Il y a une, ou une multitude d’histoires du sonore. Et comme toute histoire, elles sont en perpétuel chantier.
Elles s’écrivent au fil du temps, des civilisations, des territoires, des technologies, des chamboulements climatiques, politiques, des aménagements et anéantissements…
Elles s’intéressent aux ambiances, aux silences, aux rituels, aux façons d’être avec les sons, de les utiliser sous les angles aussi divers que ceux de la communication, des aménagements, de spiritualité, d’esthétiques, et à l’aune de la vie quotidienne et des sociabilités auriculaires…
Certains ont écrit des histoires du ou des silences, du passé jusqu’à nos jours, esthétiques, environnementaux, sociétaux… Parmi ceux-là, John Cage, Alain Corbin, Jérôme Sueur…
D’autres du bruit, ou des bruits, tels Jacques Attali, Jean-Pierre Gutton, Juliette Volcler…
D’autres ont tricoté, ou détricoté les univers sonores, l’écoute, via des expériences où sons, musiques, arts, vie quotidienne, sont brassés, malmenés, remis en question. C’est le cas notamment avec le mouvement Fluxus.
Des artistes et chercheurs, parfois les deux, en ont fait paysage, environnement, réflexion écologique, écosophique, anthropophonique, architecturale… Raymond Murray Schafer, Max Neuhaus, Bernie Krause, Alexandre Chèvremont, Roberto Barbanti, Élie Tête, Louis Dandrel, Pierre Mariétan, Hildegard Westerkamp, Kristina Kubish… parmi d’autres.
On peut arpenter physiquement, sensoriellement, des géographies sonores, des territoires auriculaires, tout proches ou aux antipodes.
Des lieux qui sonnent ou dissonent.
Des espaces acoustiques, naturels, aménagés, construits.
Des ambiances, des effets et des formes de climats.
Des cartographies situées, globales, thématiques, participatives, entre bruits et field recordings explorent et font explorer un monde à différentes échelles de l’audible… De la carte de bruit urbaine à l’impressionnant projet participatif d’Aporee.
Le CRESSON, ACIRENE et d’autres organismes, ont étudié, et le font encore, moult paysages et ambiances sonores.
Des artistes et chercheurs, déjà cités dans l’historicité sonore (Tête, Chèvremont, Krause…) ont posé les problématiques des rapports sons/espaces. D’autres, tels Luc Ferrari, ont mis en scène des territoires sonores et musicaux plus ou moins situés, entre ambiances captées et imaginaires, inspirés de lieux existants.
Un réseau très actif d’audionaturalistes, captent les sons du monde, du vivant, de la biophonie, géophonie, anthropophonie.
De nouvelles approches scientifiques, autour de la bioacoustique, de l’écoacoustique, analysent et proposent des outils prospectifs autour de milieux sonores du vivant, fragiles et souvent malmenés.
Dans une écoute, ou l’étude d’une écoute qui se veut ouverte, il est difficile d’envisager les espaces sonores sans associer des temporalités intrinsèques, à plus ou moins long terme, de la « grande histoire » à l’anecdote quasi journalière, et dans leurs contextes géographiques, à différentes échelles.
Traverser une friche industrielle nous questionne des sons que nous y entendons. Mais aussi ceux qui ont rythmé des aciéries, des mines, des carrières, des manufactures de tissage, avant de s’éteindre avec l’arrêt des activités…
Regarder des cartes historiées, des tableaux et autres représentations graphiques, lire des romans de Zola, Balzac, Sand, nous fait non seulement voir, mais aussi, entendre des sons d’antan, des marchés, des chantiers, des scènes de la vie quotidienne ou des événements significatifs.
Ces géo-historicités sonores, multiples, contraintes, ou tout au moins influencées par les contextes spatio-temporels, des postures physiques et mentales convoquées selon les projets, donnent à l’écoute du grain à moudre.











