Aujourd’hui, on parle aisément de paysages remarquables, voire fascinants, de sites spectaculaires, protégés, labellisés UNESCO, de classements, d’inventaires photographiques… Quid du paysage sonore ?
Pour avoir tendu mes oreilles et arpenté des médinas, de grandes cathédrales, des cirques montagneux surplombant une vallée, des cours intérieures urbaines, des cloitres, de grands ports maritimes, des forêts, des ruelles, suivi des torrents et des fleuves… les ambiances sonores se déploient comme des livres ouverts à nos oreilles. Des scènes auriculaires qui proposent une multitude d’ambiances et de récits entendables, pour qui sait en débusquer les richesses, en apprécier la diversité souvent dépaysante, par un simple décalage sensoriel, un simple « prêter attention », par le fait de tendre l’oreille. Accepter d’être surpris, voire bouleversé par la construction sensible d’un paysage sonore singulier, à la fois collectif et intimement personnel, au rythme de ses pas, des silences et d’une lenteur assumée, c’est entrer dans le monde de l’écoute de façon respectueuse. Une posture qui nous immerge sensoriellement sans modifier radicalement les caractéristiques paysagères, ni asservir les milieux traversés à nos envies d’une main-mise autoritaire, tendant à un tourisme vendeur et profitable. Gageons ici que les paysages auriculaires seront préservés de la surenchère touristique maltraitante envers des paysages visuels et leurs habitants, par le simple fait de leur immatérialité et d’une certaine instabilité les rendant plus difficiles à cerner et donc à appréhender. Sans compter la prédominance « naturelle » du visuel dans nos cultures européennes.
L’aménagement global du territoire, la métropolisation galopante, le développement des moyens de transport, l’extraction massive de ressources naturelles, sont autant de facteurs, parmi d’autres, qui menacent l’équilibre de nos paysages auriculaires. Il convient donc d’en repérer les richesses, d’en préserver certains, un maximum, des intrusions assourdissantes, de ménager des espaces calmes, où il fait bon entendre, et s’entendre. Au-delà du plaisir esthétique, affectif, une vision, ou plutôt une audition écologique, voire écosophique, dans ses approches éthiques, est nécessaire pour échapper au grand fracas tonitruant. Nous en revenons donc à la nécessité de prendre en compte les paysages auriculaires, en même temps que ceux visuels, en les frottant les uns aux autres comme des ambiances étroitement entrelacées. Je ne parlerais pas ici, par inexpérience, des paysages olfactifs, gustatifs, haptiques, et de tout ce qui contribue à faire sens, dans toute la polysémie du terme, dans nos cheminements et cohabitations au quotidien. Nos corps interagissants doivent être regardants, touchants, mais aussi écoutants, avec un travail à effectuer pour prendre conscience des richesses, mais aussi des fragilités, voire périls, de nos milieux de vie. Prendre conscience également du potentiel dont nous disposons physiquement et mentalement, pour ressentir plus profondément tous les stimuli qui nous font « être au monde », dans tous les sens du terme. Le paysage auriculaire nous montre souvent les paupérisations, parmi d’autres indices révélateurs et inquiétants de notre précarité environnementale. Les paysages à portée d’oreille font patrimoine, richesses, mais aussi contribuent à maintenir des cadres de vie soutenables. Les arpenter en les écoutant, corps et oreilles engagées, les repérer comme espaces de vie sociale partageables, si ce n’est confortables, sont des engagements à mon avis nécessaires autant qu’urgents.
Les projets culturels de territoire, l’éducation populaire, culturelle et artistique, l’enseignement dans son intégralité, le travail croisé entre artistes, institutions, collectivités territoriales, chercheurs et spécialistes de l’acoustique environnementale, de la bio et écoacoustique, du tourisme, du développement économique, des aménageurs architectes, urbanistes, paysagistes… sont des leviers certes compliqués à mettre en place, mais opérationnels dans leurs collaborations à moyen et long terme. A bon entendeur, salut, ou tout au moins des perspectives de préserver des milieux de vie qui ne soient pas que bruit et fureur.
Le n°177 de la revue Echo Bruit du CIDB (Centre d’Information sur le bruit) comprend un dossier spécial sur l’éducation au sonore !
« Pour ce numéro spécial, nous avons mis à l’honneur les acteurs des territoires sonores qui nous donnent à écouter les sons du monde et qui contribuent à sensibiliser les jeunes et le grand public à une meilleure compréhension de l’univers sonore qui s’ouvre à nous.
Retrouvez aussi les rubriques habituelles d’actualité autour de la qualité de notre environnement sonore : politique, écho des villes, biodiversité, bâtiment, santé, et culture. »
Deux pqages sont consacrées à Desartsonnants/Gilles malatray
Un bassin versant est un territoire défini par la circulation des flux aquatiques de surface, affluant vers un même cours d’eau ou nappe souterraine. Des lignes de partage des eaux délimitent les bassins versants, souvent en crêtes, frontières naturelles dues aux reliefs, d’où partent généralement les sources, les crêtes de bassins. En surface, un cheminement, parfois très long pour les grands fleuves aboutit à la Mer Méditerranée où à l’Océan Atlantique, pour ce qui est de la France. Lorsqu’on regarde des cartes de bassins versants, on est impressionné par la densité et la beauté des dessins ciselés des flux, qui ne sont pas sans rappeler des vaisseaux sanguins irriguant un corps humain. Dans les deux cas, on a affaire à un système nourricier, irriguant, source de vie. Chaque bassin versant est unique,. Il est chargé de l’histoire, ou plutôt des histoires des eaux traversant des territoires très différents. Les approches géographiques, hydrologiques topologiques, historiques, industrielles, botaniques, biologiques, mais aussi sociales, de nombreuses activités humaines étant fortement liées, voire dépendantes des cours d’eau, font écrire l’épopée de chaque bassin versant de façon très singulière. Les reliefs creusés, sillonnant les paysages de gorges, creusant et érodant plaines et vallées, en inondant d’autres, créent des paysages dynamiques, toujours en mouvement, en tous cas jusqu’au moment où le cours d’eau se tarit, est détourné, enterré… Les bassins versants sont des entités dotées d’un vie propre, où l’histoire d ‘un région, d’un village, d’une grande traversée, se reflète et se construit tout à la fois. On a bâti des villes, acheminé des marchandises, voyagé vers d’autres lieux, lavé son linge, alimenté moulins et usines, jouté, planté des arbres, au fil de l’eau. Mais aussi on s’est baigné, reposé, on a rêvassé, fasciné par des courants fluants ou des surfaces étales. Des histoires, contes, légendes et monstres en tous genres sont sortis des flots, des sources sacrées, tels des Hydres, Vouivres et autres Tarasques, reflétant tant des fascinations que des peurs ancestrales.
La Saône étale
Une géographie auriculaire
Les bassins versants définissent aussi des territoires acoustiques non négligeables, de la goutte d’eau au torrent rugissant. L’eau se révèle dans un espace géographique donné, comme elle révèle se dernier, participant à lui donner corps, à lui donner vie, à l’incarner. Cet aspect auriculaire, entre paroles, mémoires, et marqueurs sonores, acoustiques, territoriaux, de la densité urbaine aux grandes vallées sauvages, est peu ou pas exploré. Ce que l’eau raconte d’un territoire, d’une minuscule rive à l’étendue d’un océan, est source d’inspiration, mais aussi nous avertit sur les dangers de laisser cette matière vitale exposée à toutes les dérives d’aménagements contre-nature, de pollutions mortifères. Lorsqu’une rivière d’ordinaire bouillonnante est de plus en plus asséchée en été, que l’oreille ne la perçoit presque plus, lorsque les flots charrient des écumes colorées qui n’ont rien d’esthétiques, lorsque le silence se fait, non seulement le système hydrologique est menacé, mais toutes espèces humaines, animales, la végétation, le sont tout autant. Ce qui dynamise un territoire peut aussi, par sa dégradation, sa disparition, sa non gestion ou ses accaparements inconsidérés, le paupériser de façon durable et pour le peu dommageable. Beaucoup de sources auriculaires ont disparue. Les lavoirs n’accueillent plus les lavandières, beaucoup de ports fluviaux urbains ont été désertés par la batellerie, les baignades dans les cours d’eau urbains sont en générale proscrites, on a progressivement, dans les cités, tourné le dos aux fleuves et rivières. On ne les entend plus vraiment vivre, même si, ces dernières années, des villes ont revalorisé leurs cours d’eau, en y enlevant les voitures envahissantes et réaménageant des espaces piétonniers riverains. Écouter l’eau, arpenter ses territoires, est un premier geste d’attention. Considérer que, outre les fonctionnalités purement aquatiques, la première étant de nous maintenir en vie, l’esthétique paysagère est grandement embellie par une multitude de cours d’eau, que chaque bassin versant sonne comme un marqueur territorial, un signe de vie, n’est pas si futile qu’il puisse y paraître de prime abord. L’eau est apaisante, que ce soit dans l’écoute de ses remous qui se brisent sur les piles des ponts, ses frémissements sous la caresse du vent, comme dans les espaces de calme préservés des vacarmes urbains. Espaces où l’on entend les traces audibles d’une biodiversité bien présente, qu’un cours d’eau ménage dans sa traversée, mais aussi une vie sociale où paroles et chants résonnent dans des lieux où il fait bon se retrouver. L’eau doit toujours couler de source dans une écoute paysagère impliquée.
Un nouveau PAS – Parcours Audio Sensible, a été effectué sur le campus Pierre et Marie Curie de Jussieu Sorbonne, dessus dessous, dedans dehors, avec quelques passages assez undergrounds, que n’aurait pas dénié Max Neuhaus dans ses Listens.
Ce parcours d’écoute, a été effectué, dans le cadre des 9e Assises Nationales de la Qualité de l’Environnement Sonore, organisées par le CidbBruitParis. Il s’est déroulé, entre chien et loup, de 19 heures à 20 heures, sur le site-même du campus universitaire. C’est d’ailleurs un moment que Desartsonnants apprécie tout particulièrement, pour la qualité des lumières changeantes, la bascule entre nuit et jour, l’estompage sonore progressif, et l’ambiance souvent poétique d’une fin de journée.
Ce soir là, après une journée particulièrement humide, la température est très frisquette pour l’époque, le fond de l’air vraiment frais, ce qui n’a pas empêché un groupe de promeneurs écoutants de marcher lentement, silencieusement, pour aller traquer les ambiances sonores des plus triviales aux plus surprenantes.
Le parcours avait été repéré la veille au soir, alors que le temps était déjà très pluvieux, et avait donc pris en compte un cheminement en grande partie abrité, tracé de passages couverts en parkings souterrains, proposant une porosité dedans-dehors, avec laquelle nous pourrions jongler, selon les conditions météorologiques lors de notre déambulation. Et ce choix se révéla judicieux, tant pour échapper un brin à la fraîcheur humide, que pour découvrir une collection de réverbérations, de coupures acoustiques, de filtrages et de mixages sonores, des plus surprenants et intéressants.
Après un très rapide aperçu oral des origines et pratiques du soundwalking, nous nous mettons donc en marche pour environ une heure de promenade écoutante. En ce début de soirée, les étudiants jusque-là assez nombreux sur le site, se font plus rares. Néanmoins, le site reste animé de pas, conversations, rires et chuchotements, tant féminins que masculins. Ce qui, en ce début de promenade, nous plonge dans une ambiance assez vivace, avec un équilibre très agréable, entre espaces calmes, et poches sonores plus animées.
Un passage en passerelle surplombe la bibliothèque universitaire. Nous pouvons voir des étudiants, en contrebas, lire et écrire, se déplacer pour aller chercher tel ouvrage. Il est alors aisé d’imaginer l’atmosphère très calme de la BU, tout en la regardant vivre en silence, sans rien en entendre, impression curieuse. Nous percevons les sons de surface, derrière nous, d’ailleurs très discrets, tout en voyant un autre univers sonore, dans un mixage que chacun peut se faire à son gré. Un décalage dedans-dehors, dessus dessous, qui ne manque pas, en cette nuit tombante, d’une certaine poésie. Espace apaisé où l’imaginaire a toute sa place.
Nous retrouverons une scène semblable, bientôt, quoiqu’assez différente, un peu plus avant dans notre déambulation. Cette fois-ci, nous longeons des salles où se pratiquent du yoga, des arts martiaux, de la danse, de la musculation… Nous observons les usagers derrière de grandes vitres qui ne laissent s’échapper aucun sons. Une nouvelle séquence à la fois muette et pourtant très évocatrice quand aux ambiances sonores que l’on imagine se dérouler à l’intérieur. Nous finirons par pousser une porte pour pénétrer dans un couloir menant à ces salles. De là, nous parviennent, très filtrées et atténuées, des bribes de musiques, avec en superposition le passage des usagers, leurs voix, leurs pas, leurs regards étonnées de nous voir ici, statiques, silencieux… Entre deux mondes, une fois encore dedans-dehors, un effet de sas mixant des ambiances de façon surprenante. Des lieux que le promeneur écoutant guide affectionne et ne manque pas d’explorer, surtout en groupe.
Sur une autre passerelle, très calme, très résonante, je dispose quatre petites enceintes autonomes, en une mini installation au carré pour jouer d’un espace immersif modifié. Deux HP diffusent de faux chants d’oiseaux qui se répondent, un autre des sons de cloches transformés par des manipulations audionumériques, et un quatrième des voix ténues dans un espace réverbérant qui se confond avec celui, « réel » où nous nous trouvons. Le tout discourant de façon plus ou moins aléatoire selon des boucles asynchrones. Au fil de la mise en place progressive des enceintes, l’ambiance est modifiée par de nouvelles couches sonores ajoutées, qui ne couvriront cependant jamais l’empreinte acoustique de l’espace, jouant plutôt en contrepoint à créer un décalage pour le moins inhabituel. La désinstallation se fait progressivement, dans un decrescendo qui nous ramènera à la situation auriculaire initiale, une forme de résilience auditive où chaque son « naturel », in situ, reprend progressivement sa place à l’écoute.
Un passage devant une cour entourée de hauts bâtiments en U, nous fait entendre mille micros sons, voix et pas, portes grinçantes, dans un halo assez lointain, de quoi à nous faire apprécier les choses ténues, délicates, loin du brouhaha ambiant de la ville pourtant toute proche.
Nous entamerons maintenant la partie souterraine, underground, de notre PAS, en empruntant un réseau assez labyrinthique de couloirs desservant des parkings souterrains et autres locaux techniques. Changement d’ambiance assez radical, tant au niveaux des lumières, artificielles, que des sonorités. La réverbération est ici accentuée, accompagnée d’un quasi silence qui pourrait paraître pesant. Néanmoins, apparait une signature sonore caractéristique de ce genre de lieux, le chant, non pas des sirènes, mais des ventilations et autres climatisations. Elles sont nombreuses, de tailles différentes, toutes assez singulières, déployant une gamme de souffles, tintinnabulis, cliquètements au final assez riches, presque musicaux oserais-je dire. Le jeu ici est de mixer par la marche et l’écoute par le passage de l’une à l’autre, de s’arrêter entre deux rangées, de se faire une petite composition live d’instruments à vent bien soufflants. Une seule voiture viendra animer notre exploration des parkings, excitant ainsi une belle réverbération bétonnée. J’en jouerai moi aussi en poussant quelques notes de chant diphonique, que l’acoustique favorise en les amplifiant, colorant, à tel point qu’on ne sait plus vraiment d’où vient le son. On retrouve ici l’acoustique fusionnelle des églises romanes, propice à révéler les effets immersifs, les situations de communion du chant grégorien, qui lui-même joue sur le développement de notes harmoniques semblant flotter dans l’espace.
Retour au niveau campus, pour une dernière traversée, nous conduisant vers la sortie, sur la place très animée jouxtant l’université. Les voix étudiantes quittant les lieux, le flux de voitures, la ville reprend ses droits à l’oreille, voire ses travers parfois un brin intempestifs. Néanmoins, nous pouvons tester l’effet de masquage en nous approchant tout près d’une fontaine, dont les bruits blancs, chuintants, les glougloutis, vont gommer une partie des bruits motorisés. Nous jouons à mettre nos oreilles en éventail, en élargissant et focalisant, voire inversant leurs pavillons de nos mains placées en conques derrières nos « longue-ouïes » encore toutes imprégnées de notre traversée sonore nocturne. Malgré la fraicheur de l’air, quelques courageux.euses resteront pour discuter des ressentis, essentiellement autour de l’occupation des espaces et de la vie sociale perçues en déambulant dans un campus, à l’heure où il se vide progressivement.
Comme souvent, je comparerai cette expérience collective, écoutante, avec d’autres, en particulier dans de nombreux campus explorés de l’oreille, lors de rencontres, workshops, colloques, actions culturelles. La présence étudiante confère à ces espaces de vie une sorte d’identité commune palpable, surtout du fait que, de nombreux campus ont été construits ou réaménagés durant les années 70, avec des architectures bétons, de grandes rues piétonnes, des auvents couverts, des places intérieures, tout ce qui favorise et génère des espaces acoustiques très réverbérants. Néanmoins, leurs tailles, leurs implantations géographiques, les proportions bétonnées et végétalisées, les activités, font que ces espaces restent des lieux toujours très intéressants, acoustiquement et socialement, à arpenter, seul durant les repérages, et plus encore de concert lors des PAS.
Campus Pierre et Marie Curie Jussieu Sorbonne , le 27 septembre 2022, Assises Nationales de la Qualité de l’Environnement Sonore
PS : La traversée souterraine du campus m’a rappelé, avec tristesse et émotion, celle des sous-sols de la BU à Paris 8 Saint-Denis, guidée par Antoine Freychet, trop tôt disparu après avoir mené des travaux musicologiques remarquables, autour de l’écologie sonore, du soundwalking. Une dédicace hélas posthume !
Depuis longtemps je me pose la question de ma propre perception du monde sonore environnant, et des interactions complexes entre vie sociale, monde sensible, création artistique, environnement, paysage et territoire auriculaires…
Comment les questions écologiques, écosophiques, sociales, patrimoniales, politiques, résonnent-elles entre mes deux oreilles ? Quelles sont les moyens de représentation, d’analyse, de partage, qui me permettraient de comprendre un tant soit peu plus finement mes espaces auriculaires, les stimuli qu’ils déclenchent, les modes de vie et de pensée qu’ils influent ?
Je relie alors des pratiques qui me sont familières, et au final chères. L’écoute est bien entendu au tout premier plan. La marche s’impose d’emblée comme une pratique spatio-temporelle, kinesthésique, sensible, vectrice d’une énergie intellectuelle connectée, traversant moult éc(h)o systèmes, m’immergeant dans des ambiances plurisensorielles. Et enfin, le mot, la description textuelle, voire même littéraire m’ apportent de nouveaux modus operandi, qui eux-même peuvent m’amener à une forme de distanciation féconde.
Je convoque alors le récit, la narration, la description littéraire, ou littérale, sensible, poétique, analytique, phénoménologique, sémantique, l’inventaire, la liste, le journal (de bord, de voyage, intime), le carnet de notes, la fiche (pratique, de lecture, de renseignement), le glossaire, l’abécédaire, le corpus, la note, le renseignement, la consigne… Je cherche l’espace, le moment où le mot, le texte, l’écrit, peuvent élargir, et/ou rafraichir l’écoute et ainsi l’appréhension environnementale pour les conduire vers des approches plus pertinentes. Quand le fait de s’assoir longuement sur un banc, ici ou là, ou de traverser la ville à pied, armé de mon carnet et de mon stylo, fait de moi un marcheur (plus) impliqué.
Un croisement d’actions et de réflexions est sans doute plus que jamais nécessaire pour démêler un brin la complexité du monde, en saisir les prémices de ses innombrables hybridations, ne pas trop s’y noyer, et surtout rester socialement connecté au territoire. Car si le paysage sonore est esthétique, le territoire sonore est tout d’abord et avant tout social. Dissocier ces deux réalités amputerait ma, notre perception environnementale d’une bonne partie de sa crédibilité, de sa force, voire de sa légitimité.