
S’enforester l’oreille
Bassins versants, l’oreille fluante se coule encore dans des paysages liquides multiples. Une façon de les réécrire au fil de l’eau et des déambulations riveraines.
Après Lyon, le Sud-ouest, la région grenobloise, le Hainaut Belge, mes oreilles se rafraichissent, dans tous les sens du terme, en Franche-Comté.
Tout d’abord, un arrêt au Bois d’Ambre, à Saint-Vit (25), pour le superbe festival forestier Back To The trees. Une édition riche, même si occasionnellement humide et très boueuse ! Desartsonnants installe un « Goutte à goutte », de circonstance, au bord du ruisseau du Sobant, qui est cette année tellement gonflé qu’il gronde et déborde joyeusement dans les bois et chemins, les rendant parfois sportifs à emprunter. Quelques prises de sons gargouillantes et hydrophoniques au passage d’un pont pris d’assaut par les flots qui s’y cognent bruyamment. Assurément le paysage au fil de l’eau est ces temps-ci d’une verticalité pluviale aussi dynamique que récurrente, et l’oreille s’en réjouit.
Le sel de l’écoute
S’ensuit l’entame d’un séjour résidence artistique d’écriture sonore, et ans doute textuelle, à la Saline Royale d’Arc-et-Senans, ce lieu que j’aime tant, et ai déjà exploré à différentes reprises, niché dans les collines et forêts franc-comtoises.
Sitôt arrivé, une rencontre surprise, inopinée, avec le paysagiste, écrivain Gilles Clément, au détour d’une allée ! Petite conversation autour des nouveaux jardins de la Saline (le cercle immense), concoctés avec des écoles de paysages et d’horticulture, et du bruit feutré de la faux traçant des allées au travers la grande pelouse centrale. Toujours un immense plaisir de rencontrer au débotté ce grand penseur d’espaces- tiers- paysages, débordant d’énergie, de créativité, et d’humanité !
Je m’assois sur un banc de bois adossé à la grande berne est, dans un espace visuel embrassant la partie du demi-cercle « historique » de cette architecture utopique. Il me faut prendre le temps de réinvestir ce lieu gigantesque, aux étranges motifs architecturaux néo-classiques, les formes de fausses concrétions salines dégoulinant des murs colossaux, entre grotte et fabrique archaïque. L’espace acoustique de la Saline est toujours magnifique, avec ses micros échos et réverbérations, dus a la disposition des bâtiments se faisant face en arc-de-cercle. L’autre extension paysagère récente, fermant le grand cercle initialement prévu par Claude-Nicolas Ledoux, me reste à découvrir au-delà du mur d’enceinte. Une semaine à venir pour me replonger avec délectation, dans et hors-les-murs, et surtout vagabonder oreilles tendues et micros en main vers et la Loue voisine. Ne doutons pas qu’elle aussi déborde littéralement d’activité fluante.
A suivre…
