Extinctions de voies

Écrire avec des sons
Une plume de roseau
vibrante au vent
Roseaux penchants
Roseaux pensant
Et puis sifflotant
Un filet d’air extirpé du vent
Juste assez ténu
Pour caresser les frondaisons
Que l’on croyait inatteignables
Les frémir au le vent
Pour prendre du large
Écumer les bouillonnements
Surfer sur les crêtes moussues
Jusqu’au sable des dunes érodées
Crissements doux
Matière qui glisse
Et coule sous les pieds instables
Quand le ressac sape
Creusant jusqu’à notre équilibre
Plus fragile que prévu
Ressac effaçant les potentiels signes plagiaires
Messages aux cœurs noyés
Châteaux effondrés presque sans bruit
Les grains roulent néanmoins
Abrasifs et crissants
Sans marées perceptibles
Et puis des rires plongeant
Des volatiles moqueurs
Braillards jusqu’à l’agacement
De tous leurs cris sans relâche
Tchekhov l’avait senti
La liberté n’est pas toujours là où on pense l’entendre
Les rieuses ont fui la guerre
Les canons par dessus mer
Tonnent trop violents
Le silence de l’amer
Se tait sans faire de vagues
Sans même agiter le roseau
Comme une grande mouette muette
Le bec cerclé de barbelés
L’air n’y entrera plus
Silence demeure
Les sons peinent à s’y écrire
Ou bien ils se récrient englués
Sous des chapes d’où plus rien ne s’échappe
Sourds écroulements sans pitié
Garder l’oreille par-dessus
Chercher l’air salvateur
La bouffée nourricière
Le filet de vent frais
Qui, sans attiser les feux
frissonnera les grands trembles
Élancements fragiles au pied des rives
Leurs branchages montant pourtant
Vers les trouées de ciel aspirant
Là où respire encore le vent
Quoiqu’il charroye de remugles
De cris inentendus
D’agonies inaudibles
Les sons s’éteignent
Faute de les écrire
Ou pire encore
Faute de les dire
Ou pire encore
Faute de les les entendre.

Extinctions de voies

Point d’ouïe, j’ai eu vent de…

En priant Dieu qu’il fit du vent…
Et il y en fit !
Une nuit bien ventée
tempétueuse même.
Éole au meilleur de sa forme.
Un vent tout droit venu du sud
qui balaie les hautes vallées pyrénéenne (scène de l’action en cours)
ça charrie
ça gémit
ça siffle
ça grince
ça grogne
ça secoue
ça ballote
ça traine
ça remue
ça vibre
ça s’infiltre
ça se calme
et se déchaine
ça rythme la nuit

Et tendre l’oreille au vent
c’est vivifiant
paysage mouvementé
paysage secoué

Nous entendons du vent
plus ce qu’il anime, met en mouvement
plus ce qu’il met en vibration
notre peau et tympans compris
plus ce qu’il fait chanter
les obstacle à son flux
ceux qui lui résistent,
que le vent lui-même
Le vent, on le sent à fleur de peau
à fleur d’oreille
telle une vibrante friction aérienne

Quand il s’engouffre dans la vallée
c’est comme un couloir acoustique
un tuyau d’instrument
une pavillon vibrant.

Et les micros tendus peinent à le saisir
dans son humeur de tempête
qui collent les membranes
saturent les prises de sons
jusqu’à l’inaudible
alors il faut ruser
emmailloter les micros
se mettre dans les recoins
les anfractuosités
derrière des fenêtres
à l’abri du grand souffle
mais à l’affut de ses courants déchainés.

Doucement, tout se calme
le grand souffle retombe
laissant un paysage quasi épuisé
et ses arpenteurs écoutants
également épuisés
et repus
après ces grands bols d’air.

Et la pluie d’arriver
Autre ambiance plus feutrée
qui égoutte la vallée
tout bascule dans une intimité mouillée.

Écoute au casque de préférence.

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Accueillie par Ramuncho Studio et HANG-ART
Mai 2021