Partition de PAS – Parcours Audio Sensible N° 28 « Au hasard des PAS »

Lieux : Ville ou campagne, tous les lieux s’y prêtent

Publics : En solo, duo, groupe. Tout public.

Temporalités et durées : De jour ou de nuit, durées indéterminées, précisées en amont ou non.

Actions : Préparer des petits papiers numérotés de 1 à… Par exemple en se calant sur le nombre de Partitions de PAS qui sont récapitulées dans la page Partitions de PAS. Ou en ayant sélectionné préalablement certaines partitions.
Un participant, ou un groupe de deux ou trois lisent, à voix haute de préférence, les consignes relatives à cela partition.En quelques minutes, ils animent et donnent à jouer, à leur façon, une séquence proposée par la partition de PAS, dans un temps donné, choisi par avance.
Le PAS joué en groupe, on retire un autre numéro avec d’autres joueurs et un nouvelle interprétation se joue collectivement.

Remarques : Pour cette approche à la John Cage, Oulipo voire Fluxus, il convient d’avoir un objet connecté à un réseau internet, pour avoir accès rapidement aux descriptions de PAS. Ou à défaut d’avoir préparé une liste énonçant succinctement les consignes des PAS choisis.
On peut, il est même conseillé, d’interpréter les partitions avec des variations personnelles, tout en gardant « l’esprit du texte »
Une autre variante pouvant être que différents groupes ou personnes s’emparent successivement de la même partition, de façon à avoir plusieurs versions, interprétations, qui donneront lieu par la suite à des échanges autour des ressentis de chacun.unes.

Traces : Comme pour toutes les partitions, on peut garder des traces, par exemple via de courtes vidéos.

Partition de PAS – Parcours Audio Sensible N° 27 « Arpentage et glanage »

Lieux : Ville ou campagne, tous les lieux s’y prêtent

Publics : En solo, duo, groupe. Tout public.

Temporalités et durées : De jour ou de nuit, durées indéterminées, prédéfinies ou non.

Actions : Arpenter un lieu choisi, ou en errance. Glaner des objets ou choses immatérielles, de type et de nombres préalablement définis ou non, qui attirent et retiennent notre attention.
Exemples : une branche, un galet, des feuilles mortes, une mousse, un objet abandonné… Mais aussi une image, mémorisée et/ou photographiée, un son, mémorisé et ou photographié… Faire des associations sons/objets, faire sonner les objets, manipuler (frapper, écraser, piétiner, frotter…)

Remarques et prolongements : Au terme de l’arpentage, nos petites collectes pourront faire l’objet de commentaires, manipulations communes, créations d’histoires/concerts in situ… et toute autres formes envisagées en amont ou improvisées dans l’instant. Chaque participant.e pouvant être force de proposition quand à ces mises en communs.

Partition de PAS – Parcours Audio Sensibles N° 26 « Corps et graphies écoutantes »

Parcours Campus de la Doua « Campus Corpus » dans le cadre de Chaos Danse, Toy Toy Le Zing (Villeurbanne) avec Natacha Paquignon chorégraphe danseuse, Patrick Mathon promeneur raconteur, Desartsonnants promeneur écoutant

Choisir une grande place urbaine, aux espaces dégagés, un champ, stade ou d’autres endroits sans reliefs ni grands obstacles, pour avoir une vue dégagée.
Avec un groupe de vingt à trente personnes, voire plus, se répartir sur toute la périphérie de l’espace choisi.
A un signal donné, se diriger, très lentement, vers le centre de l’espace, en écoutant attentivement tout ce qui se passe durant le déplacement.
Regarder les mouvements de l’ensemble, du groupe, gestes et déplacements, ne pas hésiter à emprunter des chemins capricieux, des circonvolutions, zigzags et autres détours.
Se rejoindre, lentement, se rencontrer, se sourire, chuchoter un mot, une phrase, à l’adresse d’une personne croisée…
S’écouter, se regarder, prendre conscience de l’espace, des ses ambiances sonores, de nos corps, de ceux des autres, de notre occupation de l’espace, des lumières, des sons ambiants…
Improviser des déplacements, des marches lentes, des circulations, en allant à la rencontre de l’autre, toujours à l’écoute.
Prendre le temps de « marchécouter » très lentement les lieux, ensemble, de concert.
A un moment donner, sur une geste, un son, s’immobiliser.
Regarder les écoutants autour de soi, les passants, la vie ambiante.
Se regrouper, parler de nos expériences, tracer graphiquement nos parcours, faire carte, collectivement.

Inventer d’autres modes de jeu sur ce principe.

Croquis de marche écoutante, doc PePason, résidence « Installer l’écoute » Avec France Le Gall, chorégraphe – Sous les pommiers ba – Tourzel Ronzière (63)

Arts de l’écoute, arts écosophiques ?

Les rapports de l’art et de l’environnement, vers l’écologie, voire l’écosophie, écosophie sonore* entre autres, ne sont pas toujours très nets, c’est le moins qu’on puisse dire. Nombre d’articles écrits à ce sujet restent sur des approches assez théoriques, conceptuels, et ne nous permettent pas vraiment de comprendre les intrications, si intrications il y a, entre une création artistique et une pensée/action écologique, si ce n’est écosophique.

L’œuvre qui prend naissance dans un milieu particulier, s’en inspire, le magnifie, le protège, nous alerte sur ses fragilités, nous invite à le regarder, l’écouter autrement, à en admirer ses beautés, ses côtés obscurs, disgracieux, ou à y porter tout simplement attention… En soi un vaste programme.

De la création in situ à la représentation esthétique, symbolique, hors-lieu, en passant par des gestes performatifs, danses, marches, body-art, art action… Les champs créatifs susceptibles de tisser des liens entre des territoires urbains, liquides, montagnards, maritimes, et une écosophie de terrain… sont nombreux et parfois bien difficiles à cerner, à approcher.

Des modes de création conceptuels, qui sont légions, parleront aux férus d’art « contemporain », et laisseront sur la touche un public nombreux, non averti, ou a minima « éduqué ».

Certaines niches culturelles vont explorer, voire exploiter à satiété, des approches écolo-monstratives dans l’air du temps, fût-il de plus en plus pollué, voire vicié.

Le greenwashing est bel et bien l’apanage de nombreuses firmes et institutions, tentant de faire oublier leurs abominables méfaits et écocides en série. Certains « artistes » y adhèrent en parfaite connaissance de cause. A chacun son éthique, et son sens du profit à tout prix.

La patte de l’artiste devrait pourtant aider à élargir nos points de vue, d’ouïe, nos façons de comprendre des lieux, du vivant, des éléments, en sortant des sentiers battus. Mais aujourd’hui, les sentiers sont tellement battus et rebattus, les média nombreux et prolixes, pas toujours très objectifs, que l’écart n’est pas toujours facile. Et qui plus est, tout cela sans perdre le visiteur dans les tarabiscotages d’un verbiage ampoulé, ou la quasi nudité d’espaces de monstration aux concepts plus austères qu’un ouvrage de philologie en grec ancien.

Le message (sonore) écologique doit rester déchiffrable, ce qui est loin d’être toujours le cas. Que l’on parle environnement, éthique, politique, économie, biologie, l’artiste, dans le meilleur des cas en complicité avec un chercheur, un aménageur, un économiste, a un rôle de passeur. Il lui faut être celui ou celle qui trouvera les mots, les sons, les formes, les gestes, les parcours, les plus à même de satisfaire la curiosité des visiteurs auditeurs. Et là encore, la tâche est plus ardue qu’il n’y parait de prime abord.

Il lui faudra être celui ou celle qui parfois fait rêver, opère un pas de côté, parfois met en garde ou pointe le doigt ou l’oreille là où ça frictionne, là où on peut construire de nouveaux récits pro-éthiques.

A l’heure où l’éco-anxiété gagne du terrain, ni le catastrophisme spectaculaire, ni le défaitisme morbide, pas plus que l’utopie triomphante, ne constituent des approches idéales ou même satisfaisantes. Il ne s’agit pas de prêcher une écologie moralisante et accablante, accusatrice et donneuse de leçons, ou pire, de nier la réalité des faits.

L’artiste qui se mesure au moulins des grands lobbys, en Don Quichotte désespéré, doit commencer à trouver sa place, ses chemins, outils, si modestes fussent-ils, pour défricher des chemins de traverse, quitte à accepter certains renoncements, ralentissements, ou se défaire d’illusions glorieuses, remettre en question ses propres pratiques.

Sans viser un grandiose art universel salvateur, les petites gestes mis bout à bout, effet colibri, sont importants, dans l’ensemble des champs artistiques. Il faudrait d’ailleurs avancer « à travers champs », en hybridant, décloisonnant, indisciplinant autant que puisse se faire nos compétences.

En matière de petits gestes, par exemple, travailler sur une cuisine où chacun peut inventer sa façon de manger sainement, sans engraisser les géants de l’agro-alimentaire qui empoisonnent sans vergogne, est une possibilité parmi tant d’autres. Une écosophie nourricière pragmatique et partageable, de proximité. La transmission orale et gestuelle de savoir-faire, les ateliers de terrain, sont ici les leviers d’une écosophie participative et partagée.

De même, les artistes designers rudologistes*** qui explorent des façons de créer, de construire, où le recyclage, le réemploi et le déchet sont roi.

Se promener en forêt, au bord d’un lac, au centre d’une mégalopole, dans des sentiers montagneux, tout en étant attentif aux ambiances sonores, aux mille récits auriculaires d’un lieu, est une autre façon de nous raccorder, ou de nous maintenir en accord avec le monde. Même si là encore, tout n’est pas rose, ni vert du reste, au royaume des sens.

L’art d’une écoute écologique, et qui plus est écosophique n’est pas un simple effet de langage, un vague discours ou une vision conceptuellement abstraite. Il est engagement physique, intellectuel et factuel, concrétisé en actions pragmatiques sur le terrain. Hélas, dans une société libérale où la représentation et le profit priment régulièrement sur l’action éthique, nous en sommes encore bien loin.

Envisager des formes d’actions engagées pour un mieux-vivre, dans une époque turbulente et violente, entre arts sonores et arts environnementaux, écologie et création sonore (y compris silencieuse), me pousse à réfléchir et expérimenter une écologie/écosophie de l’écoute. Cette dernière étant pour moi un embrayeur d’actions des plus pragmatiques et efficientes que possible. Écouter pour sensibiliser, informer, renseigner, apprendre, partager, agir de concert… même modestement, à l’échelle d’un quartier, d’un village, d’une forêt, avec les moyens et les énergies du bord.

Dans le monde du sonore, du paysage à portée d ‘oreille, des ambiances auriculaires abordées par le prisme d’une écosophie sonore, dans la façon d’entendre, d’écouter, d’agir, beaucoup de choses, de postures, de militance, de gestes restent à inventer.

*https://fr.wikipedia.org/wiki/Écosophie
**Les sonorités du monde, de l’écologie à l’écosophie – Roberto Barbanti

*** Les déchets, métamorphoses et arts de déchoir – Hélène Houdayer

Quelques autres sources et ressources

Forêt de micros pour champs de boue – Jean Philippe Renoult

Field recording et arts sonores, tendrez les micro, un geste artistique

Field recording, un art écolo ?

Décor sonore – Écologie sonore

Des pratiques d’artistes et de chercheuses en écologie sonore

Écologie sonore de Murray Schafer – Émission Radio France Inter

Expériences et récits d’écoutes en marche

La marche écoutante, le PAS – Parcours Audio Sensible, sont des pratiques pour moi assez courantes, depuis de nombreuses années
Dans des lieux très différents, été comme hiver, de jour et de nuit, avec des publics variés, des axes thématiques parfois, nous avons arpenté nombre de sites, tous singuliers dans leurs écoutes.
Aujourd’hui, je me pose régulièrement la question de savoir ce que ces pratiques de terrain nous font vivre, ce qu’elles nous racontent, au delà des gestes audio-déambulant ?

Marcher et écouter, et vice versa, c’est expérimenter des espaces-temps d’écoute in situ, et c’est aussi entendre ce que les milieux traversés, arpentés, auscultés, nous racontent, au creux de l’oreille. Histoires qui nous sautent aux oreilles, ou bien en filigranes, ténues, à déchiffrer patiemment.
L’expérience est kinesthésique, en mouvement, les pieds et le corps reliés au sol, à l’air ambiant. Le geste de l’écoutant l’immerge dans une scène auriculaire environnante, embrassant un volume audible comme une architecture d’écoute quasi tangible.
L’expérience est aussi haptique, on touche au plus près la matière sonore, ou l’objet sonnant, en ressentant physiquement des vibrations à fleur de peau, de tympan.
Nous vivons ainsi des traversées peuplées d’une multitude de sons, d’enchevêtrements complexes et mouvants, qui peuvent désarçonner notre écoute, voire notre approche sensible dans sa globalité.
Faire un PAS vers, et dans le sonore, nous met en résonance avec un monde vibratoire excitant.
Nous sommes dans du vivant, du corporel, du charnel, proche de la danse comme un geste performatif, a minima, connecté au sol, à l’air, aux innombrables vibrations dynamiques, reliés à la terre, l’eau, l’air, le vivant bruissant…
Nous traversons des espaces résonants, des volumes sonores habités, des ambiances auriculaires, comme une série de peaux ultra sensibles, tendues pour vibrer sympathiquement, nous faire vibrer au plus profond de nous-même.
Le paysage auditif nait de cette confrontation au corps à corps, corps sonore est corps écoutant.
Nous sommes une enveloppe corporelle réceptive, baignée d’ondes fluantes autant que fluctuantes.
La cloche, le vent, le ressac, le cri enfantin, le cours d’eau voisin, tout nous parle, nous interpelle, pour peu que nous prêtions l’oreille.
Un récit se fait jour. Ou plutôt une infinité de récits enchâssés, nous contant des mondes sonores capricieux, instables, furtifs, et pourtant si fascinants.
Des récits informatifs qui nous renseignent sur notre présence dans un milieu que nous tentons d’apprivoiser, y compris par l’oreille, dans lequel nous vivons, ou que nous découvrons. Qui nous renseignent aussi sur les milles et unes traces du vivant, au sens large du terme, de notre cohabitation, souvent complexe et difficile, pour ne pas dire plus, avec les éléments, les milieux, le monde.
L’aventure est à portée d’oreille, de corps. Elle n’est pas toujours spectaculaire, souvent intime, fragmentaire et fragile.

Le récit peut-être mémoriel, tel celui qui fait ressurgir des scènes auriculaires parfois enfouies dans les profondeurs, les strates de notre mémoire, et qu’un son, ou la vue d’une cheminée d’usine, ravivent avec parfois une intensité troublante.
Un récit souvent fictionnel, où les sons peuvent évoquer, inviter, mille monstres, légendes et histoires tapis dans les recoins de notre imaginaire fécond.
Un récit également frictionnel, entremêlant le vécu et la fiction, le passé et le présent, comme ce qui pourrait advenir, pour le meilleur et pour le pire.
Marcher et écouter, s’est s’exposer de bonne grâce, à une plongée sensori-motrice, dans un territoire aussi physique qu’immatériel, en même temps que de laisser surgir des histoires sonores, parfois plus improbables les unes que les autres.

J’ai récemment pratiqué des parcours d’écoute avec des personnes dans des milieux qui m’ont fait côtoyer des modes de vie contraintes, pour différentes raisons. Handicap psycho-moteurs, maladie, enfermement carcéral, des lieux de vie où les sens, et tout particulièrement l’ouïe, développent des modes d’appréhension de l’environnement que le commun des mortels, dans sa vie quotidienne, est à mille lieux d’imaginer. Des récits en naissent, dépaysants, désarçonnants, qui nous font faire un pas de côté dans le train-train de nos routines. Nouvelles expériences, nouveaux récits, qui font qu’après, rien ne sera plus jamais comme avant pour qui a vécu ces temps forts. Marcher et écouter les coursives d’une prison, puis la montagne, avec des détenus permissionnaires, explorer une forêt avec de jeunes autistes, un hôpital psychiatrique avec des étudiants en musique et des patients, une ville avec des aveugles… Autant d’expériences fortes, qui ouvrent des portes vers de nouveaux gestes, ressentis, et imaginaires.

L’expérience de la « marchécoute » engage aussi une éthique du soutenable, une lenteur et un silence assumés, une volonté de ralentir le geste, de porter une écoute consciente vers les fragilités des espaces acoustiques traversés, de leurs écosystèmes sensibles, à l’équilibre instable et incertain. Elle convoque également une prise de conscience, celle par exemple de la disparition définitive de moult sonorités du vivant, comme des signes flagrants d’effondrements rapides, plus qu’inquiétants.
Les expériences, tout comme les récits intrinsèques, superposent et alternent des moments de jouissances sensorielles, de plaisir, à des récits oscillant entre le constat d’une succession de crises que l’oreille peut capter, et une protopie pragmatique. L’entendement d’un monde (plus) désirable se profile, la marche et l’écoute associées pouvant ainsi nous y aider. Espaces sonores introspectifs collés au monde frénétique, tout en le désirant meilleur.

Pour entendre de nouveaux récits porteurs, de ceux qui nous aident à avancer, à rester debout, dans des périodes plus que chahutées, des zones de turbulences à répétition, il nous faut cultiver la curiosité de l’expérience auditive vivace. Non pas d’une expérience forcément compliquée, mais plutôt celle à portée d’oreille de tout un chacun, emprunte de gestes simples. Ouvrir sa fenêtre, ou partir marcher dans son quartier, l’écouter, traverser ce qui nous plait comme ce qui nous dérange, nous agresse, se demander pourquoi, échanger avec son voisin, tenter de se sentir bien, ou mieux, dans des espaces sonores quotidiens, ne pas penser que par le bruit, la nuisance et la pollution, mais aussi chercher les aménités sonores…

Depuis ses origines, le soundwalking mêle le plaisir de l’écoute à la volonté pédagogique de mieux entendre le monde, de mieux s’entendre avec lui, et parfois d’en soigner, ou mieux d’en prévenir les dysfonctionnements qui le rendent inaudible, si ce n’est inentendable.


Dans l’idéal, il nous faut vivre la marche et l’écoute, l’expérience et les récits associés, comme des moteurs stimulants qui nous permettent d’aller de l’avant, de garder un cap soutenable, entendable, l’oreille hardie, envers et contre tout.

Colloque 𝗠𝗠𝗘𝗥 : 𝘔𝘦́𝘥𝘪𝘶𝘮𝘴, 𝘔𝘪𝘭𝘪𝘦𝘶𝘹, 𝘌́𝘤𝘰𝘶𝘵𝘦𝘴, 𝘙𝘦́𝘤𝘪𝘵𝘴. 𝘋𝘦𝘴 𝘤𝘰𝘴𝘮𝘰𝘱𝘩𝘰𝘯𝘪𝘦𝘴 𝘢𝘶𝘹 𝘤𝘰𝘮𝘮𝘶𝘯𝘴 𝘢𝘶𝘥𝘪𝘵𝘪𝘧𝘴

Dans le cadre de Le Mans Sonore, l’Ecole Supérieure d’Arts et de Design – TALM Le Mans propose le colloque 𝗠𝗠𝗘𝗥 :𝘔𝘦́𝘥𝘪𝘶𝘮𝘴, 𝘔𝘪𝘭𝘪𝘦𝘶𝘹, 𝘌́𝘤𝘰𝘶𝘵𝘦𝘴, 𝘙𝘦́𝘤𝘪𝘵𝘴. 𝘋𝘦𝘴 𝘤𝘰𝘴𝘮𝘰𝘱𝘩𝘰𝘯𝘪𝘦𝘴 𝘢𝘶𝘹 𝘤𝘰𝘮𝘮𝘶𝘯𝘴 𝘢𝘶𝘥𝘪𝘵𝘪𝘧𝘴

Samedi 20 & Dimanche 21 janvier
de 10h à 17h .
Accueil à partir de 9h30
Carré Plantagenêt
Gratuit . Entrée libre dans la limite des places disponibles

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Omniprésent dans notre quotidien, le son nous relie au monde à l’intersection des milieux de vie et des milieux médiatiques. Entre écologie des organismes et écologie des médias, quelles relations le phénomène sonore et vibratoire active-t-il ? Par quelles transmissions et quelles transformations, l’écoute, l’investigation et la création sonore peuvent-elles contribuer à la compréhension des enjeux contemporains ? À la rencontre de l’art et des sciences, ces deux journées d’études seront l’occasion pour le grand public de découvrir des travaux d’artistes et de chercheur.se.s aux frontières de l’anthropologie, de l’éthologie, de la bioacoustique, du design sonore ou de la radiophonie.

Ces journées croiseront deux thématiques : “Cosmophonies, à l’écoute des espaces et des organismes.” et “Communs auditifs, médias, médiums et communication“.

Avec Nicolas Châline, Peter Cusack, Yannick Dauby, Marianne Decoster-Taivalkoski, Dinah Bird, David Dunn, Pali Meursault, Matthieu Saladin, Nadine Schütz, Jerôme Sueur, les étudiant.es de la Villa Arson & de TALM-Le Mans.

Suivi d’un PAS – Parcours Audio Sensible par Gilles Malatray

Journées organisées par Rodolphe Alexis et Olivier Houix avec le concours de TALM-Le Mans, dans le cadre du projet de recherche-action MMER soutenu par le ministère de la Culture.

Chronique écoutante, tout doucement

Écouter est, ou peut être un geste discret, parfois totalement inaperçu.
Sciemment envisagé comme tel, en toute discrétion.
Il n’est pas nécessaire de bousculer radicalement des espaces où installer les scènes sonores, l’écoute dans l’espace public, les lieux d’audition potentielles, pour construire un projet quasi infra-sonique pertinent. Bien au contraire !
Il est possible d’ériger l’écoute en jeu, comme un instant ludique, une performence a minima, qui ne se montrerait pas forcément, et qui plus est ne ferait pas de bruit
Il est opportun d’écrire une interprétation de paysages le plus que possible à l’abri des regards, mais accessibles aux oreilles, furtive, complice, tel un mode d’intervention discrètement malicieux.
Du geste discret de tendre l’oreille à celui de re-composer les sons capturés, toujours en mode doux, sans les emprisonner, juste en en conservant la trace, on construit ainsi tout un parcours aux milles variantes possibles.
Exemple : l’écoutant invite d’autres écoutants à lui emboiter le pas, oreilles concertantes, lenteurs partagées, silences aussi. Des gestes partagés simples mais opérants.
Tout doucement, sans faire de bruit, ne rien perturber dans la ville, ni la campagne, ni nulle part ailleurs. Ceci pour laisser s’entendre les murmures et rumeurs, intimités décelables, sans ostentations acoustiques.
L’artiste écouteur n’est pas forcément sur le devant de l’audio-scène, comme un personnage aux oreilles ostentatoires et postures imposantes. Il peut, voire doit être un discret écouteur-emprunteur de sons, qui ne bouscule rien, ou si peu.
S’assoir sur un banc ou arpenter paisiblement le village, oreilles aux aguets, grandes ouvertes, comme fondues dans les ambiances, immergées dans les flux soniques, tout cela reste à l’échelle d’un modeste audio-théâtre de proximité.
Nous ne chercherons pas forcément le spectaculaire, l’événementiel auditif grand format, l’audiorama booster d’effets spéciaux, plutôt la balade intime, l’écoute posée, sans jeu grandiloquent, sans dispositifs bluffants.
Tout doucement, dans l’allure, les gestes, l’attention portée, le partage, une discrétion intrinsèque, une économie de moyens, semblent s’imposer, ou tout au moins proposer des gestes respectueux et pertinents.
Ne pas forcer le trait, ni amplifier à outrance les choses entendues, ou celles potentiellement imaginaires, sonifiées, relève d’une sagesse pragmatique, sans emphase sonique.
Trop souvent, la fureur et le bruit s’imposent comme des quotidiens violents.
Raison de plus pour ne pas brusquer outre mesure l’écoutant, régulièrement malmené, ballotté dans des tempêtes sonores, traumatisé jusqu’à fleur de tympan, voire au plus profond de son entendement.
L’efficacité ne passe pas forcément via l’injonction péremptoire, mais plutôt par des propositions laissant de larges champs exploratoires ouverts, à discrétion, en prenant le temps de faire, d’expérimenter, de partager.
Il est contre-productif de rajouter pléthore de sons spectaculaires, comme d’ insipides muzaks, de les imposer à l’ouïe de toutes et tous, mais plutôt profitons modestement, raisonnablement, ethniquement, de l’existent, du trivial quotidien, sans remous.
Si parfois la mise ben scène du geste d’écouter dans l’espace public peut être un fait assumé, voire joué et sur-joué devant de nombreux publics, comme une proposition participative, la discrétion est, version micro ou infra écoutante, aussi différente que complémentaire de l’audio-spectaculaire
Le paysage sonore se construit ainsi d’une écoute aussi modeste qu’intense.
L’écoute non spectaculaire va fouiller les micros-sons, les .ambiances intimes, les ambiances cachées, sans trop déranger la vie qui bat, via une approche où la monstration imposée n’est pas de mise.
Imaginons une attitude éthique, qui va creuser l’écoute telle celle d’un traqueur de sons qui, efficacité oblige, doit être le plus discret que possible, ne pas se faire repérer, ne rien perturber dans son proche milieu, de façon à (faire) entendre la vie sonore en toute intimité.
Le chasseur de sons est un personnage qui se confond à l’environnement ambiant, de façon à en jouir du plus profondément que possible, sans se montrer conquérant, mais discret écoutant respectueux de l’équilibre sonore préexistant à sa venue.
Il s’agit de ne pas user d’une posture conquérante, intrusive, irrespectueuse, mais au contraire de rester dans une humilité d’écouteur accueilli et accepté à la condition de ne pas s’imposer. Rappelons-nous que, en forêt ou ailleurs, l’écoutant est aussi écouté en retour.
Contrairement à se qu’affirmait un slogan radiophonique, le monde n’appartient pas à celui qui l’écoute, ce dernier s’offre simplement à lui comme un don du son intrinsèquement généreux.
Qu ‘on se le dise !

Arts sonores publication – Revue Document(s)

L’Autre musique et le Projet Bloom s’associent et s’engagent dans la publication d’une nouvelle revue papier consacrée aux arts sonores au sens large dans leurs relations aux autres arts.

Cette nouvelle revue veut combler un manque cuisant dans le champ artistique contemporain : l’absence de textes qui osent poser des questions artistiques, qui prennent des partis pris forts et sans concession, une revue qui se décolonise d’une langue prête-à-porter.

​Parce qu’il est proprement insupportable de se laisser envahir par des textes et des discours formatés qui ressemblent à de la mauvaise propagande égotique quand il s’agit de texte proposé par des artistes, ou à des patchworks plus ou moins alambiqués, faits de raccourcis non inspirés et sans fond, quand il s’agit d’articles musicologiques ou de recherche en art ( et souvent sans l’art) :

Documents veut, dans l’esprit de la revue du même nom dont elle s’inspire de manière très lâche, mettre en tension des textes, des images, des représentations, des sons, des partitions. Un rapprochement lointain et juste, une unité disjonctive, qui proposera une pensée critique et sensible dans le sensible.

Des contenus qui poseront, par leurs heurts parfois violents, les symptômes artistiques de notre époque, prendront le risque d’émettre des hypothèses poétiques, et mettront en chantier des manifestes sonores. Nous ne sollicitons, vous l’aurez compris, non pas des articles d’analyses musicologiques, mais des textes et documents qui témoigneraient d’une réflexion artistique critique, sensible, et résolument de son présent. Pas de thèmes donc pour chaque numéro, mais un travail éditorial qui consistera à mettre en tension les propositions reçues ou sollicitées.

​Les propositions seront publiées au fil des numéros si des mises en tensions apparaissent possibles. Vous pouvez proposer des partitions (non publiées) que nous souhaitons publier en intégralité, des images ou des séries d’images, des dessins, des schémas, et toutes formes textuelles qui rentrent dans le sensible. Un dictionnaire critique accompagnera chaque numéro de la revue, proposant des points de vue terminologiques personnels et engagés ; il appartiendra à chacun des contributeurs de l’étoffer, au fil des publications.

Document(s) est une nouvelle revue papier consacrée aux arts sonores au sens large dans leurs relations aux autres arts.

Cette nouvelle revue veut combler un manque cuisant dans le champ artistique contemporain : l’absence de textes qui osent poser des questions artistiques, qui prennent des partis pris forts et sans concession, une revue qui se décolonise d’une langue prête-à-porter. Parce qu’il est proprement insupportable de se laisser envahir par des textes et des discours formatés qui ressemblent à de la mauvaise propagande égotique quand il s’agit de texte proposé par des artistes, ou à des patchworks plus ou moins alambiqués, faits de raccourcis non inspirés et sans fond, quand il s’agit d’articles musicologiques ou de recherche en art (et souvent sans l’art) :

Documents veut, dans l’esprit de la revue du même nom dont elle s’inspire de manière très lâche, mettre en tension des textes, des images, des représentations, des sons, des partitions. Un rapprochement lointain et juste, une unité disjonctive, qui proposera une pensée critique et sensible dans le sensible.

Des contenus qui poseront, par leurs heurts parfois violents, les symptômes artistiques de notre époque, prendront le risque d’émettre des hypothèses poétiques, et mettront en chantier des manifestes sonores. Nous ne sollicitons, vous l’aurez compris, non pas des articles d’analyses musicologiques, mais des textes et documents qui témoigneraient d’une réflexion artistique critique, sensible, et résolument de son présent. Pas de thèmes donc pour chaque numéro, mais un travail éditorial qui consistera à mettre en tension les propositions reçues.

Vous pouvez proposer :

Des textes

– Toutes formes d’écriture critique et réflexive qui ont la rigueur des textes académiques, mais qui en questionnent la forme : théâtre, bande dessinée, fiction…

– des articles académiques (anthropologie, sociologie, esthétique…) s’ils s’inscrivent dans la dynamique de la revue ou s’ils sont des articles de recherche-création.

Tout ce à quoi nous n’avons pas pensé, mais qui trouverait largement sa place dans cette revue.

Des œuvres

– des partitions (non publiées) que nous souhaitons publier en intégralité ;

– des images ou des séries d’images, des dessins, des schémas qui rendent comptent d’une œuvre plastique en lien avec le sonore et/ou le musical (ou le contraire) ;

– toutes formes textuelles qui questionnent le sonore et/ou le musical (poésie sonore, poésie visuelle, fiction…).

De plus, un dictionnaire critique accompagnera chaque numéro de la revue, proposant des points de vue terminologiques personnels et engagés, vous pouvez dès à présent nous proposer un mot.

Modalités

Envoyez-nous votre proposition ou un résumé de votre proposition accompagnée de tout ce qui vous paraîtrait utile quant à la compréhension de celle-ci (site, bio, liens vidéo et/ou sonore…) à colin.roche(at)projetbloom(dot)com et frederic.mathevet(at)projetbloom(dot)com

Aqua Vivace

2024 sera bouillonnante
Une année au fil des ondes
Des territoires liquides
Des dérives en rives
Eaux courantes
Eaux dormantes
Eaux étales
Eaux profondes
Eaux souterraines
Terres karstiques
De cénotes en dolines
Résurgences
A fleur de terre
Eaux torrentueuses
De rus en cascades
Puits et fontaines
Biefs et lavoirs
Canaux et écluses
Les flux aquatiques se feront entendre
Tendons-leurs l’oreille
Écoutons leurs secrets
Leurs puissances
Leurs discrétions
Leurs fragilités
Et parfois agonies
Remontons les berges
De la goutte affleurante au majestueux delta
D’embouchures en estuaires
Mers et océans
Traversons les gués
Donnons la paroles aux cours d’eaux
Et à ceux et celles qui les côtoient
Des sources en estuaires
D’affluents en confluents
De glaciers moribonds en moraines glissantes
Entendons des paysages sonores aquaphoriques
Qui tracent et modèlent des paysages audibles
Des méandres soniques
Façonnées à petits ou grands bruits
Entre crachins, pluies et déluges
Lisons l’histoire des villes, des industries, des moulins
Par le biais de leurs eaux
Racontons les à notre façon
Au travers les flots d’une mémoire nourricière
Les voies d’eaux reliantes
Les hydro-énergies déployées
Les végétations bordantes
Les cours des lits sinuants
Entendons les récits
Les contes et les légendes
Les monstres engloutis
Toujours prêts à resurgir
Bonhommes ou maléfiques
Maillons un territoire extensible
De points d’ouïe aquatiques
Dressons une cartographie sonore
Humide et rhyzomatique
Un inventaire de sites audio-aquatiques remarquables
Protégeons les comme des communs à portée d’oreille
Déchiffrons les textes influents, odes aux ondes rafraichissantes
Construisons un réseau auriculaire irriguant
Des trames bleues et chemins de halage
Des douces mobilités riveraines apaisées
Des sentiers nichés dans des vallons modestes
Mêlons la vue et l’ouïe au long cours
Croisons les arts et les sciences
Hydrologiques et humaines
La culture scientifique et la création sonore
L’histoire et la géographie des flux
Celle des riverains mariniers ou marins
Meuniers ou sauniers
Indisciplinons des approches mouvantes
Entre crues et tarissements
Débordements et assèchements
Prêtons attention au flux salvateurs
Prenons en grand soin
Affirmons l’urgence de le faire
Écoutons pendant qu’il en est encore temps
Les milles et unes sonorités liquides
Les poésies aux images ondoyantes
Et les chants ruisselants des eaux vives.

Visitez « Bassins Versants, l’oreille fluante »

Postures

Cette courte vidéo, en pied d’article, montre quelques postures d’écoute qui peuvent être proposées, sans aucunes consignes verbales préalables, en silence, par des invitations corporelles, à un groupe de promeneurs écoutants.

Ici des étudiants en écoles d’arts média à Saint–Pétersbourg.

Ce fut une belle série d’expériences, soundwalks, conférences, concerts – performances, field recordings, échanges fructueux… à Saint-Pétersbourg, Kronstadt, Kaliningrad…

Je repense très souvent à ces jeunes étudiants, aux opérateurs culturels qui m’ont si généreusement accueilli, aux artistes, enseignants… croisés durant ce voyage. De belles rencontres dans un pays aujourd’hui isolé par une guerre insoutenable, comme toutes.

Aqua Vivace !

L’eau ruisselante, courante, dormante, est une force vive. Aqua vivace ! Elle donne et maintient la vie, irriguante, vivante, autant que fragile.

L’écouter, c’est commencer à lui prêter attention, un premier geste vers le « prendre soin ».

C’est inviter à arpenter les rives et rivages, toutes oreilles ouvertes. C’est tracer des cheminements rafraichissants, et lire de belles histoires hydrophoniques, de rives en rives. C’est imaginer ses discours dessus/dessous, ses confidentes, ses monstres cachés, ses dialogue entre territoires liquides improbables. C’est une tentative pour lui donner la parole, même de façon la plus subjective et imaginaire qui soit !

Une géographie fluente, auriculaire, pour nous ramener, in fine, au fil de l’onde vagabonde.

Écoute au casque conseillée

Lien projet : Bassins Versants, l’oreille fluante

Souvenirs sonores jurassiens et communs auriculaires

Lors de repérages de sites auriculaires remarquables, 1989/90, avec Acirene, passage au lac D’Antre, à Villards – d’Héria, PNR du Haut-Jura. Un lac miroir qui, avec sa falaise rocher,, réfléchit et amplifie les sons de façon très spectaculaire d’une rive à l’autre.

Le rocher d’Antre, le surplombant d’un faut d’une falaise abrupte, nous offre une écoute et une vue panoramique tout aussi remarquables.

Il existe nombre de sites acoustiques remarquables qui ne demandent qu’à être écoutés, parfois sonnés, à leur échelle, mais aussi parfois protégés en en taisant les richesses. C’est du ressort de promeneurs écoutants impliqués dans une écosophie de l’écoute, considérant qu’une forme de patrimoine auriculaire qualitatif est un bien commun à défendre.

Partition de PAS – Parcours audio sensibles N° 25 « Énumérations »

Public : Solitaire, en duo, en groupe, de préférence ados et adultes

Lieu : Ici ou là

Temporalité, durée : Au libre choix, néanmoins, il est bon de donner un cadre temporel à l’action

Actions : Choisir une source sonore, de préférence présente dans le lieux écouté (voitures, voix d’hommes, ou femme, ou enfants, oiseaux, trains…)
Relever leurs apparitions, si besoins les noter, les compter, en faire la somme.
Réitérer cette action dans plusieurs lieux-Points d’ouïe, comparer les résultats.

Remarques, variations, extensions/rendus : Transcrire les résultats en cartes mentales, graphiques, schémas, pourcentages, textes, lectures énumératives performatives…

L’oreille de proximité, des écoutes…

Le paysage sonore nous rattache à un territoire par une géographie sensible de proximité.
La carte se trace avec des contours délimitant un champ auditif environnant.
Le son de la cloche, de la fontaine, le portail du voisin qui grince, la cour de récréation et le bar près de chez soi, sont autant de marqueurs sonores qui construisent un espace tissé d’ambiances, où des micros événements sculptent un territoire à portée d’oreille.
Ces objets auditifs, aisément identifiables, comme des sons voisins, nous permettent de vivre, de pratiquer un espace en ayant des repères spatiaux-temporels, éléments qui rythment et architecturent un quartier, une rue, le centre d’un village.
Nous sommes baignés dans une aire sonore au quotidien, avec ses stabilités et ses fluctuations.
L’épisode Covid 19, qui nous a, bien malgré nous, assigné à résidence si je puis dire, a mis en avant des détails, constituants audio-paysagers que nous n’entendions plus guère, à force d’habitude.
Gommant des flux hégémoniques, tels la circulation automobile, il a, tout en faisant taire certaines activités sociétales et professionnelles, remis au premier plan, à portée d’oreilles, des éléments sonores structurants.
La rue au bas de nos fenêtres, nettoyée d’un trop-plein sonore, nous a fait entendre des sons plus ténus, intimes, animant et renseignant nos enfermements de proximités acoustiques plus apaisées que d’ordinaire.
L’oiseau sur le platane d’en face a retrouvé une place audible, en l’absence de bruit de fond prégnant.
La proximité sonore, dans une ville où l’urbanisme resserre parfois les champs auditifs entre des murs-obstacles masquant souvent les perspectives lointaines, crée à l’écoute une série de microcosmes auriculaires singuliers. Des Microcosmes sonores de proximité.
Des espaces où la voix du voisin, le raclement des chaises métalliques de la terrasse du restaurant, et de nombreux objets sonores indiciels, nous positionnent comme un acteur écoutant, en identifiant un périmètre auditif sensible.
Cette géographie sonore rapprochée, rythmée d’itérations, marquées de récurrences écoutables, assimilables, de la place du village à l’esplanade urbaine, nous ancre dans un paysage familier.
Lorsque l’on s’installe, pour quelques jours où quelques années, dans un nouveau lieu, il nous faut reprendre nos marques, nos repères, plus pu moins consciemment.
L’acoustique sonne, dans nos lieux de vie, de travail, avec une couleur que nos oreilles apprendront à identifier, plus ou moins mat, réverbérante, avec ses effets de mixages, de coupures, d’estompages, ses événements ponctuels, marchés, fêtes locales, commerces …
La proximité de ces éléments sonores permet de se sentir dans un espace immersif apprivoisé, moins inquiétant peut-être qu’un espace inconnu, où l’oreille a du mal à se situer. Même si le dépaysement, le fait de se frotter à d’autres territoires sensibles, avec des ambiances parfois surprenantes, donne à l’écoute, et par delà à l’écoutant, un sentiment d’aventure hors-les-murs, en tous cas hors de ceux qui marquent nos territoires coutumiers.
Par delà le bruit de fond, la rumeur, il faut aller chercher le détail, la petite émergence sculptant un espace acoustique qui nous sera petit à petit familier, proche, peuplé des « presque riens » identifiables, pour faire un clin d’œil au compositeur Luc Ferrari.
La proximité sonore ne se trouve pas forcément dans le spectaculaire, l’extraordinaire, mais souvent dans l’infra-ordinaire, pour citer Georges Pérec, qui savait si bien observer les territoires de proximité, à portée de regard, ou d’écoute.
Ce qui nous est sentimentalement proche, c’est un ami, un être cher, un membre de notre famille.
Nous pouvons aussi être proche, affectivement, de notre quartier, petit bout de ville ou de village, campagne. Un espace abordé par le petit bout de l’oreillette.
Je pose parfois à des étudiants la question suivante « Et avec ta ville, comment tu t’entends ? ». Ici, nous jouons sciemment de la polysémie du verbe entendre, au niveau du geste d’écoute, de la compréhension d’un site, comme à celui de se sentir bien dans un lieu donné, d’y trouver des aménités..
Il est plus facile je pense, de se rattacher, dans un bonne entente, à une parcelle de territoire se situant dans une proximité mesurable, où nos repères spatio-temporels sont marqués d’éléments saillants, récurrents, reconnaissables, que dans un espace trop étendu pour que nous puissions en saisir les singularités. Le paysage acoustique est complexe dans ses incessantes variations, la proximité permet de le saisir en s’y immergeant au quotidien.
Les sonorités proches, géographiquement ou affectivement, personnellement j’adore les sonneries de cloches, nous ramènent à un voisinage incluant, dans le meilleur des cas. Un voisinage sympathique, une proximité où la coexistence est de mise, où la voix de son marchand de légumes préféré, sur le marché local, la fontaine de la place, nous font trouver notre place, même modeste, dans le grand concert urbain , parfois trop cacophonique.
Être proche de, c’est se trouver, se retrouver, dans une échelle raisonnable, là où les sons pourront être identifiés comme des objets appropriables, sensoriellement parlant.
La proximité des choses, humaines, auriculaires, sociales, évite de trop grands isolements. Les sons jouent pour cela un rôle d’insertion sociale, quand ils ne viennent pas bien évidemment nous agresser par leurs violences, leurs intensités acoustiques ou symboliques, affectives.
Faire l’effort d’écouter ce qui nous entoure peut nous rendre plus proches, dans tous les sens du terme, de nos lieux de vies et de leurs habitants.
Écouter les sons environnants, nous fait se sentir au centre d’une vie bruissante, y résonner par sympathie, telle une corde d’instrument, trouver un minimum d’empathie de proximité. C’est ce qui nous donne une existence sociale au cœur d’un quartier façonné entre autres, de sons multiples.
Personnellement, mes points d’ouïe favoris sont souvent des bancs publics. Je les choisis dans des lieux que j’aime, ni trop déserts, ni trop saturés. acoustiquement, là où la rencontre, l’échange, sont toujours possibles au quotidien.
Les bancs sont des mobiliers qui, au delà de nous poser, ou reposer, nous font ressentir la proximité des choses, y compris celle des choses entendues.
Les marchés locaux sont également de ces lieux et moments où la proximité place l’activité humaine au cœur des choses. Nous entendons des espaces où l’oreille prend aisément ses repères, guidant parfois nos déambulations d’étal en étal, ou bien vers la terrasse d’un bar jouxtant les emplacements des forains et des maraichers. La vie est à portée de tympan, toute proche, rythmant certains jours de la semaine, moments de la journée. Il suffit d’y prêter l’oreille et l’attention pour se sentir, en bon entendeur, un peu plus proche de son quartier, et par delà, de la vie même.

Salon Trégor sonore

Le Trégor Sonore, un collectif qui fait du bruit

Le territoire lannionnais et plus encore le Trégor est un bassin excellence dans les domaines du sonore. En effet, des artistes et musiciens utilisent quotidiennement le son comme matière de création et des techniciens, ingénieurs et chercheurs maîtrisent et développent les outils et les méthodes pour manipuler la matière sonore.

Cet héritage est né au milieu du 20ème siècle dans le Trégor grâce à l’un des pionniers de la sculpture sonore, Yann Paranthoën, documentariste radio de renommée internationale et grâce à la présence du CNET.  C’est à Lannion où le siècle dernier, des scientifiques ont fait des avancées significatives dans l’audio appliqué à la téléphonie et ont bâti les basses des technologies aujourd’hui présentes dans l’ensemble de dispositifs multimédia.

Cet savoir-faire multidisciplinaire est toujours présent dans le territoire avec des créateurs comme l’agence du verbe à Plouec-du-Trieux, les studios analogiques de Kerwax à Loguivy-Plougras, et les laboratoires de R&D de Mulann, B-Com, Orange et l’ENSSAT à Lannion.

Faisant le constat que ces acteurs travaillent dans des thématiques connexes ou les spécificités des uns sont souvent inconnues des autres, Le Trégor Sonore mets autour de la même table l’ensemble de personnes ayant des compétences dans les domaines du sonore afin de faciliter les collaborations et de permettre le partage de connaissances.

Cette association 1901, créée en 2018 par l’initiative du Centre de Découverte du Son, le Centre d’exploration et de création artistique Le Loguellou, et des chercheurs d’Orange Labs et Feichter Audio, a également pour but d’apporter de la visibilité au territoire comme un pôle excellence dans les domaines du sonore ce qui serait un attrait important pour l’installation et la création de nouvelles structures. L’association réunit et donne de la visibilité à ses membres lors des événements qu’elle organise tout au long de l’année.

Le Trégor est une terre d’excellence et d’innovation en matière sonore. Des entreprises, des chercheurs et des artistes façonnent le sonore à leur guise et développent le savoir-faire de demain. Trégor Sonore et l’ensemble de ses partenaires sont fiers de faire un état des lieux des ces avancées, les vendredi 17 et samedi 18 novembre prochains, au Logelloù à Penvenan (22).

Lors de ce rendez-vous, vous aurez l’opportunité de rencontrer les experts du secteur qui vous dévoileront les produits et les méthodes de demain à travers des stands et des conférences. Vous pourrez également vous rendre compte des applications de ces avancées lors des séances d’écoute et des concerts.

Conférences

Démos et écoutes

Concerts…

Programme…

Réservations…

Les Intervenants :

Les concerts :

Site de Trégor sonore

Echo-bruit, éducation à l’environnement sonore

Le n°177 de la revue Echo Bruit du CIDB (Centre d’Information sur le bruit) comprend un dossier spécial sur l’éducation au sonore !

« Pour ce numéro spécial, nous avons mis à l’honneur les acteurs des territoires sonores qui nous donnent à écouter les sons du monde et qui contribuent à sensibiliser les jeunes et le grand public à une meilleure compréhension de l’univers sonore qui s’ouvre à nous.

Retrouvez aussi les rubriques habituelles d’actualité autour de la qualité de notre environnement sonore : politique, écho des villes, biodiversité, bâtiment, santé, et culture. »

Deux pqages sont consacrées à Desartsonnants/Gilles malatray

Site du CIDB

Partition de PAS – Parcours Audio Sensible, partition n°23 – «Presque rien, infra »

Public


Solitaire, à 2, en  groupe

Temporalité et durée


De jour, de nuit, durée variable, de quelques minutes à quelques heures

Lieu


Ici ou là, en ville ou en milieu naturel, ailleurs…

Actions

  • Opérez à oreilles nues, non appareillées, non augmentées
  • Tendre l’oreille vers le son le plus loin, limite inaudible
  • Tendre l’oreille vers le son le plus faible, limite inaudible
  • Tendre l’oreille vers le son le plus fugace, le plus furtif, le plus éphémère
  • S’attacher à l’infra ordinaire (Pérec), à l’infra mince (Duchamp), en faire son miel auriculaire
     
    Remarques et variations
    Dans un deuxième temps, on peut, à l’occasion, s’équiper de stéthoscopes, pour aller fouiller la matière en surface ou à cœur.
    On peut de même, s’équiper d’enregistreurs et des casques audio faisant « effet loupe  sonore ».

Références

Presque rien : Luc Ferrari

Infra ordinaire : Georges Pérec

Infra mince : Marcel Duchamp

Les histoires d’écoutes sensibles ne sont pas toujours heureuses, mais elles sont nécessaires

Histoires de dire, de faire, de ressentir, de parler, d’aménager, le sensible est un outil de lecture, d’analyse et d’écriture, participant au processus d’aménagement du territoire.…

Un territoire est donc un espace qui se construit (aussi) via une approche dite sensible.

Parlant du territoire sonore, comment dire un morceau du monde en l’écoutant, en pensant comment il sonne ?

Comment construire une relation écoutant – écouté, la plus féconde et bénéfique que possible au plus proche du terrain ?

Il nous faudra tendre une oreille ouverte, curieuse, qui cherche à proposer de nouvelles façons d’entendre le monde, des ouvertures soniques originales, acoustiques, humaines, de nouveaux champs d’écoute les plus inouïs que possible.

Le sensible peut être ici une sorte de clé de lecture, un angle d’attaque porté par l’expérience, voire l’expérimentation d’écoutes in situ, par l’auscultation du quotidien, y compris celui de l’infra-ordinaire surprenant.

Néanmoins, et malgré tous nos efforts, l’expérience d’écoute ne nous révèle pas que des choses idéalement positives. Loin de là même.

L’expérience d’écoute nous fait parfois, souvent, entendre là où ça fait mal.

Elle peut nous plonger dans des ambiances des plus inconfortables, bousculantes, parfois même traumatisantes, là où ça sature, ça distord, ça grince, ça violente, ça perturbe, ça angoisse, au fil de pollutions aussi sclérosantes que néfastes, nuisibles.

Chercher l’agréable, l’équilibre, le vivable, le soutenable, chemine à travers des espaces-temps inconfortables, si ce n’est douloureux.

Le sensible à fleur de tympan nous place dans des situations oscillant entre l’agréable, le beau, dirons-nous, dans le caractère éminemment subjectif de la chose, la jouissance, comme il verse parfois dans des expériences qui mettent notre corps écoutant à rude épreuve.

Nous traversons des alternances d’aménités et d’agressions, d’entre-deux désagréables, qui bousculent nos sens, notre pensée, et au final notre corps tout entier.

Bien sûr, nous recherchons des espaces apaisées, et souhaitons que nos paysages ne sombrent ni dans le vacarme chaotique, ni dans la paupérisation silencieuse.

Nous tentons d’écrire, de composer, envers et contre tout, des partitions qui font sonner les lieux comme des musiques, recherchant avant tout l’harmonie, même dans des formes potentiellement discordantes.

L’écoute n’est jamais un long fleuve tranquille, elle s’aventure dans des terrains où les bruits peuvent prendre le pas sur les musiques, brouillant ou déformant, couvrant les messages qui se voudraient rassurants, faisant résonner bien trop fort des sons violents, guerriers, haineux, clivants.

Des voix se taisent, disparaissent, d’animaux, d’humains, de ruisseaux, emportés par une succession de crises qui secouent notre monde. Et tout cela s’entend. On ne peut pas y échapper, même en fermant les yeux et en se bouchant les oreilles.

Écouter implique de se frotter, de se confronter, au meilleur comme au pire.

L’essentiel est de ne pas baisser ni les bras ni les oreilles, pour aller chercher les réflexions, les actions, les gestes, les espaces qui sonnent bien, pour construire un commun entendable, qui servirait le mieux-être, l’intérêt général, et proposerait des modèles combattant l’excès comme le manque.

L’approche auriculaire sensible ne doit ni idéaliser, ni fuir des réalités pour le peu des plus difficiles à vivre, ni renoncer à la recherche d’une belle écoute, entre autre chose, celle qui nous aidera à trouver un mieux être, au sein d’un monde ballotté de crises en crises.

Écouter, c’est (aussi) résister !

Novembre 2023

Errer, naviguer, au fil de l’onde

Installation sonore Miribel Jonage

Errer, naviguer

Errer au fil des eaux

Tendre l’oreille aux paysages liquides

Aux méandre sinueuses

Aux ports ouverts au monde

À leurs cosmopolitisme sonore

L’échappée bleue comme horizon

Revenir vers les rus

Pénétrer la campagne

Où les eaux se ruissellent

Traverser la forêt

Avec ses mares au diable

Naviguer les marais

Dans de labyrinthiques voies d’eau

Retrouver la Vouivre et le Tarasque

Le Drac et les Naïades

Ophélie et les Sirènes

Entendre les moulins

Même ceux immobiles et muets

Clapoter les pieds dans l’onde

Longer les rives chahutées

Errer, naviguer

De trames bleues bouillonnantes

En nappes étales dites dormantes

Marcher les chemins de halage

Et traverser des ponts

Sauter sur les pierres d’un gué

Prendre un bac traversant

Contempler la marée

Entendre les ressacs

Et les cailloux roulés

Et les cailloux jetés

Surprendre les grenouilles

Plongeant à notre approche

Après de sauvages coassements

Écouter les branches d’un saule

Titiller les eaux sous le vent

Les harangues de canards barbotant

Les vrombissements de zodiacs bondissants

Les rires de jeunes baigneurs

Le déversoir d’une digue trop pleine

Un délestage d’une centrale électrique

Sur un torrent montagnard

Les flic-flic spongieux

D’une tourbière ancestrale

La réverbération miroir

D’un large fleuve roulant

Des arbres charriés après la pluie d’orage

Le sifflement de cannes à pêche au lancer

Le rembobinage de moulinets véloces

Le ploc de bouchons colorés

Les eaux fendues par l’étrave

Leș vaguelettes inondant la berge

Après le passage d’une imposante barge

Les voix festives une soir d’été

Au bord d’une rivière accueillante

Errer, naviguer

Des ruisseaux familiers

Des rivières inconnues

Des torrents surprenants

Percevoir les rares clapotis

D’un cour d’eau asséché

Par un été trop chaud

Tourner au tour de la fontaine

L’oreille collée à ses ruissellements

Lancer des galets dans l’étang

Voir et entendre leurs ondes de choc

Et les ronds harmoniques

Jouer aux ricochets

Les compter à l’écoute

S’abrutir de bruits blancs

De vagues itératives

De houles déferlantes

Et reprendre son souffle

Au creux humides et sombres

Des étangs forestiers

Errer, naviguer

Fendre les flots indolents

Défaire les barrages brutaux

Laisser l’écoute s’immerger

Courir les berges sans quais

Entendre les chants de l’eau

Les complaintes et mélopées fluentes

Les nappes ondoyantes

Les respirations profondes

Les ondées tambourinantes

L’apaisement d’un fleuve

Les échos des abers

Envahis par la mer

Se laisser irriguer

Par des ondes porteuses

Des flots nourriciers

Des sons désaltérants

Se laisser conter

Les légendes des eaux

Et ses mille récits

Ses monstres immergés

Au creux des sombres puits

Et des sources magiques

Des profondeurs fluviales

Des résurgences en eaux vives

Des fêtes archaïques

D’un Neptune souverain

D’Océan le Titan

De Thétis la Déesse des eaux

Abreuvant nos imaginaires

Débordant de récits en crues

Hors les lits enchâssés

Jusqu’à briser les digues

Mais parfois se tarissent

Les cours et les contes

Dans des flots abimés

Où meurent les poissons

Les coraux et éponges

Asphyxiés de plastiques

Et de mille déchets

De souillures étouffantes

Qui font taire les flots

Les rendent inhabitables

L.es font Inconsommables

Les font mourrir d’assèchements

Les têtards agonisants

Les grenouilles muettes

Comme des eaux de morte Terre

Comme des eaux de morte Mer

Alors promenons nous au fil des eaux

Nos oreilles assoiffées

Installons nos écoutes dérivantes

Réjouissons nous d’entendre encore

Les eaux courantes et fragiles

Et prenons en grand soin

Car lorsqu’elles se tairons

Nous nous tairons aussi.

Chant d’automne finissant

L’automne s’enfuit, doucement
Glissant vers l’hiver, inéluctable
Les passereaux se sont tus
Les corneilles persistent, résistent
Et même bavardent de plus belle
De cris en cris
De vols en vols
Secouant l’arbre solitaire de leur étrange frénésie
Les terrasses rentrées
Le quartier va vers l’endormissement
À pas feutrés, mais décidés
Les volets se ferment plus tôt
Claquant contre les vents automnaux
Les paroles-même s’amenuisent
Dans la sphère du privé
Les rires se font discrets
Au travers les fenêtres prestement fermées
Parfois dans la rue engourdie
Les places se vident, lentement
Et les bancs inoccupés
Sont balayés de trainées venteuses
De bourrasques rageuses
Les feuilles ocrées raclent le sol de crissements furtifs
La cloche semble teinter quasiment en sourdine
Ses sonneries éparpillées au gré des vents facétieux
La fanfare attends des jours meilleurs
Pour sonner et réveiller les rues
Les pipistrelles volent en silence
Engloutissant les insectes encore remuants
Avant que de s’endormir à leur tour
La fraîcheur s’est installée, sans éclat
Timide pour l’instant
Les réverbèrent accompagnent l’entre chiens et loups
Jetant au sol des flaques jaunies
Sur les dalles de pierre luisantes
Que la pluie percussive tambourine avec vélocité
Je regrette déjà les excès de l’été
Et même ceux, automnaux, de ses attardements indiens
Leur brûlante et sonore insolence
Les halètements sous un soleil trop souvent cuisant
Il me faut accepter que tout baisse d’un ton
Glisse parfois vers un presque silence
Que tout s’apaise enfin
Que l’oreille comme le corps respirent
En aspirant déjà à un prochain réveil
Bruissonnant sans vergogne
Une entame à nouveau bien sonnante
Aux accents volubiles
Mais au cœur de l’hiver, inexorable
Que l’on sent approchant
Je garderai l’oreille alerte
En posture curieuse
Pour la nourrir encore
Du moindre son restant
Si fugace fût-il.

Indisciplinarité

Je ressens aujourd’hui le besoin de faire cohabiter, voire collaborer, via le paysage sonore, mes deux métiers initiaux, à savoir l’horticulture paysagère et la musique, et par-delà l’univers des sons et des ambiances sonores, auditives.
A chaque PAS – Parcours Audio Sensible, la lecture du paysage, via l’écoute, convoque des approches esthétiques, écologiques ou écosophiques, environnementales, sociales, en essayant du mieux que possible, de déconstruire les barrières de spécialités cloisonnées. Ce que la chercheuse linguiste Myriam Suchet défends, en faisant un pas de côté, dans les champs d’étude de l’indisciplinaire. L’indisciplinaire se tient à la croisée des chemins et des pratiques, favorise le hors-cadre, met en avant la marque du pluriel.
A monde complexe, approche ouverte.


Un paysage au prisme de l’auricularité est hétérotopique, hétérosonique même, pour paraphraser Foucault. Ce sont des espaces-temps situés, souvent aménagés, littéralement d’autres lieux, des espaces autres. Ils tissent des couches de territoires entre imaginaire, symbolique, fonctionnalisme, continuités et ruptures… superposant des strates où le son a son mot à dire, à faire entendre.


Encore faut-il pour cela accepter d’entendre les polyphonies du monde, quitte à en perdre parfois ses repères, ou a se trouver pris dans un jeu de contradictions, de tensions/détentes, d’univers sensibles flottants et incertains.
Le paysage par les oreilles n’a pas toujours de frontières claires, de plans figés entre le très près et le lointain, ni forcément de caractéristiques esthétiques immuables, ou stables. Il est constitué de beaucoup de sources éphémères et d’ambiances toujours en mouvement, en transformation, parfois de façon rapide et déconcertante.
L’acousticien, le paysagiste, le musicien ou l’artiste sonore, le politique, en entendront chacun une version parfois bien différente, à l’aune de leurs expériences, savoir-faire, cultures, et du projet qu’ils portent en explorant et travaillant un lieu.
Chacun y défendra ses intérêts, parfois au dépend de ceux du terrain dans leurs étroitesses et rigidités, qui ne laissent que peu de place à des actions ajustables aux contraintes changeantes du territoire, et aux usages et perceptions multiples de ce dernier.
La perception, la lecture, l’interprétation, l’analyse, doivent avoir l’humilité de se savoir parcellaires, incomplètes, si ce n’est erronées, et ayant tout à gagner de brasser les champs de l’art, de l’acoustique, de la santé, de l’éducation, de l’économie, de la géographie, de l’action sociale, de l’éthique…
L’intérêt de porter une oreille ouverte et curieuse sur nos lieux de vie, de former des équipes pluridisciplinaires pour rechercher des gestes indisciplinés, d’hybrider des savoir-faire, des compétences, de ne pas enfermer le paysage sonore dans une audition unique et figée, une approche rigide, qu’elle soit sensible, quantitative, normative et légaliste, peut paraître une évidence, et pourtant, sur le terrain, il n’en va pas de soit, loin de là.
Pour des questions administratives, logistiques, économiques, financières, politiques, quand il n’est pas question d’égo et de prés carrés, les cohabitations-collaborations sont loin d’être aussi fréquentes qu’on pourrait le souhaiter.


Penser un paysage sonore comme un territoire équilibré, écoutable, habitable, apaisé mais non désertique et anxiogène, au sein d’un aménagement global, prônant des zones calmes, des mobilités douces, des espaces de fraîcheur, des lieux de rencontres, n’est pas chose simple devant la partition mille-feuilles des spécialités et des intérêts de chacun.
Or le monde accélère, se complexifie, mute à vitesse grand V, remet en question des problèmes où la survie-même se pose comme une préoccupation urgentissime,. Pour autant, dans un enfermement libéro-capitaliste aveugle, des collaborations faisant sens commun, dans l’écoute comprise ne sont pas vraiment favorisées bien au contraire parfois. On nous parle aujourd’hui de recherche-action, de recherche-création, d’Unité Mixte de Recherches, de pôles d’excellence transdisciplinaires, mais malgré tout, les barrières, contraintes et incompréhensions demeurent plus vivaces que jamais.
La seule répartition des budgets étant déjà en soi un sérieux obstacle à des projets qui se veulent fédérateurs.,


Là où l’indisciplinarité décloisonnante, qui tenterait de sortir des logiques productivistes, serait la meilleure alliée, où la lutte contre le bruit ne serait pas la seule finalité, mais aussi une volonté envisagée dans une habitabilité éthique, partagée, non soumise aux seules lois du marché, on trouve encore des résistances sciemment compartimentées.
Là où l’oreille devrait pouvoir se tendre généreusement vers la complexité des espaces esthético-socio-acoustiques, elle est enfermée dans des cloisons que nos systèmes politiques, au sens large du terme, consolident plutôt qu’ils ne les rendent plus étanches, plus adaptées à une construction d’espaces acoustiques pensés comme des communs, tant dans les sphères privées que publiques.


Les approches indisciplinés font sans doute peur, comme des gestes subversifs, plus difficilement surveillables, contrôlables, maîtrisables, dans le pire sens du terme. Aussi l’appareil politique, mais aussi certains puissants lobbys préfèrent-ils maintenir un système cloisonné, quitte à entretenir une forme d’immobilisme, de fuite en avant, dangereusement mortifères.


Oreilles de tous bords, unissons nous !

Lectures de paysages en points d’ouïe

  • Écouter un paysage, point de vue/point d’ouïe, approche auriculaire
  • Comprendre comment il s’entend, ses sources, ses plans sonores, ses effets
    acoustiques, les interactions sensibles
  • Les marqueurs sonores, récurrences et singularités
  • Les aménités et dysfonctionnements, comment s’entend t-on
    avec les lieux ?
  • Descriptions et captations, outils et méthodes
  • Parcours et points d’ouïe, écriture in situ
  • Repérages et inventaires de points d’ouïe remarquables
  • Les plans paysages et les ambiances sonores, vers une écologie acoustique,
    préservations, aménagements et écoutes prospectives

Document en ligne

Ingrédients audio-paysagers

Dans l’écoute, la construction du paysage sonore, il y a (ou peut y avoir) :
De l’attention
De l’intention
Des corps, de l’action, des gestes, des postures
De la marche, de l’arpentage, de l’errance
Du partage, des confrontations, des échanges
Une part de réalisme, une part de rêve, une part d’entre-deux
Le désir de beautés révélées
La volonté d’apaisement, de ralentissement
Une militance politique, éthique, écosophique
L’envie de raconter, de fantasmer, de faire entendre des choses
Le plaisir d’expérimenter, de faire in situ, de l’approche pragmatique
Et celui de transmettre
La recherche de nouveaux postulats
L’approche sensible frottée à des protocoles de mesures quantitatives, normatives
L’indisciplinarité chronique et stimulante
La joie et l’inquiétude du pas de côté
L’effervescence de se perdre, enfin
L’imaginaire et le prospectif, le brassage des deux
Le collectage, l’état des lieux, l’inventaire
La trace, la mémoire, le patrimoine
Le collectif, le participatif, le faire ensemble
Les mises en situations, des immersions à ciel ouvert
L’installation d’écoutes à oreilles nues
La performance du corps écoutant dans l’espace
Des outils de création, de composition
Des matières et matériaux à triturer
Des dispositifs à mettre en place, à inventer
Des protocoles et rituels
Des fêtes et des cérémonies
Des cartographies et géographies sensibles
Une philosophie auriculaire, repenser le monde en l’écoutant
Des récits croisés, des fictions à n’en plus finir
Et bien d’autres choses inouïes.

Fabrique et médiation de Parcours d’écoute(s)

Le travail entrepris en collaboration avec PePaSon – Pédagogie des Paysages Sonores, questionne, sur et hors terrain, les approches liées aux parcours d’écoutes, balades sonores, PAS – Parcours Audio Sensibles, et autres marches écoutantes.

Expériences in situ dans l’espace public, en sites urbains, ruraux, naturels, propositions pour des pédagogies actives autour de l’écoute, outils de création sonore, domaines de recherche-action entre les mondes de l’auricularité, les paysages sonores et les questions écosophiques contemporaines, les approches de ces pratiques sont aussi riches que variées, souvent transdisciplinaires si ce n’est indisciplinaires.

En testant différentes formes sur le terrain, et invitant des artistes, chercheurs, praticiens du son, de l’écoute, de l’environnement, de l’aménagement, des acteurs politiques ou scientifiques, à partager, à expérimenter leurs approches audio-déambulantes, un vaste chantier se fait jour.

Se rencontrer, agir in situ, échanger, se former, documenter, relayer, coorganiser, ressourcer, médiatiser, mettre en place des rencontres… constituent autant de gestes collectifs, participatifs, expérimentaux.

De ces mises en situations expérientielles, pragmatiques, situées, une série d’axes dans des champs esthétiques, techniques, environnementaux, sociétaux, se dessinent progressivement.


Les quelques directions données ci-après, sans tri, hiérarchisation, ni formes de développement, pointent des approches, domaines, modes d’action multiples, pouvant se croiser, voire s’hybrider.

Parcours et promenades écoutantes à oreilles nues
Points d’ouïe et Inaugurations de Points d’ouïe
Dispositifs embarqués, parcours augmentés, réalité virtuelle
Technologies multimédia, installations mobiles
Objets d’écoute et lutherie auriculaire acoustique et électroacoustique
Spectacle vivant, arts en espaces public, musique des lieux
Arts performance, postures et installations d’écoutes
Paysages, écologie, géographie, aménagement
Géolocalisation et cartographie
Interactivité espaces sonores – artistes – publics
Ressources, mémoire et traces
Banques de données, inventaires
Sites auriculaires remarquables, observatoires
Workshops, conférences, rencontres
Organisation d’événements et rencontres autour du Soundwalking

Paysages sonores et créations polymorphes

Dans la création audio, un paysage sonore est un objet, une œuvre, hautement polymorphe.

Trace et mémoire, représentation, interprétation, imaginaire, projet prospectif, arts et sciences, rituel et célébration, espace immersif dedans-dehors, recherche-action, recherche-création, interactions performatives et in-corpore, militance écosophique, matérialité et virtualité, contemplation et distanciation, mobilité et point d’ouïe, récits croisés et indisciplinarité, technologie et dénuement minimaliste, politique, véracité et fiction, dans et hors-le-murs, in situ et volatilité, permanence et furtivité éphémère, poétique et poïétique…

Toute une gamme de gestes, de postures, de scénari, de mises en situations, d’installations, de contextuatisations/décontextualisations… permettent d’imaginer, de fabriquer et de donner à entendre d’innombrables potentiels inouïs

Marcher, écouter, préserver, agir !

PAS – Parcours Audio Sensible, Saint-Pétersbourg – 2019

Si les marches écoutantes, notamment les PAS – Parcours audio Sensibles mode Desartsonnants, ont pour objectif de (ré)apprendre à écouter les paysages sonores ambiants, à y prendre du plaisir via des gestes mettant l’esthétique en avant, d’autres buts sont également recherchés.

La marche comme outil de lecture paysagère, d’analyse et de diagnostique, le fait de comprendre un peu mieux, par les parcours sensibles, les relations que le marcheur habitant ou visiteur, entretient avec les espaces publics, naturels, d’appréhender ce qui fonctionne bien, tout comme ce qui dysfonctionnelle, constitue une approche pragmatique non négligeable. C’est une. Moyen de se doter d’outils d’observation et d’imprégnation aussi simple, quoique, qu’efficaces.

Dans une volonté d’aménagement du territoire, notamment via des mobilités douces, le fait de tracer des cheminements piétonniers sensibles, au fil de l’eau, des trames vertes, des zones calmes, de fraîcheur, de relier différents quartiers en ménageant des points d’ouïe apaisés, constitue un axe de recherche important.

L’écoute permet de faire des états des lieux, des inventaires parfois, pour mettre en exergue les aménités paysagères, tout comme les lieux difficiles à vivre, c’est parfois un doux euphémisme. Cela devrait conduire à protéger ce qui doit l’être, des zones de belle écoute, de s’en inspirer pour des aménageants à venir, et de tenter d’améliorer le cadre de vie aux acoustiques détériorées, si ce n’est franchement polluées.

Au-delà des écoutes portant une « oreille musicienne » et esthétisante sur l’environnement, ce qui n’est déjà pas rien, il est une oreille pragmatique, celle qui va explorer et expérimenter des situations d’écoute active. Geste qui apporte, de par ses postures écologiques, si ce n’est écosophique, une dimension audio facto constructiviste, engagée, au service des espaces de vie et de leurs résidants.

Dans « Ce qui ne peut être volé. Charte du Verstohlen* » de Cynthia Fleury et Antoine Fenoglio, le droit au silence est d’emblée revendiqué comme une valeur qu’il faut défendre à tout prix, comme celui de l’horizon. Sans aller jusqu’au silence total, ou alors dans dans une acception symbolique, il nous faut rechercher a minima le droit au calme et à la belle écoute.

Aujourd’hui plus que jamais, les marches écoutantes, comme toutes celles liées à des parcours sensibles, font partie des actes militant, sociétaux, pour préserver des espaces écoutables, supportables et au final vivables.

  • Ce qui ne peut être volé, Charte du Verstohlen, de Cynthia Fleury et Antoine Fenoglio (éd. tracts Gallimard) 31 mai 2022

Sommes-nous tous devenus sourds ?

Je retrouve aujourd’hui ce texte manifeste écrit à plusieurs mains il y a déjà quelques années. En 2006 exactement, pour les États Généraux du son.

Pour autant, je pense qu’il n’a rien perdu de son engagement, de sa pertinence, et demeure même plus que jamais d’actualité.

Même si le projet n’existe plus aujourd’hui, et l’association qui le portait a disparu, j’ai conservé ce texte et le republie donc ici dans son intégralité.

Sommes-nous tous devenus sourds ?

Nous vivons dans un monde sonore du premier cri au dernier souffle

Sommes-nous aveuglément sourds à tout ce qui nous entoure ?

Tout juste capables de nous indigner du bruit de l’autre le voisin

Par ce manifeste

nous affirmons

le droit de chacun à vivre pleinement la dimension sonore de son existence

tels

la qualité sonore des espaces publics des espaces privés

les sons de nos objets et des outils

la sonorisation des spectacles

La radio créative et créatrice

des sons pour dire une voix pour être

une technique son sensible et imaginative

des initiatives industrielles en faveur du sonore

des mémoires orales encore vives

l’exploration sonore dès l’enfance

l’écoute des paysages

le son à l’image

et tant d’autres

nous constatons

la méconnaissance générale de l’histoire humaine et technique du son

l’ignorance fréquente de la physiologie de l’audition de la phonation

une résignation à la médiocrité

nous refusons

que l’être humain se prive d’une source de satisfaction sensorielle indispensable à son équilibre

nécessaire à la constitution de sa mémoire à la formation de son esprit

à l’enrichissement de son imaginaire à sa vie en société

nous dénonçons

la faible reconnaissance de la dimension sonore dans nos vies professionnelles et au quotidien

nous proposons

une mise en évidence de l’étendue des domaines sonores

une valorisation de ses acteurs organismes recherches créations productions et cætera

nous décidons

de réunir les États généraux du son

pour établir des constats communs

pour définir ensemble des propositions à concrétiser d’urgence

nous lançons ce jour

un appel à doléances

à chacun professionnel ou non

à partir de votre expérience du sonore

vos colères vos désirs vos satisfactions

Faîtes-nous part

de vos constats

de vos propositions

Vos dires construiront les États généraux du son

Manifeste écrit pour les États Généraux du Son

04/05 et 06 octobre 2006 à Veyrins-Thuellin (38)

Une trace audio, enregistrée sur le vif par Étienne Noiseau

Gestes d’écoutes, du machinal à l’intentionnalité

L’écoute machinale
Une grande partie des sons captés par nos oreilles le sont de façon inconsciente, sans leur prêter attention, comme une action qui fait tellement partie de notre quotidien, qu’elle en devient « invisible », à défaut d’être inaudible. Il nous serait d’ailleurs impossible d’être constamment en écoute « active », sur le qui-vive, situation qui deviendrait bien vite invivable.
Comme l’air que nous respirons, via le geste vital de la respiration, l’écoute se déroule en une fonction physique, nous permettant entre autre de nous repérer dans notre environnement, l’espace, et aussi le temps.
Parfois, une sources inconnue, incongrue, nouvelle, esthétiquement intéressante ou insupportable, le ressenti d’un danger potentiel, vient nous alerter et nous fait tendre l’oreille, avec la volonté de focaliser notre écoute sur un objet, un lieu, une situation.

Le(s) geste(s) de tendre l’oreille
Lorsque l’on travaille sur le paysage sonore en tant qu’objet d’étude, que source de création, nous passons, à certains moments, d’écoutant passif à celui d’écoutant ayant la ferme intention de prêter l’oreille, de porter attention, de choisir lieux, moments et sources écoutables.
Il y a donc là une intentionnalité, un geste d’écoute qui devient volontaire, conscientisé.
L’expression tendre l’oreille est d’ailleurs significative, montrant bien l’aspect physique de l’action, une gestuelle auditive et la mise en condition du corps et der l’esprit pour être un écoutant ayant une parfaite conscience de sa « captation » du monde sonore environnent.

Des choix spatio-temporels
Décider de se mettre en écoute, ou à l’écoute, d’appréhender voire de construire un paysage sonore entre nos deux oreilles, nous fait opérer des choix stratégiques.
Le lieu de l’écoute, ses ambiances, ses sources, et même des cadrages auriculaires précis, face à un torrent, au centre d’un marché, dans une ruelle étroite…
Le moment de la journée, de jour ou de nuit, entre chiens et loups, l’époque et la saison sont également des critères de choix qui participeront à entendre des ambiances et sources parfois radicalement différentes d’un moment à l’autre.
Le geste d’écoute est sciemment conceptualisé en fonction de nos objectifs, faire entendre un lieu calme, animé, des sources ciblées, telles des voix, des cloches, de l’eau…

L’affectif aidant
Nos choix sont sans doute, au-delà de leur volonté monstrative, si ce n’est démonstrative, du discours porté, de l’état des lieux, de la militance, influencés par certaines affinités auriculaires.
Ce qu’il nous plait d’entendre, il nous plaira de le faire entendre.
Le partage d’écoute, qu’il soit physique, sur le terrain, ou via un média délocalisé, retransmis, est d’autant plus fort que les sujets proposés nous tiennent à cœur, et à oreille oserais-je dire.
Pour moi, donner à entendre des cloches, des flux aquatiques, des voix humaines sur un marché… guide souvent le fait de tendre l’oreille, et la façon dont je le ferai, ou proposerai à un groupe de le faire avec moi.
La création sonore qui pourra résulter de ces écoutes, des enregistrements audio, sera forcément subjective, teintée d’affects personnels, même plus ou moins conscients.

Les postures, mettre un corps en situation d’écoutant
Toujours dans le prolongement, ou plutôt dans la concrétisation, l’incarnation du geste d’écoute, notre corps cherche les meilleurs postures pour activer une écoute optimale, autant que faire ce peut.
Immobile, en marchant, yeux fermés, allongés, l’oreille collée à, parfois à l’aide d’objets « sthéthoscopiques »… nous expérimentons moult postures, tant physiques que mentales, inspirées par la contextualisé ambiante, le réflexe du moment, la dynamique d’un groupe, la volonté d’aller vers le micro ou le macro, vers le sensationnel ou l’infra ordinaire…
Le corps et l’oreille se tendent de concert, s’adaptent, inventent, jouent, pour rendre les gestes d’écoute non seulement volontaires, mais actifs, et qui plus est passionnants dans leurs motivations et finalisations.

Aller-retour et attention
Les moments où nous sommes de « simples » entendants, qui agissent machinalement, et ceux où nous devenons des actifs écoutants ne sont pas forcément figés dans une posture immuable et cloisonnée. Les passages d’une posture à l’autre, d’une attention à une autre sont fréquents.
Les situations d’écoute nous font parfois papillonner entre une attention soutenue et une rêverie à l’humeur vagabonde.
Garder une concentration de l’oreille sur de longs moments est d’ailleurs assez difficile. Beaucoup de pédagogues en savent quelque chose, mais aussi tout auditeur, si attentif fût-il, à un concert ou à une conférence.
Bien sûr, concernant le paysage sonore, l’écoute consciente et volontaire souffre également de méconnaissance, celle parfois d’un territoire qui nous est si familier qu’il en devient invisible, et de fait inaudible, comme celle d’une pratique d’auditeur. Le geste d’écoute que je qualifierais d’environnementale est beaucoup plus rare, presque plus étrange et incompris, que celui de porter un regard et un jugement sur le paysage.
Dans le processus d’immersion, d’appropriation, et parfois d’analyse, les aller-retour entre le fait d’être entouré et celui d’observer – écouter sciemment ce qui, nous entoure, est monnaie courante.
Ce qui l’est moins, c’est le fait d’installer une écoute, de développer des gestes sensibles, dans une posture d’observateur entendeur impliqué. Être écoutant n’est pas chose simple, dans un monde de plus en plus complexe, à la limite du vertigineux, aux équilibres, y compris vitaux, de plus en plus incertains.
Le monde et ses habitants, au sens large du terme, n’appartient pas à celui qui l’écoute, mais il se révèle d’autant plus dans ses forces et fragilités, ses tensions et ses joies, si on lui porte une attention bienveillante, donc en lui tendant l’oreille.

Osons l’oreille nue !

Osons l’oreille nue !

Embarquer un public pour un parcours d’écoute « à oreilles nues », à l’ère de la techno-monstration et du tape-à-l’oreille, n’est pas sans risques.

En effet, il faut avoir confiance en la capacité des écoutants à se laisser charmer par l’infra-ordinaire, façon Georges Perec, le presque rien, aurait dit Luc Ferrari.

Il faut également faire confiance aux multiples richesses sonores des lieux arpentés, qui se révéleront si on leur prête attention, oreilles aux aguets.

Un PAS – Parcours Audio Sensible se met en scène comme une installation d’écoute performative à l’air libre, via un travail sur les postures, les silences, la lenteur, les rythmes, le partage d’attention…

Parfois rituel, parfois fête improvisée, le PAS ne sera jamais identique, ni reproductible, d’un espace-temps à l’autre.

C’est une performance unique, performance dans le sens de jeu, d’interprétation, où le ludique et le décalage font faire un pas, ou une écoute, de côté.

Les lieux, leurs acoustiques et les sons qui les animent sont les héros du cheminement auriculaire, il suffit de les révéler.

Encore faut-il dénicher les espaces bien-sonnants, les points d’ouïe remarquables, les effets acoustiques à exciter pour les rendre audibles et « jouables »…

Sans compter sur l’improviste, l’inattendu, l’improbable parfois. Il nous faut prendre en compte l’événement impromptu, « l’accident », le contretemps, qu’il conviendra d’intégrer, de mettre en écoute, pour écrire de concert un paysage sonore inouï. Une part d’improvisation en l’écoute.

Des paysage sonores qui ne se reproduira plus jamais dans leurs singularités et dans la magie du moment, des ambiances mises en exergue.

Un travail de longue haleine qui, dans son apparente simplicité, sobriété, économie de moyens, nous conduit vers des explorations sensibles, des expérimentations à fleur de tympan, et je l’espère, à une forme d’ouverture au monde élargie.

Ces déambulations écoutantes nous révèlent, sans grands dispositifs audio-augmentés, des beautés auriculaires éphémères, ignorées autant que fragiles.

Pour en jouir sans les altérer, osons installer le silence, l’écoute partagée, et mettre l’oreille à nue !

Fictions de la forêt en écoute

Huit histoires forestières – Fictions de la forêt

Il y a eu des promenades écoutantes, des bruitages, des enregistrements, des histoires et poèmes haïkus inventés dans des ateliers d’écriture avec Eduardo Berti et Laurent Contamin, des textes lus, tricotés, mis en sons, installés dans les arbres… Une belle aventure audio-forestière !

Paysages sonores forestiers
Festival « Littérature en jardins »
CALI « Communauté d’Agglomération du libournais »
Écoles et centres de loisirs du libournais
Eduardo Berti et Laurent Contamin, écrivains
Desartsonnants – Gilles Malatray création sonore

https://permanencesdelalitterature.fr/portfolio/les-fictions-de-la-foret-lart-de-grandir/

En écoute

Huit fictions de la forêt en écoute. Pour avancer dans l’album, cliquez sur les flèches de droite au bas du lecteur

RadicalitÉcoutante

Ramener l’écoute à fleur d’oreille

A fleur de peau vibratile

A fleur de peau tympanesque

Juste à portée d’oreilles

Et de l’oreille juste

Dans une certaine radicalité

Celle du pur geste écoutant

Dans une radicalité certaine

Se détourner de l’artifice

Éviter l’artificiel

L’écoute à nue n’est pas si évidente

Elle manque de spectaculaire

D’auricularité sensationnelle

D’audio-grandiloquence

D’effets très phono-spéciaux

De tape à l’œil – tape à l’oreille

La radicalité du geste dépouillé

Qui nous met à nu écoutant

Seuls devant et dans les sons

Qui souvent nous dépassent

Souvent nous submergent

Alors en immersion modeste

Nous remettre à notre juste niveau

Juste celui d’écoutant

Jouir du presque rien

Et savourer le cadeau

Qui s’offre à nos oreilles

Sans contrepartie aucune

Sans s’arroger le droit

De polluer l’espace – son

D’imposer nos bruitances

Alors marcher en silence

Ouïr en silence

Jouir en silence

De ce qui nous est offert

Des sons de la forêt, de la ville, et au-delà

Tintamarres fracassants et frémissements tout juste audibles

Ralentir et épurer

Gratter le super flux

Suivre à l’oreille le cours des choses

Revenir à l’essence

D’une écoute.basique

Incarnée sans détour

Accepter la non maîtrise

Composer avec l’improviste

Ce qui du paysage sonore surgit

Ce qui fait paysage bruissant

Ce qui rend l’entendement fragile

A n’en savoir qu’ouïr

La radicalité s’entend

Comme une simplicité

Comme une complicité

Qui n’a pas ou peu de barrières

Entre oreilles et sons

Sans l’once d’une techno-médiation

D’une électro-amplification

La radicalité est aussi dans le silence

Celui des écoutants, celui des marcheurs

Celui qui laisse entendre l’entendable

Entendre l’audible ouïssible

Dans la pure radicalité d’un geste dit sonnant.

NB : Ce texte un brin radical n’exclut pas, ne condamne pas, d’autres pratiques « techno-augmentées ». Il affiche un parti-pris intrinsèquement subjectif. S’il plaide ici pour une approche éco-minimaliste, limite manichéenne, il laisse néanmoins la porte et les oreilles ouvertes à tout ce qui peut s’entendre comme une invitation à l’écoute. Dans sa pratique, son éthique, son auteur tente de fuir , si ce n’est de dénoncer, les excès, les envahissements, les saturations, les comportements intrusifs, les pollutions, ou tout au moins d’éviter de participer à la grande cacophonie du Monde. Il lui faut inviter et préserver des espaces de silence, d’apaisement, de calme, de décélération, pour mieux s’entendre, pour mieux être et vivre dans des espaces sonores entendus comme des communs aussi fragiles que précieux.

Si l’oreille vous en dit !

Pour celles et ceux à qui les oreilles démangent, saison 2023/2024

– L’oreille fluante

– Soundwalk, promenade écoutante (eng)

– EPI – Écoutoir Potentiel Imaginaire

– Installer le silence

– Points d’ouïe

– Inaugurez votre point d’ouïe

– Calligraphies auriculaires

– Formations/Conférences

« A l’écoute du vivant » La manufacture des idées

`

« A l’écoute du vivant », dialogue avec Jérôme Sueur et Stéphane Marin, La manufacture des idées, le 27 août 2023, modération au débotté Desartsonnants.

En écoute ICI

Ondes porteuses, bassins versants, oreilles fluantes

Porter attention aux fleuves, rivières, rus, et à toutes les eaux sonnantes.

Prendre soin des eaux irriguantes, nourricières, façonneuses de paysages sonores liquides, fragiles, apaisantes, menacées…

Arpenter des rives, suivre des cours, écrire des histoires pour être au courant des choses, rêver d’ondes porteuses…

Desartsonnants est sur le versant Eauriculaire.

Il le suit comme un long fleuve in-tranquille.

L’écoute comme une rivière qui fait déborder la vase.

L’entend commun torrent.

Prête l’oreille aux eaux dormantes.

Il cherche des points de chute !

Qui l’eut crue.


En chantier, « Bassins Versants, l’oreille fluante« 

Bassin versant, le parcours des eaux sonnantes

La Loire tentaculaire

Une géographie plurielle

Un bassin versant est un territoire défini par la circulation des flux aquatiques de surface, affluant vers un même cours d’eau ou nappe souterraine.
Des lignes de partage des eaux délimitent les bassins versants, souvent en crêtes, frontières naturelles dues aux reliefs, d’où partent généralement les sources, les crêtes de bassins.
En surface, un cheminement, parfois très long pour les grands fleuves aboutit à la Mer Méditerranée où à l’Océan Atlantique, pour ce qui est de la France.
Lorsqu’on regarde des cartes de bassins versants, on est impressionné par la densité et la beauté des dessins ciselés des flux, qui ne sont pas sans rappeler des vaisseaux sanguins irriguant un corps humain. Dans les deux cas, on a affaire à un système nourricier, irriguant, source de vie.
Chaque bassin versant est unique,. Il est chargé de l’histoire, ou plutôt des histoires des eaux traversant des territoires très différents. Les approches géographiques, hydrologiques topologiques, historiques, industrielles, botaniques, biologiques, mais aussi sociales, de nombreuses activités humaines étant fortement liées, voire dépendantes des cours d’eau, font écrire l’épopée de chaque bassin versant de façon très singulière.
Les reliefs creusés, sillonnant les paysages de gorges, creusant et érodant plaines et vallées, en inondant d’autres, créent des paysages dynamiques, toujours en mouvement, en tous cas jusqu’au moment où le cours d’eau se tarit, est détourné, enterré…
Les bassins versants sont des entités dotées d’un vie propre, où l’histoire d ‘un région, d’un village, d’une grande traversée, se reflète et se construit tout à la fois.
On a bâti des villes, acheminé des marchandises, voyagé vers d’autres lieux, lavé son linge, alimenté moulins et usines, jouté, planté des arbres, au fil de l’eau.
Mais aussi on s’est baigné, reposé, on a rêvassé, fasciné par des courants fluants ou des surfaces étales.
Des histoires, contes, légendes et monstres en tous genres sont sortis des flots, des sources sacrées, tels des Hydres, Vouivres et autres Tarasques, reflétant tant des fascinations que des peurs ancestrales.

La Saône étale

Une géographie auriculaire

Les bassins versants définissent aussi des territoires acoustiques non négligeables, de la goutte d’eau au torrent rugissant.
L’eau se révèle dans un espace géographique donné, comme elle révèle se dernier, participant à lui donner corps, à lui donner vie, à l’incarner.
Cet aspect auriculaire, entre paroles, mémoires, et marqueurs sonores, acoustiques, territoriaux, de la densité urbaine aux grandes vallées sauvages, est peu ou pas exploré.
Ce que l’eau raconte d’un territoire, d’une minuscule rive à l’étendue d’un océan, est source d’inspiration, mais aussi nous avertit sur les dangers de laisser cette matière vitale exposée à toutes les dérives d’aménagements contre-nature, de pollutions mortifères.
Lorsqu’une rivière d’ordinaire bouillonnante est de plus en plus asséchée en été, que l’oreille ne la perçoit presque plus, lorsque les flots charrient des écumes colorées qui n’ont rien d’esthétiques, lorsque le silence se fait, non seulement le système hydrologique est menacé, mais toutes espèces humaines, animales, la végétation, le sont tout autant.
Ce qui dynamise un territoire peut aussi, par sa dégradation, sa disparition, sa non gestion ou ses accaparements inconsidérés, le paupériser de façon durable et pour le peu dommageable.
Beaucoup de sources auriculaires ont disparue. Les lavoirs n’accueillent plus les lavandières, beaucoup de ports fluviaux urbains ont été désertés par la batellerie, les baignades dans les cours d’eau urbains sont en générale proscrites, on a progressivement, dans les cités, tourné le dos aux fleuves et rivières. On ne les entend plus vraiment vivre, même si, ces dernières années, des villes ont revalorisé leurs cours d’eau, en y enlevant les voitures envahissantes et réaménageant des espaces piétonniers riverains.
Écouter l’eau, arpenter ses territoires, est un premier geste d’attention.
Considérer que, outre les fonctionnalités purement aquatiques, la première étant de nous maintenir en vie, l’esthétique paysagère est grandement embellie par une multitude de cours d’eau, que chaque bassin versant sonne comme un marqueur territorial, un signe de vie, n’est pas si futile qu’il puisse y paraître de prime abord.
L’eau est apaisante, que ce soit dans l’écoute de ses remous qui se brisent sur les piles des ponts, ses frémissements sous la caresse du vent, comme dans les espaces de calme préservés des vacarmes urbains. Espaces où l’on entend les traces audibles d’une biodiversité bien présente, qu’un cours d’eau ménage dans sa traversée, mais aussi une vie sociale où paroles et chants résonnent dans des lieux où il fait bon se retrouver.
L’eau doit toujours couler de source dans une écoute paysagère impliquée.

Échos logiques

L’écoute activiste, le geste sonore, le chant et le cri de la Terre

Commencer par écouter
Commencer par s’écouter
Dans l’idéal, on est faits pour s’entendre !

Écouter le vivant, quel qu’il soit, où qu’il soit
Écouter les sols, les eaux, le vent, la vie
Écouter tout ce qui bruisse, y compris l’imperceptible.

Écouter pour réunir l’artiste et le chercheur
L’aménageur et le décideur
L’habitant et le visiteur.

Écouter ce qui se dégrade, se tarit, se dessèche, se paupérise
Écouter ce qui se raréfie, ce qui disparait
Écouter ce qui sature et envahit…

Écouter tout simplement
Vers une économie de moyens
Un geste sobre autant que créatif.

Écouter pour ne pas détruire
Écouter pour apprendre, pour construire
Écouter pour ralentir.

Écouter pour imaginer
Pour rêver
Pour anticiper.

Écouter pour rencontrer
Chercher l’altérité
Cultiver l’aménité.

Écouter pour porter attention
Prendre soin
Respecter
Protéger
Militer pour des espaces de bonnes et belles ententes.

Écouter pour mieux entendre
Écouter pour mieux s’entendre
Pour appréhender les chamboulements en cours
Pour imaginer de nouvelles cohabitations.

Écouter pour mettre nos forces vives en commun
Mettre en œuvre des moyens de résistance
Rechercher les leviers d’un bien-être partagé, un monde à portée d’oreilles
Concevoir et fabriquer des mondes audibles, soutenables et habitables.

Écouter le Monde
Le chant de la Terre
Le cri de la Terre.

« Manifeste pour une écoute activiste » Août 2023

Allevard à portée d’oreilles

Affiche de La Galerie – Musée d’Allevard les Bains

Marche et paysage(s)

C’est la thématique qu’a choisi, pour sa réouverture dans un nouveau lieu flambant neuf, la Galerie Musée d’Allevard. Ce musée situé au pied du massif de Belledonne, retrace de fort belle façon l’histoire d’Allevard, avec son passé minier, la métallurgie, son histoire thermale depuis la fin du XIXe siècle, mais aussi le tourisme montagnard, où la pratique du ski et de la randonnée sont incontournables.

C’est donc autour de la marche, de la randonnée, sportive ou contemplative, que le paysage, ou plutôt les paysages montagnards, sont ici abordés.

Notamment en ce qui me concerne, le paysage sonore. Allevard, niché au pied de Belledonne, dans la vallée du Breda, est animé par un paysage aquatique qui se fait joliment entendre. Outre les thermes et leur Histoire, la rivière torrentueuse qui dévale des sommets, et arrose la cité, est omniprésente pour le promeneur, sorte de signature sonore incontournable. Le paysage sera donc fortement modelé par la présence de ce cours d’eau dynamique.

Histoire d’eaux, Bassins versants, et oreilles fluantes

Arrivé dans cette cité où l’eau a une importance capitale, tant dans l’histoire minière que thermale, et aujourd’hui en ce qui me concerne dans les sonorités-mêmes qui irriguent la petite ville, je ne pouvais me manquer de rattacher ma venue, mes arpentages, mes écoutes, mes enregistrements, au projet des bassins versants, que je mène actuellement.*

J’ai trouvé ici, de riches ressources, sans avoir le temps matériel de remonter aux sources, pour alimenter mes expériences sensibles, et réflexions en cours, cours d’eau bien entendu.

Au creux de cette vallée, passant et repassant de ponts en passerelles, deux sentiers en gorges et de ruelles en places publiques, où sonnent des fontaines rythmiques, magnétophone en main et oreilles aux aguets, je rentrerai enrichi d’un nouveau bagage sensoriel, sons, textes, photos, et souvenirs à l’appui. Toute cette matière qu’il me faudra organiser, notamment via une carte postale sonore a composer.

*https://drive.google.com/file/d/1ZlAf1VGBiboj9zLioX8-4T8DsZrKMVb6/view?usp=sharing

Le Breda comme fil bleu

Je ne ferai pas ici le descriptif fouillé du torrent de la Breda, mais donnerai simplement quelques indications autour de ses bassins versants.

« De 32,1 kilomètres de longueur, le Bréda coule de la chaîne de Belledonne vers l’Isère. Il prend sa source à l’est des Pointes du Mouchillon (2 347 m) dans le massif d’Allevard, sur la commune de la Ferrière, à l’altitude 1 990 mètres4. À l’altitude de 1 200 m, il génère la cascade du Pissou et descend la vallée du Haut Bréda jusqu’à Allevard, où il est rejoint par le torrent du Veyton. De la vallée d’Allevard, il débouche à l’extrémité méridionale du val Gelon mais ne l’emprunte pas, contournant par le nord la montagne de Brame-Farine à travers des gorges avant de se jeter dans l’Isère au niveau de Pontcharra4, à 255 mètres d’altitude, dans la vallée du Grésivaudan. La rivière Isère se jettera à son tour dans le Rhône à au nord de Valence, coulant ainsi  jusqu’en Méditerranée. » Source Wikipédia.

Le torrent du Breda et donc dès les premiers repérages un très fort point d’ancrage territorial, tant par le rôle qu’il a joué dans le développement industriel et économique de la région, que par sa présence auditive, esthétique, et la façon dont il a modelé le paysage, dans de belles gorges où il fait bon marcher. Depuis l’entrée jusqu’à la sortie de la ville, nous longeons le cours d’eau, structurant nos déplacements, animant de ses eaux bouillonnantes un paysage en mouvement, rafraîchissant l’oreille, lors de journées particulièrement caniculaires.

Points d’ouïe en repérage

Lors de mon arrivée dans un lieu, il me faut un temps d’imprégnation, partagé entre des marches exploratoires, et des points d’ouïe fixes, affûts sonores, bancs d’écoute, où je pourrai prendre le pouls acoustique des lieux. J’essayerai de le faire à différentes heures, pour écouter comment la vie auriculaire va évoluer, ses temps forts, ses moments d’apaisement, ses flux et reflux structurant l’écoute située, diurne et nocturne.

Mes marche me mèneront de l’intérieur vers l’extérieur, et vis et versa, passant rapidement de l’urbanité d’une petite ville à des espaces tout de suite plus « sauvages », paysage montagnard oblige.

Sur la place centrale, je choisirai un banc, plutôt ombragé à cette époque, me permettant d’avoir une oreille à l’affût des moindres sons de la ville. En toile de fond, une petite fontaine, dont le débit et la hauteur des jets,  à même le sol, varie selon une rythmicité programmée.

En face une église dont la cloche égraine ses repères temporels.

J’assisterai d’ici, à des moments forts de la journée, midi ou les terrasses nombreuses des restaurants se remplissent, de même qu’en fin de journée, jusqu’au moment où la ville s’endormira, la dernière terrasse fermée, et la fontaine désormais muette.

J’en profiterai pour capter quelques sons, préfiguration de la carte postale sonore à venir.

Un PAS – Parcours Audio Sensible

À l’invitation du musée, un petit groupe de promeneuses écoutantes s’est rassemblé, dés 9h du matin, à l’annonce de la canicule annoncée, sous le lieu d’écoute symbolique qu’est le kiosque à musique du parc thermal.

Après quelques paroles d’accueil, quelques explications sur la motivation et intentions du parcours, l’importance de faire silence pour laisser la place aux sons, les séquences qui seront ménagées au fil de notre promenade, nous partons à la découverte auriculaire d’Allevard, sur un cheminement d’écoute préalablement repéré.

L’ancrage local

Nous avons déjà noté l’importance du tissu patrimonial, historique, industriel, qui a marqué le développement de la ville, et le marque encore aujourd’hui, notamment par l’activité thermale. La toute récente rénovation et installation du musée flambant neuf au cœur du parc des thermes, celui-même qui accueille Notre promenade sonore en atteste.

À l’époque où la métallurgie et c’est un secteur florissant le long de la vallée du Breda, on peut imaginer des ambiances sonores complètement différentes de celles d’aujourd’hui, dont bien des sources ont disparues, se sont transformées, avec l’arrêt de l’exploitation minière et des industries attenantes notamment.

De même au niveau thermalisme, la grande époque du tourisme pour venir «prendre les eaux », si elle a connu des heures florissantes début du siècle, est aujourd’hui beaucoup plus limitée à des fonctions de soins.

Les grandes soirées, concerts dansants sous le kiosque, on fait place à une programmation culturelle moins mondaine, qui aimait montrer et faire entendre le faste d’une population aisée.

Beaucoup d’hôtels immenses et majestueux ont aujourd’hui fermé leurs portes. Ce qui a certainement dû rendre la petite ville d’Allevard beaucoup plus «tranquille » qu’elle ne l’a été, acoustiquement parlant. Néanmoins, dans la saison estivale pour les curistes, et hivernale pour les skieurs, le territoire est encore très visité, l’activité en terrasse des restaurants le montre bien, et le fait entendre.

Un parcours ludique

Découvrir le monde des sons via une promenade sonore, un parcours d’écoute, ne va pas forcément de soi, si l’on n’est pas accoutumé à la chose. Il faut donc que ces écoutes procurent le plaisir d’une découverte qui nous réserve des surprises, des jeux, des espaces et des moments ludiques. Nous en reparlerons d’ailleurs dans les échanges suivant la balade.

Une première séquence sous forme de jeux, tout près du centre ville, consiste à orienter mentalement notre écoute dans différentes directions, devant derrière, au loin ou tout près, à sélectionner des sources vers lesquelles nous ferons des zooms auditifs, montrant ainsi les capacités que nous avons à «trier » et mettre en avant certaines sonorités, de préférence les plus agréables.

Puis nous sortons de la ville, en direction du sentier du bout du monde, toute une poétique langagière montrant l’importance d’une géographie sensible, et sans doute de croyances, de mythes, et de légendes, au fil de l’histoire des lieux, et du cours d’eau du Breda.

Ce sentier, dont une grande partie est aujourd’hui inaccessible suite à l’éboulement de passerelles, longe une belle gorge où le torrent du Breda se fait entendre de façon assez spectaculaire et pour le moins prégnante. Deux petits ponts nous permettent de nous poster au-dessus de son cours, et de jouer avec la directivité de nos oreilles, en positionnant les mains en réflecteurs acoustiques, et en les orientant de façons différentes pour viser et filtrer différents espaces d’écoute aquatiques.

Dans un départ de sentier, qui nous isole un petit peu du torrent bavard en contrebas, quatre mini haut-parleurs sont installés autour des promeneurs. Ceux-ci diffusent, en contrepoint au chant des eaux, des ambiances de vrais /aux oiseaux, bestiaire imaginaire recomposé, qui vient décaler une ambiance sonore assez exotique pour l’endroit.

Au tout début du sentier, un vestige de viaduc longe le cours d’eau, allant progressivement en descendant jusqu’au niveau du chemin. Ses grandes arches de pierre font naître une rythmique remarquable, masquant parfois le son du torrent, et d’autres fois formant des fenêtres d’écoute plutôt réverbérantes. Chacune avec une spécificité sonore, comme des cadres acoustiques qu’on aurait construit pour entendre différents tableaux sonores.

Nous arrivons à un point du chemin, où la paroi rocheuse à notre droite reflète, réverbère, tel un miroir acoustique, les sons du torrent en contrebas, à notre gauche. Les sons semblent sortir et ruisseler d’une falaise, comme dans un paysage sonore à l’envers. L’effet est remarquable, et nous ne manquons pas de l’écouter, à l’aller comme au retour, dans une stéréophonie inversée. Les paysages sonores sont en fait peuplés de ce genre d’espaces de monstrations quasi muséales, comme si elles avaient été pensées et construites par et avec les oreilles d’un paysagiste sonore écoutant. Néanmoins, par manque d’attention où d’une forme de culture sonore développant l’écoute, ces petits joyaux acoustiques passent très souvent totalement inaperçus.

A l’entrée de la ville, sur le pas d’une porte, nous volons quelques mots au passage. Un papa commente son cadeau à un enfant ravi, une sucette géante ».

L’enchainement se fera involontairement par l’exploration d’une minuscule venelle pentue, en impasse, justement nommée « rue Bombec » cela ne s’invente pas, où nous attend un surprenant point d’ouïe.

Dans cet espace resserré, retranché de la ville toute proche, mille sonorités se dessinent dans l’espace, cloche, personne qui traverse notre champ d’écoute, et moult petits bruits qui s’échappent des fenêtres ouvertes. Effet dedans/dehors, intimité/espace public, tout en finesse et douceur. Tous les sons semblent à leur juste place, présents , localisables, à l’échelle du lieu, non envahissants. Un petit coin de paradis pour les oreilles que l’on trouve dans des architectures spécifiques, des villes « anciennes », des espaces montagnards resserrés dans des contreforts abrupts, des espaces quasi enclos qui protègent des frimas hivernaux comme des chaleurs estivales….

Nous empruntons une autre ruelle en haut de la place centrale, avec des travaux qui empêchent temporairement les voitures de l’emprunter.

Lieu idéal pour installer quatre mini haut-parleurs qui diffuseront des histoires forestières enfantines, récemment confectionnées dans le libournais. Décalage et frottement géographique et environnemental, une forêt bordelaise expatriée au milieu de travaux urbains dans le Grésivaudan. De nombreux passants jettent une oreille curieuse, titillée, contournent l’espace, s’excusent parfois discrètement de le « déranger » , alors que c’est plutôt nous qui le faisons. On sent que certaines personnes ont envie d’en entendre et savoir plus, sans vraiment oser s’arrêter pour ce faire.

Nous redescendons vers la place centrale, assez animée en cette fin de journée. La chaleur augmente en même temps qu’un brouhaha de voix, l’espace étant piétonnier, en cette journée des plus caniculaire. Une fontaine semble néanmoins rafraichir un brin, tant l’espace acoustique que physique, d’ailleurs très (trop?) minéral en ces temps de très fortes chaleurs. Cette fontaine « à résurgences » est programmée pour faire varier dans le temps la hauteur, et donc l’intensité de ses différents jets qui surgissent à même le sol, parfois glougloutis très bas, parfois s élevant sans prévenir, pour la plus grande joie des enfants, et parfois des adultes. Ces variations de hauteurs donnent à la fontaine une dynamique qui vient casser, visuellement comme auditivement, le flux continu que présente beaucoup de fontaines à « bruits blancs ».

Nous procéderons ici à de nouveaux jeux d’auscultations aquatiques, à l’aide de « longue-ouïes », stéthoscopes bricolés pour se transformer en objets d’écoute plongeant dans les remous de la fontaine. Façon de se rafraichir l’oreille en cette atmosphère estivale en surchauffe (environ 40° à l’ombre) où il faut être courageux.ses pour effectuer une marche écoutante. Une nouvelle fois, ces comportements déroutants d’écoutants dans l’espace public questionnent les passants, qui nous regardent d’un air étonné, parfois moqueur, ou curieux . Un couple ose s’arrêter, nous questionner. Je leurs tends les objets d’écoute dont ils se saisissent, après une petite hésitation, pour aller à leur tour plonger l’oreille au creux des flots. J’observe leurs regards amusés. Ils s’échangent les objets et nous disent que « c’est drôle comme on n’entend pas pareil, plus fort… » . Ce qui est justement le but du jeu, faire entendre autrement pour rendre l’oreille un peu plus curieuse, sans trop se mouiller ici…

Nous traversons une petite rue piétonne où les voix et sons des commerces attenants rythment joliment l’espace.

La chaleur augmentant rapidement, nous reprenons le chemin du musée pour continuer l’atelier par des échanges dans un espace plus frais.

Échanges

Petite rétrospective commentée de nos déambulation auriculaire.

Globalement, l’aspect ludique du parcours est apprécié.

Des temps forts sont relevés (le Bréda contre les rochers, la petite rue Bombec, le décalage des installations, ou des manipulations…).

On remarque évidemment l’omniprésence de l’eau, entre histoire thermale et industrielle, torrent traversant la ville, fontaine centrale, difficile de lui échapper ici.

On cherche à savoir quel lieu serrait choisi, si un point d’ouïe « idéal » devait être inauguré. Les avis oscillent entre le Bréda et ses échos et la petite rue Bombec, qui au final, paraît faire l’unanimité.

Nous parlons de la fabrication de cartes postales sonores in situ, façon de garder en mémoire, voire de partager l’expérience a posteriori. Les micros, le fait de voir les sons via un logiciel de montage et de traitement audionumérique, de les agencer pour (re)composer une histoire à notre façon, de synthétiser une longue marche en quelques minutes d’écoute… le côté cuisine du paysagisme sonore est abordé.

Nous écoutons quelques courts paysages sonores dedans/dehors, en expliquant le contexte, notamment lors d’un travail dans et à l’extérieur d’un centre pénitentiaire voisin, avec des détenus. Ambiances spécifiques et paroles du dedans, médiation vers l’extérieur, faire entrer et sortir des sons d’un environnement carcéral, des promenades et installation « à l’air libre »… les charges affectives comme les données informatives du monde sonore sont ici facilement perceptibles et partageables.

Les échanges porteront également sur les qualités sonores, comme sur les nuisances parfois engendrées et subies. Le son versus le bruit, les saturations urbaines – ce qui n’est pas vraiment le cas à Allevard – la santé publique et le mal-vivre dans des milieux bruyants, les espaces acoustiques à re-considérer, parfois protéger dans l’aménagement du territoire… autant de sujets liés à l’écologie sonore post Murray Schafer, qui questionnent nos façons de vivre et de s’entendre, du mieux que possible, dans le monde des sons qui nous entourent.

12 heures, fin de l’atelier après 3 heures de riches expériences d’écoutes et de fructueux échanges.

Du son

Une petite carte postale sonore d’Allevard et de ses environs, au long du torrent du Bréda (pris en repérage et montés après l’atelier).

Des images

Quelques illustrations visuelles au fil du cheminement (prises en repérage)

Lien Album photos

Remerciements à : La Galerie Musée d’Allevard et à son personnel pour son invitation et sympathique accueil, aux Amis du Musée d’Allevard, à la Municipalité d’Allevard et à la Communauté de communes du Grésivaudan, aux écoutantes de l’atelier pour leur active participation, toutes oreilles ouvertes, à Anne, du Barbouillon, pour la qualité et la sympathie de son accueil.

APNÉES « Paysages composés 2023 »

Un weekend entier pour investiguer les points de rencontre entre écologie sonore et musiques de recherche, entre expérimentations sonores et expériences d’écoute paysagère.

APNÉES vous invite au croisement de disciplines très diverses, allant de l’écoacoustique aux arts sonores, de l’urbanisme aux technologies du son, pour vous faire enfin découvrir les multiples manifestations et implications des paysages sonores.

Conférences, ateliers, installations sonores, promenades sonores, projections, concerts, performances, comme autant de voies possibles pour aborder, comprendre, imaginer, transformer, préserver les milieux sonores dans lesquels nous sommes immergé·e·s au quotidien.

Des portes d’accès multiples pour activer une expérience d’écoute attentive qui soit également porteuse d’une réflexion écologique, afin de dévoiler les spécificités et les fragilités d’espaces en transition à l’ère de l’Anthropocène.

En partenariat avec : Maison des Associations de Grenoble | Muséum d’histoire naturelle de Grenoble | équipe CRESSON (centre de recherche sur l’espace sonore & l’environnement urbain) du laboratoire AAU (Ambiances, Architectures, Urbanités) de l’École Nationale d’Architecture de Grenoble (ENSAG) | Université Grenoble-Alpes (UGA) | laboratoire ACROE (UGA/Grenoble-INP) de Grenoble | Collectif PePaSon (Pédagogie des Paysages Sonores) | Association Plège/Le Ciel | Radio Campus Grenoble 90.8 | Music Plus Grenoble | réseau inDREAM (international network for the Diffusion of Recorded Electronic & Acousmatic Multichannel music) |

PAYSAGES | COMPOSÉS bénéficie du soutien de la Ville de Grenoble.

Lien du site APNÉES pour en savoir plus

Contes sans paroles, les oreilles déployées

Silence…
Quelques gestes suffiront.
Très peu.
Et puis nous embarquerons…
Emboiterons l’écoute
D’un guide silencieux
et pour l’occasion muet.

Le conte débutera alors
Sans paroles aucunes
Si ce n’est celles du vent, des ruisseaux, des oiseaux et autres animaux, des gens qui passent, des machines, et de tout ce qui bruit.
Il y en aura mille choses à ouïr.

Et puis nous rentrerons,
Les oreilles repues.
Nous romprons le silence
Et parlerons de vive voix, des paysages sonores,
Si vous le voulez bien…

PS : Ce PAS – Parcours Audio Sensible signé, marche écoutante, est accessible en plusieurs langues (toutes) sans traduction ni traducteur.

Cartographie sylvestre, sève de l’écoute

Me concernant, la magie des cartes géographiques, leur pouvoir de séduction dirais-je, leur potentiel à stimuler l’imaginaire, à convoquer le récit, tient à un pouvoir évocateur parfois mystérieux. Les masses colorées, les formes qui s’y dessinent, les reliefs qui s’y devinent ou s’y lisent, les cheminements qu’un marcheur écoutant peut imaginer… y sont sans doute pour quelque chose.


J’ai été, il y a quelques mois, fasciné par une carte représentant les cours d’eau français, leurs bassins versants plus exactement. Le graphisme très coloré montre un caractère veineux, dynamique, méandreux, quasi artériel, qui a nourri, réactivé et rafraichit une série de projets autour des flux aquatiques et de leurs paysages sonores intrinsèques.


J’ai ces jours-ci été attiré par une autre carte. Celle du boisement du territoire français, avec ses dégradés de verts plus ou moins soutenus.
Cette carte a immédiatement interrogé des actions que je mène ou ai menées dans le Bordelais, la Franche-Comté, et le terroir du Haut-Beaujolais, mon lieu de résidence aujourd’hui. Ce dernier, dans un relief de moyenne montagne, compte plus de 60% de terrains boisés, sapins et épicéas omniprésents. Ce qui influe forcément une économie, des professions et des modes de vie très liés à cette sylviculture quasi immersive. Ce qui conditionne également une façon de bouger, de regarder, de manger, de mettre un imaginaire en marche, nourri entre-autre de contes forestiers. Un environnement boisé qui me stimule pour enclencher des postures d’écoutes baignées d’ambiances sylvestres, et surtout moteurs d’écritures sonores éminemment contextuelles.

Collections et séries, chercher la récurrence

En fin d’un festival de fanfares très tonique de par ces ambiances sonores et musicales, je rentre dans l’église du village, comme je le fait régulièrement ici et là, pour immerger dans ces larges acoustiques réverbérantes, qui sont souvent pour moi sources d’apaisement.


Je me dis alors que ces visites régulières, quasi rituelles, que je savoure toujours, constituent au fil du temps une forme de collection d’acoustiques, d’ambiances, enregistrées, ou seulement gardée en mémoire, parmi d’autres récurrences au long court.


Les effets sonores réverbérants des églises, cathédrales, basiliques, chapelles, avec les sons intérieurs mêlés aux porosités de l’extérieur, filtrés par l’effet caverne des bâtiments, constituent pour moi une série cohérente, une sorte de riches corpus liés aux édifices religieux. J’y retrouve à la fois les constantes acoustiques de ces architectures, et en même découvre leurs signatures auriculaires singulières, uniques.


Néanmoins, cette série d’architectures sonores ne constitue qu’un maillon de nombreux points d’ancrages auditifs que je construis petit à petit, où l’on trouve des lieux, objets et ambiances très différents, parmi lesquels je citerai en vrac et de façon non exhaustive:
Les ruisseaux, rivières, torrents fontaines et autres points d’eau, avec leurs ruissellements, grondements, et autres glougloutis.
Les sirènes hululant les premiers mercredis du mois à midi.
Les volées et tintements de cloches carrillonnantes et bourdonnantes.
Les gares et aéroports, leurs messages sonals et sonorités spécifiques, liées au transport, au transit de milliers de voyageurs.
Les sites à échos, qu’ils soient en espaces naturels ou urbains.
Les marchés, les voix, harangues, leurs sons d’installations matinales…
Les passages couverts, traboules et autres venelles et impasses, où tout semble s’estomper, oasis apaisés coupés de la frénésie urbaine.
Les levers du jour, heures bleues et les fantastiques réveil des oiseaux dont je ne se lasse pas.
L’ensonnaillement des troupeaux montagnards où les clarines t(e)intent joyeusement le paysage.
Les sons d’ateliers avec un immense panel de moteurs et outils raclant, percutants sciant, perçant…
Les paysages forestiers, portuaires, industriels, agricoles, chacun avec leurs propres climats.


Tous ces espaces/temps offrant à l’oreille un champ d’action et de plaisir quasi infini, pour qui leur prête attention.
On découvre ainsi tant d’autres situations sollicitant notre écoute au fil des voyages et déambulations.


Certaines séquences sont fixées, mises en mémoire via l’enregistreur numérique, répertoriées et indexées. D’autres contribueront simplement à fabriquer une mémoire sonore interne, personnelle, parfois intime, celle de l’écoutant.
Toute cette matière participera à l’écriture, la composition de paysages traces, de paysages plus ou moins fictionnels, espaces incertains, entre réalité quotidienne et imaginaire.
Pour beaucoup, ces paysages dits sonores, auriculaires, n’auront guère d’existence tant ils seront inécoutés, hormis ceux qui se feront trop envahissants, trop bruyants, dans le flux de la vie à portée d’oreilles.
D’autres découvriront avec gourmandise la richesse de ces milieux acoustiques.
Certains en feront, et c’est mon cas, des parcours et sentiers d’écoute, sortes de concerts immersifs à ciel ouvert.
Les musiciens, compositeurs, créateurs sonores, iront jusqu’à en faire des sources de compositions, objets d’installations, flux radiophoniques.
Les militants en tireront des causes à faire entendre et défendre, dans la fragilité des paysages et habitats…


Pour moi, le fait de travailler sur des récurrences écoutables, des séries, thématiques, redondances, nourrit nombre d’expériences transdisciplinaires, de militances, de partages de récits sensibles.
Plus la chose écoutée se répète, plus on la recherche dans ses rythmicités, ses maillages séquentiels, sa diversité, ses variations subtiles, plus la possibilité de construire des paysages inouïs, de les arpenter pour les mettre en écoute sont riches et passionnantes.

Écoutes en mots

Une petite compilation de quelques textes récents, sonnants et dits sonnants.

Dire c’est agir
Au même titre que l’action in situ, le PAS – Parcours audio sensibles, et autres marches écoutantes, le mot, le texte, l’écrit, sont des vrais outils pour agir factuellement, concrètement. Qu’ils soient narrations mémorielles, traces, fictions poétiques, réflexions, formes hybrides, comme des pensées en mouvement, le fait de dire est une façon d’agir, pour moi très pertinente et efficiente.
Dire, c’est contribuer à faire exister, à faire exister un peu plus, à propager, partager, militer, et au final écouter.

Lignes d’échos
Deux lignes d’échos sont perceptibles de mon banc de pierre, où je suis installé à nuit tombante..
Des échos parallèles, générés par le train qui longe la ville en hauteur, arrivant de ma gauche, dans un axe Lyon Roanne, dont les sons cliquettent et percutent sur les collines à ma droite.
Le train lui-même reste invisible, la voie ferrée étant masquée par une ligne de bâtiments, ce qui nous propose une intéressante écoute acousmatique
Des échos perpendiculaires, essentiellement des voix, qui viennent de derrière, et rebondissent sur différents murs en face de moi.
Un faisceau de directions croisées.
Les effets acoustiques de ces échos, à la fois parallèles et perpendiculaires, se superposent à l’endroit-même de mon point d’ouïe, tout en restant tous deux parfaitement lisibles, intelligibles et localisables dans leurs mouvements spatiaux.
Une belle situation d’écoute, pour lire des trajectoires sonores surprenantes dans la ville, impulsées sans autre artifice que la topologie des lieux et l’organisation des bâtiments, dans l’espace d’une place dominée de collines avoisinantes.
Ma situation et posture d’écoute me font comprendre ici, sans outil technologique, si ce n’est une oreille extrêmement efficace, comment s’agence un espace auriculaire intrinsèquement riche, et plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord.

Installations de silences et d’écoutes
Le point d’ouïe trouvé, commençons par installer le silence, en tous cas celui de l’écoutant, le notre.
L’écoute pourra alors s’installer à son tour.
Nous jouirons dès lors des seuls sons des lieux et des ambiances du moment, comme d’une symphonie de paysages auriculaires.
Le projet parait simple, voire simpliste, mais il demande pour chaque lieu et moment une mise en situation contextuelle, souvent fragile, pour que la magie d’une écoute partagée opère.

Rythmes et récurrences
Mon rythme actuel depuis plusieurs mois. Je pars une bonne semaine, voire plus, jamais au même endroit, jamais avec les mêmes personnes, jamais pour les mêmes raisons. Je reviens pour deux ou trois jours, pose mes valises, les vide, fait une lessive, re-remplit mes valises, repars…
Rencontres et projets d’écoutes nourrissent de bien beaux moments nomades.

Presque rien

Il suffirait d’un presque rien
D’un doux ralentissement
D’une façon de dé-densifier l’espace
D’un geste minumental
D’une allure modeste
D’une chaise posée là
D’un arrêt sur son
D’une installation d’écoute sans aucun dispositifs
D’une posture à oreilles nues
D’un parcours hors sentiers battus
D’un silence concerté
De corps dans le mouvement
De corps dans l’immobilité
De corps dans la durée
D’un corps dans le silence
D’une expérience éphémère
D’un partage attentionné
D’une joie qui demeure
D’un flux contextuel
D’une histoire pour les oreilles
D’une histoire auriculaire sans ajouts
D’une histoire à fleur de tympans
De la richesse du temps perdu
D’espaces infra ordinaires
De récits au fil de l’eau
De paroles sans emphase
D’oasis sonores à découvrir
D’une nuit transfigurée
D’une simple écoute.

Merci à Luc Ferrari, Georges Pérec, Marcel Proust, Jean Giono, Will Self, Arnold Schoneberg pour leurs inspirations…

Paysages incertains

Nocturne – Nicolas de Staël – 1950 –

Que faut-il dire, encore, du paysage ?
Que faut-il en entendre ?
En toucher, en sentir, en goûter, en voir, en vivre ?
Saisir l’insaisissable…
L’oreille y est aguerrie, parfois…
Le fugace et le fragile, qui peuvent aller de paire, pas toujours pour les mêmes raisons.
Saisir ce qui peut-être décelé que lorsque nous sommes présents, au bon endroit, au bon moment, une affaire de kairos auraient dit les grecs de jadis.
Saisir ce qui peut être partagé, si le geste est collectif, dans son intention commune.
A quoi porter, ou prêter attention ?
Faire attention à… mais à quoi ?
« Votre âme est un paysage choisi « disait joliment Verlaine.
En notre âme et conscience, le choisir, le paysage, comme lieu d’émerveillements, de confidences, de craintes et aussi d’angoisses…
Ainsi au fil de l’eau.
Par monts et par vaux.
Dans et par delà la ville.
Prendre le pouls de nos habitats potentiels.
S’y sentir bien, comme un chez soi
Ou oppressé dans un milieu hostile.
Le paysage est un point de vue, parfois de fuite.
Un point d’ouïe par translation sensorielle.
Il nous convie à une expérience esthétique, au sens large du terme, pouvant être à la limite du supportable, du soutenable, esthétique de la fragilité.
A quels paysages se fier ?
A ceux que nous fabriquons sans doute, déconstruisons souvent, dénaturons aussi.
Dans les meilleurs et les pires des cas.
Chassez le naturel, il revient au galop, quand nous serons partis sans doute.
Le paysage ne prend pleinement consistance que dans une corporalité de terrain.
Pas toujours une partie de plaisir.
Le traverser, en être traversé, transformé, chamboulé.
En jouir ou en pâtir.
Le détruire, même inconsciemment, ou tenter de le reconstruire, le restaurer dit-on, quand il n’est pas trop tard.
Mais prenons-le comme une vaste maison, qui nous accueillerait dans toute sa magnanimité. Sans rancune aucune.
Avec toutes ses choses encore inouïes.
Celles qui donnent envie de danser, envers et contre tout.
Une immense ronde valsant du corps et de la voix, comme un geste résistant à la noirceur du monde.
Il nous faudra garder une belle part de rêve pour danser sur des cendres.
Paysages mouvants, incertains, qu’en dire en corps et qu’en ouïr ?

Eaux dites

« Bassins Versants, l’oreille fluante », je fais actuellement une focale sur les milieux bouillonnants, aquatiques, les eaux courantes, dormantes, submersives, taries, murmurantes…

Ce n’est pourtant pas une lubie soudaine, un reflux, une résurgence capricieuse, un courant bleu dans l’air du temps, mais plutôt une source qui n’arrête pas de sourdre au fil des paysages « arpentécoutés », de refaire surface ici et là, comme une manne nourricière incontournable.

Fascinante dans sa fragilité, cette composante paysagère, de fontaines en rus, de torrents en cascades, de lacs en océans, ne manque jamais de titiller l’oreille du promeneur écoutant que je suis.

Source d’inspiration, de récits, de paysages racontés de rives en rives, il ne s’agit pas seulement de faire entendre ces flux multiples, mais de conter des histoires toujours renouvelées, au gré des reliefs et des territoires habités.

Conter pour faire exister, dans bien des situations, apaisées ou conflictuelles, complexes, dans des tensions écosophiques hydrologiques, qui nous montrent des lendemains plus qu’incertains,.

Eaux mémoire, énergie, ressource, sculptrice de surprenants reliefs, de paysage creusés dans ses flots, oasis espérés, génératrice d’ambiances sonores irriguées, élément climatique capricieux…

Combien de cours d’eau, minuscules ou spectaculaires, ai-je suivi, emmenant avec moi moult paires d’oreilles assoiffées.

J’ai fabriqué et marché bien des histoires fluantes, des pentes de la Sierra d’Estrella portugaises, de la vallée des Gaves du Pau Pyrénéenne, des rizières malgaches, des contreforts de collines auvergnates, du Jura côté France et versant suisse, des rivages baltes à la Neva à Saint – Pétersbourg, de Trois -Rivières la bien nommée québécoise, d’une source-lavoir gersoise, de la Drôme noyée de soleil, d’entre Rhône et Saône des Gônes, jusqu’au pied de chez moi…

Aujourd’hui, sans vouloir canaliser de façon trop rigide tous ces superbes flux hydrauliques, je leur donne une scène mouvante, qui nous invite à écouter les innombrables voies d’eau, voix d’eau, à leurs prêter attention, à en prendre soin, plus que jamais.

Je file modestement la trame bleu comme un commun universel qui nous maintient en vie.

Je suis partagé entre mes émerveillements devant les eaux tumultueuses et mes angoisses devant les fleuves asséchés.

Je voudrais vous emmener marcher au fil de l’onde, toutes oreilles aux aguets, et vous raconter encore, et vous entendre dire, mille méandres rafraichissante.

https://drive.google.com/file/d/1ZlAf1VGBiboj9zLioX8-4T8DsZrKMVb6/view?fbclid=IwAR3gz0AER_yyXu6cvMz6OvgakUsdLjEbjSEEJ1uf-x4vlRA0c1LcQhym8Bk

https://drive.google.com/…/1ZlAf1VGBiboj9zLioX8…/view…

Bassins versants, Rançonnet mon voisin d’enfance

Le Rançonnet est une petite rivière qui a bercé mon enfance en coulant au pied de la maison familiale. Nous sommes dans la petite ville d’Amplepuis, nichée au cœur du Haut-Beaujolais, pays de sapins et de prairies de moyenne montagne aux reliefs assez pentus..

Le tronçon proposé ici court le long du quartier dit de l’Industrie, au bas de la ville, appelé localement « le fond du bourg « 

Détourné en bief pour alimenter la chaudière de la grande usine textile voisine, le Rançonnet traversait le quartier, en partie recouvert par la chaussée du carrefour du quartier de l’Industrie.

Le ruisseau sillonne aussi, en amont, le quartier dit de la Viderie, rivière affluent du Rançonnet aussi dénommé la Jonchée. Que de jolis noms ruisselants.
Il se jette ensuite dans le Reins, lui-même alimentant autrefois deux autres usines textiles aujourd’hui plus en activité, avant que celui-ci n’aille confluer vers la plaine de Dame Loire. Celle-ci coulera par monts et par vaux vers le Grand Ouest Nantais. Un bien beau et long périple en perspective.


Au sortir de la bourgade, le cours d’eau serpente le longs de prairies paisibles vers le versant ligérien.


Au pied de chez moi, le bief était bordé d’une végétation assez touffue, où vivaient salamandres et tritons qui parfois s’aventuraient jusque dans la fraicheur du couloir d’entrée de notre maison.
Plutôt silencieuse, la petite rivière se manifestait indirectement par de longs lâchers de vapeur via la chaudière de l’usine qu’elle alimentait, faisant rugir de longs sifflements, bruits blancs puissants qui ne manquaient pas de m’inquiéter les premières fois que je l’entendis lorsque j’étais enfant.
Aujourd’hui, l’usine a disparu, s’est tu, rasée pour laisser la place à un sympathique parc urbain, avec une halle couverte pour accueillir un marché hebdomadaire et des fêtes locales. Autre époque, autres sonorités.


Le Rançonnet a quasiment retrouvé son cours naturel, longeant tranquillement le parc, plus ou moins présent à l’oreille selon les saisons et les pluies. Des seuils ont été arasés afin que le ruisseau réintègre son cheminement d’origine.
Parfois quasiment inaudible, tout juste quelques clapotements lorsqu’on se penche dessus, surtout vers un glacis pierreux canalisant son cours vers l’ex usine, il peut se faire entendre plus généreusement au fil des averses, des orages, des périodes humides. Jamais toutefois il n’aura l’audace acoustique d’un torrent montagnard dévalant des hautes vallées. Il restera un ruisseau assez sage qui néanmoins égaie tranquillement le quartier.


J’aime écouter sa présence estivale discrète, rafraichissante, presque rassurante, en lisant sur un banc ombragé qui le surplombe, une petite trame bleue qui fait partie, au fil du temps de l’âme du quartier, le façonnant acoustiquement.
La disparition des usines qu’il alimentait lui a apparemment redonné une pureté aux écosystèmes riches, où chabots, truites fario et écrevisses à pattes blanches sont à leur aise, et où de belles libellules bleutées folâtrent parmi les renoncules des rivières.


Cette petite incartade auriculaire, aquatique, dans le quartier qui m’a vu grandir, et où, après de nombreuses années plus urbaines, je me suis récemment réinstallé, est marqué de souvenirs, de transformations, démolitions, réaménagements, au fil de la disparition du tissu industriel local. Des affects un brin mélancoliques qui s’écoulent dans les flux et reflux mémoriels
Retour aux sources pourrait-on dire littéralement.

Données hydromorphologiques

https://onde.eaufrance.fr/acces-aux-donnees/station/K0943031

Cliquer pour accéder à 820031385.pdf

Les sons du Rançonnet enregistrés ici ont été captés sur une petite dizaine de points d’ouïe, puis remixés pour suivre une progression vers une petite chute en glacis. Cette dernière divisait la rivière en deux branches, en orientant une vers l’usine via un bief aménagé à cet effet, et une autre contournant les bâtiments.
Le cheminement de cette petite trame bleue s’effectue sur un court trajet, quelques deux cent mètres au maximum.


La captation a été réalisée via un enregistreur numérique équipé de microphones système MS, pour rendre plus pertinentes les variations aquatiques allant crescendo..
De gros orages ayant éclaté sur la ville et ses alentours les jours précédents, le courant est assez fort pour un milieu juillet, donnant à l’oreille l’impression d’un cours d’eau beaucoup plus important qu’il n’est.
Ambiance qui peut cependant très vite changer si un épisode plus sec et chaud s’installe.

Les heures d’écoute attentives et de douces rêverie passées à ausculter le petit tronçon du Rançonnet n’étant pas retranscriptibles dans la durée, elles ont été ramenées à quelques 60 minutes d’enregistrement, et au final à 8 minutes de montage audio assorti d’images et de mots. Une « vision » synthétique qui tente de condenser l’espace-temps poétique d’un fragment de cours d’eau dans son plus long cheminement. Un bout d’histoire sonore fluante qui invite l’oreille vers de multiples autres rives. Un échantillon comme prélude à un projet « Bassins Versants, l’oreille fluante » qui arpentera bien d’autres rives et dérives.

En écoute

En images

https://photos.google.com/album/AF1QipM3kWKP4oZA06a3vmEu4xNqoJILZgdd7FUYBQ1h

Cette publication s’inscrit dans le projet « Bassins Versants, l’oreille fluante« 

Bassins versants, l’oreille fluante

Partons de la source
Ou bien à contre-courant.
Sources résurgente
Source cascadante
Source glougloutante
Majestueuse ou imperceptible…
Comme le serait la source sonore
Source murmurante
Source bruissante
Source tonitruante
On part de là, de la source-même, pour en suivre le cours
Un flux guide conducteur
Un fil bleu de flots nourriciers
Qui coule de source, et parfois non.

Suivre le courant.
Ou bien le remonter
Courant fort tempétueux
Eaux presque dormantes
Un sens donné, d’amont en aval.
Un axe, une direction
Direction tortueuse
Direction méandreuse
Ramifications hésitantes.
Un chemin d’écoute au goutte à goutte,
Éclaboussements en murmures paysagers
Rosée au petit matin
Débords sur le chemin flaqué
De bras en bras, hydrodynamiques acoustiques.

Des confluences
Des carrefours
Croisements hybridant les eaux
Tout comme les sons sources.
Des flux liquides qui disparaissent englobées
Des flux liquides qui se perdent noyées.
Des flux liquides qui grossissent au fil d’apports aqueux.
Une rumeur confluente qui se joint à une autre,
A une autre plus forte
A une autre accueillante
A une autre étouffante
Un point de conjonction amalgamant vaille que vaille
Baille que baille
Une rencontre où se brassent des chemins d’eau
Des chemins d’écoute aussi.

Des lignes de partage.
Les flux basculent à l’est,
Basculent à l’ouest
Basculent au nord
Basculent au Sud
Hésitent à choisir le versant
coulent sur le fil ténu
Se font polyphonies hydrophoniques
En chargeant les récits au fil de l’onde
En tissant les histoires sur les frontières aqueuses.

On suit là les chemins ruisselants
On dévale les cours rapides
On longe les rivages sinueux
On flotte sur les nappes étendues
On trace un veinage aqua-sanguin
On dessine des cartes en rhizomes imbibés de bleus
On fait territoire auriculaire de folles ondes.

Estuaires et embouchures.
Un final possible
Un final élargi
Un point d’orgue débordant
Un effacement
Une disparition
Une noyade dans l’immensité
Des voix fondues vers l’unisson immense
La fin d’un grand chemin coulant
D’une symphonie déversante
Comme une Moldau au point d’orgue
Enflant dans l’embouchure finale
Mode delta ou estuaire
Fin d’une grande fugue liquidée.

Tout coule à flux contre-flux
Courants contre-courants
Des histoires de territoires irrigués
Qui naissent à chaque ru
Qui se déploient à chaque rivière
Qui s’élargissent à chaque fleuve
Qui s’engloutissent à chaque estuaire
Qui n’en finissent pas de conter
Des territoires noyés ou desséchés,
Des fragiles mémoires humides
Des avenirs assombris de pénuries
Des bassins versants à l’oreille fluante.

Texte des Cycles de l’Eauriculaire – 12 juillet 2023 – Amplepuis, tout près du ruisseau Le Rançonnet

Bassins Versants, l’oreille fluante

Écritures en territoires aquasoniques

Une intention/attention au fil de l’onde

Un projet de territoires irrigués.

Partir de la source, ou non,.

Suivre les rivages, berges, méandres…

Descendre le courant, ou le remonter, à rebrousse-poil.

Capter la mémoire et les traces aquatiques, hydrauliques, hydrodynamiques…

Des saisons, des jours, des nuits…

Des urbanités, des ruralités, des espaces « sauvages »…

Recueillir les récits, en faire naitre de nouveaux, ancrages locaux et irrigations imaginaires.

Tisser des sons, des ambiances, des voix, des cartographies humides ou asséchées.

Suivre les lignes de partage, confluer, buter vers le delta, l’estuaire, l’embouchure.

Ou bien n’ausculter qu’un tronçon de fil bleu, une coulure locale

Penser des musiques et fictions eaudiosoniques, de torrents en rus, de gouttelettes en déluges.

Faire entendre la fragilité, prôner et défendre une Éc(h)Eau-écoute au fil des ondes.

Installer des écoutes, des Points d’ouïe, au gré d’Écoutoirs Potentiels Imaginaires.

Arpenter de concert, le PAS – Parcours Audio Sensible collectif, comme une écriture kinesthésique, haptique, partagée.

Faire entendre des traces, mémoires et récits fictionnels

Les territoires Eau’sculptés, avec leur géomorphologie, topographie, toponymie, leur vie hydrologique, et toutes les ambiances intrinsèques qui les tissent, font que chaque Bassin Versant est singulier, unique, dans son écriture comme dans ses histoires, irrigué au fil des ondes et des rencontres.

@Photo – Bernard François – CRANE Lab – Semur en Auxois juillet 2023 – PAS – Parcours audio Sensible

Bassins Versants, l’oreille fluante

Projets de territoires en pratique(s)

Modes d’interventions

Résidences artistiques de création-écriture in situ

Ateliers participatifs tout public

Médiation (rencontres, conférences, ateliers…)

Interventions pédagogiques (écoles, lycées, universités, tout public)

Partenariat avec le réseau culturel, socio-culturel, éducatif, associatif…

Actions de terrain

Parcours et installations d’écoute, pérennes ou temporaires

Création sonore (installation, création radiophonique en partenariat avec les média locaux…)

Publication, carnet de résidence, carnets de notes…

Exposition à partir de collectages audio-visuel (Sons, textes, images…)

Co-écriture(s) avec des artistes locaux (poésie, théâtre, danse, vidéo…)

Inscription dans une programmation locale (festival, rencontres…)

Temporalités

Résidences de 2 à 3 semaines ou plus, En continu ou fractionnées

Partenariats

Projets de territoire pouvant s’inscrire dans des dispositifs types EAC, CLEA, PREAC, Culture Santé, Culture Justice… être menés en partenariats avec des structures culturelles et socio-culturelles locales

Spécificités

Chaque projet est pensé, écrit et réalisé en s’appuyant sur le terreau local, ses paysages, ressources, structures, projets engagés ou à venir…

Eaux nourricières

« L’eau ruissèle, de partout, finement, c’est une véritable féérie sonore. En bonne chasseuse de son, je me suis arrêtée et j’ai enregistré, à en perdre la notion du temps »

Caroline Boé « Du désir d’écouter l’eau »

Gilles Malatray – Desartsonnants

Points d’ouïe et paysages sonores partagés
8, place de l’Industrie

69550 Amplepuis


Téléphone : +00 33 (0)7 80 06 14 65
Courriel : desartsonnants@gmail.com

Skype : Gilles Malatray

Site internet :https://desartsonnantsbis.com/


Pour en savoir plus

Écoute

MixcloudBandCampInternet Archives

Images

Vidéos

Textes

Écouter la Drôme – PAS Parcours Audio Sensible – desartsonnants

Glissement vers la nuit « S’enforester les esgourdes » Festival Back To The Trees 2023

Il est 21H30.
Après une courte montée caillouteuse et bien pendue, nous nous retrouvons en forêt. Enfin, dans une autre partie de la forêt, celle qui s’échappe, vers les hauteurs, des chemins balisés d’un festival.
Une forêt franc-comtoise dense, peuplée de feuillus élancés et entremêlés.
Au bas, le festival Back to The Trees bat son plein, ses rumeurs se font encore entendre.
Je le quitte progressivement, momentanément, entrainant à ma suite une bonne vingtaine de personnes, en silence, telle est la règle.
Jusqu’à nous retrouver dans une ambiance purement forestière, quasi silencieuse, à nuit tombante.
C’est un moment de glissement, de bascule, de transition, de fondu, moment interstitiel toujours magique pour moi.
Un glissement entre la lumière et l’obscurité, entre les chants d’oiseaux diurnes et ceux nocturnes, entre une vie qui s’estompe peu à peu et une autre qui s’active, sans rien bousculer, bien au contraire.
Un appel à l’écoute dans tous ses états, où le corps entier est invité à vibrer aux sons de la forêt qui s’endort et se réveille tout à la fois.
Nous marchons avec le plus de discrétion que possible, pour ne pas troubler la quiétude des bois alentours, et surtout de leurs habitants.
De petites histoires boisées, disséminées dans une clairière, viendront néanmoins animer ponctuellement, discrètement, le parcours. Des sons d’une autre forêt, lointaine, bordelaise, avec les voix d’enfants contant des haïkus sylvestres, créés sur place. Un décalage d’une forêt à l’autre, transposition spatio-temporelle, ludique et facétieuse.
Avant que tout rentre dans l’ordre, doucement, sans que rien n’ait été brusqué, tout juste une petite incartade discrète entre bordelais et Franche Comté.
La nuit s’avance, les formes s’estompent, la scène sonore devient de plus en plus ténue, intime, laissant aux oreilles un espace très aéré, où le moindre son trouve sa place dans une ambiance apaisée, loin des turbulences sonores.
Auscultation des troncs, des mousses, des branchages, des rochers, on amène l’écoute vers la matière, au plus proche du toucher auditif, de la granulation sonore, de la micro aspérité. La nuit donne à l’oreille une joyeuse complicité ludique.
Avant de redescendre vers la civilisation, plus sonore, où les voix viendront à nouveau ponctuer les lieux, mais néanmoins sans grands éclats, la forêt suggérant aux festivaliers de ne pas brutaliser les lieux, d’en respecter ses zones protégées, loin des grandes rumeurs urbaines.
Le glissement dans la nuit nous ramène vers le bas, sans doute un peu plus à l’écoute de tout ce qui bruisse autour de nous, c’est en tous cas un des objectifs recherchés.

Notes suite à un PAS – Parcours Audio Sensible pour le Festival Back To The Trees 2023
Forêt d’Ambre à Saint-Vit (25)
Samedi 02 juillet 2023

Lien album photos @Lorraine Moliard – Back To The trees
https://photos.app.goo.gl/yb8Lyo5FexfNJpVZ6

Silence, mots et images

La pensée du jour

« Nous n’avons pas de culture du silence. Les jeunes Romains apprenaient à rester silencieux de diverses manières selon leurs interlocuteurs. Le silence était alors une forme particulière de relation aux autres. Je suis favorable au développement du silence comme ethos culturel. »

Michel Foucault.

Silences
des forêts
des cathédrales
des montagnes
des nuits
des promeneurs
même relatifs
chercher la quiétude
Tacet

Visiter le Portfolio « Installer le silence »

Oh nuit !

La nuit porte conseil.
Alors écoutons-la !
Le marcheur y cale son rythme, en résonance à ceux de l’obscurité naissante.
Allure généralement apaisée.
Les couches sonores s’espacent, se font moins denses, s’aèrent, laissant de l’air libre entres les sonorités moins saturées, ou saturantes, moins amalgamées.
L’oreille respire un peu plus, au fil des heures avancées.
Les sons gagnent en lisibilité. On en identifie d’autant mieux les sources, les espaces où elles s’ébrouent, les mouvements, les timbres et couleurs…
La nuit, tous les sons ne sont pas gris, bien au contraire. Ils gagnent en contraste, en netteté, ils s’affirment comme des particules bruissantes et singulières.
De même les couleurs.
Moins étales.
Plus en ambiances ponctuées, contrastées.
Parfois trop présentes en luminosité, qui viennent aplatir les contrastes et finesses noctambules.
Comme pour les sons, il nous faut souvent choisir les chemins écartés des grandes flaques lumineuses, des grandes nappes sonores. Et lutter sans cesse contre leurs envahissements. Éteindre, assourdir, regagner des espaces non saturés.
Aller vers l’intime, sortir des grands axes, des chemins rebattus, oser le trivial excentré, les lieux qu’ignore le troupeau de touristes programmés.
La nuit est un terrain d’aventure sensorielle, parfois exacerbée, une zone d’écoute et de regard privilégiée, un espace immersif renforcé, pour qui sait en traverser les plages encore à demi sauvages.
J’aime à profiter des ténèbres naissantes, des ombres portées, des chuchotements dans les parcs publics, des voitures endormies, ou se faisant rares, du ronronnement de la cité, avec ses émergences d’autant plus marquées de stridences fracturantes.
Il nous faut parfois apprivoiser la nuit, ou plutôt passer outre nos craintes nocturnes et autres peurs du noir, pour en faire notre amie, notre confidente, notre terrain de jeu.
Elle nous le rend bien, au cœur de la cité, comme de la forêt profonde.
Marcher et écouter la nuit demande de la retenue, un respect des espaces traversés, une posture furtive, un corps qui se glisse dans les lieux surprenants, nappés d’ombres et de sonorités diffuses.
J’ai souvent éclaboussé la nuit de cris et de rires, de fanfares cuivrées… Car elle est aussi une invitation à la fête, aux résurgences dionysiaques, étudiantesques…
Aujourd’hui j’ai plus envie de lui fredonner de douces mélodies, à bouche fermée, de lui susurrer des secrets intimes, de me fondre dans son cocon ouaté.
Même si je pends plaisir à croiser, à l’improviste, un groupe festif, enjoué, dans une explosion jubilatoire et quelque part joliment perturbatrice, jusqu’au calme retrouvé.
La nuit est terre de contraste.
Je la marche en tant que tel.
Et j’invite à partager ces moments où sons, ombres et lumières, se jouent de nos sens titillées, comme nous jouons des dépaysements noctambules.

Photos d’une exploration nocturne lyonnaise des quais du Rhône

Histoires sons dessus-dessous

Voyez-vous, si je puis dire, nous rêvions de l’entendre. Et puis un jour… Dites moi mais, quel est donc ce bruit ? Lequel ? Celui qu’on entend, là, qui envahit l’espace, tout en restant furtif ? Est-ce que je sais moi, ce n’est pas celui que nous voulions écouter ? Je ne sais pas, à force de l’attendre, je ne l’ai plus dans l’oreille. Si tant est que je l’eusses déjà eu. Alors comment le reconnaitrons-nous, comment savoir si c’est bien lui ? Aucune idée ! Mais est-ce si important de le reconnaitre, de s’assurer que c’est bien celui dont nous rêvions. En effet pourquoi s’attacher à ce souffle plutôt qu’à ce choc, à ce tintement plutôt qu’à ce vrombissement, à ce cri plutôt qu’à ce murmure… ou bien en espérer la naissance d’un autre ? Surtout qu’ils n’arrêtent pas de bouger, de changer, de se cacher, de s’entremêler, ces foutus sons. Difficile en effet de trouver celui qui nous conviendrait, et peut-être celui qui qui nous ferait défaut, qui serait tout nouveau, à proprement parler inouï. Mais tout n’est-il pas inouï dans le monde plein des sens ? In ouïe ou hors ouïe, intra ou extra auriculaire, c’est la mémoire qui nous joue des tours de sons. Crois tu ? Elle nous fait crôôôââârre dans la mare, glisse en dos, et sa muse gueule en entrée. Et si ce son tinte à mare, l’écoute s’égoutte à goutte, sans qu’on en chasse rien. Glissement calembourdien. Tout ça pour les cris d’un mémoire dit sonnant, qui ne nous dit rien au final, en preste eau. Flux et reflux, sons passons. Alors, difficile de rêver de l’entendre, lui ou un autre, ça frise la phonie douce. L’utopie serait-elle ultra sonique, sons de nulle part, ou de partout, uchronie-usonie ? Qu’en sais-je, écoutant de malheur, qui creuse un puits sans son. Alors puiser dans sa même ouïr et chercher le bruit qui s’est tu, il, nous, vous, mais qu’on ne connait toujours pas. Beaucoup de bruit pour rien ? Qu’en savons-nous, peut-être sommes-nous devenus sourds de trop entendre, de trop attendre, pavillons en berne et coutilles noyées. Mais le bruit continue de courir, même si la rue meurt. Cours-y vite il va s’éteindre ! Silence, on détourne ! L’ingé son, et l’autre pas. Acoustiquement parlant, nous voilà guère avancés ! Heureusement, il y a des non-dits pour combler les lacunes et imaginer l’histoire, entre les silences taiseux. Mais histoire y a t-il s’il nous manque des sons ? Et puis, même si on les trouvait tous, ou simplement celui ou ceux que l’on recherche, ce qui est fort improbable, nous raconteraient-ils quelque chose ? Histoires sons paroles, où le muet trouvera sa voie, au grand dam du mime, qui se taira encore plus. Le son fait son cinéma, pour l’oreille. Et tout cela sans avoir résolu l’e problème, si un son qui manque à l’appel, ce dernier de fait reste sans réponse. Laissons les sons là où ils sont, c’est à dire partout. Croyez-vous ? Ne serait-il pas judicieux d’en chasser quelques uns, d’enchâsser quelques autres, sacro-sons de bruits collages. Mais comment faire le tri, savoir reconnaitre le son sauveur, celui, encore plus improbable, qui ferait paysage, histoire ou symphonie, même fantastique, voire pathétique. C’est une histoire sons dessus dessous, des accords imparfaits, des arts sonnés, des à croches arpégées, ou du bruit de son, tout simplement. Il y aurait de la friture sur la ligne, de la bruiture sur l’écoute, on est jamais à la bruie de rien. Du verbe bruire, bruira bien qui bruira le dernier. Clap de fin, silence ! Mais aussitôt, rompons le silence et revenons à nos sons, à nos mous sons qui pluivent ou pleuvent, en plics et en plocs. En gouttes qui font déborder la vase, y’en à mare ! Et pluie voilà, un jour… Rien ne se passa, en tout cas comme prévu, le silence resta quiet et ne bruissa point. Alors, que se mettre sous l’oreille si le silence demeure, sans requiem aucun. Cela ne dura pas. Et même s’empira tant et si bien, que l’oreille expira, ou bien faillit le faire, le cochléaire furieux, la mastoïdienne rageuse. Les sons dégelèrent en tempête pantagruélique, autant que véhémente. Même la muse Écho n’arrivait plus à répéter les quelques bribes qu’on lui avait laissées. Un monde chaotique et brouhahatique, où l’histoire perdait toute intelligibilité. Mais avait-elle, dans ses bruissement incessants, déjà eu un sens ? Question carolienne s’il en fut. Qu’en savons-nous au final, nous fiant à nos oreilles aussi curieuses qu’imparfaitement brouillonnes ? En quoi nous reconnaissons-nous dans ce paysage acoustique qui n’en finit pas de se dissoudre en ondes a priori désaccordées, pour se reconstruire, tant bien que mal, en discours discordants, mais qui parfois chantent malgré tout. Si la cadence est parfaite, au mieux que cela puisse se faire, on avance de concert. Si elle est rompue, maudits musicologues, on ne sait plus où donner de l’oreille, au risque de bruitaliser le monde. Alors la pause est bienvenue, quitte à soupirer, entre deux sons bruits sonnants. A trop entendre, l’hyperacousie nous guette, où chaque murmure devient hurlement, chaque bruissement cataclysme, à en perdre le sens de toute nuance, à s’en péter les tympans, parfois bien trop frêles pour la fureur du monde. Écoutons malgré tout, nous disons-nous, contre vents et marées, et même dans le vent démarré, car au matin des musiciens, et d’autres écoutants impatients, l’oiseau chante encore au monde qui s’éveille. Et il y aura bien encore, quelques sons que nous rêverions d’entendre beaux.

Construire une écoute partagée, intentionnalités et processus

Problématique : l’écoute et la construction de paysages sonores partagés

Thématiques : paysages sonores, esthétiques, sociabilités et écologie écoutante

Lieux et espaces : de préférence hors-les-murs, partout où le monde bruisse

Publics et partenariats : artistes, enseignants, chercheurs, aménageurs, décideurs, et toute oreille de bonne volonté

Processus et dispositifs : la marché écoutante, l’arpentage et le corps performatif, l’installation de situations d’écoute et de micros sonorités éphémères, les postures, cérémonies et rites d’écoute(s).

Modes opératoires : actions in situ, contextualisées, collectives et participatives, trans, inter et indisciplinaires

@Pascal Lainé – Festival L’arpenteur – Scènes obliques 2022 –

Traces et partages : parcours d’écoute, cartographies, récits polyphoniques, créations sonores et multimedia, enseignement, médiation et ateliers, conception d’outils pédagogiques

Remarques : pratiquer un ralentissement sensible, prendre le temps de faire ensemble, privilégier la sobriété dans la mobilité, les dispositifs et matériels non énergivores, rechercher les échanges pour co-construire avec de nombreux acteurs de terrain…

Contacts : Gilles Malatray Desartsonnants desartsonnants(at)gmail.com 00 33 (0)780061465

Se poser, écoutant dans la danse

Se poser par ici, ou se poser par là
Jeter un œil furtif, ou un regard insistant
Une oreille discrète, ou une oreille scrutante
Savourer les mouvements, les arrêts, les hésitations
Le ballet du vivant qui danse sans le savoir
Écouter des bribes, ou bien plus longuement
Les gens furtifs, originaux
Bavards ou taiseux
Marginaux, anonymes
Pressés, nonchalants
Élégants, négligés
Semblants et faux-semblants
Ceux qui vous sourient, ceux qui vous saluent
Ceux qui vous ignorent, ceux qui vous toisent
Ceux qui vous bousculent
Et tous ceux que vous ne voyez pas, et réciproquement
Se sentir vivant, ou se sentir moins seul
Tout simplement être tout près
Assis sur un banc de pierre, de bois ou de béton
Dans ou devant une gare, une église, un parc
Dans la fraicheur d’un matin précoce
Dans la chaleur d’un midi torride
A nuit tombante, à nuit tombée
Aux premières ondées automnales
Dans les frimas engourdissants
Dans des espaces incertains
Y trouver des habitudes, des ancrages
Y faire des rencontres récurrentes
S’inscrire dans le quotidien, ou presque
Comme usager rompu aux lieux
Écoutant regardant insatiable
Un beau jour pour se sentir bien là
Un beau jour pour se sentir ailleurs
Un beau jour entre-deux erratique
Rester immobile et que tout tourne
Les sons les gens et les odeurs
Et les lumières qui bougent
Et les les ombres fuyantes
On est point fixe, axe dans un chaos branlant
Un banc des villes, un banc des champs
Autour desquels tout s’agite
Autour desquels danse le paysage hésitant
Ralentir la marche est nécessaire
Pour se poser sans s’abimer
Juste dans nos écoutes regardantes
A la croisée imprévisible de tourbillons fantasques
Où danserait l’inconscience du monde.
Se poser par ici, se poser par ailleurs
Dans le groove chaloupement du monde.

Rencontres internationales « Made of Walking » Listening to the Ground – La Romieu 2017 – Co-commissariat Geert Wermer (Be), Gilles Malatray (Fr) , Isabelle Clermont (Ca Québec))

Écoute s’il pleut !

Chantier auriculaire

« Écoute s’il pleut »

Et pluie voila !

Houte-si-Plout , écoute s’il pleut, est un hameau belge de la commune de Heuré, Wallonie, de la province de Liège, avec un moulin à eau réputé.

C’est aussi un ru du département de l’Essonne, sur les communes d’Évry et de Ris-Orangis, en France
Un lieu-dit du département du Lot, sur la commune de Gourdon, en France.
Une Rivière du Canada…

Houte-si-Plout est également, chez nos voisins wallons, une expression ironique et un brin vacharde, qui signifie « va te faire voir ailleurs, je n’ai rien à faire de ce que tu dis ».

Mais prenons là ici au pied de la lettre. Écoutons la pluie qui s’égoutte et s’écoute joliment, tout en rafraichissant la terre comme nos oreilles.

A l’heure où les canicules se succèdent, plus fortes les unes que les autres, où la forêt flambe, accueillons et fêtons l’eau tombée du ciel, quand elle n’est pas diluvienne, avec joie et bonne humeur ! Et tendons l’oreille vers ses glougloutis vivifiants !

Écoutons s’il pleut !

Écouter, et alors ? Et après ?

S’il est bon de prendre parfois des bains de sons, de se laisser immerger dans d’agréables ambiances sonores, des flux d’images acoustiques, de se faire doucement chalouper par des successions et superpositions de rythmes « naturels » entrainants, peut-on pour autant prétendre à une posture écologique ?

Au delà du plaisir hédoniste d’une belle écoute, ce qui est déjà un beau cadeau pour les oreilles, sans contrepartie ni processus énergivore, comment pouvons-nous aller vers une action plus engageante ?

Écouter pour comprendre, écouter pour agir.

Tendre l’oreille est déjà en soi un geste actif, volontaire, qui se démarque d’une écoute passive, subie, et de fait parfois contraignante, si ce n’est néfaste.

Écouter pour comprendre pourquoi, dans cette ville, ce quartier, ce village, cette rue, je m’entends bien, je me sens bien, alors que dans d’autres lieux je serai géné, si ce n’est agressé, peu enclin à profiter des espaces publics…
Que faudrait-il faire, parfois très simplement, pour mieux s’entendre, tant avec les lieux qu’avec ses occupants, pour que mon oreille s’y retrouve ? Une fontaine, un bosquet, des bancs publics judicieusement placés, le tracé d’un cheminement riche en sensations… ?
Comment penser l’aménagement d’une place publique, du chemin vers l’école, les commerces, le centre ville, comme des parcours sécurisés, agréables au marcheur, y compris dans ses ambiances sonores ?
Quels lieux pour se rencontrer, discuter sans hausser la voix, se mettre à l’abri à la fois des grosses chaleurs et des saturations acoustiques, dans de petits oasis de fraîcheur apaisés ?

Comment notre écoute active, peut-elle engager, partager ses réflexions, jusque dans la prise en compte effective, factuelle, d’aménagements urbains ou ruraux ?

De l’écoute/plaisir, on glisse, on superpose, on associe, une écologie écoutante, celle qui va poser les problématique du milieu sonore comme une façon de bien ou mieux vivre, s’entendre, dans toute la polysémie du terme, de cohabiter, prendre soin, porter attention, ménager la santé, les sociabilités, les mobilités douces, la qualité de vie en générale.

L’écoute comme un bien commun rendant plus vivables des espaces public, dans une époque pleine d’incertitudes anxiogènes.

Sans prétendre résoudre et résorber tous les problèmes, les fonctionnements, tensions, saturations, poser une écoute active et qui plus est collective, c’est déjà engager une participation citoyenne à portée d’oreilles.

Fiche de chantier d’écoute, exemple dans la mare

Titre : « Du bruit dans la mare »

Action : PAS – Parcours Audio Sensible, expérimentation pédagogique

Catégorie : Balade sonore, promenade écoutante

Thématique : Écoute du site des Allivoz, auscultations aquatiques

Contexte : Fête de la Nature 2023

Public : Famille, enfants à partir de 6 ans

Jauge public : 20 personnes maximum, les quatre parcours affichent complet

Durée de chaque parcours : 1H30 environ

Dates : les 28 et 29 mai 2023

Nombre de parcours : Deux le dimanche et deux le samedi (une à 14, l’autre à 16 heures chaque jour)

Lieux : Grand Parc de Miribel Jonage, site de l’Îloz, Chemin des Allivoz, Jardin des sens, jardins Ailleurs, départ accueil de l’Îloz

Déroulé : Promenade silencieuse, jeux d’écoute à oreilles nues, commentaires sur les lieux traversés, mini installation sonore aquatique, auscultations d’un arbre et de points d’eau, de loin, de près, dessous, à l’aide de « Longue-Ouïes » spécifiques.

Météo : Journées chaudes et ensoleillées les deux jours

Remarques : Des groupes intergénérationnels très participants, curieux, réactifs, joueurs, et a priori heureux de l’expérience ludique et collective. Les grenouilles et oiseaux se sont montrés (et fait entendre) de façon joyeuse, participative et spontanée, merci à elles et eux !

Balade sonore nocturne – Field-processing with Boris Shershenkov

par PePaSon

Le 30 mai 2023, de 22h à 23h30

Balade sonore nocturne exclusive le Mardi 30 Mai 2023 avec l’artiste Boris Shershenkov autour du projet « LightHub » à l’écoute des ondes électromagnétiques omniprésentes dans l’espace urbain. RDV : Place de la République – Sous la statut devant le Lyon (22H)

*** Emmenez tant que possible un casque audio personnel avec prise jack stéréo

*** Une petite participation vous sera demandée à prix libre en liquide sur place pour rémunérer l’artiste. Merci de prévoir en conséquent .

Le mardi 22 mai 2023, à 22h00, place de la République se déroulera la balade sono-lumière Lighthub de l’artiste sonore Boris Shershenkov.

Le projet Lighthub explore l’essence des lumières électriques, qui est fondamentalement différente des sources de lumière naturelle. Les conceptions des flux lumineux technogéniques sont basées sur l’inertie visuelle humaine. Ils véhiculent une quantité importante d’informations cachées à l’œil mais situées dans les limites temporelles de notre perception auditive.Les participants à cette promenade au moyen de convertisseurs phonoptiques sur mesure auront la possibilité d’étudier de manière synesthésique les lumières de la ville telles que les publicités, les phares de voiture et les systèmes d’éclairage public, et de créer une carte lumineuse de la zone enregistrée en son.Au cours de la première partie de la marche sonore, les participants marcheront ensemble et exploreront l’environnement lumineux des zones environnantes. La deuxième partie de la promenade – l’enregistrement de la pièce cartographique « Lighthub Paris : République », au cours de laquelle les participants se déplaceront le long d’itinéraires prédéterminés en fonction de la partition spéciale de la carte.

Boris Shershenkov (né en 1990, Vladivostok, Russie) – artiste et chercheur indépendant, Ph.D. (candidat en sciences techniques), éducateur et concepteur d’instruments de musique. Se concentrant sur des projets qui développent de nouvelles méthodologies dans l’art technologique et sonore, il étudie la relation entre les humains et la technologie en combinant les techniques modernes avec la recherche archéologique des médias. Site web : https://shershenkov.com/

La durée totale de la promenade est de 1h00.

Pour participer à la marche, vous devez avoir :

1. smartphone ou enregistreur audio avec une entrée mini-jack 3,5 mm (micro cravate ou entrée casque) ;

2. une paire d’écouteurs filaires avec un connecteur minijack 3,5 mm.

Inscription Hello Asso ICI

English version 

On Tuesday, May 2023, 10:00 PM, at the Place de la République will take place the Lighthub light-sound walk by the sound artist Boris Shershenkov.The Lighthub project explores the essence of electric lights, which is fundamentally different from natural light sources. The designs of technogenic light streams are based on human visual inertia. They carry a significant amount of information hidden from the eye but located within the temporal limits of our auditory perception.Participants of this walk by means of custom-made phonoptic converters will have the opportunity to synesthetically investigate the city lights such as advertisements, car headlights and street lighting systems, and create a light map of the area saved in sound.During the first part of the soundwalk, participants will walk together and explore the light environment of the surrounding areas. The second part of the walk – the recording of the « Lighthub Paris: République » cartographic piece, during which participants will move along predetermined routes according to the special map score.

Boris Shershenkov (b. 1990, Vladivostok, Russia) – independent artist and researcher, Ph.D. (candidate of technical sciences), educator and musical instrument designer. Focusing on projects that develop new methodologies in technological and sound art, he investigates the relationship between humans and technology combining modern techniques with media archaeological research. Website: https://shershenkov.com/

The overall length of the walk is 1 hours.

To participate in the walk, you must have:1. smartphone or audio recorder with a 3.5 mm minijack input (lavalier microphone or headset input);

2. a pair of wired headphones with a 3.5 mm minijack connector.

Inscription Hello Asso Here

Une usine et son quartier en écoute, au fil des époques, une chronique auriculaire

L’usine usine
J’ai habité longtemps, dés ma plus tendre enfance, tout près d’une grande usine textile.
Aussi loin que je me souvienne, je l’entends encore, avec ses ambiances attenantes du quartier qu’elle rythmait.
Une sirène hululante, ponctuelle.
Des crachements tonitruants de sa chaudière relâchant la vapeur. Sons qui m’ont beaucoup inquiété avant que je n’en comprenne leurs origines.
Un bief au pied de la maison, parfois silencieux, parfois glougloutant dans les herbes sauvages.
Des mouvements de foule pendulaires, 5h du matin, 13h, 21h, les équipes qui sortent et rentrent, se croisent, des voix qui saluent, interpellent, rient, les commerces et les bars du coin, toute une vie ouvrière assez enjouée.
Les voisins de la cité, des scènes de ménages, des enfants (dont moi) qui jouent sur la place…
La fête de l’industrie, celle du 14 juillet et les jours précédents, qui déclenchait une grande liesse popularité, manèges pour enfants, stands de tirs et spectacles forains, aubades de l’harmonie municipale, repas et bals populaires, bataille géante de confettis, course cycliste et bars débordant de clients rieurs, jusque tard dans la -nuit…

L’usine friche
Puis un jour, l’usine a fermé ses portes.
Et tout s’est rapidement assoupi, sinon endormi, silence, herbes folles envahissantes, cité vidée, bâtiments en décrépitude, avant que de tomber en ruine.
Le quartier s’est vidé de beaucoup de ses commerces et habitants, le plongeant dans une torpeur qui rompait tristement avec son ancienne pétulance.
La fête du 14 juillet s’est tue et a pratiquement disparu avec la fermeture de l’usine et de nombreux commerces.
Durant des années, la carcasse fantomatique de l’usine désaffectée s’est peut à peu dégradée, effondrée en partie.
Aux beaux jours, nombre de chats ont fait de ces immenses cours et bâtiments déserts et enherbés, leurs terrains de chasse, et de drague printanière.
Leurs miaulements rauques à la tombée animaient sauvagement les lieux.
Les oiseaux eux aussi, ont profité de cet écosystème anarchique pour voleter et piailler joyeusement, en se méfiants toutefois des chats aux aguets.
Et, plus subtile, dans un incroyable pointillisme, des crapauds des murs, ou accoucheurs, au joli nom d’alyte, égrainent leurs notes brèves, aiguës, perlées, faisant chanter l’espace en en marquant les moindre contours .
Combien de fois me suis-je accoudé au balcon pour entendre leurs envoutantes polyphonies nocturnes.

L’usine travaux
Vint un jour où l’usine fut démolie, le quartier en voie de requalification, des plans d’un futur jardin public affichés et de nombreuses visites sur site d’aménageurs, élus et entrepreneurs en BTP.
Quelques mois durant, des machines désamiantèrent, rognèrent, fracassèrent, dans un chaos de sons et des nuages de poussière tenaces.
Seule une cheminée, raccourcie par sécurité, sera conservée, comme vestige de l’ancienne usine, qui elle, aura totalement disparu sous les coups de boutoirs enragés d’immenses machines démolisseuses.
Le quartier a tremblé et vibré, dans un ballet pétaradant des camions de gravats saturant l’espace…
Un terrain vague, arasé, nivelé a fait place net. Des anciennes manufactures textiles, il ne restait plus qu’un terrain nu et pierreux, retrouvant un silence temporaire.

L’usine jardin
Ce terrain vague, après être resté désert quelques mois, entouré de hautes grilles, s’est réaménagé petit à petit, renaturé, pour se transformer radicalement.
Nouveaux sons de travaux d’aménagement, moins agressifs toutefois que ceux de la démolition.
Des arbres et des pelouses on reverdi le terrain, après une dépollution des sols de rigueur. Des oiseaux se sont réinstallés plus bavards que jamais, heureux sans doute d’avoir retrouvé un nouveau lieu d’accueil.
On entend maintenant le ruisseau autrefois masqué par les murs et les activités industrielles.
En journée des enfants jouent, trottinettes skates et vélos glissent, crissent et claquent. Des promeneurs vaquent en devisant. En soirée printanière et estivale, des jeunes gens viennent se retrouver, y causer sur les bancs, et parfois animer l’espace de musiques dansantes.
Moi-même, je m’assied souvent, juste au pied de chez moi, sur un banc de pierre, point d’ouïe hyper local d’où, en fin de soirée j’aime regarder, écouter, lire, rêvasser, griffonner quelques notes, et échanger avec les voisins.
Un marché hebdomadaire s’est installé, et de nouvelles sonorités aussi, redessinant le paysage sonore du quartier.
Parfois, sous sa grande halle couverte et résonante, un spectacle y est donné, un repas festif organisé
Nouvelle vie, autres sonorités.
En un bon demi-siècle d’observation, j’ai vu et entendu ce site changer d’état, se métamorphoser, aux rythmes des évolutions sociales et des réaménagements urbanistiques.

Festival Ligérophonies, merles et pistons, des fêtes pour l’oreille

Première édition angevine de Ligérophonies, joliment qualifié de festival d’écoute du dehors qui nous a fait sortir les oreilles au grand air.
Organisé par Philippe Vuillaume, audionaturaliste passionné, co-fondateur de l’association Sonatura, cette joyeuse rencontre nous fera visiter et écouter les bords de Loire, la forêt au réveil des oiseaux, prendre un apéro en fanfare, écouter encore et visionner des prises de sons naturalistes, des documentaires d’activistes écoutants preneurs de son… Et moult rencontres et échanges s’en suivront.

Desartsonnants y était invité pour deux PAS – Parcours Audio Sensibles, dont la magnifique Loire traversant une campagne tout en verdure et bocages, en Pays des Mauges, constituait le fil conducteur.
Mais nous vous en reparlerons prochainement.

Cet article mettra plutôt l’accent sur deux moments d’écoute fort différents, chacun célèbrant, à sa manière, une expérience auditive où les oreilles étaient à la fête.

La première, guidée par Philippe Vuillaume, l’attrape-sons, réservée aux lève-tôt, était d’écouter, dans un superbe site d’anciennes mines de chaux, au long d’un sentier forestier longeant un cours d’eau, le réveil des oiseaux. Cet instant magique, trouvant son paroxysme pétillant à l’aube, voire quelques minutes avant, où toute la gente avicole donne du syrinx pour nous avertit que tout le monde est bien là, saluant le jour nouveau.
Et il se trouve que, la date n’étant certes pas choisie au hasard, nous étions le week-end de l’ International Dawn Chorus Day 2023, manifestation mondiale où des écoutants de tous pays célèbrent ce moment magique.

Ici en bords de Loire, dans le pays des Mauges.

A midi, comme il se doit, après une promenade écoutante en bord de Loire, la fanfare locale S’Kon Peuh animait joyeusement un apéritif bien mérité.

C’est lors de ces deux occasion que Desartsonnants ouvrait ses micros, et en concoctait une séquence sonore anachronique, en effet elle ne respecte ni la concordance du temps, ni celle du lieu, pas plus qu’une thématique liée aux sons de la nature, ou à ceux fanfaronnant, mais se fait un malin plaisir de brasser allègrement tout cela.

Lors de l’écoute matinale, les micros un brin indiscrets, allaient chercher subrepticement les commentaires des écoutants et preneurs de son, en contrepoint avec la joyeuse polyphonie des oiseaux volubiles que rien ne perturbaient.

La fanfare, en tous cas dans cette audio fiction, leurs répond ou bien est-ce l’inverse, dans une alternance fictive de fêtes parfois animales et parfois cuivrés, de balancements malicieux entre deux sources sonores que Desartsonnants apprécie visiblement, au point d’en concocter une rencontre improbable.

En écoute ci-dessous

Merles et pistons by Prise de son et montage Desartsonnants

A lire et entendre également, un article et des sons concernant ces rencontres, de Pascal Dhuick, président de Sonatura

Fin ou début de rêve

Chaque scénario offert
Aux oreilles assoiffées
Mais aussi apeurées
Devrait être une histoire
Si possible inouïe
Une histoire paisible
Dans le meilleur des cas
Ou sinon turbulente
Quand ce n’est virulente
Des sons se télescopent
Se frottent et s’entrechoquent
Cacophonie d’enfer
Des bribes insensées
Se déplient fébriles
Se replient insidieuses
Éclatent sans retenue
Comme des mots jetés
Sur des pages griffées
Des images bruyantes
Aux confins de l’écoute
Des souvenirs en devenir
Des prédictions périmées
Des choses pas encore nées
Des gestations avortées
Des chimères trépassées
Des films à rebours déroulés
Des évidences muettes
Des tympans profanés
Des oreilles déflorées
Des mouvements figés
Une cloche au battant suspendu
Un cri gelé en bouche
Une parole étouffée
Un larynx enkysté
Une attente d’on ne sait quoi
Pourvu qu’elle se résolve
En salves explosives
En vivats incrédules
harangues sans auditoire
silences repoussés
révoltes ravalées
indignations bridées
Ce qu’on ne peut entendre
Ce qu’on ne veut entendre
Et qui pourtant surgit
Exultation bruitiste
Rumeur exacerbée
Paysages sonnés
Orchestres désaccordés
Timbres enroués
Instruments saturés
Machines dérèglées
Des éléments furieux
Eaux grondantes déchainées
Tonnerres en écho infinis
Fracas volcaniques éructants
De l’inaudible à l’excès
Des éclats foudroyants
Une apocalypse orchestrée
Un grandiose final éclatant
Un sublime assourdissement
Un béance sonifiée
Afin que tout se taise
Dans un vide sidéral

Et les oiseaux soulagés
Se remettent à chanter.

le clocher

Arpenter, écouter, aux rythmes de la lenteur

PAS – Parcours Audio Sensible nocturne – Loupian (34) Centre culturel O34rjj

Parce que l’écoute demande de la disponibilité, et que la disponibilité demande du temps.

Le temps de l’arpentage en l’occurrence, celui qui nous mesure à l’espace, physique et acoustique, matériel et sensoriel, topologique et symbolique, celui qui nous incite à y trouver notre place, sans rien précipiter. 

Il nous faut nous glisser discrètement à notre place d’écoutant, celui qui désire se plonger dans les ambiances sonores, sans les brusquer, tout doucement, sans faire de bruit, ou très peu.

Nous nous sentirons notre place en prenant le temps de nous glisser entre, et dans les sons, de les laisser nous entourer, avec plus ou moins de douceur, et parfois de brusquerie, il faut en avoir conscience.

La lenteur est aussi dans la façon de marcher, donc d’arpenter, sans presser le pas, voire en le ralentissant de plus en plus, jusqu’à s’immobiliser (situation de point d’ouïe).

Les sons quant à eux, ne s’arrêteront pas pour autant, ils continueront leur ronde environnante, vivante et incessante.

Parfois cependant, il sembleront ralentir, comme dans le murmure d’un ruisseau courant, sans heurt, ni ressac, ni crescendo. Un flux reposant.

Dans une écoute attentive, le rythme est intrinsèquement empreint de lenteur, et si il ne l’est pas, il faudra la rechercher, la fabriquer même, en ralentissant franchement, contre vents et marées.

La nuit par exemple, est un moment propice à plus de lenteur, à des rythmes apaisés, enveloppés d’ obscurité, de demi-teintes, lumineuses et sonores. L’écoutant peut ainsi partir à la recherche d’espaces nocturnes, ceux peu habités, peu fréquentés, aux heures creuses, qui compenseront ses journées trépidantes.

Il peut aussi se frotter à des forêts profondes, là où marcher tranquillement, loin des routes aux flux énervés.

Dans l’idéal il peut également aspirer à une cité épurée de ses innombrables déchets sonores, de ses pollutions qui mettent l’oreille et le corps entier à mal.

La lenteur est, avec le silence, un amplificateur d’écoute, accueillie comme une respiration bienfaisante.

Exemple vécu, lors d’un PAS – Parcours Audio Sensible nocturne, dans un trajet de la place de la Croix-Rousse jusqu’à la place de l’Opéra, via les pentes et les traboules lyonnaises.

Distance : environ 1 km, zigzags compris.

Durée : deux bonnes heures.

Conditions : silence du groupe

Vitesse de déambulation : à peine 0,5 km/h, arrêts compris.

Taux de satisfaction des promeneurs écoutants : 100 %

La vitesse est sans doute, un vecteur d’inhabitabilité chronique, dans un monde qui file à grands pas vers l’insoutenable, en produisant un chaos lui-même de plus en plus inécoutable.

Il faut casser les rythmes trop effrénés, trop agressifs, pour réécouter, et au-delà, vivre et survivre au tumulte menaçant.

Il nous faut encore et toujours ralentir pour mieux entendre, nous entendre, pour tenter de mieux comprendre, pour que les paroles circulent sereinement, pour qu’on puisse en saisir la teneur, pour réduire les maltraitances de décisions et d’actions violentes et arbitraires.

La lenteur est un facteur qui conforte une pensée et une action collective pacifiée, ici celle de l’écoute, comme un acte écologique a priori anodin, néanmoins nécessaire au quotidien, en l’occurrence vers une écologie auriculaire et sociétale.

Le monde, y compris sonore, pour qu’il soit vivable, doit être pensé via une recherche d’apaisements, de ralentissements, d’économies de gestes et de réflexions, hors des réseaux épidermiques, frénétiques, générant des actions irréfléchies, à l’emporte-pièce. La recherche de paysages sonores vivables ne peut faire l’économie d’une éthique écoutante, fondamentalement relationnelle. Le plaisir de faire ensemble, de résister collectivement à un emballement sclérosant nos relations sociales, n’en sera que plus fort.

Pour conclure, les PAS – Parcours Audio Sensibles, offrent des arpentages de territoires, au fil d’expérimentations sensorielles, où la lenteur et de mise, jusque dans une certaine radicalité performative, néanmoins tout en douceur.

L’absence de tout dispositif technique, scénique, la simplicité du geste, son inscription dans un espace-temps non précipité, à la recherche de zones apaisées, militent pour une approche sensible, non invasive, non stressante, respectueuse des lieux arpentés comme des acteurs arpenteurs.