A voir comment ça s’entend, Point d’ouïe #3

Une traversée sylvestre

Nous arpentons un espace forestier.
Un sentier où les feuilles crissent sous les pas, ocrées par l’automne déjà bien installée.
Le rythme de notre marche se déchiffre dans notre avancée, scandée et crissée au pas à pas.
Une percée lumineuse, droit devant, appelle vers la clarté d’une trouée boisée.
Et sans doute quelques intrépides volatiles qui donnent encore de la voix.
La verdure résiste à l’assaut des premières froidures.
Une petite rivière, silencieuse, quasi immobile, coupe notre trajectoire.
Le franchissement est offert par une passerelle de bois.
Une traversée où les pas ici aussi seront sonifiés, voire amplifiés.
Des talons percussions sur des lattes de bois.
Un xylophone posé là, invitation au jeu, invitation à faire sonner ce caillebotis improvisé, en dansant ce passage.
Détournement ludique vers une musique impromptue, instant d’improvisation.
Il suffit de passer le pont, mais en l’animant de mouvements tressautants.
Écrire des rythmes tambourinants que la forêt et ses habitants invisibles apprécieront. Je l’espère.
Qu’en sera t-il sur l’autre rive ? Sève qui peut…
Les sons auront-ils changé, s’amalgamant à d’autres, ou s’effaçant dans les coulées forestières.
Ont peut en douter, il semble qu’une forme de continuum murmurant apaise le paysage.
L’exotisme n’est pas forcément requis.
Les lutins, korrigans, hobbits, trolls ou elfes, non plus, l’esprit de la forêts se perçoit dans la furtivité de ses bruissements.
Une coulée bruissonnante semble persister, malgré l’enjambement du ruisseau, la danse improvisée, la curiosité de l’ailleurs.
Mais qu’importe, l’oreille y trouvera son compte, la forêt, même aux confins d’un hiver pressenti, est malgré tout généreuse, dans son apparent silence.
Sa traversée, toute en quiétude, nous fait offrande à portée d’oreilles.

Écoute au casque de préférence


A voir comment ça s’entend, Point d’ouïe

Voir et entendre, et inversement.
Une simple proposition, une expérience transmédiale, partagée.
Vous m’envoyez une photo, sans commentaires, qui évoque pour vous l’écoute, un paysage sonore, une ambiance ou scène acoustique, un geste d’écoute singulier, un paysage … De préférence une photo personnelle, que vous avez réalisée vous même, libre de droits.
Je la commente via un texte librement inspiré de la proposition iconique, en contrepoint. Peut-être même une petite composition sonore en naîtra.
Merci de votre participation !

Desartsonnants@gmail.com

Images de sons

Des roseaux dans le vent,
la grande nef d’une cathédrale,
une minuscule clairière bruissante d’insectes,
un ru entre les mousses,
une allée commerçante ,
une ruelle de nuit,
une minuscule fontaine,
un train qui passe,
des rires d’étudiants,
un coup de tonnerre au loin,
une télé par une fenêtre ouverte,
un coup de vent dans les grands peupliers,
un avion à base altitude,
un camelot harangueur,
des crapauds accoucheurs,
une cloche à la volée,
un accordéoniste de rue,
une chouette solitaire,
un rideau métallique qui ferraille,
un sérac qui s’effondre,
la pluie sur une tôle,
des talons qui claquent,
un chuchotement amoureux,
une corne de bateau,
des chants de procession,
des roulis sur les galets,
une alarme stridente,
une cour de récréation,
une valise à roulettes sur des pavés,
le cliquettement d’un escalier roulant,
un volet qui grince,
des bulles d’un champagne,
un glas,
un marché qui s’installe,
des pas sur du gravier,
un bateau qui s’éloigne,
une enseigne qui grince,
une musique au loin,
des tintements de couverts,
un orgue de barbarie,
un froissement de page,
des cliquettements des clés,
des feuilles qui raclent le sol,
une porte qui claque,
un parquet qui grince,
de l’eau qui bout,
le ronronnement d’une climatisation,
les bips d’un composteur,
les stridulations des grillons,
un balai de cantonnier
la sonnette d’une porte,
une meute de chiens,
une voiture électrique,
une grotte profonde,
des violons qui s’accordent,
une omelette fouettée,
des pétards festifs,
un verre qui se brise,
des pas dans la neige,
un gémissement de plaisir,
un torrent qui dévale,
un froissement d’aile,
une chasse d’eau,
un feu qui crépite,
une mer agitée,
une friture en cuisine,
une goutte qui fuit,
un manège pour enfants,
un muezzin,
une Harley Davidson,
un arc électrique,
une ambulance
un vieux phonographe,
des roues sur un sol mouillé
un marteau-piqueur,
les remous d’une péniche
une envolée d’étourneaux
un écho montagnard
un TGV à pleine vitesse
un œuf écalé,
un long tunnel
un mariage,
une radio mal calée,
un match de football,
la voix de ses parents,
une minuterie,
une trottinette,
un ballon de basket,
un percolateur à café,
une sonnerie de portable,
des branches qui craquent,
une caserne de pompiers,
la porte de notre immeuble, ou maison,
de la glace pilée,
une souffleuse de feuilles
un corbeau,
un tracteur agricole,
des moustiques
une fin de récréation,
une ovation,
un couloir d’hôpital,
une bâche qui claque,
une salle de restaurant,
un hélicoptère,
des chips,
une tronçonneuse,
un instant de silence…

Nul doute qu’en lisant cet inventaire hétéroclite, le lecteur entende, ou fasse sonner en lui des formes d’images de sons; chacun à sa façon, chacun dans ses souvenirs, sa propre géographie, sa culture, son imaginaire, les ressentis du moment…
Nous sommes porteurs d’une bibliothèque auriculaire pleine à craquer d’images sonores. Celles que nous convoquons parfois pour identifier une source hors-champ, pour raviver un souvenir intime, pour sonifier mentalement la lecture d’un livre, pour décrire une ville…

Point d’ouïe, de l’image vers le son, et vice et versa

Il y a des images sonores, celles, mentales, que procurent l’écoute de musiques, de pièces sonores, de reportages radiophoniques, semblables à celles générées par la lecture d’un texte.

Il y a des images sonores, des ambiances, des histoires pour l’oreille, qui peuvent être suggérées par la vision d’une image.

C’est de cette catégorie de représentation dont je vous parle ici.

Par exemple, regardez l’image ci-dessus, laissez aller votre imagination, écoutez le monde sonore qu’elle vous inspire.