Où les branches craquent sous les pas, comme il se doit
où la forêt se fait parfois percussion, percutée
où l’on active échos et résonances
où un bâton met en marche
Où le vent nous souffle et siffle à l’oreille
où les loups sont bien là, houuuuuuuu
et les termites aussi
mortelles !
Où les z’oizaux z’aussi, vrais z’ou faux, gazouillent
où les enfants arpentent
enregistrent
racontent
inventent
bruitent
où l’on s’enforeste sans prendre racine…
« Fictions de la forêt« , initié par Permanence de la littérature, la CALI (Communauté d’agglomérations du libournais), centres de loisir Libourne, atelier d’écriture avec Eduardo Berti, création sonore et montage sylvestre Desartsonnants
Une forêt peut-elle se cacher derrière un arbre ? Ou inversement ? Un son peut-il se cacher en forêt ? Une forêt dans les sons ? Qu’en dire, qu’en ouïr ? Marcher suivant son instinct Au risque de s’égarer Sans cailloux baliseurs Croiser et écouter l’Ogre Baba Yaga Le roi des Aulnes l’esprit des Sylves Le Grand Méchant Loup GML pour les intimes Les Sept Nains, grincheux compris Pelleas ou Mélisande Ou les deux Le chêne séculaire Le saule, éternel malheureux La biche innocente, quoique… Et tous les esprits frictionnels Qui nous feront voir de quel bois ils se chauffent Et tous les oiseaux nicheurs et dénicheurs Les coucous squatteurs Les pies cleptomanes, de pis en pis Et tous les Elfes, lutins, Hobbits, korrigans, Génies verts, Naïades, Walkiries, Nymphes, Ondines, Échos, Esprits siffleurs, frappeurs, tapageurs…
Choses racontées de souche à oreille Les feuilles grandes ouvertes, ou vertes En embûchcade Des bois sons Hydres à temps Jeux très bûches !
Tout cela fait un sacré boucan ! Une rumeur entretenue de vents Balayée d’orages, saccagée de grêle, assoiffée de sécheresse, Laissant du bois mort, desséché, moussu… Tout ce qui craque sous nos pas Même le verni de l’histoire sylvestre
Sève qui peut !
Mais ça sonne quand même bien !
18 octobre 2022, PREAC Les fictions de la forêt, Permanence de la littérature, forêt de La Double, Cali de Libourne
Deuxième journée en forêt de la Double, dans le libournais, avec des enfants des écoles voisines.
Matin Ciel bas, très sombre, chaleur lourde et atmosphère humide. Ce qui devait nous arriver nous arriva. Tout d’abord, quelques gouttes clapotantes. Puis une petite pluie. Suivie d’une bonne averse. Les arbres nous pleurent dessus. Le sol devient spongieux. Il pleut, vraiment. Les sons aquatiques feront partie ce matin du paysage, bon gré mal gré.
Midi. Tout bascule. Le vent tournant chasse nuages et ondées. De superbes trouées de soleil colorent les bois. Exit les sons pluvieux.
Constat Sous le soleil ou sous la pluie, la forêt reste néanmoins très décevante à l’écoute. Loin de ce que l’on peut en imaginer, avec des nuées d’oiseaux, des sons forestiers… Les oiseaux se taisent, ou sont partis vers d’autres cieux. La forêt n’est pas du tout spectaculaire à l’oreille, voire se révèle désespérément silencieuse.
Rumeur autoroutière au loin.
Mais les enfants ont des ressources, beaucoup, sans forcément qu’on leurs suggère, pour combler les vides, faire chanter les lieux, faire paysage.
Ayant plus ou moins consciemment intégrés les jeux d’écoute proposés en début de promenade, ils vont chercher les micros sonorités, faire sonner la forêt en la percutant, bruitant, ébauchant des histoires où l’imaginaire fera chanter les sylves…
Je suis toujours surpris de leur façon de tisser un récit, fut-il sonore, à partir de presque rien, du trivial, qu’il faut aller chercher dans les recoins les plus cachés de l’auricularité.
Au creux d’une souche, sous les mousses toutes douces, dans les feuillages bordant le chemin…
Devant moi, à nuit tombante, coule la Dordogne sableuse, ocrée, en silence.
Il faut s’en approcher tout près pour entendre ses remous bruisser, des flots brisés par les piles du pont historique.
Une cloche, celle de l’Hôtel de ville sonne un carillon de Westminster, tronqué. On attend vainement la fin qui ne viendra pas.
Lui répond, quelques secondes plus tard, celle de l’église Notre-Dame de l’épinette, un très joli nom qui sonne bien, dont la flèche a été, par sécurité, provisoirement décapitée.
Les cloches sont néanmoins restées en place, et donnent encore de la voix.
Ces deux bâtiments sont dans mon dos, et pourtant j’entends leurs sonneries contre les murs d’en face.
Magie des effets acoustiques en miroirs.
Il fait très doux ce soir.
Des promeneurs, des familles longent le quai en contrebas en devisant.
Les enfants courent et crient, insouciants.
Un chien aboie à ma droite, assez loin, et ses jappements trouvent de beaux échos contre le parapet du vieux Pont de pierre, à ma gauche.
Autre magie des effets sonores déroutants.
L’obscurité s’étale doucement sur Libourne, de paire avec l’amortissement sonore.
Des groupes d’enfants des écoles de la Communauté d’agglomération sont invités à marchécouter. Dont une classe unique ULIS ce jour.
Un conte, des contes, des histoires, Tendre l’oreille vers les arbres Des arbres qui tendent l’oreille vers nous Bienveillance mutuelle Être écouté par la forêt Jouer avec ses sons Retrouver le silence, même fragile Installer l’écoute S’installer dans l’écoute Cueillir des sons Être cueilli par les sons
Caresser, éteindre, s’adosser Esprits de la forêt Ausculter des matières, des mousses et des écorces Raconter Bruiter Jouer
La pluie s’en mêle L’oreille s’emmêle Ça crépite Les feuilles chantent Micros sonorités
Mixage Les pas écrasent les branches, crépitement La pluie sonne la forêt, crépitement L’oreille doute Crépitement
Micro installation éphémère Des sons exogènes Cloches, voix, oiseaux fantasques Le vrai du faux, et vice versa Installer l’improbable Échanger sur le vécu, l’entendu Échanger sur l’imaginé
Réactions L’’imaginaire de l’expérience, et vice et versa La spontanéité d’une fraicheur sylvestre Se retrouver avec l’autre, nous, eux, les arbres Entendre les crépitements entre gouttes d’eau et marche spongieuse Entre pluie, vent et soleil Entre réel et rêvé
Deux heures ça passe vite Quitter la forêt Retrouver le bus Garder l’empreinte, on espère L’expérience d’un moment Une traversée sylvestre unique La sensation du pas sur l’humus De l’oreille buissonnière L’appel et de l’accueil de la forêt
Départ de Lyon Ronronnement 7 heures de bus Ronronnement Ça berce On l’oublie Òn somnole De beaux paysages Ronronnement
Arrivée Promenade sur le port fluvial Nocturne Petite pluie intermittente, vent, Crépitement Marche, un grand besoin après cette traversée assise
Ronronnement Un méga truc flottant illuminé Amarré Un truc flottant pour touristes fluviaux flottés Aventuriers peinards de la rivière Dordogne Ronronnement Les moteurs alimentent les lumières à bord Ronronnement Et celles du dehors Le port n’a pas assez de ressources électriques pour cela Ronronnement Donc les moteurs tournent Tournent Tournent La nuit durant Ronronnement C’est agaçant, voire plus, quand on sait Ronronnement Heureusement, la pluie plique et ploque Sur le vieux Pont de pierre La Dordogne au dessous Plic ploc Ça fait du bien Tout Ronronnement cessant Ça fait du bien.