieuse

Il ressort du tunnel

En se faisant entendre

Il s’écoule fébrile

Après des temps arides

Il ruisselle à tout va

Impétueux liquide

Il m’abreuve l’oreille

Qui l’a connu si triste

Muet d’assèchement

Tari dans le silence

Il faut rester à flot

Se couler dans l’hiver

Écoutant fasciné

Au fil des eaux courantes.

Texte écrit dans le cadre du projet « Bassins versants, l’oreille fluante«  En suivant le Rançonnet (Amplepuis – Rhône)

Inaugurations (officielles) de Points d’ouïe et sites auriculaires remarquables

Et si votre commune, quartier, ville, village… avait son ou ses propres Points d’ouïe inaugurés, ses SITARs (Sites Auriculaires Remarquables) reconnus et valorisés. Et tout cela à l’issue d’une marche écoutante participative (choix du site sonore remarquable) et d’une cérémonie officielle décoiffant les oreilles ! Discours officiels et minutes d’écoute collective à l’appui

Ne laissez pas passer l’occasion de valoriser un patrimoine auriculaire local unique et inouï !

Cartographie et liens des Points d’ouïe inaugurés : https://www.google.com/maps/d/u/0/edit?mid=1pnyLlyY12C6HeaqKgJhOmLMFM-w&hl=fr&ll=45.60603047862419%2C4.040342017709362&z=8

Carnets de notes de Points d’ouïes inaugurés : https://desartsonnantsbis.com/tag/inauguration/

Référencement Art et aménagement des territoires Art – Plan – Le Polau : https://arteplan.org/initiative/points-douie/

L’oreille de proximité, des écoutes…

Le paysage sonore nous rattache à un territoire par une géographie sensible de proximité.
La carte se trace avec des contours délimitant un champ auditif environnant.
Le son de la cloche, de la fontaine, le portail du voisin qui grince, la cour de récréation et le bar près de chez soi, sont autant de marqueurs sonores qui construisent un espace tissé d’ambiances, où des micros événements sculptent un territoire à portée d’oreille.
Ces objets auditifs, aisément identifiables, comme des sons voisins, nous permettent de vivre, de pratiquer un espace en ayant des repères spatiaux-temporels, éléments qui rythment et architecturent un quartier, une rue, le centre d’un village.
Nous sommes baignés dans une aire sonore au quotidien, avec ses stabilités et ses fluctuations.
L’épisode Covid 19, qui nous a, bien malgré nous, assigné à résidence si je puis dire, a mis en avant des détails, constituants audio-paysagers que nous n’entendions plus guère, à force d’habitude.
Gommant des flux hégémoniques, tels la circulation automobile, il a, tout en faisant taire certaines activités sociétales et professionnelles, remis au premier plan, à portée d’oreilles, des éléments sonores structurants.
La rue au bas de nos fenêtres, nettoyée d’un trop-plein sonore, nous a fait entendre des sons plus ténus, intimes, animant et renseignant nos enfermements de proximités acoustiques plus apaisées que d’ordinaire.
L’oiseau sur le platane d’en face a retrouvé une place audible, en l’absence de bruit de fond prégnant.
La proximité sonore, dans une ville où l’urbanisme resserre parfois les champs auditifs entre des murs-obstacles masquant souvent les perspectives lointaines, crée à l’écoute une série de microcosmes auriculaires singuliers. Des Microcosmes sonores de proximité.
Des espaces où la voix du voisin, le raclement des chaises métalliques de la terrasse du restaurant, et de nombreux objets sonores indiciels, nous positionnent comme un acteur écoutant, en identifiant un périmètre auditif sensible.
Cette géographie sonore rapprochée, rythmée d’itérations, marquées de récurrences écoutables, assimilables, de la place du village à l’esplanade urbaine, nous ancre dans un paysage familier.
Lorsque l’on s’installe, pour quelques jours où quelques années, dans un nouveau lieu, il nous faut reprendre nos marques, nos repères, plus pu moins consciemment.
L’acoustique sonne, dans nos lieux de vie, de travail, avec une couleur que nos oreilles apprendront à identifier, plus ou moins mat, réverbérante, avec ses effets de mixages, de coupures, d’estompages, ses événements ponctuels, marchés, fêtes locales, commerces …
La proximité de ces éléments sonores permet de se sentir dans un espace immersif apprivoisé, moins inquiétant peut-être qu’un espace inconnu, où l’oreille a du mal à se situer. Même si le dépaysement, le fait de se frotter à d’autres territoires sensibles, avec des ambiances parfois surprenantes, donne à l’écoute, et par delà à l’écoutant, un sentiment d’aventure hors-les-murs, en tous cas hors de ceux qui marquent nos territoires coutumiers.
Par delà le bruit de fond, la rumeur, il faut aller chercher le détail, la petite émergence sculptant un espace acoustique qui nous sera petit à petit familier, proche, peuplé des « presque riens » identifiables, pour faire un clin d’œil au compositeur Luc Ferrari.
La proximité sonore ne se trouve pas forcément dans le spectaculaire, l’extraordinaire, mais souvent dans l’infra-ordinaire, pour citer Georges Pérec, qui savait si bien observer les territoires de proximité, à portée de regard, ou d’écoute.
Ce qui nous est sentimentalement proche, c’est un ami, un être cher, un membre de notre famille.
Nous pouvons aussi être proche, affectivement, de notre quartier, petit bout de ville ou de village, campagne. Un espace abordé par le petit bout de l’oreillette.
Je pose parfois à des étudiants la question suivante « Et avec ta ville, comment tu t’entends ? ». Ici, nous jouons sciemment de la polysémie du verbe entendre, au niveau du geste d’écoute, de la compréhension d’un site, comme à celui de se sentir bien dans un lieu donné, d’y trouver des aménités..
Il est plus facile je pense, de se rattacher, dans un bonne entente, à une parcelle de territoire se situant dans une proximité mesurable, où nos repères spatio-temporels sont marqués d’éléments saillants, récurrents, reconnaissables, que dans un espace trop étendu pour que nous puissions en saisir les singularités. Le paysage acoustique est complexe dans ses incessantes variations, la proximité permet de le saisir en s’y immergeant au quotidien.
Les sonorités proches, géographiquement ou affectivement, personnellement j’adore les sonneries de cloches, nous ramènent à un voisinage incluant, dans le meilleur des cas. Un voisinage sympathique, une proximité où la coexistence est de mise, où la voix de son marchand de légumes préféré, sur le marché local, la fontaine de la place, nous font trouver notre place, même modeste, dans le grand concert urbain , parfois trop cacophonique.
Être proche de, c’est se trouver, se retrouver, dans une échelle raisonnable, là où les sons pourront être identifiés comme des objets appropriables, sensoriellement parlant.
La proximité des choses, humaines, auriculaires, sociales, évite de trop grands isolements. Les sons jouent pour cela un rôle d’insertion sociale, quand ils ne viennent pas bien évidemment nous agresser par leurs violences, leurs intensités acoustiques ou symboliques, affectives.
Faire l’effort d’écouter ce qui nous entoure peut nous rendre plus proches, dans tous les sens du terme, de nos lieux de vies et de leurs habitants.
Écouter les sons environnants, nous fait se sentir au centre d’une vie bruissante, y résonner par sympathie, telle une corde d’instrument, trouver un minimum d’empathie de proximité. C’est ce qui nous donne une existence sociale au cœur d’un quartier façonné entre autres, de sons multiples.
Personnellement, mes points d’ouïe favoris sont souvent des bancs publics. Je les choisis dans des lieux que j’aime, ni trop déserts, ni trop saturés. acoustiquement, là où la rencontre, l’échange, sont toujours possibles au quotidien.
Les bancs sont des mobiliers qui, au delà de nous poser, ou reposer, nous font ressentir la proximité des choses, y compris celle des choses entendues.
Les marchés locaux sont également de ces lieux et moments où la proximité place l’activité humaine au cœur des choses. Nous entendons des espaces où l’oreille prend aisément ses repères, guidant parfois nos déambulations d’étal en étal, ou bien vers la terrasse d’un bar jouxtant les emplacements des forains et des maraichers. La vie est à portée de tympan, toute proche, rythmant certains jours de la semaine, moments de la journée. Il suffit d’y prêter l’oreille et l’attention pour se sentir, en bon entendeur, un peu plus proche de son quartier, et par delà, de la vie même.

Histoires sons dessus-dessous

Voyez-vous, si je puis dire, nous rêvions de l’entendre. Et puis un jour… Dites moi mais, quel est donc ce bruit ? Lequel ? Celui qu’on entend, là, qui envahit l’espace, tout en restant furtif ? Est-ce que je sais moi, ce n’est pas celui que nous voulions écouter ? Je ne sais pas, à force de l’attendre, je ne l’ai plus dans l’oreille. Si tant est que je l’eusses déjà eu. Alors comment le reconnaitrons-nous, comment savoir si c’est bien lui ? Aucune idée ! Mais est-ce si important de le reconnaitre, de s’assurer que c’est bien celui dont nous rêvions. En effet pourquoi s’attacher à ce souffle plutôt qu’à ce choc, à ce tintement plutôt qu’à ce vrombissement, à ce cri plutôt qu’à ce murmure… ou bien en espérer la naissance d’un autre ? Surtout qu’ils n’arrêtent pas de bouger, de changer, de se cacher, de s’entremêler, ces foutus sons. Difficile en effet de trouver celui qui nous conviendrait, et peut-être celui qui qui nous ferait défaut, qui serait tout nouveau, à proprement parler inouï. Mais tout n’est-il pas inouï dans le monde plein des sens ? In ouïe ou hors ouïe, intra ou extra auriculaire, c’est la mémoire qui nous joue des tours de sons. Crois tu ? Elle nous fait crôôôââârre dans la mare, glisse en dos, et sa muse gueule en entrée. Et si ce son tinte à mare, l’écoute s’égoutte à goutte, sans qu’on en chasse rien. Glissement calembourdien. Tout ça pour les cris d’un mémoire dit sonnant, qui ne nous dit rien au final, en preste eau. Flux et reflux, sons passons. Alors, difficile de rêver de l’entendre, lui ou un autre, ça frise la phonie douce. L’utopie serait-elle ultra sonique, sons de nulle part, ou de partout, uchronie-usonie ? Qu’en sais-je, écoutant de malheur, qui creuse un puits sans son. Alors puiser dans sa même ouïr et chercher le bruit qui s’est tu, il, nous, vous, mais qu’on ne connait toujours pas. Beaucoup de bruit pour rien ? Qu’en savons-nous, peut-être sommes-nous devenus sourds de trop entendre, de trop attendre, pavillons en berne et coutilles noyées. Mais le bruit continue de courir, même si la rue meurt. Cours-y vite il va s’éteindre ! Silence, on détourne ! L’ingé son, et l’autre pas. Acoustiquement parlant, nous voilà guère avancés ! Heureusement, il y a des non-dits pour combler les lacunes et imaginer l’histoire, entre les silences taiseux. Mais histoire y a t-il s’il nous manque des sons ? Et puis, même si on les trouvait tous, ou simplement celui ou ceux que l’on recherche, ce qui est fort improbable, nous raconteraient-ils quelque chose ? Histoires sons paroles, où le muet trouvera sa voie, au grand dam du mime, qui se taira encore plus. Le son fait son cinéma, pour l’oreille. Et tout cela sans avoir résolu l’e problème, si un son qui manque à l’appel, ce dernier de fait reste sans réponse. Laissons les sons là où ils sont, c’est à dire partout. Croyez-vous ? Ne serait-il pas judicieux d’en chasser quelques uns, d’enchâsser quelques autres, sacro-sons de bruits collages. Mais comment faire le tri, savoir reconnaitre le son sauveur, celui, encore plus improbable, qui ferait paysage, histoire ou symphonie, même fantastique, voire pathétique. C’est une histoire sons dessus dessous, des accords imparfaits, des arts sonnés, des à croches arpégées, ou du bruit de son, tout simplement. Il y aurait de la friture sur la ligne, de la bruiture sur l’écoute, on est jamais à la bruie de rien. Du verbe bruire, bruira bien qui bruira le dernier. Clap de fin, silence ! Mais aussitôt, rompons le silence et revenons à nos sons, à nos mous sons qui pluivent ou pleuvent, en plics et en plocs. En gouttes qui font déborder la vase, y’en à mare ! Et pluie voilà, un jour… Rien ne se passa, en tout cas comme prévu, le silence resta quiet et ne bruissa point. Alors, que se mettre sous l’oreille si le silence demeure, sans requiem aucun. Cela ne dura pas. Et même s’empira tant et si bien, que l’oreille expira, ou bien faillit le faire, le cochléaire furieux, la mastoïdienne rageuse. Les sons dégelèrent en tempête pantagruélique, autant que véhémente. Même la muse Écho n’arrivait plus à répéter les quelques bribes qu’on lui avait laissées. Un monde chaotique et brouhahatique, où l’histoire perdait toute intelligibilité. Mais avait-elle, dans ses bruissement incessants, déjà eu un sens ? Question carolienne s’il en fut. Qu’en savons-nous au final, nous fiant à nos oreilles aussi curieuses qu’imparfaitement brouillonnes ? En quoi nous reconnaissons-nous dans ce paysage acoustique qui n’en finit pas de se dissoudre en ondes a priori désaccordées, pour se reconstruire, tant bien que mal, en discours discordants, mais qui parfois chantent malgré tout. Si la cadence est parfaite, au mieux que cela puisse se faire, on avance de concert. Si elle est rompue, maudits musicologues, on ne sait plus où donner de l’oreille, au risque de bruitaliser le monde. Alors la pause est bienvenue, quitte à soupirer, entre deux sons bruits sonnants. A trop entendre, l’hyperacousie nous guette, où chaque murmure devient hurlement, chaque bruissement cataclysme, à en perdre le sens de toute nuance, à s’en péter les tympans, parfois bien trop frêles pour la fureur du monde. Écoutons malgré tout, nous disons-nous, contre vents et marées, et même dans le vent démarré, car au matin des musiciens, et d’autres écoutants impatients, l’oiseau chante encore au monde qui s’éveille. Et il y aura bien encore, quelques sons que nous rêverions d’entendre beaux.

Se poser, écoutant dans la danse

Se poser par ici, ou se poser par là
Jeter un œil furtif, ou un regard insistant
Une oreille discrète, ou une oreille scrutante
Savourer les mouvements, les arrêts, les hésitations
Le ballet du vivant qui danse sans le savoir
Écouter des bribes, ou bien plus longuement
Les gens furtifs, originaux
Bavards ou taiseux
Marginaux, anonymes
Pressés, nonchalants
Élégants, négligés
Semblants et faux-semblants
Ceux qui vous sourient, ceux qui vous saluent
Ceux qui vous ignorent, ceux qui vous toisent
Ceux qui vous bousculent
Et tous ceux que vous ne voyez pas, et réciproquement
Se sentir vivant, ou se sentir moins seul
Tout simplement être tout près
Assis sur un banc de pierre, de bois ou de béton
Dans ou devant une gare, une église, un parc
Dans la fraicheur d’un matin précoce
Dans la chaleur d’un midi torride
A nuit tombante, à nuit tombée
Aux premières ondées automnales
Dans les frimas engourdissants
Dans des espaces incertains
Y trouver des habitudes, des ancrages
Y faire des rencontres récurrentes
S’inscrire dans le quotidien, ou presque
Comme usager rompu aux lieux
Écoutant regardant insatiable
Un beau jour pour se sentir bien là
Un beau jour pour se sentir ailleurs
Un beau jour entre-deux erratique
Rester immobile et que tout tourne
Les sons les gens et les odeurs
Et les lumières qui bougent
Et les les ombres fuyantes
On est point fixe, axe dans un chaos branlant
Un banc des villes, un banc des champs
Autour desquels tout s’agite
Autour desquels danse le paysage hésitant
Ralentir la marche est nécessaire
Pour se poser sans s’abimer
Juste dans nos écoutes regardantes
A la croisée imprévisible de tourbillons fantasques
Où danserait l’inconscience du monde.
Se poser par ici, se poser par ailleurs
Dans le groove chaloupement du monde.

Rencontres internationales « Made of Walking » Listening to the Ground – La Romieu 2017 – Co-commissariat Geert Wermer (Be), Gilles Malatray (Fr) , Isabelle Clermont (Ca Québec))

Points d’ouïe et Écoutoir Potentiel Imaginaire en chantier

2023

Desartsonnants, chantiers de choses en écoute, Écoutoir Potentiel Imaginaire en cours et à venir …

– Début d’un nouveau travail Dedans/Dehors avec la Maison d’arrêt de Chambéry, le SPIP et l’association ASDASS (Association de Soutien et de Développement de l’Action Socio-culturelle et Sportive)

– Travail sur la mobilité, l’ancrage, PAS – Parcours Audio Sensibles et autres créations à venir, avec l’Atelier – Tiers Lieu d’Amplepuis.

Axe rythmologique, Université de Grenoble Alpes, Maison des Sciences humaines, EPFL de Lausanne, École supérieure d’architecture de Toulouse…

– Développement du chantier PePaSon (Pédagogie des Paysages Sonores), résidences, ressources, rencontres, Tournée des balades sonores (la prochaine autour de l’étang de Berre)…

Semaine du son du Québec, intervention (distanciée) autour des balades sonores…

– Publication autour de l’écologie sonore avec le journal Belge KingKong

– PAS – Parcours Audio Sensibles et sons aquatique, Grand Parc de Miribel Jonage

– PAS – Parcours Audio Sensibles à Saumur en Auxois, rencontres acousmatiques de CRANE Lab

– PAS – Parcours Audio Sensibles avec la Commune et le Musée d’Allevard

Rencontres autour des paysages sonores en Pays de Loire

Festival Back To The Trees en forêt d’Ambre (Près de Besançon)

Festival City Sonic à Liège

– Écritures sonores « Fictions de la forêt, l’art de grandir » à , installations, parcours en libournais, avec Permanence de la littérature et la CALI (Communauté d’Agglomération du Libournais)

Chantiers d’écritures et d’écoutes indisciplinées, entre ancrage et itinérance…

Et avec vous ?

2005/2023, Desartsonnants blog à part !

Le 30 septembre 2005, Sonoris Causa voit le jour.

Blog hétéroclite, bavard, publiant à l’instinct… Des textes, images et séquences sonores autour d’une thématique auriculaire, visitée en prenant les chemin de travers les plus variés.

On y parle pêle-mêle, au gré des articles, de l’eau, de la radio, forêt, paysage sonore, langues, cuisine, cloches, instruments… le tout illustré de séquence sonore parfois les plus loufoques et décalées.

L’aventure durera jusqu’en 2009. Elle sera même saluée par une chronique de France Inter.

Aujourd’hui, si des traces du site résiste encore ça, plus aucun liens sonores ne fonctionnent. Ce qui d’ailleurs nous pose la question d’une pérennité somme toute assez courte des sources citées via des hyperliens, au gré des disparitions, changements de noms, d’adresses des sites, et le travail considérable d’une maintenance et des mises à jour nécessaire pour garder la ressource pertinente, dans un monde où tout bouge tellement vite !

2007, un nouveau blog vient se tuiler au premier, première mouture de Desartsonnants et apparition de cette identité patronymique.

Desartsonnants//Sonosfaire. Le parti est ici de parler création sonore dans tous ces états (ou presque). Installations, poésie, arts médiatiques, performances, dispositifs numériques, arts plastico-sonores, web art, environnement, lutherie et autres moutons à cinq pattes s’y croiseront dans le plus grand désordre.

Entre actualité, articles « de fond », zooms sur une pratique, un artiste, une technologie, les arts sonores sont explorés au fil des rencontres, coups de cœur, et d’une veille informatique plutôt désordonnée, sans doute à l’image de son instigateur sérendipien dans l’âme. Ce blog fouillis, sans véritable rangement logique, où l’on navigue à vue, ou plutôt à l’oreille, se tuile quelques année avec Sonoris Causa, avant de le remplacer progressivement.

Après des période éruptives, des moments de ralentissements, de mises en sommeil, des redémarrages, il existe encore aujourd’hui, dans son état quasi initial, malgré quelque liftings au fil du temps, et c’est bien celui par lequel vous lisez, ici et maintenant, ce post.

2015, lors d’une résidence création à CRANE-Lab, dans une verdoyante campagne bourguignonne, Desartsonnants Points d’ouïe et Paysages sonore partagés émerge à son tour.

Il s’agit ici de focaliser la création sonore autour de la pratique environnementale de ce qui est devenu petit à petit Desartsonnants, logotype de votre serviteur Gilles Malatray. La marche écoutante, PAS- Parcours Audio Sensible aujourd’hui, le field recording, les approches liées à l’écologie sonore, à celle de l’écoute et de l’écoutant, questionnent et irriguent ce nouveau blog.

Carnets de notes, poésie, actualités, points de vue et points d’ouïe audio-paysagers, expériences croisées, passées, en cours où à venir, tentent de tisser la trame d’une aventure desartsonnante toujours en chantier. En contrepoint avec le volet plus largement arts sonore de Sonos//Faire.

17 ans de blogging, et une 18e aujourd’hui entamée. Des milliers de signes, de mots, d’images, d’illustrations sonores, de cartographies… Mais aussi de vraies belles rencontres et des échanges, des invitations parfois, favorisées par ces outils de médiation internautique…

Un désir, voire une soif de transmettre, de partager, modestement, des expériences in situ, envies, connaissances, réflexions personnelles, rêves, de créer, autant que faire ce peut, des liens féconds et amicaux entre les pratiques, les lieux, les acteurs…

Desartsonnants a également rejoint PePaSon – Pédagogie des Paysages Sonores, avec qui il a de réels affinités et un large faisceau d’intérêts, de passions, d’expériences à partager, sur le terrain comme sur la toile. Et comme questionne ce dernier « Et s’il suffisait de tendre l’oreille ? »

Dans un monde où tout bouge très vite, voire s’emballe dangereusement, où au-delà des espaces immatériels de la toile, les liens humains, sur le terrain, doivent se défendre becs et ongles, comme une valeur sûre, gageons que les blogs, pétris dans le bruit du monde, conservent et développent ces facultés à nous relier, oreilles amènes, hardies et aventureuses.

Chroniques écoutantes #5

Dernière livraison Desartsonnante Opus* 5

« Paroles d’écoutants, chroniques auriculaires »

Une nouvelle compilation de récits d’écoutes, de parcours sonores, expériences de terrains, formations, réflexions et autres textes auriculaires impromptus…

* Ouvroir Potentiel d’Utopies Sonores (réalisables)

Liens de lecture et/ou téléchargement

https://drive.google.com/file/d/1QacryV4Ajp05PErhWjfCIfhusSWF1Hvn/view?usp=sharing

https://www.academia.edu/93388316/Paroles_de_coutant_chromiques_auriculaires?fbclid=IwAR2cnNKyYOsLgPPPao-8AwqJdDnBfYoxt6Sj9ky1sP-nfbH_s9fLFF7UcOc

Faire un PAS – Parcours Audio Sensible ?

PAS – CAMPUS CORPUS, Université Lyon 1 La Doua – PAS marché, écouté, dansé, raconté – Natacha Paquignon, Desartsonnants, Patrick Mathon

Le PAS – Parcours Audio Sensible, est une des nombreuses ramifications et variations des balades sonores, promenades écoutes et autres soundwalkings, façon Desartsonnants.

Le PAS est une sorte de danse marchée, ou de marche dansée, cadencée, fluée, lente, très lente

Le PAS est un ralentissement, une expérience décélérante, amène, une immersion tranquille, déambulatoire et sereine

Le PAS est une façon de voir la ville, la forêt, les bords de mer, la montagne, une rivière, un quartier… en les écoutant, à oreilles nues

Le PAS est une invitation au silence, en même temps que l’accueil ritualisé des sons ambiants, une cérémonie d’écoute en quelque sorte

Le PAS est une mise en situation, en scène, en écoute, un spectacle/installation audio-aléatoire, interactif, à l’air libre, imprévisible, à l’improviste

Le PAS perturbe et questionne parfois l’espace public en mettant en scène des promeneurs silencieux, fabriquant et jouant une écoute sciemment monstrative

Le PAS est un geste participatif, collectif, un échange de belles écoutes dynamiques et énergisantes

Le PAS est un arpentage où l’on mesure un lieu à l’échelle de ses plans sonores, de ses champs et hors-champs acoustiques, et où on se mesure à lui par le biais de nos oreilles

Le PAS est une traversée, un cheminement, une errance, un parcours, une écriture physique et géographique, où et par lesquels s’écrivent des histoires sonores aussi triviales qu’inouïes

Le PAS s’inscrit dans des approches esthétiques, écologiques et sociétales

Le PAS est un acte politique, dans le sens où il se préoccupe de territoires, urbains ou non, dans lesquels il s’inscrit

Le PAS est indisciplinaire, car s’y croisent moult pratiques éducatives, scientifiques, artistiques, politiques, éthiques…

Le PAS est pragmatique par le fait qu’il s’appuie sur des situations expérientielles, des gestes de terrain, des approches situées

Le PAS est contextuel, déambulant et s’arrêtant selon les architectures, les topologies, et les scènes sonores impromptues

Le PAS éclaire et convoque un paysage sonore foisonnant, fragile, complexe, finalement méconnu

Le PAS est ponctué de points d’ouïe, qu’il contribue lui-même à révéler, à générer, à mettre end exergue

Le PAS met l’oreille, mais aussi tout le corps en écoute, des pieds explorant le sol aux vibrations du vent sur la peau membrane sensible

Le PAS est une construction géographique, sensible, d’espaces sonores et de territoires auriculaires habités

Le PAS se joue des marqueurs sonores spécifiques, culturels, singuliers, comme des micro événements rencontrés

Le PAS nous plonge dans une ambiance écoutante immersive, comme il révèle celles, intrinsèques, d’un lieu acoustiquement « coloré »

Le PAS pointe des effets acoustiques surprenants, d’échos en réverbérations, de coupures en amortissements, de masquage en discriminations, pour entendre autrement et jouer à faire sonner les lieux

Le PAS aime la rumeur de la ville, tout comme ses émergences, de la cloche aux rires enfantins

Le PAS se joue des espaces fermés/ouverts, petits ou grands, publics/privés, dedans/dehors, intimes/extimes, panoramiques/enclos, des lisières et transitions, des passages et impasses

Le PAS cherche des postures écoutantes ludiques, tant physiques que mentales, individuelles ou collectives

Le PAS mixte une musique des lieux en live, en déambulant de sources en sources, au gré des rencontres

Le PAS crée des fenêtres d’écoute où la vue et l’ouïe fonctionnent en contrepoint, en accord ou en friction, en harmonie ou en dissonance

Le PAS est une performance douce, inscrite dans un espace-temps diurne ou nocturne, adorant tout particulièrement les instants entre chien et loup, les glissements et bascules sensoriels

Le PAS est propice à l’écriture ou à la réécriture de moult histoires sonores partagées, rédigées, installées, racontées, in situ ou ex situ, sur le vif ou à posteriori

Le PAS titille l’oreille en décalant le paysage sensoriel hors des sentiers battus

Le PAS est ce que l’on en fait, à partir du moment où on se met collectivement en marche, et à l’écoute

Dans l’idéal, emboiter le PAS à Desartsonnants est une bonne façon de le vivre ipso facto, de concert.

Chronique libournaise, Crépitements, retrouver la forêt, se retrouver en forêt

Vendredi 14 octobre

Premières marches écoutes, forêt de la Double, dans une parcelle de la Cali, au Fieu.

Des groupes d’enfants des écoles de la Communauté d’agglomération sont invités à marchécouter.
Dont une classe unique ULIS ce jour.

Un conte, des contes, des histoires,
Tendre l’oreille vers les arbres
Des arbres qui tendent l’oreille vers nous
Bienveillance mutuelle
Être écouté par la forêt
Jouer avec ses sons
Retrouver le silence, même fragile
Installer l’écoute
S’installer dans l’écoute
Cueillir des sons
Être cueilli par les sons

Caresser, éteindre, s’adosser
Esprits de la forêt
Ausculter des matières, des mousses et des écorces
Raconter
Bruiter
Jouer

La pluie s’en mêle
L’oreille s’emmêle
Ça crépite
Les feuilles chantent
Micros sonorités

Mixage
Les pas écrasent les branches, crépitement
La pluie sonne la forêt, crépitement
L’oreille doute
Crépitement

Micro installation éphémère
Des sons exogènes
Cloches, voix, oiseaux fantasques
Le vrai du faux, et vice versa
Installer l’improbable
Échanger sur le vécu, l’entendu
Échanger sur l’imaginé

Réactions
L’’imaginaire de l’expérience, et vice et versa
La spontanéité d’une fraicheur sylvestre
Se retrouver avec l’autre, nous, eux, les arbres
Entendre les crépitements entre gouttes d’eau et marche spongieuse
Entre pluie, vent et soleil
Entre réel et rêvé

Deux heures ça passe vite
Quitter la forêt
Retrouver le bus
Garder l’empreinte, on espère
L’expérience d’un moment
Une traversée sylvestre unique
La sensation du pas sur l’humus
De l’oreille buissonnière
L’appel et de l’accueil de la forêt

Expériences partagées
On en ressort grandi

Octobre 2022 – Parcours PREAC L’art de grandir, avec Permanence de la littérature

Desartsonnants 2022-2023

Points d’ouïe et Paysages sonores à portée d’oreilles

« Le silence est dehors »

Franchir un nouveau PAS

Installer le silence
pour installer l’écoute
pour installer le paysage sonore

Le silence est habité
partageable
révélateur
fédérateur
ouïssible

La parole disparait
le geste invite
le corps joue, performatif
la lenteur s’installe

Le paysage alors se fait entendre


« Dedans dehors et entre »

Projet décloisonnant in/out

Dedans/Dehors, cet axe, ce mouvement est induit par son propre énoncé.
C’est la volonté de faire bouger des sonorités, des paysages, des ambiances, entre les murs, entre les personnes, à l’extérieur et à l’intérieur d’espaces a priori Oh combien cloisonnés.

C’est le désir de faire naviguer des ambiances auriculaires, via des passages aller-retours, des fenêtres ouvertes, des passe-murailles symboliques. Et ce au travers la construction de paysages sonores, substrats incontournables de mon travail, ceux-là même qui contribuent à ouvrir des espaces relativement, voire très fermés.

Cliquez pour lire le texte intégral

@photo Nicolas Frémiot


« Bancs d’écoute »

Événements bien assis

Considérer les bancs publics comme des installations urbaines qui nous permettent d’écouter la ville, ou ailleurs, autrement.
D’effectuer des parcours d’écoute en solitaire, en duo, à plusieurs…
Des bancs comme un cheminement tramé in situ, un maillage cartographié de Points d’ouïe, d’affûts proposant des postures en focales, en arrêts sur sons…
Des lieux où se poser, rencontrer, se frotter à des endroits parfois surprenants, pour ne pas dire Desartsonnants.


« Inaugurations de Points d’ouïe »

Cérémonies officielles autant que sonores


« Akoustiks trans-posées »

Acoustiques auriculaires

Enregistrer, comme des signatures sonores, des acoustiques architecturales remarquables, notamment par leurs réverbérations (églises, passages couverts, usines désaffectées…)
Les (ré)installer hors leurs murs, avec des dispositifs ad hoc, dans d’autres espaces, leux de monstration et d’audition.
Agrandir les lieux par des perceptions sonores, décaler des écoutes en jouant sur des écritures ambiantales, via les Akoustiks Trans-Posées.
Désorienter les relations entre les choses vues et les choses entendues…
Jouer avec des espèces d’espaces, sonores, les frontières sensibles…

Et bien d’autres actions sur mesures, cousues mains, autour de partitions marchécoutées, de paysages sonores nocturnes, d’écosophie écoutante, de résidences d’écritures audio-paysagères, workshops et groupes de travail…

Desartsonnants cherche lieux d’accueil sonophiles, sonifères, sonophages, festivals curieux de la feuille et autres terrains de bonnes ententes.

Si l’oreille vous en dit !

Points d’ouïe estivaux, de montagnes en forêts

2022, enfin, le retour aux arbres !
Desartsonnants cogite une Ornithofaunie « OizOs qui hèlent »
L’appel, discret, de la forêt, qui voudrait garder ses nids habités et bien vivants… Ailes et moi, et nous…
http://www.backtothetrees.net/fr/saint-vit-france-doubs-samedi-25-juin-2022/

Cet été, Desartsonnants est très heureux de participer à ce beau festival montagnard.
Auparavant, il préparera des interventions audio-déambulantes et paysagères avec le centre pénitentiaire d’Aiton.
En savoir plus bientôt !

Lien site web https://www.scenes-obliques.eu/festival/

Forum « Création sonore en espace urbain » à Bastia

Le 04 février 2022, à 17.30, centre culturel Una volta de Bastia, se tenait le forum « création sonore en espace urbain ».

Ce dernier était proposé dans le cadre du festival d’arts sonores Zone Libre.

Trois participants animaient ce débat/rencontre avec le public, Philippe Franck, notamment directeur du festival international des arts sonores City Sonic et de Transcultures en Belgique, Tommy Lawson, directeur artistique du festival Zone Libre à Bastia, et Gilles Malatray, écouteur activiste Desartsonnants.

La place de la création sonore en espace public, avec la naissance des festivals dédiés, la diversité de pratiques parfois hybrides, les parcours urbains, les relations entre artistique et espace public, y compris dans les approches politiques, sera abordée et discutée.

En écoute

En écho (parce que le paysage sonore accueille souvent de beaux échos !)

À visionner et écouter : Forum des Paysagistes sonores 2022 (PePaSon à Lyon)

Forum des Paysagistes sonores 2022

Symposium « Paysages inouïs » à Blois, quelques sons, causeries et ambiances

Premiers retours sonores du Symposium international FKL « Paysage inouïs »,
Des causeries impromptues, des ambiances d’installations sonores et performances vocales…

En écoute ici

Bonne écoute !

En attendant d’autres sons, textes, et images…

Tourzel, fin de résidence, réminiscences et extensions

@photo, France Le Gall « Danser l’Espace – Sous les pommiers ba « 

De retour depuis un peu plus d’une semaine à Lyon.

Je me suis arraché, non sans quelques regrets je l’avoue, au cocon fécond de la roulotte sous les pommiers, havre de paix propice à l’écoute, à l’écriture, à la cogitation de parcours et gestes d’écoute.

Arraché à cette belle région auvergnate où les villages, des vallées, des sites en pics basaltiques perchés, offrent mille points d’ouïe, dont certains explorés, joués, transposés, seul ou à plusieurs, durant la résidence.

Aujourd’hui, des sons comme des images courent dans ma mémoire, surtout lorsque je travaille à organiser les traces de mon séjour, en chantier d’écriture, en sons, images et textes.

Il me faut encore laisser décanter, murir tout cela. 

Quelques saillances se font jour, se précisent, se prêtent à de nouvelles interrogations.

Installer l’écoute, et par la même des points d’ouïe, titre/objectif de ma résidence, reste bien entendu un fil rouge, élément clé. Cette petite phrase qui pose la question du comment faire, en fonction du lieu, du contexte, des espaces visités, des personnes croisées, de la reconstruction a posteriori…

Selon les jours, les espaces, les choses tentées lors de PAS – Parcours Audio Sensibles en groupe, et en solo, les expériences  furent riches et variées, des réflexions se creusant sur le statut des objets écoutés, la façon de les mettre en écoute, corporellement, de les tracer, de les historier…

Un regret néanmoins, que nous partageons avec mon hôte, la difficulté de rencontrer, d’échanger, de faire vraiment avec les gens du village, de recueillir leurs ressentis, écoutes, petites et grandes histoires des lieux…

La trace, ou plutôt les traces sont un maillon clé, celles qui restent en mémoire, qui servent et serviront à réécrire, à partager des histoires, autant pour ceux/celles qui les ont vécues que vers ceux/celles qui les vivront par procuration, par le récit tissé après coup; les traces sont au centre de cette résidence, comme souvent. 

Les PAS-Parcours Audio Sensibles restent ainsi une expérience esthétique active, qui sous-tendent l’écoute, de laquelle émergent un ou des paysages sonores.

Dans l’inspiration de Perec, l’expérience de l’Infra-ordinaire, ici de l’Infra-auriculaire, agit comme un ensemble de stimuli nous connectant à des espaces inouïs car trop souvent in-entendus ou non-entendus dans leur triviale quotidienneté. 

Inouïs aussi parce que jamais l’expérience d’écoute vécue à un instant T  ne se renouvellera à l’identique.

L’expérience corporelle, physique, audio-immersive, celle du corps interfacé aux milieux traversés, lesquels nous traversent réciproquement sensoriellement, sont vécues sans autre formes de dispositifs-prothèses augmentants. Le corps se place ici comme unique récepteur/émetteur, interagissant, prenant conscience de ses proprioceptions, rayonnant, jouant, performant les espaces ambiants…

Expérience de la trace, mémorielle, physique, kinesthésique…

Mais aussi de la trace objet, au sens large,(re)construite de sons, d’images, de mots, et autres hybridations, transmédialités, transmises via des écritures plurielles, post-terrain, comme des récits à partager.

Expérience hybridante donc, entre arts sonores, environnementaux, relationnels, contextuels…

Expérience contextuelle à revivre chaque fois différemment dans de nouvelles résidences, ici où là, partout où le monde sonne à nos oreilles. Et en terme de problématiques comme de géographie,                                                                                     le champ est large ! 

Résidence d’écriture(s) audio-paysagère(s) « Installer l’écoute – Points d’ouie » à Tourzel Ronzières, Puy de Dôme, accueillie par « Danser l’espace – Sous les pommiers ba » , soutenue la DRAC Auvergne Rhône-Alpes

Paysages sonores improbables

L’improbabilité même d’un paysage tient sans doute du fait que ce dernier est essentiellement né d’une série de représentations, de constructions, avec tous les aléas intrinsèques, du ressenti émotif, subjectivé, aux éléments contextuels plus ou moins maitrisés.

Suite à une série de déambulations auriculaires, à des enregistrements et montages audionumériques de terrain, et pour conclure une résidence d’écritures audio-paysagères, différentes créations, s’éloignant des modèles du field recording « classique », plutôt figuratif, vont nous amener vers des représentations sinon plus abstraites, en tous cas beaucoup moins descriptives.

Ce sont là ce que je nome des paysages improbables. Improbables car revisités, triturés, voire creusant des écarts significatifs entre l’entendu in situ, le ressenti, et le pur imaginaire, et souvant en naviguant entre les frontières du vécu et du rêvé, tricotant des espaces fictionnels, frictionnels, nourris néanmoins des ambiances puisées sur le terrain.

Prendre le paysage à contre-pied, si ce n’est à contre-oreille, c’est par exemple partir d’un photo prise lors d’un point d’ouïe, sur le Pic de Brionnet, promontoire basaltique, de son église et de sa cloche, pour sonifier cette représentation visuelle. De l’image transcrite, transcodée, transmédialisée vers un son dérivé, par l’utilisation d’un logiciel de sonification, ce qui donnera un résultat relevant plus de l’abstraction que de la représentation, où le sens même, celui initial, disparaitra tout ou partie.

Voici par exemple l’image de départ

Et le résultat audible de sa sonification

Et cette autre interprétation puisant dans différentes sources, mélangeant lieux et moments, des rushs audio inutilisés dans les précédents montages de spots parlés, autour de l’idée de paysages entre fluides et flux inspirés du contexte local – rivière, sources, fontaines, cloches, mais aussi véhicules traversant le village, impression rythmologique de « temps qui passe »…
Et puis encore, approche intermédiaire, un mixe de paysage sonifié via l’image d’un banc d’écoute et sa représentation audionumérique de choses entendues, mariage improbable de sons et d’images interlacées. 
Ces quelques exemples esthéthiques de tranformations de paysages plus ou moins dé-naturés, montrent à quel point l’expérience vécue peut être prétexte, inspiratrice et vectrice de re-créations, récits fictionnels oscillant entre traces plus ou moins identifiables et abstractions nous emmenant vers d’autres mondes connexes, inter-reliés, transmédialisés, ré-installés. De l’écoute in situ au paysage en découlant, il y a parfois tout un monde, tissé de relations de cause à effet, connections bien réelles, même si elles sont parfois quasi indécelables.

 

Résidence d’écriture(s) audio-paysagère(s) « Installer l’écoute – Points d’ouie » à Tourzel Ronzières, Puy de Dôme, accueillie par « Danser l’espace – Sous les pommiers ba » , soutenue la DRAC Auvergne Rhône-Alpes

 

Tourzel Ronzières, un autre PAS – Parcours audio sensible

Après un premier PAS en forêt, un autre, qui va explorer, ausculter le cœur du village-même.

Nouveaux points de vue, points d’ouïe, nouvelles acoustiques, nouvelles scènes sonores…

Un spot chiens, écoute acousmatique, car nous ne voyons pas les bêtes, parquées derrière une haute clôture métallique, mais qui par contre se font entendre bruyamment à notre passage.

Éléments rythmiques intéressants de la promenade, timbres rauques et puissants, tensions, nuisance sonore pour un écoutant; les chiens sont en effet très présents dans le village; quel statut donner à ces sons et à quel moment, dans quelles dispositions d’écoute, dans quelle visée ?

Une fontaine, voire deux fontaines, très différentes, avec chacune leur propre signature acoustique.

Des jeux d’auscultation où l’oreille se mouille, où l’écoute se rafraîchit, où le ludique est de la partie, stéthoscopes et longue-ouïes en immersion, dans le vrai sens du terme.

Un sympathique théâtre de verdure, plus ou moins laissé à l’abandon. Des bancs de pierre en arrondi, une scène, un mur fond de scène, un espace entre sol gravillonné et entourage boisé.

Des sons festifs qui nous parviennent du haut du village.

D’autres cadres er prétextes à des jeux d’écoutes, ludiques, vocalisés, marchés, inspirés par le lieu…

Une église désacralisée, vide de tout mobilier, ce qui renforce la réverbération type romane du bâtiment.

Ici, je vais réinstaller des improvisations sonores  enregistrées la semaine précédente, d’un autre parcours, d’une autre église, sur la colline de Ronzières, surplombant celle où nous nous trouvons.

Des sons en décalages spatio-temporels, en frottements, d’une église à l’autre, transportés, audio-délocalisés, d’un moment et d’un lieu à un autre, en résonance, en discordance peut-être.

Jeux autour de perceptions décalées. Installer et faire bouger les sons, s’installer entre, chercher les postures, habiter fugacement l’espace…

Passage par une autre fontaine, avant que de profiter d’un dernier soleil couchant, et d’échanger sur nos expériences réciproques.

D’autres trames/traces sonores à mettre en récit, à historier.

Ausculter encore.

@ photos France Le Gall « Danser l’Espace – Sous les pommiers ba »

En écoute
Album photos : https://photos.app.goo.gl/1AkC3DWi5mHhUxGQ9

Résidence d’écriture(s) audio-paysagère(s) « Installer l’écoute – Points d’ouie » à Tourzel Ronzières, Puy de Dôme, accueillie par « Danser l’espace – Sous les pommiers ba » , soutenue la DRAC Auvergne Rhône-Alpes

Pic de Brionnet, quelque chose qui cloche !

Pour suivre ma pérégrination sonore

le projet d’installer l’écoute

dans l’immersion des volcans d’Auvergne

un pic escarpé

adossé à une formation verticale d’orgues basaltiques

coiffé d’une chapelle romane

qui scrute le paysage à 360°

un paysage volcanique

de puys de sucs et de pics

de vallées encaissées

de rivières enchassées de verdure

les ombres d’un jour déclinant qui s’y jouent aujourd’hui

elles s’accrochent aux reliefs

s’étirent à flancs de coteaux

le soleil chauffe agréablement

pas un brin de vent

chose rare sur un pic émergeant à plus de 900 mètres

un temps où tout s’immobilise, ou presque

dans un calme accueillant

immersion quand tu nous tiens

des milliers d’insectes dessinent d’improbables ballets

dans une généreuse lumière du soir

un inouï espace de rêverie

des clarines au bas sonnent, lointaines

stéréophonie montagnarde entre mes deux oreilles, exactement

on reste, finalement assez longtemps, sans bouger ni parler

le paysage à nos pieds

et à nos yeux

jusqu’à de lointains horizons montagneux

et puis la chapelle

avec une cloche accrochée, à clocher

en haut de tout

et une corde pour la sonner

invitation

je me fait sonner la cloche

et elle sonne, tinte bien

vraiment bien

joliment bien

jusque dans ses résonances rémanences

du haut de son promontoire

elle nous invite à activer l’espace

à le faire vibrer à l’échelle du lieu

à l’imaginer plus ample, plus loin

elle invite à recomposer l’écoute

à l’imaginer autre, autrement,

ce que je ne manquerai de faire.

la dernière résonance éteinte

le lieu retrouve son presque rien

habité de mille bruissemements microsoniques.

En écoute
Album photos : https://photos.app.goo.gl/5bXDsbNXj63Jxk6u9

Résidence d’écriture(s) audio-paysagère(s) « Installer l’écoute – Points d’ouie » à Tourzel Ronzières, Puy de Dôme, accueillie par « Danser l’espace – Sous les pommiers ba » , soutenue la DRAC Auvergne Rhône-Alpes

Une église, une écoute, des histoires

Je pose mes oreilles et micros dans l’église, désacralisée, de Tourzel.

Un lieu donc, bâtiment roman, vide de tout mobilier, à l’acoustique très réverbérante.

Pierrette, la très accueillante voisine gardienne des clés, me conte quelques légendes locales.

Je joue, comme il se doit, avec l’acoustique des lieux.

J’imagine mon prochain passage, lors d’un PAS – Parcours Audio Sensible, avec un groupe d’écoutants.

Je saisis les porosités dedans-dehors, des véhicules, d’une conversation proche, et tisse une improbable histoire sonore.

En écoute

Résidence d’écriture(s) audio-paysagère(s) « Installer l’écoute – Points d’ouie » à Tourzel Ronzières, Puy de Dôme, accueillie par « Danser l’espace – Sous les pommiers ba » , soutenue la DRAC Auvergne Rhône-Alpes

Installer l’écoute, expériences ludo-forestières

Forêt trouée

d’échappées vers le ciel

bleu

limipde

accueillant

allongé dans l’herbe

des branchages vibrillonnent

sur écran haut d’azur

frémissant

complicité du vent

tout bouge

doucement

tout s’agite

sereinement

froufroutis

froissements

chuintements

les sens tournés vers le haut

des herbes folles

bruissonnent aussi

la forêt se donne à entendre

sans forcer le jeu

l’écoute est installée

entre nous, et elle

à même le sol

contact terre à terre

ça fait sens

la marche reprend

changement d’axe

verticalité

nouveau point de vue, d’ouïe

l’oreille prend de la hauteur

de même le regard

pour scruter le sol

couleurs et bruissonnances

qui  rythment des pas

ou l’inverse

avancée capricieuse

danse qui ne se dit pas

pour mieux chanter les lieux

mille choses sous nos pieds

des froissements colorés

des voix émergent

scansions

saluts

l’avancement est ludique

l’oreille à la fête

tant de choses et d’espaces à jouer.

Forêt trouée

d’échappées vers le ciel

bleu

limipde

accueillant

allongé dans l’herbe

des branchages vibrillonnent

sur écran haut d’azur

frémissant

complicité du vent

tout bouge

doucement

tout s’agite

sereinement

froufroutis

froissements

chuintements

les sens tournés vers le haut

des herbes folles

bruissonnent aussi

la forêt se donne à entendre

sans forcer le jeu

l’écoute est installée

entre nous, et elle

à même le sol

contact terre à terre

ça fait sens

la marche reprend

changement d’axe

verticalité

nouveau point de vue, d’ouïe

l’oreille prend de la hauteur

de même le regard

pour scruter le sol

couleurs et bruissonnances

qui  rythment des pas

ou l’inverse

avancée capricieuse

danse qui ne se dit pas

pour mieux chanter les lieux

mille choses sous nos pieds

des froissements colorés

des voix émergent

scansions

saluts

l’avancement est ludique

l’oreille à la fête

tant de choses et d’espaces à jouer.

Vidéo Pauline Marty – Montage Gilles Malatray – Desartsonnants

Résidence d’écriture(s) audio-paysagère(s) « Installer l’écoute – Points d’ouie » à Tourzel Ronzières, Puy de Dôme, accueillie par « »Danser l’espace – Sous les pommiers ba » , soutenue la la DRAC Auvergne Rhône-Alpes

Lumières et sons de concert

Digital Camera

Les lumières ont ceci de commun avec les sons,

qu’elles elles sont intangibles, fugaces, volatiles, changeantes, parfois totalement imprévisibles.

Elles s’accrochent aux reliefs, aux aspérités, aux anfractuosités, 

comme les sons se jouent des typologies, des matériaux, des obstacles.

Elles caressent les paysages qu’elles contribuent à faire vivre, les noient, les submergent, les façonnent.

Elles accompagnent les jours et les nuits, drapées de plus ou moins de consistance, de présence, d’opacité ou de transparence.

Tout comme les sons, voire même avec eux, elles font sensations, 

elles ambiantisent, 

elles font paysages.

Tout ceci de concert, en résonance, en friction, en dissonance, en harmonie.

Digital Camera

Du gravier magmatique au bloc basaltique,  de la goutte de rosée à la rivière dévalante, les effleurements, les caresses audio-luminescentes colorent le monde, l’irisent, jusqu’à le rendre insaisissable.

Complices compères, l’entendu et le vu, le son et la lumière, aujourd’hui, dans les collines auvergnates que j’habite, que j’ausculte, que je scrute, pour un temps, 

sont des formes perceptives qui me font corps antenne, 

corps réceptacle, 

corps accueillant

corps agissant

corps à ma façon,

corps faisant paysage

corps paysage.

Digital Camera

Résidence d’écriture(s) audio-paysagère(s) « Installer l’écoute – Points d’ouie » à Tourzel Ronzières, Puy de Dôme, accueillie par « Danser l’espace – Sous les pommiers ba » , soutenue la DRAC Auvergne Rhône-Alpes

Bancs d’écoute, vers l’Infra-ordinaire auriculaire

Régulièrement assis sur des bancs, mobiliers que j’utilise comme des points d’ouïe, des affuts d’écoute, des lieux d’échange, je parcours donc Tourzel Ronzières, mon lieu de résidence artistique, pour repérer ces derniers.

Le village, quelques deux cent âmes, est pourvu d’une dizaine de bancs dans le seul centre de Tourzel, ce qui est tout à fait satisfaisant, même si ces jours-ci, la saison estivale terminée et les températures fraîchissant, je suis un des rares à m’y poser.

Peu importe, c’est d’ici que je prends le pouls des lieux, que je m’immerge dans ses ambiances, que je capte les mille petits riens qui font vivre à mes oreilles le site investi, surgir ses paysages sonores du moment.

J’ai ainsi testé plusieurs assises, avant que d’en choisir une, au centre du village, en contrebas d’une fontaine, avec une belle vue sur les contreforts d’Issoire, un saule pleureur qui bruissonne joliment sous le vent, tout à côté. C’est ici que je me pose donc régulièrement, avec livres, carnets de notes et micros.

Considérant l’œuvre de Georges Pérec, si le concept d’Infra-ordinaire inspire mes écoutes et leurs narrations, sa tentative d’épuisement (d’un lieu parisien), descriptif localisé entêté dans l’utopique espoir de cerner un espace, d’en faire le tour, de se l’approprier pleinement, donne également du grain à moudre au projet d’installer l’écoute.

Lorsque dans le titre de cet article, je cite l’Infra-ordinaire, concept pérequien s’il en fut, je trouve cette approche, aux tendances minimalistes, on ne peut plus appropriée au lieu et à mes situations d’écoute, dans une ambiance où les sons sont assez ténus, nonobstant le passage parfois tonitruants de tracteurs et autres machines agricoles.

Et puisque nous en sommes à citer les acteurs et gestes inspirants, je ne saurais ignorer les « Presque rien » de Luc Ferrari, où le paysage sonore composé semble tout autant se construire que se dérober, (re)fluant sans vers d’autres espaces imaginaires.

Revenons à Tourzel et à mon banc d’écoute.

Quelques rares passants, pas et voix.

Le son de la fontaine voisine en continuum.

Des chiens qui se répondent d’un bout à l’autre du viillage.

Des véhicules  qui rompent brusquement une forme de torpeur pré-hivernale.

Des oiseaux, par séquences, pigeons et passereaux.

Quelques sons discrets, des portes s’ouvrent et se referment, presque en catimini…

Des feuilles mortes raclant le sol.

Des sons de la vie de tous les jours, non ostentatoires, non spectaculaires, loin de là, mais Oh combien présents, et signifiants dirais-je même.

Un infra ordinaire auriculaire, qui ne s’impose pas, qu’il faut aller chercher, vers lequel il convient de tendre l’oreille pour en saisir les nuances.

Et des nuances, il y en a ! Surtout lorsque nous installons l’écoute, persévérante, prête à pénétrer par l’exercice de la répétition, de la lenteur, de la réitération du geste d’écoute minimaliste, dans une surprenante trivialité, bien plus excitante qu’il n’y parait de prime abord.

Ces mille et un petits sons, habituels mais sans cesse ré-agencés, repositionnés, secrètement redéployés, offrent une scène acoustique au final très dépaysante, voire exotique, dans sa façon de ne pas se dévoiler, se révéler sans efforts.

L’Infra-ordinaire demande de creuser avec une certaine abnégation, les ambiances sonores, y compris les plus ténues, pour entrer dans le flux, l’immersif, le cœur-même du village, jusqu’à y reconnaitre avant qu’ils ne se montrent, des 4X4 bringuebalants, des tracteurs pétaradants, des voix… 

Il y a un monde entre les bancs de la place lyonnaise, au bas de chez moi, avec ses bars, commerces, scènes parfois  festives, urbaines pour le meilleur et pour le pire, et ce village de montagne isolé, hors des grands axes, que certains trouveraient sans doute bien trop « calme ».

Installer patiemment l’écoute, même si les choses écoutées semblent totalement dénuées d’’intérêt dans leurs apparentes petitesses, est une posture qui permet au paysage d’émerger de ses propres sons, et à l’écoutant de se fondre avec délectation dans les lieux pour en jouir pleinement.

Une forme d’Arte Povera sonore, et au final un profond dépaysement, qui délaisse la grandiloquence (dé)monstrative, ostentatoire, pour ausculter, au sens premier du terme, les petites pépites auditives du quotidien.

Album photos

Écoutez

 

Résidence d’écriture(s) audio-paysagère(s) « Installer l’écoute – Points d’ouie » à Tourzel Ronzières, Puy de Dôme, accueillie par « Danser l’espace – Sous les pommiers ba » , soutenue laDRAC Auvergne Rhône-Alpes

Les bancs d’ouïe des grands chemins, et des petites placettes intimes…

J’ai déjà, à plusieures reprises, parlé des bancs, ces mobiliers qui me sont chers, mais aussi des marches d’escaliers et autres murets, assises bienséantes rencontrées à l’aune d’explorations déambulatoires dans l’espace public.
Ces espaces de pause, urbains ou ruraux, en forêt ou le long d’une rivière, le long d’une plage ou d’une promenade publique, sont pour moi multifonctionnels.
Lieux de repos certes, de rêverie, méditation, d’écoute souvent, de travail, d’écriture, d’échange, dans une forme de co-working de plein-air, mobile et adaptable; une façon de co-habiter le monde, mon quartier, les lieux de résidences artistiques, de déplacements tous azimuts.

Je pensais hier, justement posé sur un banc, nuit tombée, aux choix de ceux-ci, que ce soit ici, dans mon quartier, ou ailleurs, dans beaucoup d’endroits forts différents.
Ces choix de s’assoir ici plutôt qu’ailleurs ne sont pas innocents, liés parfois à des contraintes du moment, et parfois à des options plus stratégiques.

S’il fait très chaud, ce sera un banc à l’ombre, dans un lieu aéré, (relativement) frais…
S’il fait un fort vent, ce sera un banc abrité, ou au contraire très exposé, pour profiter au maximum des caprices d’Éole.
Si je cherche la rencontre, l’échange, ce sera un banc situé sur un espace très passant, avec souvent des séquences réitérées, parfois dans un lieu habituel, près de chez moi…
Si je recherche l’isolement, la quiétude, ce sera dans un espace intime, en retrait.
S’il fait très froid, ce pourra être dans un espace fermé, ou semi fermé, un hall de gare, une galerie marchande…
Si je recherche une belle ambiance sonore, ce sera dans un espace où l’écoute est agréable, entre sources permanentes (fontaines), ponctuelles (cloches), acoustiques remarquables (passages réverbérants), présence de faune, de vie anthropophonique…
S’il pleut ce sera dans un espace abrité, sous un auvent…
Si je recherche un parcours déambulatoire, ce sera une suite de bancs qui guideront et ponctueront mes pas et points d’ouïe.
S’il fait nuit et que je désire lire, écrire, ce sera un banc sous un lampadaire. J’adore la nuit !
Si je recherche, outre un point d’ouïe, un point de vue, un lieu agréable à regarder, ce sera devant un panorama naturel, une place d’un centre historique…

Tout ceci m’entraine donc d’avenues en ruelles, de parcs en places publiques, de sentiers en promontoires, m’en faisant voir et entendre de toutes les couleurs.

Bref, jonglant avec les aléas climatiques, et les intentions et envies du moment, je me suis défini, l’expérience aidant, toute une typologie de bancs, dont certains autour de chez moi, comme lieux expérientiels, d’autres dans des lieux connus, déjà arpentés, écoutés, d’autres encore à découvrir dans de nouveaux espaces à investir. Se constitue ainsi un véritable inventaire pour promeneur écoutant, arpenteur de tous crins, une géographie bancale, des ressources assises à fréquenter selon les cas, les besoins, les nécessités, les adaptabilités du projet en cours.
Des villes me posent parfois problème, dans des choix délibérés d’aménager des espaces sans assises, pour des raisons tendancieusement sécuritaires et dans des volontés malsaines de cleaner l’espace public.
Néanmoins je trouve en général toujours de quoi à satisfaire mes postes d’observation, ou tout simplement de jouissance quiète du monde environnant.

L’apprentissage progressif et gradué de l’écoute paysagère

Après des années passées à entraîner l’oreille pour devenir progressivement plus efficace, pour lui procurer de plus en plus de plaisir, à ouïr une ville, une forêt, une gare, il me faut rester conscient que ce geste d’écoute n’est pas aussi naturel ni évident pour tous, moins en tous cas qu’il ne le paraît de prime abord. 

En guidant de nombreux parcours sonores, des PAS – Parcours Audio Sensibles, il m’a fallu progressivement amener l’oreille vers des espaces au départ relativement « évidents », simples à appréhender, à comprendre, ni trop saturés, ni trop paupérisés, ni trop minimalistes. Les parcours pourront par la suite, petit à petit, de façon graduée, se complexifier, en termes de densité, de longueur.

Il nous faut donc prendre conscience de de l’effort – même agréable – à fournir pour un promeneur écoutant débutant, pour entrer dans une écoute attentive et soutenue, qui sache dénicher les trésors de chaque lieu, et en jouir le plus naturellement que possible, sans trop d’a priori « bruitistes ».

Il nous faut également, comme dans toute forme d’enseignement, se garder de juger trop hâtivement, des formes « d’inculture sonore » alors que l’apprentissage, fût-il auriculaire, ne demande qu’à s’épanouir à son rythme, ici au rythme des pratiques d’écoutes.

Point d’ouïe – Et pourquoi PAS ?

Et pourquoi PAS* ?

Pour marcher la ville et battre (gentiment) la campagne

pour installer respectueusement l’écoute

pour construire de nouveaux paysages sonores

pour surprendre et ouvrir toutes grandes nos écoutilles

pour découvrir des Points d’ouïe inouïs, ou presque

pour rendre nos oreilles plus éc(h)o ou-vertes

pour créer et raconter des histoires tympanesques

pour tracer et faire ensemble un bout de chemin auriculaire

pour s’encanailler l’esgourde dans les interstices et délaissés bruissonnants

pour que nos corps entiers soient caisses de résonances à fleur de peau

pour accueillir des aménités audio-paysagères

pour profiter d’oasis acoustiques bienveillants

pour écrire une géographie sonore, une géosonie en mouvement

pour porter attention, prendre soin des sites acoustiques, et de leurs écoutants 

pour imaginer des terrains propices à de belles écoutes partagées

pour le plaisir d’être immergé dans la matière sonore

pour le plaisir, tout simplement…

*Parcours-Audio Sensibles

@Marche déposée Desartsonnants

Point d’ouïe, installer l’écoute – Résidence artistique sous les pommiers

Atelier « Points d’ouïe et paysages en écoute »

Public : Tout public à partir de 12 ans – 15 personnes maximum

Objectifs : Activer une écoute sensible sur le paysage via la marche et la recherche de postures d’écoute in situ.

Partager une expérience contextuelle et relationnelle, entre esthétique sociabilité et écologie sonore.

Lieux : Site  « Sous les pommiers Ba », verger, chemins environnants, village…

Déroulé :

Matinée « Installer l’écoute » (3 heures)

– Présentation en marche des PAS – Parcours Audio Sensibles (les origines, les acteurs, quelques mots sur l’écologie sonore, les pratiques du field recording, entre captation et création sonore, notions de ponts d’ouïe

– Arpentage des lieux, écoutes silencieuses, en mobilité et en points d’ouïe. Recherches de postures d’écoute mentales et physiques, faire sonner les lieux, kinesthésie et géographie sonore.

– Écrire un parcours, repérer des points d’ouïe

Après-midi (3 heures) installer un paysage sonore

– Écoute de quelques paysages sonores commentés

– Enregistrement in situ, réécoute collective, exemples de traitements sonores en direct

– Retour au terrain, dernière immersion sonore en résonance avec les ateliers d’écoute précédents.

Matériel : Les participants qui le peuvent sont invités à amener un enregistreur, smartphone enregistreur…

Remarques : Prévoir de bonnes chaussures et une tenue « tout terrain », voire un vêtement de pluie…

Artiste encadrant : Gilles Malatray aka Desartsonnants, paysagiste sonore et promeneur écoutant

Gilles Malatray, artiste Français né en 1959, vit à Lyon (Fr).

Promeneur écoutant et pédagogue, il travaille depuis de nombreuses années autour du paysage sonore. Dans une posture associant des approches esthétiques, culturelles, artistiques et écologiques, l’écriture et la composition de paysages sonores sont fortement liées aux territoires investis, qu’ils soient ville, périurbain, milieu rural, espace naturel, site architectural… Ces problématiques occupent une position centrale dans la pratique Désartsonnante via la curation, la recherche, les écritures transmédiales, la formation et les interventions artistiques in situ. L’écoute environnementale, reste ainsi, quelle que soit la forme d’intervention convoquée, au centre de toute investigation et création sonore.

https://souslespommiersba.wixsite.com/63320/agenda

Le lieu

Association Danser l’espace – France Legall

Contact :

              France Le Gall

              Chemin des Horts

              63320 Tourzel-Ronzières

              Tél :(33) 06 20 10 79 97

                      (33) 04 73 56 12 74

              Mail : souslespommiersba@gmail.com

Points d’ouïe, les Z’incroyables Z’inouïs

Où Desartsonnants vous invite à jeter une paire d’oreilles Z‘ubaines hors des chantiers battus, à oser l’inécoutable, le mal entendu, la triviale poursuite sonore, les dessous, marges et franges de la ville où l’oreille s’encanaille, l’audiorbex tympanique…

https://www.academia.edu/51026860/les_Zincroyables_Zinoui_s

Point d‘ouïe – Traversée n° 6 – Paysages sonores contextuels, écoutes contextualisées

Point d’ouïe Bastia – Zone Libre – Festival des Arts sonores

Tout acte, tout geste, toute pensée, sortis de leurs contextes, n’ont plus guère de sens. On constate même que la décontextualisation, parfois utilisée de façon biaisée pour interpréter un texte par exemple, est un outil de désinformation pernicieux.

Le contexte, fût-il celui d’un paysage sonore, via le geste d’écoute qui le fera exister, est aussi bien spatial, de là où j’écoute, que temporel, du moment où j’écoute, mais aussi liée à une foule d’interactions – ce qui se trouve dans mon champ d’écoute, ce qui s’y passe, les acteurs qui y agissent, le temps qu’il fait, les circonstances géopolitiques du moment…

Autant dire qu’on n’échappe pas à la relation contextuelle qui influe nos pensées, actions, dans un lieu et à un moment donné, voire en amont et en aval.

Ce serait à mon avis un peu présomptueux, voire un brin dangereusement inconscient. Une forme de déni démiurgique qui quelque part, nous couperait du monde, de ses turpitudes comme de ses aménités.

Faut-il pour autant prendre cela comme une chose acquise, et faire « comme si de rien était », voire comme si on était parfaitement maitre de toute création sonore, qui serait un objet indépendant et imperméable au milieu qui la voit naitre ?

Mieux vaut s’en doute examiner de près le contexte, pour faire en sorte que la création, par exemple en espace public, se joue de se dernier, se fondant aux lieux, questionnant l’instant, frottant les usages et les choses croisées in situ, quitte à proposer des situations ludiques décalant nos sens du contexte habituel et « prévisible ». Sans doute me direz-vous, nous sommes des messieurs Jourdain en puissance, recontextualisant sans cesse nos moindre faits et gestes sans le savoir, ou sans en mesurer la portée. Dans ce cas, un homme, et qui plus est un artiste avertit en vaut deux dit-on.

Mais justement, recontextualisons ce texte, en recadrant ce qui nous préoccupe ici, à savoir le paysage sonore et l’écoute, ou vice et versa.

Si je prends des pratiques qui me sont chères, telles le parcours d’écoute sous forme de PAS – parcours audio Sensibles, la captation d’ambiances environnementales, dite en termes techniques le field recording, ou phonographie, la création sonore issue de ces pratiques, dédiées à des espaces spécifiques… la contextualité des projets parait évidente.

Encore faut-il savoir de quoi relève ces évidentes évidences.

Choisir un lieu et un moment pour écrire et faire vivre un parcours d’écoute, c’est tenir compte de ses propres singularités.

Est-il une réserve ornithologique, un espace maritime où se tiennent des marées de grandes amplitudes, un parc urbain accueillant différentes manifestations culturelles et artistiques, une zone portuaire… A chaque cas, nous poserons pieds oreilles et micros de façon circonstanciée, avec des rythmes d’approches permettant de saisir au maximum les signatures acoustiques, un matériel de captation ad hoc, un moment de la journée ou de la nuit favorable à de belles écoutes.

Si cela peut nous paraître évident, pour autant, faute d’arpentages, de lectures, de rencontres, qui n’a jamais un jour eu le sentiment d’avoir raté le bon rendez-vous, d’avoir fait choux blanc, ou d’avoir eu l’impression de passer à côté de quelque chose, peut-être de l’esprit-même du lieu ?

Arriver en forêt trop tard pour jouir de l’heure bleue, ne pas être là où se déroulent les événements sonores recherchés, autant de déconvenues liées à de mauvaises contextualités, de notre fait ou non, la chose sonore escomptée n’étant pas toujours fidèle au rendez-vous, là et quand on l’attend.

Une pluie diluvienne, une crise sanitaire, une panne technique, peuvent remettre en cause tout un plan d’action pourtant soigneusement échafaudé, préparé, à la virgule près.

Plusieurs choix alors, renoncer et réitérer notre action quand les circonstances et le contexte seront plus favorables, si possible, ou changer notre fusil, ou enregistreur d’épaule, nous adaptant à des circonstances a priori négatives, pour les transformer en un contexte fertile dans sa forme inattendue, inentendue. Sérendipité aidant.

De même pour un PAS. Les réactions du groupe, ce qui va se produire d’inhabituel, les conditions climatiques, et bien d’autres aléas contextuels, vont infléchir notre façon d’écouter, de marcher, de proposer telle ou telle posture collective, bref, d’écrire spontanément le parcours en fonction de ce qui compose le paysage, et des événements qui le modifient sans prévenir.

Un artiste marcheur écoutant plus ou moins aguerri, ayant préparé son parcours en prenant en compte un maximum de données contextuelles plus ou moins « stables » – la topologie, les aménagements territoriaux, le climat saisonnier « moyen », le contexte historique des lieux, les usages et fonctions de des derniers… saura, à défaut de maitriser l’ensemble des paramètres, jouer entre les caractéristiques locales, et les imprévisibles toujours possibles.

Contextualiser un projet, un événement, n’est pas envisager toutes les variations et perturbations possibles, ni encore moins l’enfermer dans une trame immuable, quoiqu’il advienne.

C’est au contraire connaître suffisamment le contexte, les sources auriculaires, les acoustiques, les rythmes de modes de vie, les récurrences festives ou sociales… pour pouvoir se laisser des marges de manœuvres qui apporteront la fraicheur et une certaine inventivité du spontané.

Le contexte et tous ses imprévus sont nos alliés, dans l’arpentage jusque dans la création sonore qui s’en suit, son installation, sa médiation.

L’ignorer, ne pas suffisamment le mesurer, en calquant par exemple des modèles d’interventions ne prenant pas en comptes le contexte dans ses côtés spatio-temporels, sociétaux , c’est s’exposer à passer à côté de plein de choses, à paupériser grandement nos objectifs initiaux, y compris dans les relations humaines intrinsèques.

La contextualisation d’une écoute partagée, d’un territoire sonore in progress, n’est pas (qu’) une série de contraintes, mais aussi la possibilité stimulante de jouer avec le(s) potentiel(s), y compris le(s)pus improbable(s), d’un lieu et d’un moment.

PAS _ Parcours Audio Sensible à Saillans (Drôme)
BZA – Festival « Et pendant ce temps là les avions »

Point d’ouïe – Traversée N° 4 – Postures, de la tête au pied, et réciproquement

L’écoute est affaire de posture(s).

L’écoute est posture in corpore audio .

L’écoute sans le corps n’existe pas.

Le corps sans l’écoute est privé d’un sens qui participe grandement à nous relier à la vie.

Posture physique, se tenir toute ouïe, devant, dans, autour, au sein, se tenir avec, contre, tout près, au loin, aller vers, s’éloigner… Se tenir dans une posture laissant l’écoute naitre, émerger, se développer, s’épanouir, jusqu’à s’éteindre.

Le corps écoutant est un réceptacle avide de ce qui bruisse, sonne résonne, vibre, comme une caisse de résonance amplifiant toute onde vibratoire, potentiellement sonore.

Assis, adossé, couché, l’oreille collée, dos à dos, nous trouvons des positions pour plonger dans les sonorités ambiantes. Nous cherchons les plus appropriées, ou les plus surprenantes, les plus décalées ou les plus rassurantes.

Toutes les cavités, les creux, les vides, les matières, viscères, peaux, membranes, de notre corps, sont comme des antennes internes, résonateurs sensibles qui tentent de nous synthoniser avec les champs de résonances nous entourant, nous traversant, nous mettant en sympathie avec la matière sonore vivante, et éventuellement ceux/celles qui la produisent.

Il nous faut accepter la posture d’être écoutant, donc d’être vibrant, voire la rechercher, pour en jouir plus pleinement.

La posture est aussi mentale.

Elle est ce que nous accepterons, rechercherons, développerons comme état d’esprit favorable à une immersion audio-sensible, à une expérimentation auriculaire partagée, parfois des plus excitantes.

Laisser se développer des images mentales propices à une écoute profonde1 qui nous reliera avec le vent chantant, l’oiseau pépiant, l’eau clapotante, le feu crépitant, le tonnerre roulant au loin, jusqu’à l’inaudible ressenti à fleur de peau.

La posture est également collective. C’est la façon dont un groupe communique non verbalement, par des gestes, regards, sourires, frôlements, danses, rituels pour communier d’une joie d’écouter ensemble. Écouter en groupe, c’est sublimer une scène sonore, couchés dans l’herbe nuit tombante, assis sur un banc dos à dos à ressentir la peau de l’autre vibrer contre la notre au gré des sons, le dos tourné aux sources acoustiques, les yeux fermés, main dans la main…

La posture peut donc être suggérée sans aucune paroles, par une proposition d’un corps écoutant et guidant, les mains en cônes derrière les oreilles, le regard visant un point sonore, l’index sur la bouche, invitant au silence, le regard dirigé vers, un arrêt soudain, statufié… Le non verbal développe un silence éloquent, peuplé de gestes comme autant d’invitations.

La posture s’en trouve parfois théâtralisée, jouée, comme un spectacle de rue qui ferait de chaque écoutant un acteur mettant l’écoute en scène, ou créant des scènes d’écoute. Les écoutants se mettent en scène d’écoutants, interpellant ainsi, dans l’espace public, des passants non avertis, posant la question d’une étrange oreille collective en action. Gestes étranges et singuliers, marcher en silence, très lentement, s’arrêter sans rien dire, garder une immobilité surprenante, sans même se regarder, repartir de concert, au gré des sons… venir gentiment perturber des espaces de vie quotidienne, par un corporalité tournée vers un bruitisme inattendu, car souvent inentendu.

Et ce jusque dans la posture de nos pieds, eux aussi antennes reliées au sol, au tellurique, aux courants souterrains invisibles mais tangibles, aux vibrations urbaines des mouvements et circulations underground. Une relation entre la terre, le solide, à l’aérien.

Des pieds qui nous mettront en mouvements vers une écoute en marche, qui imprimeront une vitesse, des cadences, qui infléchiront la posture de promeneur écoutant, invité à parcourir des espaces sonores infinis.

La posture peut être de se tenir poster, à l’affût du moindre bruit qui courre, non pas pour le capturer, ou l’éliminer, mais pour le percevoir dans une chaine d’éléments sonores où chaque bruissonance fait paysage. Laisser venir à soit les mille et une sonorités du monde dans une attitude curieuse et amène.

La posture est souvent dictée par le contexte et les aléas du moment. Elle nait de rencontres entre les corps et l’espace, les corps entre eux, l’espace et les sons, le corps et les sons. Elle peut naitre d’un simple toucher vibratile. Elle paraît s’imposer naturellement dans des circonstances qui poussent inconsciemment le corps à se fabriquer des jeux d’écoute, des situations ludiques qui répondront aux sollicitations de l’instant, et sans doute ouvriront de nouvelles perspectives.

Les ambiances sonores, mais aussi lumineuses, chaleureuses, les climats, les ressentis, influeront sur nos comportements d’écoutants, en développant des gestes qui mettront nos corps et nos esprits en situation symbiotique d’ouverture sensorielle, ou de fermeture, nous protégeant ainsi d’agressions stressantes, voire traumatiques.

La recherche de postures, si importante soit elle, n’est sans doute pas, pour moi, pour l’instant, un concept ou un processus théorisable, ou réduisible à un catalogue de gestes et d’attitudes possibles, boite à outils corporelle et mentale susceptible de répondre à des situations sensorielles subtiles et complexes.

C’est souvent une geste, une série de gestes, de connivences, d’interactions, de réflexes épidermiques, naturels, spontanées, plus ou moins, liés à des formes d’improvisations dans des parcours d’écoute dont nous ne maitrisons pas, loin de là, tous les accidents potentiels.

Il nous faut laisser émerger la posture comme un état corporel et mental stimulant, enrichissant, sans la forcer, pour ne pas tomber dans l’im-posture d’un corps qui jouerait faux. Et d’une écoute qui forcément, en pâtirait.

1Hommage à la Deep Listening de Pauline Oliveros

point d’ouïe – Traversée n° 3 – Rythmes et cadences, ralentissements, arrêts et progressions

point d’ouïe – Flux aquatique – Cirque de Gavarnie, Hautes Pyrénées
Résidence Audio Paysagère Hang Art

La traversée n°3 sera rythmée, cadencée, ponctuée, tout en mouvements et en pauses, en arrêts et en départs, en mobilité et en immobilité.

Le monde sonore n’est pas, tant s’en faut, un flux régulier, prévisible, un espace temps qui se déroule uniforme, continuum sans surprises.

Le monde sonore suit son train, qui peut être chahuté, et/ou nous suivons le sien, avec toujours la possibilité/probabilité d’accélérer, de ralentir, de suivre des cycles, ou non.

Le flux temporel écouté nous fait mesurer l’incertitude du son dans le courant du temps qui passe, de la chose sonore qui apparaît ici, disparaît là, dans les caprices d’espaces métriques capricieux.

Bien sur, il est des repères que le temps nous indique, nous assène, des découpages rythmant une journée, une semaine, un mois, de façon quasi rassurante…

La cloche de l’église, lorsqu’elle sonne encore, de quart d’heure en quart d’heure, d’heure en heure, ponctue nos espaces de vie en graduant inlassablement le temps fuyant. Une façon rassurante ou anxiogène de nous situer dans un chronos auquel nous n’échappons pas. Notre vie s’écoule en un sablier tenace qui se fait entendre ans ménagement.

Les tic-tacs métronomiques habitent des espaces d’écoute découpée, pour le meilleur et pour le pire.

Parfois l’accidentel ponctue la scène auditive, un mariage qui passe, un coup de tonnerre inattendu, une altercation au coin de la rue… Un brin de chaos que nos oreilles agrippent, y compris contre leur gré.

Les sons font parfois habitude, voire rituel, dans leur itération, même les plus triviales. Le rideau de fer de la librairie d’en face, la sonnerie d’une cour d’école, la présence d’un marché quelques jours par semaine, la sirène des premiers mercredis du mois à midi… Des marqueurs temporels que l’on pourrait croire immuables si la finitude ne les guettait. Des jalons que l’on apprend à déchiffrer au fil du temps. Carte/partition du temps qui fait et défait.

Et puis il y a la façon de progresser dans les milieux sonores, de les arpenter par exemple.

Le rythme d’une promenade, sa cadence, sa précipitation ou sa lenteur, ses inflexions, infléchiront la façon d’écouter, d’entendre, et sur la chose écoutée elle-même.

Avancer vers des sons plus ou moins rapidement, accélérer par curiosité, ralentir par prudence, s’arrêter là où quelque chose se passe, où la musique jaillit, où la cloche sonne, où le rire fuse, où mugit la sirène…

Les sonorités sans cesse en mouvement, ponctuelles pour beaucoup, dans les flux soumis à moult aléas, influent, parfois subrepticement, nos rythmes de vie, de faire, de penser, tout comme nos faits et gestes, réciproquement, peuvent écrire des rythmicités au quotidien.

Le mouvement de réciprocité, les interactions, les gestes sonores scandant des situations audibles (le marteau d’un forgeron, la frappe du percussionniste), comme les sons déclenchant des gestes ou des mouvements (le sifflet de départ, l’ordre crié) viennent se frotter dans des mouvements que l’oreille perçoit plus ou moins clairement.

La voix de Chronos, père et personnification du temps, dieu ailé porteur de sablier, nous fait entendre notre vie s’écoulant, comme celle de Kaïros parfois, le moment opportun.

Le ralentissement est-il propice à une meilleure écoute, à une entente plus profonde. Sans doute oui. Surtout dans le contexte d’une société où l’oisiveté est non seulement mal vue, mais sacrifiée à l’autel d’un productivisme forcené. Russolo décrivait déjà une cité de bruits où puissance vociférante et guerre sont au final de vieilles compagnes.

Prendre le temps de faire des arrêts sur sons, des pauses écoutes, des points d’ouïe, résister à la course du toujours plus, qui jette dans les espaces publics des torrents de voitures ne laissant guère de place au repos de l’oreille, et de fait de l’écoutant malgré lui… Ralentir, douce utopie ou rythme salutaire à rechercher avant tout ?

Retrouver, à l’aune d’un Thoreau, une oreille qui vivrait au rythme des saisons. Paysages printaniers où, dans une sorte d’idéal enchanté, tout chante et bruissonne, un été plombé de soleil et d’une torpeur écrasante secouée par l’orage, un automne où la vie ralentit au rythme des pluies, un hiver engourdi que la neige ouate dans des quasi silences…

Images d’Épinal où le son est partie prenante, répondant aux ambiances attendues, présupposées, voire participant à les forger à nos visions clichés d’un chronos saisonnier.

Nous progressons dans un monde sonore qui ne répond pas toujours à nos représentations, à nos attentes, trop lent ou trop emballé, trop frénétique ou trop engourdi.

Chaque individu, lorsqu’on le regarde agir, a sa propre dynamique temporelle, selon les contextes, les moments, les événements… Et d’innombrables temporalités se font entendre dans des espaces auriculaires, espaces publics notamment, qui ne sont pas toujours aisément partageables.

Chacun semble avoir sa propre partition, ses propres tempi, ses propres variations rythmiques qui font qu’il n’est pas toujours facile d’accorder nos violons, de se régler sur la même heure, et de jouer de concert une œuvre collective, comme un orchestre parfaitement synchrone. Risque de vacarme résiduel, car non orchestré ?

Ces discordances de tempi se font entendre à qui sait écouter les flux de la vie qui passe, comme deux cloches qui ne sonneraient pas, par un désynchronisme chronique, dans une même temporalité.

Mais néanmoins, nous nous forçons d’adapter la longueur comme la vitesse de nos pas, de caler des moments de rencontres où nos paroles prennent le temps de s’échanger, ou nos métronomes font entendre des pulsations accordées, qui permettent à une vie sociale d’exister, de perdurer, malgré toutes les incontournables arythmies possibles.

A condition comme le chantait Georges Moustaki, de prendre le temps à minima le temps de vivre, et d’écouter la vie qui passe.

Point d’ouïe – Écoute installée pour paysage et duo d’écoutants – Prendre le temps de pause.

Point d’ouïe – Traversée n° 2 – Choses entendues de nuit

@Photo Séverine Étienne PAS -Parcours Audio Sensible nocturne à Crest

Ce n’est pas la première fois que j’écris sur les paysages sonores nocturnes, et encore moins que je les expérimente, toujours avec un plaisir certain. Peut-être le sentiment de gentiment m’encanailler l’oreille dans des contrées auriculaires débutant entre chiens et loups et se poursuivant parfois jusque tard, après la nuit tombée.

La nuit, tous les sons ne sont pas gris, tant s’en faut !

Ils sont, plus que jamais, mis en valeur, et ce dans toute leur diversité. Et Dieu sait si diversité il y a. La palette des sons semble infinie, et sans doute l’est-elle, plus encore au cœur de la nuit comme un écrin intime.

Car la nuit exacerbe les sens, leurs donne un appétit vorace, ouïe comprise.

Et surtout l’ouïe… En ce qui me concerne, en tous cas ici.

La nuit, les sons prennent une place qui n’est pas, ou peu, ou moins disputée, voire évincée par l’hégémonie d’autres sonorités diurnes, dont et surtout celles motorisées.

C’est une histoire d’ambiances. Là où sons et couleurs sont colorés d’obscurité. Pas de noirceur non, mais bien d’obscurité. L’obscurité qui gomme certaines choses, certains détails, en efface d’autres, tout au moins visuellement.

Mais le son lui n’en a cure. Il s’en joue même, en profitant pour se faire émergence, pour affirmer sa présence, même et surtout dans un presque silence.

Si je ne te vois pas, chose sonore, je ne t’en entendrai que mieux, quitte à ne pas reconnaître ce que je perçois de l’oreille, le confondre, en ressentir comme un inquiétant malaise dû au non identifié, dû au non rassurant, voire au franchement inquiétant.

Mais laissons là ce qui peut nous paraître négatif pour aller chercher les aménités noctambules, comme on le ferait dans les nombreuses hymnes à la nuit, apanage des poètes de tout temps.

Je pourrais citer, voire conter maintes expériences, plus ou moins préméditées ou impromptues, qui ont profité de l’immersion nocturne pour nous plonger plus profondément au cœur de l’écoute, ou tout au moins au cœur d’une forme d’écoute singulière, qu’elle soit solitaire ou collective.

Un banc public, une petite place, Orléans, un soir d’hiver, by night. Une jeune femme marche, elle longe lentement le pourtour de la place en chantant, mezzo voce, d’une fort belle voix, Summertime. Instant magique s’il en fût.

Un autre banc, perdu au dessus d’une vaste combe des montagnes du Bugey. Nous sommes trois, assis, contemplant plus d’une heure durant, en silence, l’obscurité s’installer. Quelques rapaces nocturnes trouent l’espace de leurs brèves stridences éraillées, des clochettes de chèvres au loin. Autre instant magique.

Mon quartier lors d’une panne d’éclairage public. Étrange ambiance où tout semble aller en catimini, entre fascination et inquiétude. Les voitures-même semblent murmurer…

Une balade nocturne sur les Monts du lyonnais, dans la chaleur tombante de l’été. Une vingtaine d’écoutants se coucheront longuement dans l’herbe, d’un commun accord, sans préméditation, enveloppés de chants de grillons, de vaches et chiens au loin… La nuit porte tout cela délicatement à leurs oreilles ravies.

Traversée nocturne et pluvieuse des abords d’une gare urbaine. Le paysage ruisselle de couleurs réverbérées sur l’asphalte des trottoirs et des chaussées, de couleurs moirées, en tâches irisant les sols, mais aussi de sons clapotis clapotant. Sans compter les soupirs ponctuels des trains impatients de quitter les quais, les ventilations obscures, entêtantes ferrailleuses et cliquetantes…

Une traversée de forêt nocturne. Nos pas font craquer des brindilles et branches sèches comme des petits feux d’artifices crépitants, nos souffles halètent, chacun à son rythme, quelques rapaces effarouchés s’envolent bruyamment ; désolé du dérangement ! une cloche tinte au loin, un rien fantomatique. Et la nuit poursuit son chemin comme nous le notre en son sein…

Et tant d’autres expériences où l’oreille s’accroche, s’étire, s’ébroue, enroule son écoute dans une obscurité complice.

La nuit festive… Où des rires et chansons d’étudiants s’échappent des fenêtres ouvertes, où des scansions rythmiques laissent imaginer des corps dansant.

Des plaisirs parfois contraints, empêchés, interdits même, bridés, par un méchant virus, des voisins chatouilleux, des législations intransigeantes.

La nuit urbaine contrainte, d’où disparaissent peu à peu les espaces de liesse, pour ne laisser que quasi pesant silence au final ; le droit au sommeil à tout prix, y compris celui d’assécher les ville de ses moindre soupçons de plaisir un brin canaille.

La ville policée, peau lissée, nettoyée de ses scories sonores risquant de devenir tapageuses si l’on y prend garde.

Heureusement ici et là, de petits foyers de résistance persistent à festoyer à grands renfort de musiques et de rires, éclaboussant la nuit d’une énergie sonique autant que vivifiante.

N’allez pas croire ici que je prêche une quelconque désobéissance civile, la révolte des noctambules. J’apprécie néanmoins ces trouées audio libertaires venant parfois bousculer la nuit trop bienséante. En règle générale, tout rentrera, un peu plus tard, dans l’ordre d’un calme socialement convenu et partagé.

A trop vouloir brider, on s’expose à des résistances parfois plus inciviles, de rodéos sauvages en tirs d’artifices guerriers qui nous hurlent « Mais j’existe quand même ! ».

Entre nuit apaisée et espaces d’équilibres fragiles, quiétude et soubresauts, la nuit se pare de milles ambiances, parfois ambigües, mais riches d’expériences sensorielles, qu’il faut savoir traquer par des arpentages laissant au vestiaire, autant que faire se peut, des a priori enfermants.

Parce que mes nuits d’écoute sont aussi belles que vos journées…

@Photo Séverine Étienne PAS -Parcours Audio Sensible nocturne à Crest