Sons de la rue, sons à la rue

« Paroles de mur » Deuxième groupe d’intervention – 2002

Trans-Express, Oposito, Décor sonore, Kumulus, Komplex Kapharnaum, le Théâtre de l’Unité, Délice Dada, Mécaniques vivantes, Les Cubiténistes, Ici-même, Agence Tartare, L’éléphant Vert, Stéphane Marin, Kristoff K’roll, Michel Moglia, Pierre Sauvageot,  les Grooms, Deuxième Groupe d’intervention, Metalovoice, Marie-Do Fréval


Sans doute, les habitués du macadam auront reconnu dans cette liste un brin inventaire à la Prévert, des artistes et troupes de ce que l’on nommait autrefois théâtre de rue, aujourd’hui arts de la rue et régulièrement arts en espace public.
Mais qu’ont donc en commun ces artistes, compagnies, aux styles très différents ?
Sans doute aurez-vous pensé que la chose sonore n’est pas étrangère à l’affaire, et vous avez parfaitement raison.
Paroles, musiques, créations sonores, mises en écoute, façons de faire sonner l’espace, de donner à entendre des histoires drôles, noires, intimes ou spectaculaires, les arts de la rue ont su trouver des formes de langages ad hoc, dans des lieux bien sonnants, et souvent bien sonnés.
Entre parades démesurées, interventions bruitistes post rock, fanfares déjantées, harangues foraines ou récits intimes, de proximité, beaucoup de spectacles ont réchauffé mes oreilles, de places en rues, et disons-le m’ont fait aimer plus que jamais le fait de jouer avec les lieux, hors-les murs, à l’air libre.
Il y aurait sans doute encore beaucoup à dire, et à faire, autour de la création sonore en espace public, même si, il y a quelques années déjà, un numéro spécial de Rue de la Folie s’y est penché, ainsi qu’Anne Gonon dans son essai « Tout ouïe ».
Des croisements entre des formes hybrides, déambulantes ou non, à voies nues, amplifiées, spatialisées,  des réflexions sur les façons de discourir, d’écrire par ou avec les sons, sur leur force émotive sans forcément la barrière scénique, l’héritage des sons de la rue, ou à la rue, est encore à creuser.
Lorsque Clément Janequin mettait en musique les cris de Paris, que Molière déplaçait ses tréteaux, et qu’ Oposito débaroule en Transhumance sauvage, à grands sons de tonneaux métalliques  frappés et roulés et de rock fiévreux, l’espace public devient un champ d’écoute et d’expérience sonore sans pareil.
On y installe des écoutes qui se frottent directement aux espaces de la ville, de la banlieue, et même des forêts profondes, et surtout aux territoires où se jouent parfois des sociabilités complexes. Le fait d’aller au contact des habitants, dont beaucoup n’oseront jamais franchir la porte d’un théâtre, est une richesse qu’ont su développer les arts de la rue, même s’il faut toujours lutter contre les tentatives d’instrumentalisation politique, et aujourd’hui les contraintes sécuritaires de plus en plus liberticides.
Porter et partager le son hors-les-murs, quelque soit le discours et les formes, reste une aventure passionnante, même régulièrement en silence en ce qui me concerne.

PAS – Parcours Audio Sensible, art(s) dans la rue ?

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Le titre, volontairement ambigu, pose la question du positionnement des pratiques auditives et déambulatoires, façon Desartsonnants, notamment face et dans l’espace public.

J’ai rencontré les arts de la rue, théâtre de rue à l ‘époque, arts en espace public aujourd’hui, il y a de nombreuses années, alors que celui-ci était tout jeune et en plein essor, à Chalon sur Saône, où je travaillais sur le paysage sonore, déjà.

J’ai été très vite surpris, conquis, parfois emballé par ces créations souvent impertinentes, inattendues, parfois tout feu tout flammes, parfois très intimistes.

J’ai croisé beaucoup de personnages remarquables, dont certains questionnaient la chose sonore, ou l’utilisaient avec beaucoup de talent et d’inventivité, ce qui n’a pas manqué de questionner, et parfois sans doute d’influencer mon regard, mon écoute, mes approches de l’espace public, et du ou des publics eux-même.

J’ai vu et vois encore évoluer ces pratiques artistiques au fil du temps, de l’installation de ces formes dans des réseaux de création, de l’évolution du public qui est devenu de plus en plus averti, des contraintes économiques, sécuritaires, et aujourd’hui sanitaires… Contraintes qui d’ailleurs ne semblent pas avoir pas bridé ni affaibli la vivacité de ce vivier d’expérimentations, qui a toujours su s’adapter, se renouveler et se ré-inventer, malgré des périodes pour le moins compliquées telle celle que nous vivons actuellement.

De fait, mes parcours sonores croisent ces pratiques artistiques, pour lesquelles vous l’aurez sans doute compris, j’ai beaucoup d’estime et d’admiration, sans toutefois rentrer vraiment dans cette grande famille.

On m’a dit à différentes reprises que mes parcours, lents et silencieux, étaient une forme de performance, dans le sens de performance artistique j’entends, liée à des partages d’expériences auriculaires dans l’espace public, mettant le corps plus que le dispositif au cœur d’immersion dans des paysages sonores en devenir. Ce que j’accepte bien volontiers, sans toutefois là encore me considérer comme entrant vraiment dans le champs de l’art performance.

Je reste sur des seuils, des lisières, des entre-deux, des interstices, ce qui n’est pas pour moi contre-productif, mais au contraire plutôt inspirant.

L’hybridation est pour ma part une façon de résister aux multiples contraintes, et à rester dans un état mouvant, façon de penser mes interventions à l’aune de multiples synergies et modes d’écritures que propose et contraint le terrain et ses aléas de tous genres.

Pour la petite histoire, ce texte à été écrit sur les marches d’une scène nationale voisine, et sur la première page d’un tout nouveau carnet de notes, objet presque sacré pour moi, qui symbolise une rentrée où le mot d’adaptation est plus que jamais d’actualité.