Ponts et tunnels, immersions acoustiques en PAS
Comme tout enfant, qu’une partie de moi-même tente de préserver en lui, j’ai toujours été fasciné par les ponts, les tunnels, et surtout par le fait de pouvoir crier dessous, dedans, en y étant pour une fois autorisé, voire accompagné par les adultes.
C’est en effet une vraie jouissance auriculaire que de se trouver dans une grande masse résonnante, où la matière sonore se fait plus compacte, presque tangible, où nos moindre sons prennent de l’importance, de la densité, où les bruissements se meuvent en rebondissant au gré des surfaces-miroirs de pierres.
Dans mes balades, je cherche toujours des lieux magiques où plonger l’oreille au cœur-même de la résonance, ou plutôt de la réverbération, si je voulais être acoustiquement plus juste. Sauf que j’aime bien le terme de résonance. Il résonne mieux en moi, et me met en accord physique, vibratoire, avec les lieux, les personnes, les acoustiques justement…
La deuxième partie du titre est d’ailleurs un hommage à Élie Tête, fondateur et feu directeur d’Aciréne, avec lequel nous avions travaillé, à Cluny en Saône et Loire sur les acoustiques des lieux, via des concerts et installations – projet justement nommé « Entrez dans la résonance ! »
Je disais donc que je cherche régulièrement, dans mes PAS – Parcours Audio Sensibles, des églises, cathédrales, basiliques, grottes, ponts, tunnels, parkings souterrains, bref, autant de lieux monumentaux, majestueux, mais aussi triviaux, cachés. Ces lieux s’offrent tout naturellement à l’écoute. Leurs sons y sont joliment spacialisés, amplifiés, rebondissants, englobants, et donc assez envoûtants. Je trouve d’ailleurs que le rappel de la voûte sonne ici métaphoriquement bien. La voûte porte, transporte le son d’un bout à l’autre de l’espace, et nous sommes au cœur de ces mouvements-flux sonores.
Je vois, et entends parfois des musiciens, chanteurs de métro parisien, qui jouent le dos tourné aux voûtes carrelées des stations, profitant habilement des effets acoustiques, des effets de portance, qui fait qu’on les entend parfaitement bien, même sans amplification, en mode acoustique, y compris sur le quai opposé.
J’avais donc tout simplement envie de vous faire partager ce goût pour les acoustiques réverbérantes, via quelques mots et quelques images, sachant que rien ne remplace l’action sin itu. Peut-être vous donner envie de vivre ces expériences immersives.
Lyon, Église Saint-Nizier, lors d’un PAS avec des étudiants dans d’une rencontre de l’AGERA (Association des Grandes Écoles Rhône-Alpes). Un arrêt écoute s’impose dans la très belle acoustique de cette église, havre de paix sonore dans un carrefour de centre ville très circulant.
Collégiale Sainte-Waudru de Mons (Belgique), PAS avec des étudiants de l’École Supérieure d’Arts et Multimédia. Là encore, la quiétude et la majesté des lieux nous enchante l’oreille, et l’esprit. Écoute religieuse…
PAS à Auch, Semaine du son. Une voûte joliment résonante et une verrière sur laquelle tombent délicatement des gouttes d’eau. Superbe moment !
Promenade sensible, traboulante – traboules du Vieux Lyon, quartier Saint Jean à Lyon, au cours d’une résidence artistique « Parcours sonores sensibles » avec l’artiste interdisciplinaire québecoise Isabelle Clermont. Les murs ont des oreilles, et nous aussi !
PAS à Mons, Exploration et installation sonore éphémère dans un parking sous-terrain du centre ville. Les entrailles résonantes urbaines.
Paris, quartier de Belleville le haut, exploration d’un parking dans le cadre de l’enregistrement d’une émission de France Musique « Le cri du Patchwork », avec Clément Lebrun. Où l’on parle de ventilations comme des signatures sonores urbaines.
La « rue » centrale de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon Vaulx-en-Velin. Un workshop autour des ambiances urbaines. Pas besoin d’aller très loin pour traquer les résonances. Tout un poème acoustique à portée d’oreilles.
PAS et installation sonore éphémère sous le Pont Nord à Chalon sur Saône, avec le collectif La Méandre et CRANE Lab. Dessus, claquements et grondements de monstres métalliques sur nos têtes, tous près – en contrepoint, des sons installés sous le pont, autour des écoutants – Les réverbérations aquatiques en bord de Saône – des lumières entre chiens et loups, instant étrange et poétique, post futuriste, tout comme je les aime…
Parking sous-terrain, niveau -7. Ça gronde, ça crisse, ça tourne en colimaçon au-dessus de nos têtes, un parking installation sonore, et une composition musicale qui s’ignore !
Exploration urbaine à la recherche de sentiers décalés. Un passage assez méconnu sous la gare de Perrache à Lyon nous offre un beau terrain de résonances tout en en clair-obscurs.
Passage Mermet à Lyon, une cour traboule croix-roussienne qui résonne sous nos PAS. Sonorité réfléchies, comme pensées à l’écoute…
Quels PAS à Nantes, pour le festival de création radiophonique SONOR de Jet FM. Encore un parking. Encore des installations performances avec Isabelle Clermont, encore des acoustiques propices au jeu de l’ouïe, une salle de concert inhabituelle somme toute.
Sous le pont Schuman, enjambant la Saône au Nord de Lyon, quartier Vaise, tout près de chez moi. Regardez dans l’axe du pont, comme sur la photo, et criez, chanter, frappez… Sept échos formidables, de première qualité, vous répondent. Un vrai paysage sonore montagnard dans la ville même. La première fois, je n’en croyais pas mes oreilles. Digne d’être classé et labélisé « Site acoustique remarquable ».