
2025, vers de nouveaux ports imaginaires et incertains

Existe t-il une forme d’urbex auriculaire, une archéologie excavatrice du sonore, une exploration auditive plus ou moins sauvage, un brin fantastique ?
Qu’est-ce que la nuit nous raconte, nous susurre au creux de l’oreille ?
Pouvons-nous installer des écoutes de lieux fantomatiques, où l’on pourrait entendre, percevoir, des réminiscences acoustiques enfouies dans les strates de l’histoire, de la mémoire, des murs et ruines, des machines abandonnées et autres vestiges architecturaux… ?
Pouvons-nous conter, raconter, broder, les ambiances sonores disparues, ensevelies ?
Pouvons-nous donner à imaginer, sans autre artifice que nos oreilles propres, les sons du passé, ceux qui, envers et contre tout, résistent à l’usure du temps, quitte à se réinventer au gré des abandons, destructions, reconstructions, marches écoutantes … ?
« Elle longe la gare monumentale fermée depuis plus de vingt
ans, sans même un regard pour ce bâtiment fantôme naguère
chargé de tant d’ambitions qu’il semble annoncer qu’il restera
debout quoi qu’il arrive. Le vent qui s’y engouffre et siffle à
l’intérieur ne ressasse plus rien depuis longtemps, il ne transporte
ni les adieux, ni les mots d’amour, ni les serments prononcés sur
un quai. Il brasse le vide, la violence et les démentis du présent
comme du passé. Les mots s’en sont allés avec les gens. »
Judith Perrignon, Là où nous dansions (2021)
Ces questions Desartsonnantes sont également irriguées de souvenirs, nocturnes, déambulants, dépaysants… Ceux par exemple d’explorations nocturnes dans le quartier des Ardoines, à Vitry/Seine, longeant une ancienne centrale thermique à charbon, et d’autres arpentages sonores aux abords de Charleroi, dans ses gigantesques friches industrielles… Tous ces tuyaux, turbines, cheminées, obscures machineries tout droit sorties de l’imaginaire de Jules Verne, François Schuiten, semblant soupirer, ronronner, grogner, grincer, gémir… à qui sait les entendre.



Penser, raconter et construire des paysages sonores, cela implique pour moi de croiser, mixer, hybrider des approches, des savoir-faire, des récits, des imaginaires, des choses tangibles et immatérielles, des affects et raisonnements…
Cette posture personnelle, ébauchée, en chantier, souvent répétée, tripatouillée, ressassée, nourrit et stimule une soif de mieux comprendre et d’expérimenter des écoutes multiples. Ces dernières prennent corps, s’incarnent, en concevant une infinité de paysages sonores imbriqués, à la fois intimes et partageables.
Je note ici quelques approches, sans les hiérarchiser ni les développer, comme un canevas ébauchant une sorte de protopie* potentielle.

Imaginons que les rivières, les ruisseaux et torrents, aient des oreilles…
Imaginons qu’ils écoutent et gardent en mémoire tout ce qu’ils entendent en traversant de vastes territoires, dévalant les montagnes, lorsqu’ils affluent et confluent…
Imaginons que leurs voix nous racontent mille et un récits irrigués de leurs cheminements in-fluants,…
Imaginons que nous les recueillons, et qu’à notre tour, nous les racontions, au gré de nos imaginaires, de nos déambulations, et de nos rencontres.

Chantier d’écoute au fil des ondes « Bassins Versants, l’oreille fluante«

Les entrailles du Locle (Suisse)
Bassins Versants, Rançonnet mon ami
Aquaphonie, eaux chantantes sous les roches
Cumul d’eau, les oreilles montent à crue
Là où respirent les grenouilles, chantent les sirènes et tanguent les bateaux

Publics : Groupe jusqu’à 20/25 personnes
Lieux : Plutôt urbains, ou péri-urbains
Temporalité : 1 à 2h, jour ou nuit
Actions : Visiter de l’oreille un quartier en rénovation, ou possédant des friches industrielles, des zones habitations, ou industrielles, ou les deux…
Le « guide d’écoutes imaginaires » emmène le groupe vers des lieux préalablement choisis, ou non, et propose à chaque étape, à chaque point d’ouïe, une mise en situation pour stimuler des imaginaires audio-sensibles.
Le but est d’imaginer les ambiances sonores d’usines désaffectées, du quartier il y a très longtemps, ou dans un futur plus ou moins proche, ce qui peut se dérouler, invisible, derrière les murs de maisons… Faire entendre ce qui est inaudible, au-delà des sons « réels »… Travailler un imaginaire auriculaire, fabriquer des auditions virtuelles, sans autre technologie que notre propre imagination.
Échanger, en fin de parcours, sur ses propres expériences, confrontées à celle du groupe, à celle d’autres écoutants.
Remarques : L’enregistreur étant ici totalement inefficace, en tant qu’écouteur de l’instant vécu, pourra être utilisé pour recueillir les récits oraux de ressentis-traces. L’écrit sera très également opportun pour formaliser et construire un récit post expériences.