Faire entrer l’oreille, le corps, dans les sons Faire entrer les sons dans le corps, les oreilles Jeux de l’ouïe, des osselets, des colimaçons S’enfoncer dans les acoustiques sonnantes Y rebondir en échos Se prolonger dans l’espace raisonnant S’étirer dans la réverbération trompeuse Perdurer après le choc vibratoire Feindre une trace d’énergie fantomatique Faire vibrer sympathiquement Se syntoniser jusqu’à une relative stabilité Architecturer des espaces sonores Y construire des bulles de silences et de sons Naviguer au gré des ambiances transitoires Se métamorphoser en peau vibratile La tendre comme un tympan déployé S’immerger dans les nappes soniques Être à l’unisson Être en dissonance Être corps entendant Être corps écoutant L’ouïe fine ou grossière Ouvrez les écoutilles Descendre au fond des sons Jusqu’au silence intarissable.
« Quel drôle de machine que l’homme ! dit-il, stupéfait. Tu la remplis avec du pain, du vin, des poissons, des radis, et il en sort des soupirs, du rire et des rêves. Une usine ! Dans notre tête, je crois bien qu’il y a un cinéma sonore… » Níkos Kazantzákis « Alexis Zorba » (1946)
Le paysage sonore est, comme beaucoup d’objets d’étude que je qualifierai ici d’environnementaux, complexe, multiple, dans sa perception comme dans sa construction, ou dans ses potentiels aménagements. Car, comme tout paysage, il est susceptible d’être aménagé, si ce n’est construit de toutes pièces. Il oscille d’emblée entre une approche esthétique, un geste perceptif sensible, affectif, avec des modes de représentation subjective, et une physicalité vibratoire tangible. Une présence physique, nourrie de multiples sources et ambiances, qui s’écoute et se ressent à fleur de peau et de tympan. Ce milieu vibratile prend forme, s’incarne, en venant exciter physiquement les corps écoutants, les corps vibrants, quels qu’ils soient. Au niveau de la perception esthétique, le paysage sonore est d’abord et avant tout ce que l’écoute et l’écoutant en font, un univers nourri d’ambiances acoustiques qui influent nos ressentis, du plaisir au mal-être, voire à la souffrance, en passant par toutes les situations intermédiaires, les innombrables nuances affectives. Ceci dit, il serait tendancieux de vouloir opposer de façon radicale, dichotomique, ces deux perceptions, tant elles participent concomitamment à notre compréhension du monde sonore. Bien sûr, à certains moment et dans certaines circonstances, le sensible ou le physique prennent le pas. Néanmoins, le corps écoutant, charnel, ainsi que tout notre potentiel affectif, nous font entendre, pour peut qu’on se prête au jeu de l’écoute, un paysage sonore intime, sans cesse renouvelé, convoquant la pure vibration et la construction mentale. Une alchimie où la poésie vibratoire du sonore nous plonge au cœur de l’écoute, à part que se ne soit l’inverse.
@ Transcultures – PAS – Parcours Audio Sensible à Mons (Be) Festival City Sonic
Comme le paysage sonore n’existe pas sans l’écoutant, sans l’écoute de l’écoutant, sans le corps écoutant, sans la pensée sensible, volatile, versatile, multiple de l’écoutant, il faut donc le fabriquer de toute pièce. Il est nécessaire de le reconstruire dans chaque lieu et moment, et ne jamais prendre pour acquise une idée de paysage sonore comme une représentation figée de type carte postale. C’est une chose qui a cheminée longtemps dans ma tête, mon corps, pour s’incarner progressivement au fil des expériences situées. Ce n’était pas du tout une évidence lorsque j’ai commencé à tendre l’oreille et a arpenter des territoires au gré de leurs textures sonores. Je constate aujourd’hui que beaucoup ne se reconnaissent pas dans cette approche, voire refusent de reconnaître l’expression, si ce n’est l’existence des paysages sonores, en tous cas dans une pensée post schaférienne.. Mais cette petite chronique n’est ni le lieu ni le sujet d’un débat polémique. La question que me pousse à repenser, par l’action de terrain, les moyens, outils, processus, dispositifs, propres à faire émerger des espaces sonores singuliers, au sein de territoires de plus en plus fragiles et tourmentés, est plutôt le sujet de cet article. Au début est l’oreille, et donc l’écoute. S’il faut commencer par une approche simple, posons d’emblée l’écoute comme une clé de voûte, qui fait tenir debout à la fois la cohérence physique et sensible d’un paysage sonore, mais également les éléments d’analyses critiques et les créations qui en découlent potentiellement. Qui dit écoute dit organe, sens, mode d’appréhension sensible du monde, inclue dans un corps qui est lu-même un réceptacle vibratoire complexe, multisensoriel, réactif aux tressaillements et aux ébranlements du monde. Nous somme plongés dans une vie organique, sociale, émotive, qui secoue notre corps dans son intégrité, et notre perception auditive est en alerte, entre tensions et détentes, adoptant pour faire face à des situations multiples quantités de postures psychomotriciennes. Entre la protection, la fuite, la scrutation, l’auscultation, nous réagissons et interagissons différemment selon les contextes. Ainsi, mettre un corps en mouvement pour traverser des ambiances sonores, s’en approcher, s’en éloigner, les mixer, en entrainant parfois un groupe à en faire de même, sont autant de postures issues des soudwalkings et autres balades sonores, marches écoutantes… Au fil des expériences audio-déambulantes, j’ai été amené à croiser nombres d’artistes œuvrant dans les champs artistiques de l’art-performance, de l’art-action, de la danse, du cirquen qui très souvent frottent leurs corps à l’espace public, au rythme de performances et de mises en situation souvent surprenantes et décalées, si ce n’est volontairement provocatrices. La physicalité du geste et du corps est au centre de la performance, qu’elle soit très (dé)monstrative ou au contraire minimaliste, si ce n’est quasiment invisible. Un jour, après un long PAS-Parcours Audio Sensible nocturne, autour des rives lyonnaises du Rhône et de la Saône, après une très lente marche et près de trois heures en silence (écoutant) un des organisateurs m’a dit que mes marches relevaient de la performance, se détachant des déambulations patrimoniales ou urbanistiques qu’il avait l’habitude de proposer. Sur quoi, et particulièrement ce soir là, j’étais assez d’accord. J’avais poussé les corps arpenteurs et écoutants dans des situations d’immersion collective pour le peu inhabituelles. La lenteur, le silence, la longueur, les lieux parfois surprenants, dans un esprit proche de l’artiste Max Neuhaus, avaient contribué à construire une traversée de paysages sonores à la fois propres à chaque participant, et à la fois dans une forme de geste collectif stimulant. Je garde en mémoire nombre d’images, sonores ou non, de ressentis, comme une sorte de cartographie mentale sensible. J’ai en mémoire des moments forts, tel celui d’une immense péniche qui fait un demi-tour sur le Rhône, éclairant dans la nuit le fleuve de ses feux de navigation, ses puissants moteurs diésels éclaboussant les lieux de grondements réverbérés par les murs des berges et la surface des eaux… Plus loin, des groupes de jeunes étudiants et étudiantes qui, ici et là, improvisent une soirée festive, danses, musiques et bières à l’appui. Ces scènes, ces ambiances traversées, sont d’autant plus vécues fortement que le corps entier est immergé dans son propre silence et mu dans une lenteur assumée. Il construit son récit au fil des pas et des stimuli paysagers, la dynamique de groupe tissant des ressentis parfois exacerbés. Les paysages sonores, visuels et parfois olfactifs, nous traversent autant que nous les traversons. Ils nous baignent, nos sautent aux oreilles, ne cessent de se transformer lors de gestes performatifs collectifs. J’en ai beaucoup appris en regardant comment les corps de danseurs, circassiens, artistes de rue, se mettent en scène dans l’espace public, en révélant des territoires esthétiques, poétiques, politiques et sociaux de façon décalée. Avant de penser à une potentielle œuvre sonore, il m’est nécessaire de plonger corps et oreilles, regard compris, dans l’espace public urbain, la forêt, le long du ruisseau, ce qui est d’emblée pour moi une façon d’œuvrer. La création, l’écriture corporelle, haptique, immatérielle, en tout cas dans sa concrétisation, les situations et postures, que propose un parcours d’écoute, contribuent à l’émergence d’une œuvre située, contextuelle, le corps engagé aidant. Faire corps avec les lieux, les participants, la vie multiple croisée en chemin, est ici une expression qui prend tout son sens, dont celui de l’ouïe bien entendu
On peut envisager ici le corps écoutant, déambulant, comme une sorte d’oreille active, qui va déchiffrer des parcelles de territoire en les arpentant.
Le corps s’inscrit ainsi dans l’espace public, se posant sur des points d’ouïe, où parcourant un territoire, toutes oreilles à l’affût.
Cette mobilité écoutante, en offrant des postures immersives, des approches Sensori-motrices, proprioceptives, engage et inscrit un corps qui va lire et façonner l’espace en fonction de ses gestes, de ses perceptions, et de toutes les interactions découlant des rapports corps/espace.
S’offre ainsi à nous une multitude de situations, faisant de la ville ou d’espaces naturels, un terrain de jeu sensoriel toujours renouvelé.
Des rythmes de déambulation, de la vitesse de nos déplacements, des réactions à des stimuli ou à des rencontres inopinées, de la marge d’improvisation et d’imaginaire que nous nous laisserons, les cheminements d’écoute nous permettront la lecture et l’écriture de paysages sonores plus ou moins inouïs.
Engager son corps dans un bain sonore, au cœur d’une ville par exemple, c’est accepter d’être plus ou moins chahuté, bousculé, ému, par des ambiances sur lesquelles nous n’avons pas forcément de prise. Cette posture de corps écoutant dans un espace souvent complexe, n’est pas toujours très confortable, voir même peut se révéler déstabilisante.
Les stimuli auditifs nous embarquent parfois dans un monde où les affects nous touchent, nous cueillent à fleur de peau, à fleur de tympan dirais-je même.
L’habitude d’arpenter les territoires auriculaires nous forgent des outils perceptifs pouvant nous faire prendre un peu de recul face aux sons que nous traversons et qui nous traversent. Tout en gardant possibles des émotions plus ou moins épidermiques, nous accepterons nos fragilités écoutantes en sachant mettre un peu de distance entre le corps écoutant et la chose entendue.
Au fil de nos marches d’écoute, nos sens s’affineront, avec le développement de jugements qualitatifs, tels des outils d’analyse, de compréhension, qui nous feront prendre le pouls d’un environnement parfois au combien bruyant.
Cette inscription corporelle, notamment via des gestes d’écoute, dans différents territoires, reste une recherche-action au long cours, un chantier expérimental qui tisse une toile de paysages sonores comme objet d’étude et d’expérimentation. Cette posture sensible demande une constante adaptation au terrain, une souplesse dans l’action donnant au corps une capacité de réagir à de nombreuses situations et sollicitations du terrains appréhendé.
La diversité comme richesse
Autant d’espaces traversés, autant de diversité, de richesses, de possibilités de rebonds, d’interactions.
Nos corps marchant sont soumis à moult stimuli, excitations, contraints par de nombreux obstacles, empêchements… Constamment, il nous faut chercher des réponses physiques et mentales, expérimenter, tâtonner, pour trouver notre place dans une multitudes de paysages géographiques, climatiques, mentaux…
De ports en forêt, de montagnes en plaines, la marche porte notre écoute à travers un kaléidoscope aux innombrables facettes, parfois trompeuses.
Comme tout paysage, jamais le lieu et le moment ne sont perçus comme de parfaites répétitions, d’exactes redondances, des copies conformes, déjà vu, ou entendues. Ces imprévisibilités chroniques sont parfois vécues comme des situations inconfortables, voir stressantes, ou au, contraire comme une richesse, une diversité toujours entretenue par le déplacement des corps et des sens. Le terrain et ses accidents nous tient en alerte. Un son exogène, étranger, ou le paraissant, hors de son contexte habituel, nocturne, devient vite comme une alerte questionnant les espaces où s’engage le corps, oreille comprise.
Préserver la diversité est aujourd’hui une chose capitale, surtout lorsque l’on parle de biodiversité, mais du vivant au sens large. Il en va de même dans le domaine du sonore. Un paysage saturé de voitures, comme une plaine céréalière ou plus rien ne vient surprendre l’oreille tant les écosystèmes ont été ravagé sont des exemples flagrants de « monosonie ». Dans la saturation comme dans la paupérisation, l’écrasement des ambiances par une densité à la limite du soutenable ou un silence peu réjouissant, si ce n’est mortifère, n’offre pas de belles perspectives pour maintenir notre oreilles aux aguets.
Le corps écoutant, face à ces paysages sacrifiés à l’autel de l’écoute ne trouve plus aucune diversité, accroche, pour poser une oreille curieuse et satisfaite dans des paysages acoustiquement sinistrés.
Fort heureusement, des sites, urbains ou. Non, présentent encore suffisamment de ressources auriculaire pour que l’écoutant y trouve son compte, quitte à devoir faire l’effort de discrimination nécessaire pour jouir de la diversité sonore. Ce qui nous ramène çà des pratiques envisagées ci-avant, où l’oreille est éduquée à mieux écouter pour ne pas avaler tout cru la masse sonore sans discernement aucun.
Le choix et le moment de nos écoutes est donc un critère important pour profiter au mieux d’écosystèmes acoustiques riches et variés. Sauf bien entendu, si je puis dire, à faire le choix d’aller entendre des milieux fragiles, pollués, désertés, et socialement auss difficile à entendre qu’à vivre. L’écoutant doit prendre conscience que, de même que visuellement, des massacres paysagers ont lieu un peu partout, sans parler de la qualité de l’air, des aliments, de l’eau, et autres dégradations à grande échelle que subissent les espaces à la limite du vivable.
Acoustiquement, le trop est comme le pas assez, une situation où des hégémonies ou des raréfactions rendent les lieux plus ou moins inécoutables. J’ai fait l’expérience, pour différents projets, de grandes traversées de boulevards périphériques, desquelles ont ressort extrêmement fatigués, fourbus, presque anesthésiés, physiquement comme mentalement, tant la pression sonore nous impose des tensions difficilement soutenable à long terme.
A l’inverse, une promenade écoutant dans des espaces alternant des ambiances acoustiques plus apaisées, et en même temps très diversifiées, que l’on soit à l’orée d’une forêt ou dans le dédale d’une vieille ville « historique » nous procure un réel plaisir.
L’oreille a besoin de diversité, diversité équilibrée, pour s’épanouir dans des paysages à portée d’écoute. Les aménageurs devraient y prendre garde en amont de crtains aménagements, avant que d’avoir à ériger des murs anti-bruits aussi onéreux que peu efficaces.
Les plantations végétales, ou les « désemprises sauvages », les parcs urbains, les cheminements à l’abri des grands flux urbains, les clairières et les massifs forestiers protégés, sont autant de gages d’espaces où l’on respire et où l’on entend mieux. Les coupes forestières « à blanc » comme la bétonisation des métropoles chassent toute une biodiversité dont nous avons pourtant tant besoin pour bien, ou tout au moins mieux vivre, au cœur du concert quotidien des sons du vivant, et des autres, dans toute leur diversité.
Un marché d’un quartier cosmopolite, avec un grands nombre de langues, d’accents, d’intonations, est très agréable à écouter, parfois comme un vrai dépaysement à quelques encablures de chez soi.
Le lever du jour, heure bleue, ou chorus day (réveil des oiseaux), même en milieu urbain, où tout un joyeux monde de volatiles diserts donnent du syrinx, est un moment privilégié, qu’il faut apprécier comme une sorte de don auriculaire offert à ceux qui aiment voir et entendre les moments de bascules nocturnes/diurnes très matinaux. Une richesse à fleur de tympans.
Le corps s’inscrit alors dans des espaces-temps privilégiés, des scènes acoustiques qu’il faut savoir accueillir comme de fragiles offrandes.
La souplesse d’interagir dans les relations corps/espaces mouvants
L’interaction est au cœur du sujet, celui du corps écoutant inscrit dans un ou des espaces sonores. C’est par elle que l’écoute se fait, s’élargit, que le cheminement se trace, que le corps se met en marche. L’interaction, c’est se laisser une marge de manœuvre, voire d’improvisation, pour que le corps puisse se libérer et investir pleinement l’espace habité par une multitude de sons.
C’est une disponibilité qui nous permet de rebondir en écoutant, de rebondir en marchant, de rebondir en arpentant, en restant ouvert à toutes les invitations potentielles rencontrées dans nos expériences auriculaires situées.
Le corps doit rester disponible et prompt à réagir à l’écoute de sons les plus divers. Un collègue compositeur avait donné pour titre à une de ses compositions « Garde toi une marge d’incertitude ». Ce titre est toujours resté gravé quelque part au fond de ma mémoire, et questionne encore régulièrement mes gestes, mes décisions, indécisions, incertitudes.
C’est ce jeu fonctionnel, ces marges relationnelles improbables qui font qu’un corps écoutant peut décider de poursuivre son chemin, de s’arrêter, se poser sur une scène sonore qui se présente à l’improviste.
Le corps, en l’occurrence le mien, et les territoires parcourus, ceux que je décide d’investir, ou bien qui me sautent à l’oreille comme une évidence non préméditée, me laissent différentes options possibles, des potentialités d’interactions.
Les volumes d’une pièce, la lumière, la chaleur, la topologie, tout comme les ambiances acoustiques, même des plus imperceptibles, vont influer sur mes gestes et ressentis, et en partie décider de mes choix.
Une cloche sonne et je m’arrête pour mieux en profiter. Un chanteur de rue se fait entendre ert je me dirige doucement vers lui, travelling focal, deux fontaines encadrent un quartier et je procède à un mixage en fondue enchainées en marchant de l’une à l’autre… Et bien d’autres situations qui peuvent générer des réponses corporelles à des situations sensorielles données, même des plus improbables et inattendues.
Le corps et les espaces dans lesquels il joue sont interfacés de façon à dialoguer en bonne entente, autant que faire se peut, y compris dans des situations où les sens sont mis à mal, où le corps peut souffrir de situations auditives tendues, stressantes.
Le corps est une caisse de résonance, un contact épidermique, vibrant par tous les pores de son enveloppe exposée à des milieux sonores souvent imprévisibles et parfois violents.
Il existe des phénomènes de résonance par sympathie, où un corps vibrant en fait résonner un autre, comme une métaphore d’un être physique qui se frotte à des espaces qui viennent exciter toute sa carcasse exposée et immergée dans des espaces secoués de mille vibrations.
Nos corporalités et spiritualités possèdent la souplesse de constamment s’adapter aux stridences et chuchotements du monde, avec parfois une grosse dose d’adaptation, de robustesse, de résilience, qui maintiennent notre écoute en éveil. Les interactions corps écoutant choses écoutées sont pétries dans des relations complexes, mouvantes, éphémères, propres à la fugacité et à l’instabilité du monde sonore.
Les relations psycho-sensorielles, y compris celles des plus instables, sont irriguées d’interactions qui mettent en étroites relations les oreilles, la vue, les pieds, le cerveau, et au final le corps entier, qui aspire ainsi à rester connecté de façon sensible au monde, notamment par l’écoute.
L’inscription dans une géographie en mouvement
La géographie a longtemps été cantonnée dans des modes de représentations graphiques de territoire codifiés sur les espaces en deux dimensions de la carte papier.
Pour voyager, naviguer, ces plans de territoire, avec l’aide parfois de boussoles et de sextants, des étoiles et des sommets, il fallait déployer des cartes, ou des sééries de cartes.
Le mouvement pouvait alors nous mettre en route, dans des itinéraires plus ou moins précis et définis.
Aujourd’hui, la géolocalisation informatiques nous emmène sur les routes et les chemins avec des risques moindre de faire fausse-route, de commettre des erreurs d’interprétations, d’orientations. Le plus gros risque encouru est justement celui de n’avoir plus guère la possibilité de nous perdre, au moins momentanément, et de nous faire sortir des sentiers battus.
Pour le marcheur, le corps déambulant est étroitement surveillé et guidé, de sentiers en sentiers.
La géographie a d’autre part exploré des domaines du sensibles dont elle ne se souciat guère il y a quelques années en arrière.
Les notions de géographie sensible, voire de géographie du bien-être sont apparues, entrainant les « explorateurs » vers de nouveaux territoire où le corps s’inscrit dans des territoires où l’on regarde, goûte, touche, écoute…
Début des années 90, nous avons cartographié des sites acoustiques remarquables dans le Parc Naturel Régional du Haut-Jura, ce qui à l’époque était une bien étrange façon de faire, en convoquant l’écoute pour aborder un territoire par les oreilles.
Des guides et cartes ont été crées pour partir à l’écoute des paysages, voire penser de nouveaux territoires paysages sonores, à la suite de Raymond Murray Schafer.
Le corps écoutant, à l’échelle d’un parc naturel, découvrait une géographie auriculaire, faite d’échos, de torrents, de cloches, de réverbérations…
La fabrique de cette géographie demande au corps de se mettre en mouvement, d’explorer de l’oreille, pour aller cartographier des sites acoustiques, des cloches remarquables, mettre en valeur des éléments sonores ponctuels, tel l’ensonnaillement des troupeaux, des traditions et patrimoines sonores…
Cette géographie nous emmène hors des sentiers battus, crier en direction des falaises pour en faire sonner révéler les échos multiples, tendre l’oreille aux insectes et oiseaux d’une tourbière, découvrir, du haut d’un belvédère, les sonorités d’un village niché au creux d’une combe…
Les sons font paysages, façonnent l’espace, les torrents dessinent acoustiquement les vallons pour l’oreille, les troupeaux donnent l’échelle du paysage en se déplaçant à flancs de collines, de même que les coups de tonnerre se répercutent sur les reliefs environnants, précisant à l’écoute les barrières naturelles environnantes…
Le corps est immergé dans une topologie sonore marquée d’éléments stables ou ponctuels.
Le promeneur se construit sa propre géographie, traçant de l’oreille des repères qui feront apparaître des paysages la plupart du temps inouïs, car généralement inécoutés.
Cette géographie sensible, arpentée, révélera des points d’ouïe comme des aménités paysagères, et d’autres comme des zones plutôt inconfortables, avec leurs nuisances et pollutions.
Entre le cris d’une buse chassant au-dessus des prairies et le hululement stridents des sirènes d’alarmes, et le ressac de vagues venant rouler les galets de la plage, gageons que les espaces écoutés ne seront pas perçus avec les mêmes affects.
Autant d’espaces, autant de mouvements, de postures d’écoute, autant de paysages et d’écritures géographiques. Aujourd’hui, la découverte sensible d’un lieu convoque plus souvent le smartphone que la carte papier, l’explorations des villes et des campagnes, y compris de leurs sonorités intrinsèques, passe toujours par une représentation, une écriture partageable des lieux, donc une géographie ad hoc. Sachant que le parcours virtuel ne remplacera jamais, pour moi, le fait que le corps se frotte au terrain, quitte à parfois en ressentir les inconforts, en éprouver les fatigues liés aux topologies, météo, et autres désagréments potentiels.
Si mon expérience personnelle tend à privilégier l’écoute pour développer des géographies sonores, le corps lui, a une approche globalement polysensorielle, convoquant dans ses écritures in situ, ses traces de parcours, les autres sens faisant de nous des êtres réceptifs et réactifs aux milieux vécus, habités,traversés.
L’inscription dans des paysages sonores mémoriels
L’expérience physique, corporelle, vécue, appréhendée sur le terrain, impressionne, comme le ferait la lumière sur un papier sensible, notre corps, jusque parfois dans ses mémoires plus ou moins présentes ou enfouies dans les strates du temps qui passe.
Ce qui a été vécu, parfois de façon forte, émotive, reste gravé quelque part au fond de nous, de notre mémoire, prêt à ressurgir n’importe quand, n’importe où. Revenir dans un lieu où nous avons passé notre jeunesse, vécu nos premières amours, ramène à la surface non seulement des images, mais aussi des sons.
Un paysage sonore est peuplé, voire construit de chansons rythmant des fêtes de famille, de repas associatifs, d’explorations déambulatoires nocturnes, de timbres de voix disparues, et de mille sons ayant impacté notre vie.
La mémoire, ou plutôt les mémoires de paysages sonores construisent petit à petits un catalogue d’ambiances mémorielles, de typologies acoustiques, qui sont régulièrement réactivés en se frottant aux situations d’écoute de terrain.
Ces mémoires permettent d’acquérir une culture audio-paysagères qui nous donnent des repères, des référents. Ces référents nous donnent à leurs tours des éléments de comparaisons, des outils critiques, nous permettant d’analyser des ambiances de terrain en ayant déjà des points de repères, des clés de jugements esthétiques, qualitatifs, éthiques… La mémoire des lieux est en grande partie sensorielle, habitant notre corps dans un ensemble plus ou moins net de stimuli audio, lumineux, chaleureux, tactiles, goûteux… traverser une forêt oreilles ouvertes en rappelle une autre, plus lumineuse, plus chantante, ou plus calme. Ces mémoires réactivées nous font revivre, avec parfois une prise de distance, une amplification, ou une atténuation, des miroirs déformants, une marche écoutante, la traversée d’un site, d’une ville… Raconter une déambulation, ses ambiances sonores, ses scènes acoustiques, même avec toutes les interprétations et imprécisions inhérentes, c’est non seulement revivre, mais(re)construire un paysage où le corps entier s’est laissé imprégné de mille stimuli qui auront transformé, façonné une expérience sensible quasi viscérale.
Le corps écoutant au cœur d’espaces conciliés
Les espaces conciliés, et parfois réconciliées, sont les endroits où l’on peut faire, construire ensemble, dans une certaine harmonie, une bonne entente dirais-je ici en parlant de l’écoute.
Ces espaces relient nos corps écoutants à d’autres organismes environnants, vivants ou non, et aux milieux qui accueillent tous ce beau monde dans un joyeux bruissement, ou tintamarre selon les moments.
C’est là où il est possible de bien s’entendre. Là où le chant de la rivière fait sonner le paysage et vibrer notre corps, nourrissant au passage un territoire vivant.
L’écoute attentive, attentionné dirais-je même, celle qui sait déceler les richesses, les souffrances, les absences, les disparitions, les saturations… nous place dans des espaces où la conciliation est au cœur du sujet. Conciliation comme une recherche apaisée, une bienveillance partagée que l’esprit des lieux nous propose à qui sait l’entendre.
En matière de sonore, le respect de l’équilibre auditif se pose d’emblée. Se promener avec une radio en bandoulière sur un site forestier ou montagneux n’est certainement pas le geste le plus raisonnable, et encore moins, à certaines époques, installer une puissante sono dans une prairie avoisinant des lieux de nidification… Sans entrer dans une pensée moralisatrice donneuse de conseils, ou ne sachant que proférer des interdits, le travail sur des espaces conciliants, où chacun reste à une place raisonnable, non envahissante et non polluante, passe par un bon sens partagé. Il demande une forme d’intelligence collective, une attitude responsable.
L’écoute nous aide, ou tout au moins devrait nous aider, à savoir où se situent certaines marges de tolérance, avant que l’intolérance, et donc les risques de violences physiques et psychiques ne prennent le dessus. On peut comprendre qu’un promeneur, dans un massif forestier, ne supporte plus l’incessant passage de quads pétaradant à tout va, ou de ball-traps nocturnes couvrant tous les bruissements qu’offrent les chants de la nuit.
Le travail sur des espaces conciliés où peuvent co-habiter promeneurs, ruisseaux, oiseaux arbres… dans des espaces auriculaires soutenables, soulève une problématique complexe, et parfois sur des échelles territoriales importantes. Il convoque une éthique environnementale.
Plusieurs bio ou éco-acousticiens faisant des relevés sonores dans une forêt jurassienne protégée, notent, enregistrements à l’appui, l’invasion sonore due à un couloir aérien vers l’aéroport de Genève tout proche. Difficile de faire taire les avions, même si les constructeurs ont grandement réduit, ces dernières années le bruit des réacteurs, ni de les détourner de leurs couloirs pour aller envahir d’autres contrées. Gageons que les espèces animales voient leur communications, souvent sonores, rendues bien difficiles.
Parfois, des paysages ruraux ont été chamboulés par des traversées intempestive de voix de TGV, ou d’autoroutes, qui auraient gagné à trouver d’autres chemins pour ne pas littéralement envahir l’espace sonore. Dans bien des cas, les espaces non conciliés, saturés, pollués, et limite irréconciliables, font l’objet de batailles entre propriétaires, lobbies industriels, agro-alimentaires, où l’intérêt d’une écologie sonore, de la qualité de vie, est le dernier des soucis des aménageurs et politiques.
C’est ici que nos corps écoutants, et tous ceux qui nous entourent souffrent. C’est ici que nous comprenons que la préservation de zones calmes, à défaut d’être silencieuses, vivantes, est un combat au jour le jour. Il faut là aussi réfléchir au fait que le bétonnage de nos montagnes, pour une poignée de skieurs hivernaux, est à mettre en balance avec la qualité de vie, pour entendre encore les cris des marmottes guetteuses et le tintement musical des troupeaux ensonnaillés, la cloche en fond de vallée.
Ces espaces où nous nous sentons conciliés, voire réconciliés avec le monde par les oreilles, doivent être défendus, protégés pour rester écoutables au fil du temps qui passe.
L’écoute d’un site est un geste reliant, conciliant, parfois réconciliant, des espaces physiques, psychiques, des géographies multiples, des terrains sensibles, à l’épreuve de stimuli, notamment sonores dans notre cas.
Ces espaces où l ‘harmonie, l’apaisement, le calme, pourraient régner en maitre, relève à priori d’une pure utopie, d’un rêve idéaliste. Ils existent pourtant, souvent à petite échelle, dans des lieux de plus en plus rares, et menacés.
Mais dans une approche où des formes d’utopies réalisables sont pensée comme moteur d’actions, à l’échelle d’un territoire, même relativement circonscrit, ces espaces sont à construire, et parfois à défendre. Les espaces conciliés autant que conciliants sont de l’ordre de l’aménagement du territoire,du bien être, du soin, de l’artistique et du culturel, de l’approche transdisciplaire. Alors, dans ces actions croisées, le corps écoutant trouvera, ou retrouvera une place d’auditeur acteur d’espaces vivables. Rien n’est gagné d’avance, mais le jeu en vaut la chandelle.
Se mettre à l’écoute implique une adhésion maximale du corps, au delà des oreilles, une implication de la tête au pied, dans toute les fibres sensibles mises en sympathie, en syntonisation. La peau les pieds, les os, comme une caisse multi-résonnante et vibrante. Le mouvement lent, immergé, situé, convoque une chorégraphie écoutante, créant du mouvement dans une géographie sensible, traçant des architectures et des cartographies sonores. La pause, le plan fixe, la position assise, allongée, adossée, l’arrêt sur son(s), le point d’ouïe, sont autant de postures développant des antennes sensorielles dans tous les plans de l’espace audio environnant. Les traversées, les passages dedans/dehors, les sas, les espaces transitoires, orées, lisières, sont franchis, perçus, habités comme de potentielles ouvertures/fermetures, des élargissements/rétrécissements, estompages/amplifications, des filtres audio colorant… Le corps et le son se font (presque) silences, entités complices, en se fondant dans un espace symbiotique où l’écoutant récepteur est en même temps reçu, écouté à son tour, pris dans un processus d’envois et de d’accueils ondulants. La nuit, la forêt, la ville crépusculaire, les rives d’un lac aux eaux étales, sont autant d’espaces possibles, où installer, déployer, partager une écoute physiquement et mentalement transcendée. Entre laisser-aller et immersivité active, lâcher-prise et sensibilité déployée, corps abandonné et conscience développée, entre mouvement et immobilité, sons et silences, mille espaces de balancements, d’oscillations, alternent et se superposent. La marche, tout comme la contemplation immobile, sont des ouvertures sensibles offertes au corps récepteur et accueillant. Les interstices entre sons et silences offrent des terrains auriculaires aussi riches que fragiles, où peuvent se construire des écoutes, où toute chose, vivante ou non, est respectable et digne d’intérêt. Il nous faut sans cesse trouver, expérimenter, les postures le plus en adéquation que possible avec le lieu et le moment, la présence et l’absence. L’écoute est une façon d’être au monde, ouverte, attentive, critique, positive, stimulée de protopies en chantier, de défis en devenir.
PAS – Parcours Audio Sensible – Grand Parc de Miribel Jonage – Rencontres de l’Armée du Salut
Écouter n’est pas chose passive ! Tant s’en faut ! Cela engage tout notre corps dans un tourbillon physique et sensoriel. La marche par exemple, est un stimulateur avéré d’écoute, et de bien d’autres choses. Elle nous met en mouvement vers, par, et dans les sons. Nos pieds font résonner la terre et celle-ci en retour nous renvoie l’énergie de ses vibrations. Des espaces, parcourus et secoués de courants telluriques, nous traversent, en même temps que nous les traversons.. Notre peau toute entière est surface vibrante, comme une peau de tambour tendue au vent, une interface caisse de résonance entre le corps et le monde, et inversement. Sans oublier la voix qui chante, qui murmure et exulte, dedans et dehors, fait sonner les lieux, révèle et dynamise les réverbérations et échos, qui n’existent que par nos excitations provocantes. Même assis sur un banc, entouré de sons et de lumières, d’odeurs et de chaleurs, nous sommes des écoutants actifs et réactifs, à fleur de peau et de tympan. L’écoute se fait parfois danse, fête dionysiaque, où tout frémit, bouillonne, éclabousse, de rires en rires… C’est un univers d’air vibrant qui s’entend à réveiller nos plus timides instincts, jusqu’à nos hubris les plus démesurés. L’écoute se fait aussi l’écho d’un monde chancelant, chant funèbre, comme une procession égrenant des litanies mortuaires à n’en plus finir. Telle musique ou tel sons pourra nous donner des frissons, de peur comme de joie. Un bol tibétain mis en vibration sur un corps le fera entrer dans une résonance apaisante, voire soignante. Une musique judicieusement choisie, ou une ambiance sonore a propos, pourront avoir des facultés thérapeutiques, tant sur le corps que sur l’esprit. Les puissantes masses de basses d’une danse, qu’elle soit tribale, chamanique ou d’une rave party, conduiront les danseurs vers des formes de transes extasiées, parfois aux extrêmes limites de la résistance corporelle. Un parcours sonore, relevant d’un geste artistique et/ou d’une revendication écologique, s’envisage comme une performance sensible, où la déambulation, la lenteur, le silence, la synergie de faire ensemble, les rythmes, les postures partagées, mettront le corps, voire les corps en action, pour jouer une partition collective in situ. Chaque parcours sonore est mouvementé, dans le sens physique du terme, celui qui donne du mouvement, fait aller de l’avant, nous frotte aux aléas, quitte a en être ballotté sans ménagement. Le corps écoutant est en immersion, plongé dans un immense bain sonore, tel un liquide utérin nourricier, enrichi de sons qui nous laissent repus, rassasié, gavés, ou bien sur notre faim. L’oreille est une éponge avide, absorbant un liquide sans cesse fluant, qu’il lui faut filtrer pour tenter de n’en garder que les sucs dégraissés de polluants magmatiques inaudibles. Entre le corps, le cœur et le cor, les homophonies font sonner les accords des sons physiques, langage vibratoire aux ondes communicatives. L’écoute est donc multiple, nous impactant de mille façons, d’une forme de supplice en passant par la gène, l’inconfort, jusqu’aux plaisirs intenses, aux exaltations de musiques somptueusement éthérées. Le corps jouissant, comme celui subissant, est en interaction permanente avec les milieux sonores qu’il contribue lui-même à modifier, altérer, créer ou magnifier. La ville comme la forêt, le littoral comme les hauts sommets, sont des scènes acoustiques qui ne demandent plus que l’écoutant, via ses oreilles conscientes et volontaires. Que celui-ci se pose en installant ici et là des écoutes grandeurs nature. Le spectauditeur, au gré des monstrations auriculaires pré-installées, avant même qu’il ne fit le moindre geste, et même qu’il arrivât sur l’espace scénique défini, n’a plus qu’à laisser emporter son corps tout entier. Et cela dans les incessants mouvements-vagues sonores, de l’infime frémissement au grand fracas cosmique
Le corps sans l’écoute est privé d’un sens qui participe grandement à nous relier à la vie.
Posture physique, se tenir toute ouïe, devant, dans, autour, au sein, se tenir avec, contre, tout près, au loin, aller vers, s’éloigner… Se tenir dans une posture laissant l’écoute naitre, émerger, se développer, s’épanouir, jusqu’à s’éteindre.
Le corps écoutant est un réceptacle avide de ce qui bruisse, sonne résonne, vibre, comme une caisse de résonance amplifiant toute onde vibratoire, potentiellement sonore.
Assis, adossé, couché, l’oreille collée, dos à dos, nous trouvons des positions pour plonger dans les sonorités ambiantes. Nous cherchons les plus appropriées, ou les plus surprenantes, les plus décalées ou les plus rassurantes.
Toutes les cavités, les creux, les vides, les matières, viscères, peaux, membranes, de notre corps, sont comme des antennes internes, résonateurs sensibles qui tentent de nous synthoniser avec les champs de résonances nous entourant, nous traversant, nous mettant en sympathie avec la matière sonore vivante, et éventuellement ceux/celles qui la produisent.
Il nous faut accepter la posture d’être écoutant, donc d’être vibrant, voire la rechercher, pour en jouir plus pleinement.
La posture est aussi mentale.
Elle est ce que nous accepterons, rechercherons, développerons comme état d’esprit favorable à une immersion audio-sensible, à une expérimentation auriculaire partagée, parfois des plus excitantes.
Laisser se développer des images mentales propices à une écoute profonde1 qui nous reliera avec le vent chantant, l’oiseau pépiant, l’eau clapotante, le feu crépitant, le tonnerre roulant au loin, jusqu’à l’inaudible ressenti à fleur de peau.
La posture est également collective. C’est la façon dont un groupe communique non verbalement, par des gestes, regards, sourires, frôlements, danses, rituels pour communier d’une joie d’écouter ensemble. Écouter en groupe, c’est sublimer une scène sonore, couchés dans l’herbe nuit tombante, assis sur un banc dos à dos à ressentir la peau de l’autre vibrer contre la notre au gré des sons, le dos tourné aux sources acoustiques, les yeux fermés, main dans la main…
La posture peut donc être suggérée sans aucune paroles, par une proposition d’un corps écoutant et guidant, les mains en cônes derrière les oreilles, le regard visant un point sonore, l’index sur la bouche, invitant au silence, le regard dirigé vers, un arrêt soudain, statufié… Le non verbal développe un silence éloquent, peuplé de gestes comme autant d’invitations.
La posture s’en trouve parfois théâtralisée, jouée, comme un spectacle de rue qui ferait de chaque écoutant un acteur mettant l’écoute en scène, ou créant des scènes d’écoute. Les écoutants se mettent en scène d’écoutants, interpellant ainsi, dans l’espace public, des passants non avertis, posant la question d’une étrange oreille collective en action. Gestes étranges et singuliers, marcher en silence, très lentement, s’arrêter sans rien dire, garder une immobilité surprenante, sans même se regarder, repartir de concert, au gré des sons… venir gentiment perturber des espaces de vie quotidienne, par un corporalité tournée vers un bruitisme inattendu, car souvent inentendu.
Et ce jusque dans la posture de nos pieds, eux aussi antennes reliées au sol, au tellurique, aux courants souterrains invisibles mais tangibles, aux vibrations urbaines des mouvements et circulations underground. Une relation entre la terre, le solide, à l’aérien.
Des pieds qui nous mettront en mouvements vers une écoute en marche, qui imprimeront une vitesse, des cadences, qui infléchiront la posture de promeneur écoutant, invité à parcourir des espaces sonores infinis.
La posture peut être de se tenir poster, à l’affût du moindre bruit qui courre, non pas pour le capturer, ou l’éliminer, mais pour le percevoir dans une chaine d’éléments sonores où chaque bruissonance fait paysage. Laisser venir à soit les mille et une sonorités du monde dans une attitude curieuse et amène.
La posture est souvent dictée par le contexte et les aléas du moment. Elle nait de rencontres entre les corps et l’espace, les corps entre eux, l’espace et les sons, le corps et les sons. Elle peut naitre d’un simple toucher vibratile. Elle paraît s’imposer naturellement dans des circonstances qui poussent inconsciemment le corps à se fabriquer des jeux d’écoute, des situations ludiques qui répondront aux sollicitations de l’instant, et sans doute ouvriront de nouvelles perspectives.
Les ambiances sonores, mais aussi lumineuses, chaleureuses, les climats, les ressentis, influeront sur nos comportements d’écoutants, en développant des gestes qui mettront nos corps et nos esprits en situation symbiotique d’ouverture sensorielle, ou de fermeture, nous protégeant ainsi d’agressions stressantes, voire traumatiques.
La recherche de postures, si importante soit elle, n’est sans doute pas, pour moi, pour l’instant, un concept ou un processus théorisable, ou réduisible à un catalogue de gestes et d’attitudes possibles, boite à outils corporelle et mentale susceptible de répondre à des situations sensorielles subtiles et complexes.
C’est souvent une geste, une série de gestes, de connivences, d’interactions, de réflexes épidermiques, naturels, spontanées, plus ou moins, liés à des formes d’improvisations dans des parcours d’écoute dont nous ne maitrisons pas, loin de là, tous les accidents potentiels.
Il nous faut laisser émerger la posture comme un état corporel et mental stimulant, enrichissant, sans la forcer, pour ne pas tomber dans l’im-posture d’un corps qui jouerait faux. Et d’une écoute qui forcément, en pâtirait.
Est-ce l’oreille qui met en branle le pied, le pousse à se mettre en marche, le motive à parcourir, ou bien le pied qui invite l’oreille à mieux entendre, l’oriente, la guide, lui donne des points de fuite, des points d’ouïe ? En tout cas pour le marcheur écoutant que je suis.
Ou bien encore, plus vraisemblablement, une connivence réciproque, gestes favorisant des espaces-temps de connectivité, décidant pieds et oreilles de faire route ensemble, défrichant des territoires sensoriels entrelacés.
Cependant, cette affirmation me semble encore un peu trop simpliste et un brin réductrice. Cette dualité complice suffit-elle à mettre en état de marche un promeneur écoutant ? Le corps entier ne se mobilise t-il pas pour déployer, dans ses espaces d’exploration, toutes sortes d’antennes sensorielles, pour éprouver la résistance et une forme de plasticité du terrain, des choses, des ambiances, et se déplacer comme un réceptacle d’une foule de stimuli sonores, autant que kinesthésiques. D’ailleurs, le verbe mobiliser a bien, à l’origine, une racine impliquant le mouvement, tout d’abord rendre un immobilier meuble (dans le cas d’un contrat de mariage) puis mettre sur le pied de guerre, et enfin, rassembler, mettre en œuvre, en action… Verbe tonique s’il en fut, pour le meilleur et pour le pire.
Différentes logiques et dynamiques, plus ou moins spontanées, se combinent pour traverser, dans un état d’éveil élargi, ou de veille, au sens premier du terme, des paysages sonores que le promeneur écoutant contribue à modeler, si ce n’est, et c’est souvent ma thèse, de construire a l’envi. Il trace, dans des cheminements de lignes et des courbes, de repères et d’errances, un entrelacs de parcours possibles, de sentes bruissonnantes, de seuils et de lisières invitant à des marchécoutes sans cesse renouvelées.
Toute une machinerie organique d’interactions stimulantes, sensorielles, corporelles, affectives, nous baignent dans un environnement à la fois complexe, et néanmoins aisément, presque spontanément accessible, à fleur de peau, de tympan.
Ces expériences font émerger des terrains-récits auriculaires, traces/matières à re-composer comme des espaces son-cibles.
Dés lors, le chant d’un oiseau au détour d’un sentier, le grondement d’une cascade qui vient nous cueillir à la sortie d’une courbe minérale, la fontaine glougloutante au fond d’une cour repliée, le volet qui grince et bat au vent d’ouest… seront perçus comme des signaux esthétiques, marqueurs de paysages sonore mouvants, sans cesse en construction.
Ces ponctuations auriculaires, remarquables car émergentes, captées, presqu’isolées par une oreille attentive, influenceront l’écoute, le rythme de la pérégrination, invitant parfois à l’arrêt pour ménager un point d’ouïe, écoute oblige, comme le ferait le regard du haut d’un belvédère.
Les relations étroites nouées au sein d’un corps écoutant prennent ici tous leurs sens, si je puis dire, pieds et oreilles dans un duo sensible.
Le paysage sonore lui-même trouve, dans ces explorations ambulantes, sa propre raison d’être ! Un cheminement parmi tant d’autres, mille-feuilles de strates sensibles, qui nous donnera des repères, teintés d’affects, jalonnés d’indices et d’alertes, dans nos parcours multiples.
Promeneur écoutant, auditeur nomade, en partie libre en partie contraint, fabriqueur et arpenteur de paysages sonores en devenir, mon corps-oreille, mon oreille-réceptacle, mon corps-espace, mon espace-corps, inscrits parfois malgré eux dans un jeu d’espaces inextricables, constatent que ma place-posture n’est pas toujours clairement ni définie, ni établie. Elle n’est pas toujours décryptable, qualifiable, descriptible, ni même suffisamment stable pour l’être. Est-ce bien ainsi ? Une zone de questionnements, d’inconfort, ou un terreau fertile à l’éclosion de nouveaux corps-espaces qui ne seraient pas trop sur-définis, échappant ainsi à un cloisonnement d’emblée sclérosant.
Entre une matérialité, physiquement assumée, et une ligne de flottaison sonore fluctuante, alternativement productrice et auditrice, et vice versa, quand ce n’est pas les deux postures concomitantes, se pose le statut de mon corps écoutant. Celui s’incarnant dans des traversées performatives, bruyamment silencieuses, des méditations ponctuées d’errances et d’immobilités, des micro gestes aux macro perceptions, et les myriades de nuances sonores à peine entrécoutées et déjà disparues.
Donner à voir et à entendre dans les espaces du promeneur écoutant potentiel.
Se donner à voir et à entendre dans les espaces scénographiés par le, les corps.
Se noyer dans des espaces acoustiques tout à la fois communs et singuliers.
Se distinguer dans des espaces auriculaires aussi imbriqués que dissolus.
Hésiter entre le mouvement et l’immobilité, la résistance et la fuite, la sage contemplation et l’imprudente et légère distraction.
Chercher les moyens de passer d’un état à un autre, sans cesse, vivant échappatoire.
Corps-espaces-corps, allers-retours entre dedans-dehors, ici-ailleurs, dans une construction tout à la fois apollinienne et une ivresse dionysiaque, l’espace me joue des tours que le corps ne déjoue pas forcément; le corps me joue des espaces dans lesquels lui-même s’entremêle les sens, signifiants comme signifiés, des espaces compris les vides, le corps comme l’esprit duals, hésitants, jamais sûr du bon chemin, du bon geste… Entre-deux chaotique mais rassurant quelque part. Ne jamais être vraiment sûr de rien.
Des écarts qui laissent la place à un pure jouissance, ou à un souffrance teintée d’indécisions ?
Écarts qui peuvent emprisonner, comme libérer, le corps dans ses contradictions, l’étendre dans l’espace de ses non-lieux, lui faire explorer le geste dans ses in-aboutissements.
Le corps est dans l’espace Il y bouge s’y déplace s’y déploie s’y replie y prend place danse écoute sensible aux stimuli réceptacle sensoriel miroir de soi de l’autre d’un iota de ville toujours en devenir le corps construit sa bulle il occupe sa bulle croise celles des autres les traverse les modifie parfois y crée des interstices espaces privés publics personnels et communs intimes et extimes imbriquements complexes tissu de gestes physiques tissu de gestes perceptuels tissu de gestes relationnels tissu de gestes conceptuels l’espace est dans le corps.
La ville comme terrain kinesthésique arpenter sentir se sentir re-sentir se protéger s’ouvrir entre les entre-deux les entre-sols les entre-soi entre-l’autre et entre autres choses aller vers ou s’éloigner tendre l’oreille prêter l’oreille bien ou mieux s’entendre avec une ville un corps autrui oreille arpenteuse oreille épieuse oreille un brin voyeuse oreille généreuse oreille voyageuse oreille cartilagineuse organe prolongement d’un corps comme un cap tendu vers ou aimant sonifère l’écoute est mouvante La kinesthésie comme terrain urbanique.
Tout espace est in-carné à prendre corps à bras le corps à corps perdus et retrouvés de villages en cités l’oreille au pied du mur le mur à portée d’oreilles et le mouvement syncrétique telle hétérotopie mouvante cité de sons en friche rumeurs et signes magmas et émergences accrochés au construit architecture liquide flux et autres flux le corps s’y noie le corps s’y baigne adapte sa rythmie-cité aménage sa sur-vie via les sens chahutés des résistances salutaires à terre tout in-carnation est espace.
La marche met en branle le mouvement architecture la trajectoire balise le parcours accomplit l’espace contraint l’obstacle stimule la barrière se contourne ou donne envie de franchir la lisière se dessine comme parfois structure le sensible y fait sens le phénomène y apparait la carte peut guider ou tracer les traces ou faire perdre le Nord à celui qui s’y fie tandis que l’oreille entre autre jauge juge repère l’ébranlement met en marche.
La parole se fait nomade elle dit commente invente raconte récite interpelle appelle urbanise ré-unit critique revendique résiste va de paire à l’action réinvente l’Agora fabrique le récit les mythes de cités inaccomplies elle se colle à l’écoute complice s’encanaille d’emprunts part du corps racontant des histoires ambulantes les propose à autrui ou en son for intérieur le mot peut se coucher sur le grand livre des villes ou s’oraliser façon griot le nomade se fait parole.
Aller plus loin que la marche danser l’espace lâcher prise un brin de révolte douce des corps à l’unisson des corps frictions forcer l’union prendre prises les aspérités aidant des contrepoints urbains les sons comme musique(s) donnent le la comme le là façon de chorémarchécouter les acoustiques s’en mêlent la ville est corps écoute réceptacle sonique spectacle auriculaire le bruit se fait complice le groupe crée de l’espace l’espace soude les contacts le spectateur peut y emboiter le pas ou pas la marche s’organiser autrement ses rythmes impulser le tempo en cadences stimulantes chamboulements urbains l’oreille se démultiplie relie la ville au corps et le corps à la ville danser plus loin pour aller.
Ce texte est né de rencontres d’ami.es complices de marches/expériences, qui dansent et performent la cité, la traversent autrement, et me donnent l’énergie d’expérimenter encore en frottant mon oreille et battant le pavé. Lyon, dans la chaleur de l’été 2018
Cette promenade est un projet qui nous trottait dans la tête depuis déjà un certain temps, quand nous avons décidé de passer à l’action. C’est donc pour nous une première. Nous, c’est Natacha Paquignon, danseuse et chorégraphe, Patrick Mathon, trecker urbain amateur de paysages, d’histoires, de lyonnaiseries et de chocolat, et Gilles Malatray, alias Desartsonnants, alias moi-même, promeneur metteur en écoute. Un geste artistique accueilli pour l’occasion au sein de la programmation hors-le-murs du festival Chaos-Danse. Après un repérage copieusement arrosé, où nous avons sélectionné quelques lieux qui nous semblaient intéressants à explorer, à écouter, à danser, à raconter, nous avons guidé à trois un groupe de personnes entre chiens et loups. Le lieu choisi était le campus universitaire de la Doua, Lyon 1, tout au moins une partie tant celui-ci est étendu (100 hectares, plu de 22 000 étudiants, 1500 chercheurs, l’un des plus vaste de France…). Un lieux dédié aux sciences de toutes natures. Ce lieu est d’ailleurs en voie de modernisation et est actuellement le théâtre de nombreux et imposants travaux. Il nous offre de ce fait un merveilleux champs de déambulation, entre architectures et parcs, passages divers et variés… Nous seront tour à tour guide, écoutant, danseur, raconteur, invitant le public à participer à nos expérimentations sensorielles et postures d’écoute.
Tout d’abord, une petite séance « d’échauffement » collectif, ouverture à l’espace, mise en condition. On prend conscience de son corps, de l’autre, du paysage environnant, du regard, de l’écoute et du toucher, de son ancrage au sol, de ses déplacements, tout en douceur, avant que de partir déambuler sur le campus.
Première halte au pied d’une sculpture-monument en pointe élancée vers le ciel. Un objet qui attire le regard vers le haut, décale nos perspectives. Une danse qui invite à regarder plus haut, à la contre-plongée comme point de fuite. Une dédicace de ce parcours à notre ami et artiste marcheur international, Geert Wermeire.
Nous longeons une voie verte de tram, et, geste enfantin, mettons nos pas dans des rails que néanmoins nous n’hésiterons pas à quitter bientôt pour prendre des chemins de traverse.
Signe symbolique au détour d’un trottoir, un panneau penché nous indique une route à suivre, il vibre longuement lorsqu’on le touche, une petite danse pour le remercier.
Nous empruntons la rue de l’émetteur. Un nouveau signal pour le groupes de récepteurs que nous sommes.
Une série de bancs, prétexte à une écoute collective assise, dos à dos, pour ressentir les vibrations ambiantes, les vibrations de l’autre, de l’espace également… Des galets percutés et frottés contre les assises de pierres ponctuent l’espace de rythmes, une nouvelle danse se profile, venant solliciter le le corps par des frôlements, de légers contacts tactiles qui nous fait ressentir la « physi-qualité » du groupe.
Une clairière, face à la Maison de l’émetteur, nous offre un décor pour une scène où nous deviendrons nous-même antennes, où la danse se fera tournée vers le ciel, sur fond de signaux électromagnétiques, spatiaux, galactiques, installés pour l’occasion à même la pelouse. Une petite histoire patrimoniale contée in situ. http://leradiofil.com/LADOUA.htm
Peu après, une petite voie verte, un alignement de peupliers, de végétaux et autres matériaux nous ferons ausculter de micros sonorités, et utiliser quelques longues-ouïes desartsonnantes, toujours en mouvement.
Longeant des terrains de sport, nous gravirons ensuite quelques marches, après avoir partagé rituellement du chocolat, pour emprunter un court chemin en hauteur, séparant le campus d’un périphérique bourdonnant à notre oreille droite. Instant panoramique. Nous somme sur la grande digue protégeant Villeurbanne d’éventuelles crues du Rhône.
Replongeant au cœur du campus, et retrouvant de nouveaux espaces acoustiquement plus apaisés, une série de dalles piétonnières nous pousse à improviser quelques pas de danse collective. Sentir le sol sous ces pieds, jouer avec l’espace, une forme de marelle non linéaire, des jeux de croisements et d’évitement, des immobilités parfois, et un jeu très apprécié. Un lampadaire se transforme en instrument de percussions, donnant des tempi, avant que de se taire subitement pour marquer la fin de la séquence, immobilité.
Sur le chemin du retour, une autre clairière parsemée de gros blocs granitiques sciés, autre proposition d’ écoute, de mouvements, de postures.
Plus loin, un jardin collectif avec une spirale accueillant des plantes aromatiques, elles-même attirant et accueillant des insectes pollinisateurs et autre micro faune locale. Une pause, assis sur une spire de pierres sèches, rappel de notre propre ADN en ce haut-lieu de recherche scientifique, mais aussi de notre colimaçon cochléaire, un des sièges de l’écoute lové au creux de notre oreille interne. Toujours de la danse et des sortes de massages stimulant une énergie tout en rotation dans nos bras.
La nuit tombe doucement, le ciel vire au bleu de plus en plus soutenu, avant l’obscurité trouée d’une belle installation lumineuse multicolore vers la clairières aux granits que nous avons quitté depuis peu. Une moto passe vrombissante, coupure tonique de cet espace entre douceur et accidents sonores impromptus. Un moment entre chiens et loups aux atmosphères changeantes que j’apprécie beaucoup.
Une dame promenant son chien nous aborde, visiblement intriguée par nos expériences sans doute bizarres vues d’un observateur non averti. Lui ayant expliqué notre dé-marche, elle nous trouve sympathiques, accueillants, avec une douce folie bienveillante qu’elle ne regrette de ne pas pouvoir partager, vu son emploi du temps. Sympathique rencontre emplie d’empathie. L’espace public c’est aussi cela !
Retour à notre point de départ, au Toï Toï le Zinc. Des images, des sons et des idées plein la tête, avec l’envie de poursuivre et de développer ailleurs, et sans doute autrement, ce genre de parcours somme toute très hétérotopique, au sens foucaldien du terme.
Le glissement sémantique De la balade sonore au Parcours Audio Sensible, n’est pas anodin Au delà du PAS jeu d’acronymie La balade est frivole Le parcours part d’un point Pour aller vers un autre Même erratique Il construit le marcheur Que je suis – polysémie… Mon parcours, intime, ou même partagé Peut-être initiatique L’après n’est plus comme avant Audio J’écoute Action au centre de l’action Le paysage n’existe que parce que je l’écoute Audio Parce que nous l’écoutons Audi nos Et plus fortement si on le partage Sensible Un élargissement de l’écoute Pas seulement les oreilles Parcours des odeurs, Parcours des images Parcours de choses goûtées Parcours de choses touchées Des choses caressées, Parcours kinesthésique Le sol sous mes pieds Vibrations du chemin J’imprime une allure Une perception des espaces L’air sur mon visage Le trajet dans la ville Ou ailleurs Comme une carte interne Carte de l’étendre Ambulavero ego Parcours en corps…