Écoutes d’écoutes 

Si je m’intéresse de très près à l’objet écouté, en l’occurence ici au paysage sonore, tout ou partie, d’autres axes auriculaires me questionnent.


Je considère notamment l’objet de l’écoute, dans ce qui motive les gestes et les postures de l’écoutant, impulse la ou les raisons de faire écoute.


De même, l’écoutant-agissant – dont celui que je suis – est à observer dans la mise en place de stratégies, entre autres celles de territorialisation et dé-territorialisation, selon les approches de Guattari et Deleuze.


Enfin, c’est l’écoute-même, comme objet d’étude, qui demande à être observée dans ses processus de fabrication, ses tenants et aboutissants.


C’est par ces « écoutes d’écoutes », puisant notamment dans des formes de descriptions phénoménologiques, perceptives, que commencent à se dessiner des paysages sonores tiraillés de tensions esthétiques, sociales, politico-climatiques, tout à la fois génériques et éminemment singuliers.

Les bancs d’ouïe des grands chemins, et des petites placettes intimes…

J’ai déjà, à plusieures reprises, parlé des bancs, ces mobiliers qui me sont chers, mais aussi des marches d’escaliers et autres murets, assises bienséantes rencontrées à l’aune d’explorations déambulatoires dans l’espace public.
Ces espaces de pause, urbains ou ruraux, en forêt ou le long d’une rivière, le long d’une plage ou d’une promenade publique, sont pour moi multifonctionnels.
Lieux de repos certes, de rêverie, méditation, d’écoute souvent, de travail, d’écriture, d’échange, dans une forme de co-working de plein-air, mobile et adaptable; une façon de co-habiter le monde, mon quartier, les lieux de résidences artistiques, de déplacements tous azimuts.

Je pensais hier, justement posé sur un banc, nuit tombée, aux choix de ceux-ci, que ce soit ici, dans mon quartier, ou ailleurs, dans beaucoup d’endroits forts différents.
Ces choix de s’assoir ici plutôt qu’ailleurs ne sont pas innocents, liés parfois à des contraintes du moment, et parfois à des options plus stratégiques.

S’il fait très chaud, ce sera un banc à l’ombre, dans un lieu aéré, (relativement) frais…
S’il fait un fort vent, ce sera un banc abrité, ou au contraire très exposé, pour profiter au maximum des caprices d’Éole.
Si je cherche la rencontre, l’échange, ce sera un banc situé sur un espace très passant, avec souvent des séquences réitérées, parfois dans un lieu habituel, près de chez moi…
Si je recherche l’isolement, la quiétude, ce sera dans un espace intime, en retrait.
S’il fait très froid, ce pourra être dans un espace fermé, ou semi fermé, un hall de gare, une galerie marchande…
Si je recherche une belle ambiance sonore, ce sera dans un espace où l’écoute est agréable, entre sources permanentes (fontaines), ponctuelles (cloches), acoustiques remarquables (passages réverbérants), présence de faune, de vie anthropophonique…
S’il pleut ce sera dans un espace abrité, sous un auvent…
Si je recherche un parcours déambulatoire, ce sera une suite de bancs qui guideront et ponctueront mes pas et points d’ouïe.
S’il fait nuit et que je désire lire, écrire, ce sera un banc sous un lampadaire. J’adore la nuit !
Si je recherche, outre un point d’ouïe, un point de vue, un lieu agréable à regarder, ce sera devant un panorama naturel, une place d’un centre historique…

Tout ceci m’entraine donc d’avenues en ruelles, de parcs en places publiques, de sentiers en promontoires, m’en faisant voir et entendre de toutes les couleurs.

Bref, jonglant avec les aléas climatiques, et les intentions et envies du moment, je me suis défini, l’expérience aidant, toute une typologie de bancs, dont certains autour de chez moi, comme lieux expérientiels, d’autres dans des lieux connus, déjà arpentés, écoutés, d’autres encore à découvrir dans de nouveaux espaces à investir. Se constitue ainsi un véritable inventaire pour promeneur écoutant, arpenteur de tous crins, une géographie bancale, des ressources assises à fréquenter selon les cas, les besoins, les nécessités, les adaptabilités du projet en cours.
Des villes me posent parfois problème, dans des choix délibérés d’aménager des espaces sans assises, pour des raisons tendancieusement sécuritaires et dans des volontés malsaines de cleaner l’espace public.
Néanmoins je trouve en général toujours de quoi à satisfaire mes postes d’observation, ou tout simplement de jouissance quiète du monde environnant.