
Histoires d’eaux en écoute, un imaginaire aquatique


Des grenouilles amplepuisiennes, des eaux du Sobant et de la Loue (25), et des corneilles de la Saline Royale d’Arc-et-Senans.
Ça coasse, graille et ruisselle.
Top’eaulogie sonore improbable, entre Rhône et Doubs.
Projet « Bassins versants, l’oreille fluante » Juin 2024 – Festival Back To The Trees et résidence création Saline Royale d’Arc-et-Senans

Chaque jour un banc différent
Adossé à une grande berne
Dans un jardin d’eau, ou zen, ou boisé
Dans un lieu très passager, pour échanger des bonjours, voire discuter un brin
Dans une allée isolée, en solo avec les corneilles graillantes et quelques insectes tenaces
Vers la gabelle ancienne, mal-aimée
La salle des commis, aussi mal aimés en administrateurs zélés
En leurs temps
Au centre des écuries du maitre
Sous un trio de châtaigniers séculaires
Dans un espace animé, à une heure animée
Ou un espace presque silence lorsque le site s’est vidé de ces visiteurs
A tombée de nuit, abrité d’une pluie qui a pris l’habitude, depuis quelques mois, de me suivre partout, en s’égouttant sans scrupules
Une eau tenace et qui s’entend
C’est vrai qu’ici, elle, l’eau, quittait le gemme pour donner du salant
Dans une démesure architecturale entre néoclassique et post baroque
Ponctuée de bancs, beaucoup plus récents
Lieu magnétique, qui m’attire toujours, toujours depuis longtemps
Et où je reviens comme en retraite ponctuelle, ressourçante, donner du sel à mon histoire
Des passages dedans-dehors, hors les murs de l’enceinte
En route vers la Loue furieuse et la forêt de Chaux
Immensité feuillue où il ne fait pas bon perdre ses repères
Et retour en Saline, vers un banc accueillant
Et retrouver les sons de la porte monumentale claquante
Des valises qui peinent et raclent sur les allées gravillonnées
Attendre que tout s’éteigne, entre chien et loups (et Loue voisine)
A la veille d’un solstice qui nous semble trop précoce, entre deux pluies battantes
Les impressionnistes ont gavé les paysages alentours de fleurs, d’arbres et d’eau, jusqu’à saturation
Et l’Absinthe y est née, comme une verte eau tonique
Je tricote toutes ces histoires et des sons
De banc en banc
Dans un cercle où je sens rayonner milles tonicités, comme des nœuds telluriques, que l’histoire des lieux aurait renforcé
Dans une salinité mouillée d’utopies dissoutes.
Les bancs sont mes bureaux multiples, d’un moment hors-les-murs
Mes lieux d’observation, d’écoute et de mots griffonnés
Lieux de chroniques saunières soniques, épicées de sels régénérants.
Projet « Bassins Versants, l’oreille fluante »
Divers bancs de la Saline Royale d’Arc-et-Senans (25)
20 juin 2024

S’enforester l’oreille
Bassins versants, l’oreille fluante se coule encore dans des paysages liquides multiples. Une façon de les réécrire au fil de l’eau et des déambulations riveraines.
Après Lyon, le Sud-ouest, la région grenobloise, le Hainaut Belge, mes oreilles se rafraichissent, dans tous les sens du terme, en Franche-Comté.
Tout d’abord, un arrêt au Bois d’Ambre, à Saint-Vit (25), pour le superbe festival forestier Back To The trees. Une édition riche, même si occasionnellement humide et très boueuse ! Desartsonnants installe un « Goutte à goutte », de circonstance, au bord du ruisseau du Sobant, qui est cette année tellement gonflé qu’il gronde et déborde joyeusement dans les bois et chemins, les rendant parfois sportifs à emprunter. Quelques prises de sons gargouillantes et hydrophoniques au passage d’un pont pris d’assaut par les flots qui s’y cognent bruyamment. Assurément le paysage au fil de l’eau est ces temps-ci d’une verticalité pluviale aussi dynamique que récurrente, et l’oreille s’en réjouit.
Le sel de l’écoute
S’ensuit l’entame d’un séjour résidence artistique d’écriture sonore, et ans doute textuelle, à la Saline Royale d’Arc-et-Senans, ce lieu que j’aime tant, et ai déjà exploré à différentes reprises, niché dans les collines et forêts franc-comtoises.
Sitôt arrivé, une rencontre surprise, inopinée, avec le paysagiste, écrivain Gilles Clément, au détour d’une allée ! Petite conversation autour des nouveaux jardins de la Saline (le cercle immense), concoctés avec des écoles de paysages et d’horticulture, et du bruit feutré de la faux traçant des allées au travers la grande pelouse centrale. Toujours un immense plaisir de rencontrer au débotté ce grand penseur d’espaces- tiers- paysages, débordant d’énergie, de créativité, et d’humanité !
Je m’assois sur un banc de bois adossé à la grande berne est, dans un espace visuel embrassant la partie du demi-cercle « historique » de cette architecture utopique. Il me faut prendre le temps de réinvestir ce lieu gigantesque, aux étranges motifs architecturaux néo-classiques, les formes de fausses concrétions salines dégoulinant des murs colossaux, entre grotte et fabrique archaïque. L’espace acoustique de la Saline est toujours magnifique, avec ses micros échos et réverbérations, dus a la disposition des bâtiments se faisant face en arc-de-cercle. L’autre extension paysagère récente, fermant le grand cercle initialement prévu par Claude-Nicolas Ledoux, me reste à découvrir au-delà du mur d’enceinte. Une semaine à venir pour me replonger avec délectation, dans et hors-les-murs, et surtout vagabonder oreilles tendues et micros en main vers et la Loue voisine. Ne doutons pas qu’elle aussi déborde littéralement d’activité fluante.
A suivre…

Lorsque j’ai démarré le projet « Bassins versants l’oreille fluante », le champs lexical tout droit venu des terres aquatiques m’a sauté à l’oreille.
Je me suis senti submergé de joie, et aussi de travail.
J’ai pensé et agi en amont et en aval, tout en dérivant parfois.
J’ai été abordé, parfois accosté.
J’ai tenté de ne pas trop avoir la tête sous l’eau, d’émerger, de. ne pas avoir trop de flottement dans les idées.
J’ai du trouver des points d’ancrages solides.
Je suis parti parfois à la dérive.
Je me suis fait embarquer dans de drôles d’histoires.
Et j’ai débarqué sans trop comprendre.
J’ai tenté d’avoir des projets au long cours.
Je me suis calé sur le bon canal.
Je me suis battu contre vents et marées.
J’ai pêché des informations ici et là.
Dans des situations difficiles, j’ai été repêché.
J’ai fait escale dans des lieux en vogue.
Je suis arrivé à bon port, ou pas.
J’ai tenté de ne pas me noyer dans les informations.
Pour l’instant, peu de choses sont tombées à l’eau.
J’ai évité bien des écueils, et me suis échoué sur d’autres.
J’ai navigué en père peinard.
J’ai ouvert la réunion par un brise-glace.
J’ai tout liquidé, et largué les amarres.
J’ai connu des figures de proues.
J’ai été à fond de câle.
Je suis resté sur le quai.
J’ai tourné à sec, puis ai jeté l’ancre.
J’ai mis les voiles, ou ai pris le large.
J’ai souvent été sur le pont.
Je me suis fait mener en bateau.
J’ai et le vent en poupe.
J’ai fait avec les moyens du bord.
J’ai choisi un bon navigateurs internet.
J’ai été au creux de la vague, dans une mauvaise passe.
Je suis resté au milieu du gué.
J’ai veillé au grain, pour ne pas être un marin d’eau douce, plutôt un vieux loup de mer.
Mon site a été piraté.
J’ai eu de grosses avaries.
J’ai navigué entre deux eaux, parfois en eaux troubles
Je suis resté à flot, écoute au goute à goutte.
J’ai mis le cap sur de nouvelles terres.
J’ai évoté de faire trop de vague, pourtant, ce n’est pas la mer à boire.
J’ai agi à contre-courant, navigué en eaux troubles.
C’est la goutte qui à fait déborder le (la) vase.
J’ai viré de bord.
Je suis passé au large.
J’ai navigué à vue, et à l’ouïe.
J’ai eu une démarche chaloupée.
J’ai été toutes voiles dehors.
J’ai été inondé de bonheur, et de doutes.
Et vogue le navire.
J’ai fait des rencontres où la parole a coulé à flots.
Connu de belles personnes intarissables
La vie n’est pas un long fleuve tranquille
Je dit bon vent à toutes et à tous !
Projet « Bassins versants, l’oreille fluante » Mai 2024 Grenoble

De retour de résidence artistique, de nouvelles expériences de paysages sonores au fil de l’eau, de la mat!ère sonore, textuelle, imagée, à trier, agencer, à construire comme objets de traces récits immersifs.
Tout cela irrigué de belles rencontres, des échanges, la découverte de sites magnifiques, des eaux généreuses, des discussions où écoute et cuisine travaillent à de subtiles réductions, des expériences collectives pour agencer, improviser en live des paysages sonores singuliers…
Au fil des résidence, le paysage sonore dans tous ses états prends du poids, de la consistance, de l’hétérogénéité en même temps que de la cohérence.
Il permet la rencontre, la remise en question de nos rapports au monde, la recherche de beautés tant esthétiques qu’humaines, qui nous feront, dans l’idéal et écoute aidant, mieux vivre ensemble. Écouter est un geste de partage, où il nous faut assumer notre modeste place dans des espaces habitables, sociétaux, de plus en plus fragiles et menacés.
Construire des paysages sonores comme des communs écosophiques, humanistes, est une façon de défendre des valeurs humaines qui nous font trop souvent cruellement défaut.


Projet intinérant « Bassins versants, l’oreille fluante«
Résidence création accueillie pas oTo – Ouvroir des Territoires de l’Ouïe à Montbron (16)
Merci à cette belle équipe, et tout particulièrement à Arnaud Laurens et Jean-Michel Ponty, à la municipalité de Montbron et à sa Médiathèque, au public aux écoutes attentives et échanges stimulants, pour cette riche ouverture culturelle à portée d’oreille.
D’autres textes, sons, images, récits, suivront…

Ces jours-ci, j’ai promené mes oreilles sur les rives de la Tardoire, belle rivière dans des écrins ripisylvestres verdoyants, au sud de la Charente et aux portes du Périgord.
Le cours d’eau charrie fort, irrigué quasi quotidiennement de vivaces averses printanières.
Il est au meilleur de sa forme, y compris à l’écoute !
Ce dévalement fluant, presque ensauvagé, me fait un bien fou.
Après, et pendant une période agitée, voire parfois compliquée, ce bain de nature ondoyante, liquide, recharge mes batteries, m’apaise, et me fait rentrer de repérages pédestres bien fourbu, mais rassasié, nourri de sonorités toniques.
Ici, la vue, l’oreille, mais aussi le nez, émoustillé d’odeurs d’herbe mouillée, de fleurs naissantes, de terres humides, offrent un univers sensible d’une incroyable richesse, entre puissance et subtilité, contrebalançant un instant la fureur des folies climatiques, sociétales et guerrières.
Les arpentages, à l’affut d’ambiances sonores aquatiques, exacerbent des sensations qui varient subtilement au détour du chemin, à la rencontre d’un bief, des roues à aubes grinçantes d’un moulin, d’un remous sur des pierres-barrières-récifs, toute une histoire fluant à portée d’oreille.
C’est une énergie rassérénante qui m’enveloppe et me porte au fil des ondes, des chemins creux et des rivages enherbés…
Un parcours aqua-sensible, qu’il me tarde de partager par une rencontre avec les habitants, des agencements sonores concertants et un PAS – Parcours Audio sensible en marche écoutante.
D’autres sons, mots, images en découleront en aval.
Projet en chantier « Bassins versants, l’oreille fluante »
Résidence de création accueillie par oTo – Ouvroir des Territoires de l’Ouïe à Montbron (16)

Imaginons que les rivières, les ruisseaux et torrents, aient des oreilles…
Imaginons qu’ils écoutent et gardent en mémoire tout ce qu’ils entendent en traversant de vastes territoires, dévalant les montagnes, lorsqu’ils affluent et confluent…
Imaginons que leurs voix nous racontent mille et un récits irrigués de leurs cheminements in-fluants,…
Imaginons que nous les recueillons, et qu’à notre tour, nous les racontions, au gré de nos imaginaires, de nos déambulations, et de nos rencontres.

Chantier d’écoute au fil des ondes « Bassins Versants, l’oreille fluante«

Les entrailles du Locle (Suisse)
Bassins Versants, Rançonnet mon ami
Aquaphonie, eaux chantantes sous les roches
Cumul d’eau, les oreilles montent à crue
Là où respirent les grenouilles, chantent les sirènes et tanguent les bateaux

Un PAS – Parcours Audio Sensible avec un master FLE (Français Langues Étrangères » et un programme ALISE (Arts Littérature Images Scène Espace).
Nous commençons par une belle cour intérieure de l’Université Lyon 2, Campus des berges du Rhône, où les voix , les rires, le vent dans une haie de lauriers, le claquement d’une affiche à demie décollée, animent joliment un espace réverbérant à souhait. La courette est entourée de passages couverts, arborée en son centre, et ressemble fort à un cloître, acoustique comprise.
Un deuxième spot auriculaire se présente comme une sorte de sas intérieur, lieu fermé, minéral, sombre, d’où partent plusieurs escaliers, avec une porte donnant sur l’extérieur. Des voix résonnent au loin, quelque part dans les étages supérieurs du bâtiment.
Un étudiant traverse l’espace, ouvre la porte vers l’extérieur, ce qui nous fait entendre la rue avoisinante, ses tramways… Transition acoustique dedans/dehors. La porte se referme très très lentement, opérant un fondu sonore du plus bel effet, un étouffement , descrescendo progressif, avant que la scène soit close par un claquement résonnant. Un instant très audio-cinétique que l’on aurait pu composer. Nous concluons notre écoute par quelques bribes de chant diphonique, histoire de révéler un peu plus encore l’acoustique réverbérée, et de faire sonner ce beau lieu intime.
Nous sortons de l’enceinte de la fac. Des tramways, des étudiants, des usagers de l’hôpital voisin, la rue est animée. Nous la traversons pour nous diriger vers le Rhône et descendons sur les bas-quais. Le vent souffle fort et le ciel est d’un noir qui présage une pluie imminente.
Une traversée de quelques centaines de mètres, entre deux ponts, routier et SNCF, nous permet de nous plonger l’oreille dans les paysages aquatiques fluviaux. Et aujourd’hui, ils sont particulièrement riches et singuliers !
Peu, voire pas de touristes et autres festoyeurs coutumiers des lieux sont présents à cette époque de l’année, la pluie se faisant menaçante de surcroît.
Néanmoins, de nombreux joggers et joggeuses font leur exercice sportif, les rythmes de leurs courses et de leurs respirations scandent les quais de claquements et halètements.
Des vélos, trottinettes, rollers, planches à roulettes, se partagent, parfois difficilement l »espace, entre eux, et avec les piétons, personne ne respectant vraiment les couloirs sensés leurs être attribués. On entend ainsi nombre de coups de sonnettes énervées, sans compter les klaxons électriques, harangues verbales… Ambiances de cohabitations mobiles parfois pas vraiment sympathiques.
Chose agréable, la circulation, plutôt soutenue sur les quais du haut, ne s’entend quasiment pas, à quelques émergences près, protégés que nous sommes par l’effet fossé qui nous isole du flux sonore sur nos têtes.
Par contre, les quais sur la rive opposée, pourtant très éloignés de nous, le Rhône étant très large à cet endroit, ramène à nos oreilles une rumeur constante, sans doute amplifiée par l’effet miroir de l’eau, qui plus est très haute ces temps-ci.
Deux ponts servent de points d’ouïe résonnants assez spectaculaires. Nous nous arrêtons dessous. Le premier, routier, nous fait entendre de sourds claquement assortis de grondements, limite infrasonores. Le tramway entre autres, le fait joliment sonner.
Le second, ferroviaire celui-ci, et beaucoup plus ancien (1851), prolonge la gare de Perrache. Au passage d’un train, c’est un surprenant ferraillement très rythmique, qui se déroule sur nos têtes. Surtout s’il s’agit d’un long convoi de marchandises.
Et sur l’eau, de grosses péniches sont amarrées. La première est une salle de spectacle flottante qui, acoustiquement, ne présente rien de vraiment remarquable.
La seconde est un bateau de formation aux secours en mer et en fleuve. Deux assez longues passerelles métalliques permettent l’accès à son bord. Elles reposent sur des boudins plastiques roulants, pour permettre les passerelles d’accompagner les mouvements des eaux du Rhône. Et comme ce jour là, le vent est très fort, les passerelles bougent beaucoup, en émettant une série de « cris », gémissements, tout à fait surprenants. Le son que l’on ne peut manquer sur ces rives ! Grand regret pour moi, ne pas avoir un enregistreur à portée de main. Un autre jour venteux peut-être…
Une imposante péniche chargée de sable passe en ronronnant faisant entendre des remous clapotants, dits de batillage.
Pour finir cette petite description, le Rhône lui-même est agité de vagues bouillonnantes, qui le font chanter sous le vent. Il est vrai que les eaux basses de ces dernières années, surtout par temps calme, font que le fleuve, si majestueux soit-il visuellement, ne se fait quasiment pas entendre, à quelques remous et clapotis près.
Cette longue déambulation sur les rives rhodaniennes, très belle dans toute sa diversité auditive, me conforte à l’idée de faire entendre la voix des eaux, souvent noyée dans le paysage, surtout en milieu urbain. Un flux, celui de la circulation, en masque un autre, aquatique, que l’on référerait sans doute au premier.
Lorsque les beaux jours seront revenus, les rives redeviendront très animées, très festives, avec son alignement d’embarcations restaurants, salles de concert et de danse, ses terrasses et afters de fêtes »sauvages » sur les quais, parfois au grand dam des riverains.
Toujours ce difficile compromis pour les politiques urbaines de maintenir une ville animée, festive, et de ne pas se mettre à dos tous les riverains, parfois il est vrai totalement intolérants.
Cette traversée auriculaire a été une belle façon d’alimenter mon chantier d’écoute en cours, celui de « Bassins versants, l’oreille fluante »
En tous cas, le Rhône est un bien beau fleuve sonore, surtout par jour de grand vent !
Une résidence artistique à l’Ouvroir des Territoires de l’Ouïe, en collaboration avec la Médiathèque de Monbron.
Dans le cadre du projet nomade en chantier « Bassins versants, l’oreille fluante«





C’est ainsi
C’est ainsi que le lieu s’est asséché
Que ses larmes ont tari
Que son herbe a jauni
C’est ainsi
C’est ainsi que les oiseaux ont fui
Les ondes évaporées
Le désert minéral
C’est ainsi
C’est ainsi que le lieu s’est tu
Les flots cessé de gémir
Les arbres de bruisser`
Les rivières de couler
C’est ainsi
c’est ainsi que survint le silence
Les eaux empoisonnées
La vie déshydratée.
Texte écrit dans le cadre du projet « Bassins versants, l’oreille fluante » Février 2024
Réglage des flux, partition performative aquatique, vers une forme d’extinction…
Une vidéo très inspirante pour mon projet « Bassins versants, l’oreille fluante »

L’hiver s’est installé
Il papillonne rude
Du duvet blanc flottant
Et des flocons fondants
Sur la peau chair de poule
Deux mois qu’il pleut beaucoup
Et voilà qu’il poudroie
Et voila qu’il blanchoit
Enfin l’hiver inonde
Et le ruisseau qui gronde
Il se fait écumant
Il se fait bouillonnant
Il se fait chuintant
Petit ru estival
Quasi torrentueux
Quand l’hiver s’installe
Je le suis de l’oreille
Il sillonne sonore
Gauche et droite dévale
Sillon traçant audible
Mon quartier qui s’entend
Par son ruisseau fluant
Je remonte son cours
Oreille droite inondée
Je redescends son cours
Oreille gauche inondée
Je le domine aussi
Passerelle enjambante
Aux lattes verglacées
Surplombant le ruisseau
Stéréo de deux eaux
Équilibre liquide
Aspergence glissante
Après des prés gelées
Des collines blanchies
Le voici citadin
Et caressant les murs
Pans guidant escarpés
Il passe sous la place
Coupure silencieuse
Il ressort du tunnel
En se faisant entendre
Il s’écoule fébrile
Après des temps arides
Il ruisselle à tout va
Impétueux liquide
Il m’abreuve l’oreille
Qui l’a connu si triste
Muet d’assèchement
Tari dans le silence
Il faut rester à flot
Se couler dans l’hiver
Écoutant fasciné
Au fil des eaux courantes.

Desartsonnants décline, de variations en variations, ses écoutes et écritures de territoires liquides.
Goutte à goutte
Espaces eau-dit-eau
Dessus – dessous hydrophoniques
Émergence – immersion – résurgence
Mots et sons humides
Tensions-détentes, aller-retours marées
Flux et scansions, fonds et émergences
Paysages ondoyants
Fragilités aquatiques
matière aqua-sonifère
Care sous perfusion
Égouttements auriculaires
A écouter de préférence au casque ou avec de bonnes enceintes
Avec l’aimable participation des eaux de port en pluies de Cagliari, Sardaigne – Projet Erasmus « Le paysage sonore dans lequel nous vivons »
Dans le cadre du chantier d’écoute et d’écriture des territoires liquides

Création sonore à partir de prises de sons aquatiques in situ
Eaux dessus-dessous,
Flux ruissellants,
Goutte à goutte murmurant
Gardons-les en écoute et veillons sur e(a)ux
Avec la participation des eaux de Sardaigne (Cagliari, Réserve Naturelle di Monte Arcosu), France (Rançonnais, Loire, Saône), Portugal (Sabugueiro), Russie (Kronstadt)…
A écouter de préférence au casque ou sur des enceintes de bonne qualité
Dans le cadre du chantier en cours (d’eau) « Bassins versants, l’oreille fluante«

Il s’agit de l’eau
Territoire liquide
Chuintant ou silencieux
Monde fluant
Matière indocile
Nourricière
Flottements
Terres humides
Striées de veinules
Innondantes
Irriguantes
Terres arides
Craquelées
Que l’on entend gémir
Se gercer
L’eau retirée
Écoute à flot
Parfois noyée
Submergée
Berges éboulées
Graviers roulés
Limons fertiles
Bois flottés
Cognés aux rives
Oreille flottante
Plaintes d’ondines
De vouivres colériques
Surgissements aqueux
Appels sirèniques
Plouf narcissique
Aujourd’hui
Le paysage dégouline
Ruisselance des sols
Submersion hors des lits
Qui l’eut crues
Oreilles immergées
Voix d’eau affleurantes.

Je me pose sur une plage déserte…
Bordée de sable à perte de vue.
Mer au loin, temps de basse marée.
Les mouettes, toujours elles, ricanent bruyamment en picorant d’invisibles insectes.
Des sternes piaillent aussi à qui mieux mieux.
Retour progressif de la mer, marée montante.
L’eau s’étale en faisant crisser le sable.
Temps calme et légèrement bruissonnant.
Un autre jour, ailleurs, sur une jetée.
Le vent s’en donne à cœur joie, sans jamais s’essouffler.
Les vagues fouettent les murs de pierre, s’y enroulent, retombent, et recommencent, inlassables.
Le fracas ambiant couvre toute tentative de paroles, ou bien il faut hurler.
Le spectacle est impressionnant, fatiguant à l’écoute, un trop puissant bruit blanc nous réduit au silence.Les éléments nous montent nos propres limites
Autre part, autre moment, autre topographie.
Cette fois-ci, une très haute falaise vient empêcher les vagues.
Rageuses, elle l’érodent sans relâche, bouillonnantes et entêtées.
Et le monstre-falaise s’écroule petit à petit, reculant sans cesse devant l’assaut des lames répétées. Bruits d’avalanches pierreuses, la craie s’éboule inexorablement, jusqu’à menacer des bâtiments qui se reculent prudemment.
En temps calme, les petits galets roulés chantent comme des lithophones aquatiques.
La falaise se fait mur amplificateur, gardant les sons au plus proche de l’écoute excitée
Je ne me lasse pas de ces délicats entrechocs cristallins.
Celles et ceux qui ont déjà prêté l’oreille à ces bruissements itératifs sauront de quoi je parle.
Les mots parfois sont patinés de sons résurgents. Il suffit de dire pour donner à entendre. Raconter une ambiance marine, si ténue soit-elle, comme un récit au fil de l’eau.
Retour aux rivages.
De gros bateaux naviguent au loin, images silencieuses.
Une embarcation de pêcheurs rentre à bon port, pétaradante.
Des chaînes qu’on jette, arrimage joyeux, des caisses de poissons jetées à quai, des cliquettements de gréments tangués, la vie se déroule à portée d’oreille, habituelle pour certains, dépaysante pour d’autres, pour moi en tous cas.…
J’arpente les quais pour avoir l’oreille marine, l’immersion est ici intrinsèque.
Je foule les plages où le pied fait chanter les galets.
J’ouvre une fenêtre pour entendre la rumeur entêtante d’une mer venteuse.
L’oreille m’entraine au large. L’imaginaire joue le jeu des esprits marins convoqués.
Les vagues toujours, s’enroulent et se déroulent, plus ou moins furieuses sous les rafales.
Parfois même, la mer murmure.Lames sensibles…

Porter attention aux fleuves, rivières, rus, et à toutes les eaux sonnantes.
Prendre soin des eaux irriguantes, nourricières, façonneuses de paysages sonores liquides, fragiles, apaisantes, menacées…
Arpenter des rives, suivre des cours, écrire des histoires pour être au courant des choses, rêver d’ondes porteuses…
Desartsonnants est sur le versant Eauriculaire.
Il le suit comme un long fleuve in-tranquille.
L’écoute comme une rivière qui fait déborder la vase.
L’entend commun torrent.
Prête l’oreille aux eaux dormantes.
Il cherche des points de chute !
Qui l’eut crue.
En chantier, « Bassins Versants, l’oreille fluante«

Un bassin versant est un territoire défini par la circulation des flux aquatiques de surface, affluant vers un même cours d’eau ou nappe souterraine.
Des lignes de partage des eaux délimitent les bassins versants, souvent en crêtes, frontières naturelles dues aux reliefs, d’où partent généralement les sources, les crêtes de bassins.
En surface, un cheminement, parfois très long pour les grands fleuves aboutit à la Mer Méditerranée où à l’Océan Atlantique, pour ce qui est de la France.
Lorsqu’on regarde des cartes de bassins versants, on est impressionné par la densité et la beauté des dessins ciselés des flux, qui ne sont pas sans rappeler des vaisseaux sanguins irriguant un corps humain. Dans les deux cas, on a affaire à un système nourricier, irriguant, source de vie.
Chaque bassin versant est unique,. Il est chargé de l’histoire, ou plutôt des histoires des eaux traversant des territoires très différents. Les approches géographiques, hydrologiques topologiques, historiques, industrielles, botaniques, biologiques, mais aussi sociales, de nombreuses activités humaines étant fortement liées, voire dépendantes des cours d’eau, font écrire l’épopée de chaque bassin versant de façon très singulière.
Les reliefs creusés, sillonnant les paysages de gorges, creusant et érodant plaines et vallées, en inondant d’autres, créent des paysages dynamiques, toujours en mouvement, en tous cas jusqu’au moment où le cours d’eau se tarit, est détourné, enterré…
Les bassins versants sont des entités dotées d’un vie propre, où l’histoire d ‘un région, d’un village, d’une grande traversée, se reflète et se construit tout à la fois.
On a bâti des villes, acheminé des marchandises, voyagé vers d’autres lieux, lavé son linge, alimenté moulins et usines, jouté, planté des arbres, au fil de l’eau.
Mais aussi on s’est baigné, reposé, on a rêvassé, fasciné par des courants fluants ou des surfaces étales.
Des histoires, contes, légendes et monstres en tous genres sont sortis des flots, des sources sacrées, tels des Hydres, Vouivres et autres Tarasques, reflétant tant des fascinations que des peurs ancestrales.

Les bassins versants définissent aussi des territoires acoustiques non négligeables, de la goutte d’eau au torrent rugissant.
L’eau se révèle dans un espace géographique donné, comme elle révèle se dernier, participant à lui donner corps, à lui donner vie, à l’incarner.
Cet aspect auriculaire, entre paroles, mémoires, et marqueurs sonores, acoustiques, territoriaux, de la densité urbaine aux grandes vallées sauvages, est peu ou pas exploré.
Ce que l’eau raconte d’un territoire, d’une minuscule rive à l’étendue d’un océan, est source d’inspiration, mais aussi nous avertit sur les dangers de laisser cette matière vitale exposée à toutes les dérives d’aménagements contre-nature, de pollutions mortifères.
Lorsqu’une rivière d’ordinaire bouillonnante est de plus en plus asséchée en été, que l’oreille ne la perçoit presque plus, lorsque les flots charrient des écumes colorées qui n’ont rien d’esthétiques, lorsque le silence se fait, non seulement le système hydrologique est menacé, mais toutes espèces humaines, animales, la végétation, le sont tout autant.
Ce qui dynamise un territoire peut aussi, par sa dégradation, sa disparition, sa non gestion ou ses accaparements inconsidérés, le paupériser de façon durable et pour le peu dommageable.
Beaucoup de sources auriculaires ont disparue. Les lavoirs n’accueillent plus les lavandières, beaucoup de ports fluviaux urbains ont été désertés par la batellerie, les baignades dans les cours d’eau urbains sont en générale proscrites, on a progressivement, dans les cités, tourné le dos aux fleuves et rivières. On ne les entend plus vraiment vivre, même si, ces dernières années, des villes ont revalorisé leurs cours d’eau, en y enlevant les voitures envahissantes et réaménageant des espaces piétonniers riverains.
Écouter l’eau, arpenter ses territoires, est un premier geste d’attention.
Considérer que, outre les fonctionnalités purement aquatiques, la première étant de nous maintenir en vie, l’esthétique paysagère est grandement embellie par une multitude de cours d’eau, que chaque bassin versant sonne comme un marqueur territorial, un signe de vie, n’est pas si futile qu’il puisse y paraître de prime abord.
L’eau est apaisante, que ce soit dans l’écoute de ses remous qui se brisent sur les piles des ponts, ses frémissements sous la caresse du vent, comme dans les espaces de calme préservés des vacarmes urbains. Espaces où l’on entend les traces audibles d’une biodiversité bien présente, qu’un cours d’eau ménage dans sa traversée, mais aussi une vie sociale où paroles et chants résonnent dans des lieux où il fait bon se retrouver.
L’eau doit toujours couler de source dans une écoute paysagère impliquée.
Marche et paysage(s)
C’est la thématique qu’a choisi, pour sa réouverture dans un nouveau lieu flambant neuf, la Galerie Musée d’Allevard. Ce musée situé au pied du massif de Belledonne, retrace de fort belle façon l’histoire d’Allevard, avec son passé minier, la métallurgie, son histoire thermale depuis la fin du XIXe siècle, mais aussi le tourisme montagnard, où la pratique du ski et de la randonnée sont incontournables.
C’est donc autour de la marche, de la randonnée, sportive ou contemplative, que le paysage, ou plutôt les paysages montagnards, sont ici abordés.
Notamment en ce qui me concerne, le paysage sonore. Allevard, niché au pied de Belledonne, dans la vallée du Breda, est animé par un paysage aquatique qui se fait joliment entendre. Outre les thermes et leur Histoire, la rivière torrentueuse qui dévale des sommets, et arrose la cité, est omniprésente pour le promeneur, sorte de signature sonore incontournable. Le paysage sera donc fortement modelé par la présence de ce cours d’eau dynamique.
Histoire d’eaux, Bassins versants, et oreilles fluantes
Arrivé dans cette cité où l’eau a une importance capitale, tant dans l’histoire minière que thermale, et aujourd’hui en ce qui me concerne dans les sonorités-mêmes qui irriguent la petite ville, je ne pouvais me manquer de rattacher ma venue, mes arpentages, mes écoutes, mes enregistrements, au projet des bassins versants, que je mène actuellement.*
J’ai trouvé ici, de riches ressources, sans avoir le temps matériel de remonter aux sources, pour alimenter mes expériences sensibles, et réflexions en cours, cours d’eau bien entendu.
Au creux de cette vallée, passant et repassant de ponts en passerelles, deux sentiers en gorges et de ruelles en places publiques, où sonnent des fontaines rythmiques, magnétophone en main et oreilles aux aguets, je rentrerai enrichi d’un nouveau bagage sensoriel, sons, textes, photos, et souvenirs à l’appui. Toute cette matière qu’il me faudra organiser, notamment via une carte postale sonore a composer.
*https://drive.google.com/file/d/1ZlAf1VGBiboj9zLioX8-4T8DsZrKMVb6/view?usp=sharing
Le Breda comme fil bleu
Je ne ferai pas ici le descriptif fouillé du torrent de la Breda, mais donnerai simplement quelques indications autour de ses bassins versants.
« De 32,1 kilomètres de longueur, le Bréda coule de la chaîne de Belledonne vers l’Isère. Il prend sa source à l’est des Pointes du Mouchillon (2 347 m) dans le massif d’Allevard, sur la commune de la Ferrière, à l’altitude 1 990 mètres4. À l’altitude de 1 200 m, il génère la cascade du Pissou et descend la vallée du Haut Bréda jusqu’à Allevard, où il est rejoint par le torrent du Veyton. De la vallée d’Allevard, il débouche à l’extrémité méridionale du val Gelon mais ne l’emprunte pas, contournant par le nord la montagne de Brame-Farine à travers des gorges avant de se jeter dans l’Isère au niveau de Pontcharra4, à 255 mètres d’altitude, dans la vallée du Grésivaudan. La rivière Isère se jettera à son tour dans le Rhône à au nord de Valence, coulant ainsi jusqu’en Méditerranée. » Source Wikipédia.
Le torrent du Breda et donc dès les premiers repérages un très fort point d’ancrage territorial, tant par le rôle qu’il a joué dans le développement industriel et économique de la région, que par sa présence auditive, esthétique, et la façon dont il a modelé le paysage, dans de belles gorges où il fait bon marcher. Depuis l’entrée jusqu’à la sortie de la ville, nous longeons le cours d’eau, structurant nos déplacements, animant de ses eaux bouillonnantes un paysage en mouvement, rafraîchissant l’oreille, lors de journées particulièrement caniculaires.
Points d’ouïe en repérage
Lors de mon arrivée dans un lieu, il me faut un temps d’imprégnation, partagé entre des marches exploratoires, et des points d’ouïe fixes, affûts sonores, bancs d’écoute, où je pourrai prendre le pouls acoustique des lieux. J’essayerai de le faire à différentes heures, pour écouter comment la vie auriculaire va évoluer, ses temps forts, ses moments d’apaisement, ses flux et reflux structurant l’écoute située, diurne et nocturne.
Mes marche me mèneront de l’intérieur vers l’extérieur, et vis et versa, passant rapidement de l’urbanité d’une petite ville à des espaces tout de suite plus « sauvages », paysage montagnard oblige.
Sur la place centrale, je choisirai un banc, plutôt ombragé à cette époque, me permettant d’avoir une oreille à l’affût des moindres sons de la ville. En toile de fond, une petite fontaine, dont le débit et la hauteur des jets, à même le sol, varie selon une rythmicité programmée.
En face une église dont la cloche égraine ses repères temporels.
J’assisterai d’ici, à des moments forts de la journée, midi ou les terrasses nombreuses des restaurants se remplissent, de même qu’en fin de journée, jusqu’au moment où la ville s’endormira, la dernière terrasse fermée, et la fontaine désormais muette.
J’en profiterai pour capter quelques sons, préfiguration de la carte postale sonore à venir.
Un PAS – Parcours Audio Sensible
À l’invitation du musée, un petit groupe de promeneuses écoutantes s’est rassemblé, dés 9h du matin, à l’annonce de la canicule annoncée, sous le lieu d’écoute symbolique qu’est le kiosque à musique du parc thermal.
Après quelques paroles d’accueil, quelques explications sur la motivation et intentions du parcours, l’importance de faire silence pour laisser la place aux sons, les séquences qui seront ménagées au fil de notre promenade, nous partons à la découverte auriculaire d’Allevard, sur un cheminement d’écoute préalablement repéré.
L’ancrage local
Nous avons déjà noté l’importance du tissu patrimonial, historique, industriel, qui a marqué le développement de la ville, et le marque encore aujourd’hui, notamment par l’activité thermale. La toute récente rénovation et installation du musée flambant neuf au cœur du parc des thermes, celui-même qui accueille Notre promenade sonore en atteste.
À l’époque où la métallurgie et c’est un secteur florissant le long de la vallée du Breda, on peut imaginer des ambiances sonores complètement différentes de celles d’aujourd’hui, dont bien des sources ont disparues, se sont transformées, avec l’arrêt de l’exploitation minière et des industries attenantes notamment.
De même au niveau thermalisme, la grande époque du tourisme pour venir «prendre les eaux », si elle a connu des heures florissantes début du siècle, est aujourd’hui beaucoup plus limitée à des fonctions de soins.
Les grandes soirées, concerts dansants sous le kiosque, on fait place à une programmation culturelle moins mondaine, qui aimait montrer et faire entendre le faste d’une population aisée.
Beaucoup d’hôtels immenses et majestueux ont aujourd’hui fermé leurs portes. Ce qui a certainement dû rendre la petite ville d’Allevard beaucoup plus «tranquille » qu’elle ne l’a été, acoustiquement parlant. Néanmoins, dans la saison estivale pour les curistes, et hivernale pour les skieurs, le territoire est encore très visité, l’activité en terrasse des restaurants le montre bien, et le fait entendre.
Un parcours ludique
Découvrir le monde des sons via une promenade sonore, un parcours d’écoute, ne va pas forcément de soi, si l’on n’est pas accoutumé à la chose. Il faut donc que ces écoutes procurent le plaisir d’une découverte qui nous réserve des surprises, des jeux, des espaces et des moments ludiques. Nous en reparlerons d’ailleurs dans les échanges suivant la balade.
Une première séquence sous forme de jeux, tout près du centre ville, consiste à orienter mentalement notre écoute dans différentes directions, devant derrière, au loin ou tout près, à sélectionner des sources vers lesquelles nous ferons des zooms auditifs, montrant ainsi les capacités que nous avons à «trier » et mettre en avant certaines sonorités, de préférence les plus agréables.
Puis nous sortons de la ville, en direction du sentier du bout du monde, toute une poétique langagière montrant l’importance d’une géographie sensible, et sans doute de croyances, de mythes, et de légendes, au fil de l’histoire des lieux, et du cours d’eau du Breda.
Ce sentier, dont une grande partie est aujourd’hui inaccessible suite à l’éboulement de passerelles, longe une belle gorge où le torrent du Breda se fait entendre de façon assez spectaculaire et pour le moins prégnante. Deux petits ponts nous permettent de nous poster au-dessus de son cours, et de jouer avec la directivité de nos oreilles, en positionnant les mains en réflecteurs acoustiques, et en les orientant de façons différentes pour viser et filtrer différents espaces d’écoute aquatiques.
Dans un départ de sentier, qui nous isole un petit peu du torrent bavard en contrebas, quatre mini haut-parleurs sont installés autour des promeneurs. Ceux-ci diffusent, en contrepoint au chant des eaux, des ambiances de vrais /aux oiseaux, bestiaire imaginaire recomposé, qui vient décaler une ambiance sonore assez exotique pour l’endroit.
Au tout début du sentier, un vestige de viaduc longe le cours d’eau, allant progressivement en descendant jusqu’au niveau du chemin. Ses grandes arches de pierre font naître une rythmique remarquable, masquant parfois le son du torrent, et d’autres fois formant des fenêtres d’écoute plutôt réverbérantes. Chacune avec une spécificité sonore, comme des cadres acoustiques qu’on aurait construit pour entendre différents tableaux sonores.
Nous arrivons à un point du chemin, où la paroi rocheuse à notre droite reflète, réverbère, tel un miroir acoustique, les sons du torrent en contrebas, à notre gauche. Les sons semblent sortir et ruisseler d’une falaise, comme dans un paysage sonore à l’envers. L’effet est remarquable, et nous ne manquons pas de l’écouter, à l’aller comme au retour, dans une stéréophonie inversée. Les paysages sonores sont en fait peuplés de ce genre d’espaces de monstrations quasi muséales, comme si elles avaient été pensées et construites par et avec les oreilles d’un paysagiste sonore écoutant. Néanmoins, par manque d’attention où d’une forme de culture sonore développant l’écoute, ces petits joyaux acoustiques passent très souvent totalement inaperçus.
A l’entrée de la ville, sur le pas d’une porte, nous volons quelques mots au passage. Un papa commente son cadeau à un enfant ravi, une sucette géante ».
L’enchainement se fera involontairement par l’exploration d’une minuscule venelle pentue, en impasse, justement nommée « rue Bombec » cela ne s’invente pas, où nous attend un surprenant point d’ouïe.
Dans cet espace resserré, retranché de la ville toute proche, mille sonorités se dessinent dans l’espace, cloche, personne qui traverse notre champ d’écoute, et moult petits bruits qui s’échappent des fenêtres ouvertes. Effet dedans/dehors, intimité/espace public, tout en finesse et douceur. Tous les sons semblent à leur juste place, présents , localisables, à l’échelle du lieu, non envahissants. Un petit coin de paradis pour les oreilles que l’on trouve dans des architectures spécifiques, des villes « anciennes », des espaces montagnards resserrés dans des contreforts abrupts, des espaces quasi enclos qui protègent des frimas hivernaux comme des chaleurs estivales….
Nous empruntons une autre ruelle en haut de la place centrale, avec des travaux qui empêchent temporairement les voitures de l’emprunter.
Lieu idéal pour installer quatre mini haut-parleurs qui diffuseront des histoires forestières enfantines, récemment confectionnées dans le libournais. Décalage et frottement géographique et environnemental, une forêt bordelaise expatriée au milieu de travaux urbains dans le Grésivaudan. De nombreux passants jettent une oreille curieuse, titillée, contournent l’espace, s’excusent parfois discrètement de le « déranger » , alors que c’est plutôt nous qui le faisons. On sent que certaines personnes ont envie d’en entendre et savoir plus, sans vraiment oser s’arrêter pour ce faire.
Nous redescendons vers la place centrale, assez animée en cette fin de journée. La chaleur augmente en même temps qu’un brouhaha de voix, l’espace étant piétonnier, en cette journée des plus caniculaire. Une fontaine semble néanmoins rafraichir un brin, tant l’espace acoustique que physique, d’ailleurs très (trop?) minéral en ces temps de très fortes chaleurs. Cette fontaine « à résurgences » est programmée pour faire varier dans le temps la hauteur, et donc l’intensité de ses différents jets qui surgissent à même le sol, parfois glougloutis très bas, parfois s élevant sans prévenir, pour la plus grande joie des enfants, et parfois des adultes. Ces variations de hauteurs donnent à la fontaine une dynamique qui vient casser, visuellement comme auditivement, le flux continu que présente beaucoup de fontaines à « bruits blancs ».
Nous procéderons ici à de nouveaux jeux d’auscultations aquatiques, à l’aide de « longue-ouïes », stéthoscopes bricolés pour se transformer en objets d’écoute plongeant dans les remous de la fontaine. Façon de se rafraichir l’oreille en cette atmosphère estivale en surchauffe (environ 40° à l’ombre) où il faut être courageux.ses pour effectuer une marche écoutante. Une nouvelle fois, ces comportements déroutants d’écoutants dans l’espace public questionnent les passants, qui nous regardent d’un air étonné, parfois moqueur, ou curieux . Un couple ose s’arrêter, nous questionner. Je leurs tends les objets d’écoute dont ils se saisissent, après une petite hésitation, pour aller à leur tour plonger l’oreille au creux des flots. J’observe leurs regards amusés. Ils s’échangent les objets et nous disent que « c’est drôle comme on n’entend pas pareil, plus fort… » . Ce qui est justement le but du jeu, faire entendre autrement pour rendre l’oreille un peu plus curieuse, sans trop se mouiller ici…
Nous traversons une petite rue piétonne où les voix et sons des commerces attenants rythment joliment l’espace.
La chaleur augmentant rapidement, nous reprenons le chemin du musée pour continuer l’atelier par des échanges dans un espace plus frais.
Échanges
Petite rétrospective commentée de nos déambulation auriculaire.
Globalement, l’aspect ludique du parcours est apprécié.
Des temps forts sont relevés (le Bréda contre les rochers, la petite rue Bombec, le décalage des installations, ou des manipulations…).
On remarque évidemment l’omniprésence de l’eau, entre histoire thermale et industrielle, torrent traversant la ville, fontaine centrale, difficile de lui échapper ici.
On cherche à savoir quel lieu serrait choisi, si un point d’ouïe « idéal » devait être inauguré. Les avis oscillent entre le Bréda et ses échos et la petite rue Bombec, qui au final, paraît faire l’unanimité.
Nous parlons de la fabrication de cartes postales sonores in situ, façon de garder en mémoire, voire de partager l’expérience a posteriori. Les micros, le fait de voir les sons via un logiciel de montage et de traitement audionumérique, de les agencer pour (re)composer une histoire à notre façon, de synthétiser une longue marche en quelques minutes d’écoute… le côté cuisine du paysagisme sonore est abordé.
Nous écoutons quelques courts paysages sonores dedans/dehors, en expliquant le contexte, notamment lors d’un travail dans et à l’extérieur d’un centre pénitentiaire voisin, avec des détenus. Ambiances spécifiques et paroles du dedans, médiation vers l’extérieur, faire entrer et sortir des sons d’un environnement carcéral, des promenades et installation « à l’air libre »… les charges affectives comme les données informatives du monde sonore sont ici facilement perceptibles et partageables.
Les échanges porteront également sur les qualités sonores, comme sur les nuisances parfois engendrées et subies. Le son versus le bruit, les saturations urbaines – ce qui n’est pas vraiment le cas à Allevard – la santé publique et le mal-vivre dans des milieux bruyants, les espaces acoustiques à re-considérer, parfois protéger dans l’aménagement du territoire… autant de sujets liés à l’écologie sonore post Murray Schafer, qui questionnent nos façons de vivre et de s’entendre, du mieux que possible, dans le monde des sons qui nous entourent.
12 heures, fin de l’atelier après 3 heures de riches expériences d’écoutes et de fructueux échanges.
Du son
Une petite carte postale sonore d’Allevard et de ses environs, au long du torrent du Bréda (pris en repérage et montés après l’atelier).
Des images
Quelques illustrations visuelles au fil du cheminement (prises en repérage)
Lien Album photos
Remerciements à : La Galerie Musée d’Allevard et à son personnel pour son invitation et sympathique accueil, aux Amis du Musée d’Allevard, à la Municipalité d’Allevard et à la Communauté de communes du Grésivaudan, aux écoutantes de l’atelier pour leur active participation, toutes oreilles ouvertes, à Anne, du Barbouillon, pour la qualité et la sympathie de son accueil.

« Bassins Versants, l’oreille fluante », je fais actuellement une focale sur les milieux bouillonnants, aquatiques, les eaux courantes, dormantes, submersives, taries, murmurantes…
Ce n’est pourtant pas une lubie soudaine, un reflux, une résurgence capricieuse, un courant bleu dans l’air du temps, mais plutôt une source qui n’arrête pas de sourdre au fil des paysages « arpentécoutés », de refaire surface ici et là, comme une manne nourricière incontournable.
Fascinante dans sa fragilité, cette composante paysagère, de fontaines en rus, de torrents en cascades, de lacs en océans, ne manque jamais de titiller l’oreille du promeneur écoutant que je suis.
Source d’inspiration, de récits, de paysages racontés de rives en rives, il ne s’agit pas seulement de faire entendre ces flux multiples, mais de conter des histoires toujours renouvelées, au gré des reliefs et des territoires habités.
Conter pour faire exister, dans bien des situations, apaisées ou conflictuelles, complexes, dans des tensions écosophiques hydrologiques, qui nous montrent des lendemains plus qu’incertains,.
Eaux mémoire, énergie, ressource, sculptrice de surprenants reliefs, de paysage creusés dans ses flots, oasis espérés, génératrice d’ambiances sonores irriguées, élément climatique capricieux…
Combien de cours d’eau, minuscules ou spectaculaires, ai-je suivi, emmenant avec moi moult paires d’oreilles assoiffées.
J’ai fabriqué et marché bien des histoires fluantes, des pentes de la Sierra d’Estrella portugaises, de la vallée des Gaves du Pau Pyrénéenne, des rizières malgaches, des contreforts de collines auvergnates, du Jura côté France et versant suisse, des rivages baltes à la Neva à Saint – Pétersbourg, de Trois -Rivières la bien nommée québécoise, d’une source-lavoir gersoise, de la Drôme noyée de soleil, d’entre Rhône et Saône des Gônes, jusqu’au pied de chez moi…
Aujourd’hui, sans vouloir canaliser de façon trop rigide tous ces superbes flux hydrauliques, je leur donne une scène mouvante, qui nous invite à écouter les innombrables voies d’eau, voix d’eau, à leurs prêter attention, à en prendre soin, plus que jamais.
Je file modestement la trame bleu comme un commun universel qui nous maintient en vie.
Je suis partagé entre mes émerveillements devant les eaux tumultueuses et mes angoisses devant les fleuves asséchés.
Je voudrais vous emmener marcher au fil de l’onde, toutes oreilles aux aguets, et vous raconter encore, et vous entendre dire, mille méandres rafraichissante.
https://drive.google.com/…/1ZlAf1VGBiboj9zLioX8…/view…

Le Rançonnet est une petite rivière qui a bercé mon enfance en coulant au pied de la maison familiale. Nous sommes dans la petite ville d’Amplepuis, nichée au cœur du Haut-Beaujolais, pays de sapins et de prairies de moyenne montagne aux reliefs assez pentus..
Le tronçon proposé ici court le long du quartier dit de l’Industrie, au bas de la ville, appelé localement « le fond du bourg «
Détourné en bief pour alimenter la chaudière de la grande usine textile voisine, le Rançonnet traversait le quartier, en partie recouvert par la chaussée du carrefour du quartier de l’Industrie.
Le ruisseau sillonne aussi, en amont, le quartier dit de la Viderie, rivière affluent du Rançonnet aussi dénommé la Jonchée. Que de jolis noms ruisselants.
Il se jette ensuite dans le Reins, lui-même alimentant autrefois deux autres usines textiles aujourd’hui plus en activité, avant que celui-ci n’aille confluer vers la plaine de Dame Loire. Celle-ci coulera par monts et par vaux vers le Grand Ouest Nantais. Un bien beau et long périple en perspective.
Au sortir de la bourgade, le cours d’eau serpente le longs de prairies paisibles vers le versant ligérien.
Au pied de chez moi, le bief était bordé d’une végétation assez touffue, où vivaient salamandres et tritons qui parfois s’aventuraient jusque dans la fraicheur du couloir d’entrée de notre maison.
Plutôt silencieuse, la petite rivière se manifestait indirectement par de longs lâchers de vapeur via la chaudière de l’usine qu’elle alimentait, faisant rugir de longs sifflements, bruits blancs puissants qui ne manquaient pas de m’inquiéter les premières fois que je l’entendis lorsque j’étais enfant.
Aujourd’hui, l’usine a disparu, s’est tu, rasée pour laisser la place à un sympathique parc urbain, avec une halle couverte pour accueillir un marché hebdomadaire et des fêtes locales. Autre époque, autres sonorités.
Le Rançonnet a quasiment retrouvé son cours naturel, longeant tranquillement le parc, plus ou moins présent à l’oreille selon les saisons et les pluies. Des seuils ont été arasés afin que le ruisseau réintègre son cheminement d’origine.
Parfois quasiment inaudible, tout juste quelques clapotements lorsqu’on se penche dessus, surtout vers un glacis pierreux canalisant son cours vers l’ex usine, il peut se faire entendre plus généreusement au fil des averses, des orages, des périodes humides. Jamais toutefois il n’aura l’audace acoustique d’un torrent montagnard dévalant des hautes vallées. Il restera un ruisseau assez sage qui néanmoins égaie tranquillement le quartier.
J’aime écouter sa présence estivale discrète, rafraichissante, presque rassurante, en lisant sur un banc ombragé qui le surplombe, une petite trame bleue qui fait partie, au fil du temps de l’âme du quartier, le façonnant acoustiquement.
La disparition des usines qu’il alimentait lui a apparemment redonné une pureté aux écosystèmes riches, où chabots, truites fario et écrevisses à pattes blanches sont à leur aise, et où de belles libellules bleutées folâtrent parmi les renoncules des rivières.
Cette petite incartade auriculaire, aquatique, dans le quartier qui m’a vu grandir, et où, après de nombreuses années plus urbaines, je me suis récemment réinstallé, est marqué de souvenirs, de transformations, démolitions, réaménagements, au fil de la disparition du tissu industriel local. Des affects un brin mélancoliques qui s’écoulent dans les flux et reflux mémoriels
Retour aux sources pourrait-on dire littéralement.

Données hydromorphologiques
https://onde.eaufrance.fr/acces-aux-donnees/station/K0943031
Cliquer pour accéder à 820031385.pdf
Les sons du Rançonnet enregistrés ici ont été captés sur une petite dizaine de points d’ouïe, puis remixés pour suivre une progression vers une petite chute en glacis. Cette dernière divisait la rivière en deux branches, en orientant une vers l’usine via un bief aménagé à cet effet, et une autre contournant les bâtiments.
Le cheminement de cette petite trame bleue s’effectue sur un court trajet, quelques deux cent mètres au maximum.
La captation a été réalisée via un enregistreur numérique équipé de microphones système MS, pour rendre plus pertinentes les variations aquatiques allant crescendo..
De gros orages ayant éclaté sur la ville et ses alentours les jours précédents, le courant est assez fort pour un milieu juillet, donnant à l’oreille l’impression d’un cours d’eau beaucoup plus important qu’il n’est.
Ambiance qui peut cependant très vite changer si un épisode plus sec et chaud s’installe.
Les heures d’écoute attentives et de douces rêverie passées à ausculter le petit tronçon du Rançonnet n’étant pas retranscriptibles dans la durée, elles ont été ramenées à quelques 60 minutes d’enregistrement, et au final à 8 minutes de montage audio assorti d’images et de mots. Une « vision » synthétique qui tente de condenser l’espace-temps poétique d’un fragment de cours d’eau dans son plus long cheminement. Un bout d’histoire sonore fluante qui invite l’oreille vers de multiples autres rives. Un échantillon comme prélude à un projet « Bassins Versants, l’oreille fluante » qui arpentera bien d’autres rives et dérives.
En écoute
En images
https://photos.google.com/album/AF1QipM3kWKP4oZA06a3vmEu4xNqoJILZgdd7FUYBQ1h
Cette publication s’inscrit dans le projet « Bassins Versants, l’oreille fluante«

Partons de la source
Ou bien à contre-courant.
Sources résurgente
Source cascadante
Source glougloutante
Majestueuse ou imperceptible…
Comme le serait la source sonore
Source murmurante
Source bruissante
Source tonitruante
On part de là, de la source-même, pour en suivre le cours
Un flux guide conducteur
Un fil bleu de flots nourriciers
Qui coule de source, et parfois non.
Suivre le courant.
Ou bien le remonter
Courant fort tempétueux
Eaux presque dormantes
Un sens donné, d’amont en aval.
Un axe, une direction
Direction tortueuse
Direction méandreuse
Ramifications hésitantes.
Un chemin d’écoute au goutte à goutte,
Éclaboussements en murmures paysagers
Rosée au petit matin
Débords sur le chemin flaqué
De bras en bras, hydrodynamiques acoustiques.
Des confluences
Des carrefours
Croisements hybridant les eaux
Tout comme les sons sources.
Des flux liquides qui disparaissent englobées
Des flux liquides qui se perdent noyées.
Des flux liquides qui grossissent au fil d’apports aqueux.
Une rumeur confluente qui se joint à une autre,
A une autre plus forte
A une autre accueillante
A une autre étouffante
Un point de conjonction amalgamant vaille que vaille
Baille que baille
Une rencontre où se brassent des chemins d’eau
Des chemins d’écoute aussi.
Des lignes de partage.
Les flux basculent à l’est,
Basculent à l’ouest
Basculent au nord
Basculent au Sud
Hésitent à choisir le versant
coulent sur le fil ténu
Se font polyphonies hydrophoniques
En chargeant les récits au fil de l’onde
En tissant les histoires sur les frontières aqueuses.
On suit là les chemins ruisselants
On dévale les cours rapides
On longe les rivages sinueux
On flotte sur les nappes étendues
On trace un veinage aqua-sanguin
On dessine des cartes en rhizomes imbibés de bleus
On fait territoire auriculaire de folles ondes.
Estuaires et embouchures.
Un final possible
Un final élargi
Un point d’orgue débordant
Un effacement
Une disparition
Une noyade dans l’immensité
Des voix fondues vers l’unisson immense
La fin d’un grand chemin coulant
D’une symphonie déversante
Comme une Moldau au point d’orgue
Enflant dans l’embouchure finale
Mode delta ou estuaire
Fin d’une grande fugue liquidée.
Tout coule à flux contre-flux
Courants contre-courants
Des histoires de territoires irrigués
Qui naissent à chaque ru
Qui se déploient à chaque rivière
Qui s’élargissent à chaque fleuve
Qui s’engloutissent à chaque estuaire
Qui n’en finissent pas de conter
Des territoires noyés ou desséchés,
Des fragiles mémoires humides
Des avenirs assombris de pénuries
Des bassins versants à l’oreille fluante.
Texte des Cycles de l’Eauriculaire – 12 juillet 2023 – Amplepuis, tout près du ruisseau Le Rançonnet
Une intention/attention au fil de l’onde
Un projet de territoires irrigués.
Partir de la source, ou non,.
Suivre les rivages, berges, méandres…
Descendre le courant, ou le remonter, à rebrousse-poil.
Capter la mémoire et les traces aquatiques, hydrauliques, hydrodynamiques…
Des saisons, des jours, des nuits…
Des urbanités, des ruralités, des espaces « sauvages »…
Recueillir les récits, en faire naitre de nouveaux, ancrages locaux et irrigations imaginaires.
Tisser des sons, des ambiances, des voix, des cartographies humides ou asséchées.
Suivre les lignes de partage, confluer, buter vers le delta, l’estuaire, l’embouchure.
Ou bien n’ausculter qu’un tronçon de fil bleu, une coulure locale
Penser des musiques et fictions eaudiosoniques, de torrents en rus, de gouttelettes en déluges.
Faire entendre la fragilité, prôner et défendre une Éc(h)Eau-écoute au fil des ondes.
Installer des écoutes, des Points d’ouïe, au gré d’Écoutoirs Potentiels Imaginaires.
Arpenter de concert, le PAS – Parcours Audio Sensible collectif, comme une écriture kinesthésique, haptique, partagée.
Faire entendre des traces, mémoires et récits fictionnels
Les territoires Eau’sculptés, avec leur géomorphologie, topographie, toponymie, leur vie hydrologique, et toutes les ambiances intrinsèques qui les tissent, font que chaque Bassin Versant est singulier, unique, dans son écriture comme dans ses histoires, irrigué au fil des ondes et des rencontres.

@Photo – Bernard François – CRANE Lab – Semur en Auxois juillet 2023 – PAS – Parcours audio Sensible
Bassins Versants, l’oreille fluante
Projets de territoires en pratique(s)
Modes d’interventions
Résidences artistiques de création-écriture in situ
Ateliers participatifs tout public
Médiation (rencontres, conférences, ateliers…)
Interventions pédagogiques (écoles, lycées, universités, tout public)
Partenariat avec le réseau culturel, socio-culturel, éducatif, associatif…
Actions de terrain
Parcours et installations d’écoute, pérennes ou temporaires
Création sonore (installation, création radiophonique en partenariat avec les média locaux…)
Publication, carnet de résidence, carnets de notes…
Exposition à partir de collectages audio-visuel (Sons, textes, images…)
Co-écriture(s) avec des artistes locaux (poésie, théâtre, danse, vidéo…)
Inscription dans une programmation locale (festival, rencontres…)
Temporalités
Résidences de 2 à 3 semaines ou plus, En continu ou fractionnées
Partenariats
Projets de territoire pouvant s’inscrire dans des dispositifs types EAC, CLEA, PREAC, Culture Santé, Culture Justice… être menés en partenariats avec des structures culturelles et socio-culturelles locales
Spécificités
Chaque projet est pensé, écrit et réalisé en s’appuyant sur le terreau local, ses paysages, ressources, structures, projets engagés ou à venir…
Eaux nourricières

« L’eau ruissèle, de partout, finement, c’est une véritable féérie sonore. En bonne chasseuse de son, je me suis arrêtée et j’ai enregistré, à en perdre la notion du temps »
Caroline Boé « Du désir d’écouter l’eau »
Gilles Malatray – Desartsonnants
Points d’ouïe et paysages sonores partagés
8, place de l’Industrie
69550 Amplepuis
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Courriel : desartsonnants@gmail.com
Skype : Gilles Malatray
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