Extensions, décalages du domaine du visuel vers le paysage sonore
L’écoutant que je suis aime parfois, par une sorte de jeu un brin pervers, détourner la « fonction esthétique initiale d’une œuvre, d’un objet, d’une installation, pour substituer au regard l’écoute.
Il ne s’agit pas pour autant de contester, et encore moins de dénigrer les qualités d’une création, mais plutôt d’en étendre les perceptions, de se servir de leur implantation sur le site comme de potentiels points d’ouïe non forcément envisagées a priori, par acte de détournement respectueux.
Pour cela, certaines œuvres de land artists fonctionnent à merveille, rétrécissant, obturant ou cadrant des champs visuels, et créant ainsi de nouvelles postures acousmatiques (écouter sans voir), installant des fenêtres d’écoute, des hors-champs…
Centrer, recentrer et décentrer
Se poser, ou inviter à se poster au centre d’une scène singulière… La vue et l’oreille titillées.
Parallèles, à voir et à entendre
Observatory de Robert Morris (1970-77)
Le Cylindre Bernhard Leitner – Parc de la Villette à Paris
Dans les deux cas de figure, les artistes ont positionné le spectateur, le visiteur, l’auditeur, au centre d’un espace clos, ou avec peu d’ouvertures. Ils ont cerner le regard,l’écoute, les coupant plus ou moins du milieu ambiant initial, modifiant les champs perceptifs, filtrant le monde environnant…
Dans un cas, le regard est sollicité au départ, mais on peut envisager que l’écoute sera également impactée, qu’elle pourra connaître d’intéressantes et surprenantes modifications, pour peu que l’on y prenne garde. Dans un autre, c’est bien l’oreille qui est au départ concernée, l’auditeur étant placé sur un cercle d’écoute multi-pistes, qui vient se frotter à l’environnement sonore ambiant, mais l’atmosphère visuelle créant également des sensations d’ouvertures fermetures, teintées d’inimité et à la fois de porosité…
Les perspectives sont ainsi redessinées, proposant de nouveaux angles d’attaque qui viennent questionner le paysage via des architectures/installations éminemment contextuelles.
C’est de l’espace et de sa mise en scène que se déroule un imaginaire fertile, la part d’un rêve paysager qui s’annonce prometteur d’expériences réjouissantes.
Auditorium sylvestre
Installation Land Art de Dominique Bailly « Spirale Sonora » – Trente – Italie
Une clairière d’écoute, un point d’ouïe collectif, un auditorium en prise directe avec les bruissonnements de la nature.
L’artiste ne ramène ici aucune sonorité exogène. Tout au plus,souligne t-il la richesse sonore intrinsèque, en proposant une sorte d’espace scénographié, invitant à l’écoute collective, une scène de recueillement quasi rituelle, voix des génies de la forêts comprises…
L’imaginaire peut laisser se développer une écoute à la fois « naturelle » et élargie vers des espaces acoustiques bien souvent, trop souvent ignorés.
Lieux non dédiés et expériences in situ
Il n’est parfois pas nécessaire d’installer une œuvre artistique qui se poserait comme un endroit stratégique exacerbant des perceptions environnementales. On peut également stimuler nos sens en se plaçant, à un moment et dans un lieu qui fera office de catalyseur, temps pour la vue que pour l’écoute. Par exemple sous un pont routier imposant, à tombée de nuit, expérience vécue et approuvée.
PAS – Parcours Audio Sensible – Géophonème 2015 – Desartsonnants/CRANE Lab/ Collectif La Méandre – Moment d’écoute sous le pont Nord de Chalon-sur-Saône
Choisir des fenêtres d’écoute existantes, ou les ériger en temps que telles
PAS – Parcours Audio Sensible – Desartsonnants/Transcultures/ École supérieure d’arts de Mons Arts2 – Exploration auditive d’un parking souterrain avec fenêtre d’écoute – Mons Février 2016
Une porte sur la ville, un cadrage improvisé, matérialisé par une fenêtre ouverte sur… L’œil et l’écoute guidés…