Balade sonore nocturne exclusive le Mardi 30 Mai 2023 avec l’artiste Boris Shershenkov autour du projet « LightHub » à l’écoute des ondes électromagnétiques omniprésentes dans l’espace urbain. RDV : Place de la République – Sous la statut devant le Lyon (22H)
*** Emmenez tant que possible un casque audio personnel avec prise jack stéréo
*** Une petite participation vous sera demandée à prix libre en liquide sur place pour rémunérer l’artiste. Merci de prévoir en conséquent .
Le mardi 22 mai 2023, à 22h00, place de la République se déroulera la balade sono-lumière Lighthub de l’artiste sonore Boris Shershenkov.
Le projet Lighthub explore l’essence des lumières électriques, qui est fondamentalement différente des sources de lumière naturelle. Les conceptions des flux lumineux technogéniques sont basées sur l’inertie visuelle humaine. Ils véhiculent une quantité importante d’informations cachées à l’œil mais situées dans les limites temporelles de notre perception auditive.Les participants à cette promenade au moyen de convertisseurs phonoptiques sur mesure auront la possibilité d’étudier de manière synesthésique les lumières de la ville telles que les publicités, les phares de voiture et les systèmes d’éclairage public, et de créer une carte lumineuse de la zone enregistrée en son.Au cours de la première partie de la marche sonore, les participants marcheront ensemble et exploreront l’environnement lumineux des zones environnantes. La deuxième partie de la promenade – l’enregistrement de la pièce cartographique « Lighthub Paris : République », au cours de laquelle les participants se déplaceront le long d’itinéraires prédéterminés en fonction de la partition spéciale de la carte.
Boris Shershenkov (né en 1990, Vladivostok, Russie) – artiste et chercheur indépendant, Ph.D. (candidat en sciences techniques), éducateur et concepteur d’instruments de musique. Se concentrant sur des projets qui développent de nouvelles méthodologies dans l’art technologique et sonore, il étudie la relation entre les humains et la technologie en combinant les techniques modernes avec la recherche archéologique des médias. Site web : https://shershenkov.com/
La durée totale de la promenade est de 1h00.
Pour participer à la marche, vous devez avoir :
1. smartphone ou enregistreur audio avec une entrée mini-jack 3,5 mm (micro cravate ou entrée casque) ;
2. une paire d’écouteurs filaires avec un connecteur minijack 3,5 mm.
On Tuesday, May 2023, 10:00 PM, at the Place de la République will take place the Lighthub light-sound walk by the sound artist Boris Shershenkov.The Lighthub project explores the essence of electric lights, which is fundamentally different from natural light sources. The designs of technogenic light streams are based on human visual inertia. They carry a significant amount of information hidden from the eye but located within the temporal limits of our auditory perception.Participants of this walk by means of custom-made phonoptic converters will have the opportunity to synesthetically investigate the city lights such as advertisements, car headlights and street lighting systems, and create a light map of the area saved in sound.During the first part of the soundwalk, participants will walk together and explore the light environment of the surrounding areas. The second part of the walk – the recording of the « Lighthub Paris: République » cartographic piece, during which participants will move along predetermined routes according to the special map score.
Boris Shershenkov (b. 1990, Vladivostok, Russia) – independent artist and researcher, Ph.D. (candidate of technical sciences), educator and musical instrument designer. Focusing on projects that develop new methodologies in technological and sound art, he investigates the relationship between humans and technology combining modern techniques with media archaeological research. Website: https://shershenkov.com/
The overall length of the walk is 1 hours.
To participate in the walk, you must have:1. smartphone or audio recorder with a 3.5 mm minijack input (lavalier microphone or headset input);
2. a pair of wired headphones with a 3.5 mm minijack connector.
Samedi, PePaSon orchestre des rencontres et expériences dans le cadre de la tournée des balades sonores, avec pour thème « Paysages sonores et écologie militantes, quelles synergies ? » Là où on approches les paysages sonores résistants.
Deux belles balades écoutantes dans le Parc de La Villette, orchestrées par Juliette Volcler et Makis Solomos. Un atelier d’écoute et d’improvisation musico-sonore proposé par Christophe Rosenberg, coordinateur des ateliers pédagogiques de La Philharmonie de Paris, une soirée d’échanges autour d’une partition d’écoute, causeries d’après des diffusions de pièce sonores… des partages riches, profonds, bienveillants, où l’écologie écoutante est questionnée révélant des formes d’engagements sous de multiples facettes.
Cette journée s’inscrit également dans le programme de La semaine du son parisienne.
Il reste à documenter et partager tout cela. La matière est riche et abondante, entre sons et images, paysages et réflexions, du beau grain à moudre et des idées, des envies, plein la tête, et les oreilles !
Un immense merci à tous les contributeurs.trices, acteurs.trices, écoutants.es pour leur énergie et synergies bienveillantes !
Dans le cadre de la Semaine du Son 2023 la tournée des balades sonores passera par Paris, en collaboration avec la Philharmonie de Paris, le Shakirail et le GRAINE Ile -de-France, en invitant pour l’occasion MakisSolomos et Juliette Volcler, tou-te-s deux artistes-chercheurs à collaborer pour proposer une balade sonore en duo sur le thème “Paysages sonores et écologies militantes: Quelles synergies ?“.
La balade sonore se tiendra à La Villette (Paris 19e) et sera directement suivie par une discussion pédagogique accueillie à la Philharmonie.
La soirée se poursuivra avec une table-ronde “inversée” au Shakirail de 18H30 à 20H (Bar sur place – Pas de restauration) sur le même thème. Nous y croiseront écoutes, réactions et expertises dans un climat convivial et participatif !
D’autre évènements précèdent et suivent cet évènement dans le cadre d’une semaine du son “paysage sonore” notamment à Lyon. Programme ici : LIEN
Balade sonore : (14H – 17H) Paris – La Villette
Conférence table-ronde : (18H30 – 20H) Le Shakirail – Paris 18e
Date et horaires : Samedi 21 janvier 2023
Inscriptions :
Pour la balade sonore : Envoyez un mail à “pepason[point]asso [at]gmail[point]com”
On pourrait se demander, en exergue à cette réflexion, quels sont les rapports, entre sons, territoires et kinesthésie, entre soundwalk, balade sonore, et autres PAS — Parcours Audio Sensibles. Quels liens unissent ces différentes pratiques et comment, in fine, se rapprochent-elles d’une partition sonore, voire musicale ?
On pourrait se demander, en exergue à cette réflexion, quels sont les rapports, entre sons, territoires et kinesthésie, entre soundwalk, balade sonore, et autres PAS – Parcours Audio Sensibles.
Quels liens unissent ces différentes pratiques et comment, in fine, se rapprochent-elles d’une partition sonore, voire musicale ? Enfin, la question serait de comprendre comment certaines pratiques enseignent et transmettent à des promeneurs-écoutants, ré-interprètes potentiels, tout à la fois des actions, via un système de consignes, inscrivant les signes d’une forte corporalité dans les territoires arpentés.
Sons, territoires, entre écologie et esthétisme
Pour ce qui est des rapports sons/territoires, un paysage sonore se dessine via l’écoute, en fonction des sources auriculaires, de leurs localisations, mouvements, des échelles sonores dynamiques, spectres timbraux, de leur densité… La topologie, les reliefs, la végétation, la nature des sols, les aménagements, contraindront également tant la propagation des sources, des effets sonores associés, que des postures d’écoute soumises aux contingences territoriales. Entre échos et réverbérations, points d’ouïe panoramiques et espaces enserrés, l’écoutant sera confronté à une multitude d’espaces acoustiques, d’autant plus qu’il pratiquera des écoutes en déambulation. Les soundwalks joueront sur la mise en scène, l’écriture d’une succession d’ambiances, tel un mixage sonore paysager en mouvement, propre au promeneur auditeur.
Nous pouvons, pour creuser le sujet, nous rapporter aux travaux du musicien nord-canadien Raymond Murray Schafer, notamment à son ouvrage emblématique The Soundscape, The Tuning of the World. Cette notion d’accordage du monde, sous-titre de l’ouvrage, pose d’emblée le postulat d’une écoute musicale, esthétique, voire d’un geste d’écoute mêlant une conscience écologique, à la recherche esthétique d’aménités paysagères.
La conscience écologique nous fait alors comprendre la fragilité de nos paysages sonores, ballottés entre la saturation chaotique des milieux urbains et la paupérisation des espaces naturels où la biodiversité souffre de multiples disparitions, que l’oreille saisit et analyse du reste mieux que le regard.
Le fait d’arpenter le terrain, toutes oreilles ouvertes, prend quant à lui sa source dans la pratique des soundwalks, que l’artiste new-yorkais Max Neuhaus a érigés en œuvres d’art, actions performatives, collectives, relationnelles autant que perceptuelles. Nous avons ici affaire à la construction d’une « œuvre de concert » en marchant et écoutant, dans les pas de John Cage – qu’admirait beaucoup Max Neuhaus. L’artiste avait d’ailleurs commencé à partitionner ses soundwalks comme des marches reproductibles. Nous y reviendrons ultérieurement.
De l’écriture à la relecture, de l’interprétation à l’improvisation, comment jouer et rejouer en mouvement la « musique des lieux » ?
À travers ces questions, les notions de jeu in situ, de traces et de consignes, tendent à montrer des formes d’écritures audio-kinesthésiques in situ ou ex-situ, singulières, partitions marchées pour promeneurs écoutants interprètes, voire ré-interprètes.
Écrire et lire, voire re-lire le paysage sonore comme une partition musicale
Penser et parcourir des cadres espaces-temps peut être une dé-marche proche de la psychogéographie debordienne. Comment revisiter des villes, quartiers, espaces péri-urbains, en décalant les modes d’appréhension, les temporalités, les grilles de lecture, en défaisant les codes fonctionnels (et politiques) urbains ? L’écoute nous offre ici, associée à la marche, une approche singulière, qu’elle soit individuelle ou collective. Privilégier un sens, dans des parcours sensibles, nous met à la fois dans un déséquilibre pouvant être ressenti comme très déstabilisant, en même temps que cette posture peut nous apporter de nouvelles jouissances quasiment inouïes. Le sentiment de, modestement, refaire la ville à sa façon, à l’oreille.
C’est également, dans une vision post-Debord, une partition politique, tracée notamment sur une conscience écologique, sans doute un brin anthropocènique, voire sur celle de participer, avec des aménageurs par exemple, à un partitionnage de la ville, dans ses travaux et aménagements incessants.
La notion de partition, « Action de partager ce qui forme un tout ou un ensemble ; résultat de cette action, partie d’un ensemble organisé… Division (d’un territoire, d’un pays) en plusieurs États indépendants… »1apparaît alors logiquement, comme un tracé à l’échelle du terrain, et une proposition d’écoute mouvante, tel un magnétophone à la fois traceur et liseur.
Ville à re-composer
Dans l’espace urbain notamment, il nous est permis de jouer. Jouer, dans un sens musical, des rythmes et dynamiques acoustiques, de construire des superpositions, de mettre en place des transitions, des effets dynamiques, des fondues d’ambiances, des coupures, des mouvements/arrêts — points d’ouïe… Bref, nous devenons une sorte de chef d’orchestre imprimant in situ une expérience kinesthésique sensible, dans l’écriture d’un parcours aux limites du rejoué (post repérage) et de l’improvisé, selon les événements-stimuli que nous rencontrerons.
La rue, la place, l’escalier tracent des lignes qui, vues de dessus, font apparaître les formes d’un parcours jalonné au gré des sons, et qu’il est possible de rejouer à l’envi, en se jouant des aléas du moment.
Nous sommes sur des lignes-mouvements, façon Kandinsky, partition graphique, esthétique, physique, dynamique, sonore et kinesthésique. Le corps traceur et mémoire(s) est en jeu d’éc(h)o-interprétation des milieux, dans des marches sensibles et symbiotiques, où le promeneur se fond dans le paysage qu’il écrit en « marchécoutant ». L’écoutant devient lui-même paysage sonore, comme une sorte de réceptacle synecdotique.
Les traces et rendus comme partitions à re-parcourir
Repérage, plan-guides, signalétiques, cartes sensibles, textes descriptifs, autant d’objets-partitions qui permettent de fixer des parcours — avec leurs marges de manœuvre, d’incertitude, leurs chemins de traverse et les libertés que l’on peut prendre. Physiquement, guidées ou non, les traces nous tissent un jeu de pistes sonores pour jouer, rejouer, ou déjouer, différents espaces à l’oreille.
La notion de déjouer est ici assez intéressante. Mot à mot, qui déjoue ne joue pas, ne joue plus, ou joue autrement. On trouve ici la possibilité de contrarier, de mettre à jour une histoire jouée d’avance. Une forme d’improvisation où les tracés se perdent face à une intuition stimulante.
La musique (des lieux) à la carte n’est jamais totalement acquise, ni parfaitement maîtrisée. Mais l’est-elle plus dans des processus d’écritures de musiques dites contemporaines ? Rien n’est moins sûr selon les œuvres.
Continuant sur des rapprochements textuels, sémantiques, le mot déchiffré, par hiatus interposé, ou coquille, peut glisser rapidement vers défriché. On déchiffre une partition, y compris sonore, en même temps qu’on la défriche, qu’on l’apprivoise en éclaircissant ses zones touffues, en traçant un itinéraire de lecture plus clair. De la page carte au territoire partition, je m’avancerais à dire qu’il n’y a qu’un pas. Plus ou moins grand selon les cas.
La carte-partition nous fait effectuer des allers-retours entre le terrain arpenté et la page pouvant être écrite, déchiffrée, interprétée comme une partition/action.
L’écriture captation traces
Le field recording (enregistrement in situ/de terrain, ou sonographie) sera également une forme de trace organisée, parfois composée, pour re-vivre ex-situ un parcours sonore, en sons fixés, selon la définition de Michel Chion.
Cette pratique, liée parfois à des secteurs spécifiques dont l’audionaturalisme, lui-même intrinsèquement lié à l’écologie sonore et à la bioacoustique, est un exemple très pratiqué aujourd’hui, sous de nombreuses formes et esthétiques.
Les plus « purs » enregistrements bruts, non ou peu retouchés, traces du « réel », dans les limites acceptables du terme, sont une sorte de constat, état des lieux, à l’instant T et dans un espace donné.
Le field recording peut ainsi être une mémoire, une fixation de parcours d’écoute, ce dernier étant de fait un geste qui ne laisse pas d’œuvre matérielle, tangible et a minima pérenne.
Néanmoins, à défaut de re-présentation fidèle, cette trace, capture sonore, pourra faire œuvre également. Plus ou moins retravaillé (montage, mixage, effets sonores), le field recording prendra ses distances avec le terrain pour devenir à son tour création sonore, prenant le pas, si j’ose dire, sur le geste original.
Pour moi, il s’agit souvent de deux œuvres différentes, certes assez fortement liées par l’écoute, le lieu, mais néanmoins autonomes d’une certaine façon.
La première est l’action performative de la marche d’écoute in situ, en générale collective.
La seconde est le résultat d’une captation donnée comme création sonore, pouvant être scénographiée par des dispositifs d’écoute, installations audio-plastiques, applications géolocalisées…
À noter d’ailleurs que dans le cas d’applications géolocalisées, l’auditeur marcheur équipé d’un smartphone, retrouvera généralement le principe d’une petite icône marcheuse parcourant une carte GMS, le guidant vers des points d’ouïe. La carte application se fait là interactive, comme une forme de partition serious game à lire en cheminant.
La vidéo fournira également un média particulièrement intéressant pour rendre compte des actions, paysages, ambiances, parcours, avec une approche « naturelle », sans sources ni colorant sonore ajouté, respectant les sons environnementaux, silences compris.
Quelques vidéos de PAS – Parcours Audio Sensible Desartsonnants
Les partitions — consignes de soundwalks
À l’instar de Max Neuhaus (les Listen), ou de happenings façon Fluxux, voire des partitions graphiques des chorégraphies de Cunningham, des partitions-consignes proposent de jouer ou rejouer des marches d’écoute.
Il existe d’ores et déjà un répertoire, en cours de recensement (Neuhaus, Westerkamp, Corringham, Plastic Acid Orchestra, Cluett, Patterson, Kogusi…).
Gilles Malatray, aka Desartsonnants, construit petit à petit, un répertoire personnel de partitions PAS – Parcours Audio Sensibles, à jouer en solitaire ou en groupe, guidé ou en autonomie.
Aujourd’hui les technologies mobiles, embarquées, les réalités virtuelles et autres serious games nous font imaginer de nouveaux dispositifs ludiques, pouvant étendre sensiblement les modes opératoires de la partition papier, vers de nouvelles interactions marcheur/écouteur-territoire.
Les relations du marcheur écouteur aux territoires arpentés ont sans doute encore de nombreuses pistes de cartographies hybrides, d’écritures kinesthésiques à développer, entre expériences sensibles et dispositifs embarqués, explorations in situ et traces re-composées.
Un nouveau PAS – Parcours Audio Sensible, a été effectué sur le campus Pierre et Marie Curie de Jussieu Sorbonne, dessus dessous, dedans dehors, avec quelques passages assez undergrounds, que n’aurait pas dénié Max Neuhaus dans ses Listens.
Ce parcours d’écoute, a été effectué, dans le cadre des 9e Assises Nationales de la Qualité de l’Environnement Sonore, organisées par le CidbBruitParis. Il s’est déroulé, entre chien et loup, de 19 heures à 20 heures, sur le site-même du campus universitaire. C’est d’ailleurs un moment que Desartsonnants apprécie tout particulièrement, pour la qualité des lumières changeantes, la bascule entre nuit et jour, l’estompage sonore progressif, et l’ambiance souvent poétique d’une fin de journée.
Ce soir là, après une journée particulièrement humide, la température est très frisquette pour l’époque, le fond de l’air vraiment frais, ce qui n’a pas empêché un groupe de promeneurs écoutants de marcher lentement, silencieusement, pour aller traquer les ambiances sonores des plus triviales aux plus surprenantes.
Le parcours avait été repéré la veille au soir, alors que le temps était déjà très pluvieux, et avait donc pris en compte un cheminement en grande partie abrité, tracé de passages couverts en parkings souterrains, proposant une porosité dedans-dehors, avec laquelle nous pourrions jongler, selon les conditions météorologiques lors de notre déambulation. Et ce choix se révéla judicieux, tant pour échapper un brin à la fraîcheur humide, que pour découvrir une collection de réverbérations, de coupures acoustiques, de filtrages et de mixages sonores, des plus surprenants et intéressants.
Après un très rapide aperçu oral des origines et pratiques du soundwalking, nous nous mettons donc en marche pour environ une heure de promenade écoutante. En ce début de soirée, les étudiants jusque-là assez nombreux sur le site, se font plus rares. Néanmoins, le site reste animé de pas, conversations, rires et chuchotements, tant féminins que masculins. Ce qui, en ce début de promenade, nous plonge dans une ambiance assez vivace, avec un équilibre très agréable, entre espaces calmes, et poches sonores plus animées.
Un passage en passerelle surplombe la bibliothèque universitaire. Nous pouvons voir des étudiants, en contrebas, lire et écrire, se déplacer pour aller chercher tel ouvrage. Il est alors aisé d’imaginer l’atmosphère très calme de la BU, tout en la regardant vivre en silence, sans rien en entendre, impression curieuse. Nous percevons les sons de surface, derrière nous, d’ailleurs très discrets, tout en voyant un autre univers sonore, dans un mixage que chacun peut se faire à son gré. Un décalage dedans-dehors, dessus dessous, qui ne manque pas, en cette nuit tombante, d’une certaine poésie. Espace apaisé où l’imaginaire a toute sa place.
Nous retrouverons une scène semblable, bientôt, quoiqu’assez différente, un peu plus avant dans notre déambulation. Cette fois-ci, nous longeons des salles où se pratiquent du yoga, des arts martiaux, de la danse, de la musculation… Nous observons les usagers derrière de grandes vitres qui ne laissent s’échapper aucun sons. Une nouvelle séquence à la fois muette et pourtant très évocatrice quand aux ambiances sonores que l’on imagine se dérouler à l’intérieur. Nous finirons par pousser une porte pour pénétrer dans un couloir menant à ces salles. De là, nous parviennent, très filtrées et atténuées, des bribes de musiques, avec en superposition le passage des usagers, leurs voix, leurs pas, leurs regards étonnées de nous voir ici, statiques, silencieux… Entre deux mondes, une fois encore dedans-dehors, un effet de sas mixant des ambiances de façon surprenante. Des lieux que le promeneur écoutant guide affectionne et ne manque pas d’explorer, surtout en groupe.
Sur une autre passerelle, très calme, très résonante, je dispose quatre petites enceintes autonomes, en une mini installation au carré pour jouer d’un espace immersif modifié. Deux HP diffusent de faux chants d’oiseaux qui se répondent, un autre des sons de cloches transformés par des manipulations audionumériques, et un quatrième des voix ténues dans un espace réverbérant qui se confond avec celui, « réel » où nous nous trouvons. Le tout discourant de façon plus ou moins aléatoire selon des boucles asynchrones. Au fil de la mise en place progressive des enceintes, l’ambiance est modifiée par de nouvelles couches sonores ajoutées, qui ne couvriront cependant jamais l’empreinte acoustique de l’espace, jouant plutôt en contrepoint à créer un décalage pour le moins inhabituel. La désinstallation se fait progressivement, dans un decrescendo qui nous ramènera à la situation auriculaire initiale, une forme de résilience auditive où chaque son « naturel », in situ, reprend progressivement sa place à l’écoute.
Un passage devant une cour entourée de hauts bâtiments en U, nous fait entendre mille micros sons, voix et pas, portes grinçantes, dans un halo assez lointain, de quoi à nous faire apprécier les choses ténues, délicates, loin du brouhaha ambiant de la ville pourtant toute proche.
Nous entamerons maintenant la partie souterraine, underground, de notre PAS, en empruntant un réseau assez labyrinthique de couloirs desservant des parkings souterrains et autres locaux techniques. Changement d’ambiance assez radical, tant au niveaux des lumières, artificielles, que des sonorités. La réverbération est ici accentuée, accompagnée d’un quasi silence qui pourrait paraître pesant. Néanmoins, apparait une signature sonore caractéristique de ce genre de lieux, le chant, non pas des sirènes, mais des ventilations et autres climatisations. Elles sont nombreuses, de tailles différentes, toutes assez singulières, déployant une gamme de souffles, tintinnabulis, cliquètements au final assez riches, presque musicaux oserais-je dire. Le jeu ici est de mixer par la marche et l’écoute par le passage de l’une à l’autre, de s’arrêter entre deux rangées, de se faire une petite composition live d’instruments à vent bien soufflants. Une seule voiture viendra animer notre exploration des parkings, excitant ainsi une belle réverbération bétonnée. J’en jouerai moi aussi en poussant quelques notes de chant diphonique, que l’acoustique favorise en les amplifiant, colorant, à tel point qu’on ne sait plus vraiment d’où vient le son. On retrouve ici l’acoustique fusionnelle des églises romanes, propice à révéler les effets immersifs, les situations de communion du chant grégorien, qui lui-même joue sur le développement de notes harmoniques semblant flotter dans l’espace.
Retour au niveau campus, pour une dernière traversée, nous conduisant vers la sortie, sur la place très animée jouxtant l’université. Les voix étudiantes quittant les lieux, le flux de voitures, la ville reprend ses droits à l’oreille, voire ses travers parfois un brin intempestifs. Néanmoins, nous pouvons tester l’effet de masquage en nous approchant tout près d’une fontaine, dont les bruits blancs, chuintants, les glougloutis, vont gommer une partie des bruits motorisés. Nous jouons à mettre nos oreilles en éventail, en élargissant et focalisant, voire inversant leurs pavillons de nos mains placées en conques derrières nos « longue-ouïes » encore toutes imprégnées de notre traversée sonore nocturne. Malgré la fraicheur de l’air, quelques courageux.euses resteront pour discuter des ressentis, essentiellement autour de l’occupation des espaces et de la vie sociale perçues en déambulant dans un campus, à l’heure où il se vide progressivement.
Comme souvent, je comparerai cette expérience collective, écoutante, avec d’autres, en particulier dans de nombreux campus explorés de l’oreille, lors de rencontres, workshops, colloques, actions culturelles. La présence étudiante confère à ces espaces de vie une sorte d’identité commune palpable, surtout du fait que, de nombreux campus ont été construits ou réaménagés durant les années 70, avec des architectures bétons, de grandes rues piétonnes, des auvents couverts, des places intérieures, tout ce qui favorise et génère des espaces acoustiques très réverbérants. Néanmoins, leurs tailles, leurs implantations géographiques, les proportions bétonnées et végétalisées, les activités, font que ces espaces restent des lieux toujours très intéressants, acoustiquement et socialement, à arpenter, seul durant les repérages, et plus encore de concert lors des PAS.
Campus Pierre et Marie Curie Jussieu Sorbonne , le 27 septembre 2022, Assises Nationales de la Qualité de l’Environnement Sonore
PS : La traversée souterraine du campus m’a rappelé, avec tristesse et émotion, celle des sous-sols de la BU à Paris 8 Saint-Denis, guidée par Antoine Freychet, trop tôt disparu après avoir mené des travaux musicologiques remarquables, autour de l’écologie sonore, du soundwalking. Une dédicace hélas posthume !
Les PAS – Parcours Audio Sensibles trouvent un bel écho dans le monde de la radio, où les écoutent de terrain se transportent, par la voix des ondes, jusqu’à de lointains auditeurs qui marcheront avec nous par ce beau média radiophonique.
Voici donc deux émissions de Radio France, France Culture et France Musique, qui ont accueillis des PAS – Parcours Audio Sensibles, dans deux espaces parisiens assez différents.
Une vidéo sonore issue d’un projet collectif, contributif, à distance. Chacun de sa fenêtre échange des choses vues, entendues, en période de confinement sanitaire.
Vendredi 12 et samedi 13 janvier 2018 CND (Centre national de la danse, Pantin), studio 14
L’histoire des artistes marcheurs au XXe siècle s’est principalement tournée vers les pratiques performatives d’artistes visuels : elle va de dada aux artistes du Land Art en passant par les surréalistes ou Fluxus, jusqu’à des artistes contemporains tels Francis Alÿs, Sophie Calle ou le collectif Stalker. Si cette histoire s’est volontiers articulée à la littérature, notamment à travers la figure du flâneur, elle intègre rarement les démarches des compositeurs et des chorégraphes. Réunissant artistes, musicologues, chercheuses en danse, géographes, philosophes, ces journées d’étude interrogeront la marche (solitaire ou collective) en relation avec la création sonore ou chorégraphique : comment penser la dimension « hodologique » (du grec hodos, chemin) de l’art, c’est-à-dire le caractère situé d’une expérience esthétique dont la saisie perceptive implique le déplacement du spectateur-marcheur ? Comment y articuler les notions de milieu, de paysage d’ambiance et d’écoute ? De quelles façons ces œuvres instaurent-elles un lien spécifique avec le contexte de leur effectuation ? Y a-t-il des logiques de composition commune à l’art hodologique ? Quelle écologie perceptive est en jeu dans l’expérience esthétique multimodale d’une œuvre hodologique ? Quelles méthodes d’analyse spécifiques de tels objets d’études engagent-ils ? Organisation : Julie Perrin (Université Paris 8, IUF), Nicolas Donin (STMS, Ircam-CNRS-UPMC)
Vendredi 12 janvier 2018 / 13h-18h Studio 14 (3e étage du CN D) 13h Introduction par Nicolas Donin et Julie Perrin SESSION 1 : EXPÉRIENCES ESTHÉTIQUES EN MOUVEMENT 13h30 Elena Biserna Marche et pratiques sonores et musicales in situ. Lire et réécrire les milieux urbains 14h15 Alix De Morant Étendues, sillages, ponctuations : Terrains, temporalités et pratiques de la marche en danse 15h Bastien Gallet Marcher dans les sons : pratique et esthétique de la marche sonore
/ 15h45 : Pause /
16h Joanne Clavel Expériences de natures : les treks danse comme dispositif de médiation 16h45 Gilles Malatray Points d’ouïe et Parcours Audio Sensibles – dialogue avec Elena Biserna 17h15 Jean-Luc Hervé De l’auditorium au plein air, de l’immobilité à l’écoute ambulatoire – dialogue avec Nicolas Donin
Samedi 13 janvier 2018 / 9h30-18h
SESSION 2 : ATELIERS CHORÉGRAPHIQUES 9h30 Atelier au choix (sur inscription la veille, jauge limitée) : Myriam Lefkowitz Toile d’écoutes (studio 1, RdC du CN D) Laurent Pichaud Démarcher sa disponibilité — ou activer son corps sensible dans des espaces publics non artistiques (RDV devant le studio 14, 3e étage du CN D) / 11h30 : Pause / 12h Séance plénière (ouverte à tous, studio 14) avec Myriam Lefkowitz et Laurent Pichaud, en dialogue avec Nicolas Donin, Gilles Malatray et Julie Perrin
/ 13h : Pause déjeuner /
SESSION 3 : TRACES, MÉTHODES ET PERSPECTIVES 14h Julie Perrin En quête de traces hodologiques pour la danse 14h30 Makis Solomos Promenades sonores : un art en transition ? 15h Roberto Barbanti Promenade écosophique / 15h30 : Pause /
15h45 Interventions de Gretchen Schiller et Jean Marc Besse, suivies d’une table ronde réunissant les participants.
C’est sur l’invitation de chercheurs de Paris 1 Sorbonne, Notamment Frédéric Mathevet et Célio Paillard, dans le cadre d’un séminaire autour du thème « Partitions »* et accueilli par le CDMC (Centre de Documentation de la Musique Contemporaine) que s’est déroulée ce nouveau PAS Parisien. Le LAM, structure organisatrice, Laboratoire l’Autre Musiqueest associé à l’ACTE, UMR 8218 Paris1 Panthéon_Sorbonne/CNRS, équipe Musique et Arts Sonores effectue des recherches/actions; ouvertes à la participation de nombreux artistes et chercheurs, autour de thématiques musico/sonores. Parmi celles-ci, se construisent des des axes de réflexion tels que le corps/corporalité, le rapport social, la circonstance, le bruit, la technologie… Des publicationsélectroniquessont ainsi accessibles à tous pour prendre connaissance de ces foisonnantes recherches interdisciplinaires. Le CDMC quant à lui, qui nous accueille, est situé entre la Cité de la musique et la toute nouvelle Philharmonie, et à quelques encablures du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de paris, tout près de la Fontaine aux lions et de la Grande Halle de La Villette, donc dans un espace haut en sonore. La journée de travail portait sur les partitions, objets de conservation, d’interprétation(s), de (re)lectures multiples et variées. Des partitions graphiques aux jardins en passant par l’architecture et le Parcours sonore, il n’y a qu’un, ou que quelques pas, que nous avons allègrement franchi. Des enregistrements sonores de ces débats seront prochainement en ligne. J’ai donc été invité à présenter mon travail sous deux aspects, une présentation orale des PAS – Parcours Audio Sensibles, de leurs généalogies, objectifs, formes esthétiques… Et une déambulation in situ, démonstration physique et sensible qui vaut bien de longs discours, d’autant plus que le site s’y prête à merveille. Comme à mon habitude, même si ce n’est pas ma première exploration auriculaire à la Villette, j’ai effectué un traditionnel repérage préalable, mise en oreilles et en jambes, façon de voir les chantiers en cours, les atmosphères de saison, et de me ré-immerger dans le tissu sonore local.
Le repérage fut tout à fait concluant même si, comme d’habitude, le PAS public ne le suivra pas dans son intégralité, qui peut le plus peut le moins, par manque de temps. La température et l’ensoleillement en ce début d’automne sont très agréables, ce qui ne gâche rien à la balade, bien au contraire. Le jour dit, je dispose d’une heure et demi de présentation et parcours, devant un public de d’intervenants et de participants, logiquement déjà très impliqués dans les choses sonores et musicales. L’imposante Fontaine aux lions, formant une sorte de grand rond-point piétonnier, lieu de casse-croûte et de discussion aux margelles fort appréciées, sculpture rafraîchissant l’espace acoustique par sa pétulance aquatique nous attire inévitablement, pour constater l’effet de masque. En acoustique, un effet de masque est un son continu qui cache presque tous les autres. La fontaine en est un exemple flagrant, lorsque que l’on se tient très près de ses jeux d’eau, toute la circulation alentour, la vie animée d’un espace public semblent tendues presque muets, à quelques émergences près. Nous éloignant lentement de la fontaine, les sons du parc réapparaissent progressivement, dans un fondu croissant, un fade in diraient les spécialistes des studios électro-acoustiques. Tournant le dos à la fontaine, nous nous dirigeons lentement sous l’immense auvent de la Grande Halle, vestige conservé des anciens abattoirs installés en ces lieux. Nous jouons alors avec l’effet de fondue en sortie, ou Fade out, qui fait disparaître peu à peu le drone aquatique pour laisser ré-émerger les sons ambiants du parc, voix et rumeurs urbaines entremêlées. Longeant les bâtiments de la Grande Halle, nous écoutons à l’intérieur des essais de sons annonçant un concert à venir, en percevant visuellement quelques mouvements internes, sans trop les distinguer. Nouveau mouvement en direction du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse, nouvelles trajectoires dans la partition sonore de La violette, que nous sommes en train d’écrire in situ. Nous nous arrêtons sous le auvent de l’entrée principale, en jouant, comme à l’entrée de la Grande Halle, sur les notions de lisières, de frontières, et à la fois de porosités sonores intérieur/extérieur. La veille, jour du repérage, des sons instrumentaux, virtuoses, entre gammes et traits techniques, exercices et décorticage d’un passage ardu, partition déchiffrée, travaillée, rabâchée à l’envi, s’échappaient des minuscules fenêtres du conservatoire. Aujourd’hui, vendredi après-midi, aucun musicien ne daigne se faire entendre, le week-end arrivant, beaucoup ont sans doute quitter le navire. C’est toujours la surprise du décalage entre repérage et geste public, où ce qui était n’est plus, ou fort différemment, et où ce qui n’était pas s’est installé depuis, sans vergogne. Même sans un seul musicien audible, le fait de s’aligner de part et d’autre de l’entrée, d’écouter les flux de personnes passer entre nous, nous regardant d’ailleurs curieusement, d’entendre les portes battantes entremêler le dedans du dehors, par séquences aléatoires, de regarder la dense circulation du proche boulevard sans pour autant que celle-ci envahisse notre espace d’écoute, n’est pas sans intérêt, loin de là. Nous nous offrons un petit concert insolite, que seul notre groupe perçoit, à l’entrée d’un grand temple de la Musique, la Grande… Nous empruntons maintenant une allée bordée de vastes pelouses et sous-bois, où de nombreux groupes de promeneurs profitent de l’été indien, égrenant ci-et là cris, rires et bribes de voix qui anime l’espace à 360°. J’en profite pour faire sonner de ma trompe,les échos et réverbérations, et s’envoler en même temps des masses de pigeons, dans un froissements d’ailes et un flot de roucoulements.
Commence alors la partie plus intime, et sans doute la plus surprenante, de ce PAS. Nous nous engageons dans une petite sente qui descend directement au cœur du jardin des bambous, dans lequel se trouve le Cylindre sonore, cette magnifique installation sonore de Bernhard Leitner, que nous ne pouvions pas manquer de visiter, surtout qu’elle n’est pas, au final, pas si connue qu’elle le mérite. Pour ceux qui ne connaitraient pas, Le cylindre sonore est une sorte d’amphithéâtre circulaire, niché dans un espace en creux, à l’intérieur du jardin des bambous. Il est construit de huit plaques de béton arrondies, alvéolées, contenant chacune un haut-parleur. Ces plaques diffusent une composition électroacoustique, dont les sons se confondent parfois avec ceux de l’environnement du parc. Ils entourent le public en jouant des mouvements sonores véloces, en contrepoint avec les sonorités de l’espace alentour. La porosité acoustique de cette grande installation avec son milieu crée un bel effet immersif. Pour ma part, je connais cette œuvre depuis longtemps, et ne manque jamais d’y passer un moment lors de mes déplacements à La Villette. Notons que Bernhard Leitner mène, depuis le début des années 70, un remarquable travail autour des rapports sons/espace/architecture/postures d’écoute (voir le lien ci-avant).
Mais autour du cylindre, la musique des lieux est elle aussi bien présente. Enfermés dans une fosse plantée de bambous, la plupart des sons nous parviennent en mode acousmatique. Nous les entendons en effet sans en voir les sources, ce qui rajoute un véritable intérêt à ce paysage sonore perçu au maxima par les oreilles. Par exemple, une voix (africaine?) lance de belles mélopées non loin de nous, sans que nous sachions précisément la situer. Nous empruntons une étroite passerelle métallique, zigzaguant au milieu d’une bambouseraie sauvage, que nos pas font sonner. Brusquement, des rollers, ou skates, nous passent juste en dessus de la tête, sur une passerelle surélevée enjambant la fosse dans laquelle nous déambulons, effet de surprise assuré!. Débouchant sur une sorte de clairière, toujours enchâssée entre murs de béton et végétaux, des sons de voix et de djembés se mêlent à d’autres ambiances, auxquelles je rajoute une éphémère installation sonore personnelle. Ici aussi, ces acousmaties sont saisissantes, tout cela à quelques encablures de la Philharmonie. Remontant « en surface », nous traversons une grande pelouse qui nous ramène vers la Cité de la musique. Profitant de cette belle journée ensoleillé les, de nombreux groupes se prélassent, jouent au ballon, dans un pointillisme de sons disséminés sur cette aire, qui tranche assez radicalement, de par son ouverture acoustique et visuelle, avec la scène d’écoute précédente, très intimement circonscrite. Lorsque soudain, bouquet sonore final, retentit, venant du bâtiment de la Philharmonie toute proche, une puissante sirène d’alarme, très rythmique, dont les motifs sonores ne cessent de se répéter, façon minimalisme américain survitaminé. Cette sonnerie d’alarme fait violemment sonner l’espace, le rudoyant même dans sa répétitivité, son insistance tonitruante, et sa durée. Ce leitmotiv n’en finit pas de bousculer l’acoustique des lieux, quelques minutes avant plutôt sereine. Les sons incisifs nous font remarquer de beaux échos contre la façade d’un théâtre, qui se modifieront selon nos déplacements. Tout semble calculé pour nous accueillir, de façon très tonique, en fin de PAS. Sauf que nous nous retrouvons, avec beaucoup d’autres, refoulés au-delà d’un périmètre de sécurité, contenus par des sentinelles vigipirates, tous les bâtiments ayant été évacués, ou étant en voie de l’été. Alerte à la bombe oblige. Après une bonne attente, l’alerte ayant été levée, nous réintégrons notre salle pour clore ce parcours d’une façon tout à fait imprévue. Néanmoins, le petit parcours effectué dans le parc de La Villette aura tenu toutes ses promesses, voire plus encore, en nous offrant un vaste panel de sons, d’acoustiques, d’ambiances. Un PAS, entre les lieux repérés et les improvisations liées à d’heureux accidents sonores, reste, et restera sans doute toujours, une expérience unique, à vivre en groupe, et entre les deux oreilles.
C’est un PAS un peu spécifique que celui-là,puisqu’il s’agit d’enregistrer une émission radiophonique autour des PAS Desartsonnants, justement ! Ce PAS répond donc à l’invitation de Clément Lebrun, dans le cade de l’émission « Le cri du Patchwork », sur les ondes de France-Musique. A départ, choix on ne peu plus délicat, il m’a fallu choisir un lieu, un quartier parisien, pour effectuer un parcours d’écoute, et Dieu sait si la capitale regorge de ressources auriculaires, d’espaces intéressants acoustiquement pour y balader oreilles et micros, tout en expliquant la démarche, le pourquoi du comment, les manières de faire, les revendications et autres militances… ! Après de nombreuses hésitations, j’ai finalement opté pour les hauts de Belleville, quartier parisien historiquement emblématique, avec ses vues surplombantes, ses visions/auditions panoramiques de la ville, ses fourmillements… Pour autant, rien n’est encore joué, il s’agit maintenant de repérer un ou plusieurs cheminements, dans le foisonnement de topologies sonores. Je décide alors de demander main et oreille forte pour effectuer une journée de repérage avec des écoutants de bonne volonté, alors que beaucoup de choses, dans ce quartier qui me fascine, m’échappent encore. Un appel à une balade écoute participative est donc lancé via les réseaux sociaux. Je reçois rapidement de sympathiques réponses de compositeurs, chorégraphes, dont certains habitent ou ont habité les lieux, tous étant intéressés pour jeter ensemble une oreille, voire deux, sur l’espace sonore des hauts de Belleville. Vers 10H, la rencontre commence autour d’un café, histoire de faire connaissance, de parler de nos projets et travaux respectifs. Olivier, compositeur et chercheur, et Sabine, chorégraphe exerçant dans l’espace public, tous deux aguerris à la chose sonore, à l’espace public, à la marche, m’accompagnent dans un premier tronçon de parcours, où ils me guident vers de nouveaux territoires d’explorations sensoriels.
Le fait (somme toute assez habituel chez Desartsonnants) de partir de l’intérieur de l’église place Jourdain constitue une façon de se préparer sereinement l’oreille, avant que de nous diriger vers le parc des Buttes-Chaumont. Du métro Jourdain, un rapide decrescendo s’opère, en pénétrant dans de petites rues plus abritées de la cohue motorisée. Des voix, colorées, timbrées, de multiples langues et intonations… Une entrée du parc des Buttes-Chaumont, une fois pénétrés dans l’enclos joliment paysager, s’ajoute une nouvelle couche-filtre d’apaisement, voix et sonorités de proximité en profitent pour émerger un peu plus, se tailler une place plus tranquillement présente. Scène surprenante, des groupes pratiquent le Taïchi à l’épée et à l’éventail dans un recoin du parc, dans une musique de différents claquements et cliquetis rythmiques. Les oiseaux sont encore en éveil dans cette automne quasi estivale. Le parcours est aussi riche que paisible à cet endroit, je le garde en mémoire. Retour vers la place Jourdain avec un effet inversement proportionnel dans son accumulation progressive de sonorités urbaines. Sabine nous quitte, pour partir vers d’autres travaux. Nous envisageons de garder contact autour de la marche, de l’écoute, du paysage sonore, ici ou là. Pause. Un nouvel arrivant se joint à notre groupe, Dan, compositeur acousmate. Nouveaux dialogues, prise de contact de visu, après les réseaux sociaux, échanges, longue conversation autour de nos pratiques, un autre petit cercle d’écoutants se reforme. Un nouveau départ, cette fois-ci vers la rue de Belleville, à l’opposé de ce matin, qui débute par une séquence plus dense acoustiquement. Nous nous dirigeons maintenant vers le parc de Belleville, très différent, à tous points de vue, et d’ouïe, de celui des Buttes-Chaumont. Nous retrouvons, par la pénétration dans le parc, la même sensation d’apaisement, une sorte d’oasis sonore urbain. Des lieux à respecter, à défendre, à sauvegarder, à développer, à installer… Messieurs les aménageurs s’il vous plait !
Autour du parc, c’est (pour moi) un dédale de petites rues pentues, pittoresques, d’escaliers, échoppes, petits bistrots (encore) populaires ou grandes brasseries qui dénotent d’une gentrification progressive et indéniable de ce Belleville initialement plus encanaillé. Une galerie d’art au centre de la rue des cascades. Surprenant ! Et qui plus est qui présente une installation sonore et plastique. Causerie avec le galériste. Nous poursuivons l’escapade jusqu’au quartier du Télégraphe, point culminant de Paris, et donc de notre balade. Place des Fêtes, une étrange ambiance tant visuelle qu’auriculaire, voire même sociale – un entre-deux entre différents univers urbains, qui ne manque pas de charme au découvreur que je suis. Fin du repérage, avec le retour sur ce qui est notre noyau d’attraction, le tonitruant métro Jourdain. Je suis repu de marche, de sons, d’odeurs, d’urbanités, mais très heureux de cette journée tissées au fil des pas, des rencontres, des discussions, de tout ce que j’aime en fait. Entre ces deux circuits, côté Buttes-Chaumont ou côté Belleville, mon cœur, et mon oreille balancent, rien ne me semblant faire pencher mon choix vers l’un ou l’autre, si ce n’est vers un mixage des deux. La nuit étant sensée porter conseil, j’attendrai demain, j’écouterai sur l’instant, et l’oreille choisira son versant. Jour J, en amont du PAS, une sympathique discussion avec Clément Lebrun, instigateur du « Cri du Patchwork », émission musicale et sonore fourmillante, très ouverte sur moult pratiques, expériences, esthétiques, sur les ondes de France Musique. Là encore, nous discutons de choses et d’autres, surtout sono-musicales, d’expériences, de connaissances communes, de projets, et bien sûr de la trame de l’émission que nous allons bientôt enregistrer. Comme prévu, après avoir rejoint l’équipe d’enregistrement, nous commençons à l’intérieur de l’église, où le premier aléa sonore ne tarde pas à venir contrarier nos plans. Une dame passe un bruyant aspirateur dans le chœur de l’église. Le vrombissement de son engin avaleur de poussière aspire également toute les micro sonorités réverbérantes de l’architecture. Néanmoins, sérendipité oblige, le réalisateur et le preneur de son décident de capturer cette ambiance pour une future émission, tout n’est pas perdu ! D’ailleurs, la dame à l’aspirateur nous concède très gentiment un instant-espace de silence (celui de son engin), qui nous permet de débuter comme prévu l’émission. Les portes – sas de l’église franchies vers l’extérieur, nous passons sans transition d’un cocon feutré, filtrant la bruyante urbanité, à un flot de décibels qui nous bouscule sans ménagement – effet saisissant ! De belles voix attirent mon écoute vers la droite. Nous nous engouffrons donc à leur poursuite, dans une ruelle longeant l’église. Le choix s’est donc opéré tout naturellement à l’oreille, et il nous guidera ainsi, de sonorités en sonorités, vers les Buttes-Chaumont. Toujours cet effet apaisant de decrescendo. Des travaux perturbent joliment notre marche, se jouant des réverbérations minérales alentour. Une entrée de garage, vers une cour intérieure, nous permet, via un portail donnant sur la rue, de nous construire un cadre de vue et d’écoute, avec en fond, un doux ronronnement de ventilation, venant se superposer , colorer, comme un filtre acoustique, l’ambiance sonore. Situation d’écoute à la fois cadrée et décalée que j’affectionne beaucoup. Nous alternons marche et Points d’ouïe – arrêts sur sons, ponctués de dialogues sur ce qui se passe entre nos deux oreilles, la façon désartsonnante de le faire vivre, de l’expliquer, ou non, de réagir aux événements, de tenter d’embarquer les futurs auditeurs dans nos PAS, tout en pointant les aménités comme les dysfonctionnements paysagers, écologie sonore oblige. Une nouvelle belle séquence où, par les portes de différentes petites échoppes ouvertes sur la rue, il fait très beau, de multiples voix aux consonances africaines s’échappent vers l’extérieur – nous somme sur des lisières, dans un paysage sonore dedans/dehors, privé/public. Nous arrivons à l’entrée du parc des Buttes-Chaumont où, nouvelle scène imprévue, se déroule un concours de pétanque. Des chocs métalliques rythmiques, roulements, tintements, claquements des boules, voix animées, tout y est ! Le preneur de son, s’étant positionné à l’intérieur même du jeu, voit un cochonnet arriver malencontreusement dans ses pieds. S’ensuit une vive mais sympathique discussion pour savoir si notre technicien, impliqué malgré lui dans la causerie boulistique, a ou non perturbé le cours du jeu, empêchant le cochonnet de « casser ». Pour la petite histoire, il s’avérera au final que non. C’est une heureuse séquence dont il faut savoir profiter au débotté, un de ces plaisirs de l’instant saisi sur le vif, un charme d’une balade où l’improvisation est de rigueur pour garder la surprise intacte et la poésie des lieux vivifiante. A l’intérieur du parc, plus de taïchi aujourd’hui, mais un calme retrouvé, des joggeurs faisant crisser les graviers et haletant en rythme, des oiseaux, toujours, des voix spatialisées autour d’une buvette dominant Paris, une belle scène acoustique tout en finesse et en équilibre, un espace idéal pour mettre un terme à ce PAS, riche expérience d’écoute partagée bellevilloise. Cela me donne plus que jamais l’envie de refaire ce genre de repérages collectifs et balades en groupe, explorant de nouveaux quartiers parisiens, ou d’ailleurs. En quelques journées conjointes, mes PAS m’ont fait découvrir de petites villes nichées au cœur de bocages Mayennais puis, sans transition, l’espace plutôt hyper urbain des hauts de Belleville Parisiens. Toute la richesse de ces expériences auriculaires, géophysiques et humaines dans un temps très resserré. Mon oreille a finalement la chance de ne jamais s’ennuyer et, par extension, le promeneur écoutant que je suis. Reste maintenant à attendre de découvrir, sur les ondes de France-Musique, le résultat enregistré de notre périple audio-piétonnier, et qui sera je pense, une autre nouvelle vision/audition, une réécriture radiophonique donnant à entendre quelque chose d’encore bien différents des expériences in situ. Mais c’est là me semble t-il, que réside la magie des Points d’ouïe, Des Parcours Audio Sensibles, de leurs écritures multiples, et des ressentis, aussi partagés que personnels.
Vitry sur Seine, quartier des Ardoines, le retour. Après y avoir effectué une première balade, PAS – Parcours Audio Sensible en nocturne, l’an passé, je ramène mes oreilles, entre industries et bords de Seine, quartier des Ardoines, par de chaudes journées estivales. Ces parcours d’écoutes s’inscrivent dans la programmation de « Gare au théâtre« , structure culturelle vitriote initiatrice entre autre desBalades en Ardoinais. Entre repérage et parcours d’écoute collectif, tout de même une trentaine de personnes en ce mois d’août, des sons me reviennent aux oreilles, et j’en découvre quantité d’autres, sur un itinéraire parfaitement identique à celui de l’an passé. Identique en tout cas au niveau du trajet, car pour ce qui est des ambiances, vraiment très différent. Aussi différent que le jour et la nuit, car le précédent partait à 21H, entre chiens et loups, et ce dernier à 14H. Villes en répétitions… Des RER qui rythment le paysage, nous partons en effet d’une gare à l’autre (Les Ardoines – Gare de Vitry). RER feulant, grondant, ferraillant, cliquetant, dans le vacarme de la proximité, ou dans l’étouffement du lointain, ou dans un entre-deux… selon les endroits. Une scène que j’adore, nous somme tous accoudés sur un pont surplombant les voies du RER, un immense tuyau nous occulte la vue au loin, le paysage, nous laissant apercevoir en contre-bas, juste une très étroite portion de rails. Attente… Assez courte du reste… Les rails se mettent à chanter, à vibrer, à gémir, et soudain, un, puis deux RER passent en trombe, prenant nos sens par surprise, surtout la vue. Effet acousmatique, cinétique, surprise… Glissements. Des rails impétueuses aux usines relativement calmes, en passant par de courtes séquences habitées, et puis bien sûr, la Seine q’on longera un moment donné, assez longtemps, passage inévitable.
Transitions de ville en franges de ville. Des rythmes différents, des rumeurs différentes, des ronronnements, des chuintements furtifs, des ambiances diffuses, et industrieuses. Assez peu d’humains, bien que… Etranges atmosphères. La ville-travail à l’oreille, qui persiste et résiste, jusqu’au mois d’août. Un lourd portail métallique se met en branle, nous venons y tendre l’oreille de près. Il s’ouvre dans une séries de grincements-gémissements, lentement, laissant s’échapper au dehors les résonances d’un vaste hangar, et se referme de même. Fin de la séquence. Visions sonores. Les yeux participent à l’écoute. Ils fabriquent eux aussi, parfois, du non entendu. Ils nous font imaginer, vivre, recréer, des ambiances virtuelles, mentales. On entend ainsi les discours, dialogues, les grondements des tyuaux, des cheminées, des engins, engins forcément mécaniques, des matériaux chahutés, puis des grues immobilisées, le tout visuellement sonifère. Et puis nous voilà, une rue rapidement traversée, presque sans crier gare, sans qu’on s’y attende vraiment, au bord de l’eau. La veille, j’avais déjà été promener mes oreilles en bord de Seine, dans une portion de Paris Plage, profitant de la douceur pour me prélasser sur un confortable transat. L’écoute fut rythmée de fréquents passages de bateaux mouches, desquels s’échappait une bouillie vocale amplifiée, paroles yaourtes des guides, s’extirpant de mauvais hauts-parleurs, non sans rappeler les annonces de gare entendues de loin, façon Tati. La méandreuse Seine structure la capitale dans un dépoiement de paysages propres aux fleuves se coulant sans complexes au sein-même de l’urbanité. Mais revenons à notre balade. La Seine s’étale devant nous, exactement, aquatiquement rafraîchissante. Et tout change, se transforme à nouveau. Estompement assez rapide des voitures. La Seine se prélasse, séparant gentiment mais nettement vitry d’Alforville, chacune se regardant tout en se mirant dans les ondes traversantes. Pour écouter le fleuve, il faut tendre l’oreille, s’y pencher, aller dénicher les glouglouttis, surtout aux abords des pontons et installations portuaires, imposantes machines à roues, bassins desservant la centrale thermique voisine. Autre silouhette emblématique du quartier que cette centrale, avec ses deux énormes cheminées phares totémiques blanches et rouges. La Seine est donc peu audible, sauf quand passe une péniche qui vient réveiller la tranquilité de ses eaux estivales allanguies. Dans le sillage des bateaux, des vagues viennent s’écraser à nos pieds, clappotements qui vont en s’estompant progressivement, jusqu’au prochain passage. La traine des bateaux déchaine également, superposées aux ronronnements des moteurs, de sourdes et grondantes bulles sonores, jolis et étranges chants qui se résolvent en petites explosions mouillées de graves écumes. Les chemins de berges sont rythmés de pas rapides de moult joggers, qui font crisser le gravier des sentes, tout en soufflant rythmiquement – cheu/cheu..Cheu/cheu..Cheu/cheu… Puis des vélos discrets, et de simples marcheurs conversant… Sous une imposante trèmis, j’installe momentannément des sons aquatiques justement, et acousmatiques, autour du public, profitant des réverbérations locales – Petites séquence musicale décalée, qui fait son effet en venant réveiller l’oreille, la tirer vers d’autres ambiances à mi-parcours. l’expérience durant deux bonnes heures, il convient de varier les postures, les surprises, pour redynamiser de temps à autre, notre potentiel de promeneur écoutant. Plus loin, ce sera la structure métallique d’une grue portuaire que nous ferons chanter à l’aide de baguettes frottantes, l’oreille des promeneurs collée à même la matière, qui nous offrira une série d’harmoniques amplifiées assez incroyables. L’expérience d’écoute à »oreille collée » avait déjà été faite sur un large portail et des grilles métalliques. Micro-musique des matières… Aller vers le détail habituellement inouï, passer de macro à de micro paysages auditifs. Une clairière herbeuse accueil une fête, un rassemblement de motards. La musique amplifiée va rebondir sur les berges et les bâtiments d’en face, dans un effet d’écho/résonance des plus spectaculaires, pour notre grand plaisir d’écoutants. Le matin, lors de l’ultime repérage, c’est un saxophoniste solitaire qui travaillait dans ce même endroit, des traits d’une musique résolument be-bop. Nous passons sous un large pont en travaux. Ces derniers généraient lors du repérage matinal, d’incroyables cliquettis qu’hélas, je ne retrouverai plus cet après-midi. Mais c’est le quotidien de ces PAS, et j’en ai depuis longtemps pris mon parti. D’autres surprises viennent compenser. Au terme de ce trajet riverain, une chute gronde sourdement, coupant radicalement la Seine tandis qu’une écluse permet aux embarcations de l’éviter. Replongée dans les usines et entrepôts qui, en ce samedi après-midi, se sont en grande partie vidés, désertés, immergeant les lieux dans une torpeur, un assoupissement reforcé par une chaleur prégnante. Nous longeons, via un étrange sentier, les voix des RER, que nous retrouvons et suivons cette fois-ci de très près, à l’approche de la gare de Vitry, notre point de chute. Notre marche est alors régulièrement scandée perturbée de passages de trains, à assez grande vitesse, qui nous assaillent dans une tempête de bruit zébrant l’espace d’éclairs d’acier. Nous ressentons une certaine insécurité, ou fragilité, face à ces monstres tonitruants, mais une expérience somme toute, et paradoxalement assez euphorisante. En contrepoint à ces sonorités agressives, certains d’entre nous portent, et s’échangent des petits haut-parleurs qui distillent tout au long du groupe une douce méloppée, venant reconstruire une entité acoustique dans notre « procession sonore » qui arrive à son terme. Rendus au théâtre, nous appréçions des rafraîchissements bien mérités. Je dis quelques mots sur les principes de l’écologie sonore, comme au terme de beaucoup de mes PAS. Après cette expérience de partage d’écoute, et les nombreuses scènes et ambiances acoustiques traversées, l’oreille saisit et entend généralement bien le message. Cherchons ensemble, envers et contre tout, la belle écoute.
NB : Le quartier des Ardoines à Vitry connait actuellement une vaste restructuration urbaine, classée Opération d’intérêt national (OIN), et inscrite dans des projets d’envergure du Grand Paris. Les balades urbaines en Ardoinais, y compris sonores, qui y sont menées, permettent de se mesurer au terrain sensoriellement, et de vivre ses transformations in situ.
Desartsonnants aime tout particulièrement placer l’écoute à l’intérieur de projets liés tant à de nouvelles formes de tourisme culturel, qu’à des problématiques d’aménagement du territioire.