SONOSCRIPTURE 1
Un courant d’air joue avec les branches noires et nues d’un arbre solitaire. Le soleil souligne les silhouettes de nos longues ombres. A peine, troublent-ils le son de nos souliers sur le chemin. A main droite, les blés d’hiver pointillent de vert un grand champ. A main gauche, comme chaque jour ou presque, un troupeau de vaches vient nous regarder et repart d’un pas tranquille. Quelques buissons dévoilent des fleurs blanches, parfois roses, rarement rouges. Par moments, nous distinguons le grondement continu de l’autoroute, quelque part derrière les collines. Une confrérie de corbeaux se pose sur une friche. Ils se dandinent et croassent. Quelques échos tentent de leur répondre. Une odeur de fumier chaud flotte dans un boqueteau strié par les rayons d’une lumière à peine dorée. Pour la première fois, nous distinguons cette ferme au sommet d’un coteau, une ancienne maison forte que nous avons longtemps cherchée sur nos cartes. Régulièrement, nous traversons le ruisseau qui épouse le hasard de notre promenade. A cette saison, il chante, plein d’une eau limpide courant sur un fond de galets cuivrés. Nous nous contentons de marcher une ou deux heures, de croiser quelques voitures et de rares passants. Nous apercevons un tracteur passer au loin, à peu près sans bruit. Nous nous montrons les choses. Essentiellement, nous les écoutons et les regardons. Parfois, nous les flairons ou nous en parlons discrètement. Surtout, nous flânons à pas quasiment rêvés. L’écrire n’a guère d’importance.
Texte de Philippe Baudelot (Ariège)