PAS – Parcours Audio Sensible à Chevaline la Combe d’Ire, Festival des Cabanes

Desartsonnants pose les oreilles à la Combe d’Ire, tout près de Faverges, dans un magnifique paysage haut-savoyard.
Il est invité, dans le cadre du Festival des cabanes d’Annecy, par Studio Forum Le bruit de la neige, ceux-là mêmes qui organisent le Prix international de composition électroacousique Luigi Russolo.

Le site choisi est absolument superbe. Une petite route forestière, les rives d’une rivière-torrent, l’Ire, qui, comme son nom colérique l’indique, peut se montrer capricieuse et bouillonnante.
Ce jour-là, elle serpente gentiment entre des rives de galets et un environnement. Joliment boisé, le temps étant, malgré les orages annoncés, très clément, voire très agréable.

Une cabane, puisque c’est un thème de ce parcours, servira de base à la très courte promenade qui tournera autour de cette architecture de petits cubes de bois regardant et écoutant la rivière à ses pieds.
Cette cabane architecturée, Galli – Chevaline « Combe d’Ire » est dessinée et conçue par les architectes Jonathan Pailleux, Victor Vazquez, Xavier Loureiro, Iker Pastor Irusta.

Il y a déjà longtemps que j’envisageais de promener des oreilles autour de l’œuvre d’Henry David Thoreau, et en particulier autour de son livre « Walden ou la vie dans les bois», avec ses visées pré-écologiques bien avant l’heure, sa recherche sur une forme de décroissance autarcique, son approche naturaliste, philosophique, et éminemment poétique. Vous l’aurez compris, cet ouvrage est pour moi, avec l’essai de ce même auteur autour de la marche « Walking », un jalon très inspirant dans mes approches écoutantes. Cet écrivain philosophe, lié au mouvement transcendantalisme, dans ses formes de communion avec la nature, de Ralph Emerson Waldo, est également profondément anti esclavagisme et abolitionniste, père de la Résistance civile, naturaliste humaniste, et pour moi une référence quasi incontournable.
L’occasion était là ! Une cabane, une forêt, de l’eau, un superbe paysage, le cadre idéal ! Je commençais tout naturellement à relire ce livre de chevet, et d’en extraire, avec l’aide de la technologie numérique de la recherche de mots via les docs PDF, des passages significatifs, ceux où Thoreau écrivait des gestes d’écoute, les cloches, la forêt, les animaux, les bergers et le train, nouvel arrivé. À propos de ce dernier, notre naturaliste écrivait que si on ne contrôlait pas les progrès technologiques, ceux-ci pourraient bouleverser irrémédiablement l’équilibre de nos paysages ambiants. Ces propos en avertissement, dès 1893, sonnaient déjà comme une alerte des plus pertinentes et visionnaires, qui s’avèrent hélas aujourd’hui plus que jamais d’actualité.
Ce collectage étant fait, il restait à mettre en pratique in situ un parcours qui alternerait silences/écoutes, lectures, jeux sonores et micro-installation sonore, autour de contes forestiers écrits préalablement avec des enfants et des écrivains dans une forêt libournaise.
En préambule, je parlerai de l’écoute et de l’écologie sonore, mêlant ainsi, à quasiment un siècle d’écart, les travaux de Raymond Murray Schafer (1933-2021), père du paysage sonore et de l’écologie acoustique, initiateur du World Soundscape Project, à ceux d’Henry David Thoreau (1817 -1862).
La présence aquatique, qui plus est dans l’intimité d’une combe montagnarde, est un contexte idéal pour expérimenter, à oreilles nues, quelques postures d’écoute collectives. Le flux sonore, bruit blanc parfois discret, parfois prenant, offre des points d’ouïe variés, qui colore différemment le paysage auditif, avec de belles variations en quelques mètres, au fil de méandres caillouteuses.
D’ailleurs, en parlant de cailloux, c’est en voyant un jeune enfant jouer avec les galets roulés, polis par les eaux, que j’improvise un mini concert minéral, où chacun et chacune fait sonner le paysage de petites percussions crépitantes.
De courtes lectures, à voix nue, ponctuées de silences habités de mille sonorités ambiantes, prêtent voix à Thoreau qui, j’imagine, aurait apprécié à sa juste valeur la beauté des lieux.
Notre promenade se termine, comme très souvent, par une causerie autour de l’écoute, des paysages sonores, de ses richesses et fragilités, mais aussi des écritures sonores, paysagères, électroacoustiques, et des cartographies sonores de territoires, tant dans leurs aspects esthétiques, qu’environnementales et sociétales.
Petit supplément sensible et non des moindres, le plaisir de déguster une délicieuse petite friture de lac , accompagnée d’une Mondeuse locale très goûteuse et fruitée, sans compter quelques autres mets généreusement cuisinés par mes hôtes.

Merci notamment à Philippe Blanchard, dit Felipe ou Lieutenant Caramel, sa famille, l’ équipe Nautilus – Bruit de la neige pour la qualité de leur accueil

@photo Philippe Blanchard – Nautilus – Le bruit de la neige

Conférence « Musiques et sons en paysages, et inversement

Comment des compositeurs, de Clément Janequin à Frédéric Acquaviva, en passant par Luc Ferrari et bien d’autres, puisent de la matière sonore « environnementale » pour (re)composer des paysages sonores inouïs ? Comment des artistes sonores, par le field recording, l’écologie acoustique, l’audio-naturalisme, les soundwalks, proposent de nouvelles postures d’écoute autour de sujets brulants d’actualité ? Comment les rapports architecture, sculptures et installations sonores, ont créé des espaces d’écoute qui nous immergent dans des ambiances aussi inattendues qu’inentendues ? C’est ce que j’essaie de montrer et de faire entendre dans la conférence-causerie « Musiques en paysages, et inversement ». Notons que celle-ci peut être couplée avec un PAS – Parcours Audio Sensible, pour expérimenter physiquement des situations d’écoute in situ.

Desartsonnants reste à votre écoute pour en discuter de vive voix !

Merci à l’association ACIRENE, à Transcultures/City Sonic, au feu GMVL de Lyon, CRANE Lab, et bien d’autres structures et ami.es, s’avoir alimenté cette réflexion et ressources, au fil des nombreuses années à avoir expérimenté des situations d’écoute et des échanges tous azimuts.

@photo Raymond Delepierre – Desartsonnants sur et dans un Oto Date d’Akio Suzuki. « Sentier des Lauzes », PNR des Monts d’Ardèche.

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Éco-écoute et pratiques artistiques respectueuses

L’art, et plus généralement le secteur culturel, sont susceptibles de prôner, si ce n’est de développer une pratique respectueuse, tant vers les milieux où ils opèrent, que vis à vis des personnes impliquées, artistes, opérateurs culturels, commanditaires, publics…


Au prisme des approches écologiques, on peut aller beaucoup plus loin que les toilettes sèches, le co-voiturage, les éco-cups et autres consignes, même si cela contribue déjà positivement à une économie (dans tous les sens du terme) raisonnée et raisonnable.


Il ne s’agit pas pour autant de me transformer en moralisateur donneur de leçon, mais simplement de prendre en compte certains paramètres conduisant à des gestes où la gestion énergétique, les matériaux utilisés, les modes de déplacements, les actions de sensibilisation, sont, du mieux que possible, pris en compte.


J’essaie par exemple de m’appuyer sur un réseau type circuit court pour monter, programmer et faire tourner des productions artistiques, écrites in situ, pour un territoire donné, en milieu urbain comme en milieu rural.


Les matériaux employés, les besoins (ou non besoins) d’alimentation électrique, les modes de transports (trains, bus) et l’étude de déplacements géographiquement cohérents sont également des paramètres importants.


La sobriété des dispositifs scéniques, le jeu en espace public, voire naturel, sont d’autres propositions envisageables, qui visent à réduire l’impact environnemental. La récupération, la production locale, le réemploi, autant de gestes a priori anodins mais qui, mis bout à bout, font de significatives économies de moyens.


Les PAS – Parcours Audio Sensibles collectifs, au pas à pas, les marches écoutantes à oreilles nues, la mise en scène et l’installation de l’écoute vers l’existant sonore brut, le fait qu’un dispositif a minima doit pouvoir voyager en train ou dans la soute d’un bus, en covoiturage, sont réfléchis comme des formes les moins que possible intrusives et énergivores.
La décélération et le fait de prendre le temps de vivre des expériences sensorielles in situ, dans une forme de lenteur assumée, apaisée, sont des tentatives de résistance à une frénésie sociétale généralisée.


D’autre part, la sensibilisation, toujours via le monde des sons, à une écologie de l’écoute, en même temps que la volonté de défendre et de préserver des territoires où l’oreille a encore le droit de citer, sont des moteurs dynamisants pour une écoute impliquée. Quels que soient les milieux arpentés, en cœur de métropoles comme en terres rurales, j’expérimente des transmissions au centre de mes préoccupations, qui influent et nourrissent mes façons de faire, et parfois de défaire des habitudes trop bien ancrées.
Rien ici de révolutionnaire, juste quelques efforts pour être en accord avec moi-même lorsque je parle d’écologie sonore, et la tentative de participer modestement à une action collective, pour que mes gestes soient un peu plus respectueux du monde qui nous entoure, et de tout ce qui l’habite et y cohabite.


Parce qu’à un moment, il me faut aussi, plus que jamais, sortir du discours pour être, même avec de très modestes moyens, sur le terrain du faire.