
Paysage et land art sonore



@visuel: Franz – texte GillesMalatray – Résidence d’écriture à Luxor Factory « Écoute voir le Locle » avec Jeanne Schmid – – Octobre 2018 – Le Locle (Suisse)
Le resserrement brutal de mes espaces d’écoute, durant les mois de confinement sanitaire, me fait d’autant plus apprécier aujourd’hui la réouverture de mes terrains d’aventure auriculaire favoris.
Durant une période drastiquement liberticide, certains média, pour moi la radio, ont maintenu l’accès à des paysages sonores, au sens large du terme, dépassant et élargissant les fenêtres de mon appartement, ou le kilomètre alentours, sans toutefois compenser un rétrécissement spatio-temporel pour le moins contraignant. Rétrécissement qui réduisit comme peau de chagrin nombre d’expériences et d’explorations sensibles.
Dans ma pratique au quotidien, dans le cœur-même de mon travail, ces dernières explorations m’étaient en fait devenus si familières que, bien que persuadé de leur bien-fondé, je n’en mesurais plus vraiment l’étendue de leurs richesses intrinsèques.
La levée de certaines mesures, notamment celles limitant les déplacements à un court périmètre, m’ont fait retrouver une sensation de liberté jusqu’alors muselée, entre autre celle de marcher loin dans la ville, de sentir l’air et le soleil caresser ma peau, d’être encore dehors entre chiens et loups, d’écouter les sons vibrer autour de mes oreilles, ceux ces cris d’enfants revenus dans les écoles et des conversations en terrasses de bars réouverts.
Certes, d’aucuns rétorqueront, et sans doute n’auront-ils pas tout à fait tord, qu’ils regrettent les « silences » de la ville et les oiseaux chanteurs stars de la scène sonore urbaine apaisée car dégraissée de son trop-plein automobile.
Néanmoins, réexpérimenter, après une période de sevrage sensoriel à l’air libre, les plaisirs d’arpenter à nouveau des espaces retrouvés, de s’immerger sans trop de contraintes dans des ambiances sonores, il est vrai parfois bien bougeonnes, me procurent, promeneur écoutant invétéré que je suis, une véritable ivresse, au cœur du bouillon (ou brouillon) de ville.
Ville qui aurait retrouvé tout à la fois ses good vibrations comme ses bad vibrations, mais néanmoins en serait redevenue vivante à mes oreilles avides.
Réouvrir des chemins d’écoute*, c’est reprendre, même en partie, même progressivement, et avec moult incertitudes concernant l’avenir proche, et celui plus lointain, des déambulations auditives; c’est remettre mes oreilles en chantier auriculaire, à l’affût de mille traces sonores ré-offertes, comme de simples et pourtant beaux et généreux cadeaux de la vie quotidienne.
* Appelés aussi, dans le langage Desartsonnants PAS – Parcours Audio Sensibles
Suite à des précédentes visites, parcours land’art à la ferme de chosal, visite de l’exposition Fra Angélico au lycée St Michel à Annecy, suite à l’expérimentation des ateliers Art de l’Ecoute animés par Nathalie Misiak formée à la méthode François Louche, les élèves de terminale Bac Pro Vente en Animalerie ont pu concrétiser leurs expériences au sein d’un stage de 3 jours conduit par Gilles Malatray Des artsonnants et l’enseignante en ESC, Régine Degioanni.
La classe des TCVA2 accueille Gilles Malatray pour vivre une initiation à la création sonore et environnementale.
A travers sa profession de paysagiste et de musicien, Gilles Malatray allie les 2 domaines.
L’idée de ce projet a été de concevoir des constructions à base de matériaux de récupération, détournés ou naturels, en lien avec l’écoute des lieux, d’inviter à travers des indications/injonctions les promeneurs à écouter ou provoquer des sons, de mettre en éveil une écoute de l’environnement sonore empli de sonorités quotidiennes qui pourraient passées inaperçues.
En amont, les 19 élèves ont pu découvrir quelques réalisations grand format ou petit format créées par Desartsonnants, aborder quelques notions de lecture de l’image, de créations sur matériau naturel, de peinture, de réalisations musicales, de notions telle le Field recording, land ‘art lors des cours d’ESC.
L’écoute a été stimulé courant janvier 2014 par les interventions de Nathalie Misiak lors des ateliers de l’Art de l’Ecoute méthode François Louche.
Les capteurs sensoriels ont pu être activés et recevoir toutes ces informations intellectuellement et sensoriellement.
Neufs de ces expériences, les élèves ont redécouvert le lycée : ausculté la sonorité de ses matériaux, de ses espaces avec leurs capteurs sensoriels et aussi à l’aide de stéthoscopes: la table de ping pong, l’eau sur les pierres de la fontaine, le vent sur une paroi….




Chacun des 3 groupes a choisi un lieu et réalisé une production visuelle et sonore selon l’écoute et les matériau disponibles: bambou, intérieur de néon, cerceaux, pomme de pin pour le mouvement en collier, parasol comme support, mobile lumineux, clochettes, galets, hamac …
Trois jours pour percer, clouer, entrecroiser, scier, coller, creuser, fixer, défaire, refaire, changer de matériau, trouver le bon outil, préciser le geste… construire des invitations signalétiques autour de ces réalisations et offrir au public collégien et lycéen la possibilité de faire sonner, regarder, gratouiller, écouter le lieu, mais aussi au public de la porte ouverte du 22 mars 2014 qui a été invité à parcourir les 3 oeuvres collectives:
- Les arcs en eau qui tintinnabulent au-dessus de la mare en rythme avec la fontaine.Le métal découpé vient répondre au miroitement de l’eau, les bambous attrapent le vent et murmurent quelques contes aux poissons, premiers auditeurs de nos compositions. Leurs visites régulières et tranquilles, à fleur d’eau, semblent nous indiquer que leur habitat n’est pas dérangé.
‐ Les arbre à sons et à lumière que dame nature invite à faire sonner délicatement au dessus du self. Ici l’endroit est venté et les carillons d’aluminium et de perles se mettent en écho avec les bâtiments.
Les CD tournoient, miroitent dans l’herbe, animent cet espace plutôt brut.
– Zen Song qui allie discrètement au sein de la cour, la pierre et le bambou.
Le visiteur est invité à faire rouler des cailloux dans le creux des bambous, à entrechoquer les pierres, à jouer avec le «bambouphone ».
Les sonorités sont fines et se posent délicatement sur cet espace, il faut tendre l’oreille; un stéthoscope est à disposition pour ausculter la matière comme on écoute un rythme cardiaque.







Nous remercions Gilles Malatray pour son intervention, le Conseil Régional pour son financement dans le cadre du dispositif Eurêka, thème club culture et le lycée pour son soutien logistique.