Point d’ouïe, narration sous forme de tentative d’épuisement

Assis sur un banc de pierre, tout près de chez moi.

Une petite ville provinciale.

Quartier came, tous les commerces sont fermés à cette heure.

21 heure milieu octobre

Nuit tombée.

Température douce .

Un ruisseau se fait entendre

encastré dans une faille minérale assez profonde

il se tait en traversant la place en sous-terrain

et resurgit à l’air libre quelques mètres plus loin

Il gronde depuis quelques mois sous l’effet des pluies répétitives et abondantes

de jeunes cyclistes passent en trombe

ils devisent joyeusement

un voisin claque ses volets métalliques

des voix de passantes traversent le parc tout proche

quelques voitures ronronnent

elles freinent à l’approche d’un ralentisseur marquant une zone 30

parfois claquent violemment les bas de calandre sur la chaussée

un chien au loin, solitaire

un autre, plus proche, en écho

des chouettes dans un bois voisin

un autre volet se ferme, de bois celui-ci

un tracteur agricole dont la remorque vide ferraille à tout va, déboule sans prévenir

un instant de calme, presque de silence

si ce n’est le ruisseau, intarissable

une cloche égraine joliment une sonnerie horaire

des camions ralentissent pour contourner un petit rond-point

un train klaxonne au sortir d’un tunnel

un écho collinaire s’en suit

à nouveau un oasis de calme

les vélos reviennent, crissements de pneus, chocs lors du retour au sol de leurs roues avant, après de virtuoses acrobaties sur une roue

à nouveau des voix, une famille se promène avec de jeunes enfants

la chouette réitère, à intervalles réguliers, ses hululements noctambules

il y en a sans doute plusieurs

des corneilles craillent rauque, j’aime beaucoup ce verbe enroué

un autre train ferraille, et toujours des échos

et encore le ruisseau, comme un fil bleu constant, égouttant le paysage

la température fraichit

les sons se raréfient

l’espace s’engloutit dans une tranquillité nostalgique

je ferme les écoutilles

et rentre chez moi.

Texte inspiré de « Tentative d’épuisement d’un lieu parisien » Georges Pérec

Tentative de mode d’emploi d’épuisements d’espaces

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Un auteur
Trois livres
Une généreuse source d’inspiration(s)

Georges Pérec est pour moi une véritable mine d’or pour inspirer et stimuler des projets. Une œuvre vers laquelle je reviens régulièrement, comme vers un ressourcement généreux.

Espèces d’espaces
Envisager une multitude d’espaces différents, entremêles, inhabitables, superposés, juxtaposés, du plus intime au plus vertigineux, nous offrant un champ d’action, de voyage, quasi infini.

La Vie mode d’emploi
Quatre vingt dix-neuf récits de vie en mode puzzle. Des interactivités spatio-socio-temporelles tissent une histoire sociale ramifiée, architecturale, vivifiante et inépuisable.

Tentative d’épuisement d’un lieu parisien
L’observation obstinée, itérative, d’un lieu a priori trivial et banal, construit un champ narratif qui fait de la vie quotidienne une ressource foisonnante. Question de point de vue.

Si je transpose ces réflexions et expériences dans l’objectif d’écouter tout autour de moi, de mieux entendre et de mieux m’entendre, de comprendre un peu plus finement l’écoute, les postures et les motivations de l’écoutant, s’ouvrent à moi un champ d’action on ne peut plus dynamique.

Comme je dis et redis très souvent à des étudiants, lisez et relisez Georges Pérec, il élargira vos façons de voir, d’entendre et de comprendre et sans doute d’envisager les choses.