Sons-jeux, rêve sonique

Silences des Lauzes – Sentier des Lauzes – Christian Lapie

Statues

C’était après avoir dévoré l’intégrale des nouvelles de J.G. Ballard, un pur chef-d’œuvre d’ailleurs.
À plusieurs reprises, y est question de plantes soniques, et de sculptures chantantes, plus ou moins maléfiques, selon les cas, souvent dans des univers aux beautés glacées, aliénantes. Avec un zeste de paysages façon Lovecraft, aussi beaux qu’inquiétants.

Ce fut donc un rêve, je pense, ou plusieurs.

Je me suis retrouvé sur une sorte de chemin capricieux, assez indéfinissable dans une topologie précise. Mer, montagne, ville, non-lieu, espace mouvant ? Une vision indécise, fluctuante, fragile, comme dans bien des rêves.
Les sculptures néanmoins étaient bien là, soniques. Elles ressemblaient, je crois me souvenir, aux magnifiques ensembles de Christian Lapie, ces fantastiques Ombres guetteuses, dressées dans de vastes paysages.
Sauf qu’elles n’étaient plus dressées silencieusement, souvenirs émergents d’on ne sait où, entre ciel et terre, mais bel et bien sonores.
Elles émettaient un chant, de mémoire éthéré, mélopées de sirènes égarées dans des prisons gangues de pierres, ou d’une autre matière lisse et compacte.
Mais là encore, ces sons restent pour moi très fugaces, comme les « vrais » d’ailleurs, mais sans doute un peu plus immatériels, énigmatiques. Des lambeaux auriculaires flottants sans jamais s’accrocher nulle part.
Je les entendrais plutôt médium aigus, lamento plaintifs, enfermés dans une coque de pierre à la fois brute et travaillée, comme des sortes de génies dans une amphore qui imploreraient qu’on les libère.
Ce que je n’ai pas fait du reste. Mais l’aurais-je pu ?
Cet univers était ambigu, entre sérénité et oppression. L’ambiance évoquait celle d’un Ballard transposé on ne sait où, ni quand, bien loin d’un concert apaisé, même avec une esthétique un brin land art.


Je ne sais pas combien de temps j’ai côtoyées, écoutées, ces statues sonifères, ni comment je les ai quittées d’ailleurs…


J’aurais aimé les retrouver, ne serait-ce qu’une fois, au hasard d’un chemin, d’une nuit, d’un autre rêve…
Ce ne fut pas le cas jusqu’à ce jour.
Peut-être que le fait de les ré-évoquer ici fera qu’elles entendront ce qui peut être un appel, une curiosité encore avivée, et me convieront de nouveau à cette étrange et lancinante promenade, guidée par leurs voix de nulle-part.

Publié dans Discuts N°20, hiver 2016, le magazine des manipulations sonores, sur une invitation d’Alexis Malbert aka Teptronic
Version revue octobre 2020

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