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Je suis sorti
Je suis sorti ce soir
Je suis sorti comme tous les soirs
Je suis sorti marcher
Je suis sorti écouter
Je suis sorti dans mon heure autorisée
Autorisée à marcher
Autorisé à écouter
Autorisé à être dehors, dérogation en poche
Autorisée à écouter la ville
Autorisée à écouter mon quartier, dans son kilomètre circonscrit
J’ai choisi, comme souvent, de le faire à mon heure préférée
Celle entre chiens et loups
Partir à nuit tombante
Rentrer à nuit tombée
Et dans cette toute petite fenêtre
Fenêtre d’une soixantaine de minutes
Il s’est passé bien des choses
Nous sommes en confinement
On devrait le sentir
On devrait le ressentir
On devrait l’entendre
On devrait le percevoir
Aux travers des sons étouffés
Aux travers leur disparition
Aux travers leur absence
Et pourtant
À l’écoute, je ne l’entends guère
À l’écoute, je ne l’entends pas
À l’écoute, je ne l’entends même pas du tout
À l’écoute, rien ou presque n’a changé
À l’écoute, rien à voir, rien à entendre
Avec le précédent état d’enfermement
D’enfermement logiquement similaire
Celui de ce printemps passé
Avec sa sidération plombante
Avec ses silences associés
Ce soir-ci
Ce soir-ci, les voitures, sont presqu’aussi prégnantes que de normal
Ce soir-ci,comme si de rien n’était, la rue bourdonne
Ce soir-ci, des flux piétonniers, aussi normaux
Ce soir-ci, des enfants qui jouent sur les places et les trottoirs, aussi normaux…
Ce soir-ci, c’est presque rassurant, en apparence.
Ce soir-ci, du presque normal, dans l’air du temps.
Ce soir-ci, des sons triviaux, sans, comme précédemment, les oiseaux en héros.
Ce soir-ci, pas ou peu de décroissance sonique
Ce soir-ci, un entre-deux auriculaire
Ce soir-ci, une tiède ambiance entre les deux oreilles.
Ce soir-ci, qu’est-ce que les sons peuvent bien nous dire
Ce soir-ci, qu’est-ce que les sons peuvent nous prédire
Ce soir-ci, qu’est-ce que les sons peuvent nous révéler
Et pour demain, qu’est-ce que les sons peuvent nous faire comprendre
ou non