Paysages incertains

Nocturne – Nicolas de Staël – 1950 –

Que faut-il dire, encore, du paysage ?
Que faut-il en entendre ?
En toucher, en sentir, en goûter, en voir, en vivre ?
Saisir l’insaisissable…
L’oreille y est aguerrie, parfois…
Le fugace et le fragile, qui peuvent aller de paire, pas toujours pour les mêmes raisons.
Saisir ce qui peut-être décelé que lorsque nous sommes présents, au bon endroit, au bon moment, une affaire de kairos auraient dit les grecs de jadis.
Saisir ce qui peut être partagé, si le geste est collectif, dans son intention commune.
A quoi porter, ou prêter attention ?
Faire attention à… mais à quoi ?
« Votre âme est un paysage choisi « disait joliment Verlaine.
En notre âme et conscience, le choisir, le paysage, comme lieu d’émerveillements, de confidences, de craintes et aussi d’angoisses…
Ainsi au fil de l’eau.
Par monts et par vaux.
Dans et par delà la ville.
Prendre le pouls de nos habitats potentiels.
S’y sentir bien, comme un chez soi
Ou oppressé dans un milieu hostile.
Le paysage est un point de vue, parfois de fuite.
Un point d’ouïe par translation sensorielle.
Il nous convie à une expérience esthétique, au sens large du terme, pouvant être à la limite du supportable, du soutenable, esthétique de la fragilité.
A quels paysages se fier ?
A ceux que nous fabriquons sans doute, déconstruisons souvent, dénaturons aussi.
Dans les meilleurs et les pires des cas.
Chassez le naturel, il revient au galop, quand nous serons partis sans doute.
Le paysage ne prend pleinement consistance que dans une corporalité de terrain.
Pas toujours une partie de plaisir.
Le traverser, en être traversé, transformé, chamboulé.
En jouir ou en pâtir.
Le détruire, même inconsciemment, ou tenter de le reconstruire, le restaurer dit-on, quand il n’est pas trop tard.
Mais prenons-le comme une vaste maison, qui nous accueillerait dans toute sa magnanimité. Sans rancune aucune.
Avec toutes ses choses encore inouïes.
Celles qui donnent envie de danser, envers et contre tout.
Une immense ronde valsant du corps et de la voix, comme un geste résistant à la noirceur du monde.
Il nous faudra garder une belle part de rêve pour danser sur des cendres.
Paysages mouvants, incertains, qu’en dire en corps et qu’en ouïr ?