Marcher droit, ou prendre les chemins de traverse

@photo CRANE-Lab – PAS -Parcours Audio Sensible nocturne – rencontres acousmatiques

Marcheur écoutant, j’essaie d’envisager le geste de mettre un pied devant l’autre de façon ouverte, indisciplinée, préservant une part d’incertitude féconde.
Les marcheurs et marcheuses, chercheurs et chercheuses, artistes de tout bord ont en effet, et parfois moi le premier, tendance à cadrer une forme de marche, une esthétique, une fonctionnalité, servant de balises à leurs objectifs.
Marche esthétique, artistique, touristique, sportive, militante, contestataire, en hommage, en résistance… toutes les marches sont dans la nature, mais en ville aussi. Marches solitaires, collectives, festives, silencieuses, les traversées paysagères, de jour comme de nuit, prennent de multiples formes, des plus discrètes aux plus tapageuses.
L’expérience d’une rencontre internationale que j’ai eu le plaisir de co-curaté, « Made of walking », à la Romieu, dans le Gers, pour laquelle près d’une centaine de marcheurs et marcheuses de tout crin se sont retrouvés, venant de pays très différents, m’a fait vivre de riches moments partagés. Les expériences in situ, échanges, pratiques artistiques, politiques, écologiques… ont contribué à me faire vivre, concrètement, physiquement, des façons de marcher d’une incroyable multiplicité, plasticité, et souvent d’une belle porosité, voire indisciplinarité, dans leurs approches et visées.
Pour autant, il n’est pas question de s’auto-proclamer spécialiste multitâche et omniscient, mais plutôt d’ouvrir des portes à des pratiques croisées qui puissent faire de la marche une problématique à une recherche-action de terrain.
Certes, l’écoute reste pour moi le moteur, le liant, le fil rouge de mes déambulations. Cependant, la marche a pris au fil du temps une certaine épaisseur, polyvalence, et m’offre aujourd’hui plus de chemins de traverse venant contrarier les lignes droites bien balisées. La marche autorisant des chemins de traverse, erratiques, où se perdre fait partie du jeu, où l’improviste et l’improvisation sont assumées, voire conviées, où l’hybridation de pratiques décloisonnées, pimentant l’aventure, nous fait oser de joyeuses incertitudes.