Territoires et paysages sonores, écoutes actives et pédagogies



Parce que si la nuisance sonore est un fait, une réalité, une source de problème sanitaires, une gêne stressante, nos environnements ne se réduisent heureusement pas à ces constats négatifs et dépréciatifs.


Durant de nombreuses années, en collaboration avec des établissements d’enseignement, de la maternelle à l’enseignement supérieur, Desartsonnants a mené, et le fait encore, un travail autour de l’écoute (active) et des pédagogies liées aux notions de paysages sonores, dans le but d’ouvrir les oreilles, sans (trop) subir les pollutions sonores ambiantes, ou en se demandant comment y remédier, s’en protéger.
De nombreux workshops avec des écoles supérieures de design, d’architecture, ont été menés (écouter et qualifier les ambiances acoustiques, contrôler, maitriser les productions sonores, travailler les sonals et identités acoustiques, le design d’ambiance, le son et le multimédia…).
D’autres, avec des écoles de géographie, d’arts, de gestion de projets culturels et artistiques, conservatoires de musique, centres d’art, ont tenté de répondre à des problématiques et demandes spécifiques.


Des collaborations avec des PNR, CAUE, Collectivités locales et territoriales, réseaux éducation santé, agences d’urbanisme, ont fait se rencontrer et croiser différents territoires de recherche et pratiques. Rencontres, groupes de travail, conférences, ateliers, colloques, ont contribué à développer des réseaux actifs, interdisciplinaires et au fait de concevoir des outils de sensibilisation et d’apprentissage, susceptibles de répondre à de nombreux cas de figure (et d’oreille).
Aujourd’hui, la réduction galopante des budgets permettant aux structures publiques de travailler avec des personnes extérieures , rend hélas ces interventions et collaborations de plus en plus difficiles, même si des projets d’Urbanisme Culturel tendent à ouvrir de nouvelles portes et champs d’expérimentation situés.


Impliquer les oreilles, apprendre à lire des paysages sonores en mouvement, en transition, mettre en place des pédagogies ad hoc, laisser la place à des écoutes qualitatives, prendre en compte les aménités audio-paysagères, sans rester dans l’unique champ du bruyant, ni l’ignorer non plus, restent des chantiers importants. Chantiers à mener pour lutter contre l’affadissement cacophonique du monde, maintenir des relations humaines renforcées au gré des sons, considérer le paysage sonore comme un commun à défendre, protéger, voire soigner et construire collectivement.
L’écoute partagée restant la clé de voûte préalable à toute action de terrain.

Thématiques, problématiques et actions de terrain

Depuis plusieurs années, voire décennies, quelques axes directeurs guident mes oreilles, pas et micros, en structurant des projets suivant quelques thématiques et/ou problématiques. Le paysage, ses approches esthétiques et écosophiques, nos relations avec et par les sons, l’aménagement de territoires où mieux ouïr, font partie de ces questionnements récurrents. Sur le terrain, des lignes d’action naissent et voyagent, se réécrivent au fil des lieux et des rencontres.
Les PAS – parcours audio sensibles, les arpentages en duos d’écoute, nous font parcourir des espaces en immersion, et en mobilités douces.
« Et avec ta ville, comment tu t’entends ? », les inaugurations de Points d’ouïe, posent la question de nos rapports aux univers sonores, urbains ou non, sans tomber le « mur du tout bruit », mais en cherchant plutôt les aménités audio-paysagères.
Le projet Dedans/dehors s’intéresse aux barrières et aux porosités acoustiques, aux espaces de communication, dans des milieux plus ou moins enfermants, tels les hôpitaux, centres psychiatriques, prisons, lieux d’accueil pour personnes handicapées…
« Bassins versants, l’oreille fluante » suit de l’oreille la présence acoustique de l’eau dans les territoires, de l’Océan à la fontaine en passant par les rus, mares et torrents…
Des cartographies sonores pour donner à entendre un lieu, ses activités, ses acoustiques, ses paysages…
Quelques signatures sonores singulières attirent mes oreilles, les cloches, les fontaines, la réverbération de certains bâtiments telles les églises, mais aussi des parkings souterrains, les échos, les accents et parler locaux, et d’autres choses auriculaires qui font paysages.
Tout cela se construit longuement, traçant des chemins de traverse Desartsonnants, et cependant avec le fil conducteur d’écoutes multiples et autant que possible partagées.

Sur le terrain…

Donner une conférence autour d’un sujet qui m’est cher, que je porte à bout de bras, à portée d’oreille, est un moment riche, intense, qui me permet à la fois de reformuler, d’expliquer, d’échanger. C’est une façon de faire progresser mes réflexions et actions. Mais au-delà, afin de ne pas m’adresser essentiellement à un public déjà convaincu, pour employer une expression courante, il me faut me frotter sans cesse au terrain, à des publics pas forcément habitués à franchir les portes d’une institution « savante ». Des résidences d’écritures dans des territoires multiples, urbains ou non, des actions culturelles vers des publics intergénérationnels, des projets thématiques au sein de lieux alternatifs, des gestes performatifs dans le courant des arts en espace public… Autant de terrains pour échanger, collaborer, expérimenter, avec un maximum de personnes. À chaque fois, il nous faut écrire une nouvelle histoire commune, pour les oreilles, tirant ses ressources dans le terreau sonore du lieu, de ses habitants et habitantes.

Paysage sonore, du concept au territoire

Le paysage sonore ne résonne pas, voire n’existe pas de la même façon pour toutes et tous.
Représentations esthétiques, sociabilités auriculaires, espaces biophoniques, géophoniques, anthropophoniques, qualités des espaces acoustiques, silences, saturations, paupérisations… Autant de réalités, de sensorialités, d’approches superposables, hybridables, interagissantes, mouvantes…
Prendre soin de son territoire et de ses habitants, humains ou non, vivants ou non, suppose d’écouter ce que le terrain a à nous dire, quitte à en faire récit en prenant garde ne pas le figer dans le temps, dans l’espace, dans une approche trop balisée, trop enfermante. Le récit reste évolutif, au fil du temps et des lieux, il montre des paysages sonores toujours en mouvement, qui ne sont pas définitivement encapsulables, même dans l’instantanée de field recordings traceurs. C’est d’ailleurs un des objectifs des dispositifs et protocoles d’observatoires phonographiques, à l’instar des observatoires photographiques, montrer l’évolution des paysages sonores au fil du temps, des activités, des aménagements, des changements climatiques… Autre constat, si l’approche audio privilégie la vue, ça ne doit pas être, comme on l’a beaucoup (trop) entendu, pour contrecarrer une soi-disant hégémonie du regard. Remplacer une prédominance par une autre est contre-productif. Au cours de mes nombreux arpentages, j’ai constaté que le fait de poser une oreille curieuse apprenait à regarder différemment, sans doute mieux, de façon plus curieuse. Le distant, le proche, le micro, le macro, la perspective, la hauteur, les plans, les transects et errances, prennent des formes surprenantes, tant à l’oreille qu’au regard. L’oreille guide l’œil autant que l’œil guide l’oreille, dans une interconnexion complice, plus que dans une rivalité qui nie notre incontournable et intrinsèque polysensorialité.

Deux formes de territoire sont pour moi envisageables. Le premier est celui que je nommerai territoire tangible, arpentable physiquement, ancré dans une réalité matérielle. C’est par lui que commence la plupart de, sinon toutes mes investigations, notamment par mes PAS – Parcours audio sensibles. Ces espaces in situ sont les lieux d’expériences physiques, sensibles, où l’oreille et le corps entier sont impliqués dans des approches immersives, situées, territorialisées. Le second est immatériel, mais non pas hors-sol, car il est la résultante de l’expérience de terrain. il est généralement inscrit dans des univers numériques, aujourd’hui pouvant être entrelacés dans un metavers complexe et nébuleux. Cartographies, récits multimédia, processus génératifs, développent de nouvelles interactivités, interconnexions, qui tissent un paysage multiple, ou des formes de virtualités résonnent et dialoguent avec les paysages tangibles, les prolongent, les racontent autrement.

Revenons au paysage sonore que j’ai précédemment qualifié de tangible, celui où je mets pieds et oreilles en mouvement, et tends les micros.
Il s’envisage, au-delà des administrations, frontières et autres lisières, via une approche qui convoque une forme de biorégionalisme acoustique. Bassins versants, topologies, vallées, chaines montagneuses, climats, façonnent des ambiances et effets acoustiques, des formes d’activités, d’aménagements, de cohabitations ou de séparations, qui donnent à appréhender des espaces bien souvent inentendus, donc inouïs, au sens premier du terme.
C’est plus l’écoute, la démarche et la façon d’entendre les milieux ambiants, qui font paysage, voire territoire sonore, plutôt que l’inverse, même si la variété audio-paysagère influe sensiblement les modes et postures d’écoutes. Le manque d’expertise écoutante contribue à masquer, ou ignorer, nombre de dysfonctionnements qui devraient pourtant nous inquiéter, si ce n’est nous alarmer.
Cela nous ramène aux fragilités intrinsèques des espaces habités, exploités, de plus en plus malmenés par la présence et la mainmise humaine, négligeant toute modération au profit d’exploitations peu scrupuleuses des ressources locales, du développement d’un tourisme envahissant…
Il y a bien des années, voire des siècles, Élisée Reclus, Henry-David Thoreau, mais aussi John Muir, Alexander von Humboldt, Murray Schafer, se faisaient lanceurs d’alertes avant l’heure, en activistes écoutants convaincus.
Via l’arpentage de paysages sonores, l’artiste, tout comme le chercheur, l’aménageur, si tant est que les pratiques soient systématiquement dissociées, ne doivent pas se tenir à une approche conceptuelle, esthétique. Ils doivent, de façon concertée, autant que puisse se faire, proposer des formes d’aménagements respectueux, où poétique (art créatif), poïétique (processus créatif), praxis (le faire) et politique (chose publique) ont leur mot à dire, à qui sait l’entendre, et surtout, qui agit pour mettre en œuvre des gestes plus résonnants, raisonnés, et au final raisonnables.

Paysages sonores pragmatiques et humanistes


La notion de paysage sonore n’est pas seulement une vision esthétique, poético-sensible, loin de là.

Elle convoque et met en jeu, voire en action, un faisceau de pratiques, de problématiques, de nécessités, avant tout sociétales.
Parmi ces approches, citons :
– La recherche de zones apaisées, de corridors bioacoustiques, via notamment les zones calmes, les trames blanches.
– Le confort et la qualité acoustique des lieux bâtis, dedans/dehors, un urbanisme qui prend en compte le sonore, en amont des projets.
– La préservation de la santé publique, malmenée par un stress bruitiste grandissant et des conflits de voisinage.
– L’éducation à l’écoute par des dispositifs pédagogiques à tout âge et pour tous. Sensibilisation aux ambiances, aux marqueurs sonores, aux aménités paysagères, capacité d’écouter l’autre, humain ou non, d’entendre ses milieux de vie…
– Recherche art-science, art-action, où des gestes croisés développent des œuvres en interrelation avec des approches techniciennes, prospectives, scientifiques…

Ces croisements, collaborations, hybridations, ne diluent pas pour autant le paysage sonore dans un monde diffus, nébuleux, mais au contraire renforcent son existence et la place qu’il occupe, ou devrait occuper, dans une recherche écosophique globale.
Transdiciplinarité, voire indisciplinarité, sont plus que jamais nécessaires pour défendre des valeurs mises à mal, dans une société de plus en plus discriminante, égocentrée, violente, belliqueuse. Écouter c’est résister, c’est construire ensemble !

Pourquoi j’écoute ? Que-ce que j’entends et comment ?

C’est une question récurrente chez moi. Et plus je me la pose, moins je suis sûr d’y apporter une, ou des réponses, en tout cas des réponses satisfaisantes, a minima.
Tout à l’heure encore, au bas de chez moi, sur un banc de pierre, j’ai profité de la douceur, presque chaleur, printanière, pour tendre l’oreille aux alentours.
Des corneilles, des pies, un chien, quelques hommes, femmes et enfants de passage, des voitures et deux roues, pas nombreuses ce jour, un jour férié plutôt calme dans ma campagne.
Rien de spectaculaire en somme, je n’y trouve pas vraiment matière à réfléchir sur le sujet, celui de l’écoute en tout cas, ni à expérimenter une posture écoutante particulière.
Et pourtant.
Les choses, sonores, semblent se mettre en place dans ma tête, s’agencer, peut-être contre leur gré, de façon anachronique, faire ambiance, faire paysage.
Le chien répond aux oiseaux. Ou est-ce l’inverse. Ou est-ce mon interprétation, improbable, biaisée.
Les gens me saluent, discrètement, ou de manière amicale, affirmée, joyeuse.
Une personne me parle, de son père, de sa peinture.
J’écoute, et on m’écoute.
Je suis un écoutant qui ne se montre pas en tant que tel. En tout cas, je ne revendique pas cette posture auprès de ceux qui, ce soir, me croisent. Plutôt écouteur anonyme, ou tout au moins discret.
Et les sons viennent à moi comme je vais, à eux, de l’oreille, immobile. Aller-retours incessants.
C’est dans le cours des choses, que les sons occupent l’espace, voire contribuent à le construire, à le ressentir. Sauf que je pratique, parfois plus ou moins consciemment, une écoute que je qualifierais d’active, plus profonde, avec toutes les limites du terme. Cette posture écoutante est sans doute, modestement, un peu plus impliquée que le commun des mortels, car faisant partie de mon quotidien, de mes aspirations, de mon univers créatif. Enfin, de la façon dont je conçois le geste créatif, non comme un monde extraordinaire, ni génial, loin de là, mais comme une curiosité triviale à tendre l’oreille, ici et là, sur un banc ou dans un bar, dans une ville ou en forêt.
Geste conscient, réflexe, rituel, je ne sais pas au juste ce qui motive ces actions écoutantes, ni même ce qui, ce soir, me fait écrire ces errances auriculaires.
Parfois, je le sais de façon plus affirmée, parce que l’on m’invite à écouter, à faire entendre, à tracer, composer, diffuser, installer…
Ce soir, je ne sais pas non plus si ces réflexions seront fugaces, sans suite, ou si elles se déploieront dans des espaces temps où l’oreille sera de nouveau sollicitée, encore et encore.
À tout hasard, avant que ces questions, ces ambiances s’effacent de ma mémoire, se dissolvent dans le temps et l’espace, j’en prends note à la volée.
Alors pourquoi donc poser l’oreille ici ou là, et surtout questionner ce fait qui est somme toute récurrent, parfois vital, et qui tricote des relations sociales, qui stimule des perceptions, plaisirs ou déplaisirs, qui donnent du grain à moudre à l’arpenteur écoutant que je suis ?
J’ai souvenir que, depuis longtemps, des objets sonores, musicaux, des expériences, ont occupé une place importante dans ma vie.
Un instituteur guitariste avec qui on chantait beaucoup.
Tout jeune, une flute à bec dans une pochette surprise. Puis le clairon de mon grand-père, sans compter le saxophone dont j’ai joué des années.
La voix, le plaisir de chanter, puis de faire chanter, sans mauvaises intentions, bien au contraire.
Le Teppaz mono de mes parents, que j’ai rapidement accaparé, puis ma première chaine HI-FI et magnétophone à bande, acheté après des jobs d’été.
Mes parents qui chantaient en duo, et mon père qui sifflait joliment.
La radio, qui m’a bercé de ses histoires, et le fait encore des journées et nuits entières.
Ma rencontre avec les radios libres, associatives, fin des années 70, une belle découverte !
La CB (Citizen Band) qui nous faisait communiquer parfois avec des personnes très éloignées géographiquement.
Une formation autour des pédagogies musicales dites actives, toute une époque d’innovation pédagogique.
La découverte des musiques électroniques, et surtout pour moi électroacoustiques, de ses sons spatialisés.
L’apparition du numérique et de tous ses nouveaux champs exploratoires.
Une reprise d’étude universitaire qui m’a permis de tester de nouveaux champs d’arts-action, bien que ce terme n’existait pas à l’époque.
La rencontre avec une association de musiciens, architectes, urbanistes, designer, qui travaillaient début des années 80, autour du paysage et de l’écologie sonore, dans les pas de Murray Schafer. Un grand tournant et une révélation qui m’anime toujours ! Un projet conséquent « Haut-Jura terre sonore » qui a ouvert mes oreilles de plain-pied sur un territoire bien-sonnant, et fait réfléchir à une pédagogie, des pédagogies de l’écoute située.
La découverte et la pratique du soundwalking, des marches écoutantes, des balades sonores, des PAS – Parcours Audio Sensibles…
L’aventure des arts sonores, notamment en terres belges, où création visuelle, plastique, arts-performance, poésie sonore, installations multimédias, m’ont ouvert des réseaux et fait faire des rencontres intrinsèquement inouïes. Et encore aujourd’hui. Peut-être plus que jamais.
Et sans doute beaucoup d’autres choses qui m’échappent, mais tissent une sorte de parcours d’écoute hybride, au long cours.
Jusqu’à ce soir où je me retrouve sur ce banc, à écouter oiseaux, chiens, humains et voitures, en me demandant pourquoi au juste, je questionne le monde, de près ou de loin, par les oreilles.
Pourquoi je signe, modestement, une écoute singulière car personnelle, pour reprendre la belle proposition de Peter Szendy.
La boucle est loin d’être bouclée, même si la technique de loop est quasiment incontournable dans les musiques électroacoustiques ou acousmatiques.

Désœuvrer sobrement

Je ne suis pas forcément partisan d’un art conceptuel, hermétique, et au final réservé à des spectateurs-auditeurs avertis, voire conduisant à une sorte d’élitisme culturel bon chic bon genre.
Néanmoins, il m’arrive de plus en plus de désœuvrer mes créations, dans le sens où je n’utilise aucun matériau solide, aucun dispositif technologique, et ne laisse aucune trace tangible sur le terrain.
Cette volonté de dématérialiser la création sonore tient à plusieurs faits.
L’idée de privilégier une approche sensorielle, mettant le corps sensible, écoutant, directement en prise avec son environnement, immergé sans aucun artifice dans un paysage sonore à fleur de peau.
Le désir de réduire l’impact physique, sonore, sur les territoires arpentés, mis en écoute, de ne pas utiliser des technologies énergivores, de ne pas chambouler les fragiles équilibres acoustiques. La sobriété est ici de mise.
J’installe l’écoute plutôt que les sons, recherche des postures physiques non appareillées, non « augmentées ».
J’inaugure des points d’ouïe, prône la marche sensible comme une écriture haptique in situ.
Le silence (habité), la lenteur, le ralentissement, sont des éléments essentiels à l’installation d’une écoute collective, engagée, partagée.

Trames blanches, zones calmes…

Je réfléchissais, il y a peu, a un itinéraire pédestre pour aller de chez moi au centre-ville, en empruntant des trames blanches, ou des parcours relativement protégés acoustiquement, sans être pour autant silencieux. Longer, via un parc, un ruisseau, puis emprunter un passage piétonnier, revenir en enchainant deux parcs… Certes, un peu de distance ajoutée, mais les oreilles ne s’en porteront que mieux. Sans compter le fait de savoir que ces corridors acoustiques apaisés protègent la biodiversité, via une communication sonore animale favorisée. Cela marche d’ailleurs en milieu rural comme dans l’hyper-centre de grandes métropoles. Au-delà du sensible, ou plutôt associé au sensible, ces approches acoustiques apaisées, de parcours piétonniers, même non aménagés en tant que tels, ne sont à mon avis que peu explorés dans l’aménagement du territoire et les mobilités douces. De plus, le couplage des zones de fraicheur estivales, des trames blanches et des zones calmes, ne peuvent qu’apporter un supplément de qualité de vie non négligeable.

Marches écoutantes et PAS – Parcours Audio Sensibles

Si les marches écoutantes sont bien sonnantes, elles ne doivent pas pour autant être trébuchantes. Bien que le fait de trébucher n’est pas forcément chuter, et que la chute n’est pas un chut. Chut est une injonction au silence, ce qui n’est pas forcément, contrairement au proverbe, une absence de parole, une posture taiseuse, qui vaut de l’or. Silence dans les rangs ! Une façon de faire taire les dissidences, ou de ne pas, sciemment, les entendre. Silence on tourne ! Pas forcément en rond, si l’oreille fait son cinéma, ou si l’on écrit un cinéma pour l’oreille. Acheter le silence, en monnaie sonnante et trébuchante, voire à prix d’or, n’est pas, en soi, un gage d’honnêteté. 
Quant à la marche, il faut bien franchir le pas pour qu’elle nous fasse avancer. Du pas de la porte ou pas de l’ouïe, le chemin colimaçonne lorsque le son sonne. En avant marche ! Une manière de mettre l’oreille ou pas, cadencé, ou pas. Le pas de côté peut nous éviter la marche forcée, dirigée, et nous faire découvrir des sons canailles. Son dessus dessous, il faut que la marche franchisse, gravisse ou dévale, les marches, les degrés, dans un spectre sonore et dynamique le plus large que possible. La marche-démarche ne force pas à l’arrêt, bien au contraire. Sinon, il est parfois bon de mettre la marche, et le flux sonore arpenté sur pause. Non pas pour l’arrêter, geste impossible, mais pour se poser, se reposer, pour se protéger du chaos sonore ambiant. Pose comme une posture d’écoute et point d’ouïe, et pause comme un repos auriculaire bien mérité et nécessaire. Pause pour ne pas toujours courir, surtout après les bruits qui courent.

PAS – Parcours Audio Sensible à Chevaline la Combe d’Ire, Festival des Cabanes

Desartsonnants pose les oreilles à la Combe d’Ire, tout près de Faverges, dans un magnifique paysage haut-savoyard.
Il est invité, dans le cadre du Festival des cabanes d’Annecy, par Studio Forum Le bruit de la neige, ceux-là mêmes qui organisent le Prix international de composition électroacousique Luigi Russolo.

Le site choisi est absolument superbe. Une petite route forestière, les rives d’une rivière-torrent, l’Ire, qui, comme son nom colérique l’indique, peut se montrer capricieuse et bouillonnante.
Ce jour-là, elle serpente gentiment entre des rives de galets et un environnement. Joliment boisé, le temps étant, malgré les orages annoncés, très clément, voire très agréable.

Une cabane, puisque c’est un thème de ce parcours, servira de base à la très courte promenade qui tournera autour de cette architecture de petits cubes de bois regardant et écoutant la rivière à ses pieds.
Cette cabane architecturée, Galli – Chevaline « Combe d’Ire » est dessinée et conçue par les architectes Jonathan Pailleux, Victor Vazquez, Xavier Loureiro, Iker Pastor Irusta.

Il y a déjà longtemps que j’envisageais de promener des oreilles autour de l’œuvre d’Henry David Thoreau, et en particulier autour de son livre « Walden ou la vie dans les bois», avec ses visées pré-écologiques bien avant l’heure, sa recherche sur une forme de décroissance autarcique, son approche naturaliste, philosophique, et éminemment poétique. Vous l’aurez compris, cet ouvrage est pour moi, avec l’essai de ce même auteur autour de la marche « Walking », un jalon très inspirant dans mes approches écoutantes. Cet écrivain philosophe, lié au mouvement transcendantalisme, dans ses formes de communion avec la nature, de Ralph Emerson Waldo, est également profondément anti esclavagisme et abolitionniste, père de la Résistance civile, naturaliste humaniste, et pour moi une référence quasi incontournable.
L’occasion était là ! Une cabane, une forêt, de l’eau, un superbe paysage, le cadre idéal ! Je commençais tout naturellement à relire ce livre de chevet, et d’en extraire, avec l’aide de la technologie numérique de la recherche de mots via les docs PDF, des passages significatifs, ceux où Thoreau écrivait des gestes d’écoute, les cloches, la forêt, les animaux, les bergers et le train, nouvel arrivé. À propos de ce dernier, notre naturaliste écrivait que si on ne contrôlait pas les progrès technologiques, ceux-ci pourraient bouleverser irrémédiablement l’équilibre de nos paysages ambiants. Ces propos en avertissement, dès 1893, sonnaient déjà comme une alerte des plus pertinentes et visionnaires, qui s’avèrent hélas aujourd’hui plus que jamais d’actualité.
Ce collectage étant fait, il restait à mettre en pratique in situ un parcours qui alternerait silences/écoutes, lectures, jeux sonores et micro-installation sonore, autour de contes forestiers écrits préalablement avec des enfants et des écrivains dans une forêt libournaise.
En préambule, je parlerai de l’écoute et de l’écologie sonore, mêlant ainsi, à quasiment un siècle d’écart, les travaux de Raymond Murray Schafer (1933-2021), père du paysage sonore et de l’écologie acoustique, initiateur du World Soundscape Project, à ceux d’Henry David Thoreau (1817 -1862).
La présence aquatique, qui plus est dans l’intimité d’une combe montagnarde, est un contexte idéal pour expérimenter, à oreilles nues, quelques postures d’écoute collectives. Le flux sonore, bruit blanc parfois discret, parfois prenant, offre des points d’ouïe variés, qui colore différemment le paysage auditif, avec de belles variations en quelques mètres, au fil de méandres caillouteuses.
D’ailleurs, en parlant de cailloux, c’est en voyant un jeune enfant jouer avec les galets roulés, polis par les eaux, que j’improvise un mini concert minéral, où chacun et chacune fait sonner le paysage de petites percussions crépitantes.
De courtes lectures, à voix nue, ponctuées de silences habités de mille sonorités ambiantes, prêtent voix à Thoreau qui, j’imagine, aurait apprécié à sa juste valeur la beauté des lieux.
Notre promenade se termine, comme très souvent, par une causerie autour de l’écoute, des paysages sonores, de ses richesses et fragilités, mais aussi des écritures sonores, paysagères, électroacoustiques, et des cartographies sonores de territoires, tant dans leurs aspects esthétiques, qu’environnementales et sociétales.
Petit supplément sensible et non des moindres, le plaisir de déguster une délicieuse petite friture de lac , accompagnée d’une Mondeuse locale très goûteuse et fruitée, sans compter quelques autres mets généreusement cuisinés par mes hôtes.

Merci notamment à Philippe Blanchard, dit Felipe ou Lieutenant Caramel, sa famille, l’ équipe Nautilus – Bruit de la neige pour la qualité de leur accueil

@photo Philippe Blanchard – Nautilus – Le bruit de la neige

Paysages et cartes postales sonores vaudaises

Entre février et juin 2025, durant cinq interventions avec une classe de 3e CHAAP (Classe à Horaires Aménagés Arts Plastiques) du collège Pierre Valdo de Vaulx-en-Velin, nous avons exploré les paysages sonores dans la proximité du collège. La toute proche École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon (ENSBAL) a été le principal partenaire de ce projet. La Métropole de Lyon, Mission éducation artistique et bien évidemment l’Éducation Nationale étant également de la partie.
Les interventions se feront en duo avec l’enseignante artiste plasticienne Lou Nugues. L’objectif du projet étant de prendre conscience des paysages sonores ambiants, notamment par la réalisation de cartes postales sonores réalisées via des écoutes , et prises de son à proximité de l’établissement, essentiellement sur le parcours reliant le collège à l’École d’Architecture.
Une première séance a été consacrée à définir ce qu’étaient les différentes formes de paysages sonore, alternant écoute et dialogues. Qu’entend t’en lorsque l’on tend l’oreille ? Existe-t-il des signatures sonores qui caractérisent notre quartier, notre ville ? Comment ressent-on le monde sonore, entre plaisir et déplaisir ? Comment améliorer les ambiances acoustiques, les rendre plus entendables, notion d’écologie sonore et de bien-être ? Comment capter des ambiances et sonorité (promenades écoute et enregistrement de terrain) ? Comment raconter des histoires pour les oreilles en s’appuyant sur les sons du territoire (montage audionumérique) ? Comment installer des sons pour les faire entendre ?
Des exercices de description orale sont expérimentés, le fait de commenter en direct ce que l’on voit et entend par exemple. Des bruitages vocaux, corporels seront également inclus aux montages.
Des ateliers dans lesquels marche, écoute, captation et cuisine sonore s’enchaineront.
Un terrain est défini, reliant le collège à l’école d’architecture via une ruelle piétonne, plus un bout de forêt voisine.
Nous arpentons, écoutons et enregistrons collectivement le passage jouxtant le collège. Les ambiances et événements sonores ne manquent pas. Groupes de promeneurs, joueurs de tennis, enfants sortant d’une école voisine, bruits de pas, portail grinçant, travaux extérieurs sur le site de l’école d’architecture… La matière sonore est là, et bien là, riche, variée, dans un environnement équilibré, échappant à l’agitation urbaine des Grands Boulevards voisins.
Plus tard, nous utiliserons les studios de création sonore, de l’école d’architecture, très bien équipés et d’excellente qualité, pour commencer, une écoute collective critique. Qu’est-cet qui, dans les enregistrements de terrain effectués, ce qui fait sens, est suffisamment qualitatif, esthétiquement et techniquement pour être conservé, exploité ?
Première étape de dérushage, que garde-t-on, quelle matière, séquence, utiliserons-nous prioritairement ?
Nous parlerons également scénario et récits. Quelle(s) histoire(s) raconter par les sons , Comment trouver une trame narrative, un fil rouge, une dramaturgie sonore ?
Nous envisagerons par ailleurs les façons de mettre en scène nos cartes postales sonore dans la « rue centrale » de l’ENSBAL. Un îlot et des postes d’écoute ? Les titres, des textes, des graphismes… ?
Les quatre groupes constitués feront des choix esthétiques pour présenter, mettre en scène publiquement leur travail lors d’un rendu final, où seront présentés les différents travaux du collège (promenades sensibles, danse et architecture, matériaux recyclés, paysages sonores).

• « Sculptures et dessins. Thématique de la friche / outils de l’architecte »
Élèves de 6e 
Collaboration avec l’artiste Claire Georgina Daudin et des architectes-ingénieurs Amandine Martin-Nafti et Romane Petit (ADE ENSAL 2020) de l’association N.U.A.G.E – New urban architect generation esthetic.
• « Jane’s Walk, travail sur le patrimoine »
 Photographies, textes et livrets. Exposition relatant la marche créée à l’occasion du festival Jane’s Walk – Élèves de 5e 
Collaboration avec l’urbaniste Lucie Van Der Meulen de latelier Minga, présidente du collectif Jane’s walk grand Lyon. 
• « Travail sur le corps et l’architecture »
 Maquettes, photographies et textes. Exposition présentant le travail engagé – Élèves de 4e
 Collaboration avec l’artiste et chorégraphe Jordi Gali du collectif Arrangement provisoire.
• « Cartographie, carte postale sonore »
Installation sonore – Élèves de 3e 
Collaboration avec l’artiste Gilles Malatray

Durant une semaine, les projets seront exposés. Le soir du vernissage, l’’ENSBAL accueille les responsables de l’école, enseignants du collège Pierre Valdo, partenaires officiels du projet, artistes, intervenants, et surtout les élèves et des parents, frères et sœurs.
Après la présentation générique du projet par les responsables des établissements partenaires, puis par les artistes ayant encadré les créations, c’est au tour des élèves d’en parler publiquement, à chaud dirais-je. Et les volontaires le font de façon spontanée, très impliquée, non sans une légitime fierté, leur travail, devant les amis, officiels, parents.

Lien Archivaldo ENSAL

Liens des histoires sonores en écoute
Paysages sonore vaudois #1
Paysages sonore vaudois #2
Paysages sonore vaudois #3
Paysages sonore vaudois #4

Comme un musée des sons, points d’ouÏe

Comme un musée des sons !

Une exposition acoustique à ciel ouvert nous accueille.

Des zooms sur des points d’ouïe sont installés.

Mais seule l’écoute est vraiment installée.

Une installation sonore est bien là, à portée d’oreille, doucement spectaculaire.

Un parcours de sites acoustiques nous invite.

Un guide, souvent silencieux, nous y conduit.

Des récits auriculaires à 360° s’écrivent et se racontent.

L’écoute crée le paysage, ou participe à l’incarner.

Le paysage nous saute aux oreilles.

La vie qui sonne et qui résonne nous interpelle.

Des gestes collectifs nous relient.

Des bonnes ententes sont partagées.

Une sobriété écoutante est de mise.

Sobriété culturelle

@Workshop parcours d’écoute (feu) Post diplôme Création sonore – ENSBA de Bourges

Au jour où la culture souffre des restrictions, voire de violents coups de sabres budgétaires, où les finances privilégient l’armement, l’IA, les satellites, elle doit se repenser plus solidaire, impliquée, peut-être plus modeste, plus proche du terrain et de ses habitants. Elle sera sans doute moins énergivore, plus économique, dans tous les sens du terme. La notion de sobriété culturelle, et certainement de ralentissement, plus ou moins forcés, mais aussi assumés, sont des axes qui peuvent stimuler des projets responsables. Utopie ou vœux pieux ? En tout cas, cela vaut la peine d’y réfléchir, sinon d’expérimenter des formes légères, mobiles, situées, en interaction avec les territoires. Desartsonnants, et d’autres, s’y penchent depuis pas mal d’années, et constatent aujourd’hui que ces gestes, entre notamment marche et écoute, empreints de préoccupation sociétale, sont plus que jamais d’actualité. De plus, c’est une approche écosophique qui entre de plain-pied, de pleine-oreille, avec une forme d’éthique, dans sa façon d’entendre et de faire entendre, modestement, le monde.

Paysages sonores, qu’est-ce qui se trame ?

Penser le paysage qui se trame en vert (corridors végétaux), bleu (corridors aquatiques), noir (corridors obscurs), blanc (corridors silencieux, ou apaisés), brun (corridors des sols préservés), en maillant zones calmes et ilots de fraîcheur, est une façon coordonnée de protéger, voire d’aménager des espaces de vie plus soutenables.


Le paysage sonore, par exemple, est d’autant plus audible dans son audio-diversité, que ces trames corridors sont pensées de manière concomitante et concertée.
De plus, les approches sensibles, artistiques, esthétiques, croisées avec celles scientifiques, dures ou sociales, seront d’autant plus riches qu’elles hybrideront des pratiques transdisciplinaires, voire indisciplinées.

Indisciplines : https://drive.google.com/file/d/1m9F84m6403dc3wd7ixI7m7BnW404I_Di/view?usp=sharing

Marcher droit, ou prendre les chemins de traverse

@photo CRANE-Lab – PAS -Parcours Audio Sensible nocturne – rencontres acousmatiques

Marcheur écoutant, j’essaie d’envisager le geste de mettre un pied devant l’autre de façon ouverte, indisciplinée, préservant une part d’incertitude féconde.
Les marcheurs et marcheuses, chercheurs et chercheuses, artistes de tout bord ont en effet, et parfois moi le premier, tendance à cadrer une forme de marche, une esthétique, une fonctionnalité, servant de balises à leurs objectifs.
Marche esthétique, artistique, touristique, sportive, militante, contestataire, en hommage, en résistance… toutes les marches sont dans la nature, mais en ville aussi. Marches solitaires, collectives, festives, silencieuses, les traversées paysagères, de jour comme de nuit, prennent de multiples formes, des plus discrètes aux plus tapageuses.
L’expérience d’une rencontre internationale que j’ai eu le plaisir de co-curaté, « Made of walking », à la Romieu, dans le Gers, pour laquelle près d’une centaine de marcheurs et marcheuses de tout crin se sont retrouvés, venant de pays très différents, m’a fait vivre de riches moments partagés. Les expériences in situ, échanges, pratiques artistiques, politiques, écologiques… ont contribué à me faire vivre, concrètement, physiquement, des façons de marcher d’une incroyable multiplicité, plasticité, et souvent d’une belle porosité, voire indisciplinarité, dans leurs approches et visées.
Pour autant, il n’est pas question de s’auto-proclamer spécialiste multitâche et omniscient, mais plutôt d’ouvrir des portes à des pratiques croisées qui puissent faire de la marche une problématique à une recherche-action de terrain.
Certes, l’écoute reste pour moi le moteur, le liant, le fil rouge de mes déambulations. Cependant, la marche a pris au fil du temps une certaine épaisseur, polyvalence, et m’offre aujourd’hui plus de chemins de traverse venant contrarier les lignes droites bien balisées. La marche autorisant des chemins de traverse, erratiques, où se perdre fait partie du jeu, où l’improviste et l’improvisation sont assumées, voire conviées, où l’hybridation de pratiques décloisonnées, pimentant l’aventure, nous fait oser de joyeuses incertitudes.

Éloge du hors-champ, ce que saisit l’oreille en matière d’invisible

Marche et écritures poétiques

Le hors-champ au cinéma, ou hors-scène au théâtre, est par définition ce qui sort du cadre. Cadre scénique, cadre filmique, des personnages ou événements sonores, par exemple, se perçoivent tout en n’étant pas dans le champ visuel. On les entend souvent, voix en coulisse, ambiances et bruits divers, musiques, sans les voir, après qu’ils aient quitté notre cadre de perception visuel, ou parce qu’ils s’en tiennent, volontairement ou non, éloignés.
Effet d’espace, effet de style, on ne voit pas tout ce que l’on entend. Il existe un espace élargi, qui donne lieu à des images mentales, à des représentations et interprétations du non visible. Le monde du sonore, de la création audio, de l’écoute, est ponctué de hors-champs, maitrisés, conceptuels, ou non.
L’invisible s’invite à l’oreille, et amène une couche perceptive, un niveau d’information supplémentaire. L’oreille y est logiquement très sollicitée. Greeneway, Ackerman, Tarkovski, Lynch, dans le monde cinématographique, entre voix off, ambiances et suggestions sonores, font du hors-champ un procédé narratif où le sonore joue un rôle prépondérant.
Mais les situations de hors-champ ne sont pas propres au seul cinéma, ou à la scène théâtrale.
La mise en écoute d’environnements sonores, d’espaces acoustique, le concept du paysage sonore comme un espace de représentation et d’écriture pour et par l’oreille, nous permettent de vivre de nombreuses situations de hors-champs auditifs.
J’en présenterai ici quelques-unes, relatives à mes propres expériences d’écoutant.

Des forêts et des oiseaux
En forêt, la majorité des oiseaux sont invisibles, mais bien présents à l’écoute. Les ornithologues, bio et éco-acousticiens se fient donc de préférence à leur oreille, et à des dispositifs d’enregistrements numériques pour tenter de les identifier, dénombrer, et faire des états des lieux concernant leur présence, absence, migrations, sur des territoires donnés.
Ces hors-champs audio naturalistes, au-delà des approches scientifiques, sont aussi des espaces d’écoute sensibles pour s’immerger dans les espaces acoustiques forestiers, avec la magie des chants d’oiseaux, notamment lors des chorus Dawn, que l’on pourrait traduire par chants de l’aube ou réveil des oiseaux. Moment magique et impressionnant pour qui s’aventure en forêt à l’heure bleue, juste avant le lever du jour, et qui vit une expérience immersive où, à défaut de voir les oiseaux, entend ce grand chœur avien qui réjouit l’oreille d’un immense hors-champ matinal. L’espace est peuplé d’un immense concert du matin, où les oiseaux sont majoritairement invisibles, mais ponctue les lieux d’un incroyable pointillisme quasi musical.

Un banc, une ville, une nuit
C’est une expérience montoise, une cité wallonne, lors du festival, City Sonic, où je m’installe, à nuit tombée, sur un banc public dominant la ville. La Grand-Place en contrebas à gauche, un square au pied de la petite colline où je suis installé, le grand beffroi carillonnant ponctuellement à l’arrière, autant de sonorités qui me parviennent dans une superbe spatialisation, dans l’obscurité de la ville. J’adore ce point d’ouïe panoramique, surtout les vendredis et samedis en soirée, là où les étudiants sont en goguettes, où les cris, les rires et les chants éclaboussent le centre de Mons. Ici aussi, dans cette petite ruelle peu passante, la majorité des sons ne se manifestent qu’à l’écoute, et d’autant plus présents que l’obscurité est installée. Une ville assez bouillonnante en écoute se dessine à l’oreille, sur un banc d’écoute où je reviens régulièrement, de soir en soir, d’année en année..

Un concert acousmatique, cinéma pour l’oreille
Début des années 80, je découvre la musique électroacoustique, ses dispositifs multicanaux, et la spatialisation des sons qui se promènent de haut-parleur en haut-parleur. L’espace musical est, dit-on, acousmatique, on n’en voit pas les sources. Écoutez, il n’y a rien à voir ! Le principe de ces musiques étant d’êtres des tissées de « sons fixés », selon l’appellation de Michel Chion, où l’approche concrète de Pierre Schaeffer, n’implique pas la présence de musiciens interprètes, hormis les cas de musiques mixtes, fait que les sources sonores ne sont pas visibles. Les auditeurs étant souvent plongés dans l’obscurité pour renforcer l’immersion. On pourrait dire ici que la mise en situation d’une écoute immersive, généralement sans image, est un bain sonore de hors-champs total, celui que Chion définit comme un « cinéma pour l’oreille ». Le fait que l’écoute s’affranchisse de la vue, du geste musical interprété sur scène, est propice à la fabrication d’images mentales, d’impressions et de ressentis intimes et intérieurs, qui nous place dans un paysage sensoriel mouvant, fugace. Nous sommes hors du champ d’une réalité musicale avec une scène frontale et relativement figée ou « calibrée » au niveau des positionnements des sources sonores. Bien sûr, d’autres dispositifs spatio-temporels existent, et parfois depuis longtemps, où sont aménagés pour diffuser et installer des œuvres spécifiques, autour des auditeurs, avec tous les hors-champs scéniques et hors scéniques possibles.

Le lointain tout près de chez moi
Un muret, tout contre la maison que j’occupe, me sert d’assise écoutante, surtout en fin de soirée, et de préférence aux « beaux jours ». La route voisine est assez peu circulante les week-ends, et laisse l’espace sonore se déployer au loin, l’oreille pouvant étendre, étirer son écoute jusqu’aux collines avoisinantes. C’est ainsi que les chants de rapaces en chasse, des trains ferraillant au loin, des voix d’enfants au bout d’un parc, tissent l’espace de sonorités invisibles, et pourtant parfaitement identifiables et localisables. On peut suivre de l’oreille, des trajectoires sonores, se représenter mentalement les topologies locales, les reliefs, situer le mouvement d’un train quittant la gare, ou y faisant escale, la cloche en haut de la ville. Là encore, le regard n’est pas le sens premier, voire est parfaitement inopérant pour entendre et se représenter la géographie acoustique des lieux. Les bribes sonores voyageant au fil des réverbérations paysagères, parfois des échos collinaires font du hors-champ un catalyseur d’écoutes situées, d’ambiances constituant des marqueurs et signatures d’identités sonores locales. Celle qui nous fait de l’oreille se sentir un peu chez nous.

Des porosités dedans/dehors, privé/public
Je me promènerai ici dans les dédales lyonnais bien connus que sont les traboules. Escaliers, passages couverts et cours intérieures me feront « débarouler » les pentes de la Croix-Rousse, ou traverser en zigzaguant le quartier historique du Vieux Lyon.
Les lieux points d’ouïe qui m’intéressent ici, comme des hors-champs auditifs remarquables, sont les cours intérieures, voire des cours à ciel ouvert, mais encastrées dans une série de sas architecturaux, les coupant de la frénésie urbaine toute proche.
Pourtant, malgré le côté oasis acoustique avéré, ces cours ne sont pas, tant s’en faut, muettes. En été, aux heures chaudes, en fin de soirée, de nombreuses fenêtres s’ouvrent sur ces puits sonores. On y entend, sans la voir, la vie, s’échappant par bribes sonores des habitants et habitantes. Sons de cuisine, de radios ou télés, de voix, de fêtes… Le privé, l’intime, s’échappent et s’entendent dans des espaces publics, ou semi-privatifs, en ouvrant le dedans sur le dehors, et vis versa. Cette situation d’écoute que l’on pourrait qualifier d’acousmatique – écouter sans voir est magnifiée, si je puis dire, de hors-champs qui animent les espaces d’un dynamisme où la vie déboule à ciel ouvert. Situation qui impulse des parcours d’écoute aussi riches que variés. Des sonorités sont amplifiées, enrichies, par les réverbérations d’espaces architecturaux, minéraux et très circonscrits, qui ravissent les oreilles écoutantes.

Des hors-champs à profusion, des signatures sonores
Dans cette approche exploratoire de hors-champs écoutables, entendables, on s’aperçoit que l’entendu invisible est monnaie courante dans les environnements traversés, arpentés. À tel point qu’ils contribuent à entendre de véritables signatures sonores, des marqueurs acoustiques, des points d’ouïe remarquables. L’oreille se saisit de l’invisible pour construire des paysages sonores inouïs, en tout cas pour celles et ceux quoi ne leur prêtent pas l’oreille.
Une certaine forme de sons/silences s’écoute en l’absence d’images, ou sans en voir l’origine des sources, ce qui peut parfois générer quelques inquiétudes, sinon peurs, dans l’exubérance sonore d’une forêt profonde, ou par un petit cliquetis perçu de nuit dans une ruelle étroite et sombre.
Néanmoins, les hors-champs restent à la fois une singularité auditive tout à fait excitante, et une expérience esthétique et sociale qui réjouissent notre écoute tout en nous renseignant sur les écosystèmes sonores dans lesquels nous vivons.

Installer le silence, donner lieu(x) aux sons

Silence on écoute
Silence on marche
Silence pour s’entendre entre les sons
Silences pour ressentir les espaces
Silences pour être dans l’ambiance
Silence pour se poser dans l’acoustique
Silence pour rythmer l’écoute
Silence pour s’immerger en douceur
Silence pour traverser la ville et ailleurs
Silence pour souder un groupe écoutant
Silences pour jouir des paysages sonores
Silence pour construire des paysages sonores
Silence pour apaiser l’espace
Silence pour ralentir le temps
Silences pour expérimenter les silences
Silence pour donner lieu(x) aux sons.

Des marches, amorces de chantiers d’écoute

Des gestes
Arpenter, mesurer, se mesurer aux territoires sensibles et à l’altérité co-écoutante
Entendre, s’entendre, mieux s’entendre
Débattre, échanger, partager
Résister, déchiffrer, défricher
Co-construire un monde écoutable et entendable

Un projet
La marche écoutante, le PAS – Parcours Audio Sensibles, sont des espaces-temps propices à ouvrir l’oreille sur des territoires en mouvement, à créer des zones de dialogues, de réflexions, d’expérimentations collectives, autour de problématiques auriculaires qui font communs.

Des approches (non exhaustives)
La forêt, la présence de l’eau dans le territoire, la ville, la nuit, la montagne, les sites et acoustiques remarquables, la pollution sonore, les aménités paysagères, l’écologie acoustique, l’écoute active, la lecture de paysages sonores, les pédagogies écoutantes actives et leurs outils, l’écoute dans l’éducation populaire, les pédagogies émancipatrices, l’écoute et les droits culturels, l’aménagement du territoire au prisme de l’écoute, la gestion du bruit, les inventaires et cartographies sonores, les approches transdisciplinaires et indisciplinées, les tiers-lieux et tiers-espaces comme espaces d’écoutes et de production, les communs auriculaires, les outils législatifs et sensibles, le paysage comme espace de création sonore et musicale, les espaces de résistance et de contestation entre silences et tumultes, les oasis sonores apaisants aménagés et protégés, les points d’ouïe-arrêts sur son, les postures d’écoute physiques et mentales, la construction et représentation de territoires sonores, le sonore entre physicalité et immatérialité, l’architecture sonore et le son comme espace architecturé, l’écoute le ralentissement et la lenteur, les fabriques écoutantes contextuelles et in situ, l’expérimentation sonore collective, le plaisir et la joie d’entendre, paupérisations disparitions et saturations de paysages fragiles…

Contact

desartsonnants@gmail.com

0033(0)780 061 465

La marche, une façon d’avancer en mode doux

Aller d’un point à un autre, relier, traverser un quartier, une ville, en marchant, c’est véritablement une mobilité douce, selon les aménageurs, mais aussi les artistes et acteurs culturels.
Le piéton, le flâneur, l’arpenteur, sont des gens qui marchent, en prenant le temps de regarder, sentir, écouter, goûter, réfléchir, vivre…
La marche contribue à développer une empathie territoriale, à mettre en résonance le passant et la passante, le traversant et la traversante, avec des espaces vivants, des proximités affectives, d’autres passants et passantes, des choses et des êtres…
La marche chorégraphie des lieux à sa façon. Elle inscrit des corps réceptifs, haptiques, cognitifs, sensibles, dans l’espace public, ou privé. Elle trace des cheminements, écrits des parcours, œuvre, souvent sans laisser de traces, si ce n’est des ambiances et des gestes gravés dans la mémoire.
La marche est une façon d’aller vers, à travers, dans, par, avec…
La marche collective est une bande passante, dans tous les sens du terme.
Elle permet de mieux s’entendre avec…
La marche, même semée d’embûches et de chausse-trappes, attention à la marche, est une recherche de douceur solitaire ou partagée qu’il nous faut considérer et pratiquer comme un art de vivre. De bien ou de mieux vivre.

Quelques points d’ouïe, moments d’écoute

Une forêt au printemps
Le long d’une rivière, à la même époque
Le réveil des oiseaux, juste avant le jour levant
Une ville de nuit
Une église, à l’intérieur
Un belvédère, un surplomb
Un parking souterrain, au plus profond
Un cimetière
Une gare
Les cris de marmottes guetteuses
Une cour intérieure
Un tunnel
Un marché
Une rue ou place publique avec des chanteurs de rues
Une combe jurassienne
Une plage, un jour tempétueux
Des clarines de troupeaux en alpage
Une galerie commerciale
Une salle de sports
Un bagad ou une fanfare qui passe
La pluie sur un toit de tôle, ou d’autres matières
L’orage en montagne
Le vent qui fait chanter, claquer
Une vente à la criée
Un torrent au détour d’un sentier
Une terrasse de bar, de restaurant, des voix festives
Des volets qui claquent au vent, d’autres qui se ferment et roulent à nuit tombante
Des pas de danse sur un parquet
Des cloches carillonnantes
Des séracs qui s’écroulent
Des sons disparus aussi
Et tant de choses encore, qui surgissent et s’évanouissent ici et là.

Classes-promenades, oreilles tendres et aguerries

1909, Edmond Blanguernon, poète et inspecteur académique en Marne, expérimente les premières « Classes promenades ». Des explorations thématiques, marchées, bimensuelles, soigneusement préparées, à destination du public scolaire. Elles seront intégrées aux programmes pédagogiques vers 1920, reprisent par Freinet (classes-ateliers), et inspirent aujourd’hui « l’école dehors », ainsi que des recherches de Thierry Paquot sur les enfants « chercheurs d’ors » et la « ville récréative ». Je les découvre tardivement, et me sens parfaitement en phase avec ces marches apprenantes, ludiques, où tendre l’oreille tendre (référence à l’essai éponyme d’Anne Bustaret) est plus que jamais pour moi une priorité. Priorité non seulement à destination des enfants, mais priorité pour tout le monde. À l’heure où le monde est de plus en plus complexe, emballé, interconnecté, où l’urbanité fractionne et cloisonne, souvent violemment, les espaces publics, où les enfants, et parfois les « grands », perdent peu à peu le contact avec le monde extérieur, il est urgent de jeter sur nos milieux de vie, une oreille, un regard, de (ré)apprendre des façons de jouer, de toucher, de gouter, de se déplacer, de faire collectif… Les PAS – Parcours Audio Sensibles s’inscrivent dans ces approches tout à la fois esthétiques, pédagogiques, et plus largement sociétales. Ils ne changeront pas le monde, mais cherchent, modestement, à trouver et à préserver des espaces d’écoutes et d’échanges partagés, sur le terrain-même.

Promenades écoutantes avec des scolaire de la CALI (Communauté d’Aglomération du Libournais) PREAC L’Art de grandir – Fictions de la forêt

Les classes – promenades – Textes de la Revue pédagogique – Juin 1920

Paysage à portée d’oreille(s), une installation sonore

@Événement CRANE-Lab – Inauguration d’un point d’ouïe – Prieuré de Vausse Chätel Girard (21) – Festival Ex-VoO 2016

Choisir un lieu
s’y poser
s’y reposer
s’y installer
y installer l’écoute
collective
attentive
rêveuse
simple
surprenante
à oreille nue
profiter de la richesse sonore ambiante
en jouir
s’immerger dans les sons
apprécier les espaces acoustiques multiples
les mouvements sonores complexes
accueillir les aléas
les événements impromptus
et d’autres surprises auditives
renouveler l’expérience d’écoute installée sur différents lieux
tracer un parcours
le suivre
fabriquer des points d’ouïe de concert
faire de l’expérimentation sonore un chantier d’écoute à ciel ouvert
avoir une écoute critique
partagée
sensible
vers de curieuses auricularités.

Conférence « Musiques et sons en paysages, et inversement

Comment des compositeurs, de Clément Janequin à Frédéric Acquaviva, en passant par Luc Ferrari et bien d’autres, puisent de la matière sonore « environnementale » pour (re)composer des paysages sonores inouïs ? Comment des artistes sonores, par le field recording, l’écologie acoustique, l’audio-naturalisme, les soundwalks, proposent de nouvelles postures d’écoute autour de sujets brulants d’actualité ? Comment les rapports architecture, sculptures et installations sonores, ont créé des espaces d’écoute qui nous immergent dans des ambiances aussi inattendues qu’inentendues ? C’est ce que j’essaie de montrer et de faire entendre dans la conférence-causerie « Musiques en paysages, et inversement ». Notons que celle-ci peut être couplée avec un PAS – Parcours Audio Sensible, pour expérimenter physiquement des situations d’écoute in situ.

Desartsonnants reste à votre écoute pour en discuter de vive voix !

Merci à l’association ACIRENE, à Transcultures/City Sonic, au feu GMVL de Lyon, CRANE Lab, et bien d’autres structures et ami.es, s’avoir alimenté cette réflexion et ressources, au fil des nombreuses années à avoir expérimenté des situations d’écoute et des échanges tous azimuts.

@photo Raymond Delepierre – Desartsonnants sur et dans un Oto Date d’Akio Suzuki. « Sentier des Lauzes », PNR des Monts d’Ardèche.

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Point d’ouïe, paysages sonores en état de conscience

Cimetière de Saint-Martin – BrestPAS – Parcours Audio Sensible Festival Longueur d’Ondes 2025

Parfois, nous (re)prenons conscience de notre environnement, de notre propre corps écoutant, via des perceptions sensibles, ignorées par leur omniprésence-même. Chercher ses lunettes avant de nous apercevoir que nous les avons sur le nez, ne plus entendre la ventilation de son bureau tant elle envahit les lieux, à longueur de journée, en sont quelques exemples du quotidien.
Il y a quelques jours, lors d’un échange suivant un PAS – Parcours Audio Sensible brestois, dans le cadre du festival de création radiophonique « Longueur d’Ondes », cet état de perception révélée, ou de non perception, a été évoqué, comme très souvent dans ce genre d’expérience. Le fait de marcher lentement, en groupe, en silence, de se laisser traverser, porter, immerger, par les ambiances sonores, ramène le paysage auditif à la surface, avec le plaisir de le ressentir de tout notre corps, d’avoir « les oreilles qui poussent », m’a dit une participante. C’est à la fois une jouissance physique, mentale, et une prise de conscience de choses enfouies sous leurs répétions, leurs quotidiennetés. Il s’agit parfois d’une forme de retrouvailles avec nos lieux de vie, qui nous révèlent les plaisirs, et parfois déplaisirs, liés aux espaces auriculaires traversés. C’est là qu’apparait, que s’incarne, le paysage sonore, propre à chacun et chacune, en émergeant d’une invisibilité, ici d’une inaudibilité, qui nous les cache, et que nous retrouvons, ou découvrons, non sans plaisir.

Photo : Quartier Saint-Martin, lieu de notre exploration auditive. Un passage surprenant dans le cimetière, un sas acoustique, oasis sonore, au cœur d’un quartier bien vivant. Un panoramique sur la ville portuaire, et les rumeurs apaisées environnantes.

Vers 2025

Entre un ancrage Beaujolais vert, avec l’Atelier-Tiers-Lieu d’Amplepuis, et notamment une approche des « Nourritures terrestres côté cuisine », des explorations liés aux arts numériques, des réseaux à tisser…
La mise en chantier d’une cartographie sonore amplepuisienne.
Un nomadisme conduisant Desartsonnants dés le mois de janvier à Chambéry, auscultation collective du quartier Biollay, puis au Festival Longueur d’Ondes à Brest pour de belles rencontres.
La poursuite du projet Bassins Versants l’oreille fluante, avec le bidouillage d’un instrumentarium audionumérique pour installer ou improviser des paysages sonores aquatiques, ou autres…
Un récit en parcours d’écoute, un festival de cabanes savoyard, un bout de forêt, avec lectures de Thoreau et de son approche pré-écologique du monde par les oreilles.
Autre histoire vagabonde, entre promenades écoutes, danse et arpentages géographiques à Épinal.
Une nouvelle audio-excursion belge, au fil des ans, Desartsonnants ne s’en lasse pas.
Et d’autres chantiers sous l’oreille.
L’année 2025 se profile, plus incertaine que jamais…

Paysages sonores, en corps et toujours

@ Transcultures – PAS – Parcours Audio Sensible à Mons (Be) Festival City Sonic

Comme le paysage sonore n’existe pas sans l’écoutant, sans l’écoute de l’écoutant, sans le corps écoutant, sans la pensée sensible, volatile, versatile, multiple de l’écoutant, il faut donc le fabriquer de toute pièce. Il est nécessaire de le reconstruire dans chaque lieu et moment, et ne jamais prendre pour acquise une idée de paysage sonore comme une représentation figée de type carte postale.
C’est une chose qui a cheminée longtemps dans ma tête, mon corps, pour s’incarner progressivement au fil des expériences situées. Ce n’était pas du tout une évidence lorsque j’ai commencé à tendre l’oreille et a arpenter des territoires au gré de leurs textures sonores. Je constate aujourd’hui que beaucoup ne se reconnaissent pas dans cette approche, voire refusent de reconnaître l’expression, si ce n’est l’existence des paysages sonores, en tous cas dans une pensée post schaférienne..
Mais cette petite chronique n’est ni le lieu ni le sujet d’un débat polémique.
La question que me pousse à repenser, par l’action de terrain, les moyens, outils, processus, dispositifs, propres à faire émerger des espaces sonores singuliers, au sein de territoires de plus en plus fragiles et tourmentés, est plutôt le sujet de cet article.
Au début est l’oreille, et donc l’écoute.
S’il faut commencer par une approche simple, posons d’emblée l’écoute comme une clé de voûte, qui fait tenir debout à la fois la cohérence physique et sensible d’un paysage sonore, mais également les éléments d’analyses critiques et les créations qui en découlent potentiellement.
Qui dit écoute dit organe, sens, mode d’appréhension sensible du monde, inclue dans un corps qui est lu-même un réceptacle vibratoire complexe, multisensoriel, réactif aux tressaillements et aux ébranlements du monde.
Nous somme plongés dans une vie organique, sociale, émotive, qui secoue notre corps dans son intégrité, et notre perception auditive est en alerte, entre tensions et détentes, adoptant pour faire face à des situations multiples quantités de postures psychomotriciennes. Entre la protection, la fuite, la scrutation, l’auscultation, nous réagissons et interagissons différemment selon les contextes. Ainsi, mettre un corps en mouvement pour traverser des ambiances sonores, s’en approcher, s’en éloigner, les mixer, en entrainant parfois un groupe à en faire de même, sont autant de postures issues des soudwalkings et autres balades sonores, marches écoutantes… Au fil des expériences audio-déambulantes, j’ai été amené à croiser nombres d’artistes œuvrant dans les champs artistiques de l’art-performance, de l’art-action, de la danse, du cirquen qui très souvent frottent leurs corps à l’espace public, au rythme de performances et de mises en situation souvent surprenantes et décalées, si ce n’est volontairement provocatrices. La physicalité du geste et du corps est au centre de la performance, qu’elle soit très (dé)monstrative ou au contraire minimaliste, si ce n’est quasiment invisible. Un jour, après un long PAS-Parcours Audio Sensible nocturne, autour des rives lyonnaises du Rhône et de la Saône, après une très lente marche et près de trois heures en silence (écoutant) un des organisateurs m’a dit que mes marches relevaient de la performance, se détachant des déambulations patrimoniales ou urbanistiques qu’il avait l’habitude de proposer. Sur quoi, et particulièrement ce soir là, j’étais assez d’accord. J’avais poussé les corps arpenteurs et écoutants dans des situations d’immersion collective pour le peu inhabituelles. La lenteur, le silence, la longueur, les lieux parfois surprenants, dans un esprit proche de l’artiste Max Neuhaus, avaient contribué à construire une traversée de paysages sonores à la fois propres à chaque participant, et à la fois dans une forme de geste collectif stimulant. Je garde en mémoire nombre d’images, sonores ou non, de ressentis, comme une sorte de cartographie mentale sensible. J’ai en mémoire des moments forts, tel celui d’une immense péniche qui fait un demi-tour sur le Rhône, éclairant dans la nuit le fleuve de ses feux de navigation, ses puissants moteurs diésels éclaboussant les lieux de grondements réverbérés par les murs des berges et la surface des eaux… Plus loin, des groupes de jeunes étudiants et étudiantes qui, ici et là, improvisent une soirée festive, danses, musiques et bières à l’appui. Ces scènes, ces ambiances traversées, sont d’autant plus vécues fortement que le corps entier est immergé dans son propre silence et mu dans une lenteur assumée. Il construit son récit au fil des pas et des stimuli paysagers, la dynamique de groupe tissant des ressentis parfois exacerbés. Les paysages sonores, visuels et parfois olfactifs, nous traversent autant que nous les traversons. Ils nous baignent, nos sautent aux oreilles, ne cessent de se transformer lors de gestes performatifs collectifs. J’en ai beaucoup appris en regardant comment les corps de danseurs, circassiens, artistes de rue, se mettent en scène dans l’espace public, en révélant des territoires esthétiques, poétiques, politiques et sociaux de façon décalée. Avant de penser à une potentielle œuvre sonore, il m’est nécessaire de plonger corps et oreilles, regard compris, dans l’espace public urbain, la forêt, le long du ruisseau, ce qui est d’emblée pour moi une façon d’œuvrer. La création, l’écriture corporelle, haptique, immatérielle, en tout cas dans sa concrétisation, les situations et postures, que propose un parcours d’écoute, contribuent à l’émergence d’une œuvre située, contextuelle, le corps engagé aidant. Faire corps avec les lieux, les participants, la vie multiple croisée en chemin, est ici une expression qui prend tout son sens, dont celui de l’ouïe bien entendu

Et avec ta ville, comment tu t’entends ? (suite)

Et avec ta ville, comment tu t’entends ?

Desartsonnants propose un atelier autour de l’écoute du paysage sonore sur trois journées consécutives le 2, 3 et 4 janvier 2025 pendant les vacances scolaires. A destination des enfants et de leurs parents. 

Il s’agit de partir à l’écoute de son quartier, toutes oreilles grandes ouvertes.

Nous allons écouter les sons de la ville, des rues, des parcs et de tout ce qui s’entend, hommes, voitures, oiseaux, commerces…

Nous arpentons les ambiances sonores, y enregistrons ce qui sonne bien, ce qui nous agace, les sons spécifiques du quartier, ceux qui nous font reconnaitre les lieux.

Des sons enregistrés, de nos commentaires, nous en faisons une création sonore, via des logiciels audionumériques, pour redonner à entendre autrement, entre réalité et imaginaire, une ou plusieurs petites histoires du quartier à portée d’oreille.

L’atelier sonore

Premier jour : Discussion autour de la notion de paysage sonore, jeux et situations d’écoute… Marche arpentage du quartier, Choix de points d’écoute, Enregistrements audios, Première réécoute des sons

Deuxième jour : Écoute de quelques podcasts réalisés avec des enfants, des écrivains, des prisonniers… Que veut-on raconter avec les sons ? Tri, dérushage, quels sons garde t-on ? Montage mixage collectif d’une ou de plusieurs scènes sonores.

Troisième jour : Finalisation du montage Préparation d’une installation d’écoute Diffusion publique et discussion

L’art (sonore) socialement engagé

Parcours d’écoute entre chiens et loups. @Festival Back To The Trees 2023 – Bois d’Ambre à Saint-Vit (25)

En parcourant le site A.I.M.E( Association d’Individus Socialement Engagés), j’ai écouté un podcast dIsabelle Ginot, enseignante-chercheuse, codirectrice du département danse à l’université Paris VIII et praticienne Feldenkrais, traitant de l’art socialement engagé.
Sa présentation s’appuie sur un texte de Pablo Helguera, tiré d’un livre « Motifs incertains », publié par les Presses du réel.  Cet ouvrage fait un point sur les formes d’enseignements des pratiques artistiques socialement engagées, issu de cinq programmes d’étude internationaux faisant référence en la matière.
La présentation a fortement résonné avec les questions que je (me) pose de façon récurrente, en allant arpenter des territoires sonores, collectivement, et en tentant d’ouvrir des champs où l’artistique et la pédagogie sont fortement ancrés dans une pratique sociale transdisciplinaire.
Il m’a semblé bon de tenter de noter les axes forts qu’explique clairement Isabelle Ginot dans son exposé, pour à la fois essayer de me les réapproprier dans mes expériences d’écouteur public, mais également de les mettre au service de projets de territoire avec une visée sociale assumée.

Je note donc ici les axes, qui me semblent des points forts, des moteurs essentiels pour que l’art et la pédagogie travaillent de concert à changer la société pour la rendre, je cite Ginot, plus désirable.

L’art socialement engagé ne se contente pas de parler de, de raconter, de réfléchir à un sujet social. Il doit vivre et faire vivre, expérimenter, des expériences de terrain (danse, arts sonores, arts plastiques…) avec différents publics, dans des établissements (santé, carcéral), ou hors les murs.

On doit, en tant qu’intervenant, assumer sa position d’artiste engagé, ne pas ni quitter ni renier ce « statut », faire en sorte que l’art et ses savoir-faire questionnent des sujets non artistiques (écologie, féminisme, vivre ensemble, sécurité, handicap, exclusion…).

L’art doit être utile, servir à quelque chose, chercher à changer, à améliorer le monde, en proposant des situations plus désirables. L’utilitarisme fait partie intégrante du projet.

Il y a forcément une interaction sociale, non seulement parce qu’elle peut servir le projet, mais parce qu’elle est l’âme de celui-ci. Il faut faire de la relation, de l’inter-relation, des éléments clés de l’action.

Il est nécessaire de penser à une trans-pédagogie, comme quelque chose qui traverse nos gestes d’artistes transmetteurs. La pédagogie et l’art ne doivent pas être dissociés, on est à la fois artiste ET pédagogue. Dans cette approche sociale, il n’y a pas de pratique sans pédagogie. L’opposition art/pédagogie est une impasse, un débat voué à l’échec. La pédagogie est une action para-artistique.

Il nous faut chercher une forme de déqualification, ne pas cultiver l’hyper-spécialisation (compositeur, sculpteur, danseur…) en se formant à d’autres pratiques que celle de NOTRE art. On peut ainsi s’intéresser à des travaux d’enquête, de collectage, de cartographie, de poétique sensible via différents média…) Il est bon de mobiliser des savoirs issus de la géographie, de la sociologie, des sciences de la terre, ou d’autre formes, pouvant alimenter nos recherches-actions…

Les arts socialement engagés ne sont pas contraints à se limiter dans des établissements spécialisées (soin, justice, handicap…) ni vers des publics « empêchés », mais peuvent investir l’espace public ou d’autres tiers-lieux ou tiers espaces, quels qu’ils soient…

Si ces énoncés peuvent paraître pour beaucoup des évidences, j’ai ressenti le besoin de les (re)poser , parfois reformuler par écrit, sans doute en les revisitant à ma façon, sans j’espère en trahir ou déformer le sens, pour me nourrir de ces propositions, tant elles font fortement écho à mes aspirations audio-écosophiques.

Territoires d’écoute et tiers-espaces à portée d’oreille

PAS – Parcours Audio Sensible à Kaliningrad (Ru) Festival Sound Around – Institut Français de Saint-Pétersbourg 2019

J’emprunte ici la notion de Tiers-espaces à Hugues Bazin, chercheur en sciences sociales et fondateur en autres du LISRA (Laboratoire d’Innovation Sociale par la Recherche-action).

Je cite Hugues Bazin « La notion de « tiers-espace » rejoint le principe de laboratoire social sur la nécessité de penser autrement l’espace de l’expérience individuelle et politique et produire (par l’expérimentation) de nouvelles connaissances. C’est un espace qui « pousse du milieu » dans ces différentes dimensions (géographique, écologique, expérientielle, psychosociologique, politique…) mais qui reste dans l’angle mort de la connaissance. »

La notion de Tiers espaces fait également explicitement référence aux « Tiers Paysages » du paysagiste jardinier Gilles Clément. Ce concept désigne l’ensemble des espaces négligés ou inexploités par l’homme, en désemprise, qui sont néanmoins garants de la préservation d’une riche biodiversité maillant le territoire dans une forme de continuité territoriale.

Ces lieux autres, sont en règle générale des lieux physiques, dédiés ou non, parfois éphémères, parfois nomades, si ce n’est informels (espaces numériques dématérialisés).

Ray Oldenberg, anthropologue américain qui a beaucoup travaillé sur la notion de « Third Space, » à traduire littéralement par Tiers-lieu, part de l’hypothèse que, pour créer des espaces de liberté, de création, d’échange, on peut s’installer partout, dans un bar, une médiathèque, sur une place publique, un banc… J’aime beaucoup cette idée d’espaces nomades, qui peuvent naître de la simple envie de se réunir, de se rencontrer, autour d’une discussion, de gestes collectifs, d’expérimentations spontanées, hybrides, souvent surprenantes dans leur apparente simplicité…

Le principe de la résidence artistique, est un espace-temps pouvant faire tiers-espace. L’accueil dans un lieu pour s’immerger, créer ou peaufiner des projets en chantier, les frotter à l’épreuve du terrain, au regard et à l’écoute de l’autre, les partager dans des expériences collectives, participatives, est en soit une forme de tiers-espace. On s’installe là où il nous est possible d’être aidé, accompagné pour mettre l’écoute en œuvre, l’installer momentanément au fil des voyages, dans des villes, villages, des forêts, des espaces aquatiques, des montagnes…

Bien sûr, créer des espaces d’écoute est fortement dépendant, via de multiples interactions, du territoire, de l’in situ, des ambiances locales, du contexte socio-culturel, politique, climatique, mais aussi des approches plurisensorielles où la vue, le toucher, le goût, participent à indiscipliner les propositions. Et ce jusqu’à faire émerger, percevoir, entendre l’inaudible. L’inaudible n’est pas que silence, absence acoustique de sons et de bruits, c’est aussi la parole tue, étouffée, inexprimée, non formalisée ni formulée, la parole légitime, citoyenne, de tout un chacun et chacune. Il s’agit de faire remonter la parole des minorités agissantes, pour reprendre une expression d’Hugues Bazin, de légitimer des pensées et gestes hors des sphères artistiques et culturelles dédiées. On peut donc s’installet ou déambuler dans la rue, un bar, un marché, une forêt…

Se regrouper autour de la notion de paysages sonores pluriels, en solitaire, en duo, en groupe, c’est tendre des paires d’oreilles qui nous aideront à repenser des espaces acoustiques, comme des lieux où l’écoute est mise en commun, voire fait commun. Lieux où l’on puisse mieux entendre et mieux s’entendre, dans un esprit apaisé, autant que faire se peut.

Qu’entendons-nous ?

Comment le décrire, le mettre en mots, l’écrire, le dessiner ?

Comment l’expérimenter, l’arpenter, mettre nos corps en mouvement ?

Comment croiser , hybrider des expériences, des ressentis, des pratiques ?

Comment faire trace, mettre en mémoire, partager ?

Comment exprimer ses ressentis, ses bien ou mal-être, ses joies et ses souffrances ?

Comment faire remonter les propos de celles et ceux que l’on entend pas ?

Comment imaginer un autre monde, si possible meilleur, éthique, à portée d’oreille ?

Comment ces gestes et questionnements s’insèrent dans une réflexion et une action globale, touchant des formes de démocraties actives, participatives, des pédagogies émancipatrices, des propositions autour de l’aménagement (raisonné) du territoire, des formes de sobriété, d’apaisement, de ralentissement, de ce que je nomme une écosophie écoutante… ?


Et concrètement ?

La marche, l’arpentage, restent pour moi des moments, forts situés dans des environnements donnés, privilégiés pour faire l’expérience de territoires auriculaires aussi complexes que fragiles.

Les parcours en duo d’écoute par exemple, où j’invite quelqu’un à me guider dans une ville, un quartier, un village, et à causer librement de ce qu’on y entend, voit, sent, des ses humeurs du moment, des histoires locales et des imaginaires… Le tout étant enregistré de façon brute, sans aucune coupure ni retouche. Une façon de collecter des récits en marche, de mailler un territoire par une petite collection de traversées sensibles, de les remettre en écoute. https://desartsonnantsbis.com/pas-parcours-audio-sensibles-en-duo/

Les PAS – Parcours Audio Sensibles collectifs, sont une autre forme d’écoute, où le silence, la lenteur, les traversées d’espaces insolites, inhabituels, les points d’ouïe (arrêts sur son) mettent les marcheurs auditeurs en situation d’écoute active, consciente et partagée. https://ifdigital.institutfrancais.com/fr/creation/les-choses-etant-ce-quest-le-son

L’inauguration (officielle) de points d’ouïe, sous forme d’une manifestation festive, un rituel tendant à rechercher les lieux de belles écoutes, d’aménité paysagères, en contre-pied avec les visions négatives de la pollution et des nuisances sonores. Une façon positive de mettre en valeur des espaces acoustiquement riches, reposants, agréables à entendre, et au final de les protéger, voire de s’en inspirer dans des projets d’urbanisme. Une rencontre avec des habitants et élus pour faire entendre ce qui sonne bien, où on s’entend bien. https://ifdigital.institutfrancais.com/fr/creation/inaugurations-de-points-douie?preview=1

La création sonore et/ou multimédia convoque l’imaginaire, le fictionnel, les paysages revisités au fil des collectages et récits, comme des interprétations, des formes d’écritures territoriales nourries des différentes expériences d’écoute.

Les gestes d’écoutes croisées sont riches, avec des illustrateurs, photographes, vidéastes, danseurs, urbanistes dans le cadre de plan paysage, de lecture de paysage, sociologues, anthropologues, philosophes, acousticiens, poètes et écrivains… Ces approches hybrides peuvent s’inscrire dans le cadre de recherche-action, recherche-création, dans une visée résolument transdisciplinaire qui, dans le meilleur des cas, va faire participer tant les chercheurs, artistes, pédagogues, élus, techniciens, que les habitants. https://ifdigital.institutfrancais.com/fr/creation/paysages-phono-photographiques

http://recherche-action.fr/hugues-bazin/download/espaces%20et%20territoires/2012_Tiers-espaces.pdf

A oreilles nues !

A oreilles nues ! Les choses étant ce qu’est le son i

Un PAS – Parcours Audio Sensible, façon Desartsonnant(e)s, se fait en à portée d’oreilles, sans autre extension appareillante, prothésante, protubérante…

C’est le choix d’une forme minimaliste, performative, auscultant un monde auriculaire complexe, grouillant de sons, acoustiquement fascinant.

L’imaginaire, le détournement, le décalage, la création sonore, l’installation éphémère, ne seront pas pour autant négligés, et pourront nous donner à entendre des paysages sonores (re)composés, comme il se doit dans une perspective paysagère.

C’est une façon de se connecter, ou de rester connecté aux écosystèmes sans artifices, sobrement, sans dépense énergétique, si ce n’est celle de notre corps et de notre attention, ce qui est déjà beaucoup.

C’est une façon de créer des paysages sonores sans sons rajoutés, ou de façon très minimale, en accord avec l’acoustique des lieux, prônant un équilibre non invasif, la non agression de ses milieux, du vivant…

C’est une immersion convoquant des postures d’écoute physiques, psycho-sensorielles, invitant l’arpenteur écoutant à s’adapter aux sons et aux ambiances paysagères, à y réagir, y improviser des gestes individuels et/ou collectifs non intrusifs.

C’est une façon d’expérimenter la lenteur et les silences habités, de rechercher des aménités apaisantes.

C’est une approche éc(h)osophique, éthique, une forme de récit permettant de (re)lire des espaces acoustiques fragiles, d’y prêter attention, de les faire délicatement sonner, résonner, de s’y retrouver, d’en prendre soin.

PAS – Parcours Audio Sensible – Explorer la nuit

Marcher en silence
A nuit tombée
Arpenter les rives d’un fleuve
Puis celles d’une rivière
Vers sa confluence inéluctable
Écouter
Les rumeurs de la ville
Exacerbées d’obscurité
Le nappage au noir
Éclaboussé de lumières
Et les sons s’y faufilent
S’y installent
Et s’entendent à merveille
Traversée noctambule
Une nuit transfigurée
D’auricularité en zones d’ombres
Contrastes en clair-obscurs
Des fêtes rythment nos arpentages
Sauvages ou bien sages
La nuit à portée d’oreille
Nous invitent à marcher
Dans la fraîcheur acoustique
D’une cité bavarde
Même au cœur des ténèbres
Qui savent aussi êtres bienveillantes.
Invitation à une exploration bruissonnante
Tout en nuances et contrastes
L’oreille se réjouit
Des traversées nocturnes
Où la ville murmure
Où la ville s’entend
Dans les furtivités canailles
D’une nuit bien sonnante.

Paysage(s) à portée d’oreille(s), les choses étant ce qu’est le son !

Desartsonnants est un artiste marcheur, paysagiste sonore, arpenteur écoutant.
Il travaille autour du paysage sonore, notamment via des parcours d’écoute (PAS-Parcours Audio Sensibles), des installations mobiles et concerts environnementaux…
Le projet PIC (Paysages Improvisations Concerts), les inaugurations (officielles) de points d’ouïe, les parcours sonores, font partie de sa démarche, entre esthétique, sociabilité auriculaire et écologie/écosophie.

Tout cela pour tenter de répondre à une simple question : Et avec ta ville, ton village, ta forêt, ta rivière… comment tu t’entends ?

PIC Concert de paysages (working progress)

Inaugurations de Points d’ouïe

Desartsonnants Portfolio

Desartsonnants projet artistique et culturel


Porteurs, porteuses et chercheurs, chercheuses de projets de territoires originaux, voire inouïs, si l’oreille vous en dit !

Points d’ouïe – Tiers-espaces écoutants

Créer des tiers-espaces écoutants, une amorce d’un projet de recherche-action. Je cherche des voix complices. En présence, à distance… On marche, on parle, on écoute… On s’assoit, ici et là, on écoute encore, on échange… L’enregistreur garde trace de nos propos. Des tiers-espaces auriculaires apparaissent ainsi, peu à peu. Une, deux, trois, cinq personnes, plus, lui donneront vie en installant l’écoute, le silence, le dialogue, dans différents espaces-temps habités. La matière sonore récoltée pourra être réutilisée, terreaux de mondes sonores en devenir, de tiers-espace résonnants….

On en parle…

Points d’ouïe, révéler, faire sonner !

PAS- Parcours Audio Sensible à la Romieu (Fr) – Co-curation des Rencontre Internationales Made of Walking 2017

Dans mon projet d’écoutant, j’ai des envies récurrentes. Parmi celle-ci, figure le fait de révéler les singularités des des ambiances et espaces acoustiques, qu’ils soient urbains ou « naturels », de jouer avec, de les faire sonner, de les partager… Tout ceci en les respectant, sans les bruitaliser, avec bienveillance, et parfois-même en silence.

Parcours Conf’errances, récits, échanges, lectures, mini-installations situées, éphémères, discrètes, jeux instrumentaux, improvisations in situ, inaugurations de points d’ouïe, écritures et croisements indisciplinés…


Si ce projet vous inspire, voyons comment le faire vivre ensemble !

BALADE SONORE EN PAROLES – SUR LES QUAIS DE VIVE VOIX !

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Archive sonore retrouvée.

Quais de Saône à Lyon, vers la place Valmy, un dimanche des vacances de Noël 2011, vers 19H.
Il fait nuit.
Des voitures, des hommes, des animaux et… Un promeneur-écoutant qui commente.
Car dire c’est commencer de faire vivre.

Point d’ouïe, marcher, écouter et… vivre ensemble

Un PAS, une marche d’écoute, ne sont pas une fin en soi, sinon ils risquent fort de rester à l’état d’une animation somme toute superficielle, même si l’expérience est agréable à vivre.
Que ces parcours d’écoute s’inscrivent dans un temps court ou au sein d’une résidence d’écriture plus conséquente, ils doivent, pour moi, contribuer à creuser quelques questionnements, selon les lieux et les contextes. Il me faut pour cela, via ces outils et écritures de terrain, alimenter une recherche autour d’une écoute écosophique, comme une bâtisseuse, fondatrice et agitatrice de paysages sonores vivants, partagés.

Parmi les problématiques, citons-en quelques unes sans chercher à les hiérarchiser, ni à les détailler ici :
L’approche esthétique d’un paysage sonore, la recherche du plaisir d’écouter ensemble, du geste sensible pour faire émerger de nouveaux territoires auriculaires, les construire et à les vivre collectivement.


La recherche d’un ralentissement, d’une décélération, d’une économie de moyens en mode mobilité douce.

Le repérage, l’inventaire, la préservation et/ou l’aménagement de zones calmes, apaisées, comme des oasis acoustiques protégés.


La mise en écoute de scènes acoustiques favorisant des postures bienveillantes, avant tout relationnelles et humanistes.


L’approche écologique, voire écosophique, montrant les richesses et les fragilités des écosystèmes.

L’urgence qu’il y a de cohabiter sereinement dans nos espaces communs, urbains ou non, avec tous leurs résidents, quels qu’ils soient.


L’obligation pressante de porter attention à nos milieux de vie, et d’en prendre soin
.

L’importance d’une approche sociétale, avec l’écoute comme une façon de mieux s’entendre, communiquer, construire collectivement…

Le fait entreprendre des réflexions, des aménagements où le sensible et les techniques, technologies, sciences, sont convoqués dans une approche indisciplinaire féconde.

Certes je le redis souvent, et j’aime à le répéter, marcher en portant notre attention, notre écoute sur le monde ambiant, nous ouvre de multiples perspectives, des champs d’action que j’espère innovants et à portée d’oreille. Cogitons et pratiquons ceci pour que nous puissions, modestement, à l’échelle de nos écoutes, de nos échanges, vivre de la façon la plus apaisée et respectueuse que possible, dans un monde aussi incertain que turbulent.

Point d’ouïe, par où commencer pour bien débuter, et inversement ?

Beaucoup ont fait l’expérience, dans un geste artistique, une expérience amoureuse, du fait que la première minute est souvent décisive ! Du coup de foudre à la sidération, ou de l’ennui à la désertion.

En tant qu’artiste par exemple, on embarque, plus ou moins, plus ou moins vite, ou pas, un public, dans notre univers, notre histoire, nos propositions… Surtout si celui-ci participe à une action en espace public, où il sera libre de quitter la « scène » quand il veut, quand il décroche, quand il s’ennuie, pour rester poli. En tant que musicien, parfois chef d’orchestre, j’ai souvent redouté le premier son, la première attaque comme on dit, ou le premier geste, le premier regard vers un orchestre. On sent très vite si le courant passe, l’attention des musiciens, l’énergie circulante entre le chef, l’orchestre et le public, une forme de communion galvanisante. Et parfois, la mayonnaise ne prend pas comme on l’aurait souhaité, ou le soufflé retombe.

Dès les premiers instants, la façon de démarrer, d’impulser, de transmettre une énergie, de mettre en marche, y compris physiquement, me questionnent, sur le fait de bien commencer, et des façons de faire pour cela.

Pour justement mettre en marche, en mouvement, une déambulation d’écoute, un PAS-Parcours Audio Sensible, en embarquant très vite un public parfois peu aguerri à ce genre d’exercice qui, dans ses phases de lenteurs silencieuses, peut désarçonner.

Je me questionne donc sur le premier instant, celui qui peut être un bon enclencheur, un vrai déclic. Alors comment mettre rapidement l’écoute en marche, en action déambulante ?

Faut-il préparer une intro bien rodée, rassurante, ou compter sur une forme d’improvisation libre ?

Mettre l’auditoire en situation, en lui racontant les origines historiques, les courants, contextes et projets du soundwalking et autres parcours d’écoute ?

Énoncer les objectifs, visées et attendus de l’expérience ?

Créer du récit, du rêve, de l’imaginaire, de l’intriguant, du titillant ?

Se mettre en condition, en situation, par des jeux et des postures d’écoute ?

Ne rien dire, ne rien expliquer, ni a priori faire, en tant que gestes préparatoire, et se jeter tête et oreilles baissées dans le parcours d’écoute, sans autres formes de préliminaires ?

Composer selon l’humeur, le ressenti du public, l’ambiance, l’instinct, le lieu ?

L’essentiel, c’est de prendre le risque de se frotter collectivement au terrain d’écoute, avec tous les aléas et risques inhérents, y compris celui de se planter ! Mais en essayant de bien commencer pour ne pas trop mal finir !

Les choses étant ce qu’est le son !

Auricularités attentives

Je propose de faire entendre l’environnement, les écosystèmes, d’écouter et mieux comprendre par l’oreille, nos milieux de vie, leurs beautés, leurs fragilités, ressources, paupérisations, saturations…
Écouter l’eau, la forêt, la ville, ses périphéries, en marchant, faire paysage.
Installer l’écoute, la lenteur, le silence, par des marches écoutantes collectives, des rencontres, débats citoyens situés, conférences, musiques des lieux, repérages, cartographie et inaugurations de points d’ouïe…
Co-construire une écosophie sonore attentive, des pédagogies indisciplinées…

Si l’oreille vous en dit,
Gilles Malatray
Paysagiste sonore
Promeneur écoutant
Installateur d’écoutes partagées

Le site Desartsonnants
https://desartsonnantsbis.com/
Un portfolio
https://urls.fr/X00jTW

Marcher autour du silence !

Avec L’Atelier Tiers-Lieu Amplepuis, nous avons expérimenté une déambulation sensorielle écoutante, polymorphe, comme je les adore. Cinq kilomètres dans une campagne très belle, pentue, avec de magnifiques passages en forêt, de superbes vues panoramiques, d’incroyables paysages très vallonnés .

Une thématique autour du silence, ou plutôt des silences.

Une mise en condition, se sentir ancré au sol, son corps dans l’espace, les ambiances environnantes, les sons qui nous entourent, se mettre en marche…

Des témoignages de religieuses cloitrées, d’un sourd formateur en langue des signes, d’un randonneur solitaire, d’une personne âgée, d’une artiste sonore chercheuse autour de la pollution sonore, d’une musicienne, diffusés ponctuellement, en chemin.

Une superbe danse improvisée, inspirée des sons environnants.

Des séquences de marches en silence, et d’autres en échanges.

Une interprétation en quintet de 44’33 de John Cage dans un champ où grenouilles, grillons et chants d’enfants créaient un cadre sonore et visuel aussi insolite, surprenant, que beau. Une façon de questionner l’écoute. !

Une écoute commentée de différentes versions des plus improbables, de « Sound of silence » de Simon and Garfunkel.

Un jeu quizz autour de la langue des signes racontant le « Petit chaperon rouge ».

Nous terminons par un repas partagé pour échanger autour de ces silences vécus en commun, Oh combien habités, acoustiquement et humainement. Et au final, de superbes moments passés à expérimenter des espaces aussi silencieux que forcément sonores, mis en commun, et surtout des plus conviviaux. Cette déambulation, pensée et orchestrée collectivement, a convoqué des silences fédérateurs à n’en point douter.

Merci à Gaëlle Dubuis à la ferme Labêle colline de nous avoir accueilli dans le cadre magnifique des hauteurs d’Amplepuis.

Ainsi qu’a toutes les personnes ayant apporté, enregistré et partagé leurs témoignages autour de leurs silences

L’album photos ICI

Vestiges sonores nocturnes, prélude et alimentations fantômes

@Gauthier V. Charleroi friches

Existe t-il une forme d’urbex auriculaire, une archéologie excavatrice du sonore, une exploration auditive plus ou moins sauvage, un brin fantastique ?

Qu’est-ce que la nuit nous raconte, nous susurre au creux de l’oreille ?

Pouvons-nous installer des écoutes de lieux fantomatiques, où l’on pourrait entendre, percevoir, des réminiscences acoustiques enfouies dans les strates de l’histoire, de la mémoire, des murs et ruines, des machines abandonnées et autres vestiges architecturaux… ?

Pouvons-nous conter, raconter, broder, les ambiances sonores disparues, ensevelies ?

Pouvons-nous donner à imaginer, sans autre artifice que nos oreilles propres, les sons du passé, ceux qui, envers et contre tout, résistent à l’usure du temps, quitte à se réinventer au gré des abandons, destructions, reconstructions, marches écoutantes … ?

Inspirations:

« Elle longe la gare monumentale fermée depuis plus de vingt
ans, sans même un regard pour ce bâtiment fantôme naguère
chargé de tant d’ambitions qu’il semble annoncer qu’il restera
debout quoi qu’il arrive. Le vent qui s’y engouffre et siffle à
l’intérieur ne ressasse plus rien depuis longtemps, il ne transporte
ni les adieux, ni les mots d’amour, ni les serments prononcés sur
un quai. Il brasse le vide, la violence et les démentis du présent
comme du passé. Les mots s’en sont allés avec les gens. »

Judith Perrignon, Là où nous dansions (2021)

Ces questions Desartsonnantes sont également irriguées de souvenirs, nocturnes, déambulants, dépaysants… Ceux par exemple d’explorations nocturnes dans le quartier des Ardoines, à Vitry/Seine, longeant une ancienne centrale thermique à charbon, et d’autres arpentages sonores aux abords de Charleroi, dans ses gigantesques friches industrielles… Tous ces tuyaux, turbines, cheminées, obscures machineries tout droit sorties de l’imaginaire de Jules Verne, François Schuiten, semblant soupirer, ronronner, grogner, grincer, gémir… à qui sait les entendre.

@Gare au théâtre, PAS Desartsonnants nocturne en Ardoinais – Frictions urbaines
@Zoé Tabourdiot – Transcutures City Sonic – Desartsonnants – Exploration nocturne Charleroi.

Point d’ouïe, fabrique de paysages sonores en commun à oTo, Ouvroir des Territoires de l’Ouïe

@Photos Arnaud Laurens, oTo

De retour de résidence artistique, de nouvelles expériences de paysages sonores au fil de l’eau, de la mat!ère sonore, textuelle, imagée, à trier, agencer, à construire comme objets de traces récits immersifs.
Tout cela irrigué de belles rencontres, des échanges, la découverte de sites magnifiques, des eaux généreuses, des discussions où écoute et cuisine travaillent à de subtiles réductions, des expériences collectives pour agencer, improviser en live des paysages sonores singuliers…


Au fil des résidence, le paysage sonore dans tous ses états prends du poids, de la consistance, de l’hétérogénéité en même temps que de la cohérence.
Il permet la rencontre, la remise en question de nos rapports au monde, la recherche de beautés tant esthétiques qu’humaines, qui nous feront, dans l’idéal et écoute aidant, mieux vivre ensemble. Écouter est un geste de partage, où il nous faut assumer notre modeste place dans des espaces habitables, sociétaux, de plus en plus fragiles et menacés.
Construire des paysages sonores comme des communs écosophiques, humanistes, est une façon de défendre des valeurs humaines qui nous font trop souvent cruellement défaut.

@Photos Arnaud Laurens, oTo

Projet intinérant « Bassins versants, l’oreille fluante« 

Résidence création accueillie pas oTo – Ouvroir des Territoires de l’Ouïe à Montbron (16)

Merci à cette belle équipe, et tout particulièrement à Arnaud Laurens et Jean-Michel Ponty, à la municipalité de Montbron et à sa Médiathèque, au public aux écoutes attentives et échanges stimulants, pour cette riche ouverture culturelle à portée d’oreille.

D’autres textes, sons, images, récits, suivront…

Points d’ouïe, l’apaisement des eaux

Ces jours-ci, j’ai promené mes oreilles sur les rives de la Tardoire, belle rivière dans des écrins ripisylvestres verdoyants, au sud de la Charente et aux portes du Périgord.

Le cours d’eau charrie fort, irrigué quasi quotidiennement de vivaces averses printanières.

Il est au meilleur de sa forme, y compris à l’écoute !

Ce dévalement fluant, presque ensauvagé, me fait un bien fou.

Après, et pendant une période agitée, voire parfois compliquée, ce bain de nature ondoyante, liquide, recharge mes batteries, m’apaise, et me fait rentrer de repérages pédestres bien fourbu, mais rassasié, nourri de sonorités toniques.

Ici, la vue, l’oreille, mais aussi le nez, émoustillé d’odeurs d’herbe mouillée, de fleurs naissantes, de terres humides, offrent un univers sensible d’une incroyable richesse, entre puissance et subtilité, contrebalançant un instant la fureur des folies climatiques, sociétales et guerrières.

Les arpentages, à l’affut d’ambiances sonores aquatiques, exacerbent des sensations qui varient subtilement au détour du chemin, à la rencontre d’un bief, des roues à aubes grinçantes d’un moulin, d’un remous sur des pierres-barrières-récifs, toute une histoire fluant à portée d’oreille.

C’est une énergie rassérénante qui m’enveloppe et me porte au fil des ondes, des chemins creux et des rivages enherbés…

Un parcours aqua-sensible, qu’il me tarde de partager par une rencontre avec les habitants, des agencements sonores concertants et un PAS – Parcours Audio sensible en marche écoutante.

D’autres sons, mots, images en découleront en aval.

Projet en chantier « Bassins versants, l’oreille fluante »

Résidence de création accueillie par oTo – Ouvroir des Territoires de l’Ouïe à Montbron (16)

Point d’ouïe, et avec ta rivière, comment tu t’entends ?

En arpentant et en auscultant la Tardoire, à Montbron, je réfléchis aux façon dont un cours d’eau relie les hommes au territoire, à la nature, aux écosystèmes, aux animaux… Et inversement.


Paysages, moulins, pêche, sport, géologie, préhistoire, arts et culture, histoire, architecture et aménagements, tourisme, crues et tarissements, industries, patrimoine, écologie, faune et flore,mémoire(s), agriculture, gestion des eaux, hydrologie et bassins versants, identités sonores… comment le paysage auriculaire aquatique nous connecte t-il , ou non, et surtout nous implique t-il, parfois non sans heurts et sans dommages, à nos habitats partagés, à nos milieux de vie ?


Et avec ta rivière, comment tu t’entends ?

Projet Desartsonnants en chantier « Bassins versants, l’oreille fluante »

Dans le cadre d’une résidence création accueillie par oTo – Ouvroir des Territoires de l’ouïe – Field recording aqua-sonique, rencontre publique autour de l’écoute paysagère, PAS – Parcours Audio Sensible « L’eau traversante », concert-performance- improvisation en trio (instruments, électroniques et son paysagers), écriture sonore et multimédia…

Points d’ouïe et histoires d’eaux

Les voix du Bréda – PAS – Parcours Audio Sensible – Musée d’Allevard (38)

Imaginons que les rivières, les ruisseaux et torrents, aient des oreilles…

Imaginons qu’ils écoutent et gardent en mémoire tout ce qu’ils entendent en traversant de vastes territoires, dévalant les montagnes, lorsqu’ils affluent et confluent…

Imaginons que leurs voix nous racontent mille et un récits irrigués de leurs cheminements in-fluants,…

Imaginons que nous les recueillons, et qu’à notre tour, nous les racontions, au gré de nos imaginaires, de nos déambulations, et de nos rencontres.

Ausculter les eaux – PAS – Parcours Audio Sensible – Grand Parc de Miribel Jonage (69

Chantier d’écoute au fil des ondes « Bassins Versants, l’oreille fluante« 

Sonne eau ! Fichiers sonores en écoute

Tourbillon – Jeanne Schmid – Résidence « Écouter Voir » Luxor Factory – Le Locle (ch)

Les entrailles du Locle (Suisse)

Bassins Versants, Rançonnet mon ami

Eau dite

Aquaphonie, eaux chantantes sous les roches

Histoire d’eau sarde

Eau – sculptation

OH Eau !

Saône Eau

EauNirique

Tourbillons d’eau

Eaux rageuses

Territoire au goutte à goutte

Cumul d’eau, les oreilles montent à crue

Là où respirent les grenouilles, chantent les sirènes et tanguent les bateaux

Cloches en eaux vives

Mêli-mêle eau

Écoute que goutte

Vers d’autres ports imaginaires

 Paysages et territoires sonores, approches et écoutes imbriquées 

Plus j’avance dans les expériences de terrain et les réflexions, plus j’éprouve la nécessité de mêler, de frotter, d’hybrider, des pratiques, des champs sociaux, des domaines de compétences, des structures agissantes, des passions et des espoirs.

Au départ, il me semblait évident que certains domaines se croisaient notamment autour du paysage sonore, en œuvrant de concert. Pour ces derniers, les champs de l’esthétique, de l’acoustique et de l’aménagement des territoires paraissaient des alliés incontournables. Sur le terrain, les collaborations entre ces champs, et qui plus est la difficulté à trouver les espaces pour agir ensemble n’étaient, et ne sont toujours pas, pas si évidentes, si faciles à mettre en place. Cependant quelques timides expérience, art-science, art-action, art-territoire, voient le jour ici et là.

Aujourd’hui, dans un monde de plus en plus complexe, frénétique, incertain, il me semble qu’il faut élargir encore les espaces de croisements, les interstices, les lieux aux possibilités hybridantes…

Je prends ici quelques exemples liés à mes activités en chantier.

Il y a quelques années, j’ai intégré un groupe de travail autour des thématiques Éducation Santé Environnement, où se retrouvent des professionnels de la santé, des activistes militants autour  de projets environnementaux, écologiques, des acteurs de l’enseignement et de l’éducation populaires, des techniciens des domaines de l’air, l’eau, le bruit,… Aujourd’hui, je me rends compte, via ce réseau,  à quel point le mouvement « One Heath » (une seule santé), prenant en compte les rapports entre humains, animaux, écosystèmes… présente des ouvertures vitales pour tenter de maintenir en bonne santé, à l’écoute, tout un monde en mal de rencontres, de respect, de bienveillance.

De même, mes approches, déjà anciennes, autour des PAS-Parcours audio Sensibles, m’ amènent à marcher avec des protagonistes des mobilités douces, à l’heure où il n’est pas toujours facile de traverser une ville à pied, et même une forêt! La marche dans tous ses états, y compris écoutants, est un levier pour arpenter et se frotter collectivement à un territoire de proximité. Mettre en branle des imaginaires en mouvement par la flânerie, l’errance parfois, est une approche philosophique et éthique, situationniste, qui donne du sens à la vie.

Un autre groupe de travail autour des rythmologies me montre que, dans beaucoup de domaines, entre flux et scansions, les modes de vie, les aménagements, la climatologie, les sciences de la terre, la réflexion entre arts, territoires, sociologie, philosophie… questionnent nos rythmes de vie. On constate des phénomènes d’accélérations croissantes, chroniques, en même temps que des besoins de ralentissements, d’apaisement, le tout impactant la qualité de vie au quotidien…

Un actuel projet autour de la présence acoustique des eaux dans les territoires, pointe les aménités, comme les fragilités, voire les périls liés des eaux nourricières, et pourtant si malmenées. La question politique de la gestion, et parfois de l’appropriation des eaux , problématique hautement conflictuelle, met en garde contre des risques majeurs de plus en plus probables. Écouter les eaux courantes ou dormantes, nous montre là encore les fragiles équilibres, parfois les points de bascule irréversibles.

Le croisement régulier avec des architectes, urbanistes, paysagistes, géographes, donne des lectures transversales, indisciplinées, de territoires (acoustiques) soumis à de nombreuses évolutions, contraintes, dans des écosystèmes, ensembles urbains fort différents.

Les paysages sonores, envisagés comme des communs parmi d’autres, sont pensés et vécus à l’aune de rencontres stimulantes. Je pourrais ainsi continuer d’énoncer les espaces/temps où les échanges et expériences interdisciplinaires, malgré toute la difficulté de leurs mises en place, donnent des formes d’ouvertures dynamisantes, dans un monde parfois désespérant, qui semble s’acheminer inéluctablement vers un redoutable cul-de-sac.

AACTES – Aménités Auriculaires Collectives en Territoires Écoutants 

PAS – Parcours Audio Sensible entre chiens et loups, Bois d’Ambre – Saint-Vit (25) Festival Back To The Trees 2023

Entrer dans une forêt, ou ailleurs, en faisant une offrande silencieuse, participant à un rituel invitant.

Ouvrir oreilles et corps aux sons, lumières, chaleurs, fraîcheurs et toutes les perceptions et sensations du lieu.

Ralentir, se poser, prendre le temps de faire, partager des gestes a minima, mais pleinement effectués.

Être vigilant, attentif, respectueux, bienveillant, à tous les hôtes que nous croiserons, de près ou de loin.

Se garder une marge d’incertitude, laisser la place à l’imprévu, à la curiosité, à l’émerveillement, au ravissement.

Être connecté avec le lieu, le groupe, sentir ses synergies, son énergie de faire ensemble.

Et beaucoup d’autres postures, gestes, jeux, à inventer et déployer au fil des PAS – Parcours Audio Sensibles.

 L’écoute publique installée 

L

Dessins de Troubs – PAS – Parcours audio sensible à Libourne – Festival Littérature en jardins – juin 2023

Le geste d’écoute collective, dans l’espace public, est en soi une mise en commun partageant des sociabilités auriculaires, une façon d’impliquer l’écoutant dans la ville, et hors les murs.

Il invite à un partage qui convoque des mises en situation permettant une participation simple, accessible à tous.

La marche écoutante, tout comme le point d’ouïe, sont des façons d’installer une écoute au cœur de l’espace public, place urbaine, forêts, parcs, périphéries…

Les processus d’écoute sont à la fois des dispositifs de proximité, sobres et épurés, des formes d’actions publiques réfléchies et mûrement pensées contextuellement.

Néanmoins, la mise en place d’écoutes publiques laisse une grande liberté d’adaptation, voire d’improvisation, cadrées dans des espaces-temps appropriables.

Entre des cadres géographiques et temporels choisis pour leurs potentiels acoustiques, et la liberté d’y développer des formes d’interventions ad hoc, l’écoute publique favorise une création auriculaire collective, à chaque fois renouvelée.

Comprendre, enseigner, travailler le paysage sonore

Paysage sonore, Soundwalking, PAS – Parcours Audio Sensible.
Marche, atelier, conférence, conférence marchée, Conf’Errance…
@photo Luc Gwiazdzinski – Séminaire Rythmologies (@MSH_A @ENSATlse @EPFL…) “marche écoutante” sur le campus de Grenoble


Le paysage sonore n’est pas que bruit, nuisances et pollution.
Pas plus qu’il ne se conçoit par une approche essentiellement esthétique.
Le paysage sonore s’inscrit dans une construction sociétale, un geste d’aménagement, un cadre offrant des qualités d’écoute habitables, vivables. Il génère et est irrigué de référents culturels territoriaux, participant à une cohérence des espaces vécus, qu’ils soient urbains, périurbains, ruraux…
Prendre conscience, décrypter les ambiances auriculaires, les signaux, entendre leur capacité à raconter le territoire, comprendre leur force, aménité, fragilité, paupérisation, c’est intégrer de nouveaux outils relevant d’une écosophie paysagère agissante.

J’aborde fréquemment ces problématiques avec des étudiants, dans le cadre de cursus universitaires tels l’architecture/urbanisme/paysage, le design, la géographie, les beaux arts, la gestion de projets culturels… Mais aussi avec des professionnels, chercheurs, élus, citoyens écoutants…

J’encadre des ateliers qui croisent les approches esthétiques, écologiques/écosophiques et sociétales, via des lectures de paysages sonores, des analyses de terrain, des créations audionumériques contextualisées, des modélisations d’aménagements intégrant les ambiances auriculaires…

Je participe également à des chantiers concernant des requalifications urbaines, plans paysages, concertations, aménagements… avec des entreprises et institutions publiques et privées.

Les domaines des mobilités douces, santé, loisirs, tourisme culturel, sont également des champs où une oreille aiguisée peut devenir un atout dans une approche qualitative, sensible.

Le paysage sonore s’inscrit ainsi dans des démarches transdisciplinaires, par des réflexions et des gestes généralement inouïs, au sens premier du terme.

Si l’oreille vous en dit, je reste à votre écoute pour en discuter de vive voix.

Relier et construire les paysages par l’oreille

PAS – Parcours Audio Sensibles – Journées des Alternatives Urbaines – 2015 – Lausanne (Suisse) Quartier du Vallon – Co-réalisation avec la plasticienne Jeanne Schmidt

Poser une oreille curieuse et impliquée sur le monde, sur nos lieux de vie, pour construire de nouveaux espaces d’écoute(s), découvrir les points d’ouïe singuliers, développer les interconnections et sociabilités auriculaires, c’est avant tout travailler sur les transdisciplinarités, voire indisciplinarités de nos territoires, y compris auditifs.

Les arts sonores, aux croisements de multiples genres et pratiques, musiques et sons, installations plastiques multimédia, arts-performances, univers numériques et mondes virtuels… nous ont appris à poser de nouvelles écoutes, fabriquant des espaces-temps inouïs, où la notion de paysage (sonore) prend toute sa place.
Les postures d’écoute, l’immersion (physique, mentale, technologique…), les processus nomades, les matériaux sonores in situ, les récits croisant différents dispositifs et mises en situation, font que les arts sonores sont aujourd’hui des moyens de paysager des espaces de sociabilité écoutante inédits, pour ne pas dire inouïs.
Entre festivals, centres culturels, régulièrement, si ce n’est principalement hors-les-murs, les créations, des plus Hi-Tech aux plus sobres, se frottent aux villes, forêts, espaces aquatiques, architecturaux… pour jouer avec des acoustiques révélées, parfois chahutées, ou magnifiées.
Nous (re)découvrons des lieux mille fois traversés, par des formes d’arpentages sensibles, où le corps entier se fait écoutant, résonnant, plongé dans des espaces sonores à la fois familiers et dépaysants.
L’écologie, si ce n’est l’écosophie se croisent activement, partagent leurs utopies, dystopies, protopies, et autres récits en construction, au niveau des territoires écoutés, et des arpenteurs écoutants.

L’ aménagement du territoire, avec l’urbanisation, la gestion des espaces ruraux, « naturels », les contraintes économiques, sociales, écologiques, les bassins d’activités et les populations y résidant, y travaillant… sont questionnés par de nouvelles pratiques auriculaires, évoquées précédemment.
Aux lectures de paysages, plans d’urbanisation, projets architecturaux, approches de tourismes culturels raisonnés… le croisement, les hybridations arts./cultures/aménagements, ont tout intérêt à être pensés et mis en œuvre en amont de projets territoriaux.
Les parcours sonores, créations issues de field recording (enregistrements sonores de terrain) et autres formes hybrides, invitent à (re)penser des espaces où le son n’est pas que nuisance, ni objets esthétiques hors-sol. Il participe à une façon de travailler les contraintes du territoire, en prenant en compte les critères quantitatifs, qualitatifs, les approches techniciennes, humaines, le normatif et le sensible…

Le politique, le chercheur, l’aménageur, l’artiste, le citoyen résidant, travaillant, se divertissant… doivent se concerter pour envisager, si ce n’est mettre en place des actions en vue de préserver et d ‘aménager des espaces vivables, habitables, en toute bonne entente.
Zones calmes et ilots de fraicheur conjugués, mobilités douce, espaces apaisés et conviviaux, pensés via des offres culturelles et artistiques, au sein de projets de construction, de réhabilitation, sont autant d’outils et de créations prometteurs. Certes, ces approches ne résoudront pas tous les problèmes, mais ils contribueront à créer des endroits où mieux vivre, mieux s’entendre, mieux échanger, en résistance à toutes les tensions sociétales, climatiques, politiques, environnementales…

Aujourd’hui, j’ai la chance de participer à des projets, certes encore marginaux, où le son, l’écoute, sont considérés comme des éléments à prendre en compte pour le mieux-vivre, où une « belle écoute » est convoquée comme une forme de commun auriculaire partageable.
Entre les arts du son, du temps et de l’espace, ma pratique d’écoutant paysagiste sonore, et les gestes d’aménageurs, des espaces de croisements sont possibles, si ce n’est nécessaires, et ce malgré toutes les contraintes administratives, économiques, politiques…

Il nous faut encore et toujours provoquer les rencontres indisciplinées, installer des débats, mettre en commun les réflexions et savoir-faire de chacun, que ce soit sur un événement artistique, projet culturel, concertation autour d’aménagements urbains, ou milieux ruraux…

Il nous faut encore penser et construire ensemble, artistes, aménageurs, résidents… des aménités auriculaires, des poches de résistances apaisées, des oasis sensoriels, des espaces reliants, y compris par l’oreille.

 Qu’il est beau le Rhône par grand vent ! 

Un PAS – Parcours Audio Sensible avec un master FLE (Français Langues Étrangères » et un programme ALISE (Arts Littérature Images Scène Espace).

Nous commençons par une belle cour intérieure de l’Université Lyon 2, Campus des berges du Rhône, où les voix , les rires, le vent dans une haie de lauriers, le claquement d’une affiche à demie décollée, animent joliment un espace réverbérant à souhait. La courette est entourée de passages couverts, arborée en son centre, et ressemble fort à un cloître, acoustique comprise.

Un deuxième spot auriculaire se présente comme une sorte de sas intérieur, lieu fermé, minéral, sombre, d’où partent plusieurs escaliers, avec une porte donnant sur l’extérieur. Des voix résonnent au loin, quelque part dans les étages supérieurs du bâtiment.

Un étudiant traverse l’espace, ouvre la porte vers l’extérieur, ce qui nous fait entendre la rue avoisinante, ses tramways… Transition acoustique dedans/dehors. La porte se referme très très lentement, opérant un fondu sonore du plus bel effet, un étouffement , descrescendo progressif, avant que la scène soit close par un claquement résonnant. Un instant très audio-cinétique que l’on aurait pu composer. Nous concluons notre écoute par quelques bribes de chant diphonique, histoire de révéler un peu plus encore l’acoustique réverbérée, et de  faire sonner ce beau lieu intime.

Nous sortons de l’enceinte de  la fac. Des tramways, des étudiants, des usagers de l’hôpital voisin, la rue est animée. Nous la traversons pour nous diriger vers le Rhône et descendons sur les bas-quais. Le vent souffle fort et le ciel est d’un noir qui présage une pluie imminente.

Une traversée de quelques centaines de mètres, entre deux ponts, routier et SNCF, nous permet de nous plonger l’oreille dans les paysages aquatiques fluviaux. Et aujourd’hui, ils sont particulièrement riches et singuliers !

Peu, voire pas de touristes et autres festoyeurs coutumiers des lieux sont présents à cette époque de l’année, la pluie se faisant menaçante de surcroît.

Néanmoins, de nombreux joggers et joggeuses font leur exercice sportif, les rythmes de leurs courses et de leurs respirations scandent les quais de claquements et halètements.

Des vélos, trottinettes, rollers, planches à roulettes, se partagent, parfois difficilement l »espace, entre eux, et avec les piétons, personne ne respectant vraiment les couloirs sensés leurs être attribués. On entend ainsi nombre de coups de sonnettes énervées, sans compter les klaxons électriques, harangues verbales… Ambiances de cohabitations mobiles parfois pas vraiment sympathiques.

Chose agréable, la circulation, plutôt soutenue sur les quais du haut, ne s’entend quasiment pas, à quelques émergences près, protégés que nous sommes par l’effet fossé qui nous isole du flux sonore sur nos têtes.

Par contre, les quais sur la rive opposée, pourtant très éloignés de nous, le Rhône étant très large à cet endroit, ramène à nos oreilles une rumeur constante, sans doute amplifiée par l’effet miroir de l’eau,  qui plus est très haute ces temps-ci.

Deux ponts servent de points d’ouïe résonnants assez spectaculaires. Nous nous arrêtons dessous. Le premier, routier, nous fait entendre de sourds claquement assortis de grondements, limite infrasonores. Le tramway entre autres, le fait joliment sonner.

Le second, ferroviaire celui-ci, et beaucoup plus ancien (1851), prolonge la gare de Perrache. Au passage d’un train, c’est un surprenant ferraillement très rythmique, qui se déroule sur nos têtes. Surtout s’il s’agit d’un long convoi de marchandises.

Et sur l’eau, de grosses péniches sont amarrées. La première est une salle de spectacle flottante qui, acoustiquement, ne présente rien de vraiment remarquable.

La seconde est un bateau de formation aux secours en mer et en fleuve. Deux assez longues passerelles métalliques permettent l’accès à son bord. Elles reposent sur des boudins plastiques roulants, pour permettre les passerelles d’accompagner les mouvements des eaux du Rhône. Et comme ce jour là, le vent est très fort, les passerelles bougent beaucoup, en émettant une série de « cris », gémissements, tout à fait surprenants. Le son que l’on ne peut manquer sur ces rives ! Grand regret pour moi, ne pas avoir un enregistreur à portée de main. Un autre jour venteux peut-être…

Une imposante péniche chargée de sable passe en ronronnant faisant entendre des remous clapotants, dits de batillage.

Pour finir cette petite description, le Rhône lui-même est agité de vagues bouillonnantes, qui le font chanter sous le vent. Il est vrai que les eaux basses de ces dernières années, surtout par temps calme, font que le fleuve, si majestueux soit-il visuellement, ne se fait quasiment pas entendre, à quelques remous et clapotis près.

Cette longue déambulation sur les rives rhodaniennes, très belle dans toute sa diversité auditive, me conforte à l’idée de faire entendre la voix des eaux, souvent noyée dans le paysage, surtout en milieu urbain. Un flux, celui de la circulation, en masque un autre, aquatique, que l’on référerait sans doute au premier.

Lorsque les beaux jours seront revenus, les rives redeviendront très animées, très festives, avec son alignement d’embarcations restaurants, salles de concert et de danse, ses terrasses et afters de fêtes »sauvages » sur les quais, parfois au grand dam des riverains.

Toujours ce difficile compromis pour les politiques urbaines de maintenir une ville animée, festive, et de ne pas se mettre à dos tous les riverains, parfois il est vrai totalement intolérants.

Cette traversée  auriculaire a été une belle façon d’alimenter mon chantier d’écoute en cours, celui de « Bassins versants, l’oreille fluante »

En tous cas, le Rhône est un bien beau fleuve sonore, surtout par jour de grand vent !

Les couloirs du son à Montbron

Une résidence artistique à l’Ouvroir des Territoires de l’Ouïe, en collaboration avec la Médiathèque de Monbron.

Dans le cadre du projet nomade en chantier « Bassins versants, l’oreille fluante« 

Écoute, écoutes

Les deux derniers week-ends, j’ai participé à l’élaboration et à l’expérimentation de mises en situation d’écoute fort différentes, et au final très intéressantes.


La première à Lyon, lors de la Semaine du son. Le samedi soir, nous avons accueilli des personnes en appartement, jauge limitée, pour écouter des pièces sonores paysagères, en discuter, imaginer quelques projets et prolongements à venir.
Une petite exposition « Photographier l’écoute », autour de clichés pris lors de promenades écoutantes, s’est glissée dans le décor de nos hôtes, et a donné prétexte à l’échange autour des pratiques déambulatoires et postures d’écoute en marche, ou en point d’ouïe.
Le lendemain, nous nous sommes retrouvés sur les quais de Saône pour un point d’ouïe matinal. Puis nous avons cheminé vers l’appartement, où nous attendait une violoncelliste performeuse qui a fait sonner l’espace de belle manière, par des improvisations cello/voix. Des écoutes sur le thème du dedans/dehors, des espaces acoustiques publics/privés, des ouvertures/fermetures, de quai en appartement en passant par les huit étages transitoires d’un escalier… Et toujours des échanges sur les façons d’ouïr le monde, et d’en partager des pratiques en mouvement. Une collaboration ACIRENE, PePaSon, et Desartsonnants.


La semaine suivante, avec un Tiers-Lieu amplepuisien, nous avons donné à entendre des courts témoignages enregistrés, de personnes parlant de leurs sons préférés, ou haïs, des souvenirs et ressentis, des commentaires sur le statut donné à ces sonorités… Intimité, jeux, madeleines proustiennes, de belles écoutes, souvent émouvantes, ont rythmé la soirée.
Le public a lui aussi été invité à commenter, échanger, et pour finir voter pour leur son favori.
Une troupe de théâtre d’improvisation a fait plusieurs interventions ponctuelles, en s’appuyant sur des thématiques issues des séries de sons écoutés (sons du quotidien, imaginaire et création, instrument, cuisine, signaux et annonces…).
L’expérience de différentes mises en écoutes, média, interactions, s’est révélée très riche, et stimulante pour imaginer d’autres processus ludiques et participatifs à venir.

Une prochaine journée du son est d’ores et déjà en cogitation avec l’Atelier-Tiers-Lieu d’Amplepuis, autour du silence, printemps 2024. Outdoor, et certainement façon nocturne en forêt. A suivre…

Ces deux formes de « théâtre sonore », bien que très différentes dans leurs mises en scène et en espace, trouvent chez moi un écho stimulant pour réfléchir à des propositions qui fassent faire un pas de côté à nos oreilles. Des formats légers, souples, adaptables, qui privilégient la relation humaine, via le partage d’expériences auriculaires et les échanges en découlant.