Paysages sonores, en corps et toujours

@ Transcultures – PAS – Parcours Audio Sensible à Mons (Be) Festival City Sonic

Comme le paysage sonore n’existe pas sans l’écoutant, sans l’écoute de l’écoutant, sans le corps écoutant, sans la pensée sensible, volatile, versatile, multiple de l’écoutant, il faut donc le fabriquer de toute pièce. Il est nécessaire de le reconstruire dans chaque lieu et moment, et ne jamais prendre pour acquise une idée de paysage sonore comme une représentation figée de type carte postale.
C’est une chose qui a cheminée longtemps dans ma tête, mon corps, pour s’incarner progressivement au fil des expériences situées. Ce n’était pas du tout une évidence lorsque j’ai commencé à tendre l’oreille et a arpenter des territoires au gré de leurs textures sonores. Je constate aujourd’hui que beaucoup ne se reconnaissent pas dans cette approche, voire refusent de reconnaître l’expression, si ce n’est l’existence des paysages sonores, en tous cas dans une pensée post schaférienne..
Mais cette petite chronique n’est ni le lieu ni le sujet d’un débat polémique.
La question que me pousse à repenser, par l’action de terrain, les moyens, outils, processus, dispositifs, propres à faire émerger des espaces sonores singuliers, au sein de territoires de plus en plus fragiles et tourmentés, est plutôt le sujet de cet article.
Au début est l’oreille, et donc l’écoute.
S’il faut commencer par une approche simple, posons d’emblée l’écoute comme une clé de voûte, qui fait tenir debout à la fois la cohérence physique et sensible d’un paysage sonore, mais également les éléments d’analyses critiques et les créations qui en découlent potentiellement.
Qui dit écoute dit organe, sens, mode d’appréhension sensible du monde, inclue dans un corps qui est lu-même un réceptacle vibratoire complexe, multisensoriel, réactif aux tressaillements et aux ébranlements du monde.
Nous somme plongés dans une vie organique, sociale, émotive, qui secoue notre corps dans son intégrité, et notre perception auditive est en alerte, entre tensions et détentes, adoptant pour faire face à des situations multiples quantités de postures psychomotriciennes. Entre la protection, la fuite, la scrutation, l’auscultation, nous réagissons et interagissons différemment selon les contextes. Ainsi, mettre un corps en mouvement pour traverser des ambiances sonores, s’en approcher, s’en éloigner, les mixer, en entrainant parfois un groupe à en faire de même, sont autant de postures issues des soudwalkings et autres balades sonores, marches écoutantes… Au fil des expériences audio-déambulantes, j’ai été amené à croiser nombres d’artistes œuvrant dans les champs artistiques de l’art-performance, de l’art-action, de la danse, du cirquen qui très souvent frottent leurs corps à l’espace public, au rythme de performances et de mises en situation souvent surprenantes et décalées, si ce n’est volontairement provocatrices. La physicalité du geste et du corps est au centre de la performance, qu’elle soit très (dé)monstrative ou au contraire minimaliste, si ce n’est quasiment invisible. Un jour, après un long PAS-Parcours Audio Sensible nocturne, autour des rives lyonnaises du Rhône et de la Saône, après une très lente marche et près de trois heures en silence (écoutant) un des organisateurs m’a dit que mes marches relevaient de la performance, se détachant des déambulations patrimoniales ou urbanistiques qu’il avait l’habitude de proposer. Sur quoi, et particulièrement ce soir là, j’étais assez d’accord. J’avais poussé les corps arpenteurs et écoutants dans des situations d’immersion collective pour le peu inhabituelles. La lenteur, le silence, la longueur, les lieux parfois surprenants, dans un esprit proche de l’artiste Max Neuhaus, avaient contribué à construire une traversée de paysages sonores à la fois propres à chaque participant, et à la fois dans une forme de geste collectif stimulant. Je garde en mémoire nombre d’images, sonores ou non, de ressentis, comme une sorte de cartographie mentale sensible. J’ai en mémoire des moments forts, tel celui d’une immense péniche qui fait un demi-tour sur le Rhône, éclairant dans la nuit le fleuve de ses feux de navigation, ses puissants moteurs diésels éclaboussant les lieux de grondements réverbérés par les murs des berges et la surface des eaux… Plus loin, des groupes de jeunes étudiants et étudiantes qui, ici et là, improvisent une soirée festive, danses, musiques et bières à l’appui. Ces scènes, ces ambiances traversées, sont d’autant plus vécues fortement que le corps entier est immergé dans son propre silence et mu dans une lenteur assumée. Il construit son récit au fil des pas et des stimuli paysagers, la dynamique de groupe tissant des ressentis parfois exacerbés. Les paysages sonores, visuels et parfois olfactifs, nous traversent autant que nous les traversons. Ils nous baignent, nos sautent aux oreilles, ne cessent de se transformer lors de gestes performatifs collectifs. J’en ai beaucoup appris en regardant comment les corps de danseurs, circassiens, artistes de rue, se mettent en scène dans l’espace public, en révélant des territoires esthétiques, poétiques, politiques et sociaux de façon décalée. Avant de penser à une potentielle œuvre sonore, il m’est nécessaire de plonger corps et oreilles, regard compris, dans l’espace public urbain, la forêt, le long du ruisseau, ce qui est d’emblée pour moi une façon d’œuvrer. La création, l’écriture corporelle, haptique, immatérielle, en tout cas dans sa concrétisation, les situations et postures, que propose un parcours d’écoute, contribuent à l’émergence d’une œuvre située, contextuelle, le corps engagé aidant. Faire corps avec les lieux, les participants, la vie multiple croisée en chemin, est ici une expression qui prend tout son sens, dont celui de l’ouïe bien entendu

PIC – Paysages, Improvisations, Concerts

Festival Sound Around, Kalinigrad 2019 – Institut Français de Saint-Pétersbourg

En chantier. Je bricole un instrumentarium numérique autant qu’éclectique, avec des bouts de logiciels de création sonore libres, des patchs Pure Data… Je bidouille des field recording (enregistrements de terrain) en live, pour recomposer des paysages sonores via des sons du cru. C’est souvent hasardeux, mais ça donne des choses jouant à la fois sur les marqueurs sonores des lieux, parfois identifiables, et des paysages décalés, frictionnels, où le réel se frotte à l’imaginaire. Je joue, improvise, tricote, sons et ambiances, sous une forme nomade, performative, à la fois concertante et déconcertante… Projet de territoire, l’immersion dans les ambiances auriculaires d’un lieu est la clé de voûte qui fera tenir les sons ensemble, et nous reliera au monde, à ses cohabitant(e)s, par le grand et le petit bout de l’oreillette.

Fiche projet IF

Paysage sonore venteux, petite chronique auriculaire automnale

Nous sommes en novembre, période automnale, où souvent les grands vents se libèrent, labourent le paysage de leurs trainées chaotiques, tempétueuses et imprévisibles.

À nuit tombée, de jour, je marche ma petite ville, balayée et secouée de rafales venteuses et fougueuses. Elles s’entendent Oh combien, imposantes, animant les espaces auriculaires, dans un paysage sonore des plus dynamiques et mouvants.

Le raclement des feuilles mortes, tourbillonnantes autour de moi, sur l’asphalte, une surface de jeu granuleuse, sonore, propice à une composition quasi musicale. Tout passe, glisse, crisse, vite, de droite à gauche, devant derrière, dessus, de près et de loin… Une spatialisation de mouvements acoustiques impressionnante, impossible à reproduire, même sur le meilleur système de diffusion acoustique, si performant fût-il.

Des arbres, des forêts environnantes, sont secoués sans ménagement, faisant entendre des chuintements, grondements, des secouées véloces, dessinant acoustiquement des espaces perçus à l’échelle de notre écoute, proches et lointains, toujours en mouvement.

Des volets et portails claquent et grincent, dans une sorte de surprenante symphonie nocturne, éolienne. Des interstices architecturaux, des passages, des tuiles, des fentes, sifflent et gémissent, ici et là, souffles d’une vie turbulente à portée d’oreille.

Les lieux traversés se percoivent tout à la fois dans une sorte de violence climatique inquiétante, et une activité trépidante, qui nous maintient en alerte, en vie, en gardant notre écoute portée sur un monde secoué de mille soubresauts.

Écoute que coûte !

Dans la traversée d’une zone nuageuse, ponctuée de turbulences et d’avaries à répétition, je reprends tant bien que mal le cours des choses.

Je le fais naturellement en replongeant l’oreille dans les rumeurs, grondements et bruissonnances du monde.

Ménager des tiers-espaces écoutants, où la parole circule entre et dans les silences habités et les mille sonorités, toujours en mouvement, reste au cœur du projet.

Aller à la rencontre de nouveaux territoires, en retrouver d’autres, avec leurs ambiances propres, anthropophoniques, biophoniques et géophoniques, autrement dit de l’humain, des animaux et des phénomènes « naturels », selon la classification de du père de la biophonie, Bernie Krause, est un besoin quasi vital.

Ces rencontres sont le fruit d’un nomadisme assumé, qui fait tenir debout le monde dans une certaine cohérence rassurante, ne serait-elle qu’auditive.

Chercher des espaces amènes, au sein d’environnements souvent cacophoniques, dissonants, stressants, est une façon de trouver, de construire, de protéger, des sortes d’oasis sonores accueillants.

Installer et faire circuler des écoutes généreuses et partagées, y compris dans les silences et les lenteurs des cheminements, convoque des gestes et des postures qui tendent à apaiser des frénésies anxiogènes.

L’écoute, les écoutes, sont envisagées comme des gestes esthétiques, artistiques, poétiques et poïétiques, écosophiques, où les sociabilités se nourrissent de la rencontre, de l’altérité, de la tolérance, autant que puisse se faire.

Les (ré)écritures sonores, entre traces et imaginaire, participent à l’émergence d’un récit collectif, à portée d’oreille, à chaque fois renouvelé, selon les espaces investis.

Ces mille et une narrations tissent une histoire à la fois teintée d’universalité, celle de l’écoute, et nourrie de ses propres singularités, celles des scènes et espaces acoustiques situés.

Ce qui embellit le désert c’est qu’il cache un puits quelque part, écrit Antoine de Saint-Exupéry, et je pense qu’il en est de même pour les territoires sonores, malgré les silences pesants, le bruit des bombes, du déluge des eaux furieuses et des montagnes qui s’éboulent.

J’ai conscience ici de répéter, de réécrire, de broder, peut-être de rêver, ces situations et ces aspirations. C’est sans doute pour m’assurer, me rassurer, de leur pertinence, de leur potentialité à bricoler des mises en situations participatives. Pour cela, je tente, envers et contre tout, de les faire vivre, de les mettre en action contextuellement sur le terrain.

J’espère que, via ces gestes, ces propositions simples, sobres, et que je souhaite surprenantes, la recherche d’une belle écoute, participant à un monde entendu de façon plus soutenable, sèmera ici et là quelques grains de bons sons.

Et si souvent je doute, j’entends résonner en moi cet adage « cent fois sur le métier remettre son ouvrage » (son écoute), comme une invitation récurrente à prêter l’oreille à la complexité du monde, de ses co-habitants, en arpenteur écoutant que je suis.

Une quête de « bien-sonnances » qu’il me faut toujours découvrir, partager et enrichir.

Et avec ta ville, comment tu t’entends ? (suite)

Et avec ta ville, comment tu t’entends ?

Desartsonnants propose un atelier autour de l’écoute du paysage sonore sur trois journées consécutives le 2, 3 et 4 janvier 2025 pendant les vacances scolaires. A destination des enfants et de leurs parents. 

Il s’agit de partir à l’écoute de son quartier, toutes oreilles grandes ouvertes.

Nous allons écouter les sons de la ville, des rues, des parcs et de tout ce qui s’entend, hommes, voitures, oiseaux, commerces…

Nous arpentons les ambiances sonores, y enregistrons ce qui sonne bien, ce qui nous agace, les sons spécifiques du quartier, ceux qui nous font reconnaitre les lieux.

Des sons enregistrés, de nos commentaires, nous en faisons une création sonore, via des logiciels audionumériques, pour redonner à entendre autrement, entre réalité et imaginaire, une ou plusieurs petites histoires du quartier à portée d’oreille.

L’atelier sonore

Premier jour : Discussion autour de la notion de paysage sonore, jeux et situations d’écoute… Marche arpentage du quartier, Choix de points d’écoute, Enregistrements audios, Première réécoute des sons

Deuxième jour : Écoute de quelques podcasts réalisés avec des enfants, des écrivains, des prisonniers… Que veut-on raconter avec les sons ? Tri, dérushage, quels sons garde t-on ? Montage mixage collectif d’une ou de plusieurs scènes sonores.

Troisième jour : Finalisation du montage Préparation d’une installation d’écoute Diffusion publique et discussion

L’art (sonore) socialement engagé

Parcours d’écoute entre chiens et loups. @Festival Back To The Trees 2023 – Bois d’Ambre à Saint-Vit (25)

En parcourant le site A.I.M.E( Association d’Individus Socialement Engagés), j’ai écouté un podcast dIsabelle Ginot, enseignante-chercheuse, codirectrice du département danse à l’université Paris VIII et praticienne Feldenkrais, traitant de l’art socialement engagé.
Sa présentation s’appuie sur un texte de Pablo Helguera, tiré d’un livre « Motifs incertains », publié par les Presses du réel.  Cet ouvrage fait un point sur les formes d’enseignements des pratiques artistiques socialement engagées, issu de cinq programmes d’étude internationaux faisant référence en la matière.
La présentation a fortement résonné avec les questions que je (me) pose de façon récurrente, en allant arpenter des territoires sonores, collectivement, et en tentant d’ouvrir des champs où l’artistique et la pédagogie sont fortement ancrés dans une pratique sociale transdisciplinaire.
Il m’a semblé bon de tenter de noter les axes forts qu’explique clairement Isabelle Ginot dans son exposé, pour à la fois essayer de me les réapproprier dans mes expériences d’écouteur public, mais également de les mettre au service de projets de territoire avec une visée sociale assumée.

Je note donc ici les axes, qui me semblent des points forts, des moteurs essentiels pour que l’art et la pédagogie travaillent de concert à changer la société pour la rendre, je cite Ginot, plus désirable.

L’art socialement engagé ne se contente pas de parler de, de raconter, de réfléchir à un sujet social. Il doit vivre et faire vivre, expérimenter, des expériences de terrain (danse, arts sonores, arts plastiques…) avec différents publics, dans des établissements (santé, carcéral), ou hors les murs.

On doit, en tant qu’intervenant, assumer sa position d’artiste engagé, ne pas ni quitter ni renier ce « statut », faire en sorte que l’art et ses savoir-faire questionnent des sujets non artistiques (écologie, féminisme, vivre ensemble, sécurité, handicap, exclusion…).

L’art doit être utile, servir à quelque chose, chercher à changer, à améliorer le monde, en proposant des situations plus désirables. L’utilitarisme fait partie intégrante du projet.

Il y a forcément une interaction sociale, non seulement parce qu’elle peut servir le projet, mais parce qu’elle est l’âme de celui-ci. Il faut faire de la relation, de l’inter-relation, des éléments clés de l’action.

Il est nécessaire de penser à une trans-pédagogie, comme quelque chose qui traverse nos gestes d’artistes transmetteurs. La pédagogie et l’art ne doivent pas être dissociés, on est à la fois artiste ET pédagogue. Dans cette approche sociale, il n’y a pas de pratique sans pédagogie. L’opposition art/pédagogie est une impasse, un débat voué à l’échec. La pédagogie est une action para-artistique.

Il nous faut chercher une forme de déqualification, ne pas cultiver l’hyper-spécialisation (compositeur, sculpteur, danseur…) en se formant à d’autres pratiques que celle de NOTRE art. On peut ainsi s’intéresser à des travaux d’enquête, de collectage, de cartographie, de poétique sensible via différents média…) Il est bon de mobiliser des savoirs issus de la géographie, de la sociologie, des sciences de la terre, ou d’autre formes, pouvant alimenter nos recherches-actions…

Les arts socialement engagés ne sont pas contraints à se limiter dans des établissements spécialisées (soin, justice, handicap…) ni vers des publics « empêchés », mais peuvent investir l’espace public ou d’autres tiers-lieux ou tiers espaces, quels qu’ils soient…

Si ces énoncés peuvent paraître pour beaucoup des évidences, j’ai ressenti le besoin de les (re)poser , parfois reformuler par écrit, sans doute en les revisitant à ma façon, sans j’espère en trahir ou déformer le sens, pour me nourrir de ces propositions, tant elles font fortement écho à mes aspirations audio-écosophiques.

Partage de points d’ouïe

Partager des points d’ouïe est un geste facile et ludique.

Vous choisissez un lieu, un banc public, une fenêtre, une terrasse de café… à un un moment donné, le matin, en soirée, de nuit.

Vous écoutez en restant immobile.

Vous commentez et enregistrez en direct, quelques minutes, librement, ce que vous entendez et vos commentaires.

Vous envoyez tout cela en format audio à desartsonnants@gmail.com

Merci par avance et bonnes écoutes !

Illustration @Troubs

Territoires d’écoute et tiers-espaces à portée d’oreille

PAS – Parcours Audio Sensible à Kaliningrad (Ru) Festival Sound Around – Institut Français de Saint-Pétersbourg 2019

J’emprunte ici la notion de Tiers-espaces à Hugues Bazin, chercheur en sciences sociales et fondateur en autres du LISRA (Laboratoire d’Innovation Sociale par la Recherche-action).

Je cite Hugues Bazin « La notion de « tiers-espace » rejoint le principe de laboratoire social sur la nécessité de penser autrement l’espace de l’expérience individuelle et politique et produire (par l’expérimentation) de nouvelles connaissances. C’est un espace qui « pousse du milieu » dans ces différentes dimensions (géographique, écologique, expérientielle, psychosociologique, politique…) mais qui reste dans l’angle mort de la connaissance. »

La notion de Tiers espaces fait également explicitement référence aux « Tiers Paysages » du paysagiste jardinier Gilles Clément. Ce concept désigne l’ensemble des espaces négligés ou inexploités par l’homme, en désemprise, qui sont néanmoins garants de la préservation d’une riche biodiversité maillant le territoire dans une forme de continuité territoriale.

Ces lieux autres, sont en règle générale des lieux physiques, dédiés ou non, parfois éphémères, parfois nomades, si ce n’est informels (espaces numériques dématérialisés).

Ray Oldenberg, anthropologue américain qui a beaucoup travaillé sur la notion de « Third Space, » à traduire littéralement par Tiers-lieu, part de l’hypothèse que, pour créer des espaces de liberté, de création, d’échange, on peut s’installer partout, dans un bar, une médiathèque, sur une place publique, un banc… J’aime beaucoup cette idée d’espaces nomades, qui peuvent naître de la simple envie de se réunir, de se rencontrer, autour d’une discussion, de gestes collectifs, d’expérimentations spontanées, hybrides, souvent surprenantes dans leur apparente simplicité…

Le principe de la résidence artistique, est un espace-temps pouvant faire tiers-espace. L’accueil dans un lieu pour s’immerger, créer ou peaufiner des projets en chantier, les frotter à l’épreuve du terrain, au regard et à l’écoute de l’autre, les partager dans des expériences collectives, participatives, est en soit une forme de tiers-espace. On s’installe là où il nous est possible d’être aidé, accompagné pour mettre l’écoute en œuvre, l’installer momentanément au fil des voyages, dans des villes, villages, des forêts, des espaces aquatiques, des montagnes…

Bien sûr, créer des espaces d’écoute est fortement dépendant, via de multiples interactions, du territoire, de l’in situ, des ambiances locales, du contexte socio-culturel, politique, climatique, mais aussi des approches plurisensorielles où la vue, le toucher, le goût, participent à indiscipliner les propositions. Et ce jusqu’à faire émerger, percevoir, entendre l’inaudible. L’inaudible n’est pas que silence, absence acoustique de sons et de bruits, c’est aussi la parole tue, étouffée, inexprimée, non formalisée ni formulée, la parole légitime, citoyenne, de tout un chacun et chacune. Il s’agit de faire remonter la parole des minorités agissantes, pour reprendre une expression d’Hugues Bazin, de légitimer des pensées et gestes hors des sphères artistiques et culturelles dédiées. On peut donc s’installet ou déambuler dans la rue, un bar, un marché, une forêt…

Se regrouper autour de la notion de paysages sonores pluriels, en solitaire, en duo, en groupe, c’est tendre des paires d’oreilles qui nous aideront à repenser des espaces acoustiques, comme des lieux où l’écoute est mise en commun, voire fait commun. Lieux où l’on puisse mieux entendre et mieux s’entendre, dans un esprit apaisé, autant que faire se peut.

Qu’entendons-nous ?

Comment le décrire, le mettre en mots, l’écrire, le dessiner ?

Comment l’expérimenter, l’arpenter, mettre nos corps en mouvement ?

Comment croiser , hybrider des expériences, des ressentis, des pratiques ?

Comment faire trace, mettre en mémoire, partager ?

Comment exprimer ses ressentis, ses bien ou mal-être, ses joies et ses souffrances ?

Comment faire remonter les propos de celles et ceux que l’on entend pas ?

Comment imaginer un autre monde, si possible meilleur, éthique, à portée d’oreille ?

Comment ces gestes et questionnements s’insèrent dans une réflexion et une action globale, touchant des formes de démocraties actives, participatives, des pédagogies émancipatrices, des propositions autour de l’aménagement (raisonné) du territoire, des formes de sobriété, d’apaisement, de ralentissement, de ce que je nomme une écosophie écoutante… ?


Et concrètement ?

La marche, l’arpentage, restent pour moi des moments, forts situés dans des environnements donnés, privilégiés pour faire l’expérience de territoires auriculaires aussi complexes que fragiles.

Les parcours en duo d’écoute par exemple, où j’invite quelqu’un à me guider dans une ville, un quartier, un village, et à causer librement de ce qu’on y entend, voit, sent, des ses humeurs du moment, des histoires locales et des imaginaires… Le tout étant enregistré de façon brute, sans aucune coupure ni retouche. Une façon de collecter des récits en marche, de mailler un territoire par une petite collection de traversées sensibles, de les remettre en écoute. https://desartsonnantsbis.com/pas-parcours-audio-sensibles-en-duo/

Les PAS – Parcours Audio Sensibles collectifs, sont une autre forme d’écoute, où le silence, la lenteur, les traversées d’espaces insolites, inhabituels, les points d’ouïe (arrêts sur son) mettent les marcheurs auditeurs en situation d’écoute active, consciente et partagée. https://ifdigital.institutfrancais.com/fr/creation/les-choses-etant-ce-quest-le-son

L’inauguration (officielle) de points d’ouïe, sous forme d’une manifestation festive, un rituel tendant à rechercher les lieux de belles écoutes, d’aménité paysagères, en contre-pied avec les visions négatives de la pollution et des nuisances sonores. Une façon positive de mettre en valeur des espaces acoustiquement riches, reposants, agréables à entendre, et au final de les protéger, voire de s’en inspirer dans des projets d’urbanisme. Une rencontre avec des habitants et élus pour faire entendre ce qui sonne bien, où on s’entend bien. https://ifdigital.institutfrancais.com/fr/creation/inaugurations-de-points-douie?preview=1

La création sonore et/ou multimédia convoque l’imaginaire, le fictionnel, les paysages revisités au fil des collectages et récits, comme des interprétations, des formes d’écritures territoriales nourries des différentes expériences d’écoute.

Les gestes d’écoutes croisées sont riches, avec des illustrateurs, photographes, vidéastes, danseurs, urbanistes dans le cadre de plan paysage, de lecture de paysage, sociologues, anthropologues, philosophes, acousticiens, poètes et écrivains… Ces approches hybrides peuvent s’inscrire dans le cadre de recherche-action, recherche-création, dans une visée résolument transdisciplinaire qui, dans le meilleur des cas, va faire participer tant les chercheurs, artistes, pédagogues, élus, techniciens, que les habitants. https://ifdigital.institutfrancais.com/fr/creation/paysages-phono-photographiques

http://recherche-action.fr/hugues-bazin/download/espaces%20et%20territoires/2012_Tiers-espaces.pdf

A oreilles nues !

A oreilles nues ! Les choses étant ce qu’est le son i

Un PAS – Parcours Audio Sensible, façon Desartsonnant(e)s, se fait en à portée d’oreilles, sans autre extension appareillante, prothésante, protubérante…

C’est le choix d’une forme minimaliste, performative, auscultant un monde auriculaire complexe, grouillant de sons, acoustiquement fascinant.

L’imaginaire, le détournement, le décalage, la création sonore, l’installation éphémère, ne seront pas pour autant négligés, et pourront nous donner à entendre des paysages sonores (re)composés, comme il se doit dans une perspective paysagère.

C’est une façon de se connecter, ou de rester connecté aux écosystèmes sans artifices, sobrement, sans dépense énergétique, si ce n’est celle de notre corps et de notre attention, ce qui est déjà beaucoup.

C’est une façon de créer des paysages sonores sans sons rajoutés, ou de façon très minimale, en accord avec l’acoustique des lieux, prônant un équilibre non invasif, la non agression de ses milieux, du vivant…

C’est une immersion convoquant des postures d’écoute physiques, psycho-sensorielles, invitant l’arpenteur écoutant à s’adapter aux sons et aux ambiances paysagères, à y réagir, y improviser des gestes individuels et/ou collectifs non intrusifs.

C’est une façon d’expérimenter la lenteur et les silences habités, de rechercher des aménités apaisantes.

C’est une approche éc(h)osophique, éthique, une forme de récit permettant de (re)lire des espaces acoustiques fragiles, d’y prêter attention, de les faire délicatement sonner, résonner, de s’y retrouver, d’en prendre soin.

Point d’ouïe, narration sous forme de tentative d’épuisement

Assis sur un banc de pierre, tout près de chez moi.

Une petite ville provinciale.

Quartier came, tous les commerces sont fermés à cette heure.

21 heure milieu octobre

Nuit tombée.

Température douce .

Un ruisseau se fait entendre

encastré dans une faille minérale assez profonde

il se tait en traversant la place en sous-terrain

et resurgit à l’air libre quelques mètres plus loin

Il gronde depuis quelques mois sous l’effet des pluies répétitives et abondantes

de jeunes cyclistes passent en trombe

ils devisent joyeusement

un voisin claque ses volets métalliques

des voix de passantes traversent le parc tout proche

quelques voitures ronronnent

elles freinent à l’approche d’un ralentisseur marquant une zone 30

parfois claquent violemment les bas de calandre sur la chaussée

un chien au loin, solitaire

un autre, plus proche, en écho

des chouettes dans un bois voisin

un autre volet se ferme, de bois celui-ci

un tracteur agricole dont la remorque vide ferraille à tout va, déboule sans prévenir

un instant de calme, presque de silence

si ce n’est le ruisseau, intarissable

une cloche égraine joliment une sonnerie horaire

des camions ralentissent pour contourner un petit rond-point

un train klaxonne au sortir d’un tunnel

un écho collinaire s’en suit

à nouveau un oasis de calme

les vélos reviennent, crissements de pneus, chocs lors du retour au sol de leurs roues avant, après de virtuoses acrobaties sur une roue

à nouveau des voix, une famille se promène avec de jeunes enfants

la chouette réitère, à intervalles réguliers, ses hululements noctambules

il y en a sans doute plusieurs

des corneilles craillent rauque, j’aime beaucoup ce verbe enroué

un autre train ferraille, et toujours des échos

et encore le ruisseau, comme un fil bleu constant, égouttant le paysage

la température fraichit

les sons se raréfient

l’espace s’engloutit dans une tranquillité nostalgique

je ferme les écoutilles

et rentre chez moi.

Texte inspiré de « Tentative d’épuisement d’un lieu parisien » Georges Pérec

Les assises du point d’ouïe, banc d’écoute

@Zoé Tabourdiot City Sonic Transcultures

Choisir un banc
Selon son emplacement,
Ce qu’on y entend,
Ce qu’on y voit,
À ’instinct
S’y installer
Ne rien faire
Laisser venir
S’immerger
Prêter attention aux sons
Ne pas chercher à trop les comprendre
Mettre l’écoute en avant
Sans la couper de la vue
Ni des autres sens
Jouir de l’instant présent
Considérer le moment comme une partition déroulée
Verticale
Horizontale
En mouvement
Multi-timbrale
Toute en nuances
Imaginer des signes transcripteurs
Imaginer des signe sonifiants
Noter les si besoin est
Des proposition à interprétations
Des pistes d’improvisations
Ne pas exclure d’être surpris
D’être étonné
D’être bousculé
D’être malmené
Expérimenter différentes séquences
A différents moments
Laisser jouer le Hasard
Prendre conscience des plans
Tout près
A mi-chemin
Lointain
Saisir les mouvements
A droite
A gauche
Ascendants
Descendants
Imaginer être happé par ces mouvements
Flotter au fil des sons
Des vents
Des échos
Considérer ces gestes comme des propositions
Non obligatoires
Pouvant être convoquées à discrétion
Juxtaposées
Superposées
Participer à un mixte capricieux.
Mettre l’écoute en arrière-plan
Ne plus avoir conscience du geste
Recommencer plus loin
Sur un autre banc
A d’autres moments
Diurnes
Nocturnes
Entre chiens et loups
Laisser la mémoire des écoutes s’installer
Les strates sensibles s’entremêler
Des séquences remonter à la surface
Constituer un herbier d’ambiances
Une cartographie sonore indécise
Flottante
Une partition à jouer et rejouer
Un paysage fantasque
Où tout peut se dissoudre
Où tout peut se (re)coller
Y puiser si besoin matières à composer
Se demander l’endroit, le moment, où on se sent bien
Ou pas
Celui ou ceux qui nous laissent de marbre
Faire de ces expériences des jeux de rôle
Les proposer à autrui
Les partager in situ
Construire, inventer ou adapter des règles communes
Ou individuelles
Échanger
Remettre en jeu
Collectivement
Ou non
Se laisser une marge d’incertitude
Mais avant tout
Prendre du plaisir
Inviter des oreilles
les nôtres et d’autres encore
complices et joueuses.

PAS – Parcours Audio Sensible – Explorer la nuit

Marcher en silence
A nuit tombée
Arpenter les rives d’un fleuve
Puis celles d’une rivière
Vers sa confluence inéluctable
Écouter
Les rumeurs de la ville
Exacerbées d’obscurité
Le nappage au noir
Éclaboussé de lumières
Et les sons s’y faufilent
S’y installent
Et s’entendent à merveille
Traversée noctambule
Une nuit transfigurée
D’auricularité en zones d’ombres
Contrastes en clair-obscurs
Des fêtes rythment nos arpentages
Sauvages ou bien sages
La nuit à portée d’oreille
Nous invitent à marcher
Dans la fraîcheur acoustique
D’une cité bavarde
Même au cœur des ténèbres
Qui savent aussi êtres bienveillantes.
Invitation à une exploration bruissonnante
Tout en nuances et contrastes
L’oreille se réjouit
Des traversées nocturnes
Où la ville murmure
Où la ville s’entend
Dans les furtivités canailles
D’une nuit bien sonnante.

Paysages auriculaires, vers une écosophie écoutable

Aujourd’hui, on parle aisément de paysages remarquables, voire fascinants, de sites spectaculaires, protégés, labellisés UNESCO, de classements, d’inventaires photographiques… Quid du paysage sonore ?

Pour avoir tendu mes oreilles et arpenté des médinas, de grandes cathédrales, des cirques montagneux surplombant une vallée, des cours intérieures urbaines, des cloitres, de grands ports maritimes, des forêts, des ruelles, suivi des torrents et des fleuves… les ambiances sonores se déploient comme des livres ouverts à nos oreilles. Des scènes auriculaires qui proposent une multitude d’ambiances et de récits entendables, pour qui sait en débusquer les richesses, en apprécier la diversité souvent dépaysante, par un simple décalage sensoriel, un simple « prêter attention », par le fait de tendre l’oreille. Accepter d’être surpris, voire bouleversé par la construction sensible d’un paysage sonore singulier, à la fois collectif et intimement personnel, au rythme de ses pas, des silences et d’une lenteur assumée, c’est entrer dans le monde de l’écoute de façon respectueuse. Une posture qui nous immerge sensoriellement sans modifier radicalement les caractéristiques paysagères, ni asservir les milieux traversés à nos envies d’une main-mise autoritaire, tendant à un tourisme vendeur et profitable. Gageons ici que les paysages auriculaires seront préservés de la surenchère touristique maltraitante envers des paysages visuels et leurs habitants, par le simple fait de leur immatérialité et d’une certaine instabilité les rendant plus difficiles à cerner et donc à appréhender. Sans compter la prédominance « naturelle » du visuel dans nos cultures européennes.

L’aménagement global du territoire, la métropolisation galopante, le développement des moyens de transport, l’extraction massive de ressources naturelles, sont autant de facteurs, parmi d’autres, qui menacent l’équilibre de nos paysages auriculaires. Il convient donc d’en repérer les richesses, d’en préserver certains, un maximum, des intrusions assourdissantes, de ménager des espaces calmes, où il fait bon entendre, et s’entendre. Au-delà du plaisir esthétique, affectif, une vision, ou plutôt une audition écologique, voire écosophique, dans ses approches éthiques, est nécessaire pour échapper au grand fracas tonitruant. Nous en revenons donc à la nécessité de prendre en compte les paysages auriculaires, en même temps que ceux visuels, en les frottant les uns aux autres comme des ambiances étroitement entrelacées. Je ne parlerais pas ici, par inexpérience, des paysages olfactifs, gustatifs, haptiques, et de tout ce qui contribue à faire sens, dans toute la polysémie du terme, dans nos cheminements et cohabitations au quotidien. Nos corps interagissants doivent être regardants, touchants, mais aussi écoutants, avec un travail à effectuer pour prendre conscience des richesses, mais aussi des fragilités, voire périls, de nos milieux de vie. Prendre conscience également du potentiel dont nous disposons physiquement et mentalement, pour ressentir plus profondément tous les stimuli qui nous font « être au monde », dans tous les sens du terme. Le paysage auriculaire nous montre souvent les paupérisations, parmi d’autres indices révélateurs et inquiétants de notre précarité environnementale. Les paysages à portée d’oreille font patrimoine, richesses, mais aussi contribuent à maintenir des cadres de vie soutenables. Les arpenter en les écoutant, corps et oreilles engagées, les repérer comme espaces de vie sociale partageables, si ce n’est confortables, sont des engagements à mon avis nécessaires autant qu’urgents.

Les projets culturels de territoire, l’éducation populaire, culturelle et artistique, l’enseignement dans son intégralité, le travail croisé entre artistes, institutions, collectivités territoriales, chercheurs et spécialistes de l’acoustique environnementale, de la bio et écoacoustique, du tourisme, du développement économique, des aménageurs architectes, urbanistes, paysagistes… sont des leviers certes compliqués à mettre en place, mais opérationnels dans leurs collaborations à moyen et long terme. A bon entendeur, salut, ou tout au moins des perspectives de préserver des milieux de vie qui ne soient pas que bruit et fureur.

Interrelations, un corps en mouvement, une écoute incarnée

Comment un corps en mouvement interagit-il avec l’écoute, en modifiant les postures, les perceptions de l’espace, de l’environnement, des ambiances, des présences… ?

Réciproquement, comment l’écoute influence-t-elle le corps en mouvement, ses gestes, ses réactions, ses allures, ses rythmes, sa sensibilité, ses capacités à se frotter au monde… ?

Seul ou à plusieurs, la construction, au prisme d’une écoute en mouvement, de nouveaux espaces sensibles, esthétiques, sociétaux, à l’aune d’expériences indisciplinées, soulève une problématique que j’ai mise en chantier et expérimentée depuis déjà longtemps. Elle demeure, plus que jamais, questionnée et retravaillée aujourd’hui. La problématisation, la ou les formulations, permettant de faire émerger une recherche fructueuse, me semblent être qu’au tout début d’un processus évolutif, en perpétuel chantier.

Au travers certaines thématiques de terrain, la présence acoustique de l’eau dans le territoire, les situations d’enfermement via une approche croisée jouant sur les trajectoires dedans/dehors, une approche écosophique de l’écoute, de ses approches pédagogiques  via l’éducation populaire, une, voire des formes de recherche-actions semblent se concrétiser au fil des marches écoutantes.
Et puis, il nous faut faire écho(s), et en jouer pour construire de nouvelles relations avec des tiers-espaces auriculaires.

Processus et rituels

PAS – Parcours Audio Sensible

Parcours en duo d’écoute

Inaugurations de points d’ouïe

Bancs d’écoute

Concerts improvisations de paysages

Partitions de PAS – Parcours Audio Sensibles

Formes mixtes

Formes contextuelles, à inventer…

Collaborations, indisciplinarité

Art, projets et action culturelle

Éducation, pédagogie, transmission

Santé

Écologie, écosophie

Recherche interdisciplinaire

Acoustique

Audionaturalisme, écoacoustique, bioacoustique

Justice

Mobilités

Tourisme

Aménagement du territoire…

Formes, traces et écritures plurielles

Création sonore (concerts, installations, radiophonie, muséographie…)

Textes, récits, publications de recherche

Images et vidéo

Formes performatives in situ

Actions collectives et participatives

Formes hybrides, mixtes, multimédia



A suivre.

Paysage(s) à portée d’oreille(s), les choses étant ce qu’est le son !

Desartsonnants est un artiste marcheur, paysagiste sonore, arpenteur écoutant.
Il travaille autour du paysage sonore, notamment via des parcours d’écoute (PAS-Parcours Audio Sensibles), des installations mobiles et concerts environnementaux…
Le projet PIC (Paysages Improvisations Concerts), les inaugurations (officielles) de points d’ouïe, les parcours sonores, font partie de sa démarche, entre esthétique, sociabilité auriculaire et écologie/écosophie.

Tout cela pour tenter de répondre à une simple question : Et avec ta ville, ton village, ta forêt, ta rivière… comment tu t’entends ?

PIC Concert de paysages (working progress)

Inaugurations de Points d’ouïe

Desartsonnants Portfolio

Desartsonnants projet artistique et culturel


Porteurs, porteuses et chercheurs, chercheuses de projets de territoires originaux, voire inouïs, si l’oreille vous en dit !

PAS – Parcours Audio Sensible en duo #18

Le 18e PAS-Parcours Audio Sensible Desartsonnants en duo d’écoute a arpenté une nouvelle fois le territoire lyonnais.

Pérégrination causante entre Saxe-Gambetta, Guillotière, Quai du Rhône, Perrache. Deux heures de promenade écoute causerie avec Pat Ri Cia, enregistrées à la volée et garanties non traitées. Retransmission sans retouches aucunes, comme il se doit pour ce genre d’exercice !

Des ambiances, sonores, visuelles, odorantes, lumineuses…

De l’écoute en marche, des ambiances, une tranche de ville, des paroles, de la matière sonore, et sans doute d’autres choses à suivre…

Pour entendre tous les PAS en duo

Comment écoutons-nous ? Le cas du paysage sonore

Ces derniers mois, le projet « Bassins versants l’oreille fluante » m’a fait longer et d’écouter moult cours d’eau, petits et grands, bouillonnants ou étales. Je les ai auscultés de près et de loin, en mouvement ou en mode point d’ouïe, statique. Je les ai enregistrés, annotés, renseignés, mis en mémoire… J’en ai tripatouillé les matières sonores liquides et les ai recomposées, rediffusées et installées ici et là, à ma façon, l’imaginaire compris.

Et au final, ce qui m’intéresse tout particulièrement aujourd’hui, c’est la façon , y compris et surtout physique, dont je les écoute, les entend, les donne à entendre… Entre finalités écoutantes et gestes situés, un chantier d’observation atour d’auricularités partagées se dessine, ou se poursuit, se creuse. Pour amorcer l’action et la réflexion, je parts de mes propres expériences, mais aussi des échanges et observations de groupes d’écoutants et écoutantes, confrontés aux terrains et sites acoustiques investigués.

Comment suis-je arrivé à l’eau, physiquement ? Quels trajets et lieux j’ai choisis ? Seul ou en groupe ? Où me suis-je arrêté, posé ? Les postures d’écoute, assis, allongés, yeux fermés, en marche… ? les temporalités, allures, rythmes et durées ? Qu’en ai-je enregistré, retenu, souligné ? Quelles sources (sonores) m’ont frappées, attentionnées ? La place de l’arpentage in situ ? Quelles ambiances j’ai appréciées, ignorées, ou détestées ? Des écoutes appareillées, à oreilles nues, mixtes ? Quels « silences » ont surgis ? Quels affects, ressentis, émotions ? Pourquoi et comment (vastes questions ) ? Des situations immersives, ou distanciées ? Quelles intentions, envies et projets à venir ? Des approches de terrain en mode recherche-action/création, de l’indiscipline ? Des traces, productions, médiations ? Des outils contextualisés à développer, des médias à mettre en place ? Des réseaux à activer, développer ? Des approches et visées pédagogiques, des supports, des outils d’apprentissages émancipateurs, de la recherche via l’éducation populaire ?

En fait, je tenter de décortiquer et d’appréhender de façon pragmatique, au moins autant, si ce n’est plus, le geste d’écoute, la posture de l’écoutant et de l’écoutante, que la chose écoutée (ici les territoires liquides, les voies et voix d’eaux), sans pour cela en ignorer leurs qualités esthétiques, environnementales, sociétales…

Le chantier est plus vaste et complexe qu’il n’y parait de prime abord, mais c’est ce qui rend ses enjeux et perspectives passionnantes, autant qu’ incertaines…

Points d’ouïe – Tiers-espaces écoutants

Créer des tiers-espaces écoutants, une amorce d’un projet de recherche-action. Je cherche des voix complices. En présence, à distance… On marche, on parle, on écoute… On s’assoit, ici et là, on écoute encore, on échange… L’enregistreur garde trace de nos propos. Des tiers-espaces auriculaires apparaissent ainsi, peu à peu. Une, deux, trois, cinq personnes, plus, lui donneront vie en installant l’écoute, le silence, le dialogue, dans différents espaces-temps habités. La matière sonore récoltée pourra être réutilisée, terreaux de mondes sonores en devenir, de tiers-espace résonnants….

On en parle…

PIC sonore – Paysage Improvisation Concert

PIC – Paysage Improvisation Concert – Juin 2019 – Cathédrale de Kalininberg (Ru) Institut Français de Saint – Pétersbourg

Je ré-ouvre un chantier d’écoute-action, le PIC – Paysage Improvisation Concert, expérimenté en 2019, à Kaliningrad, en Russie, à la demande du festival « Around the Sound », invité par l’Institut Français de Saint-Pétersbourg. J’ai pu retesté cette formule sous une une forme collective, ce printemps avec OTO, l’Ouvroir des Territoires de l’Ouïe à Montbron, entre Charente et Aquitaine.

Première phase, arpentage à oreille nue du terrain, de la ville, de des périphéries, d’espaces « naturels »…

Deuxième phase, prises de son, field recording (enregistrements de terrain), première approche du paysage sonore local.

Troisième phase, Marche écoutante collective, PAS – Parcours Audio Sensible autour des site visités et enregistrés.

Quatrième phase, improvisation publique, (dé)concertante, performative, électroacoustique, à partir des les sons et ambiances captés sur le terrain. Ceci à l’aide de différents logiciels libres, détournés de leurs fonctions initiales, c’est comme cela que je les adore, assemblés comme une boite à outils modulable, pour fabriquer du paysage sonore sans filets.

Cinquième phase, trace/mémoire audio, cartographique et géolocalisées sur internet.

Projet contextuel dont la trame est susceptible d’être adaptée en fonction des lieux et cadres d’accueil.

PS : Une fiche projet est en cours de rédaction

Points d’ouïe et vertigineuses sound-studies

La recherche documentaire, la médiation autour de pratiques culturelles, artistiques, scientifiques, celle du monde sonore par exemple, la veille informatique… sont des champs d’exploration passionnants, éminemment chronophages et quasi obsessionnels.

On y met un doigt, et la vertigineuse aventure de recherche nous happe corps et bien. On y tisse des relations inouïes, entre musique, son, environnement, architecture, psychologie, sciences sociales, cognition, technologie, langage, philosophie, géopolitique, communication, physiologie, perception, écologie, média, éducation, paysage, géographie… Le temps des encyclopédistes révolu, l’exhaustivité n’étant pas de ce monde Oh combien frénétique, les connaissances se dérobent au fil des découvertes, ce qui rend la frustration presque réjouissante, autant que vertigineuse.

On plonge dans le monde des sound studies où la chose sonore, son écoute, ses ses pratiques, approches indisciplinées, connectent des champs de recherche-action trop souvent cloisonnés. Un quête insatiable qui nous donne sans doute à écouter autre chose, entre les lignes, et au final autrement.

Points d’ouïe, révéler, faire sonner !

PAS- Parcours Audio Sensible à la Romieu (Fr) – Co-curation des Rencontre Internationales Made of Walking 2017

Dans mon projet d’écoutant, j’ai des envies récurrentes. Parmi celle-ci, figure le fait de révéler les singularités des des ambiances et espaces acoustiques, qu’ils soient urbains ou « naturels », de jouer avec, de les faire sonner, de les partager… Tout ceci en les respectant, sans les bruitaliser, avec bienveillance, et parfois-même en silence.

Parcours Conf’errances, récits, échanges, lectures, mini-installations situées, éphémères, discrètes, jeux instrumentaux, improvisations in situ, inaugurations de points d’ouïe, écritures et croisements indisciplinés…


Si ce projet vous inspire, voyons comment le faire vivre ensemble !

Sons de la rue, sons à la rue

« Paroles de mur » Deuxième groupe d’intervention – 2002

Trans-Express, Oposito, Décor sonore, Kumulus, Komplex Kapharnaum, le Théâtre de l’Unité, Délice Dada, Mécaniques vivantes, Les Cubiténistes, Ici-même, Agence Tartare, L’éléphant Vert, Stéphane Marin, Kristoff K’roll, Michel Moglia, Pierre Sauvageot,  les Grooms, Deuxième Groupe d’intervention, Metalovoice, Marie-Do Fréval


Sans doute, les habitués du macadam auront reconnu dans cette liste un brin inventaire à la Prévert, des artistes et troupes de ce que l’on nommait autrefois théâtre de rue, aujourd’hui arts de la rue et régulièrement arts en espace public.
Mais qu’ont donc en commun ces artistes, compagnies, aux styles très différents ?
Sans doute aurez-vous pensé que la chose sonore n’est pas étrangère à l’affaire, et vous avez parfaitement raison.
Paroles, musiques, créations sonores, mises en écoute, façons de faire sonner l’espace, de donner à entendre des histoires drôles, noires, intimes ou spectaculaires, les arts de la rue ont su trouver des formes de langages ad hoc, dans des lieux bien sonnants, et souvent bien sonnés.
Entre parades démesurées, interventions bruitistes post rock, fanfares déjantées, harangues foraines ou récits intimes, de proximité, beaucoup de spectacles ont réchauffé mes oreilles, de places en rues, et disons-le m’ont fait aimer plus que jamais le fait de jouer avec les lieux, hors-les murs, à l’air libre.
Il y aurait sans doute encore beaucoup à dire, et à faire, autour de la création sonore en espace public, même si, il y a quelques années déjà, un numéro spécial de Rue de la Folie s’y est penché, ainsi qu’Anne Gonon dans son essai « Tout ouïe ».
Des croisements entre des formes hybrides, déambulantes ou non, à voies nues, amplifiées, spatialisées,  des réflexions sur les façons de discourir, d’écrire par ou avec les sons, sur leur force émotive sans forcément la barrière scénique, l’héritage des sons de la rue, ou à la rue, est encore à creuser.
Lorsque Clément Janequin mettait en musique les cris de Paris, que Molière déplaçait ses tréteaux, et qu’ Oposito débaroule en Transhumance sauvage, à grands sons de tonneaux métalliques  frappés et roulés et de rock fiévreux, l’espace public devient un champ d’écoute et d’expérience sonore sans pareil.
On y installe des écoutes qui se frottent directement aux espaces de la ville, de la banlieue, et même des forêts profondes, et surtout aux territoires où se jouent parfois des sociabilités complexes. Le fait d’aller au contact des habitants, dont beaucoup n’oseront jamais franchir la porte d’un théâtre, est une richesse qu’ont su développer les arts de la rue, même s’il faut toujours lutter contre les tentatives d’instrumentalisation politique, et aujourd’hui les contraintes sécuritaires de plus en plus liberticides.
Porter et partager le son hors-les-murs, quelque soit le discours et les formes, reste une aventure passionnante, même régulièrement en silence en ce qui me concerne.

Histoires de points d’ouïe mis en œuvre

Faire œuvre, ce n’est pas forcément installer une trace tangible, durable, parfois spectaculaire…


C’est aussi marcher, se poser, écouter, raconter, partager des perceptions fugaces, immatérielles, sensibles, fortement ancrées dans la mémoire du geste, du corps, de l’espace, des lieux de rencontres, de partage…

C’est construire des traces où l’imaginaire s’invite pour essaimer sobrement des histoires amènes, à la fois situées et vagabondes, intemporelles et actuelles, singulières et universelles, intimes et collectives.


Les écoutes installées, points d’ouïe et paysages auriculaires révélés, nous invitent à partager des gestes simples, éphémères, nomades, quiets, nous reliant tant aux cités mégapoles qu’aux forêts profondes.

Points d’ouïe et rituels festifs

Les points d’ouïes n’existent pas sans l’écoute, qui elle-même ne se fait que s’il y a des écoutants.

Des cérémonies d’écoutes, fêtes unissant le geste dans un forme rituallisée, non religieuse, païenne, à une approche symbolique transcendée.

Une cérémonie, un rite, sont des façons de rassembler des écoutants pour vivre une action singulière, pouvant être festive, collective, située, participative, revendicative.

Des mises en situations ad hoc, poétiques, des postures, scénarisées, improvisées, sont à même de dynamiser des actes artistiques, des actions culturelles, des projets de territoire.

La récurrence, la répétition, les actions itératives, les variations, contribuent à ritualiser les gestes d’écoute.

Quelques ritualisations et cérémonies auriculaires

  • Marcher lentement, en groupe, dans différents lieux, à différents moments du jour ou de la nuit
  • Écouter
  • Marcher en silence
  • Écouter
  • S’immobiliser, en silence, sur des Points d’ouïe
  • Écouter
  • S’assoir longuement sur un ou plusieurs bancs
  • Écouter
  • Inaugurer, officiellement, des Points d’ouïe
  • Écouter
  • Lire des textes de différentes natures, relatifs à l’écoute, à l’histoire des lieux, au paysage sonore, à l’écologie…
  • Écouter
  • Noter tout, ou presque, ce que l’on entend, le dire
  • Écouter
  • S’allonger une nuit, à l’aube, à tombée de nuit, dans une forêt, un parc urbain, une combe montagneuse, une grotte…
  • Écouter
  • Chanter, jouer d’un instrument, dans un espace réverbérant, jouer avec les acoustiques, faire sonner l’espace
  • Écouter
  • Écrire, performer, rejouer avec moult variations, des partitions de marches écoutantes, des micro performances in situ…
  • Écouter
  • Échanger sur les écoutes collectives, les ressentis…
  • Écouter
  • Créer des situations immersives en entourant un groupe de sons, acoustiques ou non, d’objets sonores géophoniques…
  • Écouter
  • Combiner des postures entre marche, immobilité, silence, productions sonores…
  • Écouter…

Desartsonnants, aka Gilles Malatray est une structure culturelle autonome, indépendante, non subventionnée. Pour l’aider, soutenir son travail, plusieurs solutions :

  • Faire un don sur Ulule
  • Faire un don sur PayPal
  • Acheter une (ou plusieurs) créations sonores sur Bandcamp

BALADE SONORE EN PAROLES – SUR LES QUAIS DE VIVE VOIX !

`

Archive sonore retrouvée.

Quais de Saône à Lyon, vers la place Valmy, un dimanche des vacances de Noël 2011, vers 19H.
Il fait nuit.
Des voitures, des hommes, des animaux et… Un promeneur-écoutant qui commente.
Car dire c’est commencer de faire vivre.

Points d’ouïe – Paysages en écoute

Points d’ouïe, approche desartsonnantes

paysage-en-c3a9coute

Un point d’ouïe est un lieu repéré, à partir duquel on écoute une parcelle d’unj paysage situé

Un point d’ouïe présente à l’écoute un site acoustique remarquable, ou tout au moins qualitatif, de par ses sources et/ou ses effets acoustiques

Un point d’ouïe se définit par une méthodologie de repérage dite sensible, en collaboration si possible avec des autochtones

Un point d’ouïe est un espace à partager, libre d’accès à toute heure et à tout moment

Un point d’ouïe peut-être en espace naturel, rural, périurbain, urbain, en site touristique, patrimonial, architectural, industriel…

Un point d’ouïe peut être officialisé, inauguré et rejoindre un inventaire via une cartographie sonore et un site dédié

Un point d’ouïe cartographié s’inscrit dans un maillage cartographique mondial, comme un constituant d’un vaste paysage sonore universel

Un point d’ouïe inauguré permet la rencontre avec les élus locaux autour de la préservation d’espaces acoustiques qualitatifs, et en valorisant des aménités paysagères, architecturales…

Un point d’ouïe peut demander à être activé, excité, pour se révéler complètement

Un point d’ouïe peut être aménagé, ou non (signalétique, consignes, assise, cadre et mobilier d’écoute…)

Un point d’ouïe est à la fois public, partagé, et offre une perception singulière et intime dans son approche sensorielle

Un point d’ouïe est à la fois très localisé, spécifique, unique, et à la fois universel dans le geste d’écoute qu’il propose, comme une grande fenêtre auriculaire, ouverte sur le monde

Un point d’ouïe est une conception esthétique (musique des lieux), artistique, mais tend aussi à valoriser un territoire en promouvant une belle écoute, dans une démarche proche de l’écologie, de l’écosophie sonore

Un point d’ouïe est un élément parmi d’autres, visant à une recherche impliquée autour des paysages et territoires sonores

Un point d’ouïe peut-être un lieu propice à des actions pédagogiques, des sensibilisations autour de l’écoute et des lectures audio-paysagère

Un point d’ouïe peut-être un lieu d’enregistrement sonore, ou un espace central autour duquel pourra se construire une carte postale sonore in situ; ou tout autre création sonore, radiophonique…

Un point d’ouïe peut s’inscrire dans un parcours d’écoute, ou un parcours sensible plus large, le ponctuer, l’animer…

Un point d’ouïe peut être le théâtre d’actions sonores et/ou musicales, performatives, improvisées, voire indisciplinaires

Un point d’ouïe, initialement abordé à oreille nue, reste ouvert à toute nouvelles technologies, notamment numériques, dans sa médiation et l’écriture sonore de paysages in situ ou out situ

Un point d’ouïe est comme un point de vue, fragile dans le temps si l’on ne prend pas garde de protéger son environnement

Un point d’ouïe peut être d’autres choses encore, auriculaires, selon le lieu et le projet dans lequel il s’inscrit

Inaugurations de sites « Points d’ouïe »

cropped-paysage-en-c3a9coute.jpg

Il existe une reconnaissance une visibilité, un repérage, un inventaire, parfois une labéllisation de sites patrimoniaux, architecturaux, voire naturels (UNESCO). De même, nous trouvons également ici ou là des points de vue repérés, des guides et des cartes, des tables d’orientation, des longue-vues permettant d’appréhender un paysage, un panorama remarquable du regard.
Quid du paysage sonore ?
Pourquoi ne pas repérer, signaler, inventorier un site point d’ouïe comme un espace entendu et reconnu comme tel ?
Pour cela, il convient d’officialiser la démarche, d’inaugurer avec des élus locaux des sites d’écoute, de leurs donner une existence concrète en temps que sites auriculaires. Il nous faut alors couper le ruban symbolique, pour ouvrir le paysage à l’écoute, une action qui, au-delà de son caractère anecdotique, singulière, se pose comme une invitation à prendre notre environnement sonore en compte, dans une approche tout à la fois esthétique, sociale et écologique. L’implication d’élus permet, en amont d’une inauguration symbolique, d’entamer une discussion autour du statut du paysage sonore, de sites à protéger, à valoriser, à penser une sensibilisation vers une écoute aiguisée, qualitative, à rechercher une qualité acoustique des lieux de vie… bref, à une approche où l’écoute est posée comme une posture sensible et écologique.
Au-delà de l’inauguration de points d’ouïe, l’inscription de sites dans une cartographie interactive, via des outils et réseaux internet, prolonge le geste en construisant un maillage d’un vaste territoire sonore mondial, entre la singularité du local et l’universalité de l’écoute partagée.

Lien : Le projet in situ : Drée premier point d’ouïe inauguré

Arte Plan du Polau

Écritures/prolongements

Le projet Points d’ouïe s’inscrit dans une série d’actions autour de la lecture et de l’écriture des paysages et territoires sonores in situ, qu’ils soient urbains, périurbains, ruraux, en sites naturels, touristiques, architecturaux, industriels, patrimoniaux….

L’enregistrement in situ, la création de cartes postales sonores, différents types de PAS – Parcours Audio Sensibles, des actions performatives et plastiques avec des plasticiens, poètes, danseurs, slameurs, des ateliers et conférences, des installations éphémères, des formes d’écriture sonore et textuelles, sont autant de possibles pouvant être convoqués ou agencés selon le contexte les spécificités du terrain,  et des projets.

Paysages sonores, collège Gérard Philippe de Saint-Priest (69)

Après avoir expérimenté dans les murs et hors-le-murs d’un collège saint-priod, des balades écoute, captations, montages, conversations… nous voici, pour clore le projet, en studio de radio.

Cette conversation radiophonique, à Radio Pluriel de Saint-Priest, qui nous a accueilli dans ses studios, fait suite à un projet de création sonore audio paysagère. Plusieurs professeur(e)s s’y sont associés.

Merci à Aurélie Martinaud, enseignante en arts plastiques, d’avoir impulsé ce projet, à l’équipe et aux professeurs du Collège Gérard Philippe, de l’avoir accueilli, aux élèves d’avoir joué le jeu, et à Radio Pluriel de nous avoir donner audience pour présenter notre travail.

Point d’ouïe, paysages auriculaires hybridés

Oyez, oyons !

Penser, construire et rendre (plus) vivable un paysage par et pour les oreilles, passe par une hybridation multiple, décloisonnée, une action indisciplinée.

Acoustique, bioacoustique, éco-acoustique, création sonore et musicale, santé, éducation, aménagement du territoire, politique et droit culturel, philosophie, sociologie, anthropologie, arts vivants, arts plastiques et performatifs, danse, géographie, fabrication de communs, écologie/écosophie, histoire, littérature et poésie, sciences de la nature… il nous faut non seulement convoquer une approche multi-sensorielle, mais plus encore, une recherche-action transdisciplinaire.

Dans un monde complexe, il est plus important que jamais de brasser, frotter, hybrider des connaissances, savoir-faire, passions, engagements, pour entendre par le grand bout de l’oreillette, et agir en (presque) toute connaissance de cause.

Point d’ouïe, marcher, écouter et… vivre ensemble

Un PAS, une marche d’écoute, ne sont pas une fin en soi, sinon ils risquent fort de rester à l’état d’une animation somme toute superficielle, même si l’expérience est agréable à vivre.
Que ces parcours d’écoute s’inscrivent dans un temps court ou au sein d’une résidence d’écriture plus conséquente, ils doivent, pour moi, contribuer à creuser quelques questionnements, selon les lieux et les contextes. Il me faut pour cela, via ces outils et écritures de terrain, alimenter une recherche autour d’une écoute écosophique, comme une bâtisseuse, fondatrice et agitatrice de paysages sonores vivants, partagés.

Parmi les problématiques, citons-en quelques unes sans chercher à les hiérarchiser, ni à les détailler ici :
L’approche esthétique d’un paysage sonore, la recherche du plaisir d’écouter ensemble, du geste sensible pour faire émerger de nouveaux territoires auriculaires, les construire et à les vivre collectivement.


La recherche d’un ralentissement, d’une décélération, d’une économie de moyens en mode mobilité douce.

Le repérage, l’inventaire, la préservation et/ou l’aménagement de zones calmes, apaisées, comme des oasis acoustiques protégés.


La mise en écoute de scènes acoustiques favorisant des postures bienveillantes, avant tout relationnelles et humanistes.


L’approche écologique, voire écosophique, montrant les richesses et les fragilités des écosystèmes.

L’urgence qu’il y a de cohabiter sereinement dans nos espaces communs, urbains ou non, avec tous leurs résidents, quels qu’ils soient.


L’obligation pressante de porter attention à nos milieux de vie, et d’en prendre soin
.

L’importance d’une approche sociétale, avec l’écoute comme une façon de mieux s’entendre, communiquer, construire collectivement…

Le fait entreprendre des réflexions, des aménagements où le sensible et les techniques, technologies, sciences, sont convoqués dans une approche indisciplinaire féconde.

Certes je le redis souvent, et j’aime à le répéter, marcher en portant notre attention, notre écoute sur le monde ambiant, nous ouvre de multiples perspectives, des champs d’action que j’espère innovants et à portée d’oreille. Cogitons et pratiquons ceci pour que nous puissions, modestement, à l’échelle de nos écoutes, de nos échanges, vivre de la façon la plus apaisée et respectueuse que possible, dans un monde aussi incertain que turbulent.

Point d’ouïe, par où commencer pour bien débuter, et inversement ?

Beaucoup ont fait l’expérience, dans un geste artistique, une expérience amoureuse, du fait que la première minute est souvent décisive ! Du coup de foudre à la sidération, ou de l’ennui à la désertion.

En tant qu’artiste par exemple, on embarque, plus ou moins, plus ou moins vite, ou pas, un public, dans notre univers, notre histoire, nos propositions… Surtout si celui-ci participe à une action en espace public, où il sera libre de quitter la « scène » quand il veut, quand il décroche, quand il s’ennuie, pour rester poli. En tant que musicien, parfois chef d’orchestre, j’ai souvent redouté le premier son, la première attaque comme on dit, ou le premier geste, le premier regard vers un orchestre. On sent très vite si le courant passe, l’attention des musiciens, l’énergie circulante entre le chef, l’orchestre et le public, une forme de communion galvanisante. Et parfois, la mayonnaise ne prend pas comme on l’aurait souhaité, ou le soufflé retombe.

Dès les premiers instants, la façon de démarrer, d’impulser, de transmettre une énergie, de mettre en marche, y compris physiquement, me questionnent, sur le fait de bien commencer, et des façons de faire pour cela.

Pour justement mettre en marche, en mouvement, une déambulation d’écoute, un PAS-Parcours Audio Sensible, en embarquant très vite un public parfois peu aguerri à ce genre d’exercice qui, dans ses phases de lenteurs silencieuses, peut désarçonner.

Je me questionne donc sur le premier instant, celui qui peut être un bon enclencheur, un vrai déclic. Alors comment mettre rapidement l’écoute en marche, en action déambulante ?

Faut-il préparer une intro bien rodée, rassurante, ou compter sur une forme d’improvisation libre ?

Mettre l’auditoire en situation, en lui racontant les origines historiques, les courants, contextes et projets du soundwalking et autres parcours d’écoute ?

Énoncer les objectifs, visées et attendus de l’expérience ?

Créer du récit, du rêve, de l’imaginaire, de l’intriguant, du titillant ?

Se mettre en condition, en situation, par des jeux et des postures d’écoute ?

Ne rien dire, ne rien expliquer, ni a priori faire, en tant que gestes préparatoire, et se jeter tête et oreilles baissées dans le parcours d’écoute, sans autres formes de préliminaires ?

Composer selon l’humeur, le ressenti du public, l’ambiance, l’instinct, le lieu ?

L’essentiel, c’est de prendre le risque de se frotter collectivement au terrain d’écoute, avec tous les aléas et risques inhérents, y compris celui de se planter ! Mais en essayant de bien commencer pour ne pas trop mal finir !

Les choses étant ce qu’est le son !

Point d’ouïe et geste d’écoute – se pauser dans les sons

Si on considère l’écoute, au delà d’un ressenti, d’un plaisir, d’une volonté de capter nos environnements sonores pour les entendre, les comprendre, on peut observer le geste en lui-même, ou plutôt certains gestes d’écoute, comme des objets singuliers d’étude. Ici nous nous arrêterons sur la pause-écoute, un arrêt sur son, une forme d’immobilisation temporaire dans ce que je nomme souvent point d’ouïe.

La nécessité de se pauser quelque part et à des instants où s’en fait ressentir le besoin, peut-être celui de se reposer, est aujourd’hui d’autant plus forte dans un monde chahuté, bousculé et bousculant.Ce qui est sans doute moins courant, c’est le fait d’organiser ces pauses autour d’écoutes collectives ou solitaires préméditées. La pause écoute peut donc être entendue comme la pause café, un instant de repos, une rupture dans une activité de marche par exemple, une détente dans une action en cours, Il s’agit de porter attention à un lieu, à ses caractéristiques, sans le polluer de nos gestes et bruits superflus, en se penchant sur un objet/lieu spécifique, à un instant T.Ce geste peut être convoqué, provoqué, stimulé dans une pure intentionnalité. Je décide qu’ici, à cet endroit, pour telle raison, je vais focaliser mon sens de l’ouïe, durant quelques minutes, ou plus. Il peut s’agir d’une forme de protocole, de dispositif, de rituel, cérémonie, comme par exemple se placer sur des points de quadrillage géographique déterminés, pour entendre, analyser un territoire auriculaire, le cartographier méthodiquement.

On pensera ici aux fameux Oto date d’Akio Suzuki, qui signale au sol, ou aménage des points d’ouïe orientés, en ville ou dans des espaces naturels, nous invitant à y pauser les pieds et tendre l’oreille dans des directions d’écoute préalablement déterminées.

On peut également être invité à se pauser, dans une écoute active, attentive, non intentionnelle, par accident. Une volée de cloches, un chanteur de rue, une explosion… nous feront nous arrêter pour profiter, comprendre, voire pour se protéger d’une situation potentiellement dangereuse, relevant d’un événement sonore survenu à l’improviste. Le point d’écoute peut ainsi naitre d’un état de surprise, de sidération, ou comme sur une volonté préméditée de tendre l’oreille, pour différentes raisons que nous aurions défini préalablement.

Dans le cas de ces choix anticipés, de multiples cas de figure les motivent. Par exemple la préparation d’un parcours d’écoute, dans une visée esthétique ou une étude d’aménagement public, fera que l’on repère et choisit des espaces acoustiques intéressants, singuliers, où la présence d’une source sonore caractéristique, si ce n’est d’un mixte des deux. Il s’agira de savoir non seulement où se pauser, combien de temps, mais aussi comment ménager, vivre et partager ces points d’ouïe. Le fera t-on assis dans une clairière, sur des bancs, debout derrière une palissade, allongés sur des transats, sur une pelouse, yeux ouverts, ou fermés, Laissera t-on dans un groupe, guidé lors d’une marche d’écoute, les participants libres de choisir leurs propres postures, leurs proposera t-on des modèles physiques, que l’on jugera plus efficients par rapport au contexte du lieu, à la source… ? Se permettra t-on d’improviser des situations et d’interagir avec les ambiances des espaces arpentés, auscultés ? Utilisera t-on des objets comme des extensions amplifiant, orientant ou colorant nos écoutes, des trompes acoustiques, des stéthoscopes, des casques et des micros d’enregistreurs comme loupes auditives… ? Décidera-t-on en amont d’un protocole assez strict, ou laisserons-nous une marge d’improvisation, ou une adaptation réactive, libre, interagissante avec les situations rencontrées, les réactions du groupe, l’humeur du moment… ? Toujours est-il que le fait de se pauser dans les sons, de s’y immobiliser n’est pas anodin. Outre le fait de choisir un espace emblématique, et de s’y installer pour un temps plus ou moins long, dans un posture dite immersive, se laissant envelopper, porter par les objets sonores environnants, est un choix qui nous met en scène comme des écoutants actifs, attentifs. Je m’arrête ici, j’immobilise mon corps pour mieux entendre, je deviens moi-même une particule (silencieuse) d’un paysage sonore global, qu’à la fois je construis par ma propre écoute. Une sorte de feedback interagissant entre corps/espaces/sources/ambiances, renforcé par une posture physique et mentale assez inhabituelle dans son engagement.

Le point d’ouïe est un acte politique, engagé, dans le sens qu’il nécessite une implication active, corporelle, éthique, qui peut être écologique, écosophique, impliqué dans des contextes d’aménagement urbain ou non. Observons maintenant attentivement un groupe de promeneurs écoutants dans une situation de point d’ouïe pausé. Il sont immobiles, silencieux, ils ne se regardent même pas. Curieux attroupement, qui questionne celui ou celle qui regarde le groupe d’écoutant agir, c’est à dire écouter. L’écoute collective sur la place publique est mise en scène et se joue du regard, des commentaires, des questions des autres. Une forme de scénographie orchestrée dans l’espace public, qui se donne à voir, en donnant au final à voir l’écoute, ou tout au moins la posture qui la met en situation, en scène, la fait exister et la rend visible. La rythmicité même de la scène, arriver doucement sur une place publique, en groupe, en silence, s’immobiliser, donne une sensation d’étrange ralentissement, jusqu’à une forme d’arrêt sur image, ou plutôt ici d’arrêt sur son, voire les deux conjointement. Certaines personnes, spectatrices, comprennent assez vite la finalité de l’action, si étrange et inhabituelle fut-elle, d’autres non. Cette pause écoutante peut paraître une sorte de rituel qui va transformer jusqu’aux ambiances sonores de l’espace dans lequel il se joue. Les personnes assistant à cette cérémonie silencieuse vont rester à l’écart, observer curieusement, se taire parfois pour ne pas perturber l’écoute, éviter ou traverser furtivement le groupe… Il est évident que le maitre de cérémonie en joue, choisissant parfois des lieux peuplés, des terrasses de cafés, des place publiques où les piétons sont nombreux. Cette mise en scène d’une écoute un instant suspendue est parfois ressentie comme une invitation à rejoindre la scène sonore, furtivement et éphémèrement installée dans l’espace public, comme une proposition à tendre collectivement l’oreille, à déployer des antennes sensibles pour aller capter collectivement le moindre son environnant. Ce genre de pause est souvent une suspension dans un mouvement de « marchécoute », un break, une cassure dans un continuum déambulant, qui vient rompre la cadence, pour focaliser, tel un point d’orgue sur une partition, l’attention sur un espace-temps offert à l’écoute. Il peut être orchestré comme une mini cérémonie dans une fête écoutante, telles des minutes de silence, non pas sur le mode du souvenir, mais pour commémorer et sceller une belle entente partagée. Les lieux choisis, comme les événements prévisibles, ou impromptus, influeront évidemment l’attention d’écoute portée par le groupe. Sous un pont réverbérant, avec des claquements de véhicules au dessus de nos têtes, et dans l’obscurité d’une nuit tombante, un parking souterrain, une forêt profonde, autant de lieux qui offrent et subliment une sensation d’immersion assez fascinante. J’ai souvenir de « concerts » de grues chantantes dans le vent, entre chiens et loups, ou de grillons et sauterelles dans une immense combe prairie, qui nous ont littéralement charmés, et fait que nous avons pratiqué de très longues pauses, initialement inattendues, improvisées, lors de parcours d’écoute. On peut ici penser à la Deep Listening, l’écoute profonde développée par Pauline Oliveros, ou aux listen de l’artiste américain Max Neuhaus. De parcours en parcours, ces pauses points d’ouïe maillent un territoire par des repères donnant une tonalité, une cohérence, une écriture géographiquement territorialisée, comme une grille de lecture sensible, via l’approche post schaférienne de paysages sonores.

Au-delà du paysage auditif, la notion d’écologie, voire d’écosophie sonore, telle que la définit Roberto Barbanti, questionne l’écoutant qui décide de pauser une oreille critique sur les milieux arpentés. Ce qui nous charme, nous agace, voire nous agresse, filtrés par toutes les sensibilités et cultures propres, toutes les lectures et interprétations subjectives, émotives, les contextes ambiants, ne manque pas d’être exacerbé lors de ces haltes écoutantes.Entre exercice de lecture de paysage, propre à des approches d’aménageurs, et expérience esthétique dans la mouvance des arts (sonores) en espace public, la pratique des PAS – Parcours Audio Sensible s’articule autour de points d’ouïe, de ces situation où l’écoutant, le groupe d’écoutants, est invité à porter une attention profonde au monde auriculaire. Les marches d’écoute s’inscrivent dans une série de pratiques artistiques, sensibles dites de soundwalking, où le corps-acteur, actif, est fortement engagé dans un processus immersif situé. Ces jeux de l’ouïe nous proposent de co-habiter dans, par et avec les sons, y compris dans une construction sociétale ponctuelle, tricotée par les silences, la lenteur, et les situations et gestes d’écoute partagés, parfois improvisés.

Nous pauser ensemble, dans une communication non verbale, silencieuse, expérimenter des propositions corporelles et mentales qui sont souvent ressenties comme inouïes, sont des gestes qui nous proposent de nous (re)connecter avec soi-même, à l’autre, au monde environnant. Espérons qu’au-delà de ces intentions, les notions de porter attention et de prendre soin, s’inviteront naturellement dans notre rapport au monde sonore, voire au monde tout court.

Texte écrit lors d’une résidence création à la Saline Royale d’Arc-et-Senans Juin 2024

Bassins versants, Méli-mêle eau

Des grenouilles amplepuisiennes, des eaux du Sobant et de la Loue (25), et des corneilles de la Saline Royale d’Arc-et-Senans.
Ça coasse, graille et ruisselle.
Top’eaulogie sonore improbable, entre Rhône et Doubs.

Projet « Bassins versants, l’oreille fluante » Juin 2024 – Festival Back To The Trees et résidence création Saline Royale d’Arc-et-Senans

Auricularités attentives

Je propose de faire entendre l’environnement, les écosystèmes, d’écouter et mieux comprendre par l’oreille, nos milieux de vie, leurs beautés, leurs fragilités, ressources, paupérisations, saturations…
Écouter l’eau, la forêt, la ville, ses périphéries, en marchant, faire paysage.
Installer l’écoute, la lenteur, le silence, par des marches écoutantes collectives, des rencontres, débats citoyens situés, conférences, musiques des lieux, repérages, cartographie et inaugurations de points d’ouïe…
Co-construire une écosophie sonore attentive, des pédagogies indisciplinées…

Si l’oreille vous en dit,
Gilles Malatray
Paysagiste sonore
Promeneur écoutant
Installateur d’écoutes partagées

Le site Desartsonnants
https://desartsonnantsbis.com/
Un portfolio
https://urls.fr/X00jTW

Chronique bancale franc-comtoise, qui ne manque pas de sel

Chaque jour un banc différent
Adossé à une grande berne
Dans un jardin d’eau, ou zen, ou boisé
Dans un lieu très passager, pour échanger des bonjours, voire discuter un brin
Dans une allée isolée, en solo avec les corneilles graillantes et quelques insectes tenaces
Vers la gabelle ancienne, mal-aimée
La salle des commis, aussi mal aimés en administrateurs zélés
En leurs temps
Au centre des écuries du maitre
Sous un trio de châtaigniers séculaires
Dans un espace animé, à une heure animée
Ou un espace presque silence lorsque le site s’est vidé de ces visiteurs
A tombée de nuit, abrité d’une pluie qui a pris l’habitude, depuis quelques mois, de me suivre partout, en s’égouttant sans scrupules
Une eau tenace et qui s’entend
C’est vrai qu’ici, elle, l’eau, quittait le gemme pour donner du salant
Dans une démesure architecturale entre néoclassique et post baroque
Ponctuée de bancs, beaucoup plus récents
Lieu magnétique, qui m’attire toujours, toujours depuis longtemps
Et où je reviens comme en retraite ponctuelle, ressourçante, donner du sel à mon histoire
Des passages dedans-dehors, hors les murs de l’enceinte
En route vers la Loue furieuse et la forêt de Chaux
Immensité feuillue où il ne fait pas bon perdre ses repères
Et retour en Saline, vers un banc accueillant
Et retrouver les sons de la porte monumentale claquante
Des valises qui peinent et raclent sur les allées gravillonnées
Attendre que tout s’éteigne, entre chien et loups (et Loue voisine)
A la veille d’un solstice qui nous semble trop précoce, entre deux pluies battantes
Les impressionnistes ont gavé les paysages alentours de fleurs, d’arbres et d’eau, jusqu’à saturation
Et l’Absinthe y est née, comme une verte eau tonique
Je tricote toutes ces histoires et des sons
De banc en banc
Dans un cercle où je sens rayonner milles tonicités, comme des nœuds telluriques, que l’histoire des lieux aurait renforcé
Dans une salinité mouillée d’utopies dissoutes.
Les bancs sont mes bureaux multiples, d’un moment hors-les-murs
Mes lieux d’observation, d’écoute et de mots griffonnés
Lieux de chroniques saunières soniques, épicées de sels régénérants.

Projet « Bassins Versants, l’oreille fluante »
Divers bancs de la Saline Royale d’Arc-et-Senans (25)
20 juin 2024

Jardins contre nature ?

Venu en Franche-Comté pour écouter ausculter l’eau, les jardins tiennent une place importante dans ce parcours, en me rappelant une de mes premières études d’horticulteur paysagiste, qui au final m’ont amené vers les paysages sonores. Le plaisir multisensoriel du jardin ne m’a jamais quitté, la traversée de lieux sonifères où eau, végétaux et faune, si on leur laisse des espaces ad hoc, peuvent joliment cohabiter.


Sur le festival Back To The Trees, j’ai l’immense plaisir d’intervenir dans une causerie forestière, sur la thématiques de « jardins secrets », en compagnie du paysagiste écrivain Marco Martella, immense conteur engagé pour la cause des jardins, et aussi Marc Namblard, audionaturaliste chevronné et Marylou, une artiste sonore qui fabrique des bestioles soniques. Riches échanges publics sur nos jardins secrets, ou presque…


Le lendemain, débarquant à la Saline Royale d’Arc-et-Senans, je retrouve, de façon impromptue, Gilles Clément, dont le travail sur le tiers-paysage me fascine depuis longtemps.
Cette même Saline organise chaque année un superbe festival des jardins, avec des élèves d’écoles du paysage. Les jardins thématiques en périphérie de ce lieu magiques nous font voyager dans une belle rêverie végétale, minérale…
L’immense cercle, extension de la Saline pour montrer le rond initial imaginé par Claude Nicolas Ledoux fait lui aussi la part belle aux jardins dans tous leurs états.`
Ces biotopes accueillent moult animaux qui chantent, piaillent, graillent, sifflent, stridulent… L’oreille comblée !


Et, pour finir avec un tissage d’histoires jardinières, je décide de revoir, hier soir sur ARTE, le magnifique et bouleversant film de Vittorio de Sica « Le jardin des Finzi-Contini ». Ce jardin, dernier refuge avant l’immense catastrophe fascisme italienne, est un espace-héros crépusculaire ou des fin de règnes, d’amours, de vie, se tissent avant que de disparaitre, engloutis par une machine politique d’une violence implacable. On ferait bien de revoir ce film aujourd’hui, pour réfléchir à quel point nos sociétés sont plus que jamais menacées par la montée d’extrêmes Oh combien dangereuses.


Voila comment, en quelques journées, les jardins racontent des récits croisés, des plus apaisants aux plus angoissants.

Jardins nature, jardins contre nature ?

Points d’ouïe – Épopée sonore et aquatique franc-comtoise en chantier

S’enforester l’oreille

Bassins versants, l’oreille fluante se coule encore dans des paysages liquides multiples. Une façon de les réécrire au fil de l’eau et des déambulations riveraines.
Après Lyon, le Sud-ouest, la région grenobloise, le Hainaut Belge, mes oreilles se rafraichissent, dans tous les sens du terme, en Franche-Comté.

Tout d’abord, un arrêt au Bois d’Ambre, à Saint-Vit (25), pour le superbe festival forestier Back To The trees. Une édition riche, même si occasionnellement humide et très boueuse ! Desartsonnants installe un « Goutte à goutte », de circonstance, au bord du ruisseau du Sobant, qui est cette année tellement gonflé qu’il gronde et déborde joyeusement dans les bois et chemins, les rendant parfois sportifs à emprunter. Quelques prises de sons gargouillantes et hydrophoniques au passage d’un pont pris d’assaut par les flots qui s’y cognent bruyamment. Assurément le paysage au fil de l’eau est ces temps-ci d’une verticalité pluviale aussi dynamique que récurrente, et l’oreille s’en réjouit.

Le sel de l’écoute
S’ensuit l’entame d’un séjour résidence artistique d’écriture sonore, et ans doute textuelle, à la Saline Royale d’Arc-et-Senans, ce lieu que j’aime tant, et ai déjà exploré à différentes reprises, niché dans les collines et forêts franc-comtoises.
Sitôt arrivé, une rencontre surprise, inopinée, avec le paysagiste, écrivain Gilles Clément, au détour d’une allée ! Petite conversation autour des nouveaux jardins de la Saline (le cercle immense), concoctés avec des écoles de paysages et d’horticulture, et du bruit feutré de la faux traçant des allées au travers la grande pelouse centrale. Toujours un immense plaisir de rencontrer au débotté ce grand penseur d’espaces- tiers- paysages, débordant d’énergie, de créativité, et d’humanité !

Je m’assois sur un banc de bois adossé à la grande berne est, dans un espace visuel embrassant la partie du demi-cercle « historique » de cette architecture utopique. Il me faut prendre le temps de réinvestir ce lieu gigantesque, aux étranges motifs architecturaux néo-classiques, les formes de fausses concrétions salines dégoulinant des murs colossaux, entre grotte et fabrique archaïque. L’espace acoustique de la Saline est toujours magnifique, avec ses micros échos et réverbérations, dus a la disposition des bâtiments se faisant face en arc-de-cercle. L’autre extension paysagère récente, fermant le grand cercle initialement prévu par Claude-Nicolas Ledoux, me reste à découvrir au-delà du mur d’enceinte. Une semaine à venir pour me replonger avec délectation, dans et hors-les-murs, et surtout vagabonder oreilles tendues et micros en main vers et la Loue voisine. Ne doutons pas qu’elle aussi déborde littéralement d’activité fluante.

A suivre…

Poser une (nouvelle) écoute sur le monde

Une (nouvelle) écoute sur le monde ?

Se (re)connecter au monde, au vivant, au vent, à la lumière, aux sons, par le corps tout entier… Se ressourcer aux chants de la Terre.

Entendre les dialogues tissés, entrelacées, entre les éléments ambiants et les cohabitants terrestres, maritimes, aériens, nous y compris.

S’extraire de la fureur et de la vitesse, ralentir pour mieux partager.

Alerter sur les excès, les emprises délétères, les surenchères dominantes…

Porter attention, prendre soin de l’état (acoustique) des lieux, prendre conscience des paupérisations, saturations, emballements frénétiques, y résister collectivement…

Penser la ville, ses périphéries, la campagne, les sites naturels, comme des milieux sonores équilibrés, diversifiés, fragiles, à l’échelle de paysages vivables et partagés par tous. Des communs auriculaires.

Construire et préserver des havres de paix, des espaces d’écoute partagées, des cheminements apaisés, des proximités bienveillantes, rassemblantes, accueillantes…

Tenter de faire émerger des parcelles d’utopies réalisables, où il fait bon s’entendre !

Des sons, des écoutes, des gestes, des environnements…

La problématique des inter-relations entre art, création sonore et les questions environnementales, écologiques, écosophiques, sociétales me taraude plus que jamais.

Comment la création sonore s’inspire-t-elle des environnements, des ambiances, et comment ceux-ci sont-ils défendus (ou non) par des formes d’interactions créatives expérientielles ?

Comment l’évolution des matériels, média et dispositifs technologiques, influence-t-elle les processus de créations, les recherches-actions, et au final des pensées agissantes ?

Quelles sont les freins ou au contraire les catalyseurs éthiques, culturels, sociétaux que soulèvent de prime abord des gestes d’écoute, de création, d’aménagement ?

Comment pourraient évoluer ces tissages, ces métissages, pour être vraiment lisibles et efficients in situ, autant que puisse ce faire ?

Vaste chantier sans cesse requestionné au fil du temps, et aujourd’hui à l’aune de certaines urgences qui lézardent et fragilisent nos modes de vie voire nos existences mêmes.

Marcher autour du silence !

Avec L’Atelier Tiers-Lieu Amplepuis, nous avons expérimenté une déambulation sensorielle écoutante, polymorphe, comme je les adore. Cinq kilomètres dans une campagne très belle, pentue, avec de magnifiques passages en forêt, de superbes vues panoramiques, d’incroyables paysages très vallonnés .

Une thématique autour du silence, ou plutôt des silences.

Une mise en condition, se sentir ancré au sol, son corps dans l’espace, les ambiances environnantes, les sons qui nous entourent, se mettre en marche…

Des témoignages de religieuses cloitrées, d’un sourd formateur en langue des signes, d’un randonneur solitaire, d’une personne âgée, d’une artiste sonore chercheuse autour de la pollution sonore, d’une musicienne, diffusés ponctuellement, en chemin.

Une superbe danse improvisée, inspirée des sons environnants.

Des séquences de marches en silence, et d’autres en échanges.

Une interprétation en quintet de 44’33 de John Cage dans un champ où grenouilles, grillons et chants d’enfants créaient un cadre sonore et visuel aussi insolite, surprenant, que beau. Une façon de questionner l’écoute. !

Une écoute commentée de différentes versions des plus improbables, de « Sound of silence » de Simon and Garfunkel.

Un jeu quizz autour de la langue des signes racontant le « Petit chaperon rouge ».

Nous terminons par un repas partagé pour échanger autour de ces silences vécus en commun, Oh combien habités, acoustiquement et humainement. Et au final, de superbes moments passés à expérimenter des espaces aussi silencieux que forcément sonores, mis en commun, et surtout des plus conviviaux. Cette déambulation, pensée et orchestrée collectivement, a convoqué des silences fédérateurs à n’en point douter.

Merci à Gaëlle Dubuis à la ferme Labêle colline de nous avoir accueilli dans le cadre magnifique des hauteurs d’Amplepuis.

Ainsi qu’a toutes les personnes ayant apporté, enregistré et partagé leurs témoignages autour de leurs silences

L’album photos ICI

Champ lexical en mode liquide

Lorsque j’ai démarré le projet « Bassins versants l’oreille fluante », le champs lexical tout droit venu des terres aquatiques m’a sauté à l’oreille.

Je me suis senti submergé de joie, et aussi de travail.
J’ai pensé et agi en amont et en aval, tout en dérivant parfois.
J’ai été abordé, parfois accosté.
J’ai tenté de ne pas trop avoir la tête sous l’eau, d’émerger, de. ne pas avoir trop de flottement dans les idées.
J’ai du trouver des points d’ancrages solides.
Je suis parti parfois à la dérive.
Je me suis fait embarquer dans de drôles d’histoires.
Et j’ai débarqué sans trop comprendre.
J’ai tenté d’avoir des projets au long cours.
Je me suis calé sur le bon canal.
Je me suis battu contre vents et marées.
J’ai pêché des informations ici et là.
Dans des situations difficiles, j’ai été repêché.
J’ai fait escale dans des lieux en vogue.
Je suis arrivé à bon port, ou pas.
J’ai tenté de ne pas me noyer dans les informations.
Pour l’instant, peu de choses sont tombées à l’eau.
J’ai évité bien des écueils, et me suis échoué sur d’autres.
J’ai navigué en père peinard.
J’ai ouvert la réunion par un brise-glace.
J’ai tout liquidé, et largué les amarres.
J’ai connu des figures de proues.
J’ai été à fond de câle.
Je suis resté sur le quai.
J’ai tourné à sec, puis ai jeté l’ancre.
J’ai mis les voiles, ou ai pris le large.
J’ai souvent été sur le pont.
Je me suis fait mener en bateau.
J’ai et le vent en poupe.
J’ai fait avec les moyens du bord.
J’ai choisi un bon navigateurs internet.
J’ai été au creux de la vague, dans une mauvaise passe.
Je suis resté au milieu du gué.
J’ai veillé au grain, pour ne pas être un marin d’eau douce, plutôt un vieux loup de mer.
Mon site a été piraté.
J’ai eu de grosses avaries.
J’ai navigué entre deux eaux, parfois en eaux troubles
Je suis resté à flot, écoute au goute à goutte.
J’ai mis le cap sur de nouvelles terres.
J’ai évoté de faire trop de vague, pourtant, ce n’est pas la mer à boire.
J’ai agi à contre-courant, navigué en eaux troubles.
C’est la goutte qui à fait déborder le (la) vase.
J’ai viré de bord.
Je suis passé au large.
J’ai navigué à vue, et à l’ouïe.
J’ai eu une démarche chaloupée.
J’ai été toutes voiles dehors.
J’ai été inondé de bonheur, et de doutes.
Et vogue le navire.
J’ai fait des rencontres où la parole a coulé à flots.
Connu de belles personnes intarissables
La vie n’est pas un long fleuve tranquille
Je dit bon vent à toutes et à tous !

Projet « Bassins versants, l’oreille fluante » Mai 2024 Grenoble

Point d’ouïe, indisciplinarités et entrelacs

L’espace sonore, celui que l’on appelle parfois environnement ou paysage, même si ces dénominations relèvent de réalités sensiblement différentes, est un tissu complexe d’imbrications et d’entrelacements spatio-temporelles. Nœuds, tissages, brisures, complexité, croisements, tout un champ sémantique appelant des pensées, actions et lectures où se tissent autant d’ouvertures que d’incertitudes inhérentes.

L’univers audible est peuplé d’interdépendances, de causalités parfois fugitives, inextricables, souvent difficiles à saisir dans leurs capacités à se transformer, apparaitre et disparaitre rapidement, furtivement, ou violemment.

Une forêt mise en écoute, en écoute consciente, active, profonde, est un exercice qui nous donne à lire un univers sonore complexe, où le végétal, l’animal, l’eau, le vent, l’humain, ses machineries comprises, cohabitent dans une partition qui s’écrit au fil du temps. Parfois se développent des ambiances plutôt ténues, ou au contraire d’une grande densité, en passant par toutes les phases intermédiaires. Un paysage d’accumulations et d’hétérotopies foucaldiennes.

Certaines sonorités se font recouvrantes, le passage d’un avion, d’un quad, masquant tout ou partie d’autres sons, devenant pour un instant hégémonique, envahissant, comme un surplus saturant. Un bruit, une nuisance, voire une pollution en quelque sorte.

À d’autre endroits, ou moments, l’équilibre entre des chants d’oiseaux et celui d’un ruisseau, le vent dans les branchages et le tintement orchestré des clarines de vaches au loin, nous permet de distinguer, voire déterminer, localiser, toutes les sources, y compris les plus mobiles.

Cet équilibre reste souvent fragile, dans un monde où la mécanisation, le mouvement, la vitesse, marquent Le désir humain de s’approprier, si ce n’est de maîtriser ses milieux de vie, avec les conséquences que nous connaissons et mesurons aujourd’hui.

L’approche d’espaces auriculaires nous aident à lire le monde dans (presque) tous ses états, parfois apaisées, et donc apaisants, comme dans ses situations de crises, chaotiques, où les dérèglements climatiques se font entendre, tout comme le bruit des armes. L’oreille saisit, ou subit alors, le chaos, dont nous sommes, nous humains, pas toujours étrangers, voire même souvent entièrement responsables.

Entendre cela, c’est une invitation à écouter dans toute la complexité des ambiances sonores révélatrices.

Œuvrons pour avoir une oreille et une pensée qui saisissent, ou tentent de le faire du mieux que possible, la polyphonie du monde, la diversité de ses voix, avec ses assonances, ses harmonies et ses dissonances.

Au-delà de la métaphore musicale, qui pourrait convier une oreille, en tous cas occidentale, à une notion de plaisir ou de déplaisir, de bien-être, de jouissance, tout comme à des situations stressantes, anxiogènes, à la limite du soutenable, se joue et se déjoue une immense fresque sonore aux entrelacs complexes.

Tenter de les comprendre, de les dénouer, nous poussent à les envisager sous différents jours, différentes approches, scientifiques, sensibles, où l’étude naturaliste côtoiera l’acoustique, les sciences humaines, l’aménagement du territoire, les arts, les sciences de l’éducation, l’action politique, et plus encore si affinités.

Via des approches interdisciplinaires, que j’aime aussi, empruntant aux travaux de Myriam Suchet, aborder sous l’angle de l’indisciplinarité, le chantier de décryptage s’annonce aussi ardu que passionnant.

N’étant forcément pas capable d’apporter des réponses crédibles et a minima fiables dans tous les domaines, tant s’en faut, nous pouvons néanmoins préciser quelques champs de recherches, de pratiques, par exemple dans l’exercice des recherche-action, recherche-création, permettant de frotter des expériences décloisonnantes.

De la lecture de paysages en passant par la requalification urbaine, ou la gestion d’une forêt, l’artiste sonore, via ses approches esthétiques, au sens large du terme, sensibles, poétiques, écoutantes, sera associé à un acousticien, un éco-acousticien, un paysagiste, un sociologue… Tous chercheront à mettre en place des corpus, des langages communs, des outils partagés. Cela en vue de donner une relecture, une « traduction » polyphonique d’un paysage, surtout celui du sonore.

Le mot traduction, littéralement « mené de travers », est sciemment emprunté au domaine littéraire, sémantique. Il s’agit de faire entendre à un maximum, de (re)lire, de façon accessible, un, ou plutôt milieux sonores complexes.

Les traversées indisciplinées, indisciplinaires, proposent des lectures paysagères singulières,élargies, des formes de transpositions, encore un champ sémantique du monde musical. Ces dernières nous offrent de nouvelles approches poético-scientifiques, assumons la potentialité des paradoxes, via des croisements du sensible, de l’affect, et du « démontrable », mesurable, vérifiable.

Cette, ou ces relectures traversantes, ne doivent cependant pas imposer une totale maîtrise des espaces, par des normes ou cadres hyper figés, et au final paupérisants. Empruntons au contraire à Gilles Clément, dans sa pratique du Tiers-paysage, la notion de désemprise, de « non-agir », et à celle de Tiers-espaces d’Hugues Bazin, comme lieux de transformation sociale en mouvement.

Des espaces écoutés qui seront pensés en lieux d’ouverture plutôt que l’imposition de nouveaux carcans sociétaux, nous en vivons suffisamment ces temps-ci pour ne pas reproduire des modèles politiques ouvertement liberticides et cloisonnants.

C’est peut-être aussi, dans un monde emballé, à défaut d’être emballant, une façon de prendre du recul. Pour cela il faut aussi inclure du sensible, prendre le temps d’observer, d’écouter, convoquer des façons de ralentir, ce qui n’est pas simple dans des sociétés mondialisées, mondialisantes, où la productivité, la performance, la compétitivité règnent en maître.

Ces indisciplinarités, dans leurs polysémies, sont donc fortement marquées de process éthiques, politiques, au sens premier du terme, où une certaine philosophie de l’écoute, une écosophie sonore (Roberto Barbanti), ou écoutante, avec des approches liées à une éducation émancipatrice (Mathieu Depoil).

De même, le travail avec un groupe de recherche autour des « Rythmologies » est un creuset qui me permet, via l’approches des rythmes, cadences, flux, scansions, pulsations… de repenser le monde de l’écoute et de la marche comme une action croisant et convoquant de multiples champs.

PePaSon, collectif autour des pédagogies des paysages sonores, est une autre entrée plurisisciplinaire, pour aborder l’écoute, les paysages auriculaires et les pédagogies associées, via des ateliers de marches écoutantes, où artistes, aménageurs, pédagogues, croisent leurs expériences en collant l’oreille à même le terrain.

On ne peut pas ici, faire l’impasse sur la notion de communs. Ce qui nous relie, ce qui est mis en commun, comme des ressources partageables, ce qui est fabriqué ensemble, coconstruit, ce qui fait communauté… L’écoute est une chose, voire une cause commune, partageable, ainsi que tous les paysages sonores qu’elle, que nous construisons grâce à elle. Les droits culturels pointent ainsi, parmi les droits fondamentaux, le fait que chacun, non seulement puisse accéder à la culture, mais aussi y être acteur, ne serait-ce qu’en posant une oreille critique et impliquée sur le monde.

Tout cela constitue, pour moi et d’autres « marcheurs de travers », un vaste chantier en mouvement, au cœur des entrelacs sonores, tout aussi désarçonnant que motivant.

Gilles Malatray, aka Desartsonnants, le 12 mai 2024 à Amplepuis

Soutenez le projet Desartsonnants ICI

Vestiges sonores nocturnes, prélude et alimentations fantômes

@Gauthier V. Charleroi friches

Existe t-il une forme d’urbex auriculaire, une archéologie excavatrice du sonore, une exploration auditive plus ou moins sauvage, un brin fantastique ?

Qu’est-ce que la nuit nous raconte, nous susurre au creux de l’oreille ?

Pouvons-nous installer des écoutes de lieux fantomatiques, où l’on pourrait entendre, percevoir, des réminiscences acoustiques enfouies dans les strates de l’histoire, de la mémoire, des murs et ruines, des machines abandonnées et autres vestiges architecturaux… ?

Pouvons-nous conter, raconter, broder, les ambiances sonores disparues, ensevelies ?

Pouvons-nous donner à imaginer, sans autre artifice que nos oreilles propres, les sons du passé, ceux qui, envers et contre tout, résistent à l’usure du temps, quitte à se réinventer au gré des abandons, destructions, reconstructions, marches écoutantes … ?

Inspirations:

« Elle longe la gare monumentale fermée depuis plus de vingt
ans, sans même un regard pour ce bâtiment fantôme naguère
chargé de tant d’ambitions qu’il semble annoncer qu’il restera
debout quoi qu’il arrive. Le vent qui s’y engouffre et siffle à
l’intérieur ne ressasse plus rien depuis longtemps, il ne transporte
ni les adieux, ni les mots d’amour, ni les serments prononcés sur
un quai. Il brasse le vide, la violence et les démentis du présent
comme du passé. Les mots s’en sont allés avec les gens. »

Judith Perrignon, Là où nous dansions (2021)

Ces questions Desartsonnantes sont également irriguées de souvenirs, nocturnes, déambulants, dépaysants… Ceux par exemple d’explorations nocturnes dans le quartier des Ardoines, à Vitry/Seine, longeant une ancienne centrale thermique à charbon, et d’autres arpentages sonores aux abords de Charleroi, dans ses gigantesques friches industrielles… Tous ces tuyaux, turbines, cheminées, obscures machineries tout droit sorties de l’imaginaire de Jules Verne, François Schuiten, semblant soupirer, ronronner, grogner, grincer, gémir… à qui sait les entendre.

@Gare au théâtre, PAS Desartsonnants nocturne en Ardoinais – Frictions urbaines
@Zoé Tabourdiot – Transcutures City Sonic – Desartsonnants – Exploration nocturne Charleroi.

Ébauche de charte pour une écosophie de l’écoute

Changer les perspectives, les points de vue et points d’ouïe, décaler les perceptions, se repositionner auriculairement, faire paysage à portée d’oreille.


Considérer l’espace sonore ambiant comme une installation sonore immersive, à ciel ouvert, une écoute installée qui fait œuvre par le geste même d’entendre sonner les choses, de les (ré)assembler mentalement.


Fabriquer des « musées et expositions du son » situés, sans autre dispositifs que les postures d’écoute, éphémères, nomades, évolutifs, maillant de petits ou de larges espaces. Imaginer et construire des lieux où chacun peut signer sa propre écoute. Prendre conscience de la complexité et de la fragilité des paysages sonores habités, en perpétuel chantier.


Rechercher et favoriser la sensation d’être baigné de lumières autant que d’ambiances sonores, d’odeurs et de choses palpables.

Arpenter un territoire par des marches écoutantes, expérimentées tout à la fois comme des outils de lecture et des processus créatifs.


Partager un commun audible, entendable et vivable, où le son serait d’emblée une cause entendue, esthétique, éthique, sociétale, et non seulement une nuisance, voire une pollution à combattre.,

Point d’ouïe, fabrique de paysages sonores en commun à oTo, Ouvroir des Territoires de l’Ouïe

@Photos Arnaud Laurens, oTo

De retour de résidence artistique, de nouvelles expériences de paysages sonores au fil de l’eau, de la mat!ère sonore, textuelle, imagée, à trier, agencer, à construire comme objets de traces récits immersifs.
Tout cela irrigué de belles rencontres, des échanges, la découverte de sites magnifiques, des eaux généreuses, des discussions où écoute et cuisine travaillent à de subtiles réductions, des expériences collectives pour agencer, improviser en live des paysages sonores singuliers…


Au fil des résidence, le paysage sonore dans tous ses états prends du poids, de la consistance, de l’hétérogénéité en même temps que de la cohérence.
Il permet la rencontre, la remise en question de nos rapports au monde, la recherche de beautés tant esthétiques qu’humaines, qui nous feront, dans l’idéal et écoute aidant, mieux vivre ensemble. Écouter est un geste de partage, où il nous faut assumer notre modeste place dans des espaces habitables, sociétaux, de plus en plus fragiles et menacés.
Construire des paysages sonores comme des communs écosophiques, humanistes, est une façon de défendre des valeurs humaines qui nous font trop souvent cruellement défaut.

@Photos Arnaud Laurens, oTo

Projet intinérant « Bassins versants, l’oreille fluante« 

Résidence création accueillie pas oTo – Ouvroir des Territoires de l’Ouïe à Montbron (16)

Merci à cette belle équipe, et tout particulièrement à Arnaud Laurens et Jean-Michel Ponty, à la municipalité de Montbron et à sa Médiathèque, au public aux écoutes attentives et échanges stimulants, pour cette riche ouverture culturelle à portée d’oreille.

D’autres textes, sons, images, récits, suivront…

Points d’ouïe, l’apaisement des eaux

Ces jours-ci, j’ai promené mes oreilles sur les rives de la Tardoire, belle rivière dans des écrins ripisylvestres verdoyants, au sud de la Charente et aux portes du Périgord.

Le cours d’eau charrie fort, irrigué quasi quotidiennement de vivaces averses printanières.

Il est au meilleur de sa forme, y compris à l’écoute !

Ce dévalement fluant, presque ensauvagé, me fait un bien fou.

Après, et pendant une période agitée, voire parfois compliquée, ce bain de nature ondoyante, liquide, recharge mes batteries, m’apaise, et me fait rentrer de repérages pédestres bien fourbu, mais rassasié, nourri de sonorités toniques.

Ici, la vue, l’oreille, mais aussi le nez, émoustillé d’odeurs d’herbe mouillée, de fleurs naissantes, de terres humides, offrent un univers sensible d’une incroyable richesse, entre puissance et subtilité, contrebalançant un instant la fureur des folies climatiques, sociétales et guerrières.

Les arpentages, à l’affut d’ambiances sonores aquatiques, exacerbent des sensations qui varient subtilement au détour du chemin, à la rencontre d’un bief, des roues à aubes grinçantes d’un moulin, d’un remous sur des pierres-barrières-récifs, toute une histoire fluant à portée d’oreille.

C’est une énergie rassérénante qui m’enveloppe et me porte au fil des ondes, des chemins creux et des rivages enherbés…

Un parcours aqua-sensible, qu’il me tarde de partager par une rencontre avec les habitants, des agencements sonores concertants et un PAS – Parcours Audio sensible en marche écoutante.

D’autres sons, mots, images en découleront en aval.

Projet en chantier « Bassins versants, l’oreille fluante »

Résidence de création accueillie par oTo – Ouvroir des Territoires de l’Ouïe à Montbron (16)

Point d’ouïe, et avec ta rivière, comment tu t’entends ?

En arpentant et en auscultant la Tardoire, à Montbron, je réfléchis aux façon dont un cours d’eau relie les hommes au territoire, à la nature, aux écosystèmes, aux animaux… Et inversement.


Paysages, moulins, pêche, sport, géologie, préhistoire, arts et culture, histoire, architecture et aménagements, tourisme, crues et tarissements, industries, patrimoine, écologie, faune et flore,mémoire(s), agriculture, gestion des eaux, hydrologie et bassins versants, identités sonores… comment le paysage auriculaire aquatique nous connecte t-il , ou non, et surtout nous implique t-il, parfois non sans heurts et sans dommages, à nos habitats partagés, à nos milieux de vie ?


Et avec ta rivière, comment tu t’entends ?

Projet Desartsonnants en chantier « Bassins versants, l’oreille fluante »

Dans le cadre d’une résidence création accueillie par oTo – Ouvroir des Territoires de l’ouïe – Field recording aqua-sonique, rencontre publique autour de l’écoute paysagère, PAS – Parcours Audio Sensible « L’eau traversante », concert-performance- improvisation en trio (instruments, électroniques et son paysagers), écriture sonore et multimédia…

L’écoute paysagère, une façon d’inscrire le corps agissant dans l’espace

Marcher et écouter dans les grandes lignes

On peut envisager ici le corps écoutant, déambulant, comme une sorte d’oreille active, qui va déchiffrer des parcelles de territoire en les arpentant.

Le corps s’inscrit ainsi dans l’espace public, se posant sur des points d’ouïe, où parcourant un territoire, toutes oreilles à l’affût.

Cette mobilité écoutante, en offrant des postures immersives, des approches Sensori-motrices, proprioceptives, engage et inscrit un corps qui va lire et façonner l’espace en fonction de ses gestes, de ses perceptions, et de toutes les interactions découlant des rapports corps/espace.

S’offre ainsi à nous une multitude de situations, faisant de la ville ou d’espaces naturels, un terrain de jeu sensoriel toujours renouvelé.

Des rythmes de déambulation, de la vitesse de nos déplacements, des réactions à des stimuli ou à des rencontres inopinées, de la marge d’improvisation et d’imaginaire que nous nous laisserons, les cheminements d’écoute nous permettront la lecture et l’écriture de paysages sonores plus ou moins inouïs.

Engager son corps dans un bain sonore, au cœur d’une ville par exemple, c’est accepter d’être plus ou moins chahuté, bousculé, ému, par des ambiances sur lesquelles nous n’avons pas forcément de prise. Cette posture de corps écoutant dans un espace souvent complexe, n’est pas toujours très confortable, voir même peut se révéler déstabilisante.

Les stimuli auditifs nous embarquent parfois dans un monde où les affects nous touchent, nous cueillent à fleur de peau, à fleur de tympan dirais-je même.

L’habitude d’arpenter les territoires auriculaires nous forgent des outils perceptifs pouvant nous faire prendre un peu de recul face aux sons que nous traversons et qui nous traversent. Tout en gardant possibles des émotions plus ou moins épidermiques, nous accepterons nos fragilités écoutantes en sachant mettre un peu de distance entre le corps écoutant et la chose entendue.

Au fil de nos marches d’écoute, nos sens s’affineront, avec le développement de jugements qualitatifs, tels des outils d’analyse, de compréhension, qui nous feront prendre le pouls d’un environnement parfois au combien bruyant.

Cette inscription corporelle, notamment via des gestes d’écoute, dans différents territoires, reste une recherche-action au long cours, un chantier expérimental qui tisse une toile de paysages sonores comme objet d’étude et d’expérimentation. Cette posture sensible demande une constante adaptation au terrain, une souplesse dans l’action donnant au corps une capacité de réagir à de nombreuses situations et sollicitations du terrains appréhendé.

La diversité comme richesse

Autant d’espaces traversés, autant de diversité, de richesses, de possibilités de rebonds, d’interactions.

Nos corps marchant sont soumis à moult stimuli, excitations, contraints par de nombreux obstacles, empêchements… Constamment, il nous faut chercher des réponses physiques et mentales, expérimenter, tâtonner, pour trouver notre place dans une multitudes de paysages géographiques, climatiques, mentaux…

De ports en forêt, de montagnes en plaines, la marche porte notre écoute à travers un kaléidoscope aux innombrables facettes, parfois trompeuses.

Comme tout paysage, jamais le lieu et le moment ne sont perçus comme de parfaites répétitions, d’exactes redondances, des copies conformes, déjà vu, ou entendues. Ces imprévisibilités chroniques sont parfois vécues comme des situations inconfortables, voir stressantes, ou au, contraire comme une richesse, une diversité toujours entretenue par le déplacement des corps et des sens. Le terrain et ses accidents nous tient en alerte. Un son exogène, étranger, ou le paraissant, hors de son contexte habituel, nocturne, devient vite comme une alerte questionnant les espaces où s’engage le corps, oreille comprise.

Préserver la diversité est aujourd’hui une chose capitale, surtout lorsque l’on parle de biodiversité, mais du vivant au sens large. Il en va de même dans le domaine du sonore. Un paysage saturé de voitures, comme une plaine céréalière ou plus rien ne vient surprendre l’oreille tant les écosystèmes ont été ravagé sont des exemples flagrants de « monosonie ». Dans la saturation comme dans la paupérisation, l’écrasement des ambiances par une densité à la limite du soutenable ou un silence peu réjouissant, si ce n’est mortifère, n’offre pas de belles perspectives pour maintenir notre oreilles aux aguets.

Le corps écoutant, face à ces paysages sacrifiés à l’autel de l’écoute ne trouve plus aucune diversité, accroche, pour poser une oreille curieuse et satisfaite dans des paysages acoustiquement sinistrés.

Fort heureusement, des sites, urbains ou. Non, présentent encore suffisamment de ressources auriculaire pour que l’écoutant y trouve son compte, quitte à devoir faire l’effort de discrimination nécessaire pour jouir de la diversité sonore. Ce qui nous ramène çà des pratiques envisagées ci-avant, où l’oreille est éduquée à mieux écouter pour ne pas avaler tout cru la masse sonore sans discernement aucun.

Le choix et le moment de nos écoutes est donc un critère important pour profiter au mieux d’écosystèmes acoustiques riches et variés. Sauf bien entendu, si je puis dire, à faire le choix d’aller entendre des milieux fragiles, pollués, désertés, et socialement auss difficile à entendre qu’à vivre. L’écoutant doit prendre conscience que, de même que visuellement, des massacres paysagers ont lieu un peu partout, sans parler de la qualité de l’air, des aliments, de l’eau, et autres dégradations à grande échelle que subissent les espaces à la limite du vivable.

Acoustiquement, le trop est comme le pas assez, une situation où des hégémonies ou des raréfactions rendent les lieux plus ou moins inécoutables. J’ai fait l’expérience, pour différents projets, de grandes traversées de boulevards périphériques, desquelles ont ressort extrêmement fatigués, fourbus, presque anesthésiés, physiquement comme mentalement, tant la pression sonore nous impose des tensions difficilement soutenable à long terme.

A l’inverse, une promenade écoutant dans des espaces alternant des ambiances acoustiques plus apaisées, et en même temps très diversifiées, que l’on soit à l’orée d’une forêt ou dans le dédale d’une vieille ville « historique » nous procure un réel plaisir.

L’oreille a besoin de diversité, diversité équilibrée, pour s’épanouir dans des paysages à portée d’écoute. Les aménageurs devraient y prendre garde en amont de crtains aménagements, avant que d’avoir à ériger des murs anti-bruits aussi onéreux que peu efficaces.

Les plantations végétales, ou les « désemprises sauvages », les parcs urbains, les cheminements à l’abri des grands flux urbains, les clairières et les massifs forestiers protégés, sont autant de gages d’espaces où l’on respire et où l’on entend mieux. Les coupes forestières « à blanc » comme la bétonisation des métropoles chassent toute une biodiversité dont nous avons pourtant tant besoin pour bien, ou tout au moins mieux vivre, au cœur du concert quotidien des sons du vivant, et des autres, dans toute leur diversité.

Un marché d’un quartier cosmopolite, avec un grands nombre de langues, d’accents, d’intonations, est très agréable à écouter, parfois comme un vrai dépaysement à quelques encablures de chez soi.

Le lever du jour, heure bleue, ou chorus day (réveil des oiseaux), même en milieu urbain, où tout un joyeux monde de volatiles diserts donnent du syrinx, est un moment privilégié, qu’il faut apprécier comme une sorte de don auriculaire offert à ceux qui aiment voir et entendre les moments de bascules nocturnes/diurnes très matinaux. Une richesse à fleur de tympans.

Le corps s’inscrit alors dans des espaces-temps privilégiés, des scènes acoustiques qu’il faut savoir accueillir comme de fragiles offrandes.

La souplesse d’interagir dans les relations corps/espaces mouvants

L’interaction est au cœur du sujet, celui du corps écoutant inscrit dans un ou des espaces sonores. C’est par elle que l’écoute se fait, s’élargit, que le cheminement se trace, que le corps se met en marche. L’interaction, c’est se laisser une marge de manœuvre, voire d’improvisation, pour que le corps puisse se libérer et investir pleinement l’espace habité par une multitude de sons.

C’est une disponibilité qui nous permet de rebondir en écoutant, de rebondir en marchant, de rebondir en arpentant, en restant ouvert à toutes les invitations potentielles rencontrées dans nos expériences auriculaires situées.

Le corps doit rester disponible et prompt à réagir à l’écoute de sons les plus divers. Un collègue compositeur avait donné pour titre à une de ses compositions « Garde toi une marge d’incertitude ». Ce titre est toujours resté gravé quelque part au fond de ma mémoire, et questionne encore régulièrement mes gestes, mes décisions, indécisions, incertitudes.

C’est ce jeu fonctionnel, ces marges relationnelles improbables qui font qu’un corps écoutant peut décider de poursuivre son chemin, de s’arrêter, se poser sur une scène sonore qui se présente à l’improviste.

Le corps, en l’occurrence le mien, et les territoires parcourus, ceux que je décide d’investir, ou bien qui me sautent à l’oreille comme une évidence non préméditée, me laissent différentes options possibles, des potentialités d’interactions.

Les volumes d’une pièce, la lumière, la chaleur, la topologie, tout comme les ambiances acoustiques, même des plus imperceptibles, vont influer sur mes gestes et ressentis, et en partie décider de mes choix.

Une cloche sonne et je m’arrête pour mieux en profiter. Un chanteur de rue se fait entendre ert je me dirige doucement vers lui, travelling focal, deux fontaines encadrent un quartier et je procède à un mixage en fondue enchainées en marchant de l’une à l’autre… Et bien d’autres situations qui peuvent générer des réponses corporelles à des situations sensorielles données, même des plus improbables et inattendues.

Le corps et les espaces dans lesquels il joue sont interfacés de façon à dialoguer en bonne entente, autant que faire se peut, y compris dans des situations où les sens sont mis à mal, où le corps peut souffrir de situations auditives tendues, stressantes.

Le corps est une caisse de résonance, un contact épidermique, vibrant par tous les pores de son enveloppe exposée à des milieux sonores souvent imprévisibles et parfois violents.

Il existe des phénomènes de résonance par sympathie, où un corps vibrant en fait résonner un autre, comme une métaphore d’un être physique qui se frotte à des espaces qui viennent exciter toute sa carcasse exposée et immergée dans des espaces secoués de mille vibrations.

Nos corporalités et spiritualités possèdent la souplesse de constamment s’adapter aux stridences et chuchotements du monde, avec parfois une grosse dose d’adaptation, de robustesse, de résilience, qui maintiennent notre écoute en éveil. Les interactions corps écoutant choses écoutées sont pétries dans des relations complexes, mouvantes, éphémères, propres à la fugacité et à l’instabilité du monde sonore.

Les relations psycho-sensorielles, y compris celles des plus instables, sont irriguées d’interactions qui mettent en étroites relations les oreilles, la vue, les pieds, le cerveau, et au final le corps entier, qui aspire ainsi à rester connecté de façon sensible au monde, notamment par l’écoute.

L’inscription dans une géographie en mouvement

La géographie a longtemps été cantonnée dans des modes de représentations graphiques de territoire codifiés sur les espaces en deux dimensions de la carte papier.

Pour voyager, naviguer, ces plans de territoire, avec l’aide parfois de boussoles et de sextants, des étoiles et des sommets, il fallait déployer des cartes, ou des sééries de cartes.

Le mouvement pouvait alors nous mettre en route, dans des itinéraires plus ou moins précis et définis.

Aujourd’hui, la géolocalisation informatiques nous emmène sur les routes et les chemins avec des risques moindre de faire fausse-route, de commettre des erreurs d’interprétations, d’orientations. Le plus gros risque encouru est justement celui de n’avoir plus guère la possibilité de nous perdre, au moins momentanément, et de nous faire sortir des sentiers battus.

Pour le marcheur, le corps déambulant est étroitement surveillé et guidé, de sentiers en sentiers.

La géographie a d’autre part exploré des domaines du sensibles dont elle ne se souciat guère il y a quelques années en arrière.

Les notions de géographie sensible, voire de géographie du bien-être sont apparues, entrainant les « explorateurs » vers de nouveaux territoire où le corps s’inscrit dans des territoires où l’on regarde, goûte, touche, écoute…

Début des années 90, nous avons cartographié des sites acoustiques remarquables dans le Parc Naturel Régional du Haut-Jura, ce qui à l’époque était une bien étrange façon de faire, en convoquant l’écoute pour aborder un territoire par les oreilles.

Des guides et cartes ont été crées pour partir à l’écoute des paysages, voire penser de nouveaux territoires paysages sonores, à la suite de Raymond Murray Schafer.

Le corps écoutant, à l’échelle d’un parc naturel, découvrait une géographie auriculaire, faite d’échos, de torrents, de cloches, de réverbérations…

La fabrique de cette géographie demande au corps de se mettre en mouvement, d’explorer de l’oreille, pour aller cartographier des sites acoustiques, des cloches remarquables, mettre en valeur des éléments sonores ponctuels, tel l’ensonnaillement des troupeaux, des traditions et patrimoines sonores…

Cette géographie nous emmène hors des sentiers battus, crier en direction des falaises pour en faire sonner révéler les échos multiples, tendre l’oreille aux insectes et oiseaux d’une tourbière, découvrir, du haut d’un belvédère, les sonorités d’un village niché au creux d’une combe…

Les sons font paysages, façonnent l’espace, les torrents dessinent acoustiquement les vallons pour l’oreille, les troupeaux donnent l’échelle du paysage en se déplaçant à flancs de collines, de même que les coups de tonnerre se répercutent sur les reliefs environnants, précisant à l’écoute les barrières naturelles environnantes…

Le corps est immergé dans une topologie sonore marquée d’éléments stables ou ponctuels.

Le promeneur se construit sa propre géographie, traçant de l’oreille des repères qui feront apparaître des paysages la plupart du temps inouïs, car généralement inécoutés.

Cette géographie sensible, arpentée, révélera des points d’ouïe comme des aménités paysagères, et d’autres comme des zones plutôt inconfortables, avec leurs nuisances et pollutions.

Entre le cris d’une buse chassant au-dessus des prairies et le hululement stridents des sirènes d’alarmes, et le ressac de vagues venant rouler les galets de la plage, gageons que les espaces écoutés ne seront pas perçus avec les mêmes affects.

Autant d’espaces, autant de mouvements, de postures d’écoute, autant de paysages et d’écritures géographiques. Aujourd’hui, la découverte sensible d’un lieu convoque plus souvent le smartphone que la carte papier, l’explorations des villes et des campagnes, y compris de leurs sonorités intrinsèques, passe toujours par une représentation, une écriture partageable des lieux, donc une géographie ad hoc. Sachant que le parcours virtuel ne remplacera jamais, pour moi, le fait que le corps se frotte au terrain, quitte à parfois en ressentir les inconforts, en éprouver les fatigues liés aux topologies, météo, et autres désagréments potentiels.

Si mon expérience personnelle tend à privilégier l’écoute pour développer des géographies sonores, le corps lui, a une approche globalement polysensorielle, convoquant dans ses écritures in situ, ses traces de parcours, les autres sens faisant de nous des êtres réceptifs et réactifs aux milieux vécus, habités,traversés.

L’inscription dans des paysages sonores mémoriels

L’expérience physique, corporelle, vécue, appréhendée sur le terrain, impressionne, comme le ferait la lumière sur un papier sensible, notre corps, jusque parfois dans ses mémoires plus ou moins présentes ou enfouies dans les strates du temps qui passe.

Ce qui a été vécu, parfois de façon forte, émotive, reste gravé quelque part au fond de nous, de notre mémoire, prêt à ressurgir n’importe quand, n’importe où. Revenir dans un lieu où nous avons passé notre jeunesse, vécu nos premières amours, ramène à la surface non seulement des images, mais aussi des sons.

Un paysage sonore est peuplé, voire construit de chansons rythmant des fêtes de famille, de repas associatifs, d’explorations déambulatoires nocturnes, de timbres de voix disparues, et de mille sons ayant impacté notre vie.

La mémoire, ou plutôt les mémoires de paysages sonores construisent petit à petits un catalogue d’ambiances mémorielles, de typologies acoustiques, qui sont régulièrement réactivés en se frottant aux situations d’écoute de terrain.

Ces mémoires permettent d’acquérir une culture audio-paysagères qui nous donnent des repères, des référents. Ces référents nous donnent à leurs tours des éléments de comparaisons, des outils critiques, nous permettant d’analyser des ambiances de terrain en ayant déjà des points de repères, des clés de jugements esthétiques, qualitatifs, éthiques… La mémoire des lieux est en grande partie sensorielle, habitant notre corps dans un ensemble plus ou moins net de stimuli audio, lumineux, chaleureux, tactiles, goûteux… traverser une forêt oreilles ouvertes en rappelle une autre, plus lumineuse, plus chantante, ou plus calme. Ces mémoires réactivées nous font revivre, avec parfois une prise de distance, une amplification, ou une atténuation, des miroirs déformants, une marche écoutante, la traversée d’un site, d’une ville… Raconter une déambulation, ses ambiances sonores, ses scènes acoustiques, même avec toutes les interprétations et imprécisions inhérentes, c’est non seulement revivre, mais(re)construire un paysage où le corps entier s’est laissé imprégné de mille stimuli qui auront transformé, façonné une expérience sensible quasi viscérale.

Le corps écoutant au cœur d’espaces conciliés

Les espaces conciliés, et parfois réconciliées, sont les endroits où l’on peut faire, construire ensemble, dans une certaine harmonie, une bonne entente dirais-je ici en parlant de l’écoute.

Ces espaces relient nos corps écoutants à d’autres organismes environnants, vivants ou non, et aux milieux qui accueillent tous ce beau monde dans un joyeux bruissement, ou tintamarre selon les moments.

C’est là où il est possible de bien s’entendre. Là où le chant de la rivière fait sonner le paysage et vibrer notre corps, nourrissant au passage un territoire vivant.

L’écoute attentive, attentionné dirais-je même, celle qui sait déceler les richesses, les souffrances, les absences, les disparitions, les saturations… nous place dans des espaces où la conciliation est au cœur du sujet. Conciliation comme une recherche apaisée, une bienveillance partagée que l’esprit des lieux nous propose à qui sait l’entendre.

En matière de sonore, le respect de l’équilibre auditif se pose d’emblée. Se promener avec une radio en bandoulière sur un site forestier ou montagneux n’est certainement pas le geste le plus raisonnable, et encore moins, à certaines époques, installer une puissante sono dans une prairie avoisinant des lieux de nidification… Sans entrer dans une pensée moralisatrice donneuse de conseils, ou ne sachant que proférer des interdits, le travail sur des espaces conciliants, où chacun reste à une place raisonnable, non envahissante et non polluante, passe par un bon sens partagé. Il demande une forme d’intelligence collective, une attitude responsable.

L’écoute nous aide, ou tout au moins devrait nous aider, à savoir où se situent certaines marges de tolérance, avant que l’intolérance, et donc les risques de violences physiques et psychiques ne prennent le dessus. On peut comprendre qu’un promeneur, dans un massif forestier, ne supporte plus l’incessant passage de quads pétaradant à tout va, ou de ball-traps nocturnes couvrant tous les bruissements qu’offrent les chants de la nuit.

Le travail sur des espaces conciliés où peuvent co-habiter promeneurs, ruisseaux, oiseaux arbres… dans des espaces auriculaires soutenables, soulève une problématique complexe, et parfois sur des échelles territoriales importantes. Il convoque une éthique environnementale.

Plusieurs bio ou éco-acousticiens faisant des relevés sonores dans une forêt jurassienne protégée, notent, enregistrements à l’appui, l’invasion sonore due à un couloir aérien vers l’aéroport de Genève tout proche. Difficile de faire taire les avions, même si les constructeurs ont grandement réduit, ces dernières années le bruit des réacteurs, ni de les détourner de leurs couloirs pour aller envahir d’autres contrées. Gageons que les espèces animales voient leur communications, souvent sonores, rendues bien difficiles.

Parfois, des paysages ruraux ont été chamboulés par des traversées intempestive de voix de TGV, ou d’autoroutes, qui auraient gagné à trouver d’autres chemins pour ne pas littéralement envahir l’espace sonore. Dans bien des cas, les espaces non conciliés, saturés, pollués, et limite irréconciliables, font l’objet de batailles entre propriétaires, lobbies industriels, agro-alimentaires, où l’intérêt d’une écologie sonore, de la qualité de vie, est le dernier des soucis des aménageurs et politiques.

C’est ici que nos corps écoutants, et tous ceux qui nous entourent souffrent. C’est ici que nous comprenons que la préservation de zones calmes, à défaut d’être silencieuses, vivantes, est un combat au jour le jour. Il faut là aussi réfléchir au fait que le bétonnage de nos montagnes, pour une poignée de skieurs hivernaux, est à mettre en balance avec la qualité de vie, pour entendre encore les cris des marmottes guetteuses et le tintement musical des troupeaux ensonnaillés, la cloche en fond de vallée.

Ces espaces où nous nous sentons conciliés, voire réconciliés avec le monde par les oreilles, doivent être défendus, protégés pour rester écoutables au fil du temps qui passe.

L’écoute d’un site est un geste reliant, conciliant, parfois réconciliant, des espaces physiques, psychiques, des géographies multiples, des terrains sensibles, à l’épreuve de stimuli, notamment sonores dans notre cas.

Ces espaces où l ‘harmonie, l’apaisement, le calme, pourraient régner en maitre, relève à priori d’une pure utopie, d’un rêve idéaliste. Ils existent pourtant, souvent à petite échelle, dans des lieux de plus en plus rares, et menacés.

Mais dans une approche où des formes d’utopies réalisables sont pensée comme moteur d’actions, à l’échelle d’un territoire, même relativement circonscrit, ces espaces sont à construire, et parfois à défendre. Les espaces conciliés autant que conciliants sont de l’ordre de l’aménagement du territoire,du bien être, du soin, de l’artistique et du culturel, de l’approche transdisciplaire. Alors, dans ces actions croisées, le corps écoutant trouvera, ou retrouvera une place d’auditeur acteur d’espaces vivables. Rien n’est gagné d’avance, mais le jeu en vaut la chandelle.

Paysages sonores, une culture écoutante complexe et indisciplinée

Penser, raconter et construire des paysages sonores, cela implique pour moi de croiser, mixer, hybrider des approches, des savoir-faire, des récits, des imaginaires, des choses tangibles et immatérielles, des affects et raisonnements…
Cette posture personnelle, ébauchée, en chantier, souvent répétée, tripatouillée, ressassée, nourrit et stimule une soif de mieux comprendre et d’expérimenter des écoutes multiples. Ces dernières prennent corps, s’incarnent, en concevant une infinité de paysages sonores imbriqués, à la fois intimes et partageables.
Je note ici quelques approches, sans les hiérarchiser ni les développer, comme un canevas ébauchant une sorte de protopie* potentielle.

  • Le paysage esthétique, l’approche artistique, une culture des sensibles, des récits fictionnels en sons, mots, images, danses, théâtres, musiques, multimédia…
  • L’aménagement du territoire, la qualité d’écoute, un tourisme culturel, la recherche du silence, les territoires sonores bâtis, aménagés, habités, apaisés, équilibrés…
  • La santé, le bien-être, le soutenable, le supportable, le soin et l’attention…
  • L’acoustique, la bioacoustique, l’écoacoustique, histoires de vibrations, de communications( humaines et non humaines), les signes de vie et de disparition…
  • Le design sensoriel, fictionnel, prospectif, sonore, l’objet et les ambiances…
  • L’écologie, l’écosophie, l’écoute engagée, des militances, gestes politiques, fabrique de communs…
  • La philosophie, l’éthique, les sagesses auriculaires, la pensée d’écoutes multiples, partagées, questionnantes, clivantes…
  • La marche, le mouvement, les postures, des façons d’écouter et d’être écoutant.e.s, écouté.e.s…
  • L’approche patrimoniale, art campanaire, mémoire des territoires, cultures orales…
  • Les matières à toucher, l’eau, la nuit, la forêt, les choses intimes, les aménités, les ressentis, sentiments, affects et affinités…

*https://usbeketrica.com/fr/article/la-protopi

Point d’ouïe en nuit transfigurée

Je pensais, il y a peu
Regagnant tardivement
Ma petite et quiète ville
Toutes lumières éteintes
Vers un minuit sonnant
Que le noir nocturne
Est Oh combien sonore
J’avançais prudemment
Mes pas à l’aveuglette
Sous un ciel très couvert
Un dôme ténébreux
Point de lune éclairante
Je redécouvrais ainsi
Un paysage en strates noircies
Plus épaisses dans la nuit
L’obscurité totale
Immersion fascinante
Et je lance l’écoute
Dans cette intime noir
Un presque rien nocturne
Une non voyance exacerbée
L’obscurité bruissante
Mes pas
Ma respiration
Quelques nocturnes voletant
Des voix, très lointaines
Pas de rumeur ici
De timides émergences
Et c’est très beau
Et j’en écoute encore
En marchant lentement
Puis me pose sur un muret
Les sons se raréfient
Prennent de l’importance
Dans un espace lisible
Comme un grand tableau noir
Un espace acoustique habitable
De mon muret d’écoute
Enveloppé de profondeurs
Sons inscrits dans le noir
Précisant d’obscurs contours
Ceux de la nuit justement
Celle qui porte conseil
A l’oreille noctambule
J’aimerais inviter des gens
Ceux et celles noctambules
Mais les autres eux aussi
A vivre un rituel
D’un espace nocturne
Juste pour écouter
Juste pour faire silence
Entendre les sonnances
D’une nuit chuchotante
Histoire enveloppante
Ambiances ouatée
De nature lascive
Rien ne dort vraiment
Dans d’infimes obscurs
On perçoit moult souffles
Des énergies fluantes
L’invisible ruisseau
Ses coulures si proches
Vibrations ondulantes
La vie qui bat son cours
Envers et contre tout
Ça ouvre des possibles
A l’oreille intrépide
Et à la nuit féconde.

Mars 2024, Amplepuis, écoute installée, aux alentours de minuit

Marcher, danser la ville de l’oreille

Marcher, danser la ville de l’oreille, c’est faire un PAS* de côté !

* Parcours Audio Sensible (Desartsonnants)

@photo « Campus Corpus », mars 2018 – Marche dansée, écoutée, racontée… Trio d’un soir Natacha Paquignon (danseuse Chorégraphe), Patrick Mathon (Trecker raconteur urbain), Gilles Malatray – Desartsonnants (Paysagiste sonore – promeneur écoutant) Campus de la Doua Lyon1, festival Chaos Danse – l’Astrée, Toï Toï Le Zinc Villeurbanne