Jardins d’écoutes

Inuguration d’un point d’ouïe – Jardins du Prieuré de Vausse (21) Festival Ex-VoO – CRANE-lab

J’ai eu, et ai encore, la chance de visiter de l’oreille, de nombreux lieux, très riches et très diversifiés. Villes, quartiers, parcs et jardins, forêts, bords de mer, ports, rives d’une rivière, d’un fleuve, tourbières, villages, montagnes… se sont offerts à mes oreilles curieuses. Partout, j’éprouve un réel plaisir à découvrir ces espaces dans leurs fourmillements sonores sans cesse renouvelés, près ou lointains. Je ne cherche pas à leurs donner derechef des valeurs esthétiques, ni des jugements sur des qualités potentiellement inesthétiques. Je tente de laisser venir à moi, sans trop d’a priori, et sans rien en attendre préalablement, comme le dit Peter Szendy dans son approche de l’écoute, les ambiances, les sons, les sensations, les paysages sonores ainsi fabriqués… J’ai souvent embarqué avec moi, et le fait encore, des oreilles complices. Parfois, j’essaie d’en garder trace, de différentes manières, sachant que celle-ci restera très parcellaire, subjective, volatile, fugace, incertaine, usée d’une impermanence fluante et tenace. Les espaces écoutés sont pour moi comme des jardins en friche avec, à la façon de Gilles Clément, le moins d’emprise que possible, et la possibilité aventureuse de laisser les sons déployer des écoutes aventureuses. Il me faut cultiver, sans trop de main mise et d’enclosures, des espaces d’expériences de vie, poussées dans des terreaux sonores nourriciers pour l’écoute, comme des herbes folles et sonifères, qui vont et viennent, se transforment, s’hybrident, cohabitent, vivent et meurent au fil du temps. C’est une manière de croire encore à des lendemains pour le peu incertains, et qui, vraisemblablement, ne nous conduiront pas vers des situations que nous aurions pu souhaiter. Nous sommes loin, oreille tendue, des jardins paradisiaques, mais espérons que ceux-ci nous donnent à entendre la perspective de jours meilleurs, dans la mesure du possible.